Vous êtes tous les bienvenus à notre séance d'aujourd'hui. Nous allons commencer l'examen du .
J'ai le plaisir d'accueillir un nouveau membre du Bloc Québécois, M. St- Cyr, qui remplace . Bienvenue parmi nous.
Je pense que nous devrions demander à notre greffier d'envoyer une lettre de remerciements à pour l'excellente contribution qu'elle a apportée au comité au cours des années. Je crois nécessaire de la faire, car elle a joué un rôle très important.
Des voix: Bravo!
Le président: Par conséquent, monsieur St-Cyr, nous attendons beaucoup de vous.
Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos deux groupes de témoins d'aujourd'hui.
Nos premiers témoins sont les représentants du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, M. Les Linklater, directeur général, Direction générale de l'immigration; Maia Welbourne, directrice des Politiques et programmes à l'intention des résidents temporaires, Direction générale de l'immigration et M. Eric Stevens.
Nous sommes heureux de vous accueillir pour le début de notre examen du . Merci d'être venus aujourd'hui.
Nous avons également une nouvelle analyste à la table. Il s'agit de Laura Barnett, de la Division du droit et du gouvernement qui nous aidera à étudier le .
Nous allons commencer immédiatement.
Je vais vous céder la parole pour que vous puissiez faire une déclaration préliminaire si vous le désirez.
:
Merci, monsieur le président.
[Français]
Je m'appelle Les Linklater et je suis le directeur général de la Direction générale de l'immigration à Citoyenneté et Immigration Canada, ou CIC. Je remercie le comité de m'avoir invité à lui parler aujourd'hui du projet de loi , la LIPR.
Lorsque la a témoigné devant le comité en novembre dernier, elle a indiqué que le gouvernement était résolu à améliorer ses programmes relatifs à l'immigration, incluant de nombreuses améliorations au programme concernant les travailleurs étrangers temporaires.
Toutefois, tout gain d'efficacité de ce genre doit s'accompagner d'une amélioration des mesures de contrôle et de la protection offerte aux travailleurs vulnérables, afin d'accroître le nombre de travailleurs étrangers temporaires qui entrent légalement au Canada.
[Traduction]
La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et son règlement d'application permettent aux agents de refuser de délivrer un permis de travail entre autres si le casier judiciaire ou l' état de santé du demandeur soulèvent des préoccupations. Le projet de loi irait encore plus loin en permettant aux agents d'empêcher l'entrée au pays de travailleurs étrangers temporaires éventuels qui risquent d'être soumis au Canada à de l'exploitation et à des abus.
II est bien connu que le Canada a toujours protégé les travailleurs étrangers temporaires de la même façon qu'il protège ses propres citoyens. Malheureusement, comme le comité n'est pas sans savoir, puisque certains d'entre eux maîtrisent mal les langues officielles, ils n'ont ni amis ni parents au Canada, ont peu d'argent, et même craignent les forces de l'ordre et le gouvernement, les travailleurs étrangers temporaires ont parfois besoin d'encore plus de protection que les travailleurs canadiens. Comme ils n'ont pas de réseaux de soutien au Canada, ils sont à la merci d'employeurs ou de courtiers en emploi sans scrupules. Le projet de loi fait partie d'une série de mesures que prend le gouvernement pour réduire ce risque d'exploitation.
Tout d'abord, le projet de loi modifie l'objectif défini à l'alinéa 3(1)h) de la LIPR, qui ne serait plus de protéger la santé des Canadiens et de garantir leur sécurité, mais plutôt de protéger la santé et la sécurité publiques, c'est-à-dire dire la santé et la sécurité de toute personne se trouvant légitimement au Canada, y compris à titre temporaire. L'obligation qu'a le gouvernement de protéger la santé et de garantir la sécurité devrait s'appliquer à toute personne qui est légalement en sol canadien, qu'il s'agisse d'un citoyen, d'un résident permanent ou d'un résident temporaire du Canada.
Le projet de loi prévoit ensuite qu'en vertu d'instructions publiées par la ministre, les agents d'immigration pourront refuser de délivrer un permis de travail à des étrangers qui y auraient droit, mais qui, selon les agents, risquent, une fois admis au Canada, de subir un traitement dégradant ou attentatoire à la dignité humaine, notamment d'être exploités sexuellement.
Vous remarquerez, monsieur le président, que je dis bien « les agents », parce qu'aux termes du projet de loi, tout refus par un agent d'immigration, en vertu d'instructions de la ministre, de délivrer un permis de travail devra être confirmé par un autre agent d'immigration. Cette disposition atténue le risque que les instructions de la ministre soient mises en application de façon inappropriée ou incorrecte.
Il est important de noter que le projet de loi même ne contient aucune instruction; il ne fait que donner à la ministre le pouvoir d'en publier. De telles instructions ne seront publiées qu'en présence de motifs sérieux et bien fondés de craindre pour la sécurité de certains demandeurs de permis de travail. Les personnes visées pourraient aussi bien être des danseurs exotiques que toute autre victime éventuelle de la traite des personnes; on n'a pas encore complété les études et l'analyse nécessaires pour étayer de telles instructions.
Chaque décision en vertu de toute instruction future serait prise par les agents d'immigration au cas par cas, et chaque demande de permis de travail serait évaluée individuellement.
[Français]
Les instructions devront être publiées dans la Gazette du Canada pour entrer en vigueur. La Gazette du Canada étant la référence en ce qui concerne le gouvernement fédéral, les médias, les avocats spécialistes de l'immigration et les autres parties intéressées prêtent attention à ce qui y est publié.
De plus, la ministre devra faire état dans son rapport annuel au Parlement de toute instruction publiée durant l'année. Ce degré de transparence est essentiel, compte tenu de la nature discrétionnaire du pouvoir.
[Traduction]
Monsieur le président, le comité sait que ce pouvoir discrétionnaire est semblable aux pouvoirs que prévoient les lois de l'Australie et du Royaume-Uni. Il ressemble aussi au pouvoir discrétionnaire positif que confère actuellement la LIPR à la ministre, lui permettant de lever une interdiction de territoire si l'intérêt public le justifie.
Le projet de loi est l'une des nombreuses mesures mises de l'avant par CIC, en collaboration avec Ressources humaines et Développement social Canada et Service Canada, afin d'améliorer le programme concernant les travailleurs étrangers temporaires tant pour les employeurs que pour les travailleurs étrangers et canadiens.
Dans la foulée d'une série de mesures administratives annoncées depuis novembre 2006, y compris l'amélioration des contacts avec les employeurs et la rationalisation des processus, le gouvernement a accordé dans le budget de 2007 de nouveaux fonds à CIC et à RHDSC pour leur permettre de traiter plus efficacement leurs volumes de demandes croissants, de combler les lacunes des programmes actuels, et d'établir un meilleur cadre de surveillance et d'assurance de la conformité pour le Programme concernant les travailleurs étrangers temporaires.
[Français]
Nous savons qu'il est nécessaire d'améliorer le programme pour veiller à ce que les employeurs respectent leurs engagements envers les travailleurs, et à ce que les travailleurs connaissent leurs droits et leurs responsabilités.
Les provinces et les territoires, qui sont responsables en grande partie de la surveillance des normes d'emploi et des questions de santé et de sécurité au travail, participent activement à la gestion de ce dossier.
[Traduction]
Les accords que le gouvernement du Canada a récemment signés avec l'Alberta et la Nouvelle-Écosse prévoient la négociation d'une annexe sur les travailleurs étrangers temporaires dans les mois à venir, y compris la reconnaissance du besoin de protéger les intérêts des travailleurs.
Nous nous efforçons également d'aider les travailleurs étrangers temporaires en Ontario en les informant des critères d'admissibilité pour l'assurance santé, les indemnités, les régimes de pension et les autres mesures de protection prévues par la Loi sur la santé et la sécurité au travail, la Loi sur les normes d'emploi et la Loi sur les relations de travail. Conjuguées à l'adoption du projet de loi , ces mesures et d'autres initiatives favoriseront la préservation de l'intégrité du programme d'immigration du Canada.
Citoyenneté et Immigration Canada continuera à se pencher sur la question de la protection des travailleurs vulnérables qui se trouvent temporairement au Canada, et coordonnera ses efforts avec ceux des nombreux autres ministères fédéraux qui s'intéressent à cette question.
Merci, monsieur le président.
Je répondrai avec plaisir à vos questions.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je voudrais d'abord placer les choses dans leur contexte. Nous devons en grande partie ce projet de loi à l'ancienne ministre, Judy Sgro, et à ce qu'on a appelé le « Strippergate », si vous voulez. En réalité, une ancienne stripteaseuse, qui avait épousé un Canadien, avait demandé un permis à la ministre afin de pouvoir rester au Canada pendant l'examen de son dossier. Voilà de quoi il s'agit. C'est arrivé parce que le ministère a refusé d'accorder ce permis. Il a pris des règlements et a fait retomber tout cela sur le dos de la ministre. La ministre a perdu son emploi. Personne au ministère n'a eu à en subir les conséquences.
D'autre part, je crois que M. Karygiannis a soulevé une question très importante. Je voudrais des chiffres précis et voir comment ils s'appliquent.
M. Jim Karygiannis: Cela représente 0,0006.
M. Andrew Telegdi: Je voudrais voir les chiffres. Quand nous parlons des travailleurs qualifiés que le gouvernement va laisser entrer au pays, nous voulons être certains qu'ils ne seront pas exploités. Je sais qu'il y a des problèmes du côté des travailleurs agricoles, par exemple. Mais voyons quelle est la réalité pour ce qui est du projet de loi. Quoi qu'il en soit, je voudrais voir ces statistiques.
Le secrétaire parlementaire parle d'un ensemble d'outils. En réalité, nos agents à l'étranger disposent de pouvoirs pratiquement illimités pour rejeter les demandes de visas.
Je voudrais citer un cas qui se rapporte à l'Île-du-Prince-Édouard, votre région, monsieur le président, et dont on a parlé dans les médias. Une des conserveries de poisson a demandé des travailleurs étrangers. Sa demande a été approuvée. Ces travailleurs devaient venir de Russie, mais l'agent d'immigration a refusé de leur accorder un visa. Je ne sais pas si cette usine a dû fermer ses portes ou non.
M. Jim Karygiannis: Quelle conserverie de poisson? Il n'y a pas de pêche.
M. Andrew Telegdi: J'aimerais obtenir une réponse à ma question.
D'autre part, le comité n'ignore pas que l'exploitation touche énormément les travailleurs sans papiers. Ces personnes sont vraiment vulnérables. La solution du gouvernement est d'essayer de les expulser alors qu'il y a des milliers de criminels que nous ne pouvons pas expulser comme nous devrions le faire parce qu'ils peuvent obtenir une audience devant la Section d'appel de l'immigration.
Je tiens à placer les choses dans leur contexte et à m'assurer que nous obtiendrons des statistiques.
En ce qui concerne les travailleurs vulnérables, nous avons des lois qui devraient tous les protéger. J'ignore si un agent d'immigration est capable de le faire ou non à partir de son poste à l'étranger. Je tiens à me montrer très prudent en ce qui concerne ce projet de loi. Nous ne pouvons pas régler cette question indépendamment du problème des travailleurs sans papiers. Si nous parlons d'exploitation, les travailleurs sans papiers qui sont des centaines de milliers au Canada, nous aident à bâtir notre économie. Il y a une énorme pénurie de main-d'oeuvre dans votre région du monde. Dans le nord du pays, à Sudbury, si vous voulez faire des travaux de construction, cela prend au moins deux ans. La situation est la même sur la côte ouest. Nous avons donc un énorme problème. Je ne vois pas en quoi cette mesure a la priorité sur cette situation. Quoi qu'il en soit, je voudrais qu'on nous présente des chiffres.
D'autre part, les agents d'immigration ont plein pouvoir pour refuser l'entrée au pays. Il est incroyablement difficile de faire appel de ces décisions. Je suis donc très inquiet à l'idée d'accorder davantage de pouvoirs arbitraires aux agents de première ligne. Je constate quotidiennement à mon bureau que nous ne pouvons pas faire approuver des demandes de visas légitimes parce qu'un agent à l'étranger a opposé son refus. J'estime que si vous êtes un citoyen canadien né ailleurs, un citoyen canadien naturalisé, on ne devrait pas vous empêcher de recevoir les membres de votre famille dans votre nouveau pays à cause des pouvoirs discrétionnaires que possèdent ces agents.
Je suis vraiment inquiet à l'idée de conférer davantage de pouvoirs pour permettre aux agents de refuser d'accorder des visas.
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Monsieur le président, je trouve très frustrant de parler aux fonctionnaires de l'Immigration. J'ai toujours l'impression que nous sommes dans deux camps opposés, ce qui ne devrait pas être le cas. Ce n'est pas de ma faute.
Premièrement, vous n'avez pas la capacité de faire ce que vous proposez, . Nous n'avons pas la capacité de faire des vérifications de sécurité dans les pays étrangers. Nous avons de longues listes d'attente. Nous n'avons pas la main-d'oeuvre voulue pour faire ce que vous suggérez.
Quand vous parlez de preuves objectives, ce n'en est pas vraiment, surtout dans le cas des pays du tiers monde. Ce sont de simples ragots. Nous constatons que bien des gens se voient refuser l'entrée au Canada parce qu'un voisin ou un parent jaloux a téléphoné à l'ambassade. Il ne s'agit pas de preuves objectives.
Dans l'ensemble, je considère que ce projet de loi confère seulement davantage de pouvoirs à la bureaucratie. Vous établissez le règlement d'application. Les règlements ne sont pas des lois du Parlement. Ils sont établis par les bureaucrates.
Désolée de fulminer ainsi. Quand vous dites que deux agents interviennent, souvent, les deux agents refusent d'accorder un visa de visiteur, soit celui qui signe le refus et celui qui l'approuve.
Nous n'avons pas consacré suffisamment d'argent à l'immigration. Dans les pays du tiers monde, nous faisons faire une bonne partie de notre travail par d'autres. Nous savons qu'ils ne travaillent pas exactement de la même façon que nous. Nous savons qu'en payant quelques roupies, vous pouvez passer devant les autres dans la file d'attente.
Nous n'avons pas le personnel voulu. C'est comme pour les médecins au Canada. Nous n'avons pas le personnel requis pour examiner toutes ces demandes de façon juste et impartiale.
Nous ne sommes pas vraiment dans deux camps opposés, même si j'en ai souvent l'impression. Vous n'avez pas les ressources nécessaires pour mettre en oeuvre cette mesure. Vous n'en avez tout simplement pas les moyens. Quelles ressources seront mises en place pour la mise en oeuvre de cette nouvelle loi? Nous ne nous inquiétons pas non plus de l'exploitation des Canadiens. Les Canadiens se font constamment exploiter.
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Bien. Merci, monsieur St-Cyr.
Vous savez, bien entendu, que nous avons une réunion demain matin à 10 heures.
Je voudrais maintenant demander à notre deuxième groupe de témoins de prendre place.
Je ne sais pas si tout le monde a eu l'occasion de prendre la documentation concernant le projet de loi. Elle se trouve sur la table. Elle contient d'excellents renseignements. Bien entendu, il y a aussi le travail que Mme Barnett a fait au sujet de cette mesure. Je suppose que vous l'avez.
Nous allons procéder à l'audition de notre deuxième groupe de témoins. Leslie Ann Jeffrey est professeure agrégée au Département d'histoire et de politique de l'Université du Nouveau-Brunswick, à Saint John. Elle est l'auteure de nombreuses publications sur le lien entre la traite des personnes et l'immigration.
Le Conseil canadien pour les réfugiés est représenté ici aujourd'hui par Francisco Rico-Martinez, son ancien président.
Le représentant du Canadian Centre for Abuse Awareness est M. John Muise. Mme Janet Dench est également ici.
Bienvenue.
Bien entendu, vous connaissez notre façon de procéder. Vous ferez une déclaration préliminaire, après quoi les membres du comité vous poseront des questions.
Qui va faire une déclaration? Avez-vous une déclaration à faire au comité? Veuillez procéder dans l'ordre que vous préférez.
Dans ce cas, nous allons commencer.
Madame Jeffrey.
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Je vous remercie de m'avoir invitée ici aujourd'hui.
Je suis professeure dans le domaine des relations et de la politique internationale et je m'intéresse particulièrement aux droits de la personne, aux problèmes sexospécifiques et à la traite des femmes.
Je tiens à vous dire aujourd'hui que ce projet de loi ne règle pas le problème de la traite des personnes. En fait, il va y contribuer. C'est un bon exemple du genre de mesures contre la traite qui font actuellement l'objet de vives critiques de la part de divers groupes un peu partout dans le monde. Il s'agit notamment de la Global Alliance Against Traffic in Women, de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies et du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Ce projet de loi limite les droits des femmes au lieu de les renforcer et crée donc des conditions propices à une augmentation de la traite.
La traite se distingue du trafic d'immigrants en ce sens que ceux qui la pratiquent gardent sous leur coupe les travailleurs migrants de façon à exploiter leur travail dans leur nouveau pays. Pour cette raison, cette forme de traite profite des obstacles à la migration des travailleurs et des mauvaises conditions de travail. Ce projet de loi renforce les obstacles sans s'attaquer aux conditions de travail abusives et il contribue donc au problème plutôt qu'à la solution.
Ce projet de loi risque d'avoir plusieurs répercussions. L'une d'elles est la discrimination à l'endroit des femmes. Cette loi va cibler directement les migrantes, et surtout celles qui vivent dans la pauvreté, ce qui va réduire leurs possibilités de migrer de façon sûre et légale ainsi que leur droit de migrer et de rechercher du travail à l'étranger. C'est en raison du préjugé à l'endroit des femmes en tant que migrantes indépendantes, des suppositions générales quant à la vulnérabilité des femmes et de l'opinion selon laquelle la danse exotique est une forme d'exploitation. Par conséquent, les agents d'immigration vont probablement viser les femmes avec cette loi.
Deuxièmement, cela augmente le risque de traite des femmes. En ciblant les femmes « pour leur bien », le projet de loi va forcer les migrantes pauvres qui cherchent à travailler au Canada, y compris comme danseuses exotiques, à chercher d'autres moyens plus précaires et plus dangereux d'entrer dans notre pays. Elles risquent notamment de se tourner vers des intermédiaires qui exigeront des gros paiements et profiteront d'elles dans leur milieu de travail.
Troisièmement, on ne s'attaque pas aux conditions de travail. Il est très problématique que le Canada décide de s'attaquer à l'exploitation des travailleurs migrants en cherchant à freiner leur migration légale au lieu d'améliorer leurs conditions de travail. La traite vise surtout les emplois précaires qui ne sont pas protégés par la législation du travail, une surveillance gouvernementale et des organisations syndicales. Dans le cas des danseuses exotiques, par exemple, leur exploitation résulte de l'incapacité à faire appliquer les lois qui régissent déjà le travail, la santé et la sécurité, du fait que les danseuses travaillent à contrat et que les employeurs comme les danseuses ne connaissent pas leurs droits et responsabilités en milieu de travail. Les travailleurs migrants connaissent très peu les lois et pratiques en vigueur au Canada dans le secteur de la danse exotique, ce qui les exposent à l'exploitation.
Quatrièmement, ce projet de loi ne tient peut-être pas compte des autres formes de travail forcé et de traite. Sa raison d'être — et par conséquent, ce sera probablement aussi le cas des instructions du ministre — reflète une préoccupation problématique à l'égard de l'industrie de la danse exotique sans tenir compte des problèmes très similaires existant dans d'autres secteurs qui peuvent et doivent être résolus. Le rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des migrants, Jorge Bustamante, a reçu de nombreuses plaintes au sujet du traitement des travailleurs migrants au Canada et a même demandé, je crois, à faire une visite officielle au Canada. Ce projet de loi ne tient pas compte du contexte plus large de l'exploitation des travailleurs migrants au Canada et ne fait rien pour y remédier.
Enfin, il existe des solutions plus efficaces pour lutter contre la traite, des solutions qui ne limitent pas les droits humains des migrants et qui répondent donc à nos obligations internationales telles qu'énoncées par le Haut Commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies au sujet des mesures contre la traite des personnes, à savoir qu'elles ne doivent pas nuire aux droits et à la dignité des migrants. D'autre part, le comité des droits de l'homme qui supervise la Convention internationale sur les droits civils et politiques dont notre pays est signataire, dit que ces mesures doivent être proportionnées et le moins intrusives possible.
Les mesures que le gouvernement pourrait prendre consistent d'abord à permettre aux travailleurs étrangers temporaires de changer d'employeur afin de pouvoir quitter un employeur qui les exploite sans avoir à partir du pays.
Deuxièmement, il faut exiger que les employeurs respectent certaines normes du travail et ne se contentent pas de démontrer qu'ils ont besoin de main d'oeuvre pour pouvoir engager des travailleurs migrants. Ces employeurs devraient être supervisés et, là encore, comme l'exige le Haut Commissaire aux droits de la personne, il faudrait que leurs contrats soient validés et que les lois du travail soient appliquées.
Troisièmement, vous devez veiller à soutenir les organisations de travailleurs qui peuvent surveiller si les travailleurs migrants sont exploités dans les lieux de travail, informer les travailleurs migrants de leurs droits et offrir des recours aux travailleurs exploités. Cela comprend, pour les danseuses exotiques, l'appui aux organisations de travailleuses de ce secteur, ce qui est particulièrement important pour les emplois très dépréciés.
Quatrièmement, il faut faire en sorte que les travailleurs migrants, y compris les danseuses exotiques, soient informés au sujet des lois, des règlements municipaux, des services juridiques et sociaux dans leur propre langue afin qu'ils sachent ce qu'il doivent faire si leurs droits sont violés ou menacés.
Enfin, il faut que le Canada signe la Convention internationale des Nations Unies sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille qui énonce les mesures à prendre pour protéger les travailleurs migrants contre l'exploitation dans le cadre des droits humains, comme le demande le Haut Commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies, Louise Arbour.
Merci.
Merci pour cette occasion de témoigner devant le Comité de l'immigration.
Je dirai d'abord que je suis retraité du Service de police de Toronto après 30 années de service. J'ai pris ma retraite l'année dernière et je suis le directeur de la Sécurité publique au Canadian Centre for Abuse Awareness. Cela fait près de deux ans que j'occupe ce poste plus ou moins à plein temps, mais avant cela, je l'ai occupé à titre bénévole pendant plusieurs années.
Je suis venu à Ottawa un certain nombre de fois pour témoigner au sujet de plusieurs projets de loi touchant la justice pénale, mais c'est la première fois que je comparais devant votre comité. Je vous remercie donc de votre invitation.
Depuis 1993, le Canadian Centre for Abuse Awareness, un organisme uniquement financé par des dons de charité, sensibilise le public au sujet du coût réel de la négligence en soutenant les victimes de la violence faite aux enfants. Le CCAA, qui a son siège à Newmarket, en Ontario, au nord de Toronto, est dirigé par un groupe dévoué d'employés et de bénévoles qui assurent un appui à 70 organismes partenaires. Nous avons un petit entrepôt et nous leur distribuons divers articles, entre autres activités. Que ce soit en concrétisant les rêves d'un enfant, en aidant les victimes de crime, en élaborant des programmes et en créant des ressources pour la prévention des mauvais traitements ou en revendiquant publiquement des modifications à la loi — c'est là mon rôle —, le CCAA s'est engagé à mettre un terme aux abus envers la personne.
En 2004, le CCAA a fait le tour de la province de l'Ontario où ses représentants ont parlé à 150 spécialistes de première ligne en justice pénale, à des victimes de crime, à des survivants de mauvais traitements et à d'autres personnes intéressées. Ces démarches ont débouché sur la publication d'un rapport baptisé le rapport Martin's Hope en témoignage à Martin Kruze. Certains d'entre vous connaissent ce nom. Il a été victime des agressions sexuelles commises contre des enfants au Maple Leaf Gardens. Dans une démarche courageuse, Martin a révélé publiquement les sévices dont il avait été victime, mais seulement quatre jours après la condamnation du coupable à deux ans de prison moins un jour — et c'est ce qui a été, je crois, le coup fatal — il s'est jeté du haut du viaduc de Danforth.
Ce rapport contient 60 recommandations dont 40 proposent au gouvernement fédéral des réformes législatives. Nous avons publié ce rapport en 2004 et nous poursuivons nos efforts en vue d'obtenir la mise en oeuvre de nos recommandations. Un grand nombre d'entre elles se rapportent à l'exploitation des enfants dans le commerce du sexe, le tourisme sexuel et d'autres questions de ce genre.
En ce qui concerne le projet de loi à l'étude aujourd'hui, il ne fait aucun doute que la traite des personnes constitue un grave problème dans le monde. La traite des femmes et des enfants est un problème mondial qui cause énormément de souffrances à des centaines de milliers de personnes et de familles. Les pays d'où proviennent ces personnes sont le plus souvent des pays du tiers monde ou en développement où règne la pauvreté, où la primauté du droit n'est qu'un rêve inaccessible et où la corruption est endémique. Ce trafic est décrit en détail dans un certain nombre de publications du gouvernement et des ONG qui s'entendent à reconnaître son existence.
Le Canada n'est pas considéré comme un pays d'origine, mais c'est un pays de destination et de transit pour les femmes et les enfants victimes de la traite des êtres humains. Ces victimes proviennent surtout de pays d'Asie et d'Europe de l'Est ainsi que de plusieurs autres régions du monde. Les victimes asiatiques arrivent souvent à Vancouver et dans l'ouest du Canada tandis que les victimes d'Europe de l'Est aboutissent à Toronto et dans d'autres centres urbains de l'est du pays.
Le fait que nous soyons un pays de destination ne devrait pas nous étonner. Compte tenu de nos débouchés économiques, de la primauté du droit, de la quasi-inexistence de la corruption au niveau du gouvernement et de l'absence de conflit et de violence au sein de la société — toute une abondance de bienfaits — faut-il s'étonner qu'autant d'immigrants veuillent venir chez nous dans l'espoir de partager la vie merveilleuse que nous avons ici au Canada? Quelles que soient les raisons ou les intentions de la personne qui arrive, elle espère que sa vie va s'améliorer et non pas le contraire.
Le commerce du sexe, tant légal qu'illégal, se porte bien au Canada, que ce soit dans les clubs de striptease ou de danse exotique, sur les trottoirs, dans les salons de massage, dans les sites Internet de pornographie infantile, dans les agences d'hôtesses, dans les bordels, dans les services de rencontres par téléphone ou par Internet ou dans les centres dits de relaxation, entre autres. Quiconque a feuilleté les dernières pages de n'importe quel quotidien indépendant comme NOW ou Eye Weekly, de Toronto, a vu ces annonces exposées au vu et au sus de tous qui insistent largement sur le groupe ethnique et l'âge. L'âge doit être jeune.
Ce commerce illégal du sexe n'a rien de bien secret. Page après page, des petites annonces offrent toutes sortes de services sexuels contre paiement et un grand nombre d'entre elles insistent sur le groupe ethnique de la jeune femme. Le commerce du sexe prospère au vu et au sus de tous et ce qui est offert est évident.
Nous ne croyons pas que les gens décident, un beau matin, en se réveillant qu'ils vont faire carrière dans le commerce du sexe. Les choix personnels mettent généralement quelqu'un sur cette voie — à moins qu'on ne se serve de faux prétextes ou de la force — mais c'est presque toujours le résultat de conditions de vie comme la pauvreté, les mauvais traitements et les autres circonstances sociales négatives auxquelles on cherche à échapper dans son propre pays ou à l'étranger. Même si certaines de ces personnes font ce choix volontairement, la majorité d'entre elles finissent par être victimes de violence affective et physique, d'une toxicomanie résultant de la consommation forcée de drogues et d'un vol de leurs revenus. Un bon nombre d'entre elles deviennent ainsi des esclaves sexuelles.
Telle est la situation dans laquelle se retrouve une Canadienne qui aboutit dans le commerce du sexe. La vulnérabilité d'une étrangère qui vient avec un visa temporaire est encore plus grande.
Si le CCAA soulève cette question ce n'est pas pour demander au comité d'éliminer le commerce du sexe. Cela n'arrivera jamais. Le commerce du sexe a toujours existé et existera toujours. Nous nous soucions des personnes vulnérables et à risque, des personnes que nous considérons — et nous croyons que la société partage de plus en plus ce point de vue — comme des victimes de crime. Soyez certains que les personnes qui offrent leurs services dans les dernières pages de ces quotidiens sont, comme bien d'autres, les victimes de crimes graves. Certaines sont les victimes de la traite des être humains.
Nous cherchons surtout à voir comment notre société peut le mieux réduire les risques pour les personnes qui sont vulnérables entre les mains de ces entrepreneurs et prédateurs sexuels. Nous pensons que des solutions sont possibles sur divers fronts, que ce soit la poursuite, la prévention ou l'éducation. Je parlerai brièvement de certaines de ces dimensions avant de conclure.
J'ai également entendu avec plaisir Mme Chow, M. Komarnicki, M. Carrier et M. Batters parler de certaines des mesures à prendre en même temps que cette loi ou après.
Comme vous le savez tous, l'amendement proposé dans le projet de loi et précédemment, dans le projet de loi , vise à protéger contre l'exploitation et les abus les étrangers vulnérables qui viennent travailler au Canada. Pour ce faire, un agent d'immigration ou un agent des visas pourra, avec l'accord d'un deuxième agent qui sera sans doute son supérieur, refuser à un étranger l'autorisation de travailler au Canada si cette personne « risque de subir un traitement dégradant ou attentatoire à la dignité humaine, notamment d'être exploité sexuellement ». C'est ce que dit le projet de loi. Les lignes directrices ou le règlement d'application devront être publiés dans la Gazette du Canada.
Nous savons que la politique actuelle du gouvernement interdit pratiquement l'entrée au pays à quiconque demande à travailler comme danseuse exotique. Nous saluons les efforts déployés sur ce front pour réduire l'exploitation sexuelle. Nous croyons que le projet de loi concrétise ces bonnes intentions politiques en clarifiant la loi. Autrement dit, ce sera écrit noir sur blanc et les instructions prévues pourront être modifiées, selon les besoins, et publiées dans la Gazette du Canada que tous les citoyens pourront lire chaque semaine. Nous estimons qu'il s'agit là dune approche ouverte et transparente et nous l'appuyons.
Je sais que certains d'entre vous se sont demandé pourquoi cette mesure est nécessaire si, en pratique, la politique du gouvernement ferme déjà la porte aux personnes qui cherchent à entrer comme danseuses exotiques. Tout comme la porte a récemment été fermée aux danseuses exotiques, les gouvernements futurs pourraient la rouvrir. Grâce à cette loi, si un gouvernement cherchait à le faire, nous en serions informés en voyant la nouvelle politique publiée dans la Gazette du Canada.
De plus, en raison du libellé de la modification habilitante que prévoit le projet de loi , il serait difficile de le faire de façon radicale. À notre avis, c'est une bonne façon de mener les opérations gouvernementales tout en améliorant la sécurité publique et la prévention de la criminalité.
Nous appuyons l'amendement proposé, mais nous croyons nécessaire de souligner la nécessité de s'attaquer au problème de la traite des personnes sur un certain nombre de fronts. Certains d'entre vous ont participé aux travaux du Comité de la condition féminine concernant le trafic des personnes ou vous en avez certainement entendu parler. Des circonstances indépendantes de notre volonté nous ont empêchés d'y participer, mais nous avons préparé un certain nombre de recommandations en vue d'une réforme législative et politique visant le commerce du sexe. Nous les avons incluses dans notre rapport intitulé Martin's Hope. Vous les trouverez également dans notre site Web à l'adresse www.ccfaa.com. Je remettrai cela tout à l'heure au greffier.
Quoi qu'il en soit, si nous voulons protéger les personnes les plus vulnérables, il faut qu'en poursuivant ce travail essentiel, vous accordiez davantage d'attention à ces questions prioritaires, en plus du projet de loi. Les trois choses qui requièrent beaucoup d'attention, selon nous, sont notamment la nécessité de travailler avec toutes les provinces pour favoriser l'adoption de lois provinciales permettant d'intervenir pour sauver les enfants victimes du commerce du sexe et prévoyant de meilleurs mécanismes d'octroi de permis pour permettre d'entrer sans condition dans les établissements et de les fermer, de saisir les biens des prédateurs sexuels et de les poursuivre. Ce sont les établissements où nous trouverons certaines des personnes victimes du commerce sexuel. Certains d'entre eux figurent ici dans ce magazine.
Nous devrions travailler de concert avec les provinces afin de fournir aux autorités policières locales et provinciales les ressources voulues pour créer des unités spécialisées dans la lutte contre le trafic des personnes et des autres formes d'exploitation sexuelle. Nous applaudissons la première étape de la création d'une unité de coordination nationale et le soutien accordé aux victimes de la traite des personnes, y compris la prolongation des visas de travail et la protection des victimes qui dénoncent ces abus.
En réalité, pour nous attaquer à ce problème de façon systématique et pas seulement par hasard comme c'est le cas actuellement pour la plupart de ces enquêtes, nous avons besoin de policiers sur le terrain aux niveaux local et provincial. Des organismes comme la Police provinciale de l'Ontario et le Service de police de Toronto doivent pouvoir se charger de ces opérations.
Il s'agit enfin d'assurer la formation des agents d'immigration — je sais que Mme Chow y a fait allusion — pour qu'ils reconnaissent mieux les personnes qui risquent le plus de se retrouver sur le marché de la prostitution et leur refusent l'entrée si le risque est élevé. De plus, nous devrions faire en sorte que le gouvernement dispose de suffisamment de personnel pour faire des enquêtes de suivi au Canada lorsque certains travailleurs temporaires risquent davantage d'être victimes d'exploitation sexuelle. Ce sont là certaines des choses dont M. Carrier, M. Batters et M. Komarnicki ont parlé.
Le comité songera peut-être à demander au groupe de travail interministériel d'examiner ces trois recommandations et d'y donner suite.
Enfin, nous tenons à remercier le comité de nous avons donné l'occasion d'intervenir dans ce dossier très important pour la sécurité du public. Si le CCAA peut faire quoi que ce soit à propos du dossier de la traite des personnes ou des questions que je viens de soulever, nous sommes prêts à l'aider.
Merci beaucoup.
Je vais partager le temps qui nous est alloué avec mon collègue M. Rico-Martinez.
Le Conseil canadien pour les réfugiés est un organisme de regroupement qui compte à peu près 170 organismes membres dans tout le Canada. Cette année, nous fêtons 30 années de travail au service des réfugiés et des immigrants. Notre mission est axée sur la protection des réfugiés au Canada et dans le monde, et sur l'établissement des réfugiés et des immigrants au Canada. Nous avons des activités dans de nombreux domaines et nous avons eu le privilège, par le passé, de témoigner devant ce comité au sujet de plusieurs de ces enjeux.
En ce qui concerne notre intérêt pour la question de la traite des personnes, ce sujet a préoccupé nos membres depuis plusieurs années. Avec l'appui du gouvernement fédéral, nous avons organisé une série de consultations aux plans local et national en 2003, dans le but de promouvoir la sensibilisation et d'élaborer des recommandations. Ces consultations nous ont permis d'identifier deux priorités: d'abord, une sensibilisation accrue à la réalité de la traite au Canada et, deuxièmement, le besoin de mesures de protection pour ses victimes.
Depuis ce temps, nous poursuivons notre travail sur les questions relatives à la traite, sous la coordination d'un sous-comité du CCR qui regroupe des représentants de plusieurs villes au Canada, afin de promouvoir le réseautage des militants anti-traite partout au pays.
[Traduction]
Pour ce qui est de notre opinion à l'égard du , quand sa version précédente, le projet de loi , a été déposée, nous avons émis un communiqué que vous avez dû recevoir.
Nous nous opposons au projet de loi . Non seulement il ne protège pas les droits des victimes de la traite des personnes qui sont déjà au Canada, mais son approche est condescendante et moraliste. Il donne aux agents des visas le pouvoir de décider quelles sont les femmes qui doivent être tenues à l'écart de notre pays dans leur propre intérêt.
Nous jugeons le projet de loi C-17 problématique à plusieurs égards. Premièrement, le projet de loi n'aborde pas Ie problème fondamental de I'existence au Canada d'emplois qui exposent les travailleurs à « un traitement dégradant ou attentatoire à la dignité humaine ». Les permis de travail ne peuvent être émis par les agents des visas qu'après la validation de I'offre d'emploi par Ressources humaines et Développement social Canada. Pourquoi de tels postes sont-ils offerts au Canada s'ils sont dégradants pour les employés?
Deuxièmement, seuls quelques permis de travail ont été délivrés à des danseuses exotiques ces dernières années. Le temps parlementaire serait plus profitable s'il était consacré à s'attaquer au problème plus large de I'exploitation des non-citoyens au Canada.
Troisièmement, le projet de loi propose d'aborder Ie problème de I'exploitation en excluant les gens, pour la plupart des femmes, du Canada. II est humiliant pour les femmes qu'un agent des visas décide si elles devraient être exclues du Canada pour leur propre protection.
Le projet de loi n'aborde pas non plus la situation des non-citoyens les plus vulnérables : ceux qui n'ont aucun permis de travail valide. En fait, en refusant des permis de travail, on risque d'exposer des femmes à une plus grande vulnérabilité en les confinant à la clandestinité.
L'accent mis par Ie gouvernement sur les stripteaseuses trahit une approche moralisatrice. Plutôt que de porter un jugement moral, Ie gouvernement devrait s'efforcer de s'assurer que les droits des non-citoyens sont protégés et qu'ils peuvent faire en toute liberté des choix éclairés pour leur propre bien.
Nous disons également que si l'on soupçonne un cas de traite de personne, on ne peut pas simplement refuser un permis de travail à une femme sans la référer aux institutions ou aux autorités locales compétentes pour qu'elles assurent sa protection et poursuivent les criminels impliqués. Cela va clairement à l'encontre des obligations internationales que nous confère le protocole des Nations Unies.
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Étant donné que nous nous opposons à ce projet de loi, nous avons formulé une proposition dont vous avez le texte.
Comme nous l'avons déjà mentionné, une de nos priorités est d'assurer la protection des victimes de ce trafic qui sont au Canada. C'est ce que nous préconisons depuis de très nombreuses années. En 2006, les directives mises en place par le ministre, M. Solberg, pour les permis de résidence temporaire nous ont semblé être un pas dans la bonne direction. Néanmoins, après avoir surveillé leur application de ces lignes directrices, nous sommes convaincus que ces directives ne suffisent pas à protéger les victimes de la traite des personnes.
Nous jugeons nécessaire de modifier la loi afin de mettre en place une politique claire et permanente pour protéger les victimes de la traite des personnes. Étant donné que la loi prévoit des mesures pour poursuivre les trafiquants, il est normal qu'elle comporte également des mesures pour protéger les victimes. Les directives n'ont qu'une portée limitée. Nous le savons. Elles n'ont pas force de loi et peuvent être modifiées aussi facilement qu'elles sont adoptées, comme nous le savons également.
Nous avons jugé utile d'élaborer une proposition complète énonçant les dispositions que nous croyons nécessaires. Nous vous la présentons et nous allons en lire les principaux éléments.
Le principal objectif de la Loi contre la traite des personnes doit être de protéger les droits des victimes de la traite. Ce projet de loi ne le fait pas.
Le Canada devrait adopter la définition de la traite des personnes qui figure dans le protocole des Nations Unies. Ce projet de loi ne le fait pas.
Une protection doit être offerte sans condition aux victimes de la traite. Ce projet de loi ne le fait pas.
Il faut offrir une protection temporaire immédiate si l'on a des raisons de croire qu'une personne est victime de la traite. Ce projet de loi ne le fait pas.
La résidence permanente peut être accordée dans certains cas une fois que la victime a eu le temps de prendre une décision dans son propre intérêt. Ce projet de loi ne le permet pas.
Nous devons supprimer du règlement d'application la disposition qui fait du risque de traite un facteur de détention, y compris pour les enfants. Les victimes de la traite des personnes devraient être considérées comme les victimes d'un crime et non pas comme des criminels.
Je vais conclure sur quelques observations supplémentaires. Ce projet de loi requiert une analyse sexospécifique. Les trafiquants exploitent la vulnérabilité des gens et, en général, les femmes et les enfants ont tendance à être plus vulnérables que les hommes dans ce domaine. La traite des personnes enlève à ses victimes tout contrôle sur leur vie. Il est donc extrêmement important d'aborder le problème de façon à redonner à ces personnes le plein contrôle sur leur vie. Le projet de loi fait exactement le contraire en éliminant des options au lieu de conférer davantage de pouvoir.
En Europe de l'Est, il y a quelques années, pour faire face au problème du trafic des femmes, les autorités frontalières ont refusé l'admission des femmes qui essayaient de traverser la frontière. Cela a peut-être rendu ce trafic plus difficile, mais en entraînant une discrimination à l'endroit des femmes qui essayaient simplement de traverser la frontière pour vaquer à leurs occupations.
Pour ce qui est des enfants, ce projet de loi les a entièrement laissés tomber. Les enfants comptent parmi les victimes de la traite de personnes. Le projet de loi ne les protège pas, car il mentionne seulement les travailleurs temporaires, ce qui signifie les personnes âgées de plus de 18 ans et non pas les enfants.
Les personnes qui sont illégalement au Canada sont également parmi les victimes d'exploitation. Le projet de loi ne les protège pas, car elles sont déjà au Canada.
Nous vous invitons à étudier notre proposition et à faire le nécessaire pour que les principes qui y sont énoncés soient adoptés. Merci beaucoup.
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Je regrette que vous n'ayez pas comparu en premier. Nous aurions pu nous passer des autres témoins, car vous avez abordé des sujets très intéressants.
M. Muise a parlé de l'exploitation sexuelle des enfants. Je ne vois pas quel est le rapport avec l'immigration ou même ce projet de loi.
Janet, j'ai été extrêmement impressionnée par ce que vous avez dit. Ce projet de loi ne s'attaque pas à l'exploitation. Il impose des restrictions de plus en plus importantes, selon le bon vouloir de la bureaucratie. Nous parlons des gens qui se font exploiter au Canada, mais que faisons-nous? Nous les récompensons en les expulsant ou en leur enlevant leur permis de travail.
Il y a actuellement au Canada un certain nombre de gens qui sont exploités parce qu'ils doivent travailler dans la clandestinité. Non seulement ils sont exploités, mais ils exploitent le système. Ils ne paient pas d'impôts, mais ils n'ont pas droit aux mêmes avantages que les Canadiens. Je trouve que c'est regrettable.
Quand vous parlez de la traite des personnes, je ne sais exactement ce que vous entendez par là. Cette traite ne se fait pas par des moyens légaux, n'est-ce pas? Les trafiquants font entrer les gens clandestinement. Je ne vois pas comment vous pouvez obtenir un permis de travail à la frontière.
Monsieur Muise, je ne comprends pas le rapport entre l'immigration et l'exploitation sexuelle ou la traite des enfants. Je ne comprends tout simplement pas.
J'aimerais donc que nous disposions de plus de temps.
Peut-être que quelqu'un pourra répondre à certaines de ces questions.
Je crois que le Conseil canadien pour les réfugiés voulait répondre à ce qu'a dit le secrétaire parlementaire, mais qu'il n'en a jamais eu l'occasion.
Madame Jeffrey, j'ai beaucoup apprécié votre contribution et celle aussi du Conseil canadien.
Ces dernières semaines, on a pu lire un article à ce sujet dans les journaux et peut-être pourriez-vous nous éclairer. Je me suis demandé où le retrouver, car j'aimerais beaucoup suivre cette affaire. Il s'agissait d'un cas de personnes d'origine russe qui ont été victimes de ce trafic à Toronto, qui se sont plaintes à la police, ce qui a permis un coup de filet.
Je pense que si l'on veut mettre un terme aux activités de ces trafiquants, il faut faire savoir aux gens que s'ils les dénoncent, ils bénéficieront d'une amnistie.
Je vais citer très rapidement l'exemple d'une personne qui travaillait illégalement et qui a été victime d'une agression sexuelle. Elle a téléphoné à la police. Elle avait l'air très jeune et la police a arrêté le pédophile. Les services d'immigration ont ensuite voulu expulser la victime parce qu'elle était en situation irrégulière au Canada.
J'ai quelque chose de gentil à dire à propos de M. MacKay et de , car je leur ai demandé d'intervenir. Nous avons fait arrêter la procédure d'expulsion de cette femme en moins de 24 heures. Depuis elle a obtenu la résidence permanente.
Comme je le leur ai dit, ils faut se demander si l'on veut vraiment faire savoir à tous ces immigrants illégaux que s'ils parlent et s'ils envoient quelqu'un derrière les barreaux, nous allons les expulser parce qu'ils n'ont pas de visa. Ces deux collègues ont réussi à obtenir un permis pour cette femme qui a pu rester au Canada. Voilà le genre de messages que nous devrions envoyer.
John, je pense que vous seriez également d'accord. Ce sont des mesures très réalistes à prendre si nous voulons mettre un terme à cette situation.
Ce qui m'ennuie vraiment à propos de ce projet de loi, c'est qu'il confère aux bureaucrates davantage de pouvoir pour opposer un refus et qu'ils vont obtenir davantage d'argent pour le faire. Du point de vue politique — et je m'attends à ce que ce soit abordé aux prochaines élections — nous aurons adopté une loi pour empêcher les stripteaseuses de venir au Canada.
Ces deux dimensions, l'une politique et l'autre bureaucratique, s'accordent pour donner une mauvaise loi. Nous n'allons pas pouvoir résoudre ce problème. Nous n'adopterons jamais ce genre de loi.
En attendant, des Canadiens de deuxième génération nés à l'étranger perdent leur citoyenneté pendant que nous tardons à adopter une nouvelle loi. Le gouvernement a dit que c'était une priorité, mais rien ne bouge. Nous nous lançons sur une fausse piste avec une loi qui ne nous mènera absolument nulle part, si ce n'est que le gouvernement adorerait pouvoir dire qu'il a éliminé le problème. Cela n'aidera personne.
John, étant donné que vous semblez approuver cette mesure, cette dépense de 50 millions de dollars, ne pensez-vous pas qu'il vaudrait mieux dépenser cet argent pour éduquer les gens, enquêter sur ce trafic, étant donné que les Canadiens en sont également victimes?
Je vais vous demander de répondre très rapidement tous les trois.