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Je me présente: Roslyn Kunin, de la Canada West Foundation. Je vais vous parler des travailleurs temporaires et sans papiers. Mes collègues ici présents pourront traiter à fond des autres sujets.
Je voudrais expliquer aux membres du comité pour quelles raisons le problème des travailleurs temporaires et sans papiers se pose avec une acuité jamais vue au Canada, d'aussi loin que puissent se souvenir tous ceux qui sont ici présents. C'est que, surtout dans l'Ouest, nous affrontons des turbulences sans exemple à cause d'une demande extrêmement forte de travailleurs. Notre économie est très vigoureuse et elle a besoin d'énormément de main-d'oeuvre à tous les niveaux, depuis celui des débutants qui lavent la vaisselle jusqu'aux grands spécialistes dans le domaine de la santé, en passant par tous les métiers et domaines techniques. Il existe donc une très forte demande, surtout dans l'Ouest, c'est-à-dire du Manitoba jusqu'à la Colombie-Britannique, car les quatre provinces connaissent une vraie expansion économique.
Deuxièmement, au moment où se manifeste cette très forte demande de main-d'oeuvre, une tendance démographique commence à se manifester, une tendance que nous voyions tous venir. La majorité des travailleurs au Canada, à l'heure actuelle, sont issus du baby-boom. Ils sont nés entre 1945 et 1965. Ils atteignent donc l'âge de la retraite et quittent la population active. Il nous faut donc du monde pour satisfaire une économie en expansion, et nous avons désespérément besoin de travailleurs pour remplacer ceux qui partent à la retraite. La demande de main-d'oeuvre est donc extrêmement forte.
Nous en sommes au point... Comme économiste, c'est une chose que je n'ai jamais vue et que je ne m'attendais jamais à voir. Il arrive que des entreprises ne puissent pas fonctionner parce qu'elles ne peuvent pas obtenir de capitaux, parce qu'elles ne trouvent pas de clientèle, parce que les prix de leurs produits ne sont pas assez élevés pour qu'il soit possible de dégager un bénéfice. Aujourd'hui, pour la première fois, des entreprises qui satisfont à toutes ces conditions ne peuvent mener leurs activités faute d'avoir assez de main-d'oeuvre. Voilà pourquoi il y a une demande sans précédent de travailleurs temporaires et il commence à y avoir un problème de travailleurs sans papiers, et voilà pourquoi il nous faut le système le plus souple possible pour répondre aux besoins en main-d'oeuvre.
Il y a eu un autre changement que je veux signaler avant la fin de mes sept minutes, et il a porté sur la nature du travail. La conception du travail qui a été inculquée à la plupart d'entre nous — on grandit, on entre sur le marché du travail, on trouve un emploi et on le garde pendant des années, voire pendant toute sa carrière — est disparue depuis longtemps. Maintenant, dans beaucoup de secteurs en expansion, comme la construction, le tourisme, la technologie et bien d'autres champs d'activité, les emplois sont temporaires. Il nous faut de la main-d'oeuvre, mais nous devons donner à tous les travailleurs, y compris aux travailleurs temporaires, etc. une latitude suffisante pour pouvoir leur dire: « Nous avons besoin de vous à cause du travail que vous pouvez faire, pas seulement pour combler un poste. » Si nous avons des travailleurs temporaires, nous devrions leur dire: « Vous pouvez rester tant qu'il y a du travail pour vous au Canada et pas seulement pendant la période où votre employeur de départ a besoin de vous. » Si cet employeur n'a plus besoin de telle personne, bien d'autres employeurs ont du travail pour elle.
Voilà les principaux points que je voulais faire ressortir, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Je voudrais parler d'abord des pénuries de main-d'oeuvre, puis des travailleurs temporaires étrangers et enfin, très brièvement, des sans-papiers.
Il faut considérer ce qui constitue une pénurie de main-d'oeuvre. Comme Roslyn vient de le signaler, il est certain qu'il y a des pénuries dans le secteur de la construction. C'est très visible en Colombie-Britannique et dans d'autres régions. Certains estiment que les programmes de travailleurs étrangers temporaires sont le meilleur moyen de combler les pénuries. Pour certains, cette solution est préférable à l'apport de résidents permanents dont on n'aura peut-être pas toujours besoin. Dans un secteur cyclique comme celui de la construction, nous n'en aurons peut-être plus besoin dans cinq ou dix ans. Il faut voir aussi dans quelle mesure nous pouvons exploiter les ressources des gens qui sont déjà au Canada.
D'abord, un mot des programmes de travailleurs étrangers temporaires. Selon Alan Green, expert très en vue de l'immigration et des marchés du travail à Queen's, lorsque, dans les années 1960, nous avons commencé à choisir les immigrants en fonction de leurs compétences et non de leur origine, nous n'avions pas les services de formation nécessaires pour pouvoir combler toutes nos pénuries en main-d'oeuvre spécialisée. Selon M. Green, nous avons aujourd'hui ces services, bien qu'il puisse y avoir des pénuries provisoires, le temps que les forces normales du marché puissent les combler.
D'autres ont tiré la même conclusion. Deux chercheurs de Ressources humaines et Développement Canada ont constaté qu'il n'y avait pas de raison de croire que, globalement, le Canada était aux prises avec une pénurie très étendue en main-d'oeuvre spécialisée et que la population active ne pouvait pas répondre aux besoins de l'économie. Les chercheurs ont remarqué que, même si les pénuries précises dans certains secteurs ou certaines professions étaient plus fréquentes depuis quelques années, il ne semblait pas qu'elles fussent plus courantes aujourd'hui que par le passé ou à des étapes semblables du cycle économique.
Sur ce point, nos opinions, à Roslyn et à moi, divergent un peu.
L'un des faits à considérer, à mon avis, est que les employeurs veulent naturellement combler leurs pénuries de main-d'oeuvre le plus vite et au meilleur compte possible, quitte à faire venir des travailleurs de l'étranger. Il faut toutefois considérer l'impact de cette solution sur les travailleurs et contribuables canadiens, et sur l'économie en général. En matière de productivité, par exemple, les pénuries de main-d'oeuvre peuvent faire augmenter les salaires, ce qui entraîne un investissement accru dans les ressources humaines: éducation, formation et relèvement de la productivité.
On peut assez bien démontrer qu'une des causes du retard dans la croissance de la productivité au Canada, par rapport à celle des États-Unis et d'autres pays, ces dernières années, est que nous avons eu l'apport d'immigration par habitant le plus élevé au monde. Sur ce point, une étude de Statistique Canada publiée en mai dernier signale que, entre 1980 et 2000, l'immigration a joué dans la baisse de 7 p. 100 des gains réels des Canadiens qui ont plus qu'un diplôme universitaire de premier cycle.
Il existe un précédent intéressant dans les programmes de travailleurs invités. Le programme Bracero, aux États-Unis, faisait venir des travailleurs temporaires mexicains pendant les années de guerre. Il a fini par être aboli en 1964. Les agriculteurs ont prétendu qu'ils n'avaient pas les moyens de se passer de la main-d'oeuvre bon marché. Lorsque le programme est disparu, ils ont investi davantage dans la mécanisation et la productivité a augmenté.
Il faudrait faire tous les efforts pour attirer dans la population active les chômeurs canadiens, y compris les Autochtones, les femmes et les personnes d'un certain âge. Il est illogique de laisser une foule de gens au chômage ou en sous-emploi et de faire venir de l'étranger des gens pour se charger d'un travail que peuvent faire ceux qui sont déjà ici. Comme l'a dit un cadre supérieur de l'administration américaine, « le recours à l'immigration sape les efforts visant à améliorer l'éducation publique et les programmes de recyclage et à attirer les chômeurs sur le marché du travail. »
Je ne dis pas qu'il ne faut pas avoir de travailleurs étrangers temporaires, mais il faut être prudent. Soit dit en passant, le gouvernement du Québec a annoncé il y a moins de deux semaines des dépenses de 1 milliard de dollars pour amener les assistés sociaux et les chômeurs dans la population active au lieu de faire automatiquement appel à des étrangers.
Encore une ou deux réflexions avant de passer aux travailleurs étrangers temporaires. À propos du rapport entre l'immigration et la prospérité économique, il y a eu des périodes du développement du Canada où l'immigration était cruciale — par exemple pour coloniser l'Ouest avant que les Américains ne le fassent pour nous, mais, chose curieuse, l'immigration n'a pas été, dans l'ensemble, un élément critique du développement économique du Canada.
Le Conseil économique du Canada, par exemple, a constaté que la croissance la plus rapide du revenu réel par habitant au Canada, au XXe siècle, a été observée lorsque l'immigration nette était nulle, voire négative. Nous n'avons pas besoin non plus d'une population ni d'une main-d'oeuvre en constante croissance pour garantir la prospérité des Canadiens, et l'immigration ne freinera pas beaucoup non plus le vieillissement démographique. La prospérité du Canada dépend de saines politiques économiques qui amélioreront la productivité et feront le meilleur usage de la population active existante.
Passons maintenant à des questions plus précises sur les travailleurs étrangers temporaires ou travailleurs invités, comme on dit souvent. De 2001 à 2006, en Colombie-Britannique, leur nombre a énormément augmenté. Il est passé d'à peine moins de 16 000 à plus de 36 000, soit une hausse de 129 p. 100. Dans tout le Canada, pendant la même période, le nombre a été porté de 87 000 à 166 000, ce qui équivaut à une hausse de 76 p. 100. Nous n'avons pas encore tous les chiffres pour 2007, mais l'augmentation devrait être encore plus marquée.
Le Canada a eu d'assez bons résultats, dans son premier programme de travailleurs étrangers temporaires. Il s'agit du programme de travailleurs agricoles saisonniers qui a débuté en 1966. Il faisait venir ces travailleurs d'abord des Antilles puis, à compter de 1974, du Mexique. En 2006, cependant, pour donner suite aux demandes des employeurs, nous avons établi des listes complètes d'« occupations soumises à des pressions ». Les employeurs peuvent demander un examen accéléré de permis de travail temporaires pour des étrangers. Au départ, les permis étaient d'une durée d'un an. C'est maintenant deux ans.
Comme les séjours s'allongent, le Canada s'engage dans un territoire mal connu. Des études menées à l'étranger sur ces programmes ont montré qu'il peut surgir des problèmes majeurs, surtout si les travailleurs étrangers restent plus que quelques mois, viennent de pays où les salaires sont nettement plus bas et peuvent amener avec eux des membres de leur famille.
Entre autres problèmes, il y a les risques d'exploitation. Dans des pays comme les États-Unis, on a constaté qu'il y avait beaucoup de fraudes dans les demandes. Je ne vais pas les expliquer pour l'instant, mais j'y reviendrai plus tard si vous le voulez. Les travailleurs qui viennent de pays plus pauvres veulent essayer de rester indéfiniment après la fin de leur contrat, lorsqu'on n'a plus besoin de leurs services.
Pour que ce programme fonctionne, il faut un très important dispositif d'administration et de surveillance de l'entrée et du départ des travailleurs et des sanctions rigoureuses pour les employeurs qui engagent ceux qui n'ont plus le droit de séjourner au Canada. Dans la seule province de Colombie-Britannique, il y a une liste de 235 professions soumises à des pressions pour lesquelles on peut demander des permis de travail.
En dehors des cas évidents comme les pénuries dans le secteur de la construction, il y a une longue liste de professions qu'on s'étonne d'y retrouver: rédacteurs, journalistes, photographes, chefs d'orchestre, compositeurs, arrangeurs, acteurs, comédiens, annonceurs, radiodiffuseurs, athlètes, entraîneurs et agents immobiliers.
Il faut examiner de très près le fonctionnement de ce programme, faire des recherches et essayer de voir ce que d'autres ont fait.
Il y a une place pour les travailleurs étrangers temporaires, mais nous n'avons aucune idée des problèmes qui vont venir, et nous devrions les étudier.
Un mot rapide sur les sans-papiers. Nous ne savons pas au juste combien il y en a, mais, selon les estimations, il y en aurait peut-être 200 000, et même 500 000, si on tient compte des membres de leur famille. Outre les problèmes auxquels ils sont exposés à cause de leur vulnérabilité à l'exploitation, la difficulté de base, c'est que la régularisation de leur situation entraînera la venue de bien d'autres travailleurs sans papiers.
En 1986, les États-Unis ont accordé l'amnistie à 3 millions de travailleurs illégaux dans l'espoir d'éliminer le problème, mais, une fois l'amnistie accordée, beaucoup d'autres travailleurs sont venus dans l'espoir d'obtenir un jour l'amnistie également. Il y en a eu de 11 à 12 millions.
Le projet de loi McCain-Kennedy présenté au Sénat américain l'an dernier prévoyait la régularisation de la situation de plusieurs millions de travailleurs illégaux. Il a été rejeté à cause des pressions de l'opinion publique.
Il est très peu sage de régulariser la situation des travailleurs sans papiers. S'ils veulent rester au Canada, ils devraient rentrer chez eux et demander à venir par les voies légales soit comme immigrants permanents, soit dans le cadre du programme de travailleurs étrangers temporaires.
Voilà ce que j'avais à dire.
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Merci beaucoup de m'avoir invité.
Je le dis à la première ligne. Les notes ont été distribuées. Si vous ne les avez pas, vous pourrez sûrement les prendre après la séance.
Je voudrais aujourd'hui vous rendre compte de mes 15 ou 20 ans de recherche scientifique sur les travailleurs étrangers temporaires au Canada. Je veux, dans mes sept minutes et par la suite, vous expliquer les avantages et les inconvénients de ces programmes: où sont les réussites, selon moi, et pourquoi ce sont des réussites, et les motifs qui incitent à la prudence dans d'autres cas.
Comme économiste, puisque je suis économiste — vous entendrez aussi des sociologues —, je me pose une seule question, à propos du programme des travailleurs étrangers temporaires: présente-t-il un avantage économique net pour le Canada, pour les Canadiens qui sont déjà ici?
Qu'est-ce que cela veut dire? Les personnes ou agents qui sont engagés dans le processus, les migrants dont nous venons d'entendre parler; le trésor public, qui représente le gouvernement du Canada, les employeurs qui veulent engager ces étrangers, les manoeuvres qui habitent déjà au Canada. En somme, tous profitent de la présence de nouveaux travailleurs étrangers temporaires. Cela ne veut pas dire que tel ou tel ne risque pas d'être perdant, mais en moyenne, le programme présente-t-il un avantage net? C'est la règle qui est plus ou moins en place depuis au moins 25 ou 30 ans pour évaluer le programme des travailleurs étrangers temporaires au Canada.
J'ai deux réussites dont je veux faire état. Martin y a déjà fait allusion sous l'angle de l'économie. D'abord, il y a le programme de travailleurs agricoles. Il suffit de faire une comparaison avec n'importe quel autre programme de travailleurs agricoles, que ce soit en Israël ou en Allemagne, avec les travailleurs polonais, ou aux États-Unis. Ce sont des échecs. Pourquoi le nôtre est-il une réussite?
La première, c'est que le programme est de faible ampleur. S'il n'est pas trop important, les frais d'administration sont moindres et il est possible de faire respecter les règles du programme: salaire suffisant, accès aux soins de santé, paiement des impôts. Tout cela peut se contrôler.
Le deuxième programme, qui a été une très grande réussite sur le plan économique et dont le Canada n'a pas l'exclusivité — il est très important dans le sud-est de l'Asie — est le programme des bonnes d'enfant. D'autres vous diront qu'il y a eu des problèmes dans ce programme, et j'en conviens. Ce sont des problèmes d'ordre social, mais, à mon point de vue d'économiste, ce programme a été une aubaine pour la classe moyenne, pour les Canadiennes instruites. Cela ne fait aucun doute.
Le programme a également été implanté pour conférer certains avantages pour les bonnes, surtout des Philippines: des droits de conversion de leur statut de résidentes temporaires en résidentes permanentes, et des droits de réconciliation.
D'après ma règle, celle du gain économique net pour les Canadiens, ce sont là deux programmes qui ont été des réussites. Quels sont les enseignements à tirer? Les programmes ont une ampleur réduite et sont ciblés, et ils sont en partis axés sur une transition vers la résidence permanente si le nouvel arrivant apporte une contribution.
Mais ce sont de petits programmes. Il n'a pas été question des grands programmes de travailleurs étrangers temporaires. Ce sont les programmes axés sur le commerce, les visas TN, les visas de l'ALENA. Nous avons des accords avec le Chili, Israël et bientôt peut-être avec la Corée du Sud, mais certainement avec les États-Unis et le Mexique, grâce aux dispositions sur la mobilité prévues dans les accords commerciaux.
Dans ce cas-là, nous nous sommes vraiment fait avoir. Pour trois Canadiens qui partent, un Américain hautement spécialisé vient chez nous. Cela a été un circuit qui a rendu possible un important exode des cerveaux, surtout avant 2001. Je ne suis pas le seul à le dire. Beaucoup de témoignages le confirment.
De plus, des Canadiens utilisent le moyen détourné du visa temporaire pour devenir des résidents permanents des États-Unis. Les Américains n'agissent pas de cette façon. Lorsqu'ils ont fini de travailler ici, ils retournent à Cleveland ou Dieu sait où, mais là d'où ils viennent. Les Canadiens utilisent ce programme réciproque pour rester aux États-Unis, soit en se mariant, soit en obtenant un E-visa.
Le problème de ce programme est qu'il a été structuré après coup. Il est venu se greffer au commerce. Et beaucoup de nos programmes de travailleurs étrangers temporaires ont le même travers: ils viennent au gré des besoins. On ne peut modifier le contenu de ce programme. Il y a 67 professions, et on ne peut les changer. Selon moi, ce n'est pas la bonne formule que de greffer des programmes de travailleurs étrangers temporaires aux accords commerciaux, surtout avec un voisin tellement plus puissant que le Canada. Les Américains refusent de renégocier l'accord. Ils ne vont pas modifier la liste ni quoi que ce soit d'autre.
Nous avons donc des réussites, du point de vue du principe de l'avantage économique net, mais aussi des programmes très importants qui, toujours selon le même angle, sont loin d'être fructueux. Qu'allons-nous faire à l'avenir? Roslyn a expliqué pourquoi nous pourrions avoir besoin d'un plus grand nombre de travailleurs étrangers temporaires; Martin nous a mis en garde, disant que, malgré tout, il fallait envisager la situation.
Qu'est-ce que je ferais si, pendant une journée, j'étais à la place de la reine ou de la ministre de l'Immigration? Il est certain que je m'inspirerais des leçons du passé et opterais pour un programme très précisément ciblé. La liste ne compterait pas 86 professions, ou peu importe le nombre, mais seulement celles pour lesquelles je saurais à l'avance qu'il y aura un avantage économique net pour le Canada. Certains secteurs sont flagrants et il est inutile d'en discuter: il y a la construction et il y a l'agriculture.
Deuxièmement, il y aurait toujours une disposition de caducité. Elle figurerait dans tous les programmes de travailleurs étrangers temporaires. Je ne le ferais pas pour pénaliser les gens et les forcer à la clandestinité. Je ne suis pas stupide. J'ai presque 66 ans, mais je ne suis pas stupide. Ce serait une incitation négative. Tous deviendraient des travailleurs sans papiers. Ils disparaîtraient, comme cela arrive à Toronto. Je leur donnerais les moyens de devenir des résidents permanents de sorte que, si on continue à se fier à des travailleurs étrangers temporaires pour soutenir une industrie, ces travailleurs puissent devenir des résidents permanents au lieu de devenir des sans-papiers.
Enfin, il faut que le programme demeure de taille modeste.
Merci beaucoup. J'attends vos questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Les témoins doivent savoir qu'il se passe des choses passionnantes au Parlement à cause de toute cette question du . Si vous avez eu droit à une partie d'un débat dont vous n'étiez pas particulièrement heureux, je vous présente des excuses, mais nous entendrons tous les témoins qui se sont présentés avant.
J'ai eu beaucoup de difficultés à cause du problème des travailleurs sans papiers.
C'est que, lorsque nous avons modifié la Loi sur l'immigration, en 2002... Je voudrais bien vouloir dire que nous l'avons fait parce que le ministre a proposé une vision d'ensemble, mais nous avons agi essentiellement parce que la bureaucratie a proposé un plan en vue de résorber une liste d'attente de 800 000 personnes. En réalité, elle a fini par bloquer l'arrivée des gens dont l'économie avait besoin, comme on l'a dit: des travailleurs de la construction et d'autres. Ils ne pouvaient pas venir comme immigrants, parce qu'ils n'arrivaient pas à se qualifier selon le système de points, prévu par règlement. Le candidat qui ne connaissait pas la langue ne pouvait pas venir, celui qui n'avait pas fait d'études non plus. Le fait que nous ayons besoin de travailleurs dans la construction, eh bien c'était dommage. Et nous avons vu augmenter le nombre de travailleurs sans papiers. Par conséquent, à cause de la Loi sur l'immigration, il n'y avait pas de correspondance entre ce dont l'économie avait besoin et les immigrants qui arrivaient chez nous. C'est un vrai sujet de préoccupation.
J'ai un autre sujet d'inquiétude et peut-être pouvez-vous en parler. Nous avons de plus en plus recours aux travailleurs étrangers temporaires. Des travailleurs agricoles viennent au Canada depuis 30 ans, voire 40 ans. Ils viennent avec leur famille et doivent ensuite rentrer. Ils reviennent sans cesse. Je m'inquiète de voir augmenter le nombre de ces travailleurs. Je préférerais que les gens qui viennent au Canada décident que c'est ici qu'ils veulent vivre et élever leurs enfants, qu'ils veulent devenir Canadiens. Je ne crois pas qu'il soit sain d'avoir une forte population de gens seuls.
Cela me rappelle ce qui s'est passé lorsque le Canada a construit les chemins de fer. Nous avons fait venir des Chinois et, une fois les travaux achevés, nous voulions les renvoyer. Nous avons changé tout cela en adoptant un programme d'immigration ouvert. Je vois une similitude avec la situation actuelle. Nous voulons faire venir des gens pour exploiter les sables bitumineux ou bâtir les installations olympiques, mais lorsque nous n'aurons plus besoin d'eux, nous allons les renvoyer.
M. Collacott et M. DeVoretz voudraient-ils répondre?
Vous avez soulevé un certain nombre de points intéressants, monsieur Telegdi. Je vais commencer par la fin, puisque c'est plus frais dans ma mémoire.
Les Chinois qui ont construit les chemins de fer sont venus comme travailleurs non spécialisés. Lorsque les travaux ont été terminés, l'opinion reçue était qu'on n'avait plus vraiment besoin d'eux. Les Chinois d'aujourd'hui sont surtout des immigrants qui ont des compétences et viennent avec leur famille. La situation est donc fort différente. Je suis heureux que nous ayons évolué et qu'il n'y ait pas de barrières raciales. Ma femme est une immigrante d'origine asiatique, comme je crois l'avoir dit à ma dernière comparution devant le comité. Je suis donc très favorable à un programme d'immigration ouvert. Il y a tout de même une différence.
Quant aux travailleurs de la construction, il est un fait que la pénurie est grave. En Colombie-Britannique, notamment, nous avons des délais à respecter pour les Jeux olympiques. Il faut terminer les travaux. Toutefois, la construction est un secteur cyclique, mais nous continuerons peut-être à construire dans la province pendant un certain temps, et en Alberta, l'exploitation des sables bitumineux est une entreprise à assez long terme, dans le secteur technique autant que dans celui de la construction. Il faut prendre grand soin de ne pas faire venir des étrangers au point de décourager les Canadiens, et j'entends par là non seulement les citoyens, mais aussi les immigrants reçus, ceux qu'on appelle les résidents permanents. Ils sont ici, et nous devons faire de notre mieux pour servir leurs intérêts.
Si on fait venir un très grand nombre de travailleurs, c'est excellent pour les employeurs, mais cela tend à faire baisser les salaires, et c'est ce qui est arrivé. Cela n'encourage pas les Canadiens à se former et on finit par laisser des gens au chômage. On fait venir des étrangers et il y a des Canadiens qui ne sont pas sur le marché du travail.
Il faut donc être prudent. On ne peut pas laisser le programme s'appliquer de façon illimitée comme maintenant.
Le BCYT n'est pas opposé à l'importation de travailleurs étrangers lorsqu'il existe une pénurie prouvée de travailleurs canadiens, pourvu que les travailleurs en question ne soient pas utilisés comme source de main-d'oeuvre à bon marché. Malheureusement, un grand nombre de travailleurs étrangers temporaires ont eu droit à un accueil qui n'était pas précisément chaleureux. Notre bureau reçoit régulièrement des appels de travailleurs étrangers qui cherchent des moyens de se soustraire à des situations d'exploitation et d'abus.
Le présent mémoire recense certaines lacunes fondamentales de la LIPR et des règlements régissant le programme des travailleurs étrangers. Parallèlement, nous nous sommes penchés sur les forces internationales et locales qui produisent des travailleurs sans papiers ainsi que sur les honoraires exorbitants exigés par certains consultants en immigration. En conclusion, nous résumons nos recommandations en vue de résoudre les problèmes causés par la politique et les règlements actuels.
On a beaucoup parlé précédemment des pénuries de compétences. Je suis plombier et comme je travaille dans le secteur depuis plus de 35 ans, je connais le tabac. Nous vivons une période d'essor économique et il y a effectivement des pénuries dans certains secteurs, mais cela fluctue. Ces pénuries sont attribuables à de multiples facteurs — non seulement à la rémunération et à l'ensemble des conditions salariales, mais aussi à la capacité de la main-d'oeuvre d'être mobile d'un bout à l'autre du pays, d'une province à l'autre et même de venir ici d'un pays étranger. Elles s'expliquent aussi par les problèmes liés à la reconnaissance des titres de compétences. La formation au niveau national est aussi en cause. Il faut que le secteur du bâtiment accroisse sa capacité interne à cet égard.
Les travailleurs étrangers temporaires sont vulnérables — et j'insiste sur le terme « vulnérables » — à l'exploitation et aux abus parce que leur permis de travail les limite à un seul employeur. La barrière de la langue, le manque de compréhension de leurs droits, leurs inquiétudes au sujet de leur statut d'immigrant et le rapport de force inégal dont ils sont victimes, puisqu'ils dépendent de leur employeur pour leur revenu et pour toute information, entrent aussi en jeu.
Les exemples les plus courants d'exploitation et d'abus englobent les promesses brisées relativement au salaire ou à la rémunération, la saisie des salaires pour payer les honoraires de placement illégaux des consultants en immigration ainsi que des déductions salariales illégales pour le logement, la nourriture et le transport.
On lutte contre la coercition et l'intimidation des employeurs au moyen de normes d'emploi provinciales et de mécanismes de protection du code du travail d'une grande lenteur et d'une piètre efficacité. Le gouvernement fédéral ne peut se contenter de refiler cette responsabilité au gouvernement provincial si ce dernier n'a ni la capacité ni l'intention d'assurer cette protection.
La protection en matière de droits humains est uniquement disponible pour les travailleurs étrangers temporaires représentés par un avocat. Notre conseil a déjà dépensé plus de 200 000 $ pour un seul cas au cours des deux dernières années afin de protéger un groupe d'employés étrangers sur un lieu de travail. Il est absolument ridicule de s'attendre à ce qu'un travailleur étranger qui gagne entre 15 et 20 $ l'heure puisse retenir les services d'un avocat dont les honoraires oscillent entre 250 et 700 $ l'heure. Or, c'est ce qu'il faut faire pour bénéficier du système, que ce soit à la commission du travail, à la commission des droits de la personne ou devant les tribunaux.
À propos de main-d'oeuvre bon marché, le marché planétaire des travailleurs de la construction se targue d'avoir un surplus de travailleurs accessibles à bas salaire, soit en moyenne 1,50 $ l'heure. Au nombre des problèmes que nous rencontrons, citons les frais de placement et les liens entre les usuriers et les courtiers qui percolent jusqu'aux entrepreneurs. Il ne suffit pas de contrôler ce que nous pouvons contrôler à l'échelle de notre province ou de notre pays. Nous devons composer avec la situation dans le pays d'origine également. Nous n'avons aucun contrôle là-dessus. Par conséquent, ce sont les courtiers, les usuriers et tous les intermédiaires qui exercent ce contrôle, et non le pays d'accueil.
Ces travailleurs n'ont droit ni aux prestations de l'AE ou du RPC en cas de problèmes. De plus, ils savent qu'ils peuvent être licenciés par leur employeur. En l'occurrence, les déductions salariales du gouvernement fédéral constituent un détournement des gains des travailleurs étrangers temporaires.
S'agissant du trafic humain, certains sans-papiers sont des travailleurs étrangers temporaires qui se sont réfugiés dans le marché noir ou dans l'économie souterraine ou qui y ont été dirigés par des entrepreneurs. Afin d'échapper aux conditions de travail abusives que leur imposait leur employeur légal, d'autres ont excédé la période de séjour autorisée par des visas de touriste et d'étudiant. En fait, les sans-papiers sont même plus vulnérables que les travailleurs étrangers temporaires. Les employeurs qui embauchent des sans-papiers disposent d'un levier additionnel sur ces travailleurs qui s'inquiètent au sujet de leur statut d'immigrant.
L'absence de surveillance et d'exécution — et j'insiste sur ce dernier volet — ont ouvert la porte au non-respect de la loi et à des abus de la part d'employeurs sans scrupules. Ce n'est certainement pas la majorité d'entre eux. Il n'y a que quelques pommes pourries dans le panier qui nuisent à la réputation de tous. Aucun système n'existe pour identifier et localiser les travailleurs étrangers temporaires. À l'heure actuelle, il n'y a aucune possibilité de les retracer, aucun suivi. Comment pourrait-on exercer une surveillance, même si on le voulait?
Les travailleurs étrangers ont besoin de services d'orientation, de défense des intérêts et d'établissement fournis par le gouvernement pour pouvoir exercer leurs droits. J'ai joint en annexe des mémoires que nous avons présentés aux autorités provinciales et fédérales sur ces questions. Il faut informer de leurs droits tous les travailleurs immigrants qui viennent au Canada. Non seulement doivent-ils être informés de leurs droits, mais ils doivent pouvoir s'adresser quelque part pour obtenir qu'ils soient appliqués, un centre d'intervention, par exemple, et cela exige une surveillance sérieuse.
La reconnaissance des titres de compétences internationaux est un aspect critique du dossier. Je ne peux aborder ce sujet dans les quelques minutes qui me sont imparties, mais je tiens à dire que nous travaillons d'arrache-pied pour obtenir que soient reconnus les diplômes étrangers. Il n'existe pas de normes à cet égard à l'échelle du Canada. Chaque province, chaque organisation qui fait venir des travailleurs étrangers, que ce soit S.U.C.C.E.S.S. ou tout autre groupe, a son propre processus de reconnaissance des titres de compétences. Rien n'est normalisé et cela nous empêche de savoir qui sont ces travailleurs et quelles sont leurs compétences et leur expérience.
En conclusion, notre association demande au gouvernement fédéral de nommer une commission royale qui se déplacerait dans tout le pays pour entendre les témoignages de tous les intervenants sur la question des travailleurs étrangers temporaires, des sans-papiers et des consultants en immigration. Nous demandons au gouvernement d'allouer immédiatement des ressources suffisantes pour assurer l'application et la surveillance des avis sur le marché du travail. Des équipes mixtes fédérales-provinciales chargées d'assurer l'observation des règles devraient inclure Service Canada, CIC, Revenu Canada, la Direction des normes d'emploi et la CSST, appelée WorkSafeBC dans notre province. Nous avons déjà fait cela et les résultats ont été remarquables. En trois mois, l'équipe de conformité a découvert qu'en Colombie-Britannique, plus de 80 millions de dollars n'avaient pas été perçus. C'est ce qui a résulté d'un effort étalé sur trois mois, avant que le présent gouvernement torpille cette initiative après son accession au pouvoir.
Nous demandons l'implantation de centres d'intervention fédéraux-provinciaux dans tout le Canada pour venir en aide aux travailleurs étrangers temporaires. Des milliers de travailleurs ont besoin d'aide et d'information pour contrer les abus et l'exploitation dont ils sont victimes de la part de leurs employeurs.
Nous réclamons des programmes d'orientation pour les travailleurs étrangers temporaires au point d'entrée au Canada. Ces programmes d'orientation doivent les sensibiliser à leurs droits et à leurs obligations. Même des documents écrits dans leur propre langue risquent de ne pas suffire car un grand nombre d'entre eux sont illettrés. Il est absolument fondamental de les informer sur leurs droits selon les normes législatives en matière d'emploi, le code du travail, les droits de la personne, la CSST et la réglementation concernant la santé et la sécurité au travail, la législation sur la location à usage d'habitation et l'accès aux soins de santé.
Nous recommandons au gouvernement de débloquer des ressources substantielles pour appuyer les services d'établissement destinés aux travailleurs étrangers temporaires, particulièrement la formation en anglais et en français langue seconde, et les services facilitant l'adaptation à la culture et à la société canadiennes.
Nous recommandons une réévaluation du critère de l'approbation de l'avis du marché du travail. Les travailleurs canadiens qui doivent s'en tirer avec des allocations de logement à l'extérieur et assumer les frais liés à la mobilité et aux possibilités de recyclage doivent être inclus dans les avis concernant l'incidence sur le marché du travail.
En conclusion, nous recommandons également de réévaluer à tous les six mois au moins les avis préapprouvés concernant l'incidence sur le marché du travail. Il faudrait aussi interdire aux employeurs de licencier des travailleurs canadiens avant des travailleurs étrangers temporaires si le travail vient à manquer.
Enfin, nous exhortons le gouvernement du Canada à ratifier la Convention internationale de l'ONU sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille.
Il est temps que les pays industrialisés, particulièrement les parlementaires, prennent l'engagement exécutoire de mettre un terme à l'exploitation et à l'abus des travailleurs migrants.
L'orientation, la défense des droits, la conformité et la surveillance sont au coeur de la solution.
Merci beaucoup.
Premièrement, je voudrais remercier le comité d'être venu en Colombie-Britannique pour nous donner l'occasion de nous entretenir avec les députés du Parlement au sujet de cet enjeu important.
Moi aussi je n'ai entendu parler de votre réunion qu'à bref préavis, et il va de soi que je n'ai pas eu le temps de vous soumettre un mémoire écrit à temps pour le faire traduire.
Mon nom est David Fairey. Je suis un économiste du travail ayant une vaste expérience de la recherche en matière de politique du travail. Je comparais aujourd'hui pour vous communiquer certaines des principales conclusions et des recommandations stratégiques découlant d'une récente étude de deux ans portant sur l'incidence des changements récents apportés à la politique du gouvernement de la Colombie-Britannique à l'égard des immigrants et des travailleurs agricoles migrants. Cette étude a été effectuée par un groupe d'universitaires et d'attachés de recherche communautaires comme moi. Elle a été financée par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada, dans le cadre d'un partenariat de recherche collectivité-université appelé le Projet de sécurité économique.
Les chercheurs universitaires suivants faisaient partie du projet: Arlene Tigar McLaren et Gerardo Otero, de l'Université Simon Fraser, et Mark Thompson, de l'Université de la Colombie-Britannique. Le rapport faisant suite à l'étude sera publié sous peu par le Centre canadien de politiques alternatives.
Les questions suivantes ont guidé cette étude: quelles sont les conséquences des changements apportés aux lois, politiques et pratiques pour les travailleurs agricoles immigrants et migrants en Colombie-Britannique? Quelles sont les répercussions de ce contexte juridique et politique changeant sur les expériences vécues par les travailleurs agricoles? Et quels modèles de rechange, au plan des normes d'emploi et des procédures d'application, permettraient le mieux de répondre à leurs besoins en matière de sécurité financière, de santé et de sécurité, et pour ce qui est de leurs droits dans le domaine du travail?
Un aspect de notre étude est particulièrement pertinent pour votre enquête: notre examen du Programme des travailleurs agricoles saisonniers, le PTAS, applicable aux travailleurs agricoles étrangers temporaires en Colombie-Britannique, et les entrevues que nous avons menées auprès de 25 travailleurs agricoles migrants mexicains qui sont venus en Colombie-Britannique dans le cadre du PTAS.
Le contexte de la politique du travail de Colombie-Britannique qui est pertinent à notre étude est le suivant: les normes d'emploi applicables aux travailleurs agricoles en Colombie-Britannique ont été considérablement assouplies en 2003-2004, et le gouvernement provincial a décidé de se joindre au programme PTAS fédéral-provincial en 2004.
Les changements apportés récemment aux normes d'emploi en Colombie-Britannique qui ont eu une incidence profondément négative sur l'offre de travailleurs agricoles à même la population active locale et sur les conditions d'emploi des travailleurs agricoles canadiens et des travailleurs agricoles étrangers temporaires amenés en Colombie-Britannique dans le cadre du PTAS — et maintenant pour les travailleurs agricoles que l'on fait venir dans le cadre du projet-pilote des travailleurs peu spécialisés — sont les suivants: l'exclusion de ces travailleurs, aux termes du règlement, des dispositions sur les congés fériés payés, les vacances annuelles payées, les heures de travail et la rémunération des heures supplémentaires; la réduction du nombre minimum d'heures rémunérées quotidiennes, qui est passé de quatre heures à deux heures; l'introduction d'un salaire minimum de 6 $ l'heure pour ceux qui ont un premier emploi ou qui n'ont aucune expérience; une réduction considérable des normes d'emploi, des inspections sur place et des activités d'application de la loi dans le secteur agricole; et aucune augmentation du salaire minimum pendant sept ans.
On nous dit qu'il y a un problème sur le marché de l'emploi, qu'il y a une pénurie de travailleurs. Eh bien, il est intéressant de constater que c'est la communauté des propriétaires agricoles, les propriétaires de fermes qui ont été les plus ardents partisans de cet amoindrissement des normes d'emploi applicables aux travailleurs agricoles. Ensuite, ils ont fait pression sur les gouvernements fédéral et provincial pour adhérer au Programme des travailleurs agricoles saisonniers. Il est évident que les employeurs et le gouvernement provincial ont créé sur le marché du travail des conditions qui ont contribué à la pénurie en créant une situation de l'offre d'emploi qui est intenable pour les travailleurs locaux.
Historiquement, la Colombie-Britannique est allée chercher sa main-d'oeuvre à bon marché dans quatre pays de population non blanche pour combler des emplois dangereux ou inférieurs en termes de conditions d'emploi et de citoyenneté au Canada. Au début du XXe siècle, les agriculteurs de Colombie-Britannique ont réussi à obtenir du gouvernement fédéral qu'il permette aux ressortissants d'Asie méridionale et du Japon de travailler dans l'agriculture.
La politique canadienne de l'immigration a poursuivi sur cette lancée aux tendances raciales en autorisant des groupes particuliers de l'hémisphère sud à venir au Canada pour combler des emplois mal rémunérés et offrant de mauvaises conditions de travail, emplois que d'autres groupes de population ne sont pas disposés à occuper. Leur situation extrêmement vulnérable et leur appartenance à des groupes raciaux ont permis aux employeurs de justifier des conditions de travail inférieures aux normes. Comme ils entrent au Canada sous des conditions très strictes et en ayant des droits limités en terme de citoyenneté, les travailleurs immigrants et migrants sont vulnérables à une situation de travail marquée par une exploitation abusive.
Les agriculteurs de Colombie-Britannique dans la vallée du Fraser comptent en grande partie sur les immigrants du Punjab pour combler leurs besoins de main-d'oeuvre. Aujourd'hui, environ 90 p. 100 de ces travailleurs agricoles sont des Indo-Canadiens. La majorité sont des femmes, beaucoup dans la cinquantaine et la soixantaine. La plupart ont migré au Canada dans le cadre du Programme fédéral de réunion des familles, parrainés par leurs enfants ou petits-enfants canadiens. Si la plupart des travailleurs agricoles de Colombie-Britannique dans la vallée du Fraser sont des Indo-Canadiens, cette source traditionnelle de main-d'oeuvre a été limitée par Citoyenneté et Immigration en 2003 quand le ministère a limité l'admission des parents et des grands-parents dans le cadre de son programme de réunion des familles. Cette mesure a contribué à la pénurie de main-d'oeuvre qui commençait à apparaître dans l'agriculture en Colombie-Britannique.
Ayant l'habitude de payer le salaire minimum et parfois moins à leurs travailleurs saisonniers embauchés pour les récoltes, les agriculteurs de Colombie-Britannique ont été confrontés à une pénurie de main-d'oeuvre au début des années 2000. Le gouvernement provincial n'a pas augmenté les salaires dans l'agriculture pour réagir à cette pénurie, pas plus que le gouvernement fédéral n'a cherché à augmenter le nombre d'immigrants. Et la mécanisation du travail agricole s'est faite lentement. Au lieu de cela, le secteur de l'horticulture a fait du lobbying intensif auprès du programme fédéral pour négocier avec la Colombie-Britannique et le Mexique un protocole d'entente pour que la province se joigne au PTAS.
En 2004, la Colombie-Britannique a adhéré au PTAS, dans le cadre duquel on accorde aux travailleurs agricoles des visas d'emploi temporaires dans l'agriculture, et des salaires légèrement supérieurs au minimum provincial. Durant la première année du programme, en 2004, 50 travailleurs sont venus aux termes du PTAS. Cette année, on prévoit que 3 000 travailleurs recrutés dans le cadre du PTAS viendront en Colombie-Britannique. Comme je l'ai dit, le programme des travailleurs peu spécialisés est également étendu aux travailleurs agricoles.
Les fonctionnaires du gouvernement canadien et les employeurs défendent le programme PTAS, considéré nécessaire à cause des pénuries de main-d'oeuvre locales et de l'instabilité de la main-d'oeuvre agricole.
Le gouvernement exige que les employeurs qui présentent une demande aux termes du PTAS présentent un avis concernant l'impact sur le marché du travail démontrant qu'ils ont tenté d'embaucher de la main-d'oeuvre locale, sans succès. Dans le cas des travailleurs agricoles migrants, le gouvernement ne tient aucun compte du fait que les bas salaires et les mauvaises conditions de travail ne réussissent pas à attirer les travailleurs locaux.
En outre, le gouvernement n'a pas tenu compte du fait que le PTAS expose les travailleurs à de mauvaises conditions de travail et à une protection insuffisante en matière de sécurité, ce qui les rend incapables d'exercer leurs droits à titre de travailleurs. En particulier, le PTAS ne permet pas aux travailleurs de choisir librement leur lieu de travail ou de résidence, contrairement aux citoyens qui ont officiellement le droit de circuler au sein du marché du travail. Les travailleurs du PTAS ont seulement le droit de venir au Canada s'ils travaillent pour un employeur en particulier, habitent dans les locaux désignés par leur employeur pendant une période déterminée, et retournent ensuite dans leur pays. Ayant seulement le droit de travailler pour un seul employeur et ayant un statut temporaire, ces travailleurs ne sont pas protégés contre la menace du rapatriement. Un travailleur du PTAS qui est congédié par son employeur est renvoyé chez lui au Mexique sans toucher l'argent qu'il a gagné. La menace de rapatriement est un puissant outil de dissuasion qui empêche les travailleurs d'exercer leurs droits.
Le statut de travailleur temporaire sépare aussi les travailleurs du PTAS de leur famille, les rendant vulnérables aux exigences excessives des employeurs. Les visas PTAS sont différents non seulement de ceux des catégories ordinaires d'immigrants reçus, mais aussi des autres programmes de travailleurs migrants temporaires, en ce sens qu'ils permettent seulement au titulaire de rester au Canada pendant huit mois.
Mon mémoire renferme encore d'autres éléments, mais je crois que je devrais passer aux recommandations.
Pourrais-je, en terminant, formuler quelques-unes de nos recommandations?
:
Nos recommandations au gouvernement fédéral sont les suivantes. Nous faisons également des recommandations au gouvernement provincial et aux gouvernements municipaux.
Premièrement, il faut qu'il y ait coordination avec les autorités provinciales et municipales. Service Canada, qui relève de RHDS, au lieu de se contenter d'être un service de placement de travailleurs, doit devenir un service qui protège les travailleurs. Il doit prendre l'initiative pour s'assurer que tous les niveaux de gouvernement, y compris la Direction générale des normes d'emploi et de sécurité du travail de Colombie-Britannique, exercent leurs responsabilités. Pour amorcer le processus de coordination, RHDS doit aviser les autorités provinciales du nombre de travailleurs du PTAS, en précisant le titre de leur poste et leur lieu de travail.
Il n'existe aucun registre de ces travailleurs agricoles migrants, et la Direction générale des normes d'emploi ne sait donc pas qui ils sont ni où ils se trouvent. Les autorités n'ont donc aucun moyen de savoir où aller pour faire des vérifications.
Le gouvernement fédéral doit mettre au point un système transparent des taux de rémunération des travailleurs du PTAS. Le processus pour déterminer le taux de rémunération approprié doit être transparent, le taux retenu doit être nettement supérieur au salaire minimum et correspondre aux tâches précises effectuées par le travailleur. Tous les travailleurs touchent le même taux peu importe leurs tâches.
Au terme du processus, les producteurs doivent aussi être tenus de démontrer que même en offrant des salaires sensiblement supérieurs au salaire minimum, ils n'ont pas réussi à attirer des travailleurs canadiens.
Le gouvernement fédéral doit exiger que les employeurs démontrent qu'ils ont un bilan de conformité satisfaisant. Actuellement, une demande d'embauche de travailleurs du PTAS ne comporte aucune exigence de performance satisfaisante. Quand un employeur présente une demande d'avis concernant l'impact sur le marché du travail en vue d'embaucher des travailleurs dans le cadre du PTAS, il n'est pas tenu de démontrer qu'il a un dossier satisfaisant de conformité à la législation sur l'indemnisation des accidents du travail et sur les normes d'emploi. On pourrait interroger les travailleurs du PTAS sur le traitement reçu chez un employeur donné, la preuve ainsi consignée étant prise en compte au moment d'une nouvelle demande. La performance de l'employeur devrait donc être évaluée après examen du programme.
Il faut supprimer le droit de l'employeur d'exiger le rapatriement. À l'heure actuelle, l'employeur a le droit de renvoyer un travailleur dans son pays. Les agriculteurs qui souhaitent congédier des travailleurs du PTAS doivent démontrer qu'ils ont des raisons valables de le faire. Une maladie ou une blessure n'est pas une raison valable de rapatrier un travailleur du PTAS. Au contraire, ces travailleurs doivent être couverts par le régime de services médicaux de Colombie-Britannique pour être traités au Canada ou au Mexique jusqu'à leur rétablissement complet.
Les travailleurs doivent avoir le droit d'en appeler d'un congédiement à une instance indépendante. Le rapatriement est la principale dissuasion pour les travailleurs du PTAS qui voudraient exercer leurs droits dans le domaine du travail. Le congédiement ne doit pas être lié au rapatriement.
Il faut faire une refonte du PTAS. Le fait que les travailleurs migrants soient assignés à un employeur unique et à un logement désigné par l'employeur pendant une période déterminée équivaut à une forme de servitude. Les travailleurs n'ont presqu'aucun recours pour négocier les modalités de leur contrat. Au minimum, le PTAS doit permettre aux travailleurs de se déplacer librement d'un employeur à l'autre.
Le PTAS doit aussi envisager la possibilité que les travailleurs puissent être admissibles à l'assurance-emploi et au Régime de pensions du Canada une fois de retour au Mexique, ou de rembourser la totalité des cotisations versées par l'employeur et l'employé.
Le PTAS doit déboucher sur l'immigration. Si les travailleurs sont acceptés dans le cadre du PTAS, ils doivent pouvoir présenter simultanément une demande de résidence permanente. Ils doivent avoir le droit d'habiter ici avec leur famille et de devenir Canadiens.
Enfin, nous souscrivons à l'argument soulevé par le témoin précédent, à savoir que le Canada doit adhérer à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, et notre législation doit viser à assurer la conformité aux normes de cette charte.
:
Oui. Je remercie beaucoup le comité de son intérêt.
[Français]
Je serai bref.
[Traduction]
La barrière de la langue est l'un des problèmes qui engendrent la vulnérabilité. J'ai travaillé avec des travailleurs de divers corps de métier au chantier Ligne Canada. Ces travailleurs hispanophones étaient payés moins de 5 $ l'heure pour travailler à un projet fédéral-provincial. Les contribuables canadiens leur versaient moins de 5 $ l'heure.
Ce cas a été soumis à la Commission des relations de travail de la Colombie-Britannique et la Commission des droits de la personne en est présentement saisie. La coalition des droits de la personne a rendu une décision. C'est un cas de coercition et d'intimidation. L'employeur a été condamné à payer la moitié des frais juridiques.
Nous sommes intervenus dès le début de ce problème et, d'ici cinq ans, il aura pris encore plus d'ampleur... Tous les jours, je reçois un coup de téléphone: « Señor Barrett, se me puede ayudar? »
Dans une autre vie, j'ai été professeur d'espagnol. Je défends maintenant les droits des Latino-Américains qui travaillent dans notre ville. Ils sont arrivés ici après s'être fait promettre un salaire de 25 $ l'heure. Tous leurs papiers sont en règle auprès de Service Canada. Ces promesses sont constamment violées. C'est un phénomène répandu.
La tour Shangri-La, l'hôpital pour enfants, deux édifices à l'Université de la Colombie-Britannique, des projets publics... Étant donné que l'industrie de la construction recourt à la sous-traitance, SNC-Lavalin peut être la société principale, mais le contrat est subdivisé entre de multiples sous-traitants. Lorsqu'on arrive au bas de l'échelle, c'est 7 $ l'heure, 12 $ pour les projets publics. C'est une situation généralisée, non seulement à Vancouver, mais dans toute la province de l'Alberta.
Je vous invite à prendre quelques minutes pour lire notre mémoire. Wayne peut parler des frais juridiques très coûteux qu'il faut absorber. Nous ne sommes pas un mouvement syndical qui a 200 000 $ à dépenser pour chaque cas.
Merci beaucoup.
:
J’ajouterais certainement la reconnaissance des titres de compétences comme question encore plus importante, même si je n’en ai pas beaucoup parlé. C’est en soi une question d’une importance considérable.
La question clé, ici, est la vulnérabilité des travailleurs temporaires étrangers, qu’ils travaillent dans le secteur agricole ou ailleurs. Si nous pouvons remédier à cette vulnérabilité, tout le reste s’arrangera. Nous n’aurons ni à surveiller les travailleurs ou les employeurs ni à rien faire d’autre si nous veillons à ce que le système fonctionne adéquatement.
Premièrement, je crois qu’il est essentiel de prévoir un visa lié à un métier. À titre de travailleurs étrangers, ces gens sont invités à travailler au Canada d’abord et dans la province, ensuite. S’ils sont invités au Canada, ils devraient être régis par les normes canadiennes et avoir tous les droits et responsabilités des Canadiens.
Si Citoyenneté et Immigration Canada établit que nous avons besoin, par exemple, de 20 000 charpentiers l’année prochaine, le ministère pourrait dire: « Allons chercher 20 000 charpentiers. » À leur arrivée, leur permis de travail et leur visa seraient liés à leur secteur, de façon qu’ils puissent se déplacer librement et travailler comme charpentiers. Cela réglerait le problème de la vulnérabilité. S’ils ne sont pas convenablement traités, ils peuvent aller ailleurs. Je crois que cela est de toute première importance.
Deuxièmement, il y a l’orientation et la défense des intérêts. S’ils ont des droits et qu’ils les connaissent, ils ne vont pas nécessairement s’en prévaloir ou aller se plaindre quelque part. Où iraient-ils? S’ils peuvent bénéficier d’un programme d’orientation organisé par une personne impartiale à laquelle ils peuvent faire confiance, s’il y a un groupe qui défend leurs intérêts quand ils ont des difficultés au travail ou, comme Joe l’a mentionné dans le cas de l’employé qui est venu nous voir, s’ils doivent aller à l’hôpital... Ils ne connaissent pas notre système de santé. Leur employeur ne les emmènera pas à l’hôpital ou chez le médecin, ne s’occupera pas de leur renvoi à un spécialiste et ainsi de suite. Je ne mentionne qu’un cas très simple. Le fait d’être un travailleur étranger dans une terre étrangère et de ne pas connaître la langue a de nombreuses implications. Il y a aussi d’autres obstacles. Par conséquent, un centre de défense d’intérêts peut faire bien plus qu’aider un employé victime d’abus de la part de son employeur.
Enfin, s’il n’y a pas d'équipe de vérification de la conformité ou des systèmes de surveillance... C’est ce que j’entends par surveillance. Il ne s’agit pas de suivre des personnes à la trace. Je veux plutôt parler d’un suivi qui permette de s’assurer que le système fonctionne adéquatement.
:
Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de comparaître devant le comité aujourd’hui.
L’organisation Grassroots Women of BC a été formée en 1995 comme groupe de discussion par le Philippine Women Centre of BC. Depuis, nous avons évolué pour devenir une organisation de travailleuses et de femmes marginalisées qui tentent de défendre leurs droits et leur bien-être au Canada contre la marginalisation systémique politique et économique. Nous appuyons également la lutte d’autres femmes de différents pays contre la mondialisation. Nos membres sont des travailleuses, des immigrantes, des migrantes et des femmes autochtones.
Nous croyons qu’il est important, en abordant la question des travailleurs sans papiers et des travailleurs temporaires étrangers au Canada, de comprendre les raisons pour lesquelles ces gens viennent ici. D’après ce que nous disent nos membres et les renseignements que nous avons recueillis en faisant des recherches, nous savons que beaucoup de femmes de la classe ouvrière ont été déplacées et soumises à la migration forcée dans des pays du tiers monde par suite des effets de la mondialisation et de la guerre. Par exemple, dans des pays comme les Philippines, le gouvernement s’intéresse davantage aux intérêts étrangers qu’à ceux de son propre peuple. Étant tributaire de l’aide étrangère, il met en œuvre des programmes d’ajustement structurel et signe des accords commerciaux injustes qui aggravent la crise économique chronique.
Le gouvernement des Philippines a donc adopté des politiques de migration forcée parce qu’il a besoin de l’argent renvoyé dans le pays par ses travailleurs migrants pour consolider son économie chancelante. Ainsi, plus de 8 millions de travailleurs philippins expatriés renvoient dans le pays plus de 14 milliards de dollars US chaque année.
Une fois au Canada, ces travailleurs constituent de la main-d’œuvre à bon marché pour le secteur des services et du travail domestique. Beaucoup arrivent au Canada dans le cadre de programmes de travailleurs temporaires, comme le PAFR ou Programme concernant les aides familiaux résidants de Citoyenneté et Immigration Canada ou de son prédécesseur, le Programme concernant les employés de maison étrangers. Je crois qu’il est possible, en examinant des programmes qui existent depuis longtemps comme le PAFR, de tirer quelques leçons importantes dont il faut tenir compte quand on envisage d’étendre les programmes de travailleurs temporaires étrangers.
Beaucoup de ces travailleurs sont souvent soumis à des violations de leurs conditions de travail à cause des exigences du programme. Par exemple, dans le cadre du PAFR, les femmes sont isolées et souvent forcées à travailler au-delà des heures prévues dans leur contrat. Elles sont aussi tenues de travailler à toute heure du jour parce que le programme leur impose de vivre chez leur employeur. Beaucoup sont victimes de toutes sortes d’abus allant jusqu’au viol. Et même si elles sont couvertes par les normes d’emploi ici, en Colombie-Britannique, elles se gardent souvent de se plaindre à cause du pouvoir que leurs employeurs ont sur elles.
Nous analysons également la nature du travail que font ces femmes et d’autres travailleurs temporaires étrangers au Canada. Que ce soit dans le cadre du PAFR ou par la suite, les femmes sont souvent cantonnées dans le domaine du travail domestique, s’occupant de la garde d’enfants, de nettoyage, de soins ou d’autres services, même après avoir rempli les exigences du PAFR.
Beaucoup des travailleurs qui viennent dans le cadre de programmes tels que le PAFR ou le PTAS, c’est-à-dire le Programme des travailleurs agricoles saisonniers, et maintenant le programme des travailleurs temporaires étrangers ou qui arrivent au Canada comme demandeurs du statut de réfugié, finissent par perdre leur statut et deviennent des sans-papiers parce qu’ils sont incapables de remplir toutes les exigences du programme ou parce que leur demande de statut de réfugié est rejetée. Quelques femmes couvertes par le PAFR, par exemple, sont expulsées parce qu’elles n’ont pas satisfait aux exigences très strictes du programme, pour diverses raisons: changement d’employeur, grossesse, décès de l’employeur, obstacles bureaucratiques ou retard dans le traitement du permis de travail.
Celles qui ne satisfont pas aux exigences, de même que les demandeurs du statut de réfugié dont la demande est rejetée, sont exposés à l’expulsion. Des mères peuvent même être séparées en permanence de leur enfant né au Canada, ce qui constitue pour nous la forme la plus extrême d’exclusion sociale. Beaucoup de ces femmes vivent dans la peur parce qu’elles sont constamment menacées d’expulsion.
Certaines femmes perdent en outre leur statut parce qu’elles sont victimes de violence dans leurs relations, ce qui peut mettre fin à leur parrainage.
Je voudrais vous raconter l’histoire d’une femme, Maria, qui était enseignante au Pérou. Elle est venue au Canada dans le cadre du PAFR. Elle a été incapable de satisfaire aux exigences du programme parce qu’elle parle très peu l’anglais et qu’elle a travaillé pour plusieurs employeurs qui ne lui ont pas donné un relevé d’emploi. Elle ne peut donc pas prouver qu’elle a travaillé pendant les 24 mois exigés. Elle a eu un enfant d’un travailleur illégal qui a été expulsé du Canada. L’enfant est atteint d’une grave affection cardiaque. Maria est au Canada depuis sept ans, mais sa demande de résidence permanente a été rejetée. Elle n’a d’autre choix que de demander à rester au Canada pour des motifs humanitaires — mais sa demande a bien peu de chances d’être approuvée — ou de rentrer au Pérou.
Les programmes de travail temporaire tels que le PAFR occasionnent des difficultés aux familles en les séparant. Le processus de réunification est également semé d’embûches. Encore une fois, comme je l’ai mentionné dans le cas de Maria, les femmes qui ont un enfant né au Canada connaissent de nombreux problèmes. Ainsi, en Colombie-Britannique, même si l’enfant est né dans la province, si la mère n’a pas un permis de travail, ni elle ni son enfant n’ont accès aux soins de santé.
La présence au Canada de travailleurs temporaires sans papiers continue d’augmenter parce que les besoins d’immigration sont en fait intensifiés par les intérêts des employeurs. Les travailleurs temporaires et sans papiers sont exploités par les employeurs canadiens qui les rémunèrent mal et ne leur accordent pas d’avantages sociaux à cause de leur statut temporaire.
À Grassroots Women, nous nous opposons énergiquement à l’expansion du programme des travailleurs temporaires étrangers et aux récents changements apportés à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Nous nous attendons à ce que beaucoup des problèmes des programmes actuels soient maintenus dans les nouveaux programmes. Nous savons aussi que les organisations communautaires et de la base comme la nôtre, qui manquent déjà d’argent, seront obligées de dispenser des services à ces travailleurs parce que personne d’autre ne le fera.
À Grassroots Women, nous appuyons l’appel lancé par d’autres organisations, comme la National Alliance of Philippine Women in Canada et la SIKLAB, en faveur de la suppression du PAFR. Les femmes devraient avoir la possibilité de venir au Canada comme résidentes permanentes et d’être accompagnées de leur famille. Leurs études devraient être reconnues et elles devraient être autorisées à exercer leur profession. Nous croyons aussi...
:
J’ai chronométré mon exposé. Il ne devrait pas faire plus de sept minutes.
[Français]
Je m'excuse de ne pas l'avoir traduit en français, mais je suis très heureuse d'être ici et j'espère que vous écouterez ce que je vais dire.
[Traduction]
Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’adresser aux membres du comité permanent.
Je m’appelle Erika Del Carmen Fuchs. Je travaille comme organisatrice à Justicia for Migrant Workers BC. Depuis 2005, nous défendons les droits des travailleurs agricoles migrants saisonniers qui viennent au Canada dans le cadre du PTAS, le Programme fédéral des travailleurs agricoles saisonniers. Il y en a actuellement en Colombie-Britannique plus de 2 500, venant du Mexique et des Antilles.
Nous faisons partie du Réseau de la justice pour les migrants, qui s’étend à différents secteurs et comprend des organisations communautaires, des syndicats tels que le Congrès du travail du Canada, des églises, des travailleurs migrants et d’autres intéressés. Vous entendrez d’autres représentants du réseau dans les jours qui viennent.
Nous participons également à un projet de sécurité économique, de concert avec le Centre canadien de politiques alternatives, l’Université Simon Fraser et l’Université de la Colombie-Britannique. Comme on vous l’a déjà dit, ce projet traite des répercussions de l’affaiblissement des normes d’emploi provinciales sur les travailleurs agricoles migrants et immigrants. Un rapport paraîtra sous peu, dont nous reprenons beaucoup des recommandations.
Grâce à de nombreuses visites et à des contacts directs avec les travailleurs agricoles migrants, nous avons pu constater de visu dans quelles conditions ils vivent, et en particulier leurs conditions de logement, qui sont parfois épouvantables, ainsi que les problèmes médicaux, sociaux, de travail et autres qu’ils doivent affronter.
:
Je vous remercie. Je comprends bien la situation parce que je fais très souvent de l’interprétation. Je m’excuse.
Nous sommes ici pour recommander au comité permanent de veiller à ce que les travailleurs temporaires migrants obtiennent le statut de résidents permanents, parce que c’est vraiment leur statut temporaire qui est à la racine de leur exploitation et des abus dont ils font souvent l’objet. Bien sûr, ce ne sont pas tous les employeurs qui les exploitent, mais nous ne pouvons pas laisser aux employeurs le soin de déterminer s’ils vont bien ou mal agir envers eux. Nous devons veiller à ce que cela relève d’un autre niveau.
Les travailleurs du PTAS sont très attachés à leur travail et contribuent beaucoup à l’économie de notre pays. Plus de 80 p. 100 d’entre eux reviennent chaque année car, comme CIC le reconnaît, le secteur agricole et celui du travail domestique souffrent constamment d’une pénurie de main-d’œuvre qui s’intensifie. Bien sûr, cela est discutable.
Le PTAS est l’un des plus anciens programmes de travailleurs temporaires étrangers du pays. Il emploie depuis 1966 des travailleurs en deçà du niveau de compétence D. Il est notoire que ce programme est assorti de permis de travail qui comptent parmi les plus restrictifs, empêchant les travailleurs de jouir de droits et libertés de base que tous les Canadiens jugent fondamentaux en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. Je dois ajouter que les travailleurs à contrat ont les mêmes droits que les travailleurs canadiens.
Les restrictions comprennent ce qui suit: absence d’un accès équitable à la résidence permanente malgré de longs antécédents professionnels canadiens, absence de mobilité parce que les travailleurs sont liés à un seul employeur, absence de liberté de déplacement parce qu’ils doivent vivre dans les logements que leur attribue l’employeur, lequel leur interdit souvent de recevoir des visiteurs, ou contrôle étroitement leur droit de le faire, les privant ainsi d’un droit civil de base, absence de mécanismes d’appel, ce qui oblige beaucoup de travailleurs à se taire de crainte d’être exclus du programme, exclusion et discrimination en matière de normes provinciales d’emploi et d’assurance-santé publique, et absence d’exécution et de surveillance des conditions de travail, de santé et de sécurité et de logement.
Nous sommes déçus et découragés devant l’inaction du gouvernement fédéral face aux problèmes critiques du programme, comme le manque de conformité, de surveillance, d’exécution, de jouissance des droits et d’accès à la résidence permanente. Pis encore, avec les nouvelles initiatives fédérales, telles que la nouvelle catégorie envisagée de l’expérience canadienne, les travailleurs seront exposés encore plus aux abus des employeurs si le processus d’évaluation dépend de commentaires positifs de leur part. Nous sommes opposés à cette tendance troublante à l’accélération de l’accès des employeurs à des travailleurs temporaires étrangers en l’absence d’efforts sérieux pour remédier aux défauts structurels de programmes actuels tels que le PTAS et le PAFR.
Nous exhortons le comité permanent à intervenir en faveur de l’extension du droit à la régularisation aux travailleurs du PTAS et, rétroactivement, à ceux qui y ont participé dans le passé. Beaucoup de ces travailleurs viennent au Canada depuis 15 ou 20 ans, sans pour autant que le système de points leur donne la moindre chance d’accéder à un statut permanent dans le pays. Les nouvelles propositions avancées continuent à les exclure et à les priver de droits fondamentaux ainsi que de la citoyenneté.
Nous demandons en outre des dispositions de réunification pour permettre aux familles des travailleurs migrants de demander la résidence permanente et pour mettre fin aux rapatriements, surtout en l’absence de mécanismes d’appel. Comme les contrats du PTAS doivent être parrainés par un employeur, les travailleurs sont souvent rapatriés simplement parce qu’ils essaient de faire valoir leurs droits.
Le statut temporaire des travailleurs est à la base de l’essentiel de l’exploitation et des abus qui affligent les programmes de travailleurs étrangers. Les difficultés vont du retrait de papiers importants, comme les passeports et les relevés d’emploi, aux accidents et aux maladies qui ont entraîné des invalidités permanentes et de nombreux décès. Même quand les travailleurs ont accès aux ressources financières et juridiques nécessaires pour défendre leurs droits, leur statut temporaire les rend vulnérables, comme en témoigne éloquemment le cas des travailleurs de la ligne de transport rapide Richmond-Aéroport-Vancouver. Or la plupart des travailleurs migrants n’ont pas accès à de telles ressources.
Comme d’autres organisateurs et organisatrices de Justicia en Colombie-Britannique et en Ontario, j’ai été témoin de nombreux cas tragiques. J’espère que ces cas mettront en évidence quelques-unes des lacunes de ces programmes et inciteront le comité permanent à intervenir en faveur du droit à la régularisation et au statut de résident permanent pour les travailleurs étrangers qui, contraints d’accepter un statut temporaire, sont exposés à l’exploitation et aux abus de leurs employeurs.
En décembre 2005, j’étais avec Javier, travailleur du PTAS, avant, pendant et après son second accident cardiovasculaire grave dû à un accident du travail et qui aurait pu être prévenu ou minimisé s’il avait pu passer un tomodensitogramme après son premier ACV, survenu quelques jours plus tôt. Toutefois, à cause de son statut de travailleur temporaire, la Colombie-Britannique ne lui avait pas encore accordé l’accès à l’assurance-santé provinciale. Il n’a donc pas reçu les soins dont il avait besoin. Son employeur, Purewal Blueberry Farms de Pitt Meadows, était sur le point de le rapatrier dans l’état où il se trouvait, à demi paralysé, après son premier ACV. Il n'a pu obtenir des soins que parce que nous sommes restés avec lui. Il est cependant rentré au Mexique maintenant, où il restera paralysé pendant le reste de sa vie sans soins et sans soutien financier.
Je suis récemment rentrée du Mexique, où je me suis entretenue avec de nombreux travailleurs du PTAS et des membres de leur famille, dont deux veuves d’anciens travailleurs morts, l’un il y a quelques années et l’autre au début de cette année. J’avais eu l’occasion de rencontrer le second en décembre, avant son décès.
Alicia est une veuve dont le mari avait été éclaboussé par des produits chimiques pendant qu’il travaillait dans une serre ontarienne. Son employeur ne lui avait même pas permis de prendre une douche après le déversement des produits chimiques et, à plus forte raison, d’obtenir les soins médicaux nécessaires. Par suite de cet incident, il avait souffert de complications qui ont entraîné son décès par la suite. Alicia n’a pourtant reçu aucune indemnisation ni du gouvernement mexicain ni du gouvernement canadien. Quel choix lui reste-t-il? Venir travailler au Canada dans le cadre du programme qui a tué son mari? Elle doit maintenant s’occuper de son fils toute seule et sans aide.
Maribel est la veuve d’Alberto, qui est mort au début de cette année, laissant sa femme avec trois très jeunes enfants. Pendant qu’il travaillait pour le PTAS en Ontario, un examen médical avait révélé qu’il était atteint d’un cancer du pancréas. Même s’il a bénéficié d’un important soutien communautaire, Alberto et sa famille n’ont pu compter sur aucun soutien gouvernemental. Je me souviens d’avoir parlé avec ses frères, dont plusieurs étaient également venus au Canada dans le cadre du programme, de la possibilité que la même chose leur arrive. Il n’a certainement pas été facile d’aborder cette question avec les membres d’une famille qui avait récemment perdu un des siens. Il y a beaucoup d’autres cas analogues.
Je voudrais enfin répéter encore une fois à quel point il est important que le comité permanent s’occupe de la question de la résidence permanente pour les travailleurs migrants. Est-ce que notre pays, en créant ces programmes temporaires qui font venir des travailleurs pendant des dizaines d’années sans même leur permettre de devenir des résidents permanents, veut vraiment contribuer à la désintégration de familles et à de graves problèmes conjugaux, familiaux et communautaires? Pouvez-vous imaginer être séparé de votre famille et de votre collectivité huit mois sur douze pendant 15 ou 20 ans? C’est la vie que nous imposons aux travailleurs agricoles migrants dans le cadre du PTAS.
Nous recommandons que le Canada signe et ratifie enfin la Convention des Nations Unies sur les travailleurs migrants et vous demandons de prendre beaucoup des recommandations du rapport Arthurs sur les normes fédérales de travail comme point de départ pour apporter des changements susceptibles d’améliorer les conditions et la vie des travailleurs migrants. D’après le rapport Arthurs, les travailleurs agricoles et domestiques comptent parmi les plus vulnérables et leur statut d’étrangers ne fait qu’aggraver leur vulnérabilité. Nous croyons, comme le préconise le rapport Arthurs, qu’il faut trouver des moyens d’assurer à tous les travailleurs des conditions de vie que nous pouvons juger décentes. C’est là que réside la question centrale de tous les débats de politique publique. Nous demandons simplement de la décence, de la justice et de la dignité. Les familles et les collectivités doivent pouvoir jouir de leurs pleins droits. Dans le cas des travailleurs étrangers au Canada, cela comprend l’accès à la résidence permanente et, par la suite, à la citoyenneté, s’ils le souhaitent.
Je ne veux pas voir d’autres Javier, Alberto, Alicia et Mirabel. Je ne veux pas voir d’enfants privés de leur père. Si le gouvernement ne modifie pas les conditions qui sont à la base de la vulnérabilité de ces travailleurs à l’exploitation, c’est exactement cela qu’il favorise.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs. Malheureusement, c’est à cela que se limite mon français. C’est tout le vocabulaire que je possède.
Je voudrais vous remercier de m’avoir permis de comparaître devant vous aujourd’hui. Je vais essayer de m’en tenir aux sept minutes prévues. En fait, je pourrais bien finir en moins de temps.
Je voudrais d’abord dire quelques mots de mon organisation, S.U.C.C.E.S.S. Elle existe depuis 35 ans. Nous avons actuellement 390 employés et offrons des services dans 18 collectivités de la vallée du Bas-Fraser. Ces services touchent l’établissement, l’emploi, la formation linguistique et les soins de santé aux jeunes, aux adultes, aux familles et aux aînés.
Au sujet des travailleurs sans papiers et des travailleurs temporaires étrangers, la seule chose que je puisse dire, c’est que nous n’en voyons pas beaucoup. Au cours des trois derniers mois de 2007, nous avons eu des contacts avec un total de 20 633 personnes, dont moins de 4 p. 100 s’inscrivent dans la catégorie « autres », qui comprend une infime minorité de travailleurs sans papiers et de travailleurs temporaires étrangers. Comme nous offrons des services dans tant de langues différentes — coréen, panjabi, farsi, philippin, tagalog, etc. —, nous croyons qu’ils sont si peu nombreux dans notre clientèle soit parce que nous n’avons pas réussi à les toucher soit parce qu’ils ne se sont pas présentés à nos bureaux pour obtenir des services.
Le gouvernement de la Colombie-Britannique a récemment placé les travailleurs d’établissement dans les écoles. Par conséquent, si les travailleurs sans papiers et les travailleurs temporaires étrangers ont des enfants qui vont à l’école, ils ont peut-être accès à des services par l’entremise des autorités scolaires. Je ne peux cependant pas l’affirmer.
Comme d’autres témoins vous l’ont dit aujourd’hui, beaucoup de ces travailleurs ne parlent pas l’anglais comme première langue. Nous recommandons par conséquent que des fonds soient mis à la disposition d’organisations comme celles dont les représentants sont assis à ma droite pour leur permettre d’étendre leurs services à ces immigrants. Il serait également utile de prévoir des fonds pour permettre à ces travailleurs de perfectionner leur anglais et peut-être pour leur assurer une certaine aide financière.
Vous avez entendu parler du fait que le gouvernement n’offre pas de services médicaux et n’accorde qu’un accès limité à l’aide juridique. Nous croyons qu’il est important d’assurer de l’aide dans ces domaines. Nous recommandons d’étendre aux travailleurs étrangers les mêmes services intégrés dispensés aux immigrants admis.
Les fonds que nous obtenons actuellement du gouvernement provincial servent essentiellement à donner des services aux immigrants admis. Les organisations comme la nôtre n’ont aucun intérêt à étendre leurs services aux travailleurs temporaires étrangers, même si elles sont désireuses de le faire. Maintenant que nous envisageons de créer la catégorie de l’expérience canadienne, il faut se rendre compte que ces gens ont travaillé longtemps chez nous à titre temporaire... Nous les encourageons à présenter des demandes parce qu’ils n’auraient pas à rentrer chez eux pour le faire.
Il est essentiel, pendant qu’ils travaillent à titre temporaire chez nous, qu’ils aient une bonne expérience et ne soient pas soumis aux conditions mentionnées plus tôt.
Pour nous, la création de la catégorie de l’expérience canadienne est une bonne initiative. Toutefois, elle n’est pas suffisante si, pendant qu’ils sont chez nous à titre de travailleurs temporaires étrangers, nous ne leur accordons pas les mêmes services qu’aux autres.
Mesdames et messieurs, j’ai terminé.
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Je vous remercie de m’avoir donné cette occasion. Je m’appelle Denise Valdecantos. Je suis membre du conseil d’administration du Philippine Women Centre of BC.
Depuis 1989, ce centre s’occupe de sensibilisation, d’organisation et de défense des droits des femmes migrantes et immigrantes d’origine philippine et de leur famille. Nous avons de tout temps exprimé notre opposition au Programme concernant les aides familiaux résidants et préconisé sa suppression.
Comme vous le savez, les statistiques de Citoyenneté et Immigration Canada montrent que les femmes qui viennent au Canada dans le cadre du PAFR sont, en très forte majorité, des Philippines. Nos recherches, notre travail d’organisation dans la collectivité et de nombreuses études universitaires ont établi que le PAFR a des répercussions physiques, sociales, économiques et politiques négatives sur la communauté philippine du Canada, au niveau aussi bien individuel que collectif.
Pourtant, malgré les pressions exercées depuis longtemps, le PAFR demeure intact avec ses quatre piliers: l’obligation de vivre chez l’employeur, le statut temporaire par rapport à l’immigration, le permis de travail valable pour un seul employeur et l’obligation de travailler pendant 24 mois dans une période de trois ans. Tant que ces piliers seront là, la situation des aides familiales ne s’améliorera pas à cause du contexte systémique des abus qui leur sont imposés. Leur vulnérabilité persistera tant que leurs conditions de travail ne seront pas réglementées et que les cas d’abus et d’exploitation resteront très courants.
Ces femmes et leur famille ont un autre problème dû à la longueur du processus qu’elles doivent suivre pour parrainer leurs enfants ainsi qu’aux frais qui leur sont imposés. Les années de séparation causent des traumatismes chez les jeunes Philippins. Une récente étude de l’Université de la Colombie-Britannique révèle que la séparation des familles occasionne, après la réunification, des problèmes d’intégration et de l’isolement chez les jeunes qui vivent au Canada.
Nous appréhendons beaucoup l’expansion du programme des travailleurs temporaires en l’absence d’un examen critique complet des effets négatifs de programmes existants tels que le PAFR. Nous craignons également les répercussions négatives à court et à long termes sur la communauté philippine.
Les Philippines constituent pour le Canada une source privilégiée de travailleurs temporaires, mais il n’y a pas de garanties suffisantes pour protéger leurs droits et leur bien-être et ceux de leur famille. Beaucoup des femmes qui viennent au Canada sont des infirmières diplômées et sont souvent appelées à donner des soins à des personnes âgées et handicapées. Compte tenu de la pénurie actuelle d’infirmières au Canada, nous demandons une reconnaissance complète des titres de compétences de ces infirmières.
Nous croyons fermement que les travailleurs des Philippines doivent avoir droit à la résidence permanente et pouvoir venir au Canada avec leur famille. Nous appuyons également l’appel lancé par la SIKLAB, organisation des travailleurs migrants philippins, pour que le Canada ratifie la Convention des Nations Unies sur la protection des travailleurs migrants et de leur famille.
Je vous remercie.
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Je m’appelle Mildred German. Je représente la Ugnayan ng Kabataang Pilipino sa Canada, ou Alliance des jeunes philippino-canadiens, groupe de jeunes et d’étudiants qui s’occupe des problèmes des jeunes dans la communauté philippine du Canada. Nous sommes affiliés au Philippine Women Centre.
Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de vous parler de la situation des jeunes philippins. La communauté philippine du Canada se classe troisième en importance parmi les groupes d’immigrants du pays. D’après les estimations les plus récentes, près d’un demi-million de travailleurs migrants et immigrants philippins vivent au Canada. Les jeunes et les étudiants forment une grande partie de la communauté philippine. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons voulu comparaître devant vous aujourd’hui.
Je voudrais vous parler des effets sur les jeunes philippins du Programme concernant les aides familiaux résidants de Citoyenneté et Immigration Canada. Depuis le début des années 1980, près de 100 000 Philippines ont été obligées de venir au Canada pour travailler comme aides familiales. En fait, 95 p. 100 des personnes engagées dans le cadre du PAFR sont des femmes philippines qui ne peuvent pas être accompagnées de leur famille lorsqu’elles viennent travailler au Canada.
Les jeunes philippins sont les plus affectés car ils sont privés de leur père et leur mère pendant que ceux-ci travaillent à l’étranger. Lorsqu’ils ont finalement la possibilité de retrouver leurs parents, ce ne sont plus que des étrangers pour eux à cause de toutes les années de séparation. En même temps, les jeunes qui immigrent au Canada doivent vivre dans un milieu inconnu où ils se sentent isolés et écartés jusqu’à ce qu’ils puissent s'adapter à leur nouvelle vie.
La plupart des jeunes philippins nouvellement arrivés doivent également faire face au traumatisme de l’immigration ainsi que de la séparation puis de la réunification de la famille. D’après une étude récente de l’Université de la Colombie-Britannique, ces jeunes sont séparés pendant une période moyenne de cinq ans de leurs parents venus au Canada dans le cadre du PAFR. Dans bien des cas la séparation est plus longue.
Au traumatisme de l’immigration, de la séparation et de la réunification de la famille s’ajoute l’absence d’un vrai soutien et de services adaptés à la culture des jeunes et de la communauté philippine. Il n'est donc pas surprenant que la même étude révèle que les jeunes philippins se classent deuxièmes parmi les groupes ayant le taux le plus élevé de décrochage dans les écoles secondaires de Vancouver. Les recherches menées attribuent ce problème à la marginalisation économique de la communauté philippine. En fait, les jeunes doivent souvent travailler pour arrondir le revenu de la famille. La plupart des Philippins qui vivent au Canada appartiennent à la classe ouvrière, sont marginalisés dans la population active et constituent la nouvelle génération de main-d’œuvre à bon marché.
Nous, Philippins, avons constaté à quel point notre communauté est sous-représentée quand il faut régler les problèmes que nous connaissons. Cette sous-représentation témoigne de la présence d’obstacles systémiques. Quand des groupes communautaires critiquent et contestent des politiques du gouvernement du Canada, comme celle de l’immigration, ils sont en général déçus des réponses qu’ils reçoivent. Cela a été particulièrement le cas le 21 janvier 2008, lorsque l’Alliance des jeunes philippino-canadiens, de concert avec d’autres organisations d’immigrants et groupes communautaires, a demandé des explications à Citoyenneté et Immigration Canada sur les répercussions sociales de ces politiques, et notamment du programme des travailleurs temporaires, de la catégorie de l’expérience canadienne et du PAFR. La directrice adjointe des Politiques et programmes à l’intention des résidents permanents de CIC, Katherine Pestieau, a admis qu’il n’y avait pas d’argent à consacrer à l’intégration et à l’établissement de nos communautés d’immigrants au Canada. Cette réponse décevante ne peut qu’aggraver les politiques racistes imposées à notre communauté et à d’autres communautés d’immigrants.
Comme je l’ai dit, les effets du PAFR sur les communautés philippines sont vraiment considérables, compte tenu du traumatisme de l’immigration, de la séparation et de la réunification des familles. Il est donc urgent d’examiner les répercussions sociales de la politique d’immigration du Canada dans les domaines du programme des travailleurs temporaires, du PAFR et de la catégorie de l’expérience canadienne.
Nous demandons que le PAFR soit supprimé. Il faut permettre aux travailleurs migrants philippins de venir au Canada comme résidents permanents et leur permettre, s’ils le souhaitent, d’emmener leur famille avec eux pour éviter de longues années de séparation. Nous demandons en outre plus de ressources pour l’intégration et l’établissement de nos communautés d’immigrants au Canada.
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Je vous remercie. Je partagerai mon temps de parole avec mes collègues ici présents.
Erika, je vous ai écoutée, comme j’ai écouté tous les autres témoins, avec une grande émotion. Vous accomplissez toutes et tous l’œuvre de Dieu ou, si vous ne croyez pas en Dieu, vous êtes peut-être les elfes du père Noël parce que nous savons que ce n’est pas pour l’argent que vous travaillez. Mais, mon Dieu, je crois que votre vocation est admirable. Je le sais.
Je suis bien d’accord avec vous. C’est la raison pour laquelle je ne vous poserai pas beaucoup de questions. Si nous faisons venir des gens à répétition parce que nous sommes à court de travailleurs, nous devrions peut-être, après une certaine période, leur permettre de demander à rester au Canada.
Quand nous parlons de travailleurs âgés... Je suis sûre que, pour chaque cas constaté d’abus, de racisme et d’exploitation, il doit y en avoir cinq ou six autres qui souffrent sans qu’on le sache. J’aimerais savoir de quelle façon vous prenez contact avec les gens pour essayer de changer leur situation et de quelle façon vous arrivez à les aider. Est-ce que l’octroi d’une pension de vieillesse aux immigrants admis qui ont vécu deux ou trois ans au Canada peut remédier à certaines des difficultés financières et d’emploi des travailleurs âgés?
Nous savons que le système des points ne fonctionne pas très bien. Nous avons des chauffeurs de taxi et des balayeurs qui ont des doctorats ou des diplômes de dentiste. Le système des points étant ce qu’il est, serait-il avantageux de l’éliminer et de le remplacer par un système fondé sur nos besoins — de toute façon nous avons et aurons probablement toujours besoin de main-d’œuvre non qualifiée — ou bien vaudrait-il mieux ajouter une autre catégorie au système des points pour pouvoir accueillir des gens comme résidents permanents?
J’aimerais que les deux femmes répondent à cette question.
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Merci pour cette occasion de faire un exposé sur les questions importantes sur lesquelles vous tenez des audiences à travers le pays. J'ai entendu certaines des discussions précédentes, et vous examinez de nombreuses questions qui suscitent des discussions animées.
Je n'envie pas votre tâche, qui consiste à concilier de nombreux changements réglementaires ou législatifs différents et leur impact avec des priorités contradictoires qu'on vous demande d'examiner.
Je vous parle en ma qualité de président de la section du droit de l'immigration et de la citoyenneté de l'Association du Barreau canadien. Cette association est une association libre qui regroupe environ 37 000 avocats, notaires, professeurs de droit et étudiants en droit des différentes régions du Canada. Ma section compte environ 900 membres qui pratiquent le droit de l'immigration à travers le pays. Notre mandat consiste notamment à essayer d'apporter des améliorations à la loi et à l'administration de la justice et c'est de ce point de vue que je ferai mon exposé aujourd'hui.
J'aimerais aborder en particulier deux des questions que vous avez soulevées quoique, étant donné les discussions animées que suscitent certaines autres questions, j'aie également des opinions sur le Programme concernant les aides familiaux résidants et d'autres programmes. Mais je vais laisser ça aux membres.
Quoi qu'il en soit, les deux questions précises — vous avez d'ailleurs des exemplaires de mes notes — sont l'impact du projet de loi sur les travailleurs étrangers temporaires, puis la question des consultants en immigration sans papiers et aussi de ceux qui sont agréés.
Nous avons fait part de nos préoccupations au gouvernement dans ces deux domaines. Nous avons présenté des mémoires sur ces deux questions au cabinet de la ministre.
Ce qui nous préoccupe en fait, en ce qui concerne le projet de loi , ce sont les vastes pouvoirs, échappant relativement à tout contrôle, qu'il accorde au ministre et qui pourraient purement et simplement miner le principe de la primauté du droit. Nous estimons que les mesures actuelles de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR) et que les règlements et procédures de traitement actuels peuvent être utilisés de façon plus efficace pour atteindre les objectifs du gouvernement. Dans de nombreux cas, y compris en ce qui concerne le projet de loi C-17, son objectif, qui était de protéger de l'exploitation certaines catégories de travailleurs, comme les strip-teaseuses, pourrait être atteint par d'autres moyens ne nécessitant pas ce projet de loi. Les instructions ministérielles sont une approche trop sévère et inutile alors que des directives fermes venant du cabinet du ministre permettraient probablement d'atteindre le même but.
En outre, nous nous demandons s'il est nécessaire d'établir un système d'instructions ministérielles centralisant le pouvoir au cabinet du ministre alors que quelques visas seulement de strip-teaseuses ont été émis. J'ai entendu des chiffres différents: 4, 18 et 20. Ce n'est pas assez pour qu'il faille vraiment modifier une loi. Si c'est la principale motivation, nous en contestons quelque peu le bien-fondé.
La loi et les procédures actuelles apportent une transparence et une objectivité que le projet de loi réduira, à notre sens. Nous avons certaines préoccupations analogues au sujet du projet de loi qui a été présenté à la Chambre aujourd'hui, à savoir le projet de loi . Si on réduisait l'objectivité d'un système déjà complexe pour l'utilisateur, mais qui lui accorde au moins quelques droits par l'emploi d'un terme comme « shall », en le remplaçant par « may », ou en prévoyant un système d'instructions ministérielles concernant l'octroi d'un permis de travail, ou d'un visa de résident temporaire ou permanent, on en augmenterait beaucoup la complexité.
C'est le risque associé à l'affaiblissement du libellé de la loi, quoique nous reconnaissions que certaines dispositions de ces deux projets de loi sont inspirées par des objectifs légitimes de politique publique. Nous félicitons le gouvernement de prendre des initiatives pour atteindre ces objectifs, mais je me demande si des modifications législatives, surtout celles qui sont envisagées, sont nécessaires pour y arriver.
Nous vous demandons de recommander au gouvernement d'utiliser les mesures qui se trouvent dans la loi plutôt que d'émettre des directives ministérielles pour réaliser ces orientations légitimes de la politique gouvernementale.
La pierre angulaire d'une bonne administration de la justice est, à notre avis, la transparence; les préoccupations que nous avons au sujet de l'orientation que le gouvernement s'est donnée avec le projet de loi et avec plusieurs autres initiatives législatives, y compris celle que j'ai mentionnée, à savoir le projet de loi , est qu'on sacrifie la clarté et la transparence pour donner au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration un contrôle plus direct sur les questions de traitement des demandes. Cette tendance aura pour conséquence de centraliser le pouvoir en matière de traitement des demandes entre les mains du ministre et du ministère plutôt que de le laisser là où il est actuellement, c'est-à-dire dans les règlements comme tels.
C'est une approche très intéressante. La ministre a déclaré officiellement aujourd'hui que tous les changements qu'elle propose dans ces instructions ministérielles, aux termes des deux projets de loi, feront l'objet de consultations avec les parties concernées et seront également publiés au préalable dans la Gazette du Canada. Nous en félicitons la ministre, mais comment agira le prochain ministre ou celui qui viendra après lui? Quand ces pouvoirs — le pouvoir lié aux instructions ministérielles aux termes du projet de loi et peut-être aussi la capacité, aux termes du projet de loi , de choisir les catégories de visas d'immigrants qui pourront être retenues alors qu'elles sont déjà indiquées dans les règlements... Nous estimons que cette centralisation du pouvoir n'est pas indispensable pour que le gouvernement atteigne ses objectifs en matière d'immigration. En outre, ça pose un risque d'abus de la part du ministère ou d'un autre ministre de l'Immigration, si ce n'est pas la ministre actuelle, qui s'en serviraient peut-être de diverses façons fondamentalement antidémocratiques et ne permettraient pas de discuter comme il se doit, ici ou dans toute autre tribune, des changements qui seraient apportés en matière d'immigration mais permettraient à de hauts fonctionnaires d'établir une politique en ne discutant qu'entre eux.
Nous sommes conscients du fait qu'une certaine flexibilité est essentielle, et nous reconnaissons que la ministre et le gouvernement ont des problèmes très complexes et difficiles à régler, qu'ils doivent réaliser un équilibre entre de nombreux objectifs stratégiques différents et contradictoires. C'est la réalité de notre système depuis que je pratique le droit de l'immigration. Ce n'est pas un équilibre facile à maintenir.
L'édification d'un système qui réponde aux besoins actuels du Canada tout en étant sensible aux besoins économiques à long terme, comme aux objectifs humanitaires, pose un défi. Bien que cet objectif nécessite un certain degré de flexibilité pour s'adapter aux changements économiques, ça ne doit pas être aux dépens d'un système fondé sur des critères objectifs. Le risque, que j'ai déjà évoqué, est qu'on ait recours à l'arbitraire et qu'on permette au ministre de ne pas tenir compte des critères objectifs qui se trouvent déjà dans les règlements. C'est ce que nous n'acceptons pas. Les Canadiens veulent de la transparence.
Une autre question sur laquelle je voudrais faire des commentaires aujourd'hui est celle des consultants en immigration. Je connais personnellement très bien la chronologie de ce dossier. C'est la Law Society of British Columbia qui a attiré l'attention sur l'affaire Mangat, vers la fin des années 90, à l'issue de laquelle la Cour suprême du Canada a décidé que les consultants en immigration avaient un rôle à jouer, pour autant que cette profession soit réglementée. C'est ainsi qu'a vu le jour la Société canadienne de consultants en immigration.
Je voudrais aborder deux sujets. Premièrement, l'Association du Barreau canadien estime qu'actuellement, cet organisme ne dispose pas de suffisamment de fonds pour se charger de mesures disciplinaires. Il serait au moins intéressant de vérifier s'il fait du bon travail et s'il prend des mesures disciplinaires efficaces envers ses membres. A-t-il un budget suffisant pour le faire?
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Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, je vous remercie d'avoir invité la Law Society à prendre part aux audiences d'aujourd'hui.
Le mandat de la Law Society of British Columbia a été établi par la Legal Profession Act; le principal aspect de son mandat est l'obligation de protéger le public dans l'administration de la justice. C'est dans le contexte de ce mandat que je suis venue témoigner aujourd'hui.
Vous serez contents d'apprendre que mes commentaires porteront sur une seule question, à savoir celle des consultants en immigration non agréés. La Law Society est préoccupée depuis de nombreuses années, et l'est toujours, par le fait que le public continue d'être lésé par des consultants en immigration non agréés qui fournissent des services juridiques en matière d'immigration, alors qu'ils ne sont pas consultants en immigration agréés ni avocats.
Aux termes de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et du règlement corrélatif, seuls les représentants élus ont le droit de fournir des services juridiques, moyennant des honoraires, à des clients qui ont entamé des procédures d'immigration ou présenté une demande. Tel que prévu dans le règlement, les représentants autorisés sont les avocats, les notaires au Québec et les membres de la Société canadienne de consultants en immigration. Cette règle a pour objet de s'assurer que seules les personnes compétentes, dont les activités sont réglementées par un organisme responsable, soient autorisées à exiger une rémunération pour représenter des personnes très vulnérables.
Bien que le règlement précise que seuls les représentants autorisés peuvent fournir des services juridiques en matière d'immigration en échange d'honoraires, des consultants en immigration non agréés continuent d'offrir des services juridiques souvent très mauvais, ou d'offrir des services juridiques en dépit du règlement. Des consultants en immigration non agréés peuvent masquer leur participation à la préparation des documents d'immigration en faisant signer les documents par le demandeur en son nom. Les clients n'apprennent parfois que le consultant n'est pas agréé et qu'il ne pourra pas les représenter à une audience que peu de temps avant la date de l'audience. On peut imaginer combien ça peut être vexant pour ces clients vulnérables. Dans d'autres cas, les consultants en immigration non agréés prétendent pouvoir fournir des services d'immigration; ils facturent et font payer un droit mais ne fournissent en fait jamais les services.
Même après que la Cour suprême du Canada ait déclaré, dans son jugement dans l'affaire Law Society of British Columbia c. Mangat, que les consultants en immigration relevaient du gouvernement fédéral, la Law Society of British Columbia continue à recevoir des plaintes de la population au sujet de la piètre qualité ou de l'absence de services fournis par des consultants en immigration non agréés. Certaines personnes se plaignent d'avoir versé des milliers de dollars à ces consultants et de n'avoir reçu en échange aucun service ou des services minimes, ou se plaignent de la mauvaise qualité des services fournis. Parfois, les conseils qu'elles reçoivent sont préjudiciables à leur demande d'immigration; on leur donne de mauvais conseils sur la façon de remplir les formulaires.
Les immigrants sont des personnes vulnérables et ils ont besoin de protection contre les consultants en immigration non agréés qui n'ont aucune formation, ne sont soumis à aucune réglementation, ne sont pas assurés et sont parfois dénués de tout scrupules. Un des problèmes qui se posent dans le contexte du régime réglementaire actuel est que la loi ne renferme pas de dispositions d'exécution efficaces pour prendre des sanctions contre les consultants en immigration non agréés qui fournissent des services en dépit de la loi et du règlement. Pour être efficace, la loi devrait préciser que la fourniture de services en dépit des dispositions de la loi et du règlement est une infraction. Elle devrait en outre préciser quelles seraient les sanctions, généralement en peines d'emprisonnement ou en amendes d'un montant déterminé, auxquelles s'exposent les personnes qui fournissent des services juridiques en dépit des dispositions de la loi et du règlement. Enfin, la loi devrait prévoir un cadre d'exécution par l'intermédiaire des services de police ou d'une division du ministère de l'Immigration.
En l'absence d'une exécution efficace, les consultants non agréés continueront de profiter des immigrants et des candidats immigrants et de causer un préjudice considérable à la réputation du Canada au sein de la communauté internationale. La Law Society of British Columbia recommande que le gouvernement du Canada adopte un système d'exécution efficace pour protéger ce groupe vulnérable. En quoi les avocats sont-ils différents? C'est la question que me pose le comité. La réponse est que les avocats sont assurés, qu'ils ont une formation et qu'ils sont réglementés.
Tous les avocats sont-ils de bons avocats? Non, et nous le savons, naturellement. La Law Society fait des remontrances aux avocats qui ne font pas bien leur travail et veille à ce que des sanctions soient prises... tout ça est public; c'est sur notre site Web. Toutes les procédures disciplinaires y sont affichées. Nous faisons des examens des critères en matière de pratique et nous pouvons rayer du Barreau des avocats qui sont malhonnêtes ou manquent d'intégrité, ou pour d'autres motifs. En outre, le public est protégé lorsqu'il fait affaire avec des avocats, car ceux-ci sont assurés.
Ils sont non seulement réglementés, mais sont aussi assurés. On ne peut pas en dire autant des consultants en immigration non agréés. C'est une différence. Le fait d'être un avocat ne garantit pas qu'on est très compétent, quoique nous fassions de notre mieux pour donner un bon service. La différence est que si vous êtes client d'un avocat, vous avez des recours. Si vous êtes client d'un consultant en immigration non agréé, vous n'en avez pas beaucoup.
J'ai vu aujourd'hui, sur le site du ministère de l'Immigration, la politique concernant le recours à des représentants, rémunérés ou non. C'est une section qui indique ce qu'il faut faire quand on travaille à Citoyenneté et Immigration Canada et qu'on reçoit une plainte concernant un consultant en immigration non agréé. Savez-vous ce qu'on dit aux clients? Lorsqu'ils font affaire avec un consultant en immigration non agréé, on leur dit d'en informer la SCCI, qui n'a aucune capacité d'exécution efficace contre les représentants non autorisés, et de présenter une plainte au Bureau d'éthique commerciale du Canada, ou encore d'entreprendre, s'ils le peuvent, une action en Cour des petites créances pour leur compte.
Ces personnes sont aux prises avec un système. Ce sont des immigrants; ils sont vulnérables. Ça ne les aide pas. Ils n'ont aucun recours, en fait.
J'ai fini. Je suis heureuse que mon exposé ait duré moins de sept minutes.
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Merci, mesdames et messieurs.
J'apprécie votre invitation, bien qu'elle soit arrivée à la dernière minute, vendredi soir, et que nous ayons eu très peu de temps pour préparer un mémoire. Nous avons toutefois préparé 32 pages mais, étant donné que nous ne disposons que de sept minutes pour faire notre exposé, je n'en présenterai que quelques passages choisis.
Je suis présidente et lobbyiste fédérale inscrite pour la Canadian Society of Immigration Practitioners. Je suis accompagnée de notre vice-président, M. Elie Hani.
Je suis heureuse que le président de l'Association du Barreau canadien et Mme Wiseman aient présenté un bon argument; cependant, j'ai un point de vue et une position différents sur cette question.
Je voudrais exposer brièvement le contexte. La CSIP est une organisation non gouvernementale, à but non lucratif, et ses membres fournissent des services bénévoles depuis novembre 2005. Nous avons plus de 9 000 membres. Ils ne paient pas de droits d'adhésion; ils paient de leur poche pour aider les futurs clients d'Immigration Canada. Notre société ne reçoit aucune forme de subventions gouvernementales. Nous travaillons de la maison, nous payons nos frais de bureau et nous nous occupons en outre des demandeurs du statut de réfugié qui n'ont pas accès à l'aide juridique, parce que des services ont été supprimés il y a quelques années.
La CSIP joue le rôle d'un organisme de réglementation unifié pour ses membres et représente les intérêts des intervenants en immigration, au Canada et à l'étranger. La CSIP vise l'autoréglementation avec la reconnaissance de représentants rémunérés, par le gouvernement fédéral; elle voudrait en outre instaurer un système de protection des futurs clients des services d'immigration.
Soyons clairs, les intervenants en immigration tiennent à se soumettre à la réglementation professionnelle; nous estimons d'ailleurs avoir accompli ce travail le 13 avril 2004, lorsque la Société canadienne des consultants en immigration, que nous avons appuyée initialement, a été créée. Notre opposition repose sur le fait que nous sommes très déçus de l'administration et du comportement de cette société, de son mandat et de ses statuts, qui sont tendancieux. Nous ne voulons pas éviter la réglementation, mais nous souhaitons éviter le mauvais type de réglementation qui permet à un groupe spécifique de ne servir que ses propres intérêts.
Le cheminement vers une réglementation pour les intervenants en immigration est anticonstitutionnel, car il n'a pas été approuvé par le Sénat. Les consultants en immigration sont-ils effectivement réglementés, malgré la présence de la Société canadienne des consultants en immigration (SCCI)? Je ne le pense pas. Les consommateurs ne sont pas protégés. Cette société ne protège pas les consommateurs depuis 2004.
Un écart se forme entre les membres de la SCCI, les avocats spécialisés en droit de l'immigration et les intervenants en immigration de la CSIP, qui dispensent des services bénévoles. Depuis août 2005, cinq directeurs de la SCCI ont donné leur démission pour malversations et mauvaise gestion. En outre, près de 1 000 consultants en immigration ont démissionné de la SCCI en raison du type de mandat que s'est donné la société.
Les droits d'adhésion à la SCCI sont trop élevés; par conséquent, un grand nombre de consultants cessent d'en faire partie. Cinq poursuites ont été entamées contre la SCCI depuis sa création.
Notre association a été encouragée à révéler publiquement les préoccupations concernant l'absence de contrôle sur les membres de la SCCI. Des plaintes ont été faites par des citoyens, par des consommateurs et par d'anciens membres de la SCCI. Des professionnels reconnus ayant une longue expérience en matière de droit de l'immigration se sont fait dire qu'ils n'avaient pas réussi l'examen — et ce, à plusieurs reprises — et ça nous a étonnés, car il y avait parmi eux des agents d'immigration supérieurs professionnels à la retraite ou ayant démissionné et d'anciens avocats en exercice.
Ces membres n'ont pas eu le privilège d'avoir des contacts avec l'administration de la SCCI et on ne leur a pas donné l'occasion de négocier une autre notation de leur examen. Les notes avaient été attribuées par le personnel de la SCCI et pas par un établissement d'enseignement reconnu. Bien que les membres aient droit à cette approche légitime, puisqu'ils paient des droits élevés pour les examens, ils en ont été privés. Leurs droits ont été bafoués par une façon de procéder manquant de transparence.
Nous avons également de sérieuses préoccupations au sujet de la façon dont l'examen d'adhésion a été préparé. Quels sont ces experts en droit de l'immigration qui ont été recrutés par le conseil d'administration de la SCCI au coût de 760 000 $? Ce sont en fait les contribuables qui ont dû payer la facture, car cette somme faisait partie du montant initial de 1,2 million de dollars qui avait été accordé à la société.
La CSIP reconnaît que le ministère de l'Immigration ne pourra pas résoudre par lui-même tous les problèmes associés à la pratique des consultants, mais il pourrait être — et devrait être — un instrument clé de règlement de certains de ces problèmes, avec l'approbation de l'honorable ministre, naturellement.
Les efforts actuels de la CSIP ont pour objet de détecter tout type d'abus au sein du gouvernement fédéral, abus qui ne font actuellement plus aucun doute. Au cours des derniers mois, nous avons eu vent de tels abus à l'Agence des services frontaliers du Canada et à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Dans une lettre qu'elle a adressée dernièrement à la CSIP, la ministre de l'Immigration, l'honorable Diane Finley, a approuvé notre position concernant la tenue d'une enquête sur la nomination en secret de deux consultants de la SCCI en situation de conflit d'intérêts. Cette enquête est actuellement menée par les deux commissions d'éthique.
En 2004, la CSIP a publié et présenté un document de travail attirant l'attention sur l'importance des recommandations qui avaient été faites au ministre précédent. Ce document a toutefois été déchiqueté et ignoré. On a plutôt adopté des recommandations qui avaient été faites en secret et qui servaient les intérêts d'anciens agents d'Immigration Canada, leurs amis et les personnes qui les soutenaient.
Au nom des membres de la CSIP, de ses partenaires et des parties concernées, nous proposons le plan d'action suivant.
En premier lieu, il faut permettre à la ministre de reconnaître d'autres organismes de réglementation pour une meilleure reddition de comptes, une plus grande transparence et une protection plus efficace des consommateurs, à l'échelle nationale.
Assurer la prévisibilité et la stabilité par un mécanisme progressif.
Trouver des principes communs par le biais d'une collaboration suivie avec Immigration Canada, à l'échelle nationale, y compris avec les avocats.
Évaluer et vérifier les résultats, communiquer les innovations et les pratiques exemplaires en matière d'immigration, en l'absence de toute discrimination. Accorder la liberté d'association et la liberté d'expression à tous les consultants, qu'ils soient membres ou non de la SCCI.
Nous recommandons à l'honorable ministre de faire des enquêtes plus approfondies jusqu'à ce que cette situation soit réglée de façon à faire gagner du temps au ministère et à faire économiser de l'argent aux contribuables.
Enfin, nous recommandons d'accorder la reconnaissance fédérale à notre société, à titre d'intervenante agréée en matière d'immigration. Après un examen approfondi de notre administration, nous espérons que l'honorable ministre nous donnera l'occasion de démontrer nos connaissances professionnelles et notre honnêteté dans ce domaine.
Le nombre d'adhérents à notre société a augmenté en très peu de temps — au cours des trois dernières années — à 9 000 membres. C'est pourquoi plusieurs mesures ont été prises pour que la SCCI, qui est un organisme agréé par le gouvernement fédéral et devrait être une société à but non lucratif... Son administration n'est pas capable de remplir le mandat qui lui a été confié avec les 1,2 million de dollars de financement initial payés par le contribuable. Quatre années plus tard, la SCCI n'est malheureusement pas encore arrivée à assurer la protection des consommateurs.
Y a-t-il des abus de pouvoir au niveau fédéral? Oui. Le 13 avril 2004, des membres du conseil d'administration de la SCCI ont révélé avoir des liens avec le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Étant donné que le directeur de ce ministère...
Le temps dont je disposais est-il écoulé?
Monsieur le président, je ferai remarquer que, quand un sujet est abordé par les témoins qui font un exposé, j'ai parfaitement le droit de poser des questions là-dessus. Quant à savoir à quel comité il serait approprié de renvoyer cette question, je signale que, comme nous le savons tous, elle sera renvoyée au comité des finances, qui n'est pas le bon comité pour ça.
Ce que je voudrais expliquer, c'est qu'une personne qui veut immigrer doit avant tout faire un investissement affectif. C'est valable pour toutes ces questions. Ensuite, elle doit faire un investissement physique. Et, enfin, elle doit faire un investissement financier. Nous courons le danger de communiquer à travers le monde le message suivant: si vous voulez venir au Canada, vous n'avez aucun droit; c'est une loterie, et vous auriez intérêt à acheter un billet de la 6/49. Ce qui arrivera, c'est que les personnes intéressées choisiront d'autres pays où règne la primauté du droit et où la question n'est pas laissée à la discrétion du ministre.
Comme je l'ai déjà fait remarquer, la question des travailleurs temporaires et les tentatives d'en faire un « strippergate » ne sont pas vraiment un problème, mais c'est un bon filon politique qu'on exploite sans vergogne.
Je ne suis pas certain de pouvoir encore poser des questions à ce sujet aux avocats spécialistes de l'immigration, car je ne suis pas membre du comité des finances. Nous nous battrons pour que la question soit renvoyée à notre comité. Monsieur Stojicevic, j'aimerais à ce propos savoir comment, d'un point de vue d'avocat spécialiste de l'immigration, vous envisagez que cela se passera quand on organisera un concours international pour tenter de faire venir des immigrants au Canada?