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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 031 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 14 avril 2008

[Enregistrement électronique]

  (1305)  

[Traduction]

    Nous poursuivons donc notre série de réunions à travers tout le Canada, et je tiens à souhaiter aujourd'hui la bienvenue à Eugénie Depatie-Pelletier, recherchiste associée, Chaire de recherche du Canada en droit international des migrations, Université de Montréal.
    Comme vous le savez, nous sommes le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes. Nous avons pour mandat de tenir des audiences sur trois questions très importantes — les travailleurs temporaires et étrangers, les consultants en immigration, et les réfugiés irakiens. Nous espérons pouvoir tenir des réunions dans toutes les provinces. Nous avons commencé en Colombie-Britannique et nous poursuivons notre voyage vers l'Est. Nous sommes aujourd'hui à Montréal et serons demain à Fredericton et Halifax; nous nous rendrons ensuite à St. John's à Terre-Neuve.
    Lorsque nous aurons terminé, nous aurons entendu une cinquantaine de groupes de témoins qui veulent présenter leurs vues sur l'une ou l'autre des questions que nous avons été chargés d'étudier. Notre comité, comme vous le savez, est composé de représentants de tous les partis à la Chambre des communes.
    Nous vous souhaitons la bienvenue et vous remercions d'être venus nous présenter vos vues. En règle générale, lorsque nous avons un groupe de témoins, nous accordons environ sept minutes à chacun pour faire son exposé, après quoi, nous donnons la parole aux membres du comité qui souhaiteraient faire des commentaires ou poser des questions. Comme vous êtes la seule personne à intervenir aujourd'hui, ne vous sentez pas tenu de respecter ce maximum de sept minutes.
    Vous avez une présentation à faire, et nous serons très heureux de l'entendre. À la fin de notre voyage, nous allons rédiger un rapport pour la Chambre des communes, pour le ministre, avec l'aide de nos fonctionnaires. Nous présenterons des recommandations au ministre sur les trois questions pour l'étude desquelles nous avons été mandatés. Ces recommandations seront fort certainement fondées sur ce que nous aurons entendu au cours de nos audiences.
    Vous avez donc la parole.
    Je vous remercie.

[Français]

[Traduction]

    Si vous le désirez, à propos, vous pouvez utiliser votre petit écouteur pour entendre l'interprétation en français.
    Excusez-moi de l'interruption. Allez-y.
    Pour vous dire la vérité, je viens de présenter ce mémoire à Halifax devant des responsables de CIC et de RHDSC la semaine dernière; donc, tout est en anglais. Autant que je fasse cette présentation en anglais, encore que la majorité des personnes présentes ici sont francophones.
    Cela n'a pas d'importance, poursuivez dans la langue dans laquelle vous vous sentez le plus à l'aise.

[Français]

    Toutes les recherches dans ce domaine et toute la documentation sont en anglais. Tous les concepts ont été définis en anglais. Ce sera très difficile pour moi de traduire en français au fur et à mesure. Étant donné que la majorité des parlementaires sont francophones, je vais faire un effort. Je ne savais pas qu'il y avait de l'interprétation. J'ai apporté des copies qui contiennent, en fait, beaucoup plus de statistiques et de détails sur l'ensemble des programmes canadiens. Je vais quand même déposer les copies en français et en anglais pour ceux qui voudront approfondir la question en lisant l'article que je vous ai envoyé.
    Ma présentation comptera trois parties. Il y a le cadre normatif, les conventions internationales, la Charte canadienne des droits et libertés, les lois au Canada, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. En fait, les trois quarts de ma présentation et la majorité des choses contenues dans cet article ont trait à des directives administratives. La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés est touchée, mais très peu en fait. Il s'agit surtout de directives de Citoyenneté et Immigration Canada et de Ressources humaines et Développement social Canada.
    Le Canada a adhéré à la Convention supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage, en 1957. Je ne sais pas si vous avez eu le temps de lire un peu l'article, mais cette convention touche quatre types de pratiques similaires à l'esclavage: la servitude pour dettes, le servage et les abus liés au mariage et à l’adoption. La convention en donne une définition très claire. On dit que si quelqu'un ne peut pas changer de statut et qu'il est, par la loi ou par un accord, obligé de résider et de travailler pour une personne spécifique, il s'agit d'une personne de statut servile, ou servile status en anglais. Ce sont des personnes dont la situation est humainement semblable à celle que vivent des esclaves, selon la convention de l'ONU.
    Comme vous le verrez dans le rapport que je vais vous laisser à la fin, il y a au Canada environ 60 programmes pour des travailleurs étrangers temporaires. C'est très complexe et très hétérogène.
    Je m'intéresse plus particulièrement à cinq de ces soixante programmes. Mes recherches démontrent qu'il y a au Canada environ neuf programmes pour ce qu'on appelle des emplois peu spécialisés. De ces neuf programmes, cinq violent la Convention supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage. Tout le monde connaît très bien trois d'entre eux: le Programme des aides familiaux résidants, ou PAFR, le Programme des travailleurs agricoles saisonniers, ou PTAS, et le troisième, qui est très à la mode, le Projet pilote relatif aux professions exigeant un niveau réduit de formation.
    De plus, deux autres programmes violent la Convention supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage. Ce sont deux programmes mis sur pied par Citoyenneté et Immigration Canada pour des travailleurs étrangers en emplois peu spécialisés. On les autorise à travailler sans permis de travail. Il y a deux catégories. La première concerne celles qu'on appelle les aides domestiques qui travaillent pour des non-Canadiens. Cela veut dire que leur employeur est un ressortissant étranger au Canada, mais ces femmes ne sont pas assujetties au Programme des aides familiaux résidants. Par contre, elles ne peuvent pas changer d'employeur: elles sont obligées d'habiter chez l'employeur au Canada. Elles ne sont pas libres de changer de statut. Elles ont aussi un statut servile.
    L'autre type de programme est pour tous les travailleurs étrangers temporaires en emplois peu spécialisés qui travaillent pour un employeur étranger. Ce pourrait être, par exemple, une firme en Chine qui les paye. Les travailleurs étrangers dont l'employeur n'est pas canadien peuvent travailler légalement au Canada sans permis. Ceux qui ont un emploi peu spécialisé n'ont pas le droit de changer de statut. Ils sont obligés de travailler pour cet employeur et, potentiellement, par contrat, ils peuvent être obligés de résider chez un employeur.

  (1310)  

    Tous ces éléments font qu'il est possible qu'il y ait des personnes de statut servile au Canada.
    En termes canadiens, cela veut dire que les droits tels que définis à l'article 2 — qui porte sur la liberté d'association — et l'article 7 —  qui porte sur le droit à la liberté et la sécurité de la personne — de la Charte canadienne des droits et libertés sont grandement restreints dans le cas de ces personnes au Canada.
    En fait, les 25 pages de références sont vraiment intéressantes. Il va falloir aller voir à ce niveau. Ces programmes ont été initiés en 1955. Au début, cela ne touchait que des femmes des Caraïbes. Par la suite, cela a aussi touché des travailleurs agricoles des Caraïbes. Maintenant, cela touche tous les secteurs économiques de tous les pays. L'origine de ce cadre de programme de travailleurs invités remonte à 1955, avant que la Déclaration canadienne des droits et la Charte canadienne des droits et libertés ne soit adoptées. C'est donc un cadre très ancien, et jamais on n'a soumis à une cour la question de savoir si ces restrictions de droits et libertés étaient justifiées dans une société libre et démocratique au sens de l'article 1.
    Finalement, j'ai étudié toute cette question. Depuis près de 50 ans, des sociologues, des anthropologues, des spécialistes des sciences politiques et des juristes ont étudié la question et ont relevé des violations systématiques de droits et des abus systématiques, surtout envers les aides domestiques et les travailleurs agricoles. Cela se passe aussi maintenant dans de nouveaux secteurs. Il y a peu de documentation, mais l'Alberta Federation of Labour a réussi à recueillir des données à ce sujet. Le Congrès du travail du Canada a aussi fait du travail, mais cela commence dans les autres secteurs. Il y a des années que les sociologues recensent des cas dans le secteur agricole.
    Il faut aller voir les références à la fin. Toutefois, il y manque tous les articles de journaux. Je n'ai pas eu le temps de les insérer, car il y en a énormément. Les abus systématiques sont toujours des cas typiques. Il s'agit, par exemple, de personnes séquestrées sur la ferme pendant 7 mois, qui doivent travailler sept jours par semaine, qui n'ont pas de pause de 15 minutes, qui n'ont pas droit à de l'eau, etc.
    Je sais que vous avez entendu beaucoup de présentations sur des cas liés à des aides domestiques. Je ne vais donc pas m'attarder à cela, je vais passer à l'autre type de violation. On fait venir des personnes de pays dits « blancs », par exemple l'Australie, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande, l'Arménie, la République Tchèque, tous les pays européens et ce qu'on appelle le white Commonwealth. On fait venir des travailleurs peu qualifiés qui peuvent travailler comme aides domestiques ou travailleurs agricoles, mais on leur donne des permis ouverts ou semi-ouverts, il y a des distinctions administratives. Par contre, si un travailleur a le malheur de venir d'un des pays défavorisés, on lui accorde un permis très restrictif, un permis qui va le soumettre à un statut servile au Canada.
    Il y aussi une violation du droit à l'égalité entre les travailleurs peu qualifiés eux-mêmes, c'est-à-dire le droit à ne pas être soumis à de la discrimination en fonction du pays d'origine. Il peut y avoir des Australiens et des Guatémaltèques dans des secteurs agricoles en Alberta, mais les Guatémaltèques vont avoir un permis les réduisant à un statut servile, tandis que les Australiens auront un permis ouvert, vont pouvoir changer d'employeur et vont aussi pouvoir changer de secteur d'emploi.

  (1315)  

    Tout cela pour dire qu'il y a discrimination en fonction du pays d'origine. Selon la Charte, c'est illégal. Compte tenu, évidemment, de l'ampleur des violations de droits humains, ce que j'avance est que ce ne sont pas des moyens appropriés ou proportionnés même, peu importe l'objectif politique qui pourrait justifier au départ qu'on traite les Guatémaltèques et les Mexicains d'une façon et qu'on traite les Français, les Australiens et les Roumains d'une autre façon. Il y a donc une forme de racialisation.
    L'autre chose, évidemment, c'est un autre type de discrimination toujours en fonction du droit à l'égalité, mais qui touche plus la discrimination en fonction du genre, c'est-à-dire qu'au Canada, on a décidé d'accorder davantage de droits humains aux personnes qui ont... En fait, il s'agit d'une dévalorisation des qualifications féminines dans des secteurs comme les soins aux personnes âgées, les soins aux enfants, le travail domestique, etc. Il y a toute une dévalorisation de ces tâches. Cela fait en sorte qu'on donne moins, qu'on reconnaît moins de droits humains et qu'on protège moins les droits humains de personnes qui se retrouvent dans cette catégorie, qui ont ce genre de qualifications, et on valorise d'autres types de qualifications comme, par exemple, les diplômes d'ingénierie, etc. Ceux qui ont des diplômes d'ingénierie, ceux qui viennent soutenir notre économie dans ce domaine, se feront reconnaître des droits, non seulement des droits humains, comme celui, par exemple, de pouvoir changer d'employeur, etc., mais aussi le droit de faire venir la famille et le droit à l'immigration upon arrival, c'est-à-dire le droit indépendant de demander un statut permanent.
    En ce qui concerne d'autres types de travailleurs qui sont aussi, sinon plus, en demande au Canada, par exemple les caregivers et ceux qui prodiguent des soins à domicile, les travailleurs à domicile, on ne reconnaît même pas les droits humains, c'est-à-dire qu'on ne leur permet même pas de changer d'employeur, même s'il y a souvent des cas où l'employeur viole leurs droits tous les jours. Mais ces femmes, évidemment, ne risqueront pas... Ce qui se passe, c'est qu'elles ont la possibilité, techniquement, de quitter un emploi. Par contre, cela veut dire mettre en péril la possibilité de travailler au Canada, avoir un statut permanent au Canada. C'est le genre de choses que ces femmes ne sont pas en mesure de considérer vraiment comme une option.
    Dans la reconnaissance des droits à la réunification familiale temporaire, c'est-à-dire de faire venir la famille durant le séjour au Canada, et également en ce qui concerne la reconnaissance des droits de demander un statut permanent, on voit qu'il y a une discrimination en fonction du genre, du sexe, et en fonction aussi de certains pays d'origine. Par exemple, les Guatémaltèques sont surtout des paysans, et la plupart des Guatémaltèques au Canada n'auront jamais de droit à l'immigration permanente. Il y a donc une corrélation entre le type de qualifications et le pays et le type de qualifications et le genre, qui fait en sorte que même si ce sont des travailleurs dont on a besoin de plus en plus au Canada...
    Je travaille en démographie. On sait que la population vieillit, qu'il y aura des pénuries dans différents secteurs d'emploi. En agriculture, ce n'est pas compliqué: depuis 1955, les pénuries de main-d'oeuvre vont en s'accroissant. C'est la même chose pour le travail à domicile, étant donné que les femmes travaillent maintenant à l'extérieur. C'est un tout nouveau pas en économie qu'on s'apprête à franchir, sans parler du vieillissement de la population et du fait qu'il y aura dorénavant beaucoup plus de soins à domicile. C'est un secteur qui va commencer à prendre de l'expansion.
    Au lieu d'accorder le droit à l'immigration en fonction des besoins de l'économie canadienne, il y a discrimination. On peut donc maintenir ces travailleurs en place durant des années. Je connais le cas de quelqu'un qui travaille depuis 27 ans dans les champs au Canada mais qui n'a aucun droit, aucune reconnaissance en termes d'appartenance au Canada.
    C'était pour faire un bref résumé de la question en ce qui concerne la Charte canadienne, et vous dire en quoi ces cinq programmes violent la Charte canadienne, c'est-à-dire la liberté d'association, le droit à la liberté et à la sécurité de la personne et aussi, finalement, le droit à l'égalité, c'est-à-dire à la non-discrimination basée sur le sexe et le pays d'origine.
    Ce qui se passe, c'est qu'en plus de la Convention relative à l'esclavage et la Charte canadienne, il y a aussi une convention qui existe, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Cette convention n'est pas la mer à boire. On parle de standards minimaux en termes de protection de droits humains. Le Canada ne l'a pas ratifiée pour un milliard de raisons, plus ou moins. J'ai fait une étude pour l'UNESCO sur les raisons pour lesquelles le Canada n'a pas ratifié cette convention. C'est dans les références, vous pouvez la consulter.

  (1320)  

[Traduction]

    Peut-être, si vous le permettez, le groupe pourrait-il intervenir?
    Certainement, ou je pourrais simplement conclure d'abord.

  (1325)  

    Comme vous voulez. Cela prendra 15 ou 16 minutes. Vous pouvez avoir une minute de plus.

[Français]

    Je veux simplement ajouter qu'il y a une convention. Une des choses les plus importantes de la convention, c'est qu'il ne faut pas autoriser les travailleurs migrants, les temporaires, dans des secteurs où il est illégal de se syndiquer. Or, en Ontario et au Québec, il est illégal de se syndiquer dans le domaine de l'agriculture. On fait donc venir des travailleurs pour travailler dans des secteurs qui ne sont pas encore adéquatement réglementés. Il en va de même au Québec. Les aides domestiques n'ont pas droit à la CSST et ne sont donc pas automatiquement couvertes. La convention internationale stipule spécifiquement de ne pas faire travailler ces gens dans ces secteurs à moins qu'ils ne bénéficient d'une protection.
    Je termine ici et je suis disposée à répondre à vos questions.

[Traduction]

    Bien. Nous vous remercions.
    Nous disposons d'environ 35 minutes. Nous pouvons accorder sept minutes à chacun, si vous le voulez bien. Nous avons cinq personnes. Je vous laisse donc le soin de décider de l'ordre dans lequel vous voulez intervenir — vous, madame Folco, ou quelqu'un d'autre.
    Premièrement, je vous remercie vivement d'être venue faire cette présentation.
    J'ai vu dans votre mémoire que vous parliez des travailleurs agricoles, et j'ai été choqué lorsque j'ai vu le chiffre de 60 ans. Y a-t-il vraiment ici un ouvrier agricole qui est venu au Canada et y a travaillé pendant 60 ans? À la page 4, vous mentionnez les chiffres de 20, 40 ou 60.
    Oui, à la page 5 en français.
    À la page 4 de la traduction anglaise, à l'avant-dernière ligne.
    Non, non, ce que je dis — c'était peut-être une façon bizarre de le faire. Ce que j'essayais de dire dans ces parenthèses c'est que quel que soit le nombre d'années, ces femmes n'auront jamais le droit de faire une demande de statut permanent. C'est contraire aux dispositions du PAFR, du Programme concernant les aides familiaux résidants. Dans le cas de ces femmes, si leur employeur n'autorise pas un transfert au PAFR, elles n'ont absolument aucun droit même après...
    Bien, je comprends.
    On m'a dit que cela fait environ 40 ans que des gens reviennent dans le cadre de ce programme. Bien sûr, ils viennent, ils travaillent et puis ils s'en vont.
     Je suis vraiment content que vous soyez venue et que vous présentiez la question sous cet angle. J'ai toujours eu certains doutes au sujet de Programme concernant les travailleurs étrangers temporaires, car il y a quelque chose qui cloche dans le fait que nous avons ici des personnes qui n'ont pas les droits dont nous sommes censés jouir en vertu de la Charte.
    Je suis d'accord avec vous; le Programme concernant les travailleurs étrangers temporaires m'inspire de sérieuses questions en ce qui concerne le respect de la Charte. Cela me rappelle l'époque où nous avons fait venir les Chinois pour construire le chemin de fer; et puis, une fois celui-ci construit, nous étions prêts à mettre à la porte ceux dont nous n'avions plus besoin.
    Barbara Roberts a écrit un beau livre intitulé Whence they Came: Deportation from Canada, 1900-1935. Ce titre signifie que vous étiez renvoyé dans le pays dont vous étiez venu. Le livre documente les abus qui... Je regrette de ne pas l'avoir acheté; lorsque je l'ai parcouru pendant la fin de semaine, j'ai vu qu'il évoquait le cas des domestiques. Si les femmes qui avaient été violées se plaignaient, elles étaient accusées d'être des femmes de moeurs légères et étaient déportées.
    L'état d'esprit qui règne dans ce ministère m'a toujours préoccupé. À l'époque, il fonctionnait dans l'ombre, et à bien des égards il continue à le faire aujourd'hui, à l'abri de la supervision du Parlement, et certainement, autant que possible, des tribunaux. Ce ministère a toujours répugné à rendre des comptes aux tribunaux, et chaque fois qu'il veut faire quelque chose, il essaie de retourner au « bon vieux temps ». Je vois ce genre de combat tout le temps.
    Voilà ce que votre présentation m'a clairement rappelé, et je recommande à tous ceux qui sont assis autour de cette table de lire Whence they Came, de Barbara Roberts. C'est vraiment un livre remarquable. Que ce genre de choses se produise ne cesse jamais de m'étonner.
    Ma seconde question est la suivante: quel genre de société édifions-nous lorsque nous comptons de plus en plus sur des travailleurs étrangers temporaires? Cela me fait songer aux problèmes que cause le programme des travailleurs invités en Allemagne. Je songe aussi au fait que dans notre système d'immigration actuel, 95 p. 100 des personnes qui sont arrivées ici comme immigrants ne seraient plus acceptées aujourd'hui. J'inclus là-dedans des personnes telles que Frank Stronach, de Magna International; Frank Hasenfratz, le chef de la Linamar Corporation, et aussi Mike Lazaridis, qui a inventé le BlackBerry et emploie 6 000 personnes. Cela me frappe et m'amène à me demander quel genre de pays nous sommes en train d'édifier.
    Avez-vous des remarques à faire à ce sujet?

  (1330)  

    En fait, oui, j'en ai.
    Dans le document que je vais vous remettre, il y a beaucoup plus de statistiques. Elles montrent notamment qu'il y a effectivement eu beaucoup plus de travailleurs étrangers temporaires que de travailleurs étrangers admis comme immigrants au cours des dix dernières années. Ce qui est frappant, c'est l'augmentation du nombre des participants au Programme concernant les travailleurs étrangers temporaires. L'an dernier en Alberta, je crois qu'ils étaient plus nombreux que les immigrants. Il y a donc là un net changement.
    Un point important — il est lié au système de points, comme vous l'avez dit — est que les employeurs veulent des personnes représentant toute la gamme des qualifications, et ils ne veulent pas de travailleurs temporaires, mais ils sont malgré tout contraints d'utiliser le Programme concernant les travailleurs étrangers temporaires. Il faudra certainement adapter le système de points de manière à ce que ce Programme de travailleurs invités ne soit utilisé qu'en cas de pénurie de main-d'oeuvre temporaire et non de pénurie permanente, en donnant un statut temporaire aux travailleurs temporaires.
    La question qui se pose alors est qu'il y a des emplois peu qualifiés qui existeront toujours au Canada, emplois que les Canadiens ne veulent plus occuper. À mon avis, si nous donnons le statut d'immigrant reçu à ces personnes et si nous les laissons élever leurs familles ici, elles jouiront d'une bien meilleure qualité de vie et le Canada en sortira nécessairement plus fort.
    À Waterloo, nous avons deux universités, et lorsque j'assiste aux cérémonies de remise de diplômes, je remarque toujours, ce qui ne cesse jamais de m'étonner, que c'est dans les programmes universitaires les plus difficiles que l'on trouve toujours un nombre considérable de personnes qui sont venues ici comme réfugiés ou comme immigrants, parce que ces jeunes gens se rendent bien compte de la chance qui leur est offerte et réussissent beaucoup mieux à bien des égards que ceux qui sont nés ici. C'est ce que nous perdons.
    Qu'en pensez-vous?
    Je suis tout à fait d'accord.
    L'appendice que j'ai apporté et que je vais vous remettre, contient une liste de recommandations faites cette année par des groupes communautaires et des ONG de droits de la personne du Québec. Une des principales recommandations en ce qui concerne ce Programme concernant les travailleurs étrangers temporaires porte sur le système d'immigration, le système de points. Il y a donc bien là un rapport.
    Je voudrais faire une autre observation. Nous avons maintenant le programme de la catégorie de l'expérience canadienne. Certains de ces travailleurs étrangers temporaires sont invités à présenter une demande d'immigration. Mais il est important de comprendre que la plupart des violations des droits de la personne dont des travailleurs domestiques ont fait l'objet sont liées à l'obligation d'obtenir le parrainage de l'employeur. C'est une erreur. J'estime que les PCP, les programmes des candidats des provinces, ainsi que ce programme de la catégorie de l'expérience canadienne, font fausse route en s'engageant sur cette voie.
    Je ne dis pas que c'est nécessairement mauvais. Je trouve très bien que quelqu'un soit parrainé par un employeur. En fait, cela devrait compter dans le... Cependant, s'il y a abus — il y a une foule de cas d'employeurs qui déclarent « Je ne l'ai jamais engagée. Je ne la connais pas. » — toutes les personnes qui en ont été victimes sont déportées. Je dis simplement que nous devrions aussi penser aux choses qui peuvent paraître des détails. Dans cette catégorie d'immigration, je crois qu'il importe de dire que les syndicats de travailleurs et les ONG doivent être autorisés à parrainer des travailleurs, au même titre que les employeurs, pour que nous ne déportions pas des personnes qui sont victimes d'abus.

  (1335)  

    Monsieur St-Cyr.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, madame Depatie-Pelletier, d'être là aujourd'hui. Vous nous avez soumis un mémoire très complet. Vous aviez beaucoup de choses à nous dire.
    Je voudrais revenir sur quelques points. Premièrement, dans votre présentation, vous avez souligné ce que vous présentez comme des éléments qui vont carrément à l'encontre de la Constitution et de la Charte canadienne des droits et libertés. Personne ici n'est juge, mais vous prétendez que ces programmes sont carrément inconstitutionnels.
    Exactement. Selon la Charte, on peut restreindre les droits et libertés au Canada. Le gouvernement peut restreindre les droits et libertés, mais il faut que ce soit justifiable dans une société libre et démocratique. Dans ce cas-ci...
    Vous prétendez que ce n'est pas le cas.
    Exactement. D'ailleurs, une de nos principales recommandations, que je vais vous laisser, touche le permis de travail qui est actuellement lié à un seul employeur. Il suffirait simplement de le restreindre à un secteur d'emploi pour que tout devienne constitutionnel et légal.
    Je vais y revenir parce que le comité discute beaucoup de ce sujet.
    À votre connaissance, l'aspect constitutionnel de ces programmes a-t-il déjà été contesté d'une façon ou d'une autre?
    Ils n'ont jamais été contestés encore.
    Comment cela s'explique-t-il? Vous nous parlez de 55 ou 57...
    C'est une excellente question.
    Il faut comprendre qu'on investit des millions de dollars pour l'intégration des réfugiés et des immigrants au Canada. Des centaines d'ONG et de groupes communautaires sont payés pour soutenir et aider ces personnes.
    Dans le cas des travailleurs étrangers temporaires dont on parle, nada. Pas un dollar n'est investi, jamais.
     Je vais me contredire. Le gouvernement de l'Alberta, depuis quatre mois, a créé un nouveau bureau d'aide parce qu'il y a tellement d'abus qu'il ne sait plus quoi faire. Donc, c'est la première fois qu'il y a une reconnaissance, c'est-à-dire un bureau gouvernemental qui aura, je crois, un financement d'ONG.
    En somme, vous dites que si cela n'a jamais été contesté, c'est parce que personne n'avait les moyens de le faire.
    Ces travailleurs sont impliqués dans des secteurs d'emploi non syndicalisables. Les syndicats n'ont donc jamais été présents. Ils commencent à l'être depuis quelques années seulement.
    En ce qui a trait aux paramètres qui restreignent fortement la liberté de ces travailleurs étrangers temporaires, on a beaucoup parlé du fait que le visa était fermé et qu'ils étaient assignés à un employeur en particulier. Il me semble évident que cette situation n'a aucun sens puisqu'elle crée un rapport de force démesuré en faveur de l'employeur.
    Cela dit, beaucoup d'employeurs sont venus nous dire que certains employeurs étaient effectivement peu scrupuleux, mais qu'un employeur responsable devait quand même assumer des coûts associés à l'embauche d'un travailleur étranger, notamment pour le recrutement et le transport.
    Je pense qu'on devrait peut-être opter pour un visa ouvert dans un domaine d'emploi, parce qu'il y a des questions de gestion de la main-d'oeuvre, mais que si la personne change d'employeur, ce nouvel employeur devrait assumer les coûts de l'employeur précédent pour éviter des pertes à ce dernier.
    Cette restriction vous semble-t-elle acceptable? Pourrait-elle régler une partie des problèmes?
    En fait, cela me semble être une proposition intéressante. Cependant, si un employeur abuse systématiquement de ses employés et que les employés le quittent... Il faut prévoir des mécanismes afin que l'employeur ne puisse pas simplement faire venir quelqu'un d'autre.
    Par contre, je pense que ce pourrait être une bonne idée de restreindre les employeurs par province. Que la personne n'aille pas en Alberta parce que les travailleurs y sont mieux payés dans un secteur d'emploi donné, mais si c'est un permis provincial et...

  (1340)  

    Je comprends ce que vous voulez dire. Toutefois, à partir du moment où un employé change d'employeur et trouve un meilleur emploi, il est plus facile pour lui d'entamer des démarches pour faire condamner son ancien employeur afin que ces pratiques cessent.
    Tout à fait.
    Présentement, c'est à peu près impossible.
    Si on levait simplement l'obligation de résidence chez l'employeur pour les aides domestiques, cela suffirait-il à rendre le rendre le programme conforme à nos chartes?
    Dans le cas des travailleurs agricoles et des aides domestiques, il faut supprimer deux obligations: l'obligation de travailler pour un seul employeur et l'obligation de dormir chez l'employeur. Pourquoi? On ne va pas le dire trop fort, mais d'après plusieurs études sociologiques faites auprès des aides domestiques, énormément d'employeurs qui participent au programme ne veulent pas que ces aides dorment chez eux.
    À la limite, l'aide domestique et l'employeur pourraient prendre des arrangements par contrat. Mais dire qu'au Canada, la personne enfreint la loi si elle ne dort pas chez son employeur, cela rend la chose... Dès que les travailleurs sortiront pour une nuit, ils auront peur et se sentiront dans une situation illégale. Si on leur donne le droit de changer d'employeur mais qu'on les oblige à choisir parmi les employeurs qui veulent les prendre, cela rend leur recherche d'emploi extrêmement difficile.
    Je pense qu'il vaut mieux que ce soit optionnel. Si l'employeur veut l'imposer, tant mieux. Mais étant donné qu'il y a tellement d'employeurs du programme des aides familiales qui ne le font pas...
    Je sais que ce n'est pas facile. Vous trouvez que c'est une mauvaise disposition et j'ai tendance à le croire aussi. Pourquoi a-t-on créé une telle disposition? Si ce n'est pas avantageux tant pour les aides domestiques que pour les employeurs, était-ce vraiment de l'hérésie ou de la mauvaise foi? Pourquoi le gouvernement a-t-il proposé cette disposition, à l'origine?
    À peu près 70 p. 100 des employeurs veulent quelqu'un qui dort à la maison. Donc, cela répond à un besoin des employeurs, mais surtout à un besoin de rapport de force asymétrique. Les employeurs veulent pouvoir demander à quelqu'un, 24 heures sur 24, de prendre soin d'un bébé qui pleure, par exemple, à 3 heures du matin.

[Traduction]

    Merci, monsieur St-Cyr.
    Monsieur Blaney.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci de m'accueillir au Comité de la citoyenneté et de l'immigration. Je salue les membres permanents du comité et je leur souhaite la bienvenue et un voyage fructueux. C'est en allant sur le terrain qu'on peut recueillir beaucoup de données.
    Sans plus tarder, je me tourne vers vous, madame Depatie-Pelletier. Je vous remercie d'être venue nous rencontrer. J'ai été surpris par le ton de vos propos. Le moins qu'on puisse dire, c'est que vous êtes une spécialiste en droit de l'immigration. Vous faites une lecture assez préoccupante de certaines catégories de travailleurs. Par exemple, d'après les statistiques, on a accueilli plus de 430 000 immigrants l'année dernière. La proportion des travailleurs dont vous parlez, qui ne sont pas sous un parapluie... J'aimerais vous entendre à ce sujet.
    Quand vous dites 400 000, s'agit-il de tous les résidents temporaires?
    Ne faites surtout pas l'erreur que font les conservateurs, monsieur Blaney.
    Je veux comprendre l'envergure du problème.
    Pour comprendre l'envergure...
    Je veux avoir le portrait global. Je suis un néophyte.
    Il y a environ 400 000 résidents temporaires, ce qui comprend des étudiants étrangers, des demandeurs d'asile, d'autres sortes de résidents temporaires, c'est-à-dire des diplomates, des époux de résidents, etc., et ce qu'on appelle des travailleurs étrangers temporaires.
    En 2006, 166 000 travailleurs étrangers temporaires sont entrés au Canada. Sur ce nombre se trouvent ceux qui sont autorisés à venir au Canada sans permis de travail et sur lesquels on n'a pas de statistiques. On ne connaît pas le nombre d'aides domestiques qui travaillent pour des étrangers au Canada. En 2006, 51 000 travailleurs étaient recrutés au moyen du Programme des aides familiaux résidants, du Programme des travailleurs agricoles saisonniers et du Projet pilote relatif aux professions exigeant un niveau réduit de formation. Ce chiffre est en croissance quasi exponentielle depuis 10 ans. La croissance se poursuit, mais on atteindra un plateau, à un moment donné.

  (1345)  

    Il y a environ 400 000 de ces travailleurs au Canada.
    Non, il y en a environ 160 000. De ces 160 000, seulement 60 000 auraient un statut servile. Tous les autres ont des permis ouverts ou semi-ouverts.
    Je faisais référence aux 400 000 immigrants qui reçoivent leur citoyenneté.
    Il y en a environ 250 000 par année. De ce nombre, seulement 50 000 ont été choisis parce que ce sont des travailleurs.
    D'accord, ce sont des travailleurs.
    Entre 1997 et 2007, ce nombre n'a jamais changé. On fait entrer 50 000 travailleurs, qui sont choisis pour leurs qualifications. On en fait entrer trois fois plus par année en vertu d'un statut temporaire.
    Je vais poser une question qui intéressera Mme Folco.
    En 2002, on a modifié le Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés. Certains de ces éléments auraient-ils pu être encadrés dans un renouveau législatif?
    En fait, il y a un...
    Si oui, pourquoi cela n'a-t-il pas été fait à ce moment-là?
    Certains sociologues et anthropologues essaient de documenter les abus depuis 50 ans. Cela n'a jamais vraiment fonctionné. Par contre, il y a maintenant une masse critique d'abus. C'est pour cette raison que les journalistes et les syndicats s'en mêlent. Les ONG commencent aussi à s'intéresser à la question. On parle de personnes qui sont isolées dans les maisons et dans les champs. Par conséquent, elles sont socialement isolées et les abus sont difficiles à voir et à documenter.
    Je vais être honnête avec vous. La loi comporte un élément qui, d'après la convention relative à l'esclavage, serait inconstitutionnel. Il s'agit de l'obligation de résidence chez l'employeur pour les aides familiales, qui se trouve dans le règlement de la loi. C'est une question parlementaire. Par contre, tout le reste relève des directives administratives du gouvernement qui sont très peu suivies, même par les médias.
     À la limite, CIC va faire quelque chose, mais en oubliant que la province ne va pas... Une super combinaison de restrictions administratives limite les droits de ces personnes. C'est la combinaison de ces restrictions qui est inconstitutionnelle.
    Vous dites que l'obligation pour les aides domestiques de résider chez l'employeur est un irritant important.
    Selon la convention relative à l’esclavage, cette obligation place ces personnes dans une situation équivalant à de l'esclavage.
    Parmi les cinq situations que vous avez décrites, est-ce la plus criante?
    Les travailleurs recrutés en vertu du Programme des aides familiaux résidants et du Programme des travailleurs agricoles saisonniers sont aussi obligés de résider chez leur employeur. Au Canada, les aides domestiques sans permis qui travaillent pour des employeurs étrangers sont aussi obligées de rester chez eux. Ces travailleurs auront automatiquement un statut servile équivalant à de l'esclavage. Tandis que pour les travailleurs peu qualifiés, cela dépendra du contrat. La restriction n'est pas nécessairement de nature administrative, mais contractuelle. Cependant, elle est validée sur le plan administratif.
    Merci, madame Depatie-Pelletier.

[Traduction]

    Merci, monsieur Blaney.
    Madame Folco, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vais donner la première minute à mon collègue, qui s'y connaît en chiffres. Il pourra peut-être mettre un peu d'ordre dans tout cela.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame Folco.
    À titre d'information, je voudrais vous indiquer que selon les dernières statistiques, environ 428 000 personnes sont venues au Canada — mon collègue, M. Blaney a effectivement raison — mais 251 000 seulement d'entre elles étaient des immigrants reçus. Les autres sont des étudiants et des travailleurs étrangers temporaires.
     Le nombre de travailleurs étrangers temporaires augmente, et voilà ce que la situation actuelle a de si inquiétant. Allons-nous nous en sortir de cette façon, ou allons-nous le faire en accueillant des immigrants?
    Merci.

  (1350)  

    Allez-y, madame Folco.

[Français]

    Je vais poursuivre dans la même veine que mon collègue, étant donné que la question que je voulais poser concernait d'abord le permis ouvert et le permis fermé.
    Madame Depatie-Pelletier, je dois vous avouer que j'ai trouvé votre présentation fort intéressante, car j'y ai entendu un point de vue que je n'ai jamais entendu auparavant. Or, je m'intéresse à l'immigration depuis longtemps.
    Serait-il possible — si vous ne pouvez le faire immédiatement, peut-être pourrez-vous le faire à un autre moment — de nous faire savoir combien de personnes, au cours de la dernière année ou des cinq dernières années, ont obtenu ce que vous appelez des permis ouverts, par rapport à ceux qui ont obtenu des permis fermés, et dans quelles catégories d'emplois?
    Je trouve cela extrêmement intéressant. Au Canada, on s'est toujours targué, depuis au moins les 40 dernières années, d'avoir une politique d'immigration qui, soi-disant, ne tenait pas compte du pays d'origine, de la religion, etc., alors qu'on sait très bien que ce n'est pas tout à fait le cas.
    L'exemple que vous nous donnez montre justement que ce n'est pas tout à fait le cas, et j'aimerais pouvoir approfondir cet élément.
    Par ailleurs, en ce qui a trait aux travailleurs temporaires, je suis heureuse que mon collègue Andrew Telegdi ait donné ce chiffre. On essaie de dire à la population que le gouvernement considère les chiffres d'immigration comme un chiffre global. D'accord, on peut très bien le faire, mais il est important de voir, dans ce chiffre global, combien d'individus ont le droit de rester au Canada, donc qui sont véritablement des immigrants, et combien sont ici pour un temps limité, soit parce qu'ils n'ont pas encore été acceptés comme réfugiés, soit parce que ce sont différents types de travailleurs temporaires. Il faut vraiment faire la différence.
    La politique canadienne qui veut aller chercher rapidement des travailleurs qualifiés de façon très spécifique ne serait pas mauvaise si elle était accompagnée d'un certain nombre de gestes.
    Premièrement, quand ces gens arrivent au Canada, y a-t-il véritablement un emploi pour eux et ont-ils droit d'accéder à cet emploi? Souvent, il y a des emplois, mais la compagnie Machin Chouette ne leur permet pas de les obtenir. Le lien avec ce qui se passe une fois qu'ils ont traversé l'Atlantique ou le Pacifique est important.
    Deuxièmement, il semble que cette politique en soit une qui regarde l'avenir démographique et économique du Canada avec des lunettes qui ne montrent que le court terme. Je crois que la meilleure politique d'immigration que la Canada ait eue était celle où on faisait entrer les gens avec leur famille en peu de temps. Je pense aux anciennes vagues d'immigration qui sont venues d'Italie, de Grèce, etc., dans les années 1950 et 1960. Ces gens, parce qu'ils étaient déjà avec leur famille, ont pu s'installer immédiatement, et les enfants sont allés à l'école. Tout cela a fait de ces gens des Canadiens.
    Troisièmement, je sais que ce n'est pas très populaire de dire cela, mais l'année dernière, j'ai organisé à Ottawa une soirée pour commémorer le 50e anniversaire des premières arrivées de domestiques des Caraïbes, c'est-à-dire de La Barbade et de la Jamaïque. On peut dire bien du mal de ce programme, mais on peut en dire beaucoup de bien aussi. Ce programme a aidé à montrer aux Canadiens que la présence de gens de couleur au Canada n'était peut-être pas une mauvaise chose, que ces gens étaient comme tout le monde, que ces femmes avaient le droit d'installer et de faire venir leur famille, et ainsi de suite.
    Cela a donc ouvert les portes de l'immigration à ce qu'on appelle maintenant des gens de couleur. Il y a des éléments positifs dans ce genre de programme.
    J'aimerais entendre vos commentaires.
    Vous avez touché beaucoup d'aspects, entre autres la question de la venue des femmes des Caraïbes puis, peu après, des hommes caribéens pour l'agriculture. À l'époque, c'est sous la pression du Royaume-Uni que le Canada a ouvert ses portes à l'immigration de Noirs, justement pour donner l'exemple dans les autres pays du Commonwealth, afin qu'on accepte davantage de gens de ces pays, des Caraïbes. Ce que je veux dire, c'est que ça se voulait un grand pas antiraciste. Cependant, selon la Charte, on les traite à présent quand même différemment des Blancs. C'est là où il y a encore du chemin à faire. Par contre, je suis tout à fait d'accord avec vous que c'était une énorme ouverture à l'époque et que ça a quand même donné lieu à une migration des pays racialisés, comme on dit.
    Il y a plusieurs études, notamment une étude de Statistique Canada, qui explique que maintenant, les immigrants hautement qualifiés qui ont débarqué au Canada récemment s'en tirent de moins en moins bien en termes d'insertion dans le marché de l'emploi. Il faut comprendre que depuis 10 ans, il y a aussi un développement exponentiel du recrutement des employeurs par le biais du programme temporaire. Je pense que c'est lié. J'ai vu une présentation récemment qui expliquait que les employeurs ne sont jamais là, qu'ils ne sont pas très présents lorsqu'il s'agit des programmes d'insertion en emploi de ces immigrants qui débarquent au Canada. Ce qu'il faut comprendre, c'est que pour les employeurs, c'est beaucoup plus payant de faire venir des gens par le biais du programme temporaire. Dans le cas de ceux qui ont un statut servile, on comprend pourquoi ça peut être intéressant pour un employeur, mais outre ça, ça va beaucoup plus vite. Cela a été priorisé par le gouvernement par rapport à l'immigration permanente. De plus, si un employeur veut sponsoriser pour la permanence, c'est extrêmement compliqué. C'est beaucoup plus compliqué que de le faire pour un temporaire. Ça veut dire que dans le système d'immigration au Canada, on ne reconnaît pas du tout les besoins du marché du travail, si on veut.

  (1355)  

[Traduction]

    Il faut que je laisse les cinq ou six dernières minutes à M. Carrier.
    Allez-y.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, madame Depatie-Pelletier. Vous nous brossez un tableau particulier à la suite des nombreux témoignages reçus jusqu'à maintenant. Je suis surpris. C'est la première fois que j'entends que nos pratiques juridiques peuvent être analogues à de l'esclavage. C'est la première fois que j'entends cet énoncé. C'est certain que plusieurs groupes ont dénoncé le fait que les travailleurs temporaires étaient exploités et victimes d'abus. Ce fut dénoncé à plusieurs reprises, sauf que là, on a le terme « esclavage » en référence à une convention de l'ONU. Cela me semble encore plus grave.
    D'une part, il y a toute la documentation des abus qui ont lieu de plus en plus, dirais-je, entre autres parce qu'il y a maintenant 20 000 aides domestiques au Canada, comparativement à quelques milliers à l'époque. Le nombre de travailleurs agricoles a aussi connu un accroissement exponentiel. Là aussi, les abus sont de plus en plus connus. Ce qui est intéressant au sujet de la convention relative aux pratiques analogues à l'esclavage, c'est que ça nous donne simplement une explication. En fait, ce que la convention de l'ONU a fait, c'est tirer la sonnette d'alarme pour dire que lorsqu'il y a un cadre juridique d'un certain type, c'est l'équivalent d'une condition d'esclavage. Ça explique pourquoi, finalement, depuis 50 ans, il y a autant d'abus.
    Tout ce que je dis, c'est qu'il y a cinq de nos programmes qui répondent à la définition de la convention. Ce serait assez simple de faire en sorte de ne pas violer la convention en donnant aux travailleurs soit le droit d'immigrer dès qu'ils arrivent, soit un permis de travail qui leur permet de changer d'employeur: un ou l'autre.
    Je vais poser une autre question puisque le temps passe vite.
    On a souvent fait ressortir une incohérence entre deux paliers de gouvernement concernant les conditions de travail des travailleurs temporaires. Certains intéressés au palier provincial disent que le gouvernement fédéral devrait s'occuper de ça puisque c'est un programme fédéral. Au fédéral, on répond que les normes du travail sont contrôlées par les provinces.
    La situation qu'on vit actuellement, qui n'était pas nécessairement voulue, est-elle un peu une conséquence de cette espèce de vide juridique entre deux paliers de gouvernement? Ce vide pourrait-il être atténué de manière à corriger la situation par une collaboration, sûrement beaucoup plus grande, entre le gouvernement qui émet un permis de travail et celui qui reçoit ces travailleurs et s'engage à faire respecter les normes du travail en ce qui les concerne?

  (1400)  

    Vous avez tout à fait raison. Je vais essayer d'être brève.
    En gros, depuis des dizaines d'années, l'excuse officielle du gouvernement fédéral est de dire que cette question relève de la compétence provinciale. Quand on leur pose la question, les ministères de l'Immigration provinciaux ne savent même pas ce que sont des travailleurs temporaires.
    Sauf au Québec.
    Exactement. Même au Québec, c'est nouveau. Il y a eu une consultation. J'ai parlé à plusieurs fonctionnaires qui n'étaient même pas au courant que la situation de ces travailleurs était différente de celle des immigrants. Pourtant, le Québec a pleine compétence dans ce domaine. Comme toutes les autres provinces, le Québec a toujours laissé le gouvernement fédéral s'occuper de ces questions. Même si le gouvernement fédéral n'avait pas compétence, c'est quand même lui qui a toujours été en rapport avec les consulats étrangers qui étaient censés superviser ce domaine.
    Or, on a placé les consulats étrangers en compétition l'un avec l'autre. Le gouvernement guatémaltèque essaie de faire... On n'a peut-être pas le temps d'entrer dans ces détails. Néanmoins, ces travailleurs ne sont pas protégés. Plusieurs études démontrent qu'ils aimeraient se syndiquer. Pourquoi? Parce que les travailleurs agricoles, entre autres, disent que leur consulat ne peut pas les protéger. L'objectif des consulats est de maintenir de bonnes relations avec les employeurs afin que ces derniers n'aillent pas chercher des Thaïlandais, des Sri Lankais ou des Philippins s'ils ne sont pas gentils.
    En conclusion, le gouvernement fédéral a dit qu'il laissait tout cela aux employeurs, sinon aux consulats et aux provinces.

[Traduction]

    Nous allons laisser M. Carrier poser une dernière question, après quoi il va falloir conclure.

[Français]

    Étant donné que vous êtes une spécialiste de la recherche, vous avez sûrement étudié d'autres pays qui ont un gouvernement plus unitaire que notre système de gouvernance à deux niveaux. Dans les pays où la responsabilité est unique, qui sont à la fois responsables de l'émission des permis et des normes du travail, les solutions sont-elles plus faciles et adéquates?
    Grosso modo, la réponse est non. Les États-Unis et l'Europe, où il y a des millions de travailleurs migrants peu qualifiés, sont collés sur l'Afrique, l'Europe de l'Est et le Mexique. C'est une tout autre dynamique: celle des travailleurs sans papiers. Aux États-Unis, il y a 13 millions de sans-papiers; en Europe, il y en a de 6 à 7 millions. Ces gouvernements font face à d'autres types... À la limite, ils fonctionnent par régularisation. Le cas du Canada est assez unique.

[Traduction]

    Je vous remercie vivement de votre exposé. Merci d'être venue. Vous nous avez fourni une foule d'informations très intéressantes. Je suis certain qu'elles s'avéreront précieuses lorsque nous préparerons nos recommandations.
    Nous allons faire une pause de deux minutes pour permettre au prochain groupe de venir s'installer à la table. Profitez-en donc pour aller prendre un café, si vous voulez, un jus de fruit ou un biscuit.
    Nous reprendrons dans deux minutes.

    


    

  (1405)  

    Reprenons, s'il vous plaît.
    Il va bientôt être 2 h 05; pour respecter notre horaire, je veux donc accueillir sans plus attendre notre groupe suivant. M. Marc-André Dowd, vice-président, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Carole Fiset, spécialiste des droits de la personne, éducation et coopération; et Yvon Boudreau, représentant et consultant, Fédération des Chambres de commerce du Québec.
    Bienvenue à tous.
    Je ne sais pas si vous savez comment fonctionne notre comité, mais vous disposez en général de sept minutes environ pour faire vos déclarations préliminaires, après quoi nous donnons la parole aux membres, qui feront des commentaires ou poseront des questions.
    Libre à vous de choisir celui qui prendra le premier la parole.
    Monsieur Dowd.

[Français]

    La Charte des droits et libertés de la personne du Québec, loi fondamentale adoptée par l'Assemblée nationale en 1975 et que notre commission est chargée de mettre en oeuvre, reconnaît et garantit les mêmes droits à toutes les personnes résidant au Québec, peu importe leur sexe, leur couleur, leur origine ethnique ou nationale ou la durée de leur présence en sol québécois.
    Au cours des récentes années, à la suite de demandes d'enquête, de consultation et d'activités d'éducation au droit, la commission a été amenée à se préoccuper de la situation de deux groupes de travailleuses et travailleurs étrangers temporaires: les travailleurs issus du Programme des travailleurs agricoles saisonniers et les travailleuses qui viennent au Québec en vertu du Programme des aides familiaux résidants.
    Concernant les travailleurs agricoles saisonniers, le Québec connaît une pénurie de main-d'oeuvre agricole non spécialisée depuis de nombreuses années. Nous avons accueilli 4 237 travailleurs agricoles en 2006 et plus de 5 300 au cours de la saison de 2007. Cette demande est en constante croissance. La pénurie de main-d'oeuvre non spécialisée dans le secteur agricole québécois ne semble donc pas en voie de se résorber.
    En tant que travailleurs migrants temporaires de catégorie D non spécialisés, les travailleurs agricoles saisonniers séjournent au Québec pour une période d'au plus huit mois par année. Ils ne connaissent pas, ou très peu, l'une ou l'autre des langues officielles du pays. Leur connaissance de notre société, des recours et services qu'elle offre est limitée. Ils travaillent en région, loin des grands centres. Ils se trouvent dépendants de l'employeur ou de leur consulat dans l'exercice de leurs recours. Malgré tous les efforts déployés pour informer et soutenir ces travailleurs, ils constituent un groupe vulnérable en regard de l'exercice des droits, notamment ceux protégés par la Charte des droits et libertés de la personne. C'est pourquoi nous formulons les réflexions et propositions suivantes.
    Premier point: l'exercice du droit d'association. Je réfère à l'article 3 de la Charte. Lors de l'évaluation de l'offre d'emploi, l'un des critères vérifiés par le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles du Québec et Service Canada consiste à s'assurer que, et je cite: « le recours à un travail étranger n'est pas susceptible de nuire au règlement d'un conflit de travail ».
    En vertu de l'article 3 de la Charte des droits et libertés de la personne, toute personne jouit de la liberté d'association. Depuis peu, on observe des demandes de syndicalisation fortement contestées par les employeurs, principalement de groupes de travailleurs provenant du Mexique. La commission veut sensibiliser le comité relativement à la tentation, pour les employeurs, de recourir à une main-d'oeuvre provenant de pays autres que le Mexique, et ce afin de contourner le mouvement de syndicalisation principalement associé à ces travailleurs agricoles saisonniers. Pareille procédure, sous l'apparence d'une règle neutre, pourrait entraîner un effet d'exclusion discriminatoire basée sur l'origine ethnique ou nationale de ces travailleurs et porter atteinte au droit à l'égalité protégé par la charte québécoise. Tolérer une telle attitude de la part des employeurs québécois et canadiens contreviendrait également aux dispositions des outils internationaux, dont la Convention sur les droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles.
    Deuxième point: constituer une instance arbitrale indépendante. Lorsque survient un désaccord entre un travailleur agricole saisonnier et son employeur, l'issue du conflit peut entraîner, pour le travailleur migrant temporaire, un rapatriement rapide dans son pays d'origine. Malgré les efforts importants consentis par les consulats et Développement social et Ressources humaines Canada afin de garantir les droits des travailleurs et des employeurs en cas de différend, cette situation installe un rapport de pouvoir employeur-employé qu'on ne retrouve généralement pas chez les autres travailleurs québécois. Afin d'assurer une protection égale des droits des travailleurs agricoles saisonniers, la commission propose la mise en place d'une structure d'appel indépendante ayant des pouvoirs d'arbitrage habilitée à rendre des décisions lors de litiges opposant le travailleur agricole saisonnier et son employeur.
    Troisième point: instaurer un mécanisme de représentation des travailleurs. Dans le cadre du Programme des travailleurs agricoles saisonniers, des rencontres annuelles permettent de déterminer les conditions de travail qui prévaudront lors de l'année qui suit, comme le taux horaire, etc. Elles réunissent les divers acteurs décisionnels comme Citoyenneté et Immigration Canada, Développement social et Ressources humaines Canada, des représentants d'employeurs et des représentants des pays exportateurs de main-d'oeuvre.
    Dans le but d'assurer une protection égale des droits des travailleurs agricoles saisonniers, la commission suggère d'instaurer un mécanisme de consultation des travailleurs et de leur accorder un droit à une représentation lors de ces rencontres annuelles.
    Le programme sous compétence fédérale comporte des dispositions qui se prolongent dans le contrat de travail qui lie l'employeur québécois et le travailleur agricole saisonnier. Ce contrat de travail relève de la compétence du Québec. Certaines clauses citées au contrat préoccupent la commission sous l'angle du respect et de l'exercice des droits et libertés. Je parle bien sûr de l'obligation de résidence.
    Le contrat stipule l'obligation du travailleur de travailler et d'habiter au lieu de travail ou à tout autre endroit fixé par l'employeur et approuvé par le représentant du gouvernement. Cette obligation, dans le cadre de l'entente Mexique et Antilles, s'applique également dans le cadre de l'entente relative aux travailleurs provenant du Guatemala.

  (1410)  

    Le fait de vivre sur la propriété de l'employeur place le travailleur dans une situation où, en dehors des heures de travail, l'exercice de son droit à la vie privée prévu à l'article 5 de la charte québécoise risque d'être subordonné au droit du propriétaire-employeur de limiter l'accès à sa propriété privée et à ses terres. Dans de telles circonstances, la libre circulation du travailleur ou de ses visiteurs pourrait être compromise. Cette limitation pourrait constituer une entrave à l'exercice de sa liberté d'association et de sa liberté d'opinion, qui sont également protégées par la charte.
    Cette liberté d'association inclut l'adhésion à une organisation syndicale et à toute association militante pour tous. L'obligation de résidence ne s'applique pas aux travailleurs québécois non migrants. En ce sens, cette obligation peut porter atteinte à l'exercice du droit des travailleurs étrangers temporaires à l'égalité, droit protégé à l'article 10 de la charte québécoise, en raison de leur origine ethnique ou nationale.
    Dans le cas du Mexique et des Antilles, le contrat prévoit l'obligation de l'employeur de fournir gratuitement aux travailleurs un logement convenable. Cette disposition se traduit par la nécessité pour l'employeur de procéder à la vérification ponctuelle de la qualité et de la sécurité des lieux d'hébergement. Là aussi, la commission porte à l'attention du comité l'importance du respect du droit à la vie privée des travailleurs, mais aussi le caractère inviolable de la demeure tel que protégé aux articles 5 et 7 de la charte québécoise. Ce rôle d'employeur-propriétaire place donc l'entreprise agricole dans une situation extrêmement délicate en regard du respect des droits des travailleurs hébergés.
    Je parlerai maintenant de la consignation des papiers d'identité de travailleurs. En février 2006, nous donnions suite à une demande d'intervention de la Coalition d'appui aux travailleurs et travailleuses agricoles relativement à la rétention des papiers d'identité de travailleurs par leur employeur.
    Dans le but d'assurer aux travailleurs agricoles saisonniers le respect de leur droit d'être secourus et de leur droit à la vie privée et à la libre disposition de leurs biens, la commission a entrepris une démarche de conciliation communautaire auprès de tous les acteurs concernés par ce problème. Au terme de cette consultation, la commission recommandait aux employeurs de ne pas consigner les papiers des travailleurs et de prendre des mesures pour que les travailleurs puissent conserver leurs papiers en toute sécurité.
    À cet égard, la commission recommande d'inclure une telle disposition au contrat qui lie l'employeur et l'employé.

  (1415)  

[Traduction]

    Je vous arrête là, parce que vous parlez depuis huit minutes. Au cours des questions et réponses, vous aurez peut-être l'occasion de faire valoir certains de vos points de vue.
    Monsieur Boudreau.

[Français]

    Comme vous le savez, le recours à des immigrants à titre de travailleurs temporaires a connu un certain essor au cours des dernières années au Québec. En 2006, par exemple, 19 257 permis temporaires de travail ont été accordés à des immigrants, et 5 229 prolongements de séjour à des fins de travail ont été accordés à des ressortissants étrangers. Rappelons que cette année-là, le Québec a accueilli 44 686 immigrants permanents. Vous avez d'un côté près de 45 000 immigrants permanents, et de l'autre, à peu près 25 000 personnes qui reçoivent un permis temporaire. J'espère que mes chiffres seront corroborés par votre expert. Ces chiffres sont évidemment ceux du Québec. Je ne parlerai que du Québec, aujourd'hui.
    Cette situation n'est évidemment pas étrangère à l'embellie qu'a connu le marché du travail québécois. Dans plusieurs régions, nous vivons, depuis deux ou trois ans, une situation proche du plein emploi, et nous avons commencé à ressentir des pénuries de main-d'oeuvre à divers niveaux de qualification. J'insiste là-dessus: il y a des problèmes de recrutement, de disponibilité de main-d'oeuvre à divers niveaux de qualification, et pas seulement chez les travailleurs hautement qualifiés. Ce phénomène ne peut que s'amplifier dans un avenir prévisible. À compter de 2011-2012, davantage de personnes quitteront le marché du travail, principalement pour prendre leur retraite, que de nouvelles personnes intégreront le monde de la main-d'oeuvre active. Et 2011-2012, c'est presque après-demain. Le recours à l'immigration devient donc incontournable, malgré les gains de productivité que nous devrons réaliser par ailleurs.
    Au cours des dernières années, le gouvernement fédéral a assoupli les règles d'entrée des travailleurs temporaires. Il a notamment porté de 12 à 24 mois la période de séjour de ces travailleurs étrangers. La Fédération des chambres de commerce du Québec salue cette ouverture. On sait tous que le processus de recrutement des travailleurs temporaires est beaucoup plus simple et plus rapide que la procédure de sélection des immigrants, l'engagement du pays à l'égard des candidats, et vice versa, n'étant évidemment pas la même dans les deux situations.
    Jusqu'ici, la plupart des travailleurs temporaires accueillis au Québec sont des travailleurs qualifiés venant combler des postes requérant des compétences spécifiques difficiles à trouver au Québec et au Canada. Il y a deux exceptions, bien sûr: les travailleurs agricoles et les aides domestiques. Ces travailleurs qualifiés qui sont recherchés, lorsqu'ils viennent sur une base temporaire, permettent en outre à certaines entreprises de répondre à des périodes non récurrentes de travail intensif pour lesquelles il serait difficile d'embaucher du personnel permanent.
    Les syndicats ont exercé une grande vigilance à l'égard des programmes d'accueil des travailleurs immigrants, craignant que l'entrée d'un grand nombre de travailleurs n'ait pour effet de réduire les salaires et les conditions de travail. Dans le contexte actuel, on reconnaît d'emblée que les entreprises doivent en effet rendre le travail attrayant pour les gens d'ici, notamment sur le plan des salaires et des conditions de travail. Il n'en demeure pas moins que certains emplois non spécialisés trouvent de moins en moins preneurs chez les Québécois. On parle beaucoup, depuis un bout de temps, du cas des travailleurs agricoles saisonniers, qui illustre bien cette situation parce que celle-ci est vécue depuis plusieurs années.
    Théoriquement, au moment des récoltes, il y a suffisamment d'étudiants, de chômeurs, de prestataires d'aide sociale aptes au travail et d'autres personnes non occupées. Il y a donc suffisamment de monde disponible pour faire les récoltes. Mais dans la vraie vie, ce n'est pas ainsi que ça se passe. Cette adéquation est toute théorique. Dans les faits, si on ne faisait pas venir près de 5 000 Mexicains et autres Sud-Américains chaque printemps et chaque été, les récoltes pourriraient dans les champs. L'année dernière, ils étaient plus que 5 000. Il faut donc faire la différence entre l'adéquation théorique et la possibilité réelle de recruter des travailleurs, même dans des conditions raisonnables de marché.

  (1420)  

     La question va bientôt se poser à l'égard d'emplois non spécialisés que les Québécois répugnent manifestement à occuper. On peut penser aux emplois manuels dans les abattoirs, les restaurants, les hôtels, les entrepôts et le transport. La réponse à ces besoins va venir inévitablement, en partie du moins, de l'immigration. Nous reconnaissons d'emblée que les travailleurs temporaires sont plus vulnérables, du fait que leur congédiement signifie généralement leur rapatriement immédiat dans leur pays d'origine. Comme société, et comme membres du gouvernement, nous avons donc la responsabilité de mettre en place des conditions qui permettent de respecter les droits fondamentaux de ces travailleurs et de leur offrir des conditions de travail et d'accueil qui respectent leur dignité et leur sécurité.
    Cette prémisse étant posée, le Québec, comme de nombreuses autres sociétés développées, peut faire appel en toute quiétude d'esprit à la méthode étrangère, sur une base temporaire ou permanente, pour occuper des emplois qui sont très difficiles à combler chez nous pour toutes sortes de raisons.
    Les entreprises que nous représentons jugent de la plus haute importance la possibilité de recourir, de faire appel aux travailleurs étrangers qualifiés et non qualifiés afin de pouvoir poursuivre leur développement et la création de richesse et d'emplois au Québec.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci, monsieur Boudreau.
    Madame Folco, vous disposez de sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président et monsieur Boudreau.
    Ma question s'adresse aux trois invités. Il y a une chose que je n'arrive pas à comprendre. Ça fait longtemps que je travaille en immigration et, comme Mme Fiset me l'a rappelé, ça fait longtemps que je m'intéresse à la question des travailleurs temporaires. J'aimerais bien que quelqu'un m'explique clairement la différence entre l'immigrant italien qui est arrivé à Montréal dans les années 1950 et qui travaillait au port de Montréal ou à construire les routes et les autoroutes de la province, et un travailleur temporaire qui vient du Mexique ou du Guatemala et qui travaille six ou sept mois dans les fermes du Québec.
    Dans le premier cas, les Italiens, les Grecs et tous les immigrants de cette vague sont arrivés et ont pu réunir leur famille immédiatement. Ils se sont installés au Québec et sont maintenant rendus à la troisième ou à la quatrième génération. Dans le deuxième cas, les gens ont du mal à trouver ne serait-ce qu'un téléphone pour pouvoir appeler leur famille. J'aimerais que quelqu'un m'explique la logique derrière la différence entre les deux cas, si vous pouvez le faire.
    La logique, c'est qu'il y a un programme de travailleurs temporaires non spécialisés qui est extrêmement restrictif sur le plan de l'exercice des droits. On n'a pas eu l'occasion de terminer la présentation, mais il y a notamment la liberté fondamentale de tout individu de circuler...
    Je m'excuse de vous interrompre, mais le temps nous est alloué au compte-goutte. La logique, ce n'est pas une logique de base, mais bien une logique d'instrumentalisation.

  (1425)  

    Voilà. Et de statut. Ces travailleurs, à cause de leur statut, se voient restreints dans l'exercice de leurs droits et libertés.
    La question que je posais visait à connaître la différence entre une personne dans les années 1950 et une autre personne dans les années 2000.
    Monsieur Boudreau, vous avez quelque chose à ajouter?
    Je ne suis pas un historien ni un spécialiste des questions d'immigration, mais ce que je peux dire, c'est que le Québec, depuis 15 ans, a cherché à accorder une nette priorité aux immigrants hautement scolarisés. C'est une politique de longue date.
    Aux immigrants qui parlent français?
    Qui parlent français ou qui sont francophiles. Ça fait partie des critères importants. Le Québec a résisté longtemps à la tentation de recourir aux travailleurs temporaires. On avait un taux élevé de chômage et on se disait qu'en y mettant les efforts voulus, on réussirait à trouver des chômeurs pour faire ce travail. Nous avions nos propres Mexicains, bien sûr.
    C'est vraiment au cours des quelques dernières années qu'on s'est rendu compte que les travailleurs temporaires pouvaient être une solution. Je dirais que c'est lié notamment au fait que, à tort ou à raison — et ici je ne porte pas de jugement —, les procédures de recrutement des immigrants sont plutôt lentes. Contrairement aux Ontariens qui, pendant des années, faisaient venir des dizaines de milliers de travailleurs, nous résistions à cette tendance. Nous avons procédé de façon très progressive.
    Par ailleurs, dans des secteurs hautement spécialisés comme l'informatique, entre autres, des besoins en main-d'oeuvre se sont fait sentir, et il a été assez facile de démontrer qu'on ne pouvait pas recruter rapidement du personnel sur place. On s'est mis à considérer la possibilité d'un meilleur arrimage avec les besoins du marché du travail.
    On en est maintenant à une autre étape, mais je ne pense pas que la situation se compare. Cependant, si je voulais émettre un souhait...
    Je vous demande de me convaincre, monsieur Boudreau. Pour le moment, je pense qu'elle se compare.
     Je crois que sur le marché du travail dans un proche avenir, on va avoir besoin de main-d'oeuvre appartenant à diverses catégories. Je dirais qu'on aura davantage besoin de travailleurs techniques, pas très spécialisés, que de travailleurs hautement qualifiés. En effet, le nombre d'universitaires que produit le Québec ces années-ci par rapport au nombre de travailleurs formés dans des domaines techniques est trop élevé. En outre, l'immigration amplifie ce phénomène. Il va falloir mettre de côté l'idée voulant que les immigrants ayant une formation universitaire peuvent s'adapter plus facilement au marché du travail. C'est un point de vue très théorique.
    Ils s'adaptent très bien au marché du travail des chauffeurs de taxi.
     Madame Fiset.
    J'aimerais compléter l'intervention de M. Boudreau en disant qu'à leur arrivée au Canada, les immigrants italiens et grecs des années 1950 étaient déjà accueillis comme immigrants. Ils avaient à s'intégrer à la société québécoise, mais comme les audiences de la Commission Bouchard-Taylor sur les pratiques d'accommodement nous ont permis de le constater, le travail était la meilleure façon d'intégrer une personne à sa société d'accueil. Ces personnes se trouvaient du travail, pouvaient faire venir leur famille au Canada, etc. Leurs droits étaient pleinement reconnus.
    Les travailleurs migrants, pour leur part, n'ont pas de statut si ce n'est celui d'un travailleur temporaire. Les travailleurs agricoles saisonniers, en particulier, n'ont pas à apprendre l'une ou l'autre des langues officielles parce qu'ils n'ont qu'à exécuter un travail non spécialisé. La plupart du temps, ce sont les employeurs qui apprennent leur langue, en l'occurrence l'espagnol.
    Concernant les politiques du Québec, je suis assez d'accord avec M. Boudreau qu'il va falloir un jour ou l'autre reconnaître la pénurie de main-d'oeuvre non spécialisée. Récemment, des annonces de notre gouvernement québécois indiquaient qu'il allait encore une fois faciliter la venue des membres de la famille des travailleurs temporaires spécialisés ou peu spécialisés. Même si ces annonces sont vraiment récentes, on ne parle ni de faciliter la venue de la famille des travailleurs migrants temporaires ni, par conséquent, de faciliter leur intégration à la société d'accueil.

  (1430)  

[Traduction]

    C'est votre dernière question — qu'elle soit brève.

[Français]

    Je comprends ce que vous dites, mais j'ai peut-être mal formulé ma question. Je voulais dire qu'à mon avis, les personnes venues d'Europe et ayant entre autres construit des routes au Québec et au Canada pendant les années 1950 et 1960 comblaient une pénurie de travailleurs. À cette époque, des Canadiens auraient pu faire ce travail, mais pour toutes sortes de raisons, ils ne l'ont pas fait.
    La situation actuelle ne peut pas être identique, évidemment, mais certains éléments peuvent être mis en parallèle. C'est ce que j'essayais de faire ressortir. D'un côté, il y a des travailleurs immigrants et de l'autre, des travailleurs temporaires, mais c'est un résultat. Je m'avance peut-être trop, je ne sais pas, mais il me semble que globalement, les conditions ne sont pas si différentes en ce qui concerne la venue des immigrants et celle des travailleurs temporaires.

[Traduction]

    Répondez brièvement.

[Français]

    Vous remarquerez qu'à l'heure actuelle, l'immigration temporaire nous provient de pays « pauvres » ou en voie de développement.
    [Note de la rédaction: inaudible]
    Oui, mais présentement, des pays industrialisés font venir de la main-d'oeuvre des pays en voie de développement, comme les aides familiales résidantes qui viennent des Philippines.

[Traduction]

    Merci, madame Fiset.
    Monsieur St-Cyr.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous d'être présents. J'aurais quelques questions à poser aux gens de la commission.
    On a parlé de consignation des documents légaux. Pouvez-vous me dire si cette façon de faire est légale? Un employeur peut-il l'exiger, sinon comment cela fonctionne-t-il? Quel genre d'entente peut-il y avoir?
    Selon notre analyse, cette façon de faire est illégale, notamment en vertu de la Charte et des articles que j'ai cités. Par contre, certains employeurs ont comme pratique d'exiger de conserver les papiers d'identité.
    Vous jugez qu'il est illégal de l'exiger. Selon vous, s'il y a une entente de gré à gré, ce serait légal dans le cadre actuel.
    Tout à fait, c'est-à-dire que si un travailleur dit que cela lui convient que son employeur conserve son passeport ou ses cartes d'identité, c'est son choix personnel et il n'y a pas de problème. Cependant, ce n'est pas présenté de cette façon, car dans certains cas, c'est une exigence.
    Lors de notre consultation communautaire avec les organisations, on a suggéré que l'employeur conserve plutôt une copie du papier d'identité et que l'employé garde l'original en tout temps. S'il a besoin de son passeport...
    Vous dites qu'il est interdit de l'exiger et vous découragez le fait que l'employeur le consigne. Vous préférez que l'employeur en conserve une copie.
    C'est exact.
    Plusieurs groupes qui ont défilé devant nous ont signalé beaucoup de situations d'abus. Par exemple, dans mon comté, des groupes m'en ont parlé et vous nous l'avez signalé aussi.
     Comment se fait-il que cette situation persiste dans une société avancée comme la nôtre? Qui surveille la situation? Est-ce vous, les inspecteurs du travail à Québec ou la Commission des normes du travail? On nous décrit une situation extrêmement difficile et de nombreux cas d'abus. Comment se fait-il que cette situation perdure?
    Il y a plusieurs éléments de réponse. Tout d'abord, il s'agit quand même d'une situation légalement complexe de responsabilités partagées entre le fédéral et le provincial. D'ailleurs, vous avez eu l'occasion d'en entendre parler.
    Plusieurs acteurs ont des responsabilités. Notre commission a une responsabilité en ce sens, et nous travaillons activement à ce dossier depuis trois ans. Nous avons obtenu un jugement contre une entreprise agricole qui avait établi des conditions de travail complètement ségrégatives entre deux catégories de travailleurs. Nous sommes en lien avec les organisations.
    On a parlé de travailleurs agricoles, mais c'est encore plus vrai dans le cas des aides familiales, qui sont extrêmement vulnérables. Quand on est extrêmement vulnérable, on ne porte pas plainte, on endure les conditions parce qu'on veut garder son travail et parce qu'on ne veut pas être renvoyé dans son pays. Nous croyons que la vulnérabilité des travailleurs est certainement un point important qui empêche de dénoncer des situations.

  (1435)  

    Ne devrions-nous pas changer notre approche? Notre système, pour les citoyens en général, est plutôt passif, car on ne se mêle pas des relations entre les individus tant qu'ils ne portent pas plainte. Puisque cela ne fonctionne pas, devrait-on penser à instituer, par exemple, un organisme quelconque? Vous avez parlé, à un moment donné, d'une instance indépendante en cas de litige. Ne devrions-nous pas être plus proactifs et aller voir si les conditions de travail et les droits des individus sont respectés, plutôt que d'attendre une plainte?
    Il me semble qu'il a été démontré que le système passif ne fonctionnait pas.
    C'est probablement pour cette raison, en l'absence de représentations ou d'instances neutres à qui se référer, que cinq demandes pour accréditation syndicale ont été faites en 2006-2007.
    Vous avez parlé des compétences québécoise et fédérale dans ce dossier. Quand les gens arrivent au Québec, essentiellement, ils ont des relations le gouvernement du Québec. L'État québécois est responsable des conditions de travail, de la formation de la main-d'oeuvre et de tous les échanges civils.
    Ne serait-il pas plus simple et plus efficace que les programmes d'immigration, comme ceux pour les travailleurs temporaires, relèvent directement du gouvernement du Québec? N'y aurait-il pas une meilleure reddition de comptes? On ne vivrait pas le genre de situation que les organismes nous ont décrit: ils vont voir le gouvernement fédéral, qui dit que cela relève des normes du travail et qu'il faut donc s'adresser au gouvernement du Québec, qui à son tour, dit que cela relève de l'immigration et, donc, du fédéral, et ainsi de suite.
    De toute manière, cela va se passer au niveau du Québec quand ils seront ici. Cela ne devrait-il pas relever du Québec?
    On aurait à tout le moins avantage à éclaircir la situation juridique pour tout le monde. Dans la perspective de la commission, une chose est certaine: lorsqu'une personne — je dis bien une personne, pas nécessairement un citoyen — est sur le territoire du Québec, la Charte des droits et libertés de la personne du Québec s'applique à elle, et en tout temps elle peut s'adresser, par exemple, à la commission. C'est ce que certains ont fait, ce qui explique notre implication dans ce dossier.
    Ni la commission ni quelque entité du gouvernement du Québec ne peut assurer un suivi auprès des gens qui ont un permis de travail temporaire, puisque c'est Ottawa qui a la liste des visas émis et qu'aucun échange ne se fait.
    Je sais que notre ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles exerce quand même une certaine surveillance, notamment dans le cas des aides familiales résidantes. Bon an mal an, il fait une vingtaine d'enquêtes par mois. Des fonctionnaires vont vérifier chez des employeurs comment ça se passe, etc., mais c'est un grain de sable.
    Ces enquêtes sont-elles faites après que des plaintes aient été déposées ou sont-elles faites spontanément? S'agit-il de vérifications aléatoires?
    Elles se font de façon aléatoire. Effectivement, il faudrait une instance qui donne des services directs à ces travailleurs et travailleuses. Si on ne compte que sur le contrat qui lie les travailleurs agricoles saisonniers à l'employeur et si, par exemple, l'employeur ne donne pas suite à une demande de carte d'assurance-maladie du travailleur, comment celui-ci pourra-t-il se faire soigner? Avec qui pourra-t-il se rendre dans des centres médicaux pour recevoir des soins?
    Justement, l'été dernier, la commission a décidé d'enquêter de son propre chef sur la situation d'un travailleur agricole saisonnier qui avait des difficultés à obtenir sa carte d'assurance-maladie et à aller se faire soigner. Ni le consulat, ni l'employeur, ni les autres instances ne sont responsables. Rien dans le contrat de travail ne précise qui est responsable de conduire le travailleur et de le faire soigner s'il a un problème de santé.

  (1440)  

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Blaney.

[Français]

    Merci, monsieur Doyle.
    Thank you, Mr. Chair.
    Je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui. J'ai suivi attentivement vos propos. Mes collègues conservateurs qui sont membres permanents de ce comité ne sont pas avec moi aujourd'hui, mais ils auront un résumé. La plupart sont à la Chambre et ils rejoindront le comité pour sa tournée dans l'est du pays.
    Monsieur Boudreau, vous avez bien décrit une tendance lourde qu'on trouve ici, au Québec. Je pense que les travailleurs temporaires et immigrants sont là pour rester chez nous et qu'il y en aura de plus en plus. J'ai aussi aimé vos propos sur l'immigration scolarisée. C'est comme si on avait, je ne dirais pas deux classes d'immigrants... Il faut explorer davantage de ce côté. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas un baccalauréat ou une maîtrise qu'on ne peut pas être un citoyen à part entière et contribuer à la société.
    Voulez-vous faire un commentaire tout de suite?
    C'est vrai que théoriquement, les gens qui sont mieux formés et plus scolarisés sont censés être plus flexibles sur le marché du travail. S'ils perdent leur emploi, ils peuvent s'adapter à de nouvelles conditions et obtenir un nouvel emploi. Théoriquement, c'est vrai, mais dans la vraie vie, ce ne l'est pas tout à fait. Il faut y apporter beaucoup de nuances.
    Premièrement, les travailleurs — oublions la question de la reconnaissance des compétences et des droits de pratique — qui ont une formation de haut niveau ont aussi des aspirations plus grandes, et souvent, la société d'accueil n'est pas en mesure, pour de bonnes raisons et de moins bonnes, d'offrir les conditions de pratique pour que leur talent soit pleinement utilisé.
    Deuxièmement, on oublie que beaucoup de travailleurs dont le profil est plus technique sont aussi des gens très flexibles sur le marché du travail. De tout temps, beaucoup de gens de métier ont très bien gagné leur vie. Il y a une pénurie de boulangers depuis des années au Québec. Si on faisait venir 200, 300 ou 400 boulangers par année, ils ne chômeraient pas. Il faut se méfier de certains concepts théoriques.
     Honnêtement, notre système d'éducation valorise beaucoup la formation universitaire à certains égards, au détriment de la formation technique et de celle des métiers. Dans une économie, on a besoin de plus de mécaniciens que d'économistes. À peu près 25 p. 100 des emplois, au maximum 30 p. 100, font appel à des compétences universitaires. Alors, il ne sert à rien de s'organiser pour que le profil des immigrants qu'on accueille soit à 50 p. 100 constitué de diplômés universitaires.
    Oui, je vois. Il faut aussi tenir compte du champ de compétence, lorsqu'on choisit les gens qu'on accueille.
    Vous avez entendu le témoignage précédent, qui décrivait une certaine problématique concernant les droits et libertés. Mon collègue d'en face dit que cela n'a jamais été testé. J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus. Quelles recommandations aimeriez-vous retrouver dans le rapport du comité permanent?
    On a abordé brièvement la question de l'obligation de résidence, tant pour les travailleurs agricoles que pour les aides familiales. On recommande aussi que le permis de travail soit ouvert, qu'il ne soit pas limité à un seul employeur. Cela a aussi été abordé par Mme Depatie-Pelletier. On appuie tout à fait cette recommandation. Cette mesure empêcherait les personnes qui arrivent ici de se retrouver en situation de grande vulnérabilité.
    On a dénoncé la pratique de certaines agences consistant à faire venir des aides familiales en surnombre. Ces personnes se retrouvent ici sans pouvoir être placées immédiatement chez un employeur. Elles sont alors en situation de parfaite vulnérabilité. Ces deux éléments nous paraissent très importants.
    Veux-tu compléter, Carole?
    Étant donné que le permis est fermé, c'est-à-dire restreint à un seul employeur, les aides familiales sont très vulnérables. Entre deux employeurs, elles se retrouvent à la merci du travail au noir, avec tout ce que ça peut entraîner. Il y a aussi des recours auxquels elles n'ont pas accès à cause de leur situation illégale, par exemple les recours auprès de la Commission canadienne des droits de la personne. Cependant, elles peuvent recourir à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec. On peut les accueillir, si elles font l'objet de harcèlement sexuel ou de racisme.
    De plus, ce sont des travailleuses de catégorie B et C. Elles sont donc détentrices d'un diplôme équivalant à notre diplôme collégial ou universitaire. On sait qu'environ 60 p. 100 d'entre elles ont reçu une formation de niveau collégial et universitaire. Toutefois, à cause de leur statut, elles sont considérées comme étant de niveau D; c'est comme si elles étaient non spécialisées. Par conséquent, elles sont soumises à l'obligation de résidence et à un permis restreint à un employeur. À notre avis, il y a là possiblement atteinte au droit à l'égalité parce qu'elles sont des femmes.

  (1445)  

     La Charte canadienne des droits et libertés existe depuis un bon moment. Il semblait y avoir un certain consensus dans la communauté sur les points que vous avez soulevés plus tôt. On a parlé de preuves rassemblées par des chercheurs universitaires, des groupes communautaires, des ONG et des syndicats.
    Comment se fait-il que cette situation perdure? Il y a quelques cas. Vous avez fait référence au cas particulier d'un travailleur agricole, mais je pense entre autres aux travailleurs familiales.
    Nous parlerons davantage de l'application de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, qui relève de notre champ de compétence.
    Comme je l'ai dit, c'est un milieu très fermé. Comme il y a une situation de très grande vulnérabilité, il y a peu de plaintes, peu de dénonciations. Il y a aussi une barrière linguistique importante. C'est un milieu difficile à percer.
    Je dirai simplement que les efforts de sensibilisation aux droits sont très importants. On a produit un dépliant en français et en espagnol à l'intention des travailleurs agricoles. On s'assure de le distribuer afin que les travailleurs agricoles connaissent leurs droits lorsqu'ils sont au Québec. On a également mis sur pied un projet pour faire connaître leurs droits aux travailleuses du Programme des aides familiaux résidants en anglais...
    ... en tagalog et en français.

[Traduction]

    Merci, monsieur Dowd. Merci, monsieur Blaney.
    À votre tour, monsieur Telegdi.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Boudreau, Mme Folco a posé une question. Elle a demandé en quoi la situation est-elle différente de celle qui existait alors que les Italiens, les Croates, les Hongrois ou les Portugais, ou tous les gens qui... Ce qu'ils avaient en leur faveur, c'est qu'ils voulaient venir au Canada, qu'ils étaient prêts à travailler dur, et qu'ils voulaient édifier un pays. Mes parents sont arrivés en 1957 pendant la révolution hongroise. Il y a actuellement un nombre appréciable de Canadiens hongrois au Québec.
    Je vais vous poser la même question que celle que j'ai posée aux gens d'affaires à Winnipeg. Si vous pouviez accueillir des travailleurs au Québec qui combleraient ces postes comme immigrants permanents, qui prendraient un engagement à l'égard du Canada et qui voudraient participer à l'édification d'une nation, ne serait-ce pas préférable au recours à des travailleurs étrangers temporaires?

[Français]

    Tout à fait, mais c'est un peu une question théorique. Dans les faits — et on peut le déplorer —, ça prend un certain temps — certains disent presque deux ans — pour passer par toute la procédure de sélection des immigrants.

[Traduction]

    Permettez-moi de vous arrêter tout de suite, monsieur Boudreau. Quarante mille réfugiés hongrois se sont retrouvés en Autriche. En moins de six mois, 90 p. 100 étaient au Canada. Ce n'est donc pas impossible.
    Notre système bureaucratique ne répond pas aux besoins du marché. En 2002, on a apporté un changement au système de points et cela a été un désastre total. Je suis absolument d'accord avec vous. Nous avons besoin de mécaniciens, nous avons besoin de maçons, nous avons besoin de charpentiers, nous avons besoin de travailleurs des divers corps de métier, et nous avons besoin de travailler de concert avec nos syndicats, au lieu de faire venir des travailleurs étrangers temporaires et de créer ainsi un environnement très hostile.
    Je dirais simplement ceci à votre groupe: exigez du gouvernement qu'il s'intéresse à l'immigration. Au cours de ces deux dernières années — en l'espace de moins d'un an — le gouvernement a nommé deux ministres qui, ni l'un ni l'autre ne connaissait quoi que ce soit à la citoyenneté et à l'immigration. Je serais ravi de dire que les ministres libéraux qui les ont précédés étaient beaucoup plus compétents, mais malheureusement, ce n'était pas non plus le cas.
    Jusqu'à ce que nous ayons la volonté politique nécessaire et que nous nous refusions à devenir un pays où règne la servitude, où nous avons des travailleurs étrangers temporaires... Voyez ce qui s'est passé en Allemagne, avec son programme de travailleurs invités. Cela peut créer toutes sortes de problèmes. Faire venir des hommes seuls ici en masse, avec des familles dont ils se retrouvent très éloignés, crée une situation désastreuse pour le travail.
    Oui, je suis d'accord avec vous, il est totalement inexcusable que cela prenne tant de temps pour faire venir les gens ici. Mais je ne crois pas que la solution consiste à faire venir des travailleurs étrangers temporaires qui peuvent être exploités. Et je reconnais, que s'ils n'ont pas bénéficié des dispositions de la Charte, c'est parce qu'il est pratiquement impossible pour un travailleur étranger temporaire d'arriver jusqu'à la Cour suprême du Canada. Il est déjà bien difficile de le faire pour les groupes qui sont d'ici.
    Je crois, monsieur Boudreau, qu'il serait bon que vous exerciez des pressions sur le gouvernement et que vous lui disiez de ne pas nous engager dans cette voie. Je peux vous assurer que les bureaucrates essaient de le faire depuis mon arrivée au Parlement, et cela remonte à bien des années. Ils ont essayé de mettre en place un système qui est exactement comme celui-ci, dans lequel on exploite les gens et on s'en débarrasse ensuite.
    En réalité, nous avons besoin que des gens viennent nous aider à construire ce pays, et il y a des situations très légitimes pour les personnes peu qualifiées. M. Mike Lazaridis, l'inventeur du BlackBerry que je tiens, ne serait jamais accepté aujourd'hui. Il emploie actuellement 6 000 Canadiens. Et je vous parie que l'an prochain, il en emploiera 10 000, et qu'il y en aura de plus en plus. Frank Stronach ne pourrait jamais entrer dans notre pays aujourd'hui; Frank Hasenfratz, de Linamar, ne le pourrait pas non plus.
    Notre problème est que nous avons un système dysfonctionnel, mais bon sang, nous pouvons exiger des politiciens qu'ils l'arrangent, et nous pouvons le faire aussi du gouvernement au pouvoir, quel qu'il soit, car cette exploitation des travailleurs étrangers temporaires ne nous aide pas à bâtir le Canada.

  (1450)  

[Français]

    Si je remets mon chapeau de représentant d'une organisation d'employeurs d'entreprise, je partage tout à fait votre point de vue. L'une des finalités importantes de l'immigration est quand même de venir contribuer à la richesse de la société canadienne et, en particulier, par l'intégration en emploi. Comme on l'a dit, quand on a un emploi, le reste vient un peu par surcroît.
    J'essaie simplement de dire que dans les faits, l'immigration n'est pas tout à fait une agence de placement. C'est un peu plus compliqué que cela. Je peux comprendre qu'on ait d'autres objectifs et qu'il faille, surtout en ces années post-2001, faire un certain nombre de vérifications et que cela prenne un peu de temps, même si on peut déplorer qu'effectivement, la bureaucratie semble plutôt lourde dans ce champ d'activité. J'admets cela volontiers. C'est clair qu'on peut faire mieux, qu'on peut faire plus vite. C'est clair que certains critères utilisés pour choisir les immigrants contribuent à noyer les critères relatifs à l'emploi. Il y a une sorte de dilution de ces critères. Donc, je suis d'accord avec vous.
    Toutefois, compte tenu de tout cela — et je terminerai là-dessus —, il est important que tout en travaillant très fort, tout en insistant auprès des gouvernements pour qu'ils simplifient ces procédures, il est important qu'on ait aussi un mécanisme ou une soupape, en quelque sorte, qui est plus rapide, les travailleurs temporaires, tout en mettant en place des conditions pour que ces travailleurs ne soient pas exploités. À cet égard, je rejoins parfaitement les organismes qui ont témoigné ici.

[Traduction]

    Monsieur Carrier, les six dernières minutes sont à vous. Allez-y.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vais continuer dans la même veine et m'adresser moi aussi à M. Boudreau.
    Vous nous dites que la pénurie de main-d'oeuvre dans certains domaines techniques est comblée par des travailleurs temporaires, et vous justifiez la chose en disant que le processus d'immigration est trop long. On a donc recours rapidement à des travailleurs temporaires. Il reste qu'on agit comme si c'était une marchandise pouvant être utilisée une année et mise de côté l'année suivante. Or, les témoignages qu'on entend depuis deux semaines dans diverses régions du pays nous font prendre conscience de tous les problèmes que ça occasionne aux travailleurs temporaires.
    D'autres témoins ont suggéré qu'on accorde la résidence permanente à ceux qui viennent travailler ici pendant plusieurs années consécutives. Par contre, on a mis en relief l'arriéré relatif au traitement des demandes d'immigration et on s'est demandé si le fait d'accorder la résidence permanente à ces travailleurs ne reviendrait pas à favoriser ces derniers au détriment de ceux qui ont fait une demande il y a longtemps. C'est toute une problématique.
    On voit que le recours à des travailleurs temporaires n'est qu'une solution à court terme qu'on répète d'année en année. M. Telegdi a donné l'exemple des immigrants hongrois arrivés en grand nombre parce qu'il y avait un besoin urgent de main-d'oeuvre. Vous avez dit que les gens à qui on accordait la résidence permanente devaient aussi répondre à des critères autres que le travail. En effet, on veut qu'ils constituent pour le pays de bons citoyens.
    Si vous aviez le choix, feriez-vous pression pour que le gouvernement accélère le processus d'immigration et établisse des critères particuliers pour combler les besoins de main-d'oeuvre dans chacune des régions, ce qui ferait en sorte d'éliminer la nécessité de recourir à des travailleurs temporaires?

  (1455)  

    La fédération s'est prononcée sur l'augmentation du nombre d'immigrants admis par année. Ce nombre est actuellement de 45 000, et selon un de ses scénarios, le gouvernement du Québec souhaite faire passer ce chiffre à 55 000. La fédération est d'accord. En effet, étant donné qu'on va manquer de main-d'oeuvre, aussi bien y voir tout de suite.
    Bien sûr, on veut que ces gens s'intègrent le plus rapidement possible dans l'économie, occupent des emplois pour lesquels le recrutement est difficile. Il est évident qu'on va préférer de loin avoir recours à des résidents permanents plutôt qu'à des travailleurs temporaires. Il reste que ce n'est pas nécessairement l'un ou l'autre.
    Il y a des emplois saisonniers. Les récoltes durent normalement quelques mois seulement. Je ne vois pas pourquoi on irait chercher des gens qui resteraient ensuite ici de façon permanente et auraient toutes les difficultés du monde à s'occuper durant le reste de l'année. De nombreux pays dans le monde ont recours à des travailleurs temporaires de façon récurrente. De plus, le nombre de personnes auxquelles ils ont recours est beaucoup plus élevé qu'ici, mais ils font les choses d'une manière parfaitement correcte.
     Quelle proportion des 25 000 permis temporaires est accordée à des travailleurs saisonniers?
    Environ 5 000 permis sont destinés à des travailleurs agricoles.

[Traduction]

    Je crois que Mme Fiset veut faire une remarque.
    En aviez-vous une à faire?

[Français]

    J'aimerais répondre.

[Traduction]

    D'accord, allez-y.

[Français]

    Pendant huit ou dix mois, il y a en effet un roulement de travailleurs saisonniers étrangers. Ceux-ci viennent surtout travailler dans le milieu de l'agriculture. Vous avez raison. Toutefois, et c'est vrai également pour les travailleurs québécois de souche, des ententes régionales sont conclues avec les entreprises de transformation qui, de leur côté, doivent transformer ces produits alimentaires pendant le reste de l'année. Souvent, en région, il y a une pénurie de main-d'oeuvre dans ce secteur.
    Les travailleurs temporaires agricoles saisonniers pourraient très bien rester au pays à titre de résidents permanents parce que durant le reste de l'année, ils pourraient combler des pénuries de main-d'oeuvre dans l'industrie de la transformation. Je sais pour l'avoir vu que ça se fait couramment, notamment en Montérégie. Il faudrait nuancer l'argument concernant le temps des récoltes, des semis, et ainsi de suite. Encore une fois, il n'est pas dit que cette main-d'oeuvre ne pourrait pas avoir de travail pendant toute l'année.

  (1500)  

    Je vais donner un autre exemple. Prenez l'industrie du tourisme. Le période de pointe de l'industrie du tourisme au Mexique, c'est l'hiver. Ici, c'est l'été. On pourrait parfaitement répondre aux besoins des travailleurs du Mexique qui viennent travailler ici l'été pendant la saison touristique et qui retournent chez eux l'hiver, dans un arrangement qui serait acceptable. Tout le monde y trouverait son compte. Mais il est clair que le but premier est de recruter des immigrants permanents qui répondent aux besoins de notre marché du travail. Il n'y a pas de doute là-dessus.
    Merci.
    Me reste-t-il un peu de temps?

[Traduction]

    Le temps dont vous disposiez est écoulé. Avez-vous une dernière petite question? Mme Folco veut dire quelque chose.

[Français]

    Je voulais dire aux gens de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse que j'ai bien aimé leur recommandation voulant qu'il y ait un droit d'association adapté aux travailleurs temporaires et même une structure pour encadrer ce droit.
     Selon votre recommandation, qui se chargerait de cela? Serait-ce la Commission des normes du travail? Comment cela serait-il géré?
    On n'a pas de modèle spécifique. Cela reste à développer. Par exemple, on se demandait comment on intégrerait le droit d'être consulté. De façon très simple, on pourrait faire un sondage ou un questionnaire à la fin de la saison et demander quels problèmes de conditions de travail ils ont eus et ce qui devrait être amélioré l'année suivante. On aurait là une première réaction aux problèmes que vivent des gens directement impliqués. On n'a même pas cette réaction à l'heure actuelle.

[Traduction]

    Aviez-vous une information que vous vouliez nous donner?

[Français]

    Je voudrais soumettre une proposition. Référons-nous à l'historique des travailleurs domestiques. Lorsque j'étais au gouvernement du Québec, Mme Fiset s'en souviendra, on a travaillé très fort pour que ces travailleurs, après deux ans, puissent devenir résidents permanents. On a beaucoup travaillé à cela, à l'époque. Je me demande ce qui nous empêche de faire la même chose pour les travailleurs temporaires.
    Je pourrais soumettre cette recommandation à ce comité. Les travailleurs temporaires pourraient avoir accès à la résidence permanente sous certaines conditions. On pourra étudier les détails à un autre moment. Cela satisferait les besoins de l'industrie, comme l'a bien indiqué M. Boudreau, et les besoins de ces travailleurs temporaires.
    Je reviens aux Italiens. Les Italiens, en hiver, ne faisaient pas grand-chose. Ils s'installaient à la maison et occupaient de petits emplois, comme le fait tout le monde.
    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup d'être venus. Vous nous avez fourni beaucoup d'informations très utiles, et je suis certain qu'elles seront précieuses pour nos analystes et pour notre comité, lorsque nous rédigeons notre rapport.
    Pardon?
    Pouvons-nous conclure?
    Si vous le voulez, prenez chacun une minute pour conclure.

[Français]

    La commission mène actuellement deux enquêtes à la suite d'allégations de discrimination dans l'exercice des droits des travailleurs agricoles saisonniers. De plus, nous examinons la situation à [Note de la rédaction: inaudible] et à la protection des aides familiales résidentes en matière de santé et de sécurité au travail.
    Enfin, la commission insiste sur l'importance du respect des droits des travailleurs migrants, et en particulier ceux des travailleurs et travailleuses vulnérables que sont les travailleurs agricoles et les aides familiales. Par conséquent, nous croyons que le gouvernement du Canada devrait ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Cette adhésion à ladite convention permettrait la refonte du programme dans son ensemble, dans le but d'offrir les meilleures protections possibles des droits des travailleurs migrants temporaires, mais aussi de leur garantir les protections reconnues internationalement en matière de droits de la personne.
    Nous remercions les membres du comité de nous avoir accueillis dans le cadre des présentes audiences.

[Traduction]

    Bien, merci beaucoup. Nous vous en sommes reconnaissants.
    Monsieur Boudreau.

[Français]

    En conclusion, j'aimerais dire que je suis très à l'aise devant la proposition que madame a formulée. Effectivement, les travailleurs qui viennent ici temporairement et qui ont la possibilité de se diversifier, comme le disait madame, pourraient avantageusement combler les emplois que nous ne voulons pas occuper pour toutes sortes de bonnes et de mauvaises raisons.

[Traduction]

    Encore une fois, merci beaucoup d'être venus. Nous vous en sommes vraiment reconnaissants.
    Nous allons faire une pause de deux minutes et nous nous préparerons pour accueillir notre troisième groupe à la table.
    Je vous remercie.

    


    

  (1510)  

    Nous allons essayer de reprendre la séance.
    Nous souhaitons la bienvenue à Mireille Gauthier, directrice générale de la Canadian Society of Immigration Practitioners et M. Prashant Ajmera, à titre personnel, qui vont témoigner aujourd'hui.
    Vous disposez chacun de sept minutes, après quoi, les membres de notre comité vous poseront des questions ou feront des commentaires.
    À vous d'abord, madame Gauthier.
    Puis-je faire remarquer, avant de commencer, que mon collègue se représente manifestement lui-même, mais qu'il est également membre de l'association en question.
    Bien, merci de ces précisions.
    Madame Gauthier.
    Monsieur le président, membres du comité, je m'appelle Mireille Gauthier. Je suis l'agente 6901, membre de la Canadian Society of Immigration Practitioners, en bref, la CSIP, créée en 2005.

[Français]

    Vous savez que vous pouvez parler français, si vous préférez.
    J'en ferai une petite partie en français.
    D'accord.
    Pour l'instant, le texte est en anglais et c'est plus facile de lire. Je vais m'occuper de cela un peu plus tard.
    Parfait.
    Merci. L'accent est évident, je vous l'accorde. On fait de son mieux.

[Traduction]

    Bien évidemment, il ne faut jamais confondre la CSIP avec la SCCI, qui est la Société canadienne de consultants en immigration, comprenant environ 1 000 membres qui nous ont fait part de leur désir de se joindre à nous et de quitter la SCCI.
    La CSIP est présidée par Mme Nancy Salloum; son association regroupe 9 170 membres accrédités et satisfaits qui se trouvent dans le monde entier, dont le désir est d'exercer les tâches d'immigration avec honneur, compétence, expérience et honnêteté.
    L'organe de réglementation unifié que nous formons a pour philosophie de représenter les intérêts des pratiquants au Canada et à l'étranger. Nous voulons donc nous autoréglementer et être reconnus par les autorités fédérales comme représentants rémunérés.
    Mme Salloum m'a demandé de la représenter en tant que directrice générale et que membre de son association depuis le 1er mars de cette année. Si vous me le permettez, je voudrais vous présenter maintenant un très bref aperçu de mon expérience professionnelle.

[Français]

    J'ai commencé à travailler à titre d'agent d'information principal pour deux sociétés fédérales, c'est-à-dire Transports Canada suivi de Statistique Canada. Ce furent des postes temporaires, et lorsque mon mandat fut terminé, je fus embauchée à temps plein, de 1982 à 1987, par Consommation et Corporations Canada. On m'accordait le titre de directrice des communications au Québec. Ce poste voulait réunir les éléments principaux liés aux communications, comme les relations avec la presse, la publicité, les ventes, etc. En même temps que je chapeautais le service de communications à Montréal, je fus affectée à Ottawa pour occuper les mêmes fonctions durant trois ans.
     Par la suite, de 1987 à 1999, je fus embauchée par Citoyenneté et Immigration Canada, qui est un organisme fédéral, à titre d'agent chargé de présenter les cas, et je présentais les causes de l'immigration à la cour. Par la suite, on m'a donné une promotion sous le titre de représentante du ministre du moment. À cet effet, je devais me présenter aux diverses cours de l'immigration pour défendre les intérêts ministériels et ceux du ministre du jour. Depuis 1999, je m'occupe de mon bureau de pratique privée où je conseille les clients et je produis les meilleurs programmes pour répondre à leurs besoins, toujours en immigration.
    Je vais continuer en anglais, si vous me le permettez.

  (1515)  

[Traduction]

    Je suis cependant ici aujourd'hui pour prouver que la SCCI a porté préjudice à certaines personnes qui, en 2004, souhaitaient vivement devenir membres de cette société comme consultants d'expérience, bien disposés à travailler. Je suis une de ses victimes, et je ne suis pas parvenue à découvrir pourquoi la société avait dressé un tel mur de résistance contre moi.
    Pour poursuivre dans cette veine, je voudrais vous donner comme preuve deux exemples du traitement « moins qu'acceptable » auquel la SCCI m'a soumise dans le passé.
    J'ai passé le test de connaissances à six reprises — le 27 mars 2006; le 26 juin 2006; le 30 octobre 2006; le 17 décembre 2006; le 25 mars 2007; le 30 septembre 2007 — cela m'a coûté chaque fois 553 $, payable d'avance. J'ai échoué chaque fois au test écrit. Lorsque j'ai demandé qu'on me communique les résultats expliquant mes échecs, je n'ai jamais rien pu obtenir.
     Il m'est manifestement difficile de comprendre, si ma connaissance des règlements en matière d'immigration n'était pas suffisante, pourquoi le gouvernement ou Immigration Canada ont continué à m'employer pendant si longtemps. Mes connaissances sont d'ailleurs indiscutablement supérieures à celles d'autres personnes du secteur privé n'ayant qu'un ou deux ans d'expérience des questions d'immigration, étant donné que j'ai moi-même 12 ans d'expérience dans ce domaine.
    J'ai appelé mon deuxième exemple le « Non-respect de la confidentialité ».
    Le 30 novembre 2004, Me Andrea Snizynsky, de Montréal, a déposé une plainte contre moi auprès de la SCCI en arguant que seuls les avocats pouvaient déposer une demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale. Trois années plus tard, la SCCI m'a exonérée pour manque de preuve.
    Par la suite, un incident très bizarre s'est produit pendant que je me trouvais dans mon bureau. J'ai remis les documents probants à ma secrétaire. Le 17 avril 2007, j'ai reçu une télécopie anonyme contenant des lettres signées et des éléments de mon dossier personnel de demandes de prestation. Après avoir fait des recherches, je n'ai pas pu trouver l'origine du numéro de télécopieur, qui était 514-344-8134.
    J'ai immédiatement informé Me Setton-Lemar au département des plaintes et de la discipline de la SCCI. Elle a reconnu que la divulgation de renseignements confidentiels par la SCCI était évidente et qu'elle chargerait un enquêteur d'étudier la question. Puis-je faire observer que je n'ai plus jamais eu de ses nouvelles à ce sujet, et que personne n'a jamais pris contact avec moi.
    Cet incident est grave. Qui, au sein de l'association, avait accès à mon dossier personnel? Pourquoi les dossiers de demandes de prestation n'étaient-ils pas conservés en lieu sûr? Quelles étaient les intentions de la personne qui m'avait envoyé une télécopie de mon dossier, en veillant à ce que son identité demeure secrète?

  (1520)  

    Peut-être cette personne avait-elle l'intention d'envoyer ces documents aux médias pour compromettre définitivement ma réputation. L'enquête de la SCCI était-elle nette, et avait-on échangé des informations sans que je le sache? On n'a jamais répondu à mes craintes à ce sujet.
    Il faut se souvenir de deux choses: l'absence de sécurité en ce qui concerne la protection des dossiers privés des membres, et l'absence du moindre effort de la part de la SCCI pour trouver qui m'avait envoyé les documents et pourquoi.
    Madame Gauthier, puis-je vous interrompre un instant? Douze à 13 minutes se sont déjà écoulées et je me rends compte que vous avez un nombre assez élevé de pages que vous voulez nous présenter. Lorsque nous parviendrons à la période des questions et réponses, vous pourrez peut-être alors nous fournir des informations dans vos propres réponses. Mais si vous me le permettez, je vais maintenant passer à M. Ajmera. Le temps dont je dispose m'oblige à le faire, et je suis certain que nos membres ont aussi des questions à poser.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Ajmera.
    Avant de commencer, je voudrais demander si tout le monde a une copie de mon mémoire.
    Il faut qu'il soit dans les deux langues.
    Non, il est seulement en anglais.
    Ça va. Nous l'obtiendrons plus tard.
    Monsieur Blaney.
    Monsieur le président, je rappelle simplement que le témoin peut vous remettre son mémoire et que par votre intermédiaire, nous pourrons ensuite obtenir les versions française et anglaise.
    Oui, nous le ferons traduire et nous l'aurons certainement.
    Monsieur Ajmera.
    Permettez-moi tout d'abord officiellement de vous remercier vivement, monsieur le président et vous, messieurs et mesdames les députés, de m'offrir la possibilité de vous présenter mes vues sur l'industrie de l'immigration, qui est la seule profession que je pratique et que je sais exercer au Canada.
    Je me présente brièvement. Je m'appelle Prashant Ajmera. Je suis originaire de l'Inde et avocat de profession. En Inde, j'ai pratiqué pendant six ans, dans une haute cour provinciale au sein du bureau du procureur du gouvernement fédéral, avant d'immigrer au Canada. Je suis associé à un cabinet juridique spécialisé en immigration à Montréal depuis 1993 et je pratique à titre de consultant en immigration depuis 1995.
    Avant de venir au Canada, j'ai vécu et étudié à Londres où j'ai obtenu mon troisième diplôme, dans le domaine de la gestion intégrée. J'ai présenté une demande d'immigration au Canada dans le cadre du programme du Québec et je suis arrivé là avec ma famille — ma femme et une fille — en 1993.
    Je voudrais aussi parler en général du système d'accréditation canadien et de l'accréditation de la SCCI. Comme nous le savons tous, la Constitution canadienne attribue aux gouvernements provinciaux le pouvoir de réglementer toutes les professions, sauf celle des consultants en immigration. Avec le temps toutefois, les gouvernements provinciaux ont donné ce pouvoir aux membres de chaque profession, qui ont alors formé des organismes d'accréditation se réglementant eux-mêmes. Plus de 45 professions sont ainsi réglementées dans chacune des provinces du Canada.
    Ces organismes sont régis et gérés par des personnes qui pratiquent la même profession. Il n'est que naturel que ces professionnels aient cherché et cherchent encore à protéger leurs pratiques et leurs intérêts en limitant le nombre des nouveaux membres de leur profession. Bien sûr, ces organismes autoréglementés ne peuvent pas empêcher des personnes éduquées au Canada de s'engager dans leur profession, mais tous les organismes d'accréditation professionnelle au Canada ont réussi à faire en sorte qu'il est difficile, ou dans bien des cas impossible pour des professionnels formés à l'étranger d'obtenir l'autorisation de pratiquer leur profession au Canada.
    Ces organismes ont atteint leur objectif en fixant des normes inaccessibles et irréalistes au nom de la protection du consommateur et des normes canadiennes.
    La Société canadienne de consultants en immigration est un exemple classique de ce système d'accréditation défectueux au Canada. Elle est gérée par des personnes qui ont un intérêt acquis dans l'industrie de l'immigration et qui assujettissent à des normes exagérément élevées l'obtention d'une autorisation de pratiquer le droit de l'immigration, toujours au nom de la protection du consommateur, ce qui a entraîné l'élimination de plus de 800 consultants de la société. Beaucoup de ceux-ci continuent à pratiquer sans être membres de la SCCI ou en retenant les services d'une personne qui en est membre ou d'un avocat.
    En ce qui concerne mon expérience de la SCCI, au lieu de réglementer et de discipliner les consultants en immigration au sujet desquels elle avait reçu des plaintes, la Société canadienne de consultants en immigration a commencé à pratiquer l'intimidation contre certains consultants qui avaient quitté la société et avaient protesté contre elle et contre son fonctionnement. Cette campagne a été très bien orchestrée par l'ancien enquêteur de la SCCI qui est aujourd'hui membre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, et qui a comparu devant ce comité le 12 mars 2008.
    J'ai moi-même été victime de l'arbitraire de la SCCI. Vous pourrez découvrir l'expérience que j'ai vécue dans le mémoire détaillé que j'ai soumis.
     En ce qui concerne la réglementation des consultants en immigration au Canada, une des recommandations d'ordre général que je voudrais faire est qu'il devrait y avoir plusieurs catégories de consultant, car la plupart ne fournissent pas de services dans tous les domaines du droit de l'immigration et ne peuvent pas le faire. Ces catégories pourraient être les suivantes: les consultants qui souhaitent pratiquer seulement le droit intéressant les réfugiés et les personnes détenues et comparaître devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié; les consultants désireux de traiter les dossiers de caractère économique, les dossiers de résidents temporaires et de parrainage de membres de la famille; les consultants qui veulent pratiquer dans tous les domaines du droit de l'immigration.

  (1525)  

    Le Barreau du Haut-Canada en Ontario, fait une telle distinction lorsqu'il accrédite des avocats qui se spécialisent dans différents domaines du droit de l'immigration. Pour cerner le problème qui existe dans l'industrie de l'immigration et déterminer comment le résoudre, il faut examiner chacune des catégories de visas de résident temporaire et de résident permanent afin de comprendre dans quel domaine le client peut être le plus vulnérable et le plus susceptible d'être exploité par un consultant en immigration ou un avocat.
    Le premier est celui des visas de visiteur. Les seuls consultants pouvant être réglementés dans cette catégorie sont ceux qui détiennent un permis canadien de consultants en immigration.
    Le second est celui du visa d'étudiant: en raison des difficultés inhérentes à l'obtention d'un permis de consultant en immigration et des longs délais de traitement des demandes d'immigration, de nombreux consultants qui exercent hors du Canada participent maintenant au recrutement d'étudiants étrangers en devenant un agent d'un établissement d'enseignement canadien. La LIPR exempte expressément cette classe de consultant de la réglementation de la SCCI et de tout autre organisme d'accréditation semblable. On devrait demander aux établissements d'enseignement canadiens de ne retenir que les services de consultants accrédités.
    Le troisième domaine est celui des permis de travail et des offres d'emploi dans le cas des candidats à l'immigration permanente et des travailleurs qualifiés du Programme des candidats de provinces autres que le Québec. Ce domaine doit être très étroitement réglementé dans le but d'accélérer le processus d'immigration qui est très long. Les consultants en immigration et les avocats s'occupent de trouver des offres d'emploi pour les travailleurs temporaires et les candidats à l'immigration permanente. Immigrer dans un nouveau pays muni d'une offre d'emploi procure un sentiment de sécurité au demandeur tout en aidant à accélérer le processus. En conséquence, c'est dans cette catégorie qu'est commis le plus grand nombre de fraudes par des avocats ou des consultants en immigration, qui se chargent d'obtenir des offres d'emploi d'employeurs canadiens et réclament des honoraires élevés aux candidats à l'immigration permanente.
    D'autre part, la dernière politique adoptée par Citoyenneté et Immigration Canada afin d'accélérer les demandes d'immigration permanente des candidats d'offre d'emploi confirmée n'arrange les choses. Les demandeurs sont prêts à payer n'importe quel prix aux consultants qui peuvent leur obtenir une offre d'emploi d'un employeur canadien approuvé par RHDSC.
    Le Programme des candidats de toutes les provinces à l'exception du Québec comporte une exigence semblable d'offre d'emploi confirmée, et des problèmes existent également dans ces cas.
    Une quatrième catégorie est celle des réfugiés, des personnes détenues et des affaires déférées à la CISR. C'est là un autre domaine dans les pratiques d'immigration où de nombreuses fraudes sont commises par les consultants et les avocats. L'étranger qui revendique le statut de réfugié est le plus vulnérable en l'occurrence pour la bonne raison que sa situation économique, politique ou sociale dans son pays d'origine n'est pas favorable. Il peut s'être fait aider par un agent ou un individu quelconque afin de parvenir au Canada, avec peu ou point d'argent et posséder des compétences minimales en anglais ou en français ou une compréhension limitée de l'une ou l'autre langue. Les personnes qui sont dans cette situation ont peu d'espoir, et quiconque leur en donne la moindre lueur est le bienvenu. Elles deviennent donc des cibles faciles pour les consultants et les avocats cupides.
    La plupart des fraudes en matière d'immigration sont commises au Canada même, et si l'on prenait des mesures appropriées pour les combattre, on résoudrait un problème majeur de l'industrie de l'immigration, au moins en territoire canadien.
    Ma dernière remarque concerne les travailleurs qualifiés et les gens d'affaires. Les demandeurs résident hors du Canada et ils peuvent être représentés par des consultants ou des avocats du Canada ainsi que par des consultants de l'extérieur du Canada. Un tout petit problème se pose cependant en ce qui concerne cette classe d'immigrants, et aucune mesure spéciale n'est justifiée, à mon avis. Il importe toutefois que les consultants qui opèrent tant au Canada qu'à l'extérieur soient réglementés par un système d'accréditation juste, transparent et raisonnable, utilisé par le gouvernement fédéral.
    Merci beaucoup.

  (1530)  

    Merci.
    Monsieur Telegdi.
    Monsieur Ajmera, après avoir fait votre demande, combien de temps cela vous a-t-il pris pour pouvoir venir au Canada?
    En 1993? En 1993, le ministère de l'Immigration était un nouveau ministère, et j'ai pu passer mon entrevue au bout de six mois, mais moins de deux ans après, j'étais au Canada.
    Que se passe-t-il maintenant pour les personnes qui sont dans des situations similaires à la vôtre?
    Elles attendent six mois et plus, monsieur. Les clients qui ont fait leur demande en 2002 — en Inde en particulier, puisque je suis d'origine indienne — reçoivent aujourd'hui des avis d'entrevue.
    Par exemple, il y a un homme d'affaires qui est propriétaire d'une grande maison dans la province du Gujarat, dont je suis moi-même originaire. Avant mon départ, j'ai reçu un avis d'entrevue pour son dossier, qu'il avait lui-même déposé. Il veut que je le représente ou que je le prépare à passer une entrevue. C'est un homme d'affaires indien multimillionnaire qui voudrait s'établir au Canada. Il m'a envoyé cette demande en 2003.

  (1535)  

    D'après votre expérience, quelle est la principale raison pour laquelle cela demande tant de temps?
    Pour cela, il faut revenir un peu en arrière.
    Un des obstacles, à mon avis, est la succession de ministres au ministère de l'Immigration. Nous en avons vu passer plus d'une douzaine depuis 1993, de M. Gerry Weiner au ministre actuel. Je les ai probablement tous rencontrés.
    Ce sont les bureaucrates qui sont la première cause du problème. Ils s'en tiennent à ce qui est politiquement correct. Comme ils ne détiennent pas l'autorité nécessaire, ils décident de changer les règlements pour l'obtenir. Dans les derniers règlements, ils voulaient introduire l'examen de capacité linguistique ou le changer. Ils bloquaient les demandes pendant plusieurs années, ce qui a déclenché deux années de querelles au Parlement, et à la présentation de deux recours collectifs. Le premier — il s'agissait de l'affaire Dragan — a été engagé par mon cabinet, simplement pour introduire l'examen d'anglais. À mon avis, ce sont donc les bureaucrates — et non les députés — qui n'ont pas les connaissances pratiques nécessaires de ce qu'il y a à faire.
    À l'époque, la solution était simple: il aurait suffi de dire aux candidats: « Nous n'avons pas autorité pour vous demander de passer un examen » — ce qui était le cas dans l'ancien système — « mais nous voulons que vous passiez cet examen; cela nous permettra d'accélérer le traitement de votre dossier ou de vous dispenser éventuellement de l'entrevue ». Il aurait suffi de dire cela aux gens pour régler le problème en 1999 ou 2000. Mais les bureaucrates ont préféré garder les demandes sous le coude pendant 18 mois, ce qui a ensuite soulevé le problème de la rétroactivité, ce que notre cabinet conteste dans l'affaire Dragan. Cette affaire a été suivie par un recours collectif dans l'ensemble du pays et a abouti au versement de trois millions de dollars aux avocats.
    L'affaire Dragan numéro deux, monsieur le président, est survenue après le changement apporté au système de points en 2002. Je tiens simplement à dire pour le compte rendu que certains des membres du comité voudront peut-être se reporter à ce que le comité avait dit à l'époque, car nous étions fermement opposés à ce qui se passait. Un des points que l'affaire Dragan a révélé était que les bureaucrates avaient en fait menti au comité. Tout cela est documenté. J'en parle parce que j'estime qu'il est important que nous connaissions l'origine des problèmes.
    Je suis membre du comité depuis 10 ans et j'ai vu se succéder sept ministres au cours de cette période. Si l'on veut savoir qui fait la loi au ministère, ce sont surtout les bureaucrates, et ils ne se montrent pas très ouverts, responsables ou transparents.
    Bien sûr, en théorie, tout le monde veut être transparent, mais dans la pratique, ce n'est pas ce qui se passe.
    Dans l'affaire Dragan, le juge mentionne un cas très précis concernant M. Majumdar, qui était mon client. Je lui avais rendu visite en Indonésie, et nous avions présenté une série de demandes au bureau de Hong Kong, simplement pour qu'on nous dise quand nos clients pourraient s'attendre à passer une entrevue. Six ou sept demandes télécopiées sont demeurées sans réponse, et dans ce cas particulier, le juge fédéral a déclaré que c'était inacceptable.
    Dans le jugement, il était aussi fait mention du fait que le Parlement avait été induit en erreur par...
    Oui, ultérieurement, parce qu'il y avait contradiction totale entre les présentations des avocats dans ce cas particulier et le contenu de la déposition du gouvernement fédéral et des bureaucrates. Il s'agissait des chiffres donnés au comité.
    Je suis ravi que vous comparaissiez aujourd'hui devant nous, étant donné votre situation.
    Vous travaillez maintenant comme consultant pour le cabinet d'avocats.
    Depuis le tout début. C'est le cabinet d'avocats qui a parrainé ma venue au Canada. J'étais en Angleterre lorsque j'ai vu son annonce dans Wayback. J'ai dit que j'étais moi-même avocat et c'est ainsi que nous avons commencé à travailler ensemble. Il s'agit du cabinet d'avocats Brownstein, Brownstein & Associates.
    J'ai eu l'occasion, l'an dernier, de rencontrer quelqu'un au Panjab qui se trouvait exactement dans la même situation que vous et qui exerce maintenant comme consultant en immigration dans le Lower Mainland de la Colombie-Britannique. Il a attendu six ans. Ce qui m'a frappé, c'est que vous êtes arrivé à l'âge de 43 ans, alors qu'il aurait été bien préférable que ce soit à 37 ans, parce que vous auriez eu six années de plus pour apporter votre contribution, au lieu d'être mis en attente.
    Puisque vous travaillez comme consultant pour un cabinet d'avocats — je n'ai pas vu votre mémoire — pourriez-vous nous faire quelques recommandations sur la manière dont nous pourrions améliorer la réglementation des consultants.

  (1540)  

    Oui, je l'ai ici.
    Le travail de consultant en immigration est ma passion. Comme j'ai une formation juridique — je ne peux pas obtenir de permis d'exercice comme avocat, ce qui est une autre réalité — c'est le plus près que je peux être de la profession juridique.
    Le 7 mars, le ministère de l'Immigration de la Nouvelle-Zélande a adopté un système d'accréditation pour les consultants. C'est une administration fédérale; ce n'est pas pour les consultants. Prenons l'exemple d'un fermier qui a 1 000 vaches, s'il veut pouvoir bien s'en occuper, il faut les mettre toutes ensemble et non en laisser quelques-unes à l'écart.
    Actuellement, il y a des systèmes d'accréditation pour toutes les professions au Canada. Si vous essayez d'exclure les gens parce qu'il leur manque telle ou telle chose, parce qu'ils n'ont pas les compétences linguistiques nécessaires, vous n'allez pas pouvoir les réglementer. C'est impossible, parce que si ces gens-là vont un peu partout et si c'est leur gagne-pain qui est en jeu, ils continueront à faire ce qu'ils veulent.
    Je vais vous l'expliquer en termes très généraux, en me fondant sur mes 15 années d'expérience dans ce domaine. Dans les autres pays, la profession de l'immigration, vue de l'extérieur, est jugée comparable au trafic de drogues. Le passage de migrants clandestins est si répandu dans d'autres pays et ces activités représentent tant d'argent, qu'il y a des gens qui veulent faire ce métier, légalement ou non. Ils sont très rares à vouloir avoir une entreprise légitime, mais il y en a aussi qui veulent avoir une entreprise illégitime.
    Par exemple — manifestement je ne peux pas vous en donner la preuve — j'ai commencé à exercer il y a longtemps, en 1993, en Inde, où j'avais un petit bureau et je travaillais avec le cabinet d'avocats Brownstein and Brownstein. J'avais mis une annonce dans le journal et dès le premier mois, quelqu'un est venu me voir avec de l'argent plein les poches. Il m'a dit, « Monsieur Ajmera, je suis un passeur de clandestins. J'ai vu l'annonce dans laquelle vous dites que vous pouvez envoyer des gens au Canada. Si vous m'aidez, moi, et les gens dont je m'occupe, je vous paierai 15 000 $ par personne. » J'ai répondu, « Écoutez, je suis avocat. Mon père était avocat, et mon grand-père l'était aussi sous les Anglais. C'est la dernière des choses que je voudrais faire. »
    Actuellement — je l'ai simplement entendu dire, et je n'en ai pas la preuve — le tarif en vigueur pour faire passer clandestinement des gens d'Inde au Canada ou en Amérique est de 80 000 $ canadiens.
    Vraiment? Tant que cela — 80 000 $.
    C'est donc comme le trafic de drogues. L'argent de ce trafic existe. Quoi que nous voulions faire, les gens sont tellement motivés par l'argent.
    Je vais vous donner un exemple. Nous avons adopté ce système d'accréditation de consultants, comportant notamment l'octroi de points dans l'offre d'emploi. Donc, même si mon anglais est minimal, si j'ai 67 points...
    Il y avait un cabinet d'avocats très en vue à Toronto. De nombreux consultants et avocats ont commencé à faire des offres d'emploi approuvées par DRHC parce que cela leur donnait 15 points. Le membre de ce cabinet d'avocats m'a approché alors que je travaillais pour un autre cabinet et il m'a dit, « Si vous avez un candidat fédéral qui ne parvient pas à obtenir les 67 points, passez-nous-le. Nous pourrons lui trouver un emploi approuvé par DRHC, ce qui lui donnera 15 points ». Lorsque je lui ai demandé quels étaient ses honoraires, il m'a dit 15 000 $. Je lui ai répondu « Écoutez, je ne connais pas votre organisation. Je ne sais pas comment vous faites, mais à en juger par les honoraires que vous essayez de me faire payer, je ne crois pas qu'il s'agisse d'une activité légitime. » C'est exactement ce qui s'est produit. Six mois plus tard, la GRC a trouvé...

  (1545)  

    Je vais devoir donner la parole à M. St-Cyr.
    C'est vraiment intéressant, monsieur Ajmera.

[Français]

    Merci, monsieur le président, et merci à vous d'être ici aujourd'hui.
    D'une part, madame Gauthier, si je vous ai encouragée à faire votre présentation en français, c'est parce que lors de tous nos séjours dans le reste du Canada, personne ne nous a fait de présentation en français. Je voulais que mes collègues anglophones puissent pratiquer leur français. Vous leur avez enlevé une occasion de le faire, et je le leur avais promis.
    Je ne me suis pas exprimée en français parce que lorsqu'on m'a demandé de préparer un texte, j'ai commencé à le taper en anglais. J'ai présenté le texte à ma supérieure, Nancy Salloum, qui s'exprime plutôt en anglais.
    J'aimerais bien comprendre qui vous êtes. Êtes-vous de la Société canadienne de consultants en immigration?
    Non, nous sommes des praticiens.
    Vous êtes des praticiens en immigration. Donc, il s'agit d'un regroupement de consultants, mais vous n'êtes pas de la Société canadienne de consultants en immigration qui réglemente ou qui devrait réglementer le...
    Vous représentez la société des praticiens en immigration. Votre présentation était très personnelle, et vous vous en servez comme exemple pour démontrer la position de votre association.
    C'est ce qu'on m'avait demandé de faire.
    Puisque vous êtes consultante en immigration dans la vie de tous les jours, êtes-vous aussi membre de la Société canadienne de consultants en immigration? Avez-vous réussi à en devenir membre?
    Non. Tel que je l'ai signalé dans mon texte, j'ai échoué le test six fois. Six fois, c'est le maximum. On ne peut pas reprendre l'exercice. Je fais du travail...
    Je vais vous interrompre. Je voulais simplement le préciser parce que je n'étais pas sûr de comprendre. Il me reste quelques minutes et je veux poser les mêmes questions à M. Ajmera.
    Sans vous ennuyer, puis-je apporter une petite nuance?
    Oui.
    Je travaille, mais dans les faits, je ne travaille pas.
    D'accord. Vous ne le pouvez pas?
    Je ne le peux pas. Alors, je travaille avec le gouvernement du Québec, où je peux le faire.
    Monsieur Ajmera, vous êtes venu à titre personnel. Êtes-vous membre de la Société canadienne de consultants en immigration?

[Traduction]

    Non.

[Français]

    Êtes-vous membre de la société des praticiens en immigration?

[Traduction]

    C'est exact.

[Français]

    Vous avez souligné tous les deux, dans vos présentations, les lacunes au niveau de la Société canadienne de consultants en immigration. Ce n'est pas nouveau. Partout, au cours de notre voyage, on nous a fait des présentations extrêmement préoccupantes sur des problèmes de gouvernance, de démocratie et de participation. Je parlerais même d'un manque de professionnalisme généralisé. Vous avez parlé, madame Gauthier, de problèmes de confidentialité des données. Ce sont des commentaires qu'on nous a faits.
    J'ai souvent dit aux gens qui venaient nous parler que cet organisme de régularisation d'un corps professionnel n'était probablement pas au bon endroit. M. Ajmera a dit au début de sa présentation que ce sont normalement les provinces qui réglementent les professions. C'est le champ de juridiction des provinces. En français, on utilise même l'expression « champ de compétence ». J'aime particulièrement cette expression parce qu'elle contient le mot « compétence ». Les provinces sont habituées à régir les professions parce qu'elles le font depuis des années. Elles ont un cadre réglementaire très important.
    L'Office des professions du Québec, par exemple, chapeaute chacune des professions. Il y a un cadre réglementaire imposant, alors que le cadre réglementaire qui donne un monopole à la Société canadienne de consultants en immigration n'a que quelques paragraphes. Ça n'a rien à voir.
    Serait-il plus efficace que les provinces contrôlent la profession de consultant à même les structures existantes de contrôle des professions? On éviterait ainsi les problèmes de gouvernance, de démocratie, de stratégie éthique douteuse ou discutable. Qu'en pensez-vous?

  (1550)  

    Je vais vous répondre en français.

[Traduction]

    Merci. Cela nous ramène au sujet précis de la question. En effet, le contrôle devrait être donné aux gouvernements provinciaux, mais il est impossible de le faire en ce moment pour deux raisons.
    Premièrement, dans l'affaire Mangat, la Cour suprême britannique a décidé que c'est le gouvernement fédéral qui détermine qui devra comparaître devant l'organisme quasi judiciaire.
    Deuxièmement, il y a environ 5 000 consultants en immigration au total pour l'ensemble du Canada — des bons et des mauvais. Donc, si nous commençons à réglementer province par province, il est probable que la Colombie-Britannique, l'Ontario et le Québec auront la majorité des consultants réglementés par les organismes d'accréditation. Mais créer un tel organisme dans une province telle que le Nouveau-Brunswick, où il n'y a probablement pas plus de 10 consultants, cela me paraîtrait créer un autre problème.

[Français]

    Je vais laisser Mme Gauthier répondre, mais juste avant, je veux répondre à vos deux points.
    Premièrement, la décision de la cour stipule que le gouvernement fédéral est libre de choisir qui il va autoriser à faire des représentations auprès de lui. Ça n'empêche pas le gouvernement fédéral de dire que pour faire des représentations, on doit être membre de son association professionnelle provinciale. C'est le cas, par exemple, du barreau. Pour plaider devant la Cour suprême, il faut être membre du barreau de sa province. Point final. Quant la question du nombre, si dans une province il y a 10 consultants en immigration, ce n'est pas là qu'il y a le plus de problèmes. Je comprends bien qu'on ne va peut-être pas couvrir ces 10 cas, mais ce n'est pas à ce niveau que se situe le problème.
    Madame Gauthier, qu'en pensez-vous?
    Je pense que l'idée est excellente; c'est la façon d'y arriver que je connais moins. J'ai une autre suggestion parallèle, si vous me le permettez.

[Traduction]

    Avez-vous terminé? Excusez-moi de vous interrompre. Continuez.

[Français]

    L'ajout à la Loi sur l'immigration dit que seul un notaire membre de la Chambre des notaires du Québec, un avocat ou un conseiller de la SCCI peut pratiquer et être payé comme représentant en immigration.
    On peut demander au gouverneur en conseil d'amender cette partie du règlement et de simplement ajouter la SCCI et la CIPC. Il semble que tout le monde pourrait être heureux. Ce serait une autre façon de faire.

[Traduction]

    M. Carrier et M. Telegdi seraient-ils prêts à se partager dix minutes? Non? Bien.
    Monsieur Telegdi, vous vouliez poser quelques questions. Il nous reste environ dix minutes pour vous et pour M. St-Cyr ou M. Carrier. Allez-y.

  (1555)  

    Monsieur Ajmera, je voudrais revenir à vous, car nous n'avons pas souvent cette occasion de vous parler.
    Je voudrais parler des délits d'action dont vous connaissez l'existence en Inde. J'en entends continuellement parler dans mon bureau de circonscription. Le cas des personnes qui essaient d'obtenir un visa et dont la demande est refusée, me préoccupe, et bien sûr, il y a aussi le fait que nous avons du personnel recruté localement. Je trouve bizarre que des personnes qui veulent venir en visite au Canada voient si fréquemment leur demande rejetée. C'est un problème avec lequel le comité se débat depuis des années, et il a essayé d'examiner d'autres systèmes.
    Une des façons dont nous pensions que cela aurait pu fonctionner — nous en avons parlé à notre comité et nous avons entendu des témoins à ce sujet — est la suivante: si quelqu'un ici veut parrainer une personne de l'Inde, s'il dépose une caution ou prend un engagement, comme nous le faisons normalement tous les jours dans nos tribunaux lorsque les gens signent une caution, ce que les États-Unis appellent un « bail » ou dépôt de garantie, pour essayer d'accélérer l'entrée de cette personne, lui faire sauter les rangs de la file d'attente, et assurer son entrée au Canada, je crois que nous pourrions très bien le faire localement. Lorsque quelqu'un se présente dans mon bureau et me dit qu'il veut accueillir quelqu'un au Canada comme visiteur, je connais parfois la personne qui fait la demande. Il serait bien préférable que cette personne puisse dire qu'elle va garantir le retour du visiteur et qu'elle fasse ce que nous faisons déjà tous les jours dans notre système judiciaire, en particulier pour les personnes dont la demande a été rejetée, car il est très difficile d'obtenir la révocation d'un refus de délivrance de visa, en particulier par le bureau.
    Si l'on procédait ainsi, on aurait une masse critique de personnes capables d'effectuer des contrôles de la qualité et de voir quels agents des visas rejettent un trop grand nombre de demandes, car nous pourrions alors faire une comparaison avec les personnes qui sont entrées ici en dépit de ce qu'a dit l'agent. Si l'on constate que certains agents des visas rejettent les demandes d'un trop grand nombre d'individus qui viennent ici, s'acquittent de leurs obligations et retournent chez eux comme ils sont censés le faire, cela nous permettrait d'avoir un certain contrôle de la qualité. En ce moment, il n'existe pas. Je constate trop souvent que les agents des visas rejettent les demandes sans raison valable.
    Vous voudriez donc savoir si nous devrions adopter un système de caution ou quelque chose du même genre?
    Oui, par exemple, pour les personnes dont la demande a été rejetée et pour lesquelles le temps presse.
    En principe, c'est une bonne idée, monsieur.
    Quand la question a été soumise au comité, elle a également été présentée à notre cabinet. Ma réaction immédiate a été de penser que si nous effectuons un bon contrôle, cela peut lier le garant, comme nous l'appelons ici, s'il s'agit d'un bon citoyen à tous les égards. Si l'on a l'assurance que je vais remettre cette personne dans l'avion pour Delhi, cela marchera. Autrement, comme je l'ai déjà dit, cela pourrait me motiver à faire entrer quelqu'un au Canada, même si je risque de perdre de l'argent.
    Donc le système de dépôt est bon en théorie, mais il est probable qu'il n'y a pas de contrôle approprié de la crédibilité de la personne qui veut verser une caution au Canada — si cette personne ne retourne pas chez elle, je verse une caution de 20 000 ou 50 000 $; par exemple, je vous donne ma garantie personnelle qu'il s'agit de mon neveu, et que s'il ne retourne pas chez lui, je le ferai moi-même, et s'il y retourne, j'en fournirai la preuve.
    Notre système actuel ne comporte pas de visa de sortie, ce qui est un autre problème. Il se peut que je sois arrivé à une date déterminée, mais je peux très bien retourner au bout de deux ans sans que personne ne sache que j'ai indûment prolongé d'un an et demi mon séjour au Canada.
    Nous veillons toujours à avoir la preuve que les personnes que nous avons fait venir ici par l'intermédiaire de mon bureau s'en retournent. Autrement, c'est la guerre avec les bureaucrates.
    Ce qui me préoccupe le plus au sujet du système de visa c'est que nous n'avons pas un système d'assurance de la qualité qui nous permette de savoir si un agent des visas rejette trop de personnes sans raison valable. Cela n'existe pas. Ces agents de visas exercent un pouvoir incroyable.

  (1600)  

    Une personne ordinaire consulte le site de CIC ou celui du bureau consulaire des visas en Inde ou en Chine ou dans d'autres pays. Cela lui donne une liste de 30 ou 40 documents dans lesquels on lui demande si telle ou telle chose a été fournie. Bien évidemment, il ne lit pas la loi et la réglementation, pas plus que la ligne qui dit que vous devez donner l'assurance à l'agent que vous n'êtes probablement pas quelqu'un qui veut immigrer au Canada et que vous retournerez chez vous. Cette seule ligne rend toute la pile de documents, épaisse de cinq pouces... En 30 secondes, c'est oui ou non, et vous vous retrouvez à la porte.
    Ce sont là les cas qui me préoccupent — celui des gens d'affaires, par exemple. Ceux qui essaient de venir au Canada, conformément aux règlements fédéraux et à ceux du Québec obtiennent un point supplémentaire s'ils font un voyage exploratoire pour voir comment nous opérons en Ontario, en Colombie-Britannique, au Québec, ou là où ils veulent faire affaire. La plupart du temps, ces gens-là essuient un refus. Dans ce genre de cas, on pourrait donc envisager ce que vous suggérez.
    Monsieur St-Cyr.

[Français]

    Monsieur le président, je voudrais revenir sur un point plus technique, soit l'usage du français.
    À plusieurs reprises pendant notre voyage, les gens nous ont parlé de la SCCI et du fait qu'il fallait parler anglais pour devenir un consultant officiel et reconnu au sein de cet organisme. Il me semble assez évident que pour être consultant et échanger avec le gouvernement, il faut parler anglais dans le reste du Canada. Par contre, il me semble tout aussi évident que pour exercer au Québec, il faut parler français.
    La SCCI exige-t-elle que les candidats parlent français pour être reconnus en tant que consultants au Québec?
    Voulez-vous parler de la SCCI et du CPIC?
    Des deux.
    Parlons de la SCCI, étant donné que c'est de cet organisme que j'ai essayé de devenir membre, sans succès. Ces gens fonctionnent en anglais, et le Québec les dérange. Il les dérange parce qu'on y parle, on y écrit et on y passe des examens en français.
    Les examens que vous avez passés étaient-ils en français?
    Je les ai passés en anglais.
    Est-ce que c'était votre choix?
    Oui, parce que les examens en français comportaient trop d'erreurs. J'étais persuadée que je ne les réussirais pas parce que le travail avait été trop mal préparé. J'ai donc décidé de les passer en anglais.
    Et qu'en est-il du CPIC?
    Je n'ai pas encore passé d'examens au CPIC. Par contre, Mme Salloum est très ouverte à l'égard de la langue française. Elle vient du Liban et elle parle français. C'est le cas également de plusieurs de ses conseillers. Contrairement à la SCCI, le CPIC fait preuve d'une grande objectivité. À la SCCI, on dérange, mais au CPIC, on est les bienvenus, peu importe la langue qu'on parle.
    D'après moi, il y a deux aspects à cette affaire. D'abord, il faut permettre à tous ceux qui, comme vous, veulent passer des examens en français de le faire. Ces examens doivent être disponibles et de qualité égale. Ensuite, pour exercer au Québec, il faut évidemment avoir une connaissance minimale du français. C'est le cas dans tous les ordres professionnels, qu'on soit ingénieur, médecin ou avocat, notamment.
    À la SCCI, les francophones sont les parents pauvres, à un point tel que le premier examen était si mal préparé que les candidats ont reçu 10 points additionnels pour pallier ce problème.
    Les communications en français et en anglais de la SCCI sont-elles de qualité égale?

  (1605)  

    Les conversations téléphoniques sont normales parce que la dame qui s'occupe des francophones vient d'Haïti.
    Qu'en est-il du site Web, des communications écrites, des communiqués?
    Je suis contente que vous me parliez de cela, parce que le fait qu'on soient considérés comme des second class citizens me pesait sur le coeur.
    Qu'est-ce que je disais?
    Que les Canadiens français sont comme des citoyens de deuxième classe.
    Oui. Je vais vous donner le meilleur exemple qui soit.
    Dans mon petit baratin, j'ai dit qu'on avait déposé une plainte contre moi. La personne qui s'occupait de la plainte était un anglophone et il n'a jamais voulu dire un mot en français. Quand il m'appelait, il me parlait seulement en anglais. J'étais réellement dans une mauvaise position parce l'avocate qui avait déposé la plainte contre moi était anglophone. Elle s'entendait bien avec l'enquêteur. Par contre, quand il m'appelait, je n'étais pas contente parce que je ne le comprenais pas.
    Cela a duré trois ans, jusqu'à ce qu'ils embauchent M. Setton-Lemar, qui parlait les deux langues. Je l'ai informé par écrit que j'allais trouver un avocat et qu'on allait entendre ma cause en français.

[Traduction]

    Je suis obligé de vous interrompre parce que nous avons un horaire à respecter — celui que nous imposent l'aéroport et l'autobus.
    Je vous remercie vivement d'être venu. Nous vous en sommes très reconnaissants. Comme nous l'avons déjà dit, je suis certain que certaines de nos recommandations seront fondées sur vos mémoires. Merci et au revoir.
    La séance est levée.