Nous poursuivons donc notre série de réunions à travers tout le Canada, et je tiens à souhaiter aujourd'hui la bienvenue à Eugénie Depatie-Pelletier, recherchiste associée, Chaire de recherche du Canada en droit international des migrations, Université de Montréal.
Comme vous le savez, nous sommes le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes. Nous avons pour mandat de tenir des audiences sur trois questions très importantes — les travailleurs temporaires et étrangers, les consultants en immigration, et les réfugiés irakiens. Nous espérons pouvoir tenir des réunions dans toutes les provinces. Nous avons commencé en Colombie-Britannique et nous poursuivons notre voyage vers l'Est. Nous sommes aujourd'hui à Montréal et serons demain à Fredericton et Halifax; nous nous rendrons ensuite à St. John's à Terre-Neuve.
Lorsque nous aurons terminé, nous aurons entendu une cinquantaine de groupes de témoins qui veulent présenter leurs vues sur l'une ou l'autre des questions que nous avons été chargés d'étudier. Notre comité, comme vous le savez, est composé de représentants de tous les partis à la Chambre des communes.
Nous vous souhaitons la bienvenue et vous remercions d'être venus nous présenter vos vues. En règle générale, lorsque nous avons un groupe de témoins, nous accordons environ sept minutes à chacun pour faire son exposé, après quoi, nous donnons la parole aux membres du comité qui souhaiteraient faire des commentaires ou poser des questions. Comme vous êtes la seule personne à intervenir aujourd'hui, ne vous sentez pas tenu de respecter ce maximum de sept minutes.
Vous avez une présentation à faire, et nous serons très heureux de l'entendre. À la fin de notre voyage, nous allons rédiger un rapport pour la Chambre des communes, pour le ministre, avec l'aide de nos fonctionnaires. Nous présenterons des recommandations au ministre sur les trois questions pour l'étude desquelles nous avons été mandatés. Ces recommandations seront fort certainement fondées sur ce que nous aurons entendu au cours de nos audiences.
Vous avez donc la parole.
Je vous remercie.
:
Toutes les recherches dans ce domaine et toute la documentation sont en anglais. Tous les concepts ont été définis en anglais. Ce sera très difficile pour moi de traduire en français au fur et à mesure. Étant donné que la majorité des parlementaires sont francophones, je vais faire un effort. Je ne savais pas qu'il y avait de l'interprétation. J'ai apporté des copies qui contiennent, en fait, beaucoup plus de statistiques et de détails sur l'ensemble des programmes canadiens. Je vais quand même déposer les copies en français et en anglais pour ceux qui voudront approfondir la question en lisant l'article que je vous ai envoyé.
Ma présentation comptera trois parties. Il y a le cadre normatif, les conventions internationales, la Charte canadienne des droits et libertés, les lois au Canada, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. En fait, les trois quarts de ma présentation et la majorité des choses contenues dans cet article ont trait à des directives administratives. La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés est touchée, mais très peu en fait. Il s'agit surtout de directives de Citoyenneté et Immigration Canada et de Ressources humaines et Développement social Canada.
Le Canada a adhéré à la Convention supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage, en 1957. Je ne sais pas si vous avez eu le temps de lire un peu l'article, mais cette convention touche quatre types de pratiques similaires à l'esclavage: la servitude pour dettes, le servage et les abus liés au mariage et à l’adoption. La convention en donne une définition très claire. On dit que si quelqu'un ne peut pas changer de statut et qu'il est, par la loi ou par un accord, obligé de résider et de travailler pour une personne spécifique, il s'agit d'une personne de statut servile, ou servile status en anglais. Ce sont des personnes dont la situation est humainement semblable à celle que vivent des esclaves, selon la convention de l'ONU.
Comme vous le verrez dans le rapport que je vais vous laisser à la fin, il y a au Canada environ 60 programmes pour des travailleurs étrangers temporaires. C'est très complexe et très hétérogène.
Je m'intéresse plus particulièrement à cinq de ces soixante programmes. Mes recherches démontrent qu'il y a au Canada environ neuf programmes pour ce qu'on appelle des emplois peu spécialisés. De ces neuf programmes, cinq violent la Convention supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage. Tout le monde connaît très bien trois d'entre eux: le Programme des aides familiaux résidants, ou PAFR, le Programme des travailleurs agricoles saisonniers, ou PTAS, et le troisième, qui est très à la mode, le Projet pilote relatif aux professions exigeant un niveau réduit de formation.
De plus, deux autres programmes violent la Convention supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage. Ce sont deux programmes mis sur pied par Citoyenneté et Immigration Canada pour des travailleurs étrangers en emplois peu spécialisés. On les autorise à travailler sans permis de travail. Il y a deux catégories. La première concerne celles qu'on appelle les aides domestiques qui travaillent pour des non-Canadiens. Cela veut dire que leur employeur est un ressortissant étranger au Canada, mais ces femmes ne sont pas assujetties au Programme des aides familiaux résidants. Par contre, elles ne peuvent pas changer d'employeur: elles sont obligées d'habiter chez l'employeur au Canada. Elles ne sont pas libres de changer de statut. Elles ont aussi un statut servile.
L'autre type de programme est pour tous les travailleurs étrangers temporaires en emplois peu spécialisés qui travaillent pour un employeur étranger. Ce pourrait être, par exemple, une firme en Chine qui les paye. Les travailleurs étrangers dont l'employeur n'est pas canadien peuvent travailler légalement au Canada sans permis. Ceux qui ont un emploi peu spécialisé n'ont pas le droit de changer de statut. Ils sont obligés de travailler pour cet employeur et, potentiellement, par contrat, ils peuvent être obligés de résider chez un employeur.
Tous ces éléments font qu'il est possible qu'il y ait des personnes de statut servile au Canada.
En termes canadiens, cela veut dire que les droits tels que définis à l'article 2 — qui porte sur la liberté d'association — et l'article 7 — qui porte sur le droit à la liberté et la sécurité de la personne — de la Charte canadienne des droits et libertés sont grandement restreints dans le cas de ces personnes au Canada.
En fait, les 25 pages de références sont vraiment intéressantes. Il va falloir aller voir à ce niveau. Ces programmes ont été initiés en 1955. Au début, cela ne touchait que des femmes des Caraïbes. Par la suite, cela a aussi touché des travailleurs agricoles des Caraïbes. Maintenant, cela touche tous les secteurs économiques de tous les pays. L'origine de ce cadre de programme de travailleurs invités remonte à 1955, avant que la Déclaration canadienne des droits et la Charte canadienne des droits et libertés ne soit adoptées. C'est donc un cadre très ancien, et jamais on n'a soumis à une cour la question de savoir si ces restrictions de droits et libertés étaient justifiées dans une société libre et démocratique au sens de l'article 1.
Finalement, j'ai étudié toute cette question. Depuis près de 50 ans, des sociologues, des anthropologues, des spécialistes des sciences politiques et des juristes ont étudié la question et ont relevé des violations systématiques de droits et des abus systématiques, surtout envers les aides domestiques et les travailleurs agricoles. Cela se passe aussi maintenant dans de nouveaux secteurs. Il y a peu de documentation, mais l'Alberta Federation of Labour a réussi à recueillir des données à ce sujet. Le Congrès du travail du Canada a aussi fait du travail, mais cela commence dans les autres secteurs. Il y a des années que les sociologues recensent des cas dans le secteur agricole.
Il faut aller voir les références à la fin. Toutefois, il y manque tous les articles de journaux. Je n'ai pas eu le temps de les insérer, car il y en a énormément. Les abus systématiques sont toujours des cas typiques. Il s'agit, par exemple, de personnes séquestrées sur la ferme pendant 7 mois, qui doivent travailler sept jours par semaine, qui n'ont pas de pause de 15 minutes, qui n'ont pas droit à de l'eau, etc.
Je sais que vous avez entendu beaucoup de présentations sur des cas liés à des aides domestiques. Je ne vais donc pas m'attarder à cela, je vais passer à l'autre type de violation. On fait venir des personnes de pays dits « blancs », par exemple l'Australie, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande, l'Arménie, la République Tchèque, tous les pays européens et ce qu'on appelle le white Commonwealth. On fait venir des travailleurs peu qualifiés qui peuvent travailler comme aides domestiques ou travailleurs agricoles, mais on leur donne des permis ouverts ou semi-ouverts, il y a des distinctions administratives. Par contre, si un travailleur a le malheur de venir d'un des pays défavorisés, on lui accorde un permis très restrictif, un permis qui va le soumettre à un statut servile au Canada.
Il y aussi une violation du droit à l'égalité entre les travailleurs peu qualifiés eux-mêmes, c'est-à-dire le droit à ne pas être soumis à de la discrimination en fonction du pays d'origine. Il peut y avoir des Australiens et des Guatémaltèques dans des secteurs agricoles en Alberta, mais les Guatémaltèques vont avoir un permis les réduisant à un statut servile, tandis que les Australiens auront un permis ouvert, vont pouvoir changer d'employeur et vont aussi pouvoir changer de secteur d'emploi.
Tout cela pour dire qu'il y a discrimination en fonction du pays d'origine. Selon la Charte, c'est illégal. Compte tenu, évidemment, de l'ampleur des violations de droits humains, ce que j'avance est que ce ne sont pas des moyens appropriés ou proportionnés même, peu importe l'objectif politique qui pourrait justifier au départ qu'on traite les Guatémaltèques et les Mexicains d'une façon et qu'on traite les Français, les Australiens et les Roumains d'une autre façon. Il y a donc une forme de racialisation.
L'autre chose, évidemment, c'est un autre type de discrimination toujours en fonction du droit à l'égalité, mais qui touche plus la discrimination en fonction du genre, c'est-à-dire qu'au Canada, on a décidé d'accorder davantage de droits humains aux personnes qui ont... En fait, il s'agit d'une dévalorisation des qualifications féminines dans des secteurs comme les soins aux personnes âgées, les soins aux enfants, le travail domestique, etc. Il y a toute une dévalorisation de ces tâches. Cela fait en sorte qu'on donne moins, qu'on reconnaît moins de droits humains et qu'on protège moins les droits humains de personnes qui se retrouvent dans cette catégorie, qui ont ce genre de qualifications, et on valorise d'autres types de qualifications comme, par exemple, les diplômes d'ingénierie, etc. Ceux qui ont des diplômes d'ingénierie, ceux qui viennent soutenir notre économie dans ce domaine, se feront reconnaître des droits, non seulement des droits humains, comme celui, par exemple, de pouvoir changer d'employeur, etc., mais aussi le droit de faire venir la famille et le droit à l'immigration upon arrival, c'est-à-dire le droit indépendant de demander un statut permanent.
En ce qui concerne d'autres types de travailleurs qui sont aussi, sinon plus, en demande au Canada, par exemple les caregivers et ceux qui prodiguent des soins à domicile, les travailleurs à domicile, on ne reconnaît même pas les droits humains, c'est-à-dire qu'on ne leur permet même pas de changer d'employeur, même s'il y a souvent des cas où l'employeur viole leurs droits tous les jours. Mais ces femmes, évidemment, ne risqueront pas... Ce qui se passe, c'est qu'elles ont la possibilité, techniquement, de quitter un emploi. Par contre, cela veut dire mettre en péril la possibilité de travailler au Canada, avoir un statut permanent au Canada. C'est le genre de choses que ces femmes ne sont pas en mesure de considérer vraiment comme une option.
Dans la reconnaissance des droits à la réunification familiale temporaire, c'est-à-dire de faire venir la famille durant le séjour au Canada, et également en ce qui concerne la reconnaissance des droits de demander un statut permanent, on voit qu'il y a une discrimination en fonction du genre, du sexe, et en fonction aussi de certains pays d'origine. Par exemple, les Guatémaltèques sont surtout des paysans, et la plupart des Guatémaltèques au Canada n'auront jamais de droit à l'immigration permanente. Il y a donc une corrélation entre le type de qualifications et le pays et le type de qualifications et le genre, qui fait en sorte que même si ce sont des travailleurs dont on a besoin de plus en plus au Canada...
Je travaille en démographie. On sait que la population vieillit, qu'il y aura des pénuries dans différents secteurs d'emploi. En agriculture, ce n'est pas compliqué: depuis 1955, les pénuries de main-d'oeuvre vont en s'accroissant. C'est la même chose pour le travail à domicile, étant donné que les femmes travaillent maintenant à l'extérieur. C'est un tout nouveau pas en économie qu'on s'apprête à franchir, sans parler du vieillissement de la population et du fait qu'il y aura dorénavant beaucoup plus de soins à domicile. C'est un secteur qui va commencer à prendre de l'expansion.
Au lieu d'accorder le droit à l'immigration en fonction des besoins de l'économie canadienne, il y a discrimination. On peut donc maintenir ces travailleurs en place durant des années. Je connais le cas de quelqu'un qui travaille depuis 27 ans dans les champs au Canada mais qui n'a aucun droit, aucune reconnaissance en termes d'appartenance au Canada.
C'était pour faire un bref résumé de la question en ce qui concerne la Charte canadienne, et vous dire en quoi ces cinq programmes violent la Charte canadienne, c'est-à-dire la liberté d'association, le droit à la liberté et à la sécurité de la personne et aussi, finalement, le droit à l'égalité, c'est-à-dire à la non-discrimination basée sur le sexe et le pays d'origine.
Ce qui se passe, c'est qu'en plus de la Convention relative à l'esclavage et la Charte canadienne, il y a aussi une convention qui existe, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Cette convention n'est pas la mer à boire. On parle de standards minimaux en termes de protection de droits humains. Le Canada ne l'a pas ratifiée pour un milliard de raisons, plus ou moins. J'ai fait une étude pour l'UNESCO sur les raisons pour lesquelles le Canada n'a pas ratifié cette convention. C'est dans les références, vous pouvez la consulter.
On m'a dit que cela fait environ 40 ans que des gens reviennent dans le cadre de ce programme. Bien sûr, ils viennent, ils travaillent et puis ils s'en vont.
Je suis vraiment content que vous soyez venue et que vous présentiez la question sous cet angle. J'ai toujours eu certains doutes au sujet de Programme concernant les travailleurs étrangers temporaires, car il y a quelque chose qui cloche dans le fait que nous avons ici des personnes qui n'ont pas les droits dont nous sommes censés jouir en vertu de la Charte.
Je suis d'accord avec vous; le Programme concernant les travailleurs étrangers temporaires m'inspire de sérieuses questions en ce qui concerne le respect de la Charte. Cela me rappelle l'époque où nous avons fait venir les Chinois pour construire le chemin de fer; et puis, une fois celui-ci construit, nous étions prêts à mettre à la porte ceux dont nous n'avions plus besoin.
Barbara Roberts a écrit un beau livre intitulé Whence they Came: Deportation from Canada, 1900-1935. Ce titre signifie que vous étiez renvoyé dans le pays dont vous étiez venu. Le livre documente les abus qui... Je regrette de ne pas l'avoir acheté; lorsque je l'ai parcouru pendant la fin de semaine, j'ai vu qu'il évoquait le cas des domestiques. Si les femmes qui avaient été violées se plaignaient, elles étaient accusées d'être des femmes de moeurs légères et étaient déportées.
L'état d'esprit qui règne dans ce ministère m'a toujours préoccupé. À l'époque, il fonctionnait dans l'ombre, et à bien des égards il continue à le faire aujourd'hui, à l'abri de la supervision du Parlement, et certainement, autant que possible, des tribunaux. Ce ministère a toujours répugné à rendre des comptes aux tribunaux, et chaque fois qu'il veut faire quelque chose, il essaie de retourner au « bon vieux temps ». Je vois ce genre de combat tout le temps.
Voilà ce que votre présentation m'a clairement rappelé, et je recommande à tous ceux qui sont assis autour de cette table de lire Whence they Came, de Barbara Roberts. C'est vraiment un livre remarquable. Que ce genre de choses se produise ne cesse jamais de m'étonner.
Ma seconde question est la suivante: quel genre de société édifions-nous lorsque nous comptons de plus en plus sur des travailleurs étrangers temporaires? Cela me fait songer aux problèmes que cause le programme des travailleurs invités en Allemagne. Je songe aussi au fait que dans notre système d'immigration actuel, 95 p. 100 des personnes qui sont arrivées ici comme immigrants ne seraient plus acceptées aujourd'hui. J'inclus là-dedans des personnes telles que Frank Stronach, de Magna International; Frank Hasenfratz, le chef de la Linamar Corporation, et aussi Mike Lazaridis, qui a inventé le BlackBerry et emploie 6 000 personnes. Cela me frappe et m'amène à me demander quel genre de pays nous sommes en train d'édifier.
Avez-vous des remarques à faire à ce sujet?
:
Je vais poursuivre dans la même veine que mon collègue, étant donné que la question que je voulais poser concernait d'abord le permis ouvert et le permis fermé.
Madame Depatie-Pelletier, je dois vous avouer que j'ai trouvé votre présentation fort intéressante, car j'y ai entendu un point de vue que je n'ai jamais entendu auparavant. Or, je m'intéresse à l'immigration depuis longtemps.
Serait-il possible — si vous ne pouvez le faire immédiatement, peut-être pourrez-vous le faire à un autre moment — de nous faire savoir combien de personnes, au cours de la dernière année ou des cinq dernières années, ont obtenu ce que vous appelez des permis ouverts, par rapport à ceux qui ont obtenu des permis fermés, et dans quelles catégories d'emplois?
Je trouve cela extrêmement intéressant. Au Canada, on s'est toujours targué, depuis au moins les 40 dernières années, d'avoir une politique d'immigration qui, soi-disant, ne tenait pas compte du pays d'origine, de la religion, etc., alors qu'on sait très bien que ce n'est pas tout à fait le cas.
L'exemple que vous nous donnez montre justement que ce n'est pas tout à fait le cas, et j'aimerais pouvoir approfondir cet élément.
Par ailleurs, en ce qui a trait aux travailleurs temporaires, je suis heureuse que mon collègue Andrew Telegdi ait donné ce chiffre. On essaie de dire à la population que le gouvernement considère les chiffres d'immigration comme un chiffre global. D'accord, on peut très bien le faire, mais il est important de voir, dans ce chiffre global, combien d'individus ont le droit de rester au Canada, donc qui sont véritablement des immigrants, et combien sont ici pour un temps limité, soit parce qu'ils n'ont pas encore été acceptés comme réfugiés, soit parce que ce sont différents types de travailleurs temporaires. Il faut vraiment faire la différence.
La politique canadienne qui veut aller chercher rapidement des travailleurs qualifiés de façon très spécifique ne serait pas mauvaise si elle était accompagnée d'un certain nombre de gestes.
Premièrement, quand ces gens arrivent au Canada, y a-t-il véritablement un emploi pour eux et ont-ils droit d'accéder à cet emploi? Souvent, il y a des emplois, mais la compagnie Machin Chouette ne leur permet pas de les obtenir. Le lien avec ce qui se passe une fois qu'ils ont traversé l'Atlantique ou le Pacifique est important.
Deuxièmement, il semble que cette politique en soit une qui regarde l'avenir démographique et économique du Canada avec des lunettes qui ne montrent que le court terme. Je crois que la meilleure politique d'immigration que la Canada ait eue était celle où on faisait entrer les gens avec leur famille en peu de temps. Je pense aux anciennes vagues d'immigration qui sont venues d'Italie, de Grèce, etc., dans les années 1950 et 1960. Ces gens, parce qu'ils étaient déjà avec leur famille, ont pu s'installer immédiatement, et les enfants sont allés à l'école. Tout cela a fait de ces gens des Canadiens.
Troisièmement, je sais que ce n'est pas très populaire de dire cela, mais l'année dernière, j'ai organisé à Ottawa une soirée pour commémorer le 50e anniversaire des premières arrivées de domestiques des Caraïbes, c'est-à-dire de La Barbade et de la Jamaïque. On peut dire bien du mal de ce programme, mais on peut en dire beaucoup de bien aussi. Ce programme a aidé à montrer aux Canadiens que la présence de gens de couleur au Canada n'était peut-être pas une mauvaise chose, que ces gens étaient comme tout le monde, que ces femmes avaient le droit d'installer et de faire venir leur famille, et ainsi de suite.
Cela a donc ouvert les portes de l'immigration à ce qu'on appelle maintenant des gens de couleur. Il y a des éléments positifs dans ce genre de programme.
J'aimerais entendre vos commentaires.
:
Merci, monsieur le président.
La Charte des droits et libertés de la personne du Québec, loi fondamentale adoptée par l'Assemblée nationale en 1975 et que notre commission est chargée de mettre en oeuvre, reconnaît et garantit les mêmes droits à toutes les personnes résidant au Québec, peu importe leur sexe, leur couleur, leur origine ethnique ou nationale ou la durée de leur présence en sol québécois.
Au cours des récentes années, à la suite de demandes d'enquête, de consultation et d'activités d'éducation au droit, la commission a été amenée à se préoccuper de la situation de deux groupes de travailleuses et travailleurs étrangers temporaires: les travailleurs issus du Programme des travailleurs agricoles saisonniers et les travailleuses qui viennent au Québec en vertu du Programme des aides familiaux résidants.
Concernant les travailleurs agricoles saisonniers, le Québec connaît une pénurie de main-d'oeuvre agricole non spécialisée depuis de nombreuses années. Nous avons accueilli 4 237 travailleurs agricoles en 2006 et plus de 5 300 au cours de la saison de 2007. Cette demande est en constante croissance. La pénurie de main-d'oeuvre non spécialisée dans le secteur agricole québécois ne semble donc pas en voie de se résorber.
En tant que travailleurs migrants temporaires de catégorie D non spécialisés, les travailleurs agricoles saisonniers séjournent au Québec pour une période d'au plus huit mois par année. Ils ne connaissent pas, ou très peu, l'une ou l'autre des langues officielles du pays. Leur connaissance de notre société, des recours et services qu'elle offre est limitée. Ils travaillent en région, loin des grands centres. Ils se trouvent dépendants de l'employeur ou de leur consulat dans l'exercice de leurs recours. Malgré tous les efforts déployés pour informer et soutenir ces travailleurs, ils constituent un groupe vulnérable en regard de l'exercice des droits, notamment ceux protégés par la Charte des droits et libertés de la personne. C'est pourquoi nous formulons les réflexions et propositions suivantes.
Premier point: l'exercice du droit d'association. Je réfère à l'article 3 de la Charte. Lors de l'évaluation de l'offre d'emploi, l'un des critères vérifiés par le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles du Québec et Service Canada consiste à s'assurer que, et je cite: « le recours à un travail étranger n'est pas susceptible de nuire au règlement d'un conflit de travail ».
En vertu de l'article 3 de la Charte des droits et libertés de la personne, toute personne jouit de la liberté d'association. Depuis peu, on observe des demandes de syndicalisation fortement contestées par les employeurs, principalement de groupes de travailleurs provenant du Mexique. La commission veut sensibiliser le comité relativement à la tentation, pour les employeurs, de recourir à une main-d'oeuvre provenant de pays autres que le Mexique, et ce afin de contourner le mouvement de syndicalisation principalement associé à ces travailleurs agricoles saisonniers. Pareille procédure, sous l'apparence d'une règle neutre, pourrait entraîner un effet d'exclusion discriminatoire basée sur l'origine ethnique ou nationale de ces travailleurs et porter atteinte au droit à l'égalité protégé par la charte québécoise. Tolérer une telle attitude de la part des employeurs québécois et canadiens contreviendrait également aux dispositions des outils internationaux, dont la Convention sur les droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles.
Deuxième point: constituer une instance arbitrale indépendante. Lorsque survient un désaccord entre un travailleur agricole saisonnier et son employeur, l'issue du conflit peut entraîner, pour le travailleur migrant temporaire, un rapatriement rapide dans son pays d'origine. Malgré les efforts importants consentis par les consulats et Développement social et Ressources humaines Canada afin de garantir les droits des travailleurs et des employeurs en cas de différend, cette situation installe un rapport de pouvoir employeur-employé qu'on ne retrouve généralement pas chez les autres travailleurs québécois. Afin d'assurer une protection égale des droits des travailleurs agricoles saisonniers, la commission propose la mise en place d'une structure d'appel indépendante ayant des pouvoirs d'arbitrage habilitée à rendre des décisions lors de litiges opposant le travailleur agricole saisonnier et son employeur.
Troisième point: instaurer un mécanisme de représentation des travailleurs. Dans le cadre du Programme des travailleurs agricoles saisonniers, des rencontres annuelles permettent de déterminer les conditions de travail qui prévaudront lors de l'année qui suit, comme le taux horaire, etc. Elles réunissent les divers acteurs décisionnels comme Citoyenneté et Immigration Canada, Développement social et Ressources humaines Canada, des représentants d'employeurs et des représentants des pays exportateurs de main-d'oeuvre.
Dans le but d'assurer une protection égale des droits des travailleurs agricoles saisonniers, la commission suggère d'instaurer un mécanisme de consultation des travailleurs et de leur accorder un droit à une représentation lors de ces rencontres annuelles.
Le programme sous compétence fédérale comporte des dispositions qui se prolongent dans le contrat de travail qui lie l'employeur québécois et le travailleur agricole saisonnier. Ce contrat de travail relève de la compétence du Québec. Certaines clauses citées au contrat préoccupent la commission sous l'angle du respect et de l'exercice des droits et libertés. Je parle bien sûr de l'obligation de résidence.
Le contrat stipule l'obligation du travailleur de travailler et d'habiter au lieu de travail ou à tout autre endroit fixé par l'employeur et approuvé par le représentant du gouvernement. Cette obligation, dans le cadre de l'entente Mexique et Antilles, s'applique également dans le cadre de l'entente relative aux travailleurs provenant du Guatemala.
Le fait de vivre sur la propriété de l'employeur place le travailleur dans une situation où, en dehors des heures de travail, l'exercice de son droit à la vie privée prévu à l'article 5 de la charte québécoise risque d'être subordonné au droit du propriétaire-employeur de limiter l'accès à sa propriété privée et à ses terres. Dans de telles circonstances, la libre circulation du travailleur ou de ses visiteurs pourrait être compromise. Cette limitation pourrait constituer une entrave à l'exercice de sa liberté d'association et de sa liberté d'opinion, qui sont également protégées par la charte.
Cette liberté d'association inclut l'adhésion à une organisation syndicale et à toute association militante pour tous. L'obligation de résidence ne s'applique pas aux travailleurs québécois non migrants. En ce sens, cette obligation peut porter atteinte à l'exercice du droit des travailleurs étrangers temporaires à l'égalité, droit protégé à l'article 10 de la charte québécoise, en raison de leur origine ethnique ou nationale.
Dans le cas du Mexique et des Antilles, le contrat prévoit l'obligation de l'employeur de fournir gratuitement aux travailleurs un logement convenable. Cette disposition se traduit par la nécessité pour l'employeur de procéder à la vérification ponctuelle de la qualité et de la sécurité des lieux d'hébergement. Là aussi, la commission porte à l'attention du comité l'importance du respect du droit à la vie privée des travailleurs, mais aussi le caractère inviolable de la demeure tel que protégé aux articles 5 et 7 de la charte québécoise. Ce rôle d'employeur-propriétaire place donc l'entreprise agricole dans une situation extrêmement délicate en regard du respect des droits des travailleurs hébergés.
Je parlerai maintenant de la consignation des papiers d'identité de travailleurs. En février 2006, nous donnions suite à une demande d'intervention de la Coalition d'appui aux travailleurs et travailleuses agricoles relativement à la rétention des papiers d'identité de travailleurs par leur employeur.
Dans le but d'assurer aux travailleurs agricoles saisonniers le respect de leur droit d'être secourus et de leur droit à la vie privée et à la libre disposition de leurs biens, la commission a entrepris une démarche de conciliation communautaire auprès de tous les acteurs concernés par ce problème. Au terme de cette consultation, la commission recommandait aux employeurs de ne pas consigner les papiers des travailleurs et de prendre des mesures pour que les travailleurs puissent conserver leurs papiers en toute sécurité.
À cet égard, la commission recommande d'inclure une telle disposition au contrat qui lie l'employeur et l'employé.
:
Merci. Bonjour, mesdames et messieurs.
Comme vous le savez, le recours à des immigrants à titre de travailleurs temporaires a connu un certain essor au cours des dernières années au Québec. En 2006, par exemple, 19 257 permis temporaires de travail ont été accordés à des immigrants, et 5 229 prolongements de séjour à des fins de travail ont été accordés à des ressortissants étrangers. Rappelons que cette année-là, le Québec a accueilli 44 686 immigrants permanents. Vous avez d'un côté près de 45 000 immigrants permanents, et de l'autre, à peu près 25 000 personnes qui reçoivent un permis temporaire. J'espère que mes chiffres seront corroborés par votre expert. Ces chiffres sont évidemment ceux du Québec. Je ne parlerai que du Québec, aujourd'hui.
Cette situation n'est évidemment pas étrangère à l'embellie qu'a connu le marché du travail québécois. Dans plusieurs régions, nous vivons, depuis deux ou trois ans, une situation proche du plein emploi, et nous avons commencé à ressentir des pénuries de main-d'oeuvre à divers niveaux de qualification. J'insiste là-dessus: il y a des problèmes de recrutement, de disponibilité de main-d'oeuvre à divers niveaux de qualification, et pas seulement chez les travailleurs hautement qualifiés. Ce phénomène ne peut que s'amplifier dans un avenir prévisible. À compter de 2011-2012, davantage de personnes quitteront le marché du travail, principalement pour prendre leur retraite, que de nouvelles personnes intégreront le monde de la main-d'oeuvre active. Et 2011-2012, c'est presque après-demain. Le recours à l'immigration devient donc incontournable, malgré les gains de productivité que nous devrons réaliser par ailleurs.
Au cours des dernières années, le gouvernement fédéral a assoupli les règles d'entrée des travailleurs temporaires. Il a notamment porté de 12 à 24 mois la période de séjour de ces travailleurs étrangers. La Fédération des chambres de commerce du Québec salue cette ouverture. On sait tous que le processus de recrutement des travailleurs temporaires est beaucoup plus simple et plus rapide que la procédure de sélection des immigrants, l'engagement du pays à l'égard des candidats, et vice versa, n'étant évidemment pas la même dans les deux situations.
Jusqu'ici, la plupart des travailleurs temporaires accueillis au Québec sont des travailleurs qualifiés venant combler des postes requérant des compétences spécifiques difficiles à trouver au Québec et au Canada. Il y a deux exceptions, bien sûr: les travailleurs agricoles et les aides domestiques. Ces travailleurs qualifiés qui sont recherchés, lorsqu'ils viennent sur une base temporaire, permettent en outre à certaines entreprises de répondre à des périodes non récurrentes de travail intensif pour lesquelles il serait difficile d'embaucher du personnel permanent.
Les syndicats ont exercé une grande vigilance à l'égard des programmes d'accueil des travailleurs immigrants, craignant que l'entrée d'un grand nombre de travailleurs n'ait pour effet de réduire les salaires et les conditions de travail. Dans le contexte actuel, on reconnaît d'emblée que les entreprises doivent en effet rendre le travail attrayant pour les gens d'ici, notamment sur le plan des salaires et des conditions de travail. Il n'en demeure pas moins que certains emplois non spécialisés trouvent de moins en moins preneurs chez les Québécois. On parle beaucoup, depuis un bout de temps, du cas des travailleurs agricoles saisonniers, qui illustre bien cette situation parce que celle-ci est vécue depuis plusieurs années.
Théoriquement, au moment des récoltes, il y a suffisamment d'étudiants, de chômeurs, de prestataires d'aide sociale aptes au travail et d'autres personnes non occupées. Il y a donc suffisamment de monde disponible pour faire les récoltes. Mais dans la vraie vie, ce n'est pas ainsi que ça se passe. Cette adéquation est toute théorique. Dans les faits, si on ne faisait pas venir près de 5 000 Mexicains et autres Sud-Américains chaque printemps et chaque été, les récoltes pourriraient dans les champs. L'année dernière, ils étaient plus que 5 000. Il faut donc faire la différence entre l'adéquation théorique et la possibilité réelle de recruter des travailleurs, même dans des conditions raisonnables de marché.
La question va bientôt se poser à l'égard d'emplois non spécialisés que les Québécois répugnent manifestement à occuper. On peut penser aux emplois manuels dans les abattoirs, les restaurants, les hôtels, les entrepôts et le transport. La réponse à ces besoins va venir inévitablement, en partie du moins, de l'immigration. Nous reconnaissons d'emblée que les travailleurs temporaires sont plus vulnérables, du fait que leur congédiement signifie généralement leur rapatriement immédiat dans leur pays d'origine. Comme société, et comme membres du gouvernement, nous avons donc la responsabilité de mettre en place des conditions qui permettent de respecter les droits fondamentaux de ces travailleurs et de leur offrir des conditions de travail et d'accueil qui respectent leur dignité et leur sécurité.
Cette prémisse étant posée, le Québec, comme de nombreuses autres sociétés développées, peut faire appel en toute quiétude d'esprit à la méthode étrangère, sur une base temporaire ou permanente, pour occuper des emplois qui sont très difficiles à combler chez nous pour toutes sortes de raisons.
Les entreprises que nous représentons jugent de la plus haute importance la possibilité de recourir, de faire appel aux travailleurs étrangers qualifiés et non qualifiés afin de pouvoir poursuivre leur développement et la création de richesse et d'emplois au Québec.
Je vous remercie.
:
Permettez-moi de vous arrêter tout de suite, monsieur Boudreau. Quarante mille réfugiés hongrois se sont retrouvés en Autriche. En moins de six mois, 90 p. 100 étaient au Canada. Ce n'est donc pas impossible.
Notre système bureaucratique ne répond pas aux besoins du marché. En 2002, on a apporté un changement au système de points et cela a été un désastre total. Je suis absolument d'accord avec vous. Nous avons besoin de mécaniciens, nous avons besoin de maçons, nous avons besoin de charpentiers, nous avons besoin de travailleurs des divers corps de métier, et nous avons besoin de travailler de concert avec nos syndicats, au lieu de faire venir des travailleurs étrangers temporaires et de créer ainsi un environnement très hostile.
Je dirais simplement ceci à votre groupe: exigez du gouvernement qu'il s'intéresse à l'immigration. Au cours de ces deux dernières années — en l'espace de moins d'un an — le gouvernement a nommé deux ministres qui, ni l'un ni l'autre ne connaissait quoi que ce soit à la citoyenneté et à l'immigration. Je serais ravi de dire que les ministres libéraux qui les ont précédés étaient beaucoup plus compétents, mais malheureusement, ce n'était pas non plus le cas.
Jusqu'à ce que nous ayons la volonté politique nécessaire et que nous nous refusions à devenir un pays où règne la servitude, où nous avons des travailleurs étrangers temporaires... Voyez ce qui s'est passé en Allemagne, avec son programme de travailleurs invités. Cela peut créer toutes sortes de problèmes. Faire venir des hommes seuls ici en masse, avec des familles dont ils se retrouvent très éloignés, crée une situation désastreuse pour le travail.
Oui, je suis d'accord avec vous, il est totalement inexcusable que cela prenne tant de temps pour faire venir les gens ici. Mais je ne crois pas que la solution consiste à faire venir des travailleurs étrangers temporaires qui peuvent être exploités. Et je reconnais, que s'ils n'ont pas bénéficié des dispositions de la Charte, c'est parce qu'il est pratiquement impossible pour un travailleur étranger temporaire d'arriver jusqu'à la Cour suprême du Canada. Il est déjà bien difficile de le faire pour les groupes qui sont d'ici.
Je crois, monsieur Boudreau, qu'il serait bon que vous exerciez des pressions sur le gouvernement et que vous lui disiez de ne pas nous engager dans cette voie. Je peux vous assurer que les bureaucrates essaient de le faire depuis mon arrivée au Parlement, et cela remonte à bien des années. Ils ont essayé de mettre en place un système qui est exactement comme celui-ci, dans lequel on exploite les gens et on s'en débarrasse ensuite.
En réalité, nous avons besoin que des gens viennent nous aider à construire ce pays, et il y a des situations très légitimes pour les personnes peu qualifiées. M. Mike Lazaridis, l'inventeur du BlackBerry que je tiens, ne serait jamais accepté aujourd'hui. Il emploie actuellement 6 000 Canadiens. Et je vous parie que l'an prochain, il en emploiera 10 000, et qu'il y en aura de plus en plus. Frank Stronach ne pourrait jamais entrer dans notre pays aujourd'hui; Frank Hasenfratz, de Linamar, ne le pourrait pas non plus.
Notre problème est que nous avons un système dysfonctionnel, mais bon sang, nous pouvons exiger des politiciens qu'ils l'arrangent, et nous pouvons le faire aussi du gouvernement au pouvoir, quel qu'il soit, car cette exploitation des travailleurs étrangers temporaires ne nous aide pas à bâtir le Canada.
:
Merci. L'accent est évident, je vous l'accorde. On fait de son mieux.
[Traduction]
Bien évidemment, il ne faut jamais confondre la CSIP avec la SCCI, qui est la Société canadienne de consultants en immigration, comprenant environ 1 000 membres qui nous ont fait part de leur désir de se joindre à nous et de quitter la SCCI.
La CSIP est présidée par Mme Nancy Salloum; son association regroupe 9 170 membres accrédités et satisfaits qui se trouvent dans le monde entier, dont le désir est d'exercer les tâches d'immigration avec honneur, compétence, expérience et honnêteté.
L'organe de réglementation unifié que nous formons a pour philosophie de représenter les intérêts des pratiquants au Canada et à l'étranger. Nous voulons donc nous autoréglementer et être reconnus par les autorités fédérales comme représentants rémunérés.
Mme Salloum m'a demandé de la représenter en tant que directrice générale et que membre de son association depuis le 1er mars de cette année. Si vous me le permettez, je voudrais vous présenter maintenant un très bref aperçu de mon expérience professionnelle.
[Français]
J'ai commencé à travailler à titre d'agent d'information principal pour deux sociétés fédérales, c'est-à-dire Transports Canada suivi de Statistique Canada. Ce furent des postes temporaires, et lorsque mon mandat fut terminé, je fus embauchée à temps plein, de 1982 à 1987, par Consommation et Corporations Canada. On m'accordait le titre de directrice des communications au Québec. Ce poste voulait réunir les éléments principaux liés aux communications, comme les relations avec la presse, la publicité, les ventes, etc. En même temps que je chapeautais le service de communications à Montréal, je fus affectée à Ottawa pour occuper les mêmes fonctions durant trois ans.
Par la suite, de 1987 à 1999, je fus embauchée par Citoyenneté et Immigration Canada, qui est un organisme fédéral, à titre d'agent chargé de présenter les cas, et je présentais les causes de l'immigration à la cour. Par la suite, on m'a donné une promotion sous le titre de représentante du ministre du moment. À cet effet, je devais me présenter aux diverses cours de l'immigration pour défendre les intérêts ministériels et ceux du ministre du jour. Depuis 1999, je m'occupe de mon bureau de pratique privée où je conseille les clients et je produis les meilleurs programmes pour répondre à leurs besoins, toujours en immigration.
Je vais continuer en anglais, si vous me le permettez.
[Traduction]
Je suis cependant ici aujourd'hui pour prouver que la SCCI a porté préjudice à certaines personnes qui, en 2004, souhaitaient vivement devenir membres de cette société comme consultants d'expérience, bien disposés à travailler. Je suis une de ses victimes, et je ne suis pas parvenue à découvrir pourquoi la société avait dressé un tel mur de résistance contre moi.
Pour poursuivre dans cette veine, je voudrais vous donner comme preuve deux exemples du traitement « moins qu'acceptable » auquel la SCCI m'a soumise dans le passé.
J'ai passé le test de connaissances à six reprises — le 27 mars 2006; le 26 juin 2006; le 30 octobre 2006; le 17 décembre 2006; le 25 mars 2007; le 30 septembre 2007 — cela m'a coûté chaque fois 553 $, payable d'avance. J'ai échoué chaque fois au test écrit. Lorsque j'ai demandé qu'on me communique les résultats expliquant mes échecs, je n'ai jamais rien pu obtenir.
Il m'est manifestement difficile de comprendre, si ma connaissance des règlements en matière d'immigration n'était pas suffisante, pourquoi le gouvernement ou Immigration Canada ont continué à m'employer pendant si longtemps. Mes connaissances sont d'ailleurs indiscutablement supérieures à celles d'autres personnes du secteur privé n'ayant qu'un ou deux ans d'expérience des questions d'immigration, étant donné que j'ai moi-même 12 ans d'expérience dans ce domaine.
J'ai appelé mon deuxième exemple le « Non-respect de la confidentialité ».
Le 30 novembre 2004, Me Andrea Snizynsky, de Montréal, a déposé une plainte contre moi auprès de la SCCI en arguant que seuls les avocats pouvaient déposer une demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale. Trois années plus tard, la SCCI m'a exonérée pour manque de preuve.
Par la suite, un incident très bizarre s'est produit pendant que je me trouvais dans mon bureau. J'ai remis les documents probants à ma secrétaire. Le 17 avril 2007, j'ai reçu une télécopie anonyme contenant des lettres signées et des éléments de mon dossier personnel de demandes de prestation. Après avoir fait des recherches, je n'ai pas pu trouver l'origine du numéro de télécopieur, qui était 514-344-8134.
J'ai immédiatement informé Me Setton-Lemar au département des plaintes et de la discipline de la SCCI. Elle a reconnu que la divulgation de renseignements confidentiels par la SCCI était évidente et qu'elle chargerait un enquêteur d'étudier la question. Puis-je faire observer que je n'ai plus jamais eu de ses nouvelles à ce sujet, et que personne n'a jamais pris contact avec moi.
Cet incident est grave. Qui, au sein de l'association, avait accès à mon dossier personnel? Pourquoi les dossiers de demandes de prestation n'étaient-ils pas conservés en lieu sûr? Quelles étaient les intentions de la personne qui m'avait envoyé une télécopie de mon dossier, en veillant à ce que son identité demeure secrète?
Peut-être cette personne avait-elle l'intention d'envoyer ces documents aux médias pour compromettre définitivement ma réputation. L'enquête de la SCCI était-elle nette, et avait-on échangé des informations sans que je le sache? On n'a jamais répondu à mes craintes à ce sujet.
Il faut se souvenir de deux choses: l'absence de sécurité en ce qui concerne la protection des dossiers privés des membres, et l'absence du moindre effort de la part de la SCCI pour trouver qui m'avait envoyé les documents et pourquoi.
:
Permettez-moi tout d'abord officiellement de vous remercier vivement, monsieur le président et vous, messieurs et mesdames les députés, de m'offrir la possibilité de vous présenter mes vues sur l'industrie de l'immigration, qui est la seule profession que je pratique et que je sais exercer au Canada.
Je me présente brièvement. Je m'appelle Prashant Ajmera. Je suis originaire de l'Inde et avocat de profession. En Inde, j'ai pratiqué pendant six ans, dans une haute cour provinciale au sein du bureau du procureur du gouvernement fédéral, avant d'immigrer au Canada. Je suis associé à un cabinet juridique spécialisé en immigration à Montréal depuis 1993 et je pratique à titre de consultant en immigration depuis 1995.
Avant de venir au Canada, j'ai vécu et étudié à Londres où j'ai obtenu mon troisième diplôme, dans le domaine de la gestion intégrée. J'ai présenté une demande d'immigration au Canada dans le cadre du programme du Québec et je suis arrivé là avec ma famille — ma femme et une fille — en 1993.
Je voudrais aussi parler en général du système d'accréditation canadien et de l'accréditation de la SCCI. Comme nous le savons tous, la Constitution canadienne attribue aux gouvernements provinciaux le pouvoir de réglementer toutes les professions, sauf celle des consultants en immigration. Avec le temps toutefois, les gouvernements provinciaux ont donné ce pouvoir aux membres de chaque profession, qui ont alors formé des organismes d'accréditation se réglementant eux-mêmes. Plus de 45 professions sont ainsi réglementées dans chacune des provinces du Canada.
Ces organismes sont régis et gérés par des personnes qui pratiquent la même profession. Il n'est que naturel que ces professionnels aient cherché et cherchent encore à protéger leurs pratiques et leurs intérêts en limitant le nombre des nouveaux membres de leur profession. Bien sûr, ces organismes autoréglementés ne peuvent pas empêcher des personnes éduquées au Canada de s'engager dans leur profession, mais tous les organismes d'accréditation professionnelle au Canada ont réussi à faire en sorte qu'il est difficile, ou dans bien des cas impossible pour des professionnels formés à l'étranger d'obtenir l'autorisation de pratiquer leur profession au Canada.
Ces organismes ont atteint leur objectif en fixant des normes inaccessibles et irréalistes au nom de la protection du consommateur et des normes canadiennes.
La Société canadienne de consultants en immigration est un exemple classique de ce système d'accréditation défectueux au Canada. Elle est gérée par des personnes qui ont un intérêt acquis dans l'industrie de l'immigration et qui assujettissent à des normes exagérément élevées l'obtention d'une autorisation de pratiquer le droit de l'immigration, toujours au nom de la protection du consommateur, ce qui a entraîné l'élimination de plus de 800 consultants de la société. Beaucoup de ceux-ci continuent à pratiquer sans être membres de la SCCI ou en retenant les services d'une personne qui en est membre ou d'un avocat.
En ce qui concerne mon expérience de la SCCI, au lieu de réglementer et de discipliner les consultants en immigration au sujet desquels elle avait reçu des plaintes, la Société canadienne de consultants en immigration a commencé à pratiquer l'intimidation contre certains consultants qui avaient quitté la société et avaient protesté contre elle et contre son fonctionnement. Cette campagne a été très bien orchestrée par l'ancien enquêteur de la SCCI qui est aujourd'hui membre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, et qui a comparu devant ce comité le 12 mars 2008.
J'ai moi-même été victime de l'arbitraire de la SCCI. Vous pourrez découvrir l'expérience que j'ai vécue dans le mémoire détaillé que j'ai soumis.
En ce qui concerne la réglementation des consultants en immigration au Canada, une des recommandations d'ordre général que je voudrais faire est qu'il devrait y avoir plusieurs catégories de consultant, car la plupart ne fournissent pas de services dans tous les domaines du droit de l'immigration et ne peuvent pas le faire. Ces catégories pourraient être les suivantes: les consultants qui souhaitent pratiquer seulement le droit intéressant les réfugiés et les personnes détenues et comparaître devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié; les consultants désireux de traiter les dossiers de caractère économique, les dossiers de résidents temporaires et de parrainage de membres de la famille; les consultants qui veulent pratiquer dans tous les domaines du droit de l'immigration.
Le Barreau du Haut-Canada en Ontario, fait une telle distinction lorsqu'il accrédite des avocats qui se spécialisent dans différents domaines du droit de l'immigration. Pour cerner le problème qui existe dans l'industrie de l'immigration et déterminer comment le résoudre, il faut examiner chacune des catégories de visas de résident temporaire et de résident permanent afin de comprendre dans quel domaine le client peut être le plus vulnérable et le plus susceptible d'être exploité par un consultant en immigration ou un avocat.
Le premier est celui des visas de visiteur. Les seuls consultants pouvant être réglementés dans cette catégorie sont ceux qui détiennent un permis canadien de consultants en immigration.
Le second est celui du visa d'étudiant: en raison des difficultés inhérentes à l'obtention d'un permis de consultant en immigration et des longs délais de traitement des demandes d'immigration, de nombreux consultants qui exercent hors du Canada participent maintenant au recrutement d'étudiants étrangers en devenant un agent d'un établissement d'enseignement canadien. La LIPR exempte expressément cette classe de consultant de la réglementation de la SCCI et de tout autre organisme d'accréditation semblable. On devrait demander aux établissements d'enseignement canadiens de ne retenir que les services de consultants accrédités.
Le troisième domaine est celui des permis de travail et des offres d'emploi dans le cas des candidats à l'immigration permanente et des travailleurs qualifiés du Programme des candidats de provinces autres que le Québec. Ce domaine doit être très étroitement réglementé dans le but d'accélérer le processus d'immigration qui est très long. Les consultants en immigration et les avocats s'occupent de trouver des offres d'emploi pour les travailleurs temporaires et les candidats à l'immigration permanente. Immigrer dans un nouveau pays muni d'une offre d'emploi procure un sentiment de sécurité au demandeur tout en aidant à accélérer le processus. En conséquence, c'est dans cette catégorie qu'est commis le plus grand nombre de fraudes par des avocats ou des consultants en immigration, qui se chargent d'obtenir des offres d'emploi d'employeurs canadiens et réclament des honoraires élevés aux candidats à l'immigration permanente.
D'autre part, la dernière politique adoptée par Citoyenneté et Immigration Canada afin d'accélérer les demandes d'immigration permanente des candidats d'offre d'emploi confirmée n'arrange les choses. Les demandeurs sont prêts à payer n'importe quel prix aux consultants qui peuvent leur obtenir une offre d'emploi d'un employeur canadien approuvé par RHDSC.
Le Programme des candidats de toutes les provinces à l'exception du Québec comporte une exigence semblable d'offre d'emploi confirmée, et des problèmes existent également dans ces cas.
Une quatrième catégorie est celle des réfugiés, des personnes détenues et des affaires déférées à la CISR. C'est là un autre domaine dans les pratiques d'immigration où de nombreuses fraudes sont commises par les consultants et les avocats. L'étranger qui revendique le statut de réfugié est le plus vulnérable en l'occurrence pour la bonne raison que sa situation économique, politique ou sociale dans son pays d'origine n'est pas favorable. Il peut s'être fait aider par un agent ou un individu quelconque afin de parvenir au Canada, avec peu ou point d'argent et posséder des compétences minimales en anglais ou en français ou une compréhension limitée de l'une ou l'autre langue. Les personnes qui sont dans cette situation ont peu d'espoir, et quiconque leur en donne la moindre lueur est le bienvenu. Elles deviennent donc des cibles faciles pour les consultants et les avocats cupides.
La plupart des fraudes en matière d'immigration sont commises au Canada même, et si l'on prenait des mesures appropriées pour les combattre, on résoudrait un problème majeur de l'industrie de l'immigration, au moins en territoire canadien.
Ma dernière remarque concerne les travailleurs qualifiés et les gens d'affaires. Les demandeurs résident hors du Canada et ils peuvent être représentés par des consultants ou des avocats du Canada ainsi que par des consultants de l'extérieur du Canada. Un tout petit problème se pose cependant en ce qui concerne cette classe d'immigrants, et aucune mesure spéciale n'est justifiée, à mon avis. Il importe toutefois que les consultants qui opèrent tant au Canada qu'à l'extérieur soient réglementés par un système d'accréditation juste, transparent et raisonnable, utilisé par le gouvernement fédéral.
Merci beaucoup.
Le travail de consultant en immigration est ma passion. Comme j'ai une formation juridique — je ne peux pas obtenir de permis d'exercice comme avocat, ce qui est une autre réalité — c'est le plus près que je peux être de la profession juridique.
Le 7 mars, le ministère de l'Immigration de la Nouvelle-Zélande a adopté un système d'accréditation pour les consultants. C'est une administration fédérale; ce n'est pas pour les consultants. Prenons l'exemple d'un fermier qui a 1 000 vaches, s'il veut pouvoir bien s'en occuper, il faut les mettre toutes ensemble et non en laisser quelques-unes à l'écart.
Actuellement, il y a des systèmes d'accréditation pour toutes les professions au Canada. Si vous essayez d'exclure les gens parce qu'il leur manque telle ou telle chose, parce qu'ils n'ont pas les compétences linguistiques nécessaires, vous n'allez pas pouvoir les réglementer. C'est impossible, parce que si ces gens-là vont un peu partout et si c'est leur gagne-pain qui est en jeu, ils continueront à faire ce qu'ils veulent.
Je vais vous l'expliquer en termes très généraux, en me fondant sur mes 15 années d'expérience dans ce domaine. Dans les autres pays, la profession de l'immigration, vue de l'extérieur, est jugée comparable au trafic de drogues. Le passage de migrants clandestins est si répandu dans d'autres pays et ces activités représentent tant d'argent, qu'il y a des gens qui veulent faire ce métier, légalement ou non. Ils sont très rares à vouloir avoir une entreprise légitime, mais il y en a aussi qui veulent avoir une entreprise illégitime.
Par exemple — manifestement je ne peux pas vous en donner la preuve — j'ai commencé à exercer il y a longtemps, en 1993, en Inde, où j'avais un petit bureau et je travaillais avec le cabinet d'avocats Brownstein and Brownstein. J'avais mis une annonce dans le journal et dès le premier mois, quelqu'un est venu me voir avec de l'argent plein les poches. Il m'a dit, « Monsieur Ajmera, je suis un passeur de clandestins. J'ai vu l'annonce dans laquelle vous dites que vous pouvez envoyer des gens au Canada. Si vous m'aidez, moi, et les gens dont je m'occupe, je vous paierai 15 000 $ par personne. » J'ai répondu, « Écoutez, je suis avocat. Mon père était avocat, et mon grand-père l'était aussi sous les Anglais. C'est la dernière des choses que je voudrais faire. »
Actuellement — je l'ai simplement entendu dire, et je n'en ai pas la preuve — le tarif en vigueur pour faire passer clandestinement des gens d'Inde au Canada ou en Amérique est de 80 000 $ canadiens.