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Bonjour et bienvenue devant le comité.
Comme vous le savez, ce comité est le Comité permanent de la Chambre des communes sur la citoyenneté et l'immigration. Nous avons pour mandat de tenir des audiences sur trois questions très importantes : les travailleurs sans papiers et les travailleurs étrangers temporaires, les consultants en immigration et les réfugiés irakiens.
Nous allons tenir des audiences dans toutes les provinces, avec 52 groupes de témoins. Nous nous sommes déjà réunis à Vancouver, à Edmonton et à Moose Jaw, et nous sommes aujourd'hui à Winnipeg.
Notre comité comprend des membres de tous les partis représentés à la Chambre des communes. Certains de nos membres n'ont pas pu se joindre à nous aujourd'hui parce qu'ils sont retenus par d'autres activités à la Chambre des communes.
Il n'en reste pas moins que nous entendrons des témoins de toutes les régions du pays, après quoi nous produirons un rapport qui comprendra des recommandations destinées au ministre et à la Chambre des communes.
Nos premiers témoins de ce matin sont Martin M. Dolin, directeur général du Conseil multiconfessionnel d'aide à l'établissement des immigrants au Manitoba, et Hani Al-Ubeady, de la Iraqi International Initiative.
Conformément à notre procédure habituelle, je vais vous donner la parole pour vos déclarations liminaires, après quoi nous passons aux questions.
Je vous souhaite la bienvenue à Winnipeg, d'autant plus que vous semblez avoir amené le beau temps avec vous.
Nous souhaitons parler de la situation en Irak et dire pourquoi, selon nous, le Canada n'assume pas vraiment ses responsabilités. Nous espérons que le comité examinera un peu plus attentivement ce qui se passe en Irak.
Trois événements très importants sont survenus ces derniers jours. Le premier est le cinquième anniversaire du déclenchement de la guerre en Irak; le deuxième, le fait que le nombre de victimes américaines vient d'atteindre 4000; le troisième, le fait que le nombre de victimes civiles irakiennes pouvant être dénombrées vient d'atteindre 90 000. Ces chiffres ne représentent probablement que le dixième du nombre de blessés et de la morbidité, plutôt que des seuls morts, dans ce pays.
Chose intéressante, le New York Times rapportait hier que le nombre de victimes civiles en mars avait augmenté de 43 p. 100 par rapport à février. Autrement dit, l'idée que l'Irak devient un pays plus sûr semble être contredite par les faits.
Récemment, plus d'un million d'Irakiens ont franchi la frontière avec la Syrie, et plus d'un million, la frontière avec la Jordanie. Selon mes informations, les Syriens et les Jordaniens viennent maintenant de fermer leurs frontières. Le Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés fait face à des difficultés considérables pour s'occuper des réfugiés dans ces deux endroits.
D'après mes discussions avec des membres du HCR, un réfugié sur neuf accueilli en Syrie serait atteint du cancer et de diverses formes de leucémie, etc., et l'on peut supposer — c'est ce que supposent les gens du HCR — que c'est attribuable aux balles à uranium appauvri qu'on utilise en Irak.
Ce que j'essaie de dire, c'est que l'Irak n'est pas un pays où l'on peut retourner en toute sécurité. Les membres de la communauté irakienne présents ici sont très inquiets pour leurs familles. Ce qui se passe là-bas, c'est que le désordre qui règne dans le pays, conjugué au fait qu'il n'y a pas de vrai gouvernement maîtrisant la situation — le gouvernement al-Maliki ne contrôle rien — fait que la situation en Irak est aujourd'hui pire que celle qu'a connue la Yougoslavie.
Quand Tito était en Yougoslavie, il y avait une nation unifiée où Serbes, Bosniaques et Croates vivaient ensemble et s'arrangeaient. Avant l'invasion américaine, il y avait une dictature laïque de Saddam Hussein où les Chiites, les Sunnis, les Chrétiens et les rares Juifs qui étaient encore là réussissaient à rester ensemble dans le pays. Depuis le renversement de la dictature de Saddam et depuis la mort de Saddam, le pays a éclaté en groupes sectaires, les Sunnis semblant être soutenus par les Américains et le gouvernement al-Maliki, et la majorité chiite, par l'armée de Mahdi et divers autres fanatiques religieux. On a ainsi un pays dans une situation différente — et pire, probablement — que la Yougoslavie. Avec la Yougoslavie, on avait au moins des frontières bien définies. Ce qu'on a en Irak, c'est le même genre de situation sectaire mais sans frontières définies et sans aucun contrôle.
Les gens qui sont allés en Syrie et en Jordanie sont maintenant dans une situation où le gouvernement syrien, selon ce que je sais, leur dit qu'ils peuvent rester six mois. Ensuite, ils doivent payer pour renouveler, sinon ils doivent partir. Ils n'auront aucun endroit où retourner. Vous avez essentiellement le nord kurde qui est relativement sûr. Vous avez ensuite des situations dans Bagdad qui sont une catastrophe absolue, pas seulement militairement mais à cause de l'élément criminel, des enlèvements, etc.
L'une des choses qui se sont également produites, comme ça arrive souvent dans ce genre de situation, c'est que l'intelligentsia — les professeurs de collèges, les professionnels — est ciblée à la fois par les milices sectaires et par les éléments criminels, avec les enlèvements, etc., et que ce sont très souvent ses membres qui ont fui en Jordanie et en Syrie. Et la diaspora va continuer.
Si je comprends bien, la situation au Canada est celle-ci : le gouvernement a dit qu'il a un quota de 700. C'est ce que le Canada prendra. La communauté irakienne du Canada est horrifiée, et je pense que tout Canadien ayant le moindre sens moral devrait aussi être horrifié, par ce chiffre minuscule de 700. Ils sont des millions là-bas.
Le Canada a un rôle à jouer. Le Canada peut jouer un rôle. Je pense que la décision politique... parce que les Américains essayent de convaincre le monde — ce qui est faux — que la situation s'améliore et que les gens pourront retourner en toute sécurité en Irak. Cela est contredit par la réalité sur le terrain. Le fait est que le Canada devrait faire plus.
Ce que devrait faire le Canada, très simplement, c'est au minimum accélérer la réunification des familles lorsqu'il y a des Canadiens irakiens ici. Dans tout le pays, des gens comme Hani devraient pouvoir être réunis avec les membres de leurs familles. Nous devrions faire en sorte que les frères, les soeurs, etc., puissent venir au Canada au lieu de devoir passer par le programme de parrainage privé.
J'espère que le comité recommandera ce qui suit au gouvernement. Premièrement, accroître le quota. Deuxièmement, permettre à la communauté canado-irakienne du Canada d'avoir son mot à dire sur qui pourra entrer. Troisièmement, accroître considérablement les ressources à Damas pour accélérer la venue des gens qui sont actuellement dans des situations incroyablement pénibles en Syrie et en Jordanie. Et, quatrièmement, aider le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés en lui donnant de l'argent, et peut-être même du personnel, pour lui permettre de traiter les dossiers plus rapidement, de nourrir les gens qui traversent la frontière et aussi d'aider les personnes déplacées à l'intérieur de l'Irak — qui sont bloquées aux frontières de la Syrie et de la Jordanie et qui sont donc forcées de rester en Irak — à se rendre dans un pays où elles seront protégées contre le déplacement intérieur.
J'implore le comité de se pencher attentivement sur cette situation. Le Canada peut jouer un rôle et nous pensons qu'il le doit. C'est ce qu'exige la morale. C'est ce qu'il faut faire. En outre, les Canadiens irakiens de ce pays seraient très reconnaissants au gouvernement de jouer un rôle plus actif pour protéger leurs parents.
Je vous remercie de votre attention et je suis prêt à répondre à vos questions.
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Merci beaucoup. Je suis très heureux de vous souhaiter la bienvenue devant ce comité.
Monsieur Dolin, nous avons aussi été très heureux d'accueillir votre fils devant le comité, comme toujours. La première fois que nous nous sommes rencontrés remonte à plusieurs années. Vous étiez venu témoigner devant le comité et votre fils, un excellent chercheur, était présent. C'est toujours un plaisir de vous voir.
La situation en Irak est une vraie catastrophe, je suis d'accord avec vous. Elle est pire que dans l'ex-Yougoslavie mais c'est la même épuration.
J'ai eu pendant plusieurs années un employé qui m'a quitté parce que je ne pouvais pas le payer assez. Quand il y avait la crise et qu'on pourchassait Ali le chimique, on n'a pas pu attraper Ali le chimique mais on a éliminé neuf membres de sa famille qui étaient dans un bunker. C'était l'époque des bombes anti-bunker.
Je suis tout à fait d'accord avec vous et j'espère que nous pourrons souligner l'urgence de cette situation dans notre rapport.
Voici ma question. Le comité a déployé beaucoup d'efforts et nous accueillons finalement certains des réfugiés vietnamiens qui étaient restés en rade. Ils viennent aujourd'hui des Philippines. Ils étaient bloqués là-bas. Ce que je me demande, c'est dans quelle mesure la communauté irakienne pourrait utiliser le parrainage, ou obtenir que d'autres groupes utilisent le parrainage, pour pouvoir augmenter les chiffres et montrer qu'il y a un appui ici. Quand nous nous sommes occupés des boat-people vietnamiens, beaucoup de gens ont agi comme parrains. Que pensez-vous de cette idée?
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Je dirais très simplement que la situation en Irak est tout à fait unique. Il semble y avoir une politique du gouvernement, qui a été réitérée dans le projet de loi C-50, selon laquelle le moyen de contrôler les besoins des réfugiés est d'en plafonner le nombre au lieu de l'augmenter, ce que je trouve effarant.
Le Canada a obtenu la médaille Nansen en 1976. Les Canadiens ont obtenu la médaille pour leur volonté d'accueillir des réfugiés.
Fixer un maximum au nombre de réfugiés nous ramène au scénario de la fin des années 1930 lorsqu'on a voulu empêcher les Juifs de venir et de demander le statut de réfugié. Il semble que le ministère applique encore une fois la méthode consistant à les empêcher d'entrer et à chasser ceux qui y sont parvenus.
La situation en Irak est relativement unique. Je ne pense pas qu'on puisse comparer l'Irak à Haïti ou au Sri Lanka. Il y a une guerre dans ce pays, une guerre illégale qui n'a été sanctionnée ni par le Canada ni par l'ONU. Il y a des millions de gens qui ont été chassés de leur pays à cause de l'effondrement de l'État. Ce qui existait auparavant n'existe plus et c'est maintenant le vide au niveau gouvernemental.
La réalité est qu'il suffit de lire un journal pour comprendre la différence entre ce qui se passe en Irak et ce qui se passe dans d'autres pays. Toutefois, à la question « Pourquoi devrions-nous accepter ceux-là plutôt que d'autres? », je répondrais « Nous ne le devrions pas ».
Le fait est que, si le ministère cesse de plafonner le nombre et qu'il commence à reconnaître qu'il faut déployer des ressources là-bas pour traiter les dossiers rapidement et sans retard dans tous les pays... Selon nos politiques, nos lois, notre humanité, imposer des limites au nombre de réfugiés venant au Canada n'est pas la bonne réponse. La bonne réponse et de consacrer plus de ressources pour nous permettre de faire ce que nous, Canadiens, voulons faire pour le maintien de la paix et sur le plan humanitaire.
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Il est difficile pour moi de parler au nom du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés mais je peux vous expliquer comment j'interprète ce qu'il nous a dit au sujet de la manière dont il les choisit. Essentiellement, les signataires du pacte des Nations unies sur la protection des réfugiés... Le Canada est l'un des signataires. Il y a quelques pays d'accueil. Ils en obtiennent maintenant plus. Comme je l'ai dit plus tôt, un réfugié, par définition — il y a plusieurs éléments dans ce contexte — est une personne qui a été persécutée dans son pays d'origine, qui a des raisons de craindre d'être persécutée si elle y retourne, et qui se trouve en dehors de son pays d'origine. C'est la définition fondamentale.
L'ONU adresse des réfugiés aux pays qui en acceptent, en se fondant sur cette définition. Les principaux pays sont les États-Unis, l'Australie, les pays scandinaves, le Canada, etc. En proportion de sa population, le Canada en prend plus que sa part. L'une des choses qu'on m'a dites à l'ONU, c'est que c'est basé sur les missions. Par exemple, nous n'avons que quatre missions en Afrique qui s'occupent de réfugiés. Considérant le scénario qui se déroule en Afrique, par rapport au nombre de missions que nous avons en Europe, je considère que c'est une anomalie. Pourquoi n'y a-t-il que ces quatre missions qui s'occupent de réfugiés, à Nairobi, au Caire, à Accra et à Prétoria, en laissant un trou énorme au centre? Nairobi, en particulier, est débordée.
Les Nations unies me disent qu'elles s'adressent aux différents pays en fonction de ce qu'elles estiment être la rapidité de traitement des cas. Ainsi, par exemple, un agent du HCR de la Corne de l'Afrique m'a dit que l'ONU s'adresse d'abord à l'Australie ou à la Scandinavie pour les cas les plus urgents, la raison étant que le traitement des dossiers est trop long au Canada. Si l'on veut régler des dossiers très rapidement, on s'adresse d'abord aux Australiens puis aux Américains avant de s'adresser aux Canadiens.
Cela m'embarrasse beaucoup, comme Canadien, et devrait nous embarrasser tous. Il y a quelque chose qui ne va pas dans notre système si nous ne pouvons pas traiter les dossiers aussi rapidement que les autres pays.
Donc, quand vous me demandez comment l'ONU décide, je pense que c'est en fonction de l'urgence de la situation et que, dans les cas vraiment urgents, on ne s'adresse pas d'abord au Canada mais ailleurs parce que notre système n'est pas efficace.
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Oui, monsieur le président.
Je pense que le comité pourrait faire certaines des choses que vous lui avez demandées. Nous l'avons déjà fait dans le passé. Nous pouvons faire preuve de leadership dans ce domaine et nous ferons immensément plus en aidant à stabiliser la région que ce qu'on fait les Américains en y dépensant des milliards et des milliards de dollars, ce qui a créé les difficultés qu'on connaît aujourd'hui. Nous pouvons manifestement faire ça.
Chaque fois qu'il y a un conflit de cette nature, ça me hante. Quand j'étais dans l'ex-Yougoslavie, en Bosnie et en Herzégovine, j'ai vu des choses incroyables. En arrivant en avion au-dessus de Mostar, tout paraissait normal. Puis, quand l'avion commençait à descendre, on constatait que les toits des maisons avaient disparu, dans bien des cas. Quand on arrivait au sol, on constatait que les endroits où vivaient les minorités — les trois groupes, les Serbes, les Croates et les musulmans — avaient fait l'objet d'une épuration ethnique.
Je me souviens d'être allé dans une école élémentaire où il y avait du bois, des bardeaux bruts, contre les fenêtres. J'ai demandé une explication au guide. Je lui ai demandé si c'était pour faire du feu. Il m'a dit que non, que c'était pour empêcher qu'on lance des grenades par les fenêtres. C'était vraiment horrible. On ne saurait sous-estimer les tragédies que cela cause à tous ces gens, et nous pourrions faire beaucoup en faisant preuve de leadership.
Monsieur Dolin, vous avez dit que la bureaucratie qui a créée le problème ne veut pas le régler. J'ai de sérieuses préoccupations car nous allons être saisis du projet de loi C-50 qui donnera encore plus de pouvoir à la bureaucratie. Je sais qu'on dit que les décisions seront prises par le ministre mais les garanties légales seront remplacées par la bonne volonté du ministre, c'est-à-dire en réalité par des décisions de bureaucrates car ce sont eux qui décident. Nous nous occuperons plus tard de ce projet de loi mais ce que vous dites montre qu'il y a clairement un problème.
J'ai déjà dit aux membres du comité, car j'en fais partie depuis 10 ans — et je ne vise pas particulièrement les ministres actuels, ou les ministres conservateurs, car j'ai dit la même chose à tous les ministres — que nous n'avons pas vraiment eu de ministres connaissant réellement la nature des problèmes. Comme ils dépendent de la bureaucratie, c'est celle-ci qui dirige, mais c'est la responsabilité politique qui nous manque.
Si nous voulons de l'action, nous devons envoyer un message très clair sur les objectifs. Il faut qu'il y ait une volonté politique et qu'il y ait de la solidarité du côté politique, afin de ne pas jouer à des jeux politiques mais plutôt agir sérieusement pour résoudre ces problèmes.
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Nous allons maintenant reprendre nos travaux.
Je souhaite la bienvenue à notre témoin de la Fédération du travail du Manitoba, John Doyle. Quel beau nom!
Nous entendrons aussi Kenneth Zaifman, un avocat de Zaifman Immigration Lawyers. Bienvenue à vous.
Nous aurons ensuite John Ryan, premier dirigeant par intérim, et Wenda Woodman, directrice du Service des plaintes et de la discipline, de la Société canadienne de consultants en immigration. Vous dirigez un service difficile, le service des plaintes.
Nous aurons ensuite Rory McAlpine, vice-président, Relations avec le gouvernement et l'industrie, de Aliments Maple Leaf Inc., et Nick Johnson, vice-président, Ressources humaines, Soutien commercial et opérationnel, de Maple Leaf Consumer Foods.
Plusieurs noms ont été ajoutés : Susan Yaeger, directrice principale du Recrutement international, de Maple Leaf Consumer Foods, et Sandy Trudel, agent de Développement économique de la municipalité de Brandon.
Je vous souhaite la bienvenue à tous et toutes.
Je sais que vous souhaitez faire des déclarations liminaires.
Voulez-vous commencer, John?
Bonjour. Le problème des travailleurs étrangers temporaires revêt actuellement une importance considérable pour plusieurs raisons. Comme notre temps de parole est limité, je me contenterai de mentionner quelques facteurs essentiels et j'exposerai ensuite nos recommandations. Autrement dit, je vais résumer notre mémoire.
Le Programme des travailleurs étrangers temporaires connaît une expansion considérable depuis 2006. Aujourd'hui, les employeurs canadiens peuvent importer des travailleurs d'autres pays en prétendant qu'il y a une pénurie de main-d'oeuvre au Canada et qu'ils ne trouvent personne pour occuper les postes disponibles. Il convient de se demander sérieusement si cet argument est légitime ou s'il s'agit plutôt d'employeurs essayant d'instaurer un environnement de bas salaires auquel les travailleurs canadiens refusent de participer.
Les modifications apportées au Programme des travailleurs étrangers temporaires depuis 2006 sont destinées à rendre le processus plus facile pour les employeurs et pas nécessairement à protéger les travailleurs. Elles ont entraîné la création de listes de professions admissibles à l'octroi accéléré de permis d'importation de travailleurs migrants. On a aussi préparé un guide expliquant aux employeurs, étape par étape et dans une terminologie qu'ils apprécient, comment engager un travailleur étranger. On a confié à des employés du gouvernement la tâche d'aider les employeurs souhaitant recruter des travailleurs étrangers dans les cas où un avis sur le marché du travail n'est pas requis.
Dans le budget fédéral de 2007, le gouvernement a prévu 50,5 millions de dollars supplémentaires sur deux ans afin « de réduire les délais de traitement et de mieux répondre aux besoins des employeurs des régions où il y a des pénuries de travailleurs ». Les employeurs ne sont plus obligés d'annoncer pendant six semaines les postes disponibles pour attirer des travailleurs canadiens. Une période de sept jours seulement est requise avant que l'employeur puisse demander un permis d'importation de travailleurs étrangers temporaires. Il n'y a pas de mécanismes efficaces de conformité, de surveillance et d'exécution pour s'assurer que les employeurs canadiens respectent les droits des travailleurs étrangers invités au pays, ainsi que ceux des travailleurs canadiens qu'ils pourraient remplacer.
Le gouvernement Harper est au courant de ces problèmes qui lui ont été communiqués à maintes reprises par des groupes de droits humains, des syndicats, des agences d'établissement des immigrants, des porte-parole communautaires de travailleurs migrants et des groupes religieux qui ont tous soulignés les failles du programme, comme : comment les travailleurs invités sont dépouillés par des intermédiaires sans scrupules qui leur font payer des frais exorbitants en échange des permis de travail; comment les travailleurs sont trompés par de fausses promesses sur les salaires et les conditions de travail; comment ils sont exploités, intimidés et menacés d'expulsion par certains employeurs s'ils n'acceptent pas des conditions de quasi-servage; comment ils sont confrontés à l'isolement social et à la séparation de leurs familles et de leurs communautés; et, enfin, comment ils sont parfois exposés au racisme et à la discrimination dans les collectivités où ils travaillent.
Nous croyons que bon nombre des incidents relatés dans la presse nationale sur la détresse des travailleurs étrangers ne sont que la pointe de l'iceberg. Dans beaucoup de juridictions, l'intervention des pouvoirs publics dépend du dépôt d'une plainte sans possibilité d'intervention de tierces parties.
Ce processus contient maints obstacles inhérents. Nous croyons que beaucoup de travailleurs étrangers temporaires sont très réticents à se plaindre par crainte de perdre leur emploi canadien et d'être renvoyés dans leur pays d'origine. Beaucoup ignorent leurs droits légaux ou ne savent pas comment déposer une plainte. Dans bien des cas, la méconnaissance de l'une des deux langues officielles du Canada est un autre obstacle et, bien trop souvent, l'expérience qu'ils ont connue dans leur pays d'origine les dissuadent de défendre leurs droits face à un employeur ou à une autorité gouvernementale.
Nous implorons votre comité de recommander dans son rapport à la Chambre des communes l'adoption de mesures permettant de relancer le Programme des travailleurs étrangers temporaires sur de nouvelles bases, plus efficaces. Il faut absolument revenir à l'objectif et au processus d'origine, d'avant 2002. Il faut aussi réformer le système d'immigration pour rendre l'immigration permanente plus accessible et plus efficace.
Les travailleurs étrangers venant au Canada doivent bénéficier des mêmes droits que les immigrants permanents. Les employeurs canadiens devraient se tourner vers la formation des travailleurs canadiens existants, vers l'emploi des groupes sous-représentés sur le marché du travail et vers l'immigration permanente pour résoudre leurs problèmes de main-d'oeuvre.
Les travailleurs étrangers temporaires ayant travaillé l'équivalent de deux années sur une période de trois ans devraient avoir le droit de demander le statut d'immigrant permanent. Je crois qu'un système de cette nature existe déjà pour les aides domestiques à domicile.
Le nom de l'employeur ne devrait pas figurer sur le permis de travail des travailleurs étrangers temporaires. Les permis devraient être délivrés pour une profession particulière et pour une province afin que les travailleurs ne soient pas liés à un employeur donné, ce qui leur permettrait de changer d'employeur sans pénalité.
Le gouvernement fédéral devrait interdire explicitement la perception de droits auprès des travailleurs étrangers temporaires qualifiés par des intermédiaires ou par les employeurs. Il devrait mettre sur pied une équipe dotée de ressources adéquates pour faire enquête sur les cas litigieux et faire respecter les interdictions.
Le gouvernement fédéral devrait mettre sur pied des bureaux de protection des travailleurs au sein de Ressources humaines et Développement social Canada et de Citoyenneté et Immigration Canada afin de traiter les plaintes et d'aider les travailleurs étrangers temporaires en difficulté. Ces bureaux devraient aussi être chargés d'aider ces travailleurs à trouver des emplois auprès d'employeurs ayant obtenu un avis sur le marché du travail.
Les coordonnées de ces bureaux devraient être communiquées à tous les travailleurs étrangers temporaires au moment de la délivrance de leur permis de travail. Les bureaux devraient assurer la confidentialité des informations au cas où des travailleurs leur signaleraient qu'ils travaillent illégalement à cause de certains arrangements d'intermédiaires ou d'employeurs.
Un module d'éducation exhaustif devrait être élaboré pour s'assurer que toutes les parties concernées connaissent les règles du Programme des travailleurs étrangers temporaires, les droits de ces travailleurs, les recours dont ils disposent et le moyen de s'en prévaloir.
Les employeurs devraient être tenus de verser une caution représentant au moins un mois de salaire et le prix du billet d'avion de retour pour tous les travailleurs étrangers qu'ils engagent. Un employeur ne respectant pas un niveau minimum d'emploi perdrait cette caution qui serait remise au travailleur.
Les obligations de l'employeur en matière de logement devraient être précisées et renforcées. Les normes d'hébergement devraient être explicites et il devrait être interdit aux employeurs de gagner des profits excessifs par l'hébergement de travailleurs étrangers temporaires.
Les employeurs important des travailleurs dans des professions certifiées devraient être tenus de prouver qu'ils ont déployé des efforts pour engager et former des apprentis canadiens avant de pouvoir obtenir un AMT.
Les employeurs cherchant des travailleurs étrangers temporaires pour occuper certains emplois certifiés devraient être tenus, dans le cadre du processus d'approbation de leur AMT, d'offrir une formation professionnelle, des services d'éducation et une aide linguistique aux travailleurs étrangers, et de fournir la preuve que ces divers éléments sont organisés avant que les travailleurs étrangers puissent obtenir un permis de travail. L'employeur n'assurant pas ces divers éléments devrait se voir interdire d'obtenir d'autres AMT à l'avenir.
Le programme devrait comporter des amendes substantielles. En outre, toute infraction à ces dispositions devrait entraîner la radiation définitive de l'empoyeur à l'égard du programme.
Deux thèmes fondamentaux doivent être retenus au sujet de ces recommandations : l'application proactive des modalités du programme par les gouvernements fédéral et provinciaux, ainsi que l'éducation, autant dans la communauté que pour les travailleurs étrangers temporaires eux-mêmes. Établir des normes, c'est bien mais ça ne sert à rien si les travailleurs, les employeurs et les communautés ne les connaissent pas. Instaurer des mesures de protection inhérentes est plus efficace à condition qu'elles ne dépendent pas du dépôt d'une plainte et qu'elles soient activement mises en application.
Merci de votre attention.
Je viens du monde du droit de l'immigration. J'ai commencé à oeuvrer comme avocat dans le secteur de l'immigration quand j'ai vu entrer dans mon cabinet, il y a 20 ans, un pauvre client perdu qui avait besoin d'aide pour rester au Canada. Cela nous a amené à la situation actuelle où l'immigration est au premier plan des préoccupations de bien des gens.
Le mouvement des travailleurs étrangers temporaires existe depuis longtemps. Il revêt aujourd'hui plus d'importance pour la viabilité économique du pays et je laisserai à d'autres le soin de vous dire s'il est essentiel au non.
Le processus lui-même englobe plusieurs acteurs différents. Il y a d'abord Service Canada, pour l'approbation d'un avis sur le marché du travail. Il y a ensuite Immigration Canada, pour les demandes de permis de travail. Il y a l'Agence des services frontaliers du Canada, pour la délivrance des permis. Quand il s'agit de renouveler un permis de travail, il y a les services intérieurs de Citoyenneté et Immigration Canada. En ce qui concerne les questions de conformité réglementaire, s'il y a rupture de la relation de travail, si l'offre d'emploi n'est pas légale ou si l'on exige des droits excessifs, plusieurs agences différentes sont concernées. L'Agence des services frontaliers du Canada est responsable de l'exécution des lois, la GRC intervient dans les affaires criminelles, et les agences provinciales interviennent lorsqu'il y a infraction aux normes d'emploi.
Il y a aussi beaucoup de gens qui s'occupent du recrutement de travailleurs étrangers, outre les avocats, les consultants et d'autres.
L'expérience m'amène à conclure qu'il faut un guichet unique si nous voulons que le mouvement des travailleurs étrangers temporaires fonctionne bien. S'il n'y a pas un seul organisme responsable de tout le programme, il est impossible de le gérer efficacement.
En dernière analyse, le programme des travailleurs étrangers temporaires est une question de responsabilité des employeurs. Vous pouvez bien adopter toutes les lois que vous voulez, le système ne peut pas marcher si les entreprises n'agissent pas de manière responsable dans le processus de recrutement.
Je constate qu'il y a ici des représentants de Aliments Maple Leaf. Voila un modèle de recrutement à l'étranger qui fonctionne dans certains pays où l'entreprise s'occupe activement de recrutement, d'examens, de prestation d'aide aux candidats et d'intégration à la main-d'oeuvre. C'est un modèle qui fonctionne bien.
Le problème, à mon avis — et c'est pourquoi il est important que le comité l'examine attentivement —, ne vient pas des entreprises qui agissent de manière efficace et responsable à l'égard des travailleurs étrangers mais des autres. Les gens qui n'agissent pas de manière responsable doivent être réglementés, être sanctionnés et être totalement expulsés de ce secteur.
Il y a tant de pièces différentes dans le processus, comme je l'ai dit. Il y a l'avis sur le marché du travail, qui détermine le salaire en vigueur. Dans certains cas, le travailleur constate que ce n'est pas le salaire qu'il reçoit, même si c'est celui qui est indiqué sur le document. Il y a des gens qui demandent des permis de travail et dont on fausse les qualifications pour répondre aux exigences de l'avis sur le marché du travail. Dans d'autres cas, les travailleurs constatent que l'emploi qui leur est offert ne correspond pas aux informations qui avaient été données. Par exemple, des travailleurs sont mis à pied à cause de la demande saisonnière et on leur dit qu'ils ne peuvent pas demander l'assurance-emploi car, s'ils le font, l'entreprise ne pourra plus parrainer d'autres travailleurs étrangers ou renouveler leur permis de travail.
Je pense qu'il est très important de tenir compte de chacun des acteurs différents dans le processus. Le mouvement des travailleurs étrangers temporaires marche bien, nous recrutons des travailleurs étrangers et ils occupent des emplois. Il y a cependant des cas où le système ne marche pas et c'est alors qu'on constate que le travailleur n'a aucun moyen d'obtenir de l'aide.
Nous représentons régulièrement des travailleurs dont l'employeur n'a pas respecté ses responsabilités, dont l'emploi ne correspond pas à ce qui avait été décrit ou qui ne possèdent pas les compétences requises pour faire le travail. Il est très important que le comité s'attaque sérieusement à ces problèmes.
Si je peux vous communiquer une idée fondamentale à ce sujet, la voici. Les travailleurs étrangers temporaires existent depuis de nombreuses années et ils continueront à faire partie du processus d'immigration. Dans bien des cas, des travailleurs étrangers temporaires ont été acceptés comme immigrants dans le cadre des programmes provinciaux, ce qui veut dire qu'on se décharge sur les provinces du processus de sélection pour l'immigration. On fait venir des travailleurs temporaires, les provinces les sélectionnent et les autorisent à rester au Canada. Bien des personnes vont jusqu'à dire que nous devrions peut-être confier tout le processus de sélection des travailleurs qualifiés aux provinces.
Ce que je veux dire, c'est que, si le gouvernement ne fait pas le nécessaire pour aider les travailleurs lorsqu'ils arrivent ici, qui s'assurera que les employeurs respectent les conditions établies, pas simplement en disant « vous ne pouvez plus recruter à l'étranger » mais en les obligeant à les respecter? Sans un tel mécanisme pluriministériel et fédéral-provincial — car il y a un peu de tout là-dedans —, le mouvement des travailleurs étrangers temporaires ne progressera pas suffisamment pour devenir un système permettant à l'économie canadienne de trouver les travailleurs dont elle a besoin.
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Merci, monsieur le président. Je remercie le comité de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.
Je m'appelle John Ryan et je suis président du conseil et PDG intérimaire de la Société canadienne de consultants en immigration, l'organisme national de réglementation des consultants qui a été mis sur pied dans le sillage des recommandations formulées par votre comité en 2003 et d'un arrêt de la Cour suprême, entre autres choses.
Je me limiterai aujourd'hui à la manière dont nous concevons le rôle d'un organisme de réglementation en ce qui concerne les plaintes et problèmes reliés aux travailleurs étrangers.
Permettez-moi de mentionner d'abord une initiative du gouvernement du Manitoba que nous croyons très prometteuse. Le ministre du Travail et de l'Immigration vient d'annoncer son intention de modifier la loi provinciale, la Loi sur les services de placement, de façon à mieux réglementer les agences de recrutement de travailleurs temporaires étrangers.
Nous pensons que ce modèle pourrait être adopté par d'autres provinces mais nous voulons surtout inviter le gouvernement fédéral à examiner son rôle au palier national pour s'assurer qu'il n'existe qu'une seule norme au lieu d'un ensemble de normes disparates pour contrôler les activités des parties qui comparaissent devant les tribunaux administratifs du gouvernement fédéral, devant RHDSC et devant les différentes instances s'occupant des travailleurs temporaires.
En vertu de la modification proposée par la province, toutes les agences de recrutement devront obtenir un permis provincial et être membres en règle du Barreau provincial ou de l'une des autres sociétés du Barreau du Canada et de la Société canadienne de consultants en immigration.
C'est là une bonne chose, à notre avis, car les consultants et les avocats en immigration traitent avec des étrangers qui choisissent certaines personnes pour les représenter devant le gouvernement contre rémunération.
Hélas, nous pensons que le gouvernement est confronté à un certain nombre de difficultés. Tout d'abord, le paragraphe 13.1(1) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés dispose que toute personne en représentant une autre contre rémunération — pour la conseiller, la représenter ou l'aider — doit être membre de l'une de trois organisations — un Barreau provincial ou territorial, la Société canadienne de consultants en immigration ou la Chambre des notaires du Québec — et ne peut la conseiller et la représenter qu'au sujet des demandes présentées au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, ce qui signifie qu'il n'y a absolument aucun contrôle à l'égard des agents d'emploi, des agents de recrutement qui représentent des personnes au sujet du processus d'AMT. Voilà une échappatoire qu'il convient d'éliminer.
Je partage l'opinion de mon collègue M. Zaifman qui réclame la coagulation des efforts des divers ministères concernés.
L'article 124 de la LIPR est l'article des sanctions et c'est le seul que puisse invoquer le gouvernement du Canada pour réprimer les pratiques non autorisées des agents sans scrupules. Sa portée est très limitée et constitue un handicap. À notre connaissance, il encore jamais été invoqué. Cela nous préoccupe.
La recommandation 31 du comité consultatif sur la réglementation des activités des consultants en immigration — qui concorde avec la recommandation du dernier rapport de votre comité sur les consultants en immigration — concerne l'adoption d'une disposition particulière dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés pour pouvoir imposer des pénalités en cas de pratiques non autorisées.
Le problème, à notre avis, est qu'on ne sait pas qui, de CIC ou de l'ASFC, est réellement chargé de faire respecter les règlements, ni quelles mesures peuvent être prises pour imposer de véritables sanctions pénales aux représentants non autorisés.
Nous constatons qu'un nombre croissant de travailleurs temporaires sont exploités parce qu'ils sont vulnérables et peu informés. Il est temps que le gouvernement se penche sur le processus de RHDSC et que le ministre réfléchisse à ce qui pourrait être fait pour réprimer cette exploitation.
Je laisse maintenant la parole à ma collègue, Wanda Woodman, directrice de notre Service des plaintes et de la discipline, qui pourra vous donner des chiffres plus précis.
Je vais aborder la question des travailleurs étrangers temporaires à partir de mon expérience de directrice du Service des plaintes et de la discipline. Notre Service s'occupe des allégations d'infraction aux règles par nos membres et des informations que nous recevons concernant des personnes ne faisant pas partie de la Société et agissant comme agents de recrutement non réglementés.
Je vous ai remis un tableau indiquant le nombre de plaintes reçues depuis 2006 au sujet de nos membres et d'agents de recrutement non réglementés.
La société interprète de manière très rigoureuse ce qu'est une activité d'emploi. Nous coordonnons nos efforts avec les gouvernements provinciaux pour réagir aux plaintes transmises par les ministères provinciaux au sujet des activités de nos membres ayant pu agir de manière inappropriée ou en dehors de leurs fonctions autorisées. En tant qu'organisme de réglementation, nous agissons dans l'intérêt du public et c'est pourquoi nous avons instauré un régime d'assurance contre les erreurs et omissions, ainsi qu'un processus d'audiences et de discipline, et nous procédons actuellement à la mise sur pied d'un fonds d'indemnisation.
Notre première audience disciplinaire s'est tenue en mars 2007 et concernait un membre qui avait enfreint les règles de conduite professionnelle en n'informant pas 24 camionneurs coréens que la connaissance de l'anglais était exigée pour les offres d'emploi qu'il avait obtenues. Étant donné que la plupart de ces camionneurs n'avaient pas le niveau de connaissance requis, l'entreprise avait retiré son offre d'emploi. On peut trouver le texte complet de la décision sur notre site Web et nous allons maintenant tenir une autre audience au sujet de la pénalité.
L'un des problèmes que nous avons identifiés dans l'administration du processus disciplinaire concernant les travailleurs temporaires est que les plaignants ou témoins risquent d'être expulsés avant la tenue des audiences. Par conséquent, nous demandons respectueusement au ministre d'adopter une disposition permettant de suspendre l'expulsion d'un travailleur temporaire qualifié lorsqu'une procédure disciplinaire a été entamée et que sa présence est nécessaire comme témoin principal.
J'aborde maintenant la question des agents de recrutement non réglementés. Plusieurs des plaintes que nous avons reçues de travailleurs étrangers temporaires concernent des individus ou des organismes qui ne font pas partie de notre Société. Ces agents louches enfreignent les règlements d'emploi provinciaux et présentent des demandes au ministre en contournant le règlement. Les informations que nous avons reçues concernent des groupes de travailleurs non qualifiés à qui on a garanti un emploi au Canada à un salaire attrayant, ainsi que l'obtention du statut de résident permanent en un an ou deux. Ces travailleurs sont tenus de payer des honoraires pouvant atteindre 20 000 $ ainsi que des dépenses d'obtention de documents de voyage. Dans certains cas, des candidats ont dû payer pour obtenir des soi-disant « certificats anti-terrorisme » ou des « documents de voyage des Nations unies ». Les agents de recrutement concernés offrent leurs services en ligne et sont situés à l'extérieur du Canada.
La liste de nos membres est affichée sur notre site Web. J'ai reçu des appels téléphoniques de la Gambie et des courriels des Philippines, du Maroc, du Nigéria et du Pakistan de gens essayant de trouver la personne qu'ils ont engagée pour les aider à réaliser le rêve de leur vie. Les promesses sont tellement alléchantes et paraissent tellement légitimes que c'est seulement après avoir rencontré un problème que les candidats s'adressent à la Société pour demander de l'aide. Bien que nous n'ayons pas compétence pour prendre des mesures contre les agents louches, nous veillons à ce que les dossiers soient transmis aux autorités compétentes pour un suivi.
Par conséquent, nous demandons respectueusement au comité de recommander au ministre que le gouvernement réglemente les agents de recrutement à l'échelle nationale. Bien qu'une protection soit assurée à l'égard des demandes adressées au ministre, certains agents réussissent à contourner les dispositions réglementaires.
Merci de votre attention.
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Merci, monsieur le président. Nous remercions le comité d'avoir invité Maple Leaf Foods à participer à cette audience.
Comme vous le savez, Aliments Maple Leaf est une grande entreprise de transformation et d'exportation de produits alimentaires du Canada — la plus grande, je crois. Nous avons 23 000 employés au pays et dans le monde et détenons les plus grosses parts de marché dans diverses gammes de produits — le porc, la volaille, la boulangerie et les aliments conditionnés. Nous avons récemment été désignés l'une des 10 sociétés du Canada ayant la meilleure culture d'entreprise.
Sur le plan des affaires, nous faisons face à de vives pressions concurrentielles attribuables à l'appréciation du dollar canadien et à la hausse rapide du prix des facteurs de production mais nous tentons de réagir en modifiant notre plan d'activité de façon à rehausser notre compétitivité, à réduire nos coûts et à innover pour offrir plus de valeur aux consommateurs.
[Français]
Nos activités dans l'Ouest canadien, surtout au Manitoba, sont au coeur de notre avenir. La transformation primaire du porc et une grande quantité de nos activités secondaires sont basées à Brandon. Nous allons créer de 800 à 900 emplois à Brandon, d'ici la fin de 2009.
Comme la plupart des employeurs dans l'Ouest canadien, nous faisons face à un manque de main-d'oeuvre majeur. En tant que grand employeur, nous avons aussi des stratégies sophistiquées et développées de recrutement et de formation de nos employés.
[Traduction]
Nous employons beaucoup de Canadiens autochtones dans les provinces de l'Ouest mais nous voulons faire encore mieux. Nous avons créé un poste de coordonnateur avec les premières nations dans le but d'améliorer nos relations avec elles et d'élaborer un modèle de recrutement plus efficace.
Cela dit, les travailleurs étrangers restent essentiels. Nous en avons besoin dans nos usines du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta où ils sont essentiels à la fois pour nos activités et pour l'avenir des collectivités dépendant de nos usines.
Nous avons commencé à avoir recours au Programme de travailleurs étrangers temporaires il y a trois ans et nous employons aujourd'hui 1 373 travailleurs étrangers qualifiés ou non qualifiés.
Nous avons environ 150 travailleurs qualifiés, notamment pour nos activités de transformation de la viande de porc. Dans ce secteur, nous avons des travailleurs du Royaume-Uni, des Philippines et de la Grande-Bretagne, et nous allons en ajouter 900 d'ici la fin de 2008.
Nous avons aussi environ 1 000 travailleurs non qualifiés dans notre usine de Brandon. Ce sont des travailleurs du Salvador, de la Chine, de l'Ukraine, de la Colombie et de l'île Maurice, et nous allons bientôt en recevoir un autre groupe du Honduras.
Le recrutement et l'établissement de ces travailleurs posent d'énormes défis et nous collaborons très étroitement avec les trois paliers de gouvernement, notamment la municipalité de Brandon. Je suis très heureux de préciser que je suis accompagné d'une collègue de cette municipalité, Sandy Trudel, qui pourra répondre à vos questions concernant l'établissement des travailleurs à Brandon.
À Brandon, la quasi-totalité de nos travailleurs étrangers sont admissibles au programme de parrainage provincial, ce qui leur permet d'obtenir le statut de résident permanent et de faire venir les membres de leur famille. Nous investissons dans ces nouveaux Canadiens dans l'espoir qu'ils deviendront des employés de longue durée et des résidents permanents de Brandon.
Au début, nos activités de recrutement ont buté sur certains défis et problèmes. Nous avons commis des erreurs et nous avons appris certaines choses. Nous avons commis des erreurs en Chine dans nos relations avec des agents de recrutement — exactement les problèmes dont on a parlé ce matin. Certains des candidats ont dû payer des sommes dont ils n'avaient pas été prévenus. Aujourd'hui, nous sommes bien mieux organisés et nous comprenons mieux le programme. Nous avons de bonnes relations de travail avec les tierces parties, notamment l'Organisation internationale pour les migrations. Nous comprenons mieux le programme et la nécessité d'avoir un bon avis sur le marché du travail.
Nous sommes également mieux organisés, comme je l'ai dit. Ma collègue Suzan Yeager, qui m'accompagne, dirige notre programme de recrutement international avec une équipe de soutien. Nous avons établi d'excellentes relations avec RHDSC, Citoyenneté et Immigration Canada, Service Canada, les ambassades du Canada, les ministères provinciaux du Travail et de l'Immigration, ainsi que de nombreux chefs syndicaux et intervenants communautaires.
Avant de passer aux questions, permettez-moi d'exposer les défis et les avantages du programme. Tout d'abord, certaines améliorations importantes y ont été apportées, notamment en portant la durée du permis de travail temporaire d'un an à deux ans. En outre, on accorde plus de place aux travailleurs non qualifiés, catégorie dont notre industrie a beaucoup besoin. Cela dit, nous constatons qu'il n'y a pas encore d'approche uniforme entre les diverses provinces, dans le cadre de leurs programmes de parrainage, du point de vue du traitement ou de l'acceptabilité des travailleurs non qualifiés.
Voici maintenant d'autres améliorations possibles, que nous pourrons préciser plus tard.
Premièrement, nous aimerions que les critères de l'AMT soient plus clairs et plus uniformes entre toutes les provinces et pour tous les employés de Service Canada qui s'en occupent. Il serait utile d'avoir un modèle standard.
La définition des « professions soumises à des pressions » n'est pas uniforme dans toutes les provinces, ce qui est aussi le cas du processus accéléré d'approbation des AMT par voie électronique. Nous constatons en particulier qu'il y a maintenant un processus accéléré en Alberta et en Colombie-Britannique pour la plupart des catégories d'employés dont nous avons besoin mais que ce n'est pas encore le cas en Saskatchewan et au Manitoba. En Saskatchewan, par exemple, la profession de découpeur de viande n'est pas considérée comme étant soumise à des pressions alors que les difficultés que nous rencontrons à ce chapitre y sont les mêmes qu'en Alberta ou au Manitoba.
Il devrait y avoir des niveaux de salaires publiés à l'avance pour les différentes professions, afin d'éviter des jugements relativement arbitraires à ce sujet. Bien que nous n'ayons pas de travailleurs étrangers au Québec, le gouvernement de la province a décidé que le secteur de la viande ne paye tout simplement pas des salaires adéquats et il lui a donc refusé toute chance de participer au programme, même s'il verse des salaires qui sont parmi les plus élever en Amérique du Nord dans le secteur de la viande. Nous faisons face a des problèmes similaires en Alberta.
Un employeur devrait avoir la possibilité de déplacer les travailleurs entre ses usines pour faire face à l'évolution de ses besoins si ces travailleurs sont prêts à déménager. En outre, un employeur ayant un AMT approuvé ne devrait pas être autorisé à faire du maraudage parmi les travailleurs étrangers d'un autre employeur qui a déployé beaucoup d'efforts et assumé beaucoup de dépenses pour les recruter. Or, nous commençons à voir ce genre d'activité.
Il devrait y avoir plus d'uniformité et de transparence au niveau provincial dans la définition des exigences minimum en matière de langue, d'éducation et d'expérience de travail — domaines dans lesquels il y a encore de les variations entre les divers programmes provinciaux. Il devrait aussi y avoir une politique nationale uniforme à l'égard des agents de recrutement, comme on vient de le mentionner. Nous appuyons l'initiative du Manitoba — destinée à mieux réglementer ce secteur — mais nous aimerions que les normes soient les mêmes dans tout le pays, ce qui appelle une certaine harmonisation.
Finalement, en ce qui concerne l'administration du programme, nous avons également constaté certaines améliorations, par exemple en ce qui concerne les connaissances, la compétence et l'efficacité des agents responsables. Cela dit, il y a encore des problèmes importants à régler, concernant notamment l'uniformité, la transparence et l'opportunité des processus d'examen et d'approbation de Service Canada et de RHDSC. Nous aimerions que les normes de services et les mesures de rendement soient plus claires.
Pour un grand employeur responsable comme Aliments Maple Leaf, il serait souhaitable qu'il puisse traiter en même temps les AMT et les demandes de permis de travail. Cela avait été annoncé en février 2007 par le ministre Solberg mais nous avons ensuite appris que cette mesure ne s'appliquait pas aux travailleurs non qualifiés parce qu'on craignait qu'ils soient obligés de payer pour obtenir un visa de travail et constatent ensuite que l'employeur s'est vu refuser son AMT. À notre avis, cette crainte ne vaut pas dans notre cas puisque que c'est notre entreprise qui paye tous ces frais. Il n'y a donc aucun risque que l'un de nos candidats perde de l'argent dans ce contexte.
Après quatre mois d'attente, nous avons reçu hier une lettre de RHDSC demandant des éclaircissements. La réponse renvoie à CIC. Encore une fois, le problème est que personne n'est vraiment responsable du dossier ni n'assume la responsabilité d'une réponse. Nous attendons de voir ce que CIC répondra.
Nous n'avons constaté aucune amélioration dans les communications entre les gestionnaires du programme et les ambassades canadiennes mais il se peut que cela s'améliore à l'avenir. Nous constatons que les agents de visa ne comprennent pas tous de la même manière les paramètres des annonces reliées au programme, ce qui fait qu'il n'y a pas d'uniformité dans les normes de service et le traitement des dossiers.
Finalement, nous sommes confrontés à un problème majeur en Alberta. Les retards que nous constatons dans l'approbation des AMT sont devenus inacceptables et nous causent beaucoup de difficultés. Nous faisons face à de sérieuses pénuries de main-d'oeuvre qui risquent de remettre en question la viabilité de certaines de nos opérations. Je le répète, les délais de réponse sont beaucoup trop longs. Nous avons présenté en novembre et en décembre des demandes pour lesquelles nous n'avons encore obtenu aucune réponse et le problème ne fait que s'aggraver.
Bonjour.
Dans mon poste d'agent de développement économique de la municipalité de Brandon, je collabore étroitement avec Aliments Maple Leaf depuis 10 ans. Je suis heureuse de pouvoir vous parler de l'étroite collaboration qui s'est établie au cours des années entre Aliments Maple Leaf, la municipalité et la population locale, ainsi que des avantages qu'en a retiré la région de Brandon.
Quand Aliments Maple Leaf a confirmé qu'elle allait aménager à Brandon une nouvelle usine de pointe pour la transformation de la viande de porc, fin 1997, les représentants de l'entreprise et de la municipalité ont promis de collaborer pour veiller à ce que cette initiative soit le plus bénéfique possible à la région. Deux mois après la décision de Aliments Maple Leaf, on annonçait la tenue d'une série de réunions avec la population de la région.
Cet engagement précoce et continu à l'égard de la communauté a permis de minimiser les effets négatifs qui découlent souvent de la croissance et de la diversification culturelle. L'engagement de la communauté a été le fruit de plusieurs mesures.
Comme je n'ai pas beaucoup de temps aujourd'hui, je ne mentionnerai que quelques méthodes que nous avons utilisées pour maintenir un dialogue ouvert avec la communauté. Il est cependant crucial de bien comprendre qu'aucune des méthodes dont je vais parler n'aurait été possible sans la collaboration et la relation ouverte qui existent entre la municipalité, Aliments Maple Leaf et la communauté.
On a d'abord commandé une étude d'incidence socio-économique pour aider la collectivité à comprendre les conséquences de l'arrivée de Aliments Maple Leaf et à s'y préparer. Cette étude a été mise à jour plusieurs fois au cours des années et tous les rapports sont disponibles en ligne.
On a établi très tôt dans le processus qu'il serait nécessaire d'obtenir de la main-d'oeuvre de l'extérieur de la région et, probablement, du pays. Chaque année, nous effectuons une analyse de l'offre et de la demande dans le secteur du logement à partir des projections de Maple Leaf, et elle est également disponible en ligne.
La municipalité tient une comptabilité chronologique de l'évolution du projet de Maple Leaf, qui est aussi disponible en ligne et contient des projections importantes sur le recrutement de travailleurs étrangers. En 2006, la municipalité et Aliments Maple Leaf ont rencontré plus de 40 organisations locales afin de bien cerner les conséquences de l'arrivée des travailleurs étrangers et de chercher des solutions pour atténuer les éventuels effets négatifs.
Les informations recueillies ont permis de planifier proactivement l'ajout d'une deuxième équipe de travail et l'arrivée de nouveaux travailleurs étrangers.
En 2007, nous avons mis sur pied un comité de planification proactive et de coordination des services d'établissement des immigrants, que je préside. Le comité a la chance de comprendre divers membres de la communauté, notamment des immigrants récents et d'autres qui sont établis dans la région depuis plusieurs années.
La municipalité a créé une base de données des organismes et des personnes souhaitant recevoir des mises à jour régulières sur les travailleurs étrangers devant arriver à Brandon et sur la mise en place de la deuxième équipe de travail. La liste ne cesse de s'allonger et ses membres reçoivent au minimum des mises à jour trimestrielles contenant des statistiques, des projections et des informations d'éducation.
Maple Leaf a mis sur pied des comités de liaison communautaire qui se consacrent aux questions de transport, de garde d'enfants, d'hébergement, d'éducation, de santé et d'installation dans la communauté. Cela garantit l'engagement de la communauté au niveau de la prestation des services et permet d'identifier les tendances et de dresser des plans pour éviter que certaines questions deviennent problématiques.
Maple Leaf a toujours été favorable à la participation de la communauté à ses sessions d'orientation des travailleurs étrangers et elle a toujours accepté de partager son programme d'orientation avec nous pour qu'il serve de modèle à nos propres activités d'accueil.
La municipalité de Brandon participe activement à des réunions avec les organismes de prestation de services pour assurer un partage régulier et opportun des informations. Bien souvent, les employés de la municipalité jouent alors le rôle d'intermédiaires de communication neutres entre Maple Leaf et la communauté.
Maple Leaf et Brandon participent activement à un projet de recherche de l'institut de développement rural sur la question des travailleurs étrangers temporaires. Ce projet s'avère un outil extrêmement important pour l'éducation de toutes les parties concernées.
Comme vient de le dire Rory, l'établissement des travailleurs étrangers et des membres de leurs familles au cours des trois dernières années a été une source de défis mais aussi de leçons pour Maple Leaf, les autorités municipales et la communauté. Cela nous a également beaucoup apporté et je ne saurais conclure sans mentionner certains des bienfaits que nous en avons retiré.
Depuis trois ans, Maple Leaf Pork arrive au premier rang des projets de développement économique les plus importants de Brandon dans une enquête annuelle sur les chefs d'entreprises.
Maple Leaf a joué le rôle de catalyseur de l'expansion démographique de Brandon. Pour la première fois depuis de nombreuses années, et contrairement à la tendance nationale, le nombre d'élèves inscrits dans les écoles de Brandon a augmenté en 2007.
Une enquête statistiquement valide menée récemment auprès des résidents a montré que 68 p. 100 estiment que l'arrivée d'immigrants à Brandon ces dernières années a rendu la collectivité plus intéressante et l'a enrichie sur le plan culturel, et 22 p. 100, que cela n'a pas eu d'impact. À mon avis, cela résulte des efforts déployés auprès de la communauté au sujet des travailleurs étrangers.
L'augmentation du nombre d'immigrants à Brandon a fini par donner à la collectivité la masse critique nécessaire pour qu'elle soit financée comme centre d'établissement des immigrants.
Je vous remercie de m'avoir permis de partager ces informations avec vous et je vous encourage vivement à formuler des politiques facilitant le recours des entreprises à la main-d'oeuvre étrangère, au lieu de l'entraver. Notre région a grandement profité de l'enrichissement culturel, de l'augmentation de la main-d'oeuvre disponible grâce à l'arrivée des membres des familles, de l'augmentation du nombre d'élèves dans les écoles et, bien sûr, de la croissance économique générale résultant de ce phénomène. Brandon et la région subiraient un dommage irréparable si Aliments Maple Leaf ne pouvait plus obtenir la main-d'oeuvre dont elle a besoin, ce qui mettrait en danger la continuation de ses activités locales.
Merci de votre attention.
Pendant que vous écoutez l'interprétation de mes propos, puisque c'est ma dernière intervention cette semaine, j'aimerais en profiter pour saluer le travail des gens qui ne seront pas de retour la semaine prochaine au comité.
Je pense d'abord à nos interprètes, Karine, Cécilia et David, qui font un travail formidable et qui sont, dans bien des cas, rien de moins que ma voix que vous entendez. Si je ne me trompe pas, il y a aussi Lynne, Sharron et Nardia, qui travaillent souvent dans l'ombre. Au comité, on connaît tous le travail fantastique qu'ils font et on sait à quel point c'est important, mais je tenais à ce que tout le monde sache que le Comité de la citoyenneté et de l'immigration, c'est beaucoup plus que quelques députés qui parlent. Ce sont aussi des gens qui travaillent fort et qui font un travail fantastique.
Je veux également remercier M. McAlpine d'avoir dit quelques phrases en français. C'est le premier témoin à l'avoir fait depuis le début de nos audiences. Je m'en rappellerai probablement la prochaine fois que j'irai à l'épicerie.
Par contre, concernant le point que vous avez soulevé au sujet de la situation au Québec, il aurait été pertinent de souligner qu'il y a eu des licenciements importants de travailleurs dans l'industrie de la viande. Dans ce contexte, prétendre qu'on a besoin de travailleurs étrangers pour combler une pénurie de main-d'oeuvre, alors qu'on ferme carrément des usines, me semble une position assez intenable. On ne peut expliquer la volonté d'employer des travailleurs étrangers dans ce domaine au Québec que par un désir de réduire les salaires. C'est complètement contraire à l'esprit du programme. Je tenais à apporter cette précision.
Je vais maintenant poser mes questions, puisque c'est là notre objectif.
Monsieur Ryan, j'ai écouté attentivement votre présentation. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il est important pour nous d'entendre une organisation qui représente rien de moins que l'ensemble des consultants en immigration au Canada.
Par quels moyens avez-vous fait valider la position que vous nous avez présentée aujourd'hui auprès des membres de votre organisme, pour vous assurer que ce que vous rapportez au comité est fondamentalement en accord avec ce que pensent les membres de votre organisme au Canada?
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Donc, c'est la logistique du comité qui ne permettait pas de tout faire à Toronto. On réglera cette question en comité plus tard.
Je voulais profiter du fait qu'on a à la fois des représentants des travailleurs et des représentants de l'industrie. Le comité devra faire des recommandations sur la façon de concilier la protection des travailleurs et les besoins des entreprises. Une des grandes problématiques auxquelles on fait face est le visa de travailleur temporaire qui est associé au nom d'une entreprise.
Supposons qu'une personne vienne travailler pour les Aliments Maple Leaf ou une autre compagnie. Si un travailleur a un employeur peu scrupuleux, ce dernier détient un pouvoir incroyable sur lui et peut l'exploiter en lui disant que s'il n'est pas content, il n'a qu'à retourner dans son pays. C'est un problème.
Certains ont suggéré qu'il fallait permettre aux employés de changer d'emploi en cours de route, comme n'importe quel citoyen canadien, afin d'éviter une telle situation d'exploitation. D'un autre côté, des entreprises nous ont dit qu'elles encouraient des frais pour faire venir ces travailleurs au pays, par exemple des frais de recrutement et de billets d'avion, etc.
En tant que comité, on devra trouver une position qui concilie les deux. On pourrait faciliter le transfert d'une personne d'une entreprise à une autre, dans le même domaine de travail, mais les frais encourus par l'entreprise seraient transférés à la nouvelle entreprise qui embaucherait cette personne.
Cela pourrait-il constituer une piste de solution intéressante, tant du point de vue des travailleurs que de celui des entreprises?
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Ce que je veux dire, et c'est un argument que je ne cesse d'avancer, c'est que nous avons créé une loi sur l'immigration dans laquelle les bureaucrates ont joué un tour au ministre, ce que les membres du comité avaient vu venir. Si vous consultez les comptes-rendus de l'époque, vous verrez que nous avions dit que ce système ne marcherait pas, mais cela ne les a pas empêchés de le mettre en place car, malheureusement, le ministre était à peu près aussi au courant de la question que le sont la plupart des ministres de la Citoyenneté et de l'Immigration, c'est-à-dire pratiquement pas.
Ce sont les bureaucrates qui gèrent le ministère. Comme ils ont éliminé la possibilité pour beaucoup de gens de venir alors que l'économie en a besoin, ils ont créé toute une catégorie souterraine de travailleurs sans papiers parce que c'est la seule manière pour les employeurs de les recruter. Si nous nous débarrassions des travailleurs sans papiers — je crois qu'il y en a entre 200 000 et 500 000, selon les estimations —, nous serions probablement dans une situation beaucoup plus difficile qu'aujourd'hui et l'Ontario tomberait sans doute rapidement en récession.
Ce dont je parle, c'est de la réponse des bureaucrates quant à à la régularisation des travailleurs sans papiers car nous ne devrions pas laisser entrer des gens qui trichent. Toutefois, la demande de main-d'oeuvre a créé une catégorie de travailleurs souterraine. C'est la demande et c'est contre cet état d'esprit qu'il faut lutter.
Hélas, dès qu'on commence à faire comprendre la situation au ministre, comme nous l'avions fait avec le dernier, Joe Volpe, nous avions une législation qui allait être proposée pour régulariser ces personnes... Si vous contribuez, que vous ne causez pas de problème et que vous avez une bonne mentalité, nous allons vous donner un permis pendant un certain nombre d'années, après quoi vous pourrez demander la résidence permanente.
Je vous remercie de vos réponses.
C'est ça le problème. Il faut assurer une surveillance politique de ce qui se passe dans le ministère où il y a un très mauvais état d'esprit et des résultats qui ne sont pas très bons.
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Ce sera plus que suffisant.
Je suis avocat dans le secteur de l'immigration depuis plus de 20 ans et je peux vous dire que la situation n'a jamais été pire qu'aujourd'hui en ce qui concerne les consultants en immigration.
Permettez-moi d'abord de définir les consultants en immigration. Il y a des consultants agréés, qui font partie de la Société canadienne de consultants en immigration, et ce ne sont pas eux qui m'intéressent aujourd'hui.
Mes remarques porteront essentiellement sur les consultants qui ne sont pas agréés ni réglementés. Ils opèrent essentiellement dans diverses communautés ethniques et ce sont eux qui commettent les abus les plus graves et les plus flagrants.
C'est devenu une épidémie et ça ne s'améliore pas. S'il y a une chose qui devrait ressortir de ces audiences, c'est la prise de conscience qu'il y a là un problème à régler.
Pour comprendre comment quelqu'un qui n'est pas agréé peut devenir consultant en immigration, il suffit d'ouvrir n'importe quel journal ethnique. On y trouve des annonces de gens qui offrent des services pour lesquels ils ne sont pas qualifiés. Je parle ici de la situation au Canada mais le problème est encore plus endémique à l'étranger car il n'existe en fait aucun mécanisme de surveillance efficace.
Permettez-moi de dire quelques mots de la Société canadienne de consultants en immigration. Je lui laisserai le soin d'expliquer son rôle lorsqu'elle viendra témoigner elle-même mais il est clair, comme ses représentants l'on dit tout à l'heure, que sa fonction ne consiste pas à s'occuper des consultants non agréés. Cela ne relève pas de sa compétence.
En outre, elle n'a même pas compétence à l'égard des consultants agréés — compétence que détient par exemple le Barreau à l'égard des avocats — et n'a pas le pouvoir de mettre fin à leurs agissements. Si un avocat enfreint le code de déontologie ou fait l'objet de plaintes, le Barreau — et cela vaut dans toutes les provinces — peut intervenir et le radier. C'est d'ailleurs déjà arrivé plusieurs fois au Manitoba et, dans au moins un cas, au sujet d'un avocat spécialisé en immigration.
Selon mes informations, la SCCI ne détient pas ce pouvoir. Elle a un pouvoir de réglementation et s'est dotée d'un mécanisme de réception des plaintes. Ou on lui donne les outils nécessaires pour agir ou on les confie à quelqu'un d'autre.
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Quand la SCCI a commencé à délivrer des licences aux consultants, ceux qui n'ont pas pu en obtenir sont devenus des agents de recrutement à l'étranger. Ils sont passés d'un secteur réglementé à un secteur non réglementé. Aujourd'hui, certains gouvernements provinciaux tentent de réagir.
Je ne suis pas ici pour régler tous les problèmes mais j'aimerais vous raconter une petite histoire qui vous donnera une meilleure idée de la situation. C'est peut-être typique.
Notre cabinet a été engagé par un client qui était venu au Canada avec un permis de travail. On lui avait promis un emploi pendant une certaine période, à un certain salaire, et on lui avait promis que sa famille pourrait le rejoindre. Évidemment, rien de tout cela ne s'est produit.
Ce qui a aggravé la situation c'est que, quand le consultant a tenté de l'amener à la frontière pour corriger le problème qu'il avait engendré, les services de l'immigration l'ont détenu et ont menacé de l'expulser. C'est seulement grâce à la coopération de l'ASFC, de CIC, de Service Canada et du programme de parrainage provincial que l'individu a pu rester, devenir résident permanent et faire venir sa famille.
Ce qui est tragique, dans ce cas particulier, c'est que l'épouse de cette personne, pendant tous ces événements, a été atteinte du cancer et était sur le point de mourir. Lui-même ne pouvait pas quitter le pays. Finalement, avec la coopération des services d'immigration, nous avons pu lui obtenir l'autorisation de retourner dans son pays et de passer au moins un mois avec son épouse puis de revenir avec ses enfants au Canada. Il s'agissait là d'une injustice réelle et viscérale.
Que pouvions-nous faire contre cet agent louche? La seule chose possible était de le poursuivre en justice pour récupérer les sommes qu'il avait touchées. Nous avons obtenu gain de cause mais il vient de se porter en appel.
Donc, ce recours autonome est très arbitraire car il ne fonctionne tout simplement pas. Comment pourriez-vous corriger la situation?
Ces gens-là sont connus. Ce n'est pas comme s'ils se cachaient. Les services d'immigration savent qui ils sont, tout comme les organismes de réglementation provinciaux et Service Canada. Il s'agit donc simplement de...
Au sujet des consultants de l'étranger, certains sont de véritables truands que nous ne pouvons absolument pas contrôler car ils ne mettent jamais les pieds au Canada. J'ai vu des publicités en Floride : « Nous pouvons vous faire entrer au Canada ». C'est absolument faux mais ils prennent l'argent et c'est un racket.
Cela dit, il me semble que plus les règles seront compliquées, plus nous offrirons aux consultants ou aux truands de possibilités d'exploiter ces personnes.
Le projet de loi va créer une situation intéressante car nous allons accorder encore plus de pouvoirs à la bureaucratie, si vous voulez, alors qu'elle a déjà ses propres problèmes, comme nous l'avons constaté au cours des années. Laissons de côté les consultants qui exploitent peut-être le système ou les individus, ce sont les gens recrutés localement, qui sont parfois des fonctionnaires, qui vont poser un problème.
Plus les règles sont compliquées, me semble-t-il, plus il devient difficile d'entrer dans le pays et plus les gens risquent de se faire exploiter. Donc, à mon avis, plus nous pourrons simplifier les choses, mieux cela vaudra.