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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie aussi le comité de son intérêt pour cette question très importante.
Comme vous l'avez mentionné, je m'appelle Micheline Aucoin et je suis directrice générale de la Direction générale des réfugiés de Citoyenneté et Immigration Canada.
Je suis accompagnée de Bruce Scoffield, directeur de la coordination des opérations de la Région internationale de CIC, de Catherine Godin, directrice du Groupe des affaires humanitaires et des interventions d'urgence au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, et de Françoise Ducros, directrice générale de la Direction générale pour l'Europe, le Moyen-Orient et le Maghreb de l'Agence canadienne de développement international.
Nous serons heureux de répondre ensemble à vos questions à la fin de la présentation.
Le gouvernement du Canada effectue un suivi constant des conditions de protection des réfugiés partout dans le monde, y compris de l'évolution de la situation des réfugiés en Irak, en consultation avec le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, le HCR.
Le Canada reconnaît la gravité de la situation en Irak et se préoccupe grandement du sort des quelque 2 millions d'Irakiens qui ont fui l'Irak pour se réfugier dans les pays voisins, et de celui des 2,4 millions d'autres personnes déplacées à l'intérieur du pays.
Les employés des bureaux locaux de CIC en Syrie, en Jordanie, au Liban et en Turquie côtoient régulièrement sur le terrain des réfugiés, des représentants d'organisations non gouvernementales et du HCR, ainsi que des fonctionnaires d'autres pays de rétablissement. Ils ont assisté en personne à l'évolution de la situation relative aux réfugiés et ont régulièrement fait rapport à ce sujet à l'administration centrale de CIC.
Au début du conflit, le HCR et les membres de la communauté internationale s'attendaient à ce que les personnes déplacées le soient de façon temporaire, et à ce que les Irakiens puissent quitter les pays voisins où ils s'étaient réfugiés et retourner chez eux dans un avenir assez rapproché.
Au fil du temps, le contexte de protection dans les pays de premier asile s'est détérioré et, à la fin de 2006, le HCR a commencé à identifier les personnes les plus vulnérables au sein de la population ainsi que les personnes ayant besoin d'être rétablies dans un tiers pays.
Des discussions entre les représentants de CIC et du HCR, tant dans les régions qu'à Genève, ont lieu de façon continue au sujet du rôle du rétablissement dans ce contexte de détérioration de la protection.
De plus, de hauts fonctionnaires de CIC se sont rendus en Syrie, en Jordanie et en Turquie plus tôt cette année afin d'examiner, de concert avec le HCR et des ONG, la meilleure manière dont le programme de rétablissement du Canada pourrait appuyer la stratégie du HCR en matière de rétablissement.
Nous avons mis en oeuvre des mesures à l'intérieur de nos cadres législatif, stratégique et budgétaire, afin de venir en aide aux Irakiens déplacés en raison de la situation et de les aider à se réétablir au Canada à titre de réfugiés ou, le cas échéant, à être admis au Canada au titre d'une autre catégorie d'immigrants.
Compte tenu de la gravité de la situation et afin d'accélérer les choses, le Canada a accepté que le processus de recommandation par le HCR soit simplifié pour la majorité des réfugiés irakiens. Les agents des visas canadiens à l'étranger continuent d'évaluer individuellement tous les cas de réfugiés qui leur sont recommandés, s'assurant que le demandeur satisfait à toutes les exigences relatives à la loi et à la sécurité, et que le rétablissement au Canada constitue vraiment l'option la plus logique et la plus appropriée pour lui ou elle et pour les membres de sa famille.
[Traduction]
Les membres du comité ont par ailleurs certainement entendu la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration annoncer récemment la mise en oeuvre de mesures visant à aider les familles touchées par la crise humanitaire en Irak. Elle a ordonné aux agents d'immigration de CIC de fournir leurs services en priorité aux Irakiens et aux ressortissants irakiens qui se sont réfugiés dans les pays voisins et qui ont de proches parents au Canada.
Notre bureau des visas à Damas donne la priorité aux demandes de résidence permanente présentées au titre de la catégorie du regroupement familial. Cette mesure s'appliquait déjà aux époux, aux conjoints de fait et aux partenaires conjugaux, ainsi qu'aux enfants à charge, et vient maintenant d'être étendue aux parents, aux grands-parents et à d'autres membres familiaux orphelins d'Irak parrainés par des citoyens et résidents permanents du Canada.
Notre centre de traitement des demandes de Mississauga examinera en outre de façon prioritaire l'admissibilité des citoyens et des résidents permanents du Canada qui souhaitent parrainer des Irakiens touchés par la guerre.
Monsieur le président, nos efforts en Irak ne datent pas d'hier. Le Canada a mis en place un programme de réétablissement actif pour les réfugiés irakiens qui ont cherché asile dans les pays voisins. Par l'intermédiaire de son programme de réétablissement de réfugiés, le Canada a réétabli près de 3 000 Irakiens entre 2002 et 2006.
En 2007, l'objectif de CIC en matière de réétablissement pour le Moyen-Orient était de 2 140 réfugiés, dont 1 150 réfugiés pris en charge par le gouvernement (RPG) et 990 réfugiés parrainés par le secteur privé (RPSP).
En réponse à un appel à l'aide des pays qui accueillent actuellement des réfugiés irakiens, le Canada a annoncé en avril dernier qu'il accepterait jusqu'à 500 recommandations de plus cette année par le HCR de réfugiés irakiens.
Nous nous attendons à ce que plus de 2 000 Irakiens soient arrivés au Canada d'ici la fin de l'année en cours. Ce chiffre comprend des Irakiens qui ont présenté une demande au titre des catégories du regroupement familial, des réfugiés et des travailleurs qualifiés.
En réaction à la situation actuelle en Irak, nous augmentons de façon considérable notre objectif de 2008 en matière de réétablissement pour le Moyen-Orient, qui sera dorénavant de 3 350 personnes, dont 2 080 réfugiés pris en charge par le gouvernement et 1 270 réfugiés parrainés par le secteur privé. Nous allouerons presque 30 p. 100 du nombre total de places de réétablissement disponibles — dans le cadre de nos programmes des réfugiés pris en charge par le gouvernement et des réfugiés parrainés par le secteur privé — à des Irakiens et à d'autres réfugiés déplacés par la guerre.
Compte tenu de l'envergure du déplacement et de ses répercussions sur les pays voisins, il est important que les membres de la communauté internationale participent aux efforts de réétablissement. CIC continuera de collaborer avec la communauté internationale afin de trouver des solutions à long terme pour les réfugiés.
Il faut toutefois signaler que le Canada a un programme de réétablissement à l'échelle mondiale qui a permis, rien qu'en 2006, le réétablissement de réfugiés de plus de 70 nationalités. Or, avec un total de 100 000 places de réétablissement disponibles pour l'ensemble du monde, le réétablissement ne peut représenter une solution que pour une petite partie des réfugiés. C'est pourquoi nous sommes ouverts aux suggestions du comité quant aux mesures supplémentaires que le Canada pourrait prendre afin de remédier à cette situation et à d'autres situations concernant les réfugiés.
Bien entendu, le réétablissement n'est pas la seule façon dont le Canada peut fournir de l'aide aux réfugiés irakiens. L'Agence canadienne de développement international (ACDI) soutient les efforts de reconstruction et d'aide humanitaire dans la région, et répond à des appels de financement lancés par le HCR et autres organismes.
Nous continuerons de surveiller étroitement la situation et nous étudierons d'autres options permettant de répondre encore davantage aux besoins du HCR en matière de réétablissement en ce qui concerne les Irakiens en 2008 et au cours des années qui suivront.
Je vous remercie, monsieur le président. Nous serons maintenant heureux de répondre aux questions des membres du comité.
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Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis très heureux d'avoir cette occasion de m'adresser à votre comité aujourd'hui.
Il est approprié, pour ne pas dire tragique et même ironique, que nous nous réunissions le lendemain de la journée des droits de l'homme, qui marquait hier le 59e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Évidemment, la très triste situation est que, compte tenu la violence générale et continue qui déchire l'Irak depuis quatre ans et demi, une crise extraordinaire de déplacement de la population a vu le jour, une crise qui a mené à des violations massives de nombre de droits enchâssés dans cette déclaration.
Les chiffres, et je sais que vous les connaissez, sont absolument renversants: environ 4,2 millions d'Irakiens déplacés, 2,2 millions d'entre eux en Irak même; au moins 2 millions d'Irakiens se trouvent dans les pays voisins, la grande majorité en Syrie et en Jordanie. Au moins 1,4 million de réfugiés irakiens sont en Syrie. Certains rapports semblent indiquer qu'à la fin septembre, ce chiffre pourrait être passé à 2 millions d'Irakiens, et entre 500 000 et 750 000 réfugiés irakiens seraient en Jordanie.
La Syrie et la Jordanie assument certainement la plus grande part des répercussions de la situation, mais ils ne font pas cavalier seul. Par exemple, on retrouve quelque 50 000 réfugiés irakiens au Liban, où l'on s'inquiète de plus en plus de la situation, car un nombre toujours croissant d'entre eux sont arrêtés et envoyés en prison simplement parce qu'ils n'ont pas les documents pertinents pour justifier leur présence au Liban.
Pour vous donner une idée de la situation, cela représente environ 7 p. 100 de la population de la Syrie et 10 p. 100 de la population de la Jordanie. C'est comme si le Canada accueillait entre 2,2 et 3,3 millions de réfugiés.
La Syrie a maintenant pris des mesures pour endiguer l'entrée de réfugiés. Le 10 septembre, la Syrie a décidé que les Irakiens devraient détenir un visa. À la suite de cette annonce, le nombre de réfugiés irakiens traversant la frontière pour aller en Syrie est passé d'environ 2 000 par jour à une centaine environ plus récemment.
La volonté de la Syrie et de la Jordanie d'accueillir un tel influx de réfugiés mérite des éloges et, en fait, représente un contraste frappant avec l'attitude des autres voisins de l'Irak, notamment l'Arabie saoudite qui a fermé ses frontières aux réfugiés irakiens et qui a annoncé qu'elle avait l'intention de construire un mur le long de cette frontière. Les forces de sécurité de ce pays sont déployées tout le long de la frontière afin d'intercepter ceux qui cherchent à entrer dans le pays.
Qui sont les réfugiés? On retrouve dans ce groupe un nombre beaucoup trop élevé de minorités religieuses non musulmanes, y compris des Chrétiens et les membres de la religion sabéenne/mandéenne. On y retrouve également un grand nombre de musulmans sunnites qui ont fui les quartiers à majorité chiite de Bagdad. Il ne faut absolument pas oublier le sort des réfugiés palestiniens d'Irak, qui ont été ciblés sans relâche lors des combats et par des violations des droits de la personne dans le pays. Quelque 15 000 Palestiniens sont toujours en Irak et environ 2 000 d'entre eux vivent dans des conditions fort précaires dans des camps improvisés le long de la frontière entre l'Irak et la Syrie.
Mes collègues, des délégués d'Amnistie internationale, se sont rendus en Syrie et en Jordanie en mission de recherche à trois reprises cette année pour procéder à des entrevues auprès de réfugiés irakiens. La violence et les violations des droits de la personne les ont forcés à quitter l'Irak. Leurs récits sont déchirants. J'aimerais vous donner deux brefs exemples.
AA, un commerçant de 45 ans, a été kidnappé par des hommes armés en tenue civile le 23 novembre 2006. Pendant ses quatre journées de captivité, il a été torturé à plusieurs reprises. On l'a par exemple battu avec un bâton et un câble sur diverses parties de son corps, on lui a administré des chocs électriques aux oreilles, et on a percé des trous dans sa jambe droite. On lui a tailladé le dos avec un couteau à des douzaines de reprises. Ses cicatrices étaient toujours visibles lorsque les délégués d'Amnistie internationale l'ont rencontré environ sept mois après cet incident.
En octobre 2005, quatre hommes masqués et armés sont entrés de force dans la maison d'une famille sabéenne/mandéenne à Bagdad. Les enfants et le père ont été battus et enchaînés et leur mère, qui était alors enceinte de cinq mois, a été amenée de force dans une autre pièce. Un des hommes lui a donné un coup de pied dans le ventre et a brûlé son bras gauche avec une cigarette, puis l'a violée. L'homme savait qu'elle était sabéenne/mandéenne et lui a dit qu'il voulait qu'elle perde son bébé. Elle s'est évanouie. Lorsqu'elle a repris conscience, elle était à l'hôpital et a appris qu'elle avait perdu son bébé en raison des blessures qu'elle avait subies pendant cette attaque. La famille s'est enfuie en Syrie. Vingt mois plus tard, lorsque les représentants d'Amnistie internationale l'ont rencontrée, elle recevait toujours à intervalles réguliers des traitements médicaux et les brûlures au bras étaient toujours visibles.
Il ne s'agit là que de deux anecdotes parmi d'innombrables autres.
Qu'en est-il des défis et des difficultés que vivent les réfugiés lorsqu'ils ont trouvé refuge dans les pays voisins? Un des gros problèmes touche l'entrée dans le pays en question et la situation des réfugiés au regard de la loi.
Jusqu'à la fin de 2006, les Irakiens qui entraient en Syrie obtenaient un visa de trois mois qui pouvait être renouvelé pour une autre période de trois mois dans un bureau du service des passeports en Syrie. Cette procédure a toutefois été changée au début de 2007; les autorités syrienne ayant ramené de trois à un mois la durée du visa initial qui ne peut désormais être renouvelé que pour deux mois. Les réfugiés doivent alors quitter la Syrie et obtenir à nouveau un visa d'un mois, relançant tout le processus. La grande majorité des réfugiés ne renouvellent pas leur visa, car ils craignent, et c'est compréhensible, ce qui pourrait leur arriver s'ils retournaient ne serait-ce que brièvement en Irak. Ils décident alors de demeurer en Syrie sans documents pertinents.
La Jordanie n'exige pas encore de visa, mais les choses devraient changer sous peu. Aux termes de la loi jordanienne, seuls les Irakiens qui résident en Jordanie, ou un nombre limité de personnes se trouvant dans des circonstances prescrites par la loi, peuvent entrer en Jordanie. Encore une fois, la grande majorité des Irakiens qui sont en Jordanie n'ont aucun statut officiel, et craignent sans cesse d'être arrêtés et déportés.
De plus, certains Irakiens ont été renvoyés dans leur pays contre leur gré, et des responsables syriens l'ont reconnu lorsqu'ils ont rencontré les représentants d'Amnistie Internationale. Il semblerait qu'ils ont été renvoyés contre leur gré parce qu'ils étaient accusés d'infractions pénales. Cependant, nous craignons, comme l'indiquent nos recherches, que nombre d'Irakiens ont été renvoyés contre leur gré en Irak simplement parce qu'ils n'étaient pas d'accord, par exemple, avec un employeur, un collègue de travail, un propriétaire ou d'autres Syriens. Nous avons également constaté qu'un grand nombre d'Irakiens sont contraints par les responsables syriens à verser des pots-de-vin lorsque ces derniers constatent qu'ils n'ont pas de permis officiel de résidence.
Des Irakiens ont également été renvoyés dans leur pays à partir de la Jordanie. Il y a eu un rapport plutôt troublant concernant un groupe de six ou sept Irakiens qui auraient été refoulés vers l'Irak au poste frontière de Treibeel entre l'Irak et la Jordanie en décembre 2006. Leur véhicule aurait ensuite été intercepté par des insurgés qui les auraient tous décapités, sauf un.
Une autre question nous préoccupe soit l'accès à la nourriture, au logement et à l'emploi. Le tampon apposé sur les passeports des Irakiens quand ils franchissent la frontière et entrent en Syrie leur interdit de travailler. Un nombre croissant d'organismes de bienfaisance et d'organismes des Nations Unies leur offrent de l'aide, mais nombre de familles de réfugiés ont dit aux représentants d'Amnistie Internationale qu'ils avaient dû se passer de nourriture pendant de longues périodes. Ainsi, de nombreux Irakiens travaillent illégalement et constituent une main-d'oeuvre bon marché pour les employeurs locaux.
En Syrie et en Jordanie, on se préoccupe du nombre croissant de réfugiées irakiennes qui se livrent à la prostitution. Certaines familles irakiennes auraient contraint les femmes et les jeunes filles à la prostitution pour subvenir à leurs besoins quotidiens.
Mentionnons également l'éducation. Rien n'empêche apparemment les enfants irakiens d'aller à l'école en Syrie, mais tout au plus 70 000 d'entre eux fréquentent l'école. C'est un chiffre très bas compte tenu du très grand nombre d'enfants irakiens qui vivent en Syrie. Le problème pourrait être attribuable aux installations; les écoles actuelles sont trop achalandées. Le HCR construit six nouvelles écoles à Damas. Le gouvernement syrien juge qu'il faudrait au moins 91 nouvelles écoles.
En Jordanie, l'accès à l'éducation est très limité. Les choses ont changé il y a environ trois mois quand le gouvernement a annoncé que les enfants irakiens réfugiés pourraient fréquenter l'école publique. Environ 25 000 enfants sont aujourd'hui inscrits, mais même avec les nouvelles installations construites en Syrie et un meilleur accès offert en Jordanie, la majorité des enfants irakiens ne seront pas scolarisés. Les familles craignent qu'elles pourraient être arrêtées et déportées. Le HCR et nombre d'autres organisations ont fait état du problème, car il pourrait y avoir des centaines de milliers d'enfants réfugiés irakiens marginalisés qui n'auront aucune éducation.
Parlons maintenant des engagements de la communauté internationale. Le fait est que la crise dépasse de beaucoup la capacité des pays voisins d'aider et d'absorber les réfugiés. Les agences des Nations Unies sont surexploitées et la réponse de la communauté internationale, incluant le Canada, à une crise humanitaire qui, en fait, a été provoquée par un conflit armé international, a été, c'est le moins qu'on puisse dire, parfaitement inadéquate.
La demande de financement du HCR a reçu une assez bonne réponse quoi que des lacunes subsistent. Il importe de noter cependant que seul un petit pourcentage de réfugiés se sont inscrits auprès du HCR en Syrie et en Jordanie et auront donc ainsi accès à cette aide. Seuls 125 000 réfugiés en Syrie, par exemple, se sont inscrits; cela ne représente que 10 p. 100 de la population de réfugiés qui vivraient dans ce pays.
La Syrie et la Jordanie jugent qu'offrir la protection appropriée et les services pertinents aux réfugiés qu'ils ont accueillis s'élève à près d'un milliard de dollars pour chaque pays. Ils ont tous deux reçu très peu d'aide financière — en fait, pratiquement rien.
Outre l'argent, bien entendu, nous nous préoccupons de plus en plus du manque de participation des gouvernements étrangers aux possibilités de réinstallation offertes aux réfugiés qui en ont besoin. Dans le cadre d'une telle crise, la réinstallation ne sera nécessaire ou adéquate que pour un petit pourcentage des réfugiés. La plupart ne veulent pas d'une réinstallation. Ils souhaitent plutôt être en mesure de retourner chez eux. Pourtant, en dépit du rôle limité mais essentiel des réinstallations dans la protection des réfugiés, un nombre terriblement peu élevé d'Irakiens se réinstallent; jusqu'à tout récemment, ce chiffre diminuait plutôt qu'il augmentIT.
Par exemple, l'UNHCR a signalé que 1 425 Irakiens référés par l'UNHCR pour une réinstallation ont été acceptés en 2003, et que ce nombre avait diminué pour n'atteindre que 404 en 2006. Mes collègues du Conseil canadien pour les réfugiés vous parleront davantage du rôle du Canada.
Enfin, permettez-moi de parler brièvement du troisième aspect de la réponse mondiale à la question des réfugiés irakiens. J'ai parlé d'argent. J'ai parlé de réinstallation. Qu'en est-il du traitement des Irakiens qui réussissent à se rendre en Europe et en Amérique du Nord et qui présentent des demandes de statut de réfugié par eux-mêmes dans ces pays?
La réponse n'est pas vraiment plus généreuse. S'il est vrai que les réfugiés irakiens au Canada profitent d'un moratoire sur leur déportation vers l'Irak, les réfugiés dans les autres pays n'ont pas la même chance. De nombreux États européens, y compris le Royaume-Uni et les Pays-Bas, ont renvoyé des Irakiens dans le nord de l'Irak et, dans certains cas, dans le sud et dans le centre de l'Irak.
Que faut-il faire, alors?
Manifestement, il est crucial et très urgent de prendre des mesures massives dans le domaine des droits de la personne à l'échelle mondiale pour aider les réfugiés irakiens. Ce plan doit comporter les garanties suivantes: premièrement, que les efforts multilatéraux et ceux des ONG visant à aider les réfugiés irakiens de même que les Irakiens déplacés bénéficient d'un financement adéquat et prolongé; deuxièmement, que les États voisins, en particulier la Syrie et la Jordanie, reçoivent le soutien financier nécessaire pour qu'ils puissent fournir la protection et l'aide requises; troisièmement, que des possibilités de réinstallation plus généreuses soient offertes aux Irakiens vulnérables qui ne sont ni en sécurité ni adéquatement protégés dans la région, afin qu'ils puissent se rendre dans d'autres pays; et quatrièmement, qu'il y ait un engagement commun de tous les pays de la région et du monde en vue d'empêcher les retours forcés en Irak.
Le Canada peut et doit jouer un rôle de chef de file pour veiller à ce qu'un tel plan d'action soit adopté le plus rapidement possible.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, mesdames et messieurs.
Je m'appelle Liz McWeeny et je suis présidente du Conseil canadien pour les réfugiés. J'ai 25 ans d'expérience de travail dans le cadre du Programme canadien de réinstallation humanitaire, qui comprend le programme de parrainage privé des réfugiés.
Le CCR est une coalition qui chapeaute plus de 180 organisations membres qui s'emploient à travailler pour les droits et la protection des réfugiés, tant au Canada qu'à l'étranger. Depuis un certain temps, nous sommes profondément inquiets de la situation désespérée des Irakiens qui ont quitté l'Irak pour s'établir dans des pays voisins et de ceux qui demeurent coincés dans les régions frontalières de la Syrie et de la Jordanie.
En septembre et en octobre, j'ai assisté à la réunion annuelle du Groupe consultatif ONG-HCR à Genève; j'ai également assisté aux séances du Comité exécutif de l'UNHCR, où la crise en Irak a fait l'objet de nombreuses discussions.
La crise qui touche des millions d'Irakiens est plus grave encore que tout ce que nous avons vu ces dernières années, et constitue à l'heure actuelle le plus grand déplacement forcé de réfugiés urbains. Il faut savoir que, pour la plupart, il s'agit de réfugiés urbains et que la majorité d'entre eux ne sont pas dans des camps.
Cette situation menace la stabilité des pays hôtes, en particulier la Syrie et la Jordanie dont la population a augmenté de plus de 2,2 millions de personnes. Le très grand nombre de réfugiés exerce des pressions énormes sur les pays hôtes et, du même souffle, sur la région entière. Imaginons, par exemple, une ville de la taille de Montréal qui reçoit plus d'un million de réfugiés. C'est la situation qui prévaut à Damas.
Lors des réunions internationales à Genève, il est devenu évident qu'une seule réponse ne serait pas suffisante et qu'il fallait trouver une réponse mondiale détaillée traduisant l'ampleur du problème afin d'éviter une crise humanitaire sur une très grande échelle. Jusqu'à maintenant, la participation de la communauté internationale a été assez généreuse, mais ce n'est pas suffisant pour même commencer à combler les besoins.
Récemment, en consultation avec les membres de la collectivité irakienne du Canada, nous avons élaboré un document intitulé: La crise des réfugiés irakiens: Appel au renforcement de la réponse canadienne, dont vous avez une copie devant vous.
Ce document fournit un cadre de travail portant sur une série d'initiatives canadiennes faisant appel tant au gouvernement qu'à la société civile. Je souhaite attirer votre attention en particulier sur les points 3, 4, 5, 6 et 8, qui portent sur la nécessité de trouver des lieux de réinstallation additionnels afin de protéger les plus vulnérables, et incitent la Syrie et la Jordanie à maintenir leur niveau d'accueil.
Le Canada a une excellente réputation au sein de la communauté internationale, et tout spécialement pour ce qui est des questions touchant les réfugiés; nous pouvons être fiers de cette réputation. Les autres pays respectent énormément notre rôle de chef de file dans le partage des responsabilités internationales, et cette crise touchant les Irakiens ne devrait pas faire exception.
Les Canadiens ont toujours joué un rôle important dans la réaction du Canada face aux réfugiés. Nous sommes ici aujourd'hui pour vous indiquer que la population nous fait part de son désir, dans de nombreuses régions du Canada, de contribuer à une réponse généreuse pour les réfugiés irakiens.
Le CCR vous exhorte aussi vigoureusement que possible à envisager la mise en oeuvre de la stratégie que vous avez devant vous. Grâce à sa générosité et à ses initiatives nationales et internationales, le Canada pourrait et devrait exercer son rôle de chef de file en donnant l'exemple aux autres pays afin de leur donner la confiance nécessaire pour participer aux initiatives.
J'invite maintenant ma collègue, Glynis Williams, à vous parler de ses expériences et à vous fournir des renseignements supplémentaires.
Merci à vous, monsieur le président, et aux membres du comité.
Nous nous adressons au comité pour parler de la situation tragique des réfugiés irakiens. Depuis plus de 20 ans, je travaille pour le programme de parrainage privé des réfugiés et aussi avec les demandeurs d'asile ici au Canada.
L'organisation pour laquelle je travaille, Action Réfugiés Montréal, est un membre actif du Conseil canadien pour les réfugiés. Entre mars et juillet, j'étais déployée à Damas, en Syrie, avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Mon travail consistait principalement à interroger des réfugiés irakiens dont la demande de réinstallation était à l'étude et à remplir les formulaires de réinstallation au Canada, aux États-Unis et dans d'autres pays. Pendant cette période, j'ai interrogé près de 100 familles ou individus, pour un total de plus de 300 personnes.
Comme membres du comité, vous deviendrez sans doute quelque peu hébétés à force d'entendre et de lire les nombres impressionnants d'Irakiens qui doivent fuir, et particulièrement les situations qu'ils ont fuies, mais les statistiques ne disent rien des souffrances énormes que bon nombre d'entre eux ont enduré. Aujourd'hui, je peux relater les histoires constantes de violence à la fois ciblée et généralisée que j'ai entendues dans la salle d'entrevue. De nombreuses personnes se trouvent dans des pays voisins comme la Jordanie le Liban et la Syrie depuis de nombreuses années déjà. Il est difficile de réaliser que certains attendent déjà depuis cinq ans que nous ouvrions les yeux sur cette catastrophe. L'UNHCR et les gouvernements espéraient que les conditions s'amélioreraient et que les gens pourraient finir par retourner chez eux. Pendant ce temps, on leur a offert très peu de soutien matériel et, comme vous l'avez déjà entendu, le nombre de réinstallations a été très peu élevé.
Au printemps, 2 000 personnes traversaient la frontière vers la Syrie chaque jour, et la plupart d'entre eux se présentaient à Damas. Il n'y a pas de camps de réfugiés, sauf pour les Palestiniens, de sorte que les infrastructures courantes doivent absorber tous ces nouveaux arrivants. Il s'agit d'un défi de taille pour une nation développée, mais pour un pays pauvre, c'est insurmontable. La plupart de ces personnes souffrent de traumatisme grave en raison des circonstances qui les ont forcées à quitter l'Irak, ce qui ajoute aux difficultés.
Permettez-moi de vous rapporter quelques observations formulées par ceux avec qui j'ai discuté.
Les Irakiens qui vivent en Syrie et en Jordanie n'ont pas le droit de travailler, et ce, même s'ils étaient en mesure de trouver un emploi, de sorte que la plupart d'entre eux survivent depuis des années grâce à des économies qui s'épuisent rapidement. Il semble que la pauvreté extrême force des femmes et des jeunes filles à se prostituer ou à se soumettre à d'autres formes d'exploitation. Des jeunes enfants sont obligés de travailler et reçoivent très peu d'argent en retour. Les hommes craignent d'être arrêtés par la police et déportés s'ils sont interceptés dans la rue ou qu'on les découvre en train de travailler illégalement, de sorte qu'ils se voient dans l'obligation d'envoyer leurs enfants au travail.
Autre fait déroutant: certains Irakiens qui demeurent en Irak envoient de l'argent aux membres de leur famille qui vivent dans des pays voisins, alors qu'ils restent souvent en Irak au péril de leur propre vie.
Les Irakiens tiennent beaucoup à l'éducation et laissent parfois leurs enfants derrière de façon temporaire, en Irak, pour qu'ils puissent passer leurs examens de dernière année. Comme vous le savez, l'UNHCR a lancé une demande de fonds pour encourager et aider les enfants à aller à l'école. Peut-être verrons-nous alors davantage d'enfants dans les écoles, mais nous continuerons de faire face au même problème, c'est-à-dire la crainte d'être découvert et déporté.
Selon un rapport de Vision mondiale sur les enfants réfugiés irakiens vivant en Jordanie, 39 p. 100 ont été victimes de violence ou en ont été témoins dans leur famille immédiate. Pour les enfants, aller à l'école constitue une thérapie. Cela crée une routine dans leur jeune vie et la rend plus normale. Il est essentiel d'appuyer l'éducation.
La fermeture des frontières de la Syrie et de la Jordanie a pour effet d'emprisonner les gens en Irak, et plus particulièrement ceux qui souhaitent s'enfuir. La Syrie et la Jordanie ont fermé leurs frontières en raison du soutien insuffisant de la communauté internationale.
Des 90 000 Irakiens qui étaient inscrits auprès de l'UNHCR en Syrie lorsque je suis partie en juillet, 10 000 — j'ai bien dit 10 000 — souffraient du cancer. Un trop grand nombre de ces 10 000 personnes sont des enfants. J'en suis venue à croire que la seule chose qui est pire que d'être un réfugié est d'être un réfugié avec des besoins médicaux.
Les enlèvements en vue d'obtenir des rançons constituent une industrie en pleine croissance, et les sommes d'argent exigées sont astronomiques. Même si la rançon est versée, il se peut que l'enfant ou l'adulte soit tout de même tué. Un enfant nous a dit qu'il avait été détenu avec 10 autres enfants dans une pièce et qu'ils avaient tous les yeux bandés et les mains liées. Un enlèvement peut durer de quelques heures à plusieurs semaines. Certaines des victimes sont assassinées. Parfois, on ne retrouve jamais les corps.
Comme Alex Neve vient de l'indiquer dans l'un de ses récits touchants, la violence dont souffrent certaines personnes est absolument horrible. La perceuse électrique est l'outil de choix de l'une des milices. C'est ainsi qu'ont été percés les trous dans la jambe droite de l'homme dont il a parlé.
Les groupes religieux minoritaires comme les chrétiens, les Mandéens, les Sabéens, les Yazidis et les Palestiniens sont particulièrement vulnérables, et l'Irak ne compte que très peu d'endroits sécuritaires où ils peuvent fuir.
Les camps de réfugiés où les Palestiniens sont détenus dans les régions frontalières ne sont pas sécuritaires et les conditions sont inhumaines. Au cours des 18 derniers mois, sept personnes sont décédées dans le camp Al Waleed, et deux enfants sont morts au cours des dernières semaines. Un enfant est mort de rachitisme, une carence en vitamines. Pour les Palestiniens, la situation est désespérée.
Le Canada pourrait faire beaucoup plus. Le CCR exhorte les membres du comité à suivre les propositions énumérées dans notre plaidoyer en faveur d'une plus grande réaction à la crise irakienne. Il est temps que nous réagissions, et nous vous remercions de nous avoir donné la possibilité de nous exprimer.
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Merci, monsieur le président.
Le Canada a une longue tradition d'aide aux réfugiés et nous devrions continuer dans cette voie. En même temps, nous devons examiner attentivement la portée et le coût de l'aide que nous offrons et déterminer la façon la plus efficace d'utiliser nos ressources.
Par conséquent, avant de faire des recommandations spécifiques sur la façon dont nous pourrions aider les réfugiés irakiens, je veux jeter un coup d'oeil rapide à ce que nous faisons en général pour les réfugiés. Une bonne partie de nos dépenses dans ce domaine vont à la réinstallation au Canada d'environ 10 000 personnes par an qui viennent de l'étranger, dans la plupart des cas, avec l'aide du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, particulièrement au niveau du processus de sélection. Cependant beaucoup plus de ressources sont utilisées pour le traitement et le soutien des gens qui arrivent au Canada et présentent une demande d'asile.
John Manion, un haut fonctionnaire distingué, qui a occupé les postes de sous-ministre de l'Immigration, de secrétaire du Conseil du Trésor et de greffier adjoint du Conseil privé et qui devrait par conséquent savoir de quoi il parle, a déclaré dans son témoignage devant un comité sénatorial en 2001 qu'à son avis le système de réfugiés utilisait la majeure partie des 4 milliards de dollars que le gouvernement canadien dépense, selon son estimation, chaque année pour les programmes d'immigration et de réfugiés. Environ 98 à 99 p. 100 de tout l'argent que nous dépensons pour les réfugiés dans le monde sert à réétablir les réfugiés à partir de l'étranger et ceux dont la demande d'asile a été acceptée au Canada — et il y en avait 32 000 en 2006, sans compter 10 000 autres réfugiés qui ont été acceptés pour des raisons d'ordre humanitaire.
Il y a cependant cent fois plus de réfugiés, de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays et de personnes du ressort de l'UNHCR qui sont à l'étranger. En 2006, il y en avait plus de 30 millions, notamment 9,9 millions de réfugiés et 12,8 millions de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. Pourtant, je crois que la contribution du Canada était de moins de 40 millions de dollars en 2006 pour prendre soin de ces personnes. Cela représente moins de 2 $ par personne. Vous vous demandez peut-être pourquoi il y a un tel déséquilibre. Pourquoi nous dépensons tellement d'argent pour le pourcentage relativement peu élevé de gens que nous faisons venir au Canada ou dont la demande d'asile est acceptée ici, et pourquoi notre contribution est si peu élevée en ce qui concerne les millions de réfugiés qui se trouvent dans des camps à l'étranger. Il y a sans doute de nombreuses raisons; je vais en mentionner deux.
Premièrement, lorsque les groupes de soutien des réfugiés se développent, bon nombre d'entre eux visent principalement à aider les réfugiés à s'établir au Canada. On a fait beaucoup de recherche à ce sujet aux États-Unis, mais pas au Canada. Un article intéressant intitulé « Show Me the Money » a été publié en 1999 par le Centre for Immigration Studies. Cet article décrit comment les ONG aux États-Unis commencent par aider bénévolement des parents réfugiés à se réinstaller. Ensuite, particulièrement après l'adoption de la Loi de 1980 sur les réfugiés aux États-Unis, le gouvernement américain a commencé à financer ces organisations, et celles-ci à leur tour ont commencé à exercer des pressions sur leur gouvernement pour qu'il accepte un plus grand nombre de réfugiés de l'étranger afin de s'assurer qu'elles, les ONG, avaient suffisamment de réfugiés pour justifier les fonds qu'elles recevaient et pour pouvoir garder leur personnel. La situation aux États-Unis est sans doute comparable à celle que nous connaissons au Canada.
Au début, lorsque nous avons commencé à accepter des réfugiés en grand nombre après la Seconde Guerre mondiale, nous réagissions essentiellement à des crises spécifiques. Par exemple, la Révolution hongroise de 1956 et les Asiatiques du sud qui ont dû quitter l'Ouganda au début des années 1970. Nous avons cependant par la suite fixé des objectifs annuels pour les réfugiés établis au Canada, qu'il y ait ou non une crise particulière. Cette décision a sans aucun doute été bien accueillies par les agences de réfugiés qui voulaient être assurées de la continuité de la prévisibilité du financement du gouvernement. Cela explique pourquoi bon nombre d'organisations qui sont loin de s'opposer à ce qu'on aide les réfugiés à l'étranger ont un intérêt évident à dire qu'un nombre considérable de réfugiés sont réétablis au Canada.
Un autre élément qui joue sans doute un rôle dans le montant disproportionné d'argent que nous dépensons pour les réfugiés au Canada, c'est qu'il est toujours satisfaisant de voir et de connaître ceux que nous aidons. C'est une raison que l'on peut comprendre du point de vue humanitaire, mais il est cependant ni raisonnable ni équitable que nous dépensions des montants si considérables pour un pourcentage relativement peu élevé de ceux que nous devons aider et que nous dépensions si peu par rapport à tous ceux qui sont à l'étranger.
J'aimerais faire quelques propositions. Premièrement, nous devrions accorder la plupart de notre aide aux réfugiés irakiens, à ceux qui se trouvent dans des pays voisins comme la Jordanie et la Syrie et aux personnes déplacées dans leur propre pays, en Irak, et dont l'UNHCR estime qu'ils ont besoin d'aide. Chaque dollar sera beaucoup mieux dépensé s'il est utilisé pour aider ces nombreux réfugiés plutôt qu'un pourcentage relativement peu élevé de réfugiés qui pourraient être réétablis au Canada.
Deuxièmement, ceux que nous faisons venir ici — je crois que nous avons déjà accepté d'en prendre 1 400 — devraient être inclus dans les objectifs annuels du gouvernement qui, pour 2008 sont de 7 300 à 7 500 réfugiés aidés par le gouvernement et de 3 300 à 4 500 réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé. Comme je l'ai mentionné, les objectifs annuels ont été fixés pour assurer un degré de continuité de prévisibilité à des fins de planification.
Il n'y a cependant aucune raison d'ajouter le nombre de réfugiés en provenance d'Irak que nous réinstallons aux objectifs qui ont été annoncés. Je recommande qu'on les y inclus. Ceux que nous faisons venir ici devraient avoir de bonnes raisons pour être réétablis à titre de réfugiés au sens de la Convention, et devraient avoir aussi raisonnablement de chance de succès au Canada. S'ils ont de la parenté ici, ils recevront de toute évidence davantage d'aide pour se réinstaller, mais nous ne devrions pas les faire venir ici tout simplement pour contourner les objectifs d'immigration normaux; ces réfugiés devraient avoir de bonnes raisons, c'est-à-dire être gravement en danger selon la définition de réfugié au sens de la Convention.
Notre dernière recommandation concerne ceux que nous choisissons. Nous devons être particulièrement attentifs pour choisir ceux qui sont considérés comme étant les plus vulnérables. Il est très attirant du point de vue humanitaire d'accorder la priorité aux plus vulnérables, mais si nous les faisons venir ici, il est important qu'ils aient de bonnes chances de succès. Malheureusement, bon nombre des réfugiés les plus vulnérables acceptés dans des pays occidentaux ont des problèmes majeurs. Je pense que si nous voulons leur accorder la priorité, nous devrions trouver une façon de les aider là où nous sommes, sans les mettre dans une situation difficile au Canada.
Pour résumer, je recommanderais tout d'abord que nous accordions une importante aide financière au UNHCR particulièrement pour aider les réfugiés irakiens et d'autres personnes du ressort de l'UNHCR dans la région, et de ne pas envisager la réinstallation au Canada d'un nombre beaucoup plus élevé de réfugiés que celui prévu dans nos objectifs.
J'aimerais conclure par quelques observations.
Je pense qu'il est nécessaire de souligner que le Canada n'a pas à s'excuser de quoi que ce soit pour ce qui est du niveau d'aide que nous accordons aux réfugiés et aux demandeurs d'asile. Parfois les défenseurs des réfugiés nous disent que nous n'aidons pas suffisamment les réfugiés, mais les faits montrent le contraire: en ce qui concerne les réfugiés venus de l'étranger en 2006, nous en avons accepté 10 700 des 71 700 qui ont été réétablis dans 16 pays occidentaux, ce qui, par habitant, représente trois fois plus que notre part.
Pour ce qui est d'accorder le statut de réfugié aux demandeurs d'asile au Canada, notre pays a non seulement de loin le pourcentage le plus élevé d'acceptation au monde, mais par habitant, nous accueillons quatre à cinq fois la moyenne des réfugiés réinstallés de façon permanente dans d'autres pays occidentaux. Par ailleurs, nos conditions de réinstallation sont plus généreuses que celles de tout autre pays accueillant de manière définitive des réfugiés. Si nous ne donnons pas suffisamment au UNHCR pour aider les réfugiés dans des camps à l'étranger, nous dépensons certainement beaucoup trop pour un système de réfugiés incapable de répondre aux demandes d'asile ici au pays.
Malheureusement, plutôt que de tenter de réformer ce système, les défenseurs des réfugiés font très souvent du lobbying pour rendre le système encore plus poreux. Si , par exemple, ils arrivent à rendre caduque l'Entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis, il faudra s'attendre à une augmentation du nombre de demandeurs d'asile au Canada et des dépenses des divers paliers de gouvernement . Bien qu'on nous dise que l'Entente sur les tiers pays sûrs a sévèrement limité l'accès des demandeurs d'asile au système de détermination du statut de réfugié, le nombre de demandeurs a en fait augmenté pour passer de 19 737 en 2005 à 22 868 en 2006. Le nombre total de réfugiés admis à partir de l'étranger, ainsi que ceux qui ont vu leur demande d'asile acceptée au Canada en 2006, n'a jamais été aussi élevée au cours de la dernière décennie. L'Entente sur les tiers pays sûrs doit être renforcée, non pas éliminée.
Je voudrais faire une toute dernière observation. Récemment, nous avons eu de nombreux demandeurs d'asile du Mexique. Cela montre clairement que nous n'avons aucun contrôle sur ceux qui entrent au pays. Au cours de la première moitié de l'année, nous avons eu plus de 3 000 demandeurs d'asile en provenance du Mexique. C'est quatre fois plus de Mexicains que de ressortissants de tout autre pays qui ont fait une telle demande, et cela représente plus des deux tiers de toutes les demandes présentées par les Mexicains dans le monde. Le seul pays en fait où les Mexicains ont même été considérés comme des demandeurs d'asile était les États-Unis, et ils n'y ont fait que la moitié des demandes d'asile.
Rien ne justifie que notre système de réfugiés soit inondé et bloqué par des demandeurs d'asile du Mexique. Nous devrions, comme c'est le cas dans d'autres pays, avoir des dispositions sur le pays d'origine sûr et sur le tiers pays sûr.
Si nous ne dépensons qu'un petit pourcentage des centaines de millions, sans doute de milliards, que nous dépensons pour traiter les demandes et aider les demandeurs d'asile, dont bon nombre sinon la plupart n'auraient même pas le droit de présenter des demandes dans d'autres pays, nous aurions plus que suffisamment d'argent pour augmenter généreusement notre contribution au UNHCR afin d'aider les réfugiés irakiens.
Dans les circonstances, ce que nous devrions faire, par conséquent, c'est non seulement chercher les meilleurs façons d'aider les réfugiés irakiens, mais aussi de voir comment l'argent que nous dépensons pour les réfugiés est utilisé.
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Merci beaucoup. Je vais tenter d'être assez rapide car je sais que nous manquons de temps.
Je veux remercier le comité de m'avoir invité à venir ici cet après-midi. J'ai passé la plus grande partie de ma carrière dans la fonction publique à m'occuper des questions concernant les réfugiés. J'ai commencé, cela intéressera M. Telegdi, avec le mouvement des réfugiés hongrois — j'étais à Toronto pour tenter de les aider à s'y établir — et j'ai aussi aidé les réfugiés tchèques, puis les Ougandais, les Chiliens et les indochinois. J'ai appris au cours de cette longue carrière que la politique sur les réfugiés en particulier est une question extrêmement délicate et très complexe. Elle mérite beaucoup de réflexion.
Par exemple, vous avez demandé, si ces gens se présentent, pourquoi est-ce qu'ils ne sont pas tout simplement acceptés comme réfugiés? La plupart des réfugiés irakiens en Jordanie et en Syrie ne sont pas considérés comme tels par l'UNHCR. Le fait qu'ils fuient un conflit armé n'en fait pas des réfugiés au sens de la Convention et plutôt que de prendre des décisions individuelles, les Nations Unies leur offrent tout simplement une protection temporaire parce qu'ils fuient une guerre. L'ONU les traitent comme des réfugiés, des personnes du ressort de l'UNHCR, mais les spécialistes vous diront qu'il y a une différence entre un réfugié au sens de la Convention et les gens qui fuient un conflit armé, un tremblement de terre ou une catastrophe naturelle. Il faut prouver individuellement que si on retournait dans son pays, on y serait persécuté.
Au Canada, nous devons coopérer pleinement avec l'UNHCR dont la politique est très claire. Sa première priorité est de tenter de rapatrier les réfugiés ou les personnes du ressort de l'UNHCR qui sortent d'une situation similaire à celle des réfugiés. Donc, l'UNHCR ne tient pas particulièrement à ce que l'on fasse sortir un grand nombre d'Irakiens de Jordanie et de Syrie pour les réinstaller ailleurs. Ils espèrent les rapatrier en Irak. Même aujourd'hui, comme vous le savez, des cars remplis d'Irakiens retournent en Irak, et le gouvernement irakien les encourage à retourner dans ces régions où la paix règne.
Si l'UNHCR ne peut les renvoyer dans leur pays d'origine, sa deuxième priorité est de les réinstaller dans des pays de premier asile proches des régions qu'ils ont fuies. En d'autres termes, si l'UNHCR ne peut les renvoyer en Irak, ils préféreraient qu'ils se rétablissent dans des pays avoisinants.
Le troisième et dernier recours est la réinstallation dans un tiers pays. L'UNHCR préférerait que des pays ne fassent pas sortir un très grand nombre d'Irakiens de Syrie et de Jordanie. Il y a une longue histoire derrière cela depuis que de nombreux pays avaient accepté un grand nombre de réfugiés indochinois. Ils l'ont fait, et par conséquent, de plus en plus de réfugiés fuyaient le Vietnam par la mer dans des conditions dangereuses, et bon nombre d'entre eux se noyaient. Ils le faisaient sachant que s'ils réussissaient à se rendre en Thaïlande ou à Hong Kong on leur paierait le voyage pour New York ou Ottawa. Une rencontre internationale a eu lieu pour recommander aux pays d'être très prudents en matière de réinstallation de réfugiés dans un tiers pays.
De la fin de la Seconde Guerre mondiale à 1985, le Canada ne se considérait pas comme un pays de premier asile et s'efforçait d'être un pays de réinstallation. Nous considérions que nous devions alléger le fardeau des pays de premier asile en faisant sortir les réfugiés de leur camp pour les réinstaller au Canada. Nous avons fait un excellent travail et, en 1986, nous avons reçu la médaille Nansen des Nations Unies pour nos efforts.
Cependant, en 1985, notre pays est devenu un pays de premier asile, mais nous ne pouvons être à la fois un pays de réinstallation et un pays de premier asile. L'an dernier, le nombre de personnes qui vivaient dans des camps et acceptées par le gouvernement au Canada était d'environ 7 416. En plus, le secteur privé a parrainé 2 976 réfugiés, mais 19 935 étaient des demandeurs d'asile qui avaient été déterminés comme étant des réfugiés.
J'aurais une dernière observation sur le coût. Il est très difficile d'évaluer ce que coûtent les demandeurs d'asile au Canada, mais j'estime que ce coût s'élève à environ 2 milliards de dollars par an. Or, pour s'occuper d'environ 30 millions de réfugiés, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés dispose de la moitié de ce montant.
Une dernière observation au sujet de l'Iraq. J'ai entendu dire que des rapports américains indiquaient — le ministère devrait être ici pour entendre cela — que des Irakiens chrétiens avaient de la difficulté à se faire inscrire auprès de l'UNHCR et sont renvoyés à des pays d'immigrants qui pourraient les accepter comme le Canada. Le problème c'est que le personnel embauché localement qui travaille dans les ambassades à Amman et à Damas ne sont pas disposés à laisser les chrétiens qui fuient s'inscrire auprès de l'UNHCR. C'est peut-être quelque chose que le comité voudra examiner.