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Eh bien, je vous remercie, monsieur Brison, d'avoir réitéré mes propos de façon très diplomatique — comme d'habitude.
L'hon. Scott Brison: Mais de façon nettement plus élégante.
Des voix: Oh, oh!
Le président: De façon nettement plus élégante, oui, tout à fait.
L'hon. Scott Brison: Et sans insulter de témoins en particulier.
Le président: Ou d'électeurs. mais les gens ne vont pas me donner leur vote de toute façon.
Sur cela, accueillons nos témoins d'aujourd'hui. De l'organisme FOCAL, la Fondation canadienne pour les Amériques, Carlo Dade, directeur exécutif, qui est déjà venu nous adresser la parole.
Merci de revenir parmi nous.
Nous accueillons aussi, des Manufacturiers et exportateurs du Canada, Jean-Michel Laurin, qui est vice-président, politiques d'affaires mondiales; du Conseil pour la coopération internationale, elle revient parmi nous, Gauri Sreenivasan, analyste des politiques en matière de commerce international; et, en español, Yessika Hoyos Morales, avocate spécialisée en droits de la personne, de Colombie, je crois.
Nous allons demander à chacun de nos témoins de présenter d'abord une brève déclaration liminaire — ceux que nous avons déjà entendus seront encore plus brefs — et, une fois leurs déclarations liminaires entendues, nous allons passer aux questions.
Avant de commencer, permettez-moi de rappeler à tous que, pour écouter en anglais, il faut choisir le canal un; pour le français, le canal deux; pour l'espagnol, le canal trois.
Là-dessus, nous allons peut-être écouter d'abord notre invitée de langue espagnole.
Madame Morales, voulez-vous commencer?
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Merci . Vous êtes très gentil.
Bonjour à tous. Je vous remercie infiniment de cette occasion que vous me donnez de m'adresser à vous.
En Colombie, la crise des droits de la personne se poursuit, et les choses ne sont pas près de s'améliorer. Les restrictions des libertés et droits fondamentaux augmentent dans un contexte de désinstitutionnalisation de l'État démocratique, qui se traduit de diverses façons. Les attaques contre la population civile et les menaces à l'encontre des syndicalistes et défenseurs des droits de la personne et organismes sociaux montrent qu'il est faux de prétendre que les groupes paramilitaires ont été démobilisés.
Divers rapports sur les droits de la personne ont démontré que les structures paramilitaires demeurent en place dans 293 municipalités colombiennes. Apparemment, les groupes ont seulement changé de noms.
Dans les grandes villes du pays, le taux d'homicides a augmenté à un rythme alarmant. La ville de Medellín est le meilleur exemple à évoquer pour montrer que les groupes paramilitaires n'ont pas été démantelés. À cet égard, avec tout le respect que je vous dois, je peux vous dire qu'il vous suffirait de consulter un rapport de Human Rights Watch publié en février, cette année.
Les exécutions extrajudiciaires aux mains de l'armée nationale ont beaucoup augmenté en nombre, grâce à ce qui est qualifié de « faux-positifs », les assassinats maquillés. L'an dernier, le rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires s'est rendu en Colombie. À ce moment-là, il a affirmé:
Le nombre de cas, leur répartition géographique et la diversité des unités militaires impliquées indiquent que ces exécutions ont été menées de manière plus ou moins systématique, par un nombre significatif de personnes au sein de l'armée.
En septembre 2009, le bureau du procureur général a déclaré qu'il enquêtait sur 2 077 exécutions du genre. Ce sont des personnes qui ont été tuées par l'armée nationale, par les gens qui étaient censés les protéger.
Le gouvernement a annoncé l'adoption de mesures pour protéger les syndicalistes et les défenseurs des droits de la personne, mais la réalité laisse voir une contradiction. Il y a un milieu hostile à la défense des droits de la personne en Colombie. Le gouvernement exprime encore très durement son opposition aux membres de la Cour suprême, aux membres de syndicats, et au travail que nous faisons en tant que défenseurs des droits de la personne.
Les conflits de travail sont assimilés à une affaire publique où différentes organisations agissent illégalement à l'encontre des syndicalistes, comme nous l'avons prouvé. Une des mesures les plus incroyables prises à l'encontre du peuple colombien concerne le ministère de la Sécurité intérieure, ou DAS, l'Agence de renseignement de l'État qui relève directement du président de la république.
Avec le consentement et la pleine participation de ces administrateurs, le DAS a mené une chasse criminelle à tous ceux qui s'opposent aux politiques du gouvernement au pouvoir. Le DAS a créé en toute illégalité un groupe spécial de renseignement qui a poursuivi des cibles locales, intercepté des appels téléphoniques et contrôlé les déplacements des gens. Ils ont même pris les clés d'un défenseur des droits de la personne en particulier, filmé et photographié des lieux et des personnes, dont des enfants. Ils ont menacé toutes ces personnes, par exemple la journaliste Claudia Julieta Duque, qui a reçu un appel téléphonique où on lui disait qu'on allait massacrer sa petite fille. La Commission interaméricaine des droits de la personne, le rapporteur spécial des Nations Unies — tous ont été victimes de ces attaques et de cette persécution.
Le DAS s'est servi du programme de protection des syndicalistes et des observateurs du domaine des droits de la personne pour arriver à ses propres fins. Par le truchement du programme qu'ils ont conçu pour nous protéger, ils ont obtenu de nous toutes sortes d'informations et de renseignements stratégiques.
Toutes ces personnes ont fait l'objet d'activités de renseignement visant à enrichir les bases de données. On se sert des informations ainsi recueillies pour dresser des listes. M. Jorge Noguera Cotes a remis ces informations aux paramilitaires pour qu'ils puissent menacer, faire fuir et tuer tous ces gens.
Jorge Noguera répond aujourd'hui de ces actes devant la Cour suprême de justice, Cour suprême qui a également été victime de persécution et d'accusations de la part du gouvernement. Tous les témoignages ont d'ailleurs montré que le destinataire final de ce renseignement stratégique était le président lui-même, Alvaro Uribe Velez.
Malgré tous les efforts déployés pour nier la violence perpétrée ainsi contre les syndicalistes, le constat demeure le même: il y a eu 707 violations des droits à la vie, à la liberté et à l'intégrité des travailleurs syndiqués.
J'aimerais citer un extrait d'un rapport annuel de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, le 4 mars 2010. Elle écrit:
[Traduction] Il faut se soucier en particulier des menaces et des assassinats dont sont les victimes les membres de syndicats, les journalistes, les lesbiennes, gais, bisexuels et transgenres (GBLT) et les personnes qui défendent leurs droits. De même, il faut se soucier du sort des personnes qui défendent les droits ethnoterritoriaux des peuples autochtones et des collectivités afrocolombiennes.
Les crimes à l'encontre des syndicalistes n'ont produit aucun résultat. Les enquêtes menées sur tous ces crimes n'ont pas produit de résultats positifs. L'État a implanté une série de normes qui ne sont pas respectées. Les peines qu'il peut citer comme étant un exemple de progrès dans le domaine de la justice peuvent être remises en cause. Par exemple, quand nous avons enquêté sur le meurtre de mon père, nous avons vu que la peine a été imposée à un policier qui, deux ans auparavant, avait été tué dans une autre affaire.
Les enquêtes en question ne font pas éclater la vérité au grand jour. Les enquêteurs sont à l'oeuvre, mais ils cherchent seulement des motifs passionnels aux crimes commis. Ils ne recherchent pas les auteurs intellectuels des crimes, la seule façon de procéder.
Je réitère que le gouvernement colombien n'a pas fait preuve de transparence dans ces dossiers. Il essaie de protéger son image à l'étranger plutôt que de protéger vraiment les syndicalistes. Tout cela, entre autres, fait que la Colombie présente un des taux de syndicalisation les plus faibles qui soient sur le continent. Nous perdons des membres. Par exemple, entre 2002 et 2009, 230 organisations se sont vu refuser le droit de devenir un syndicat. Il y a aujourd'hui 53 000 syndiqués de moins qu'en 2002. Nous sommes passés de 863 000 à 810 000 membres, en 2010, ce qui contredit les affirmations du gouvernement.
Je sais que certains membres d'organismes professionnels de Colombie ont affirmé que la Colombie souhaite voir le traité adopté. Ce que je peux vous dire, c'est que les organismes afro-colombiens, les trois regroupements syndicaux de mon pays, les défenseurs des droits de la personne vous demandent de ne pas appuyer ce traité avec un gouvernement qui viole toujours les droits de la personne.
Nous vous prions de procéder à une analyse transparente et impartiale, qui vous permettra de voir quel sera l'impact de ce traité sur mon pays. Nous ne prêtons foi à aucune étude réalisée par quelque gouvernement. Nous demandons qu'une entité indépendante soit chargée d'étudier la question.
C'est à vous de décider qui vous voulez entendre. J'ose croire que vous allez choisir d'entendre les victimes, les organismes sociaux, les défenseurs des droits de la personne, et que vous allez choisir de défendre et de protéger la vie.
Merci beaucoup.
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Merci beaucoup, monsieur le président, de l'occasion que vous m'offrez aujourd'hui.
Le président et directeur général du CCCI, Gerry Barr, regrette de ne pouvoir venir témoigner lui-même. Nous avons reçu un préavis d'à peine 24 heures, si bien qu'il a été impossible pour lui, malheureusement, de modifier son horaire.
Je crois qu'il importe de signaler dès le départ que de nombreux organismes de la société civile et des droits de la personne souhaitent vivement témoigner devant votre comité pour discuter du projet de loi et y proposer des modifications, que nous n'avons pas encore vues sur papier. La plupart d'entre nous attendent toujours de savoir s'il y aura d'autres audiences.
Inviter les gens à comparaître moyennant un si court préavis occasionne de grands problèmes, il est vrai. Je crois qu'il nous faut être équitables pour que les groupes voient qu'il existe en fait une ouverture à la participation et au débat, comme cela a été promis à la Chambre.
Le CCIC est convaincu de la capacité qu'a le commerce de sortir les gens de la pauvreté, dans la mesure où il profite aux populations vulnérables et permet aux États ayant la volonté de le faire de promouvoir le développement et de protéger l'environnement. Par contre, le commerce peut aussi perturber la vie des groupes marginaux et conduire à plus d'exploitation ou de violence. Le lien entre l'un et l'autre n'a rien d'automatique. Les modalités de l'accord conclu importent, le contexte local importe.
Comme vous le savez, cet accord a suscité beaucoup de controverse du fait de la crise des droits de la personne qui sévit en Colombie. À notre avis, devant un pays où la violence est à ce point ancrée, le Canada est soumis à une prudence particulière quand il s'agit de promouvoir le commerce et l'investissement.
Je veux aborder trois thèmes aujourd'hui. Je veux vous rappeler certaines des grandes préoccupations que la situation présente sur le plan des droits de la personne. Je peux faire ressortir certains points d'une analyse du texte de l'accord en tant que tel, qui circule maintenant et que le CCCI a confié à des juristes. Je parle non pas de la théorie du commerce, mais plutôt d'une analyse de l'accord commercial tel qu'il est proposé. Puis, en troisième lieu, je veux traiter de la question de l'évaluation des répercussions de l'accord sur les droits de la personne, question qui revêt une si grande importance.
Je vais parler un peu moins des droits de la personne, vu le tableau très émouvant et très important que Yessika vient de brosser.
On trouve en ce moment beaucoup d'informations contradictoires sur la situation des droits de la personne. En dernière analyse, je crois que les députés vont devoir décider à quelle source d'information ils peuvent se fier.
Quant à nous, nous nous tournons vers les organismes indépendants et prestigieux du domaine des droits de la personne et vers ceux qui travaillent auprès des personnes marginalisées en Colombie même. Après consultation de ces sources, le tableau qui se dégage est assez clair. Il y a eu une « amélioration » du côté des rapts, et les gens se sentent de plus en plus en sécurité dans les grands centres urbains du pays. Par contre, il continue à y avoir un degré inacceptable de violence et de transgressions, et, fait important, de violence à laquelle l'État colombien est partie. Yessika a très bien parlé de la violence des groupes paramilitaires.
Je crois qu'il est important de signaler cela. Nous avons remarqué qu'il est beaucoup question à la Chambre et dans les médias de la violence en Colombie, mais seulement tant qu'elle se rapporte à l'économie de la drogue et aux barons de la drogue. Le fait qu'elle n'est pas assez bien soulignée — et c'est pourquoi vous devez entendre des militants colombiens des droits de la personne —, c'est que le gouvernement de la Colombie lui-même est lié profondément à cette violence-là; son implication n'a rien de mineur.
Yessika vient de souligner les révélations effrayantes de l'année dernière à propos du service de renseignement du président, le DAS, qui, maintenant, est clairement exposé comme étant le maître d'oeuvre d'une opération massive de surveillance illégale, portant notamment sur les juges de la Cour suprême et des organismes de défense des droits de la personne. Les informations ainsi obtenues de manière illégale ont servir à produire des listes de cibles utilisées par les paramilitaires à l'encontre des syndicalistes et des défenseurs des droits de la personne, qui ont été attaqués et tués, et dont les enfants ont été menacés. Le lien direct avec l'État, qui établissait l'information destinée aux paramilitaires, lesquels, à leur tour, attaquaient les organismes de la société civile en Colombie, constitue un rappel important de la nature de la violence. Il n'est pas question seulement ici de combats entre barons de la drogue.
Il m'apparaît important aussi de souligner que la montée de l'activité paramilitaire a coïncidé avec une augmentation importante des taux de déplacement intérieur. Depuis 1985, selon les estimations, ce sont 4,9 millions de personnes qui ont été déplacées en Colombie, ce qui situe le pays au deuxième rang dans le monde à ce chapitre, après le Soudan.
Pourquoi cette question-là est-elle si importante en lien avec l'accord de commerce? C'est un élément clé de l'équation, car la violence et les déplacements sont liés directement aux combats pour le contrôle à exercer sur les terres, tant pour le trafic de la drogue que pour la mise en valeur des ressources naturelles, dont le minerai, le pétrole et le gaz naturel. Des entreprises canadiennes sont très, très actives dans les secteurs en question. Il existe des raisons raisonnables et directes de se préoccuper de la probabilité que des sociétés canadiennes, même sans le savoir, soient les complices d'une occupation des terres obtenues par la violence.
Je veux citer le rapporteur spécial de l'ONU sur les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. Selon une idée largement répandue parmi les personnes déplacées à l'intérieur de la Colombie, « un conflit armé est peut-être à l'origine des déplacements, mais l'appropriation des terres des gens par les grandes sociétés constitue à tout le moins un effet secondaire du phénomène, si ce n'est pas un aspect d'une politique de déplacement forcée à proprement parler ».
À mes yeux, nous avons donc toutes sortes de raisons de nous préoccuper des liens entre la violence et l'État, entre la violence et le déplacement des personnes dans le cadre de conflits touchant les terres et les ressources, puis la question de savoir qui donne accès à ces terres et à ces ressources dans un but lucratif, soit la question directe des liens commerciaux du point de vue du Canada.
Permettez-moi de parler de l'accord commercial qui est sur la table en ce moment. En réaction à certaines des préoccupations formulées, l'accord canado-colombien a été expliqué et décrit pour les Canadiens comme étant un accord commercial d'une autre sorte, comme un accord qui comporte des mesures de protection de premier ordre et qui prend en considération les droits de la personne. C'est pourquoi nous avons attendu que le texte soit publié et que nous avons collaboré avec des juristes à un examen du texte en question.
Comment faut-il envisager cet accord commercial particulier dans le contexte de violence qui existe? Nous ne voulons pas dire que l'accord commercial serait à l'origine de tous les problèmes, qui existaient avant même qu'il ne soit conçu. Il faut se demander plutôt quelles sont les répercussions probables de l'accord commercial dans le contexte?
À notre avis, pour avoir regardé l'accord tel qu'il a été négocié, nous croyons qu'il s'agit d'une entente d'accès aux marchés assez typique et énergique. Les mesures de protection prévues dans les accords auxiliaires sont tout à fait inefficaces.
Permettez-moi de donner quelques exemples. Sur le fond, le chapitre très important sur les investissements comporte un certain nombre de mesures commerciales qui accordent des pouvoirs d'exécution sans précédent aux investisseurs canadiens des domaines minier, pétrolier et gazier dans le contexte colombien. Ces mesures de protection ne figuraient pas dans les relations bilatérales qu'il y avait auparavant entre le Canada et la Colombie: ce sont de nouveaux pouvoirs d'application qui, pour garantir l'accès aux ressources, dissuaderaient toute contestation des projets avancés, indépendamment du fait que la question des terres en Colombie est très conflictuelle.
À notre avis, ces nouveaux pouvoirs d'application peuvent constituer, et ils constitueraient, de fait, une force antidémocratique en Colombie dans la mesure où ils font obstacle au renforcement des lois en matière de droits de la personne — par exemple, si le gouvernement colombien souhaite prendre un règlement pour régler la question de la confiscation illégale des terres une fois les investisseurs engagés.
Selon Mme Penelope Simons, professeur à l'Université d'Ottawa, que je vous encourage vraiment à inviter à témoigner à titre d'expert en commerce et en investissement, le texte n'oblige pas non plus les grandes sociétés à vérifier les antécédents des membres des forces de sécurité, à dispenser une formation sur les droits de la personne ou à divulguer tout paiement fait au gouvernement en place ou à une guérilla.
Contrairement à ce que votre comité a recommandé en 2008, il n'y a actuellement au Canada aucune disposition qui obligerait l'État d'attache — c'est-à-dire le Canada — à créer un droit d'action ou à garantir l'accès à nos tribunaux aux victimes des violations des droits de la personne subies aux mains de nos sociétés. Le traité d'investissement privilégie donc la protection des investisseurs et prévoit de lourdes sanctions pour garantir les opérations des entreprises sans responsabilité correspondante ni recours possible pour les victimes qui s'estiment lésées du fait des agissements des grandes sociétés en Colombie.
Nous avons parlé brièvement de la séance portant sur l'accès au marché agricole. Encore une fois, vous verrez à la lecture du mémoire du CCCI, que vous avez sous les yeux — et je serai heureuse de répondre à vos questions là-dessus plus tard —, vous verrez qu'il y a là une libéralisation très « agressive » des secteurs agricoles en Colombie qui accélérerait le déplacement dans les collectivités vulnérables. Nous traitons précisément des grains, du blé en particulier, et du porc, car bon nombre d'études ont été faites sur l'impact de l'accord américain dans ces secteurs, et nos produits se comparent avantageusement à ceux des États-Unis dans ces cas.
D'après une analyse colombienne, l'Accord de libre-échange avec le Canada se répercuterait probablement de façon très défavorable sur la production et les emplois en Colombie, minant, par exemple, les moyens de subsistance d'environ 12 000 producteurs de blé locaux et éliminant peut-être jusqu'à 39 000 emplois dans le secteur informel du porc. Fait intéressant, l'accord élimine presque entièrement l'accès du gouvernement colombien à des mesures de protection des revenus et du gagne-pain des agriculteurs. D'après notre analyse à nous, il n'y a pas du tout lieu de croire ici à un accord qui soit favorable aux droits de la personne ou au développement.
Les accords auxiliaires ont fait l'objet de nombreuses éloges, mais sont-ils efficaces? Encore une fois, je vous encouragerais à appeler Steven Shrybman, avocat bien connu en droit de l'environnement qui a procédé à une analyse juridique de l'accord. En un mot, la dimension environnementale de l'accord colombien que vous avez devant les yeux ne satisfait même pas aux normes de l'ALENA. C'est peut-être même une façon de dissuader juridiquement les tentatives pour relever les normes en matière d'environnement. L'accord auxiliaire sur le travail ne comporte aucun moyen d'application indépendant à la disposition des syndicats qui déposent des plaintes
Le mécanisme prévu dans l'accord auxiliaire sur le travail, qui a été vanté comme étant une excellente mesure de protection contre les transgressions, fait reposer l'application de l'accord entièrement sur la bonne volonté des gouvernements, les deux parties ayant le moins intérêt à mettre les difficultés au grand jour.
Même si un ou l'autre des gouvernements décide d'appliquer les dispositions et de soumettre un cas d'arbitrage à un comité, au mieux, ce dernier pourrait administrer une amende, dont le produit, de fait, serait réinvesti dans des programmes relevant vraisemblablement du gouvernement colombien. Au Canada et en Colombie, des syndicats ont dénoncé ce genre d'accord auxiliaire comme solution dans le contexte colombien. Ailleurs, dans d'autres pays, la situation du travail est peut-être moins grave, et la possibilité de présenter des documents et de faire entendre une plainte au gouvernement peut s'envisager, mais en Colombie, avec ce genre d'accord auxiliaire, qui ne prévoit aucun recours indépendant pour les syndicalistes, la chose n'est pas vue comme une mesure de protection.
Permettez-moi d'aborder la dernière question: elle est vraiment importante. C'est la question de l'évaluation des répercussions sur les droits de la personne. La première étude que nous avons réalisée sur la portée de l'accord a conduit à une demande très forte dans la société civile et dont le Parlement s'est fait le relais, soit une demande d'évaluation indépendante des répercussions de l'accord sur le plan des droits de la personne permettant de vérifier la validité des mesures de protection prévues et la nature des dispositions de l'accord, avant qu'il ne soit mis en oeuvre.
Il est vraiment important pour le Canada d'exercer cette forme de prudence. D'autres pays, par exemple les États-Unis, la Belgique et la Norvège, prennent leur temps pour étudier l'accord commercial à conclure avec la Colombie et examinent nettement plus à fond la question des droits de la personne. J'ai remarqué que Mike Michaud, un démocrate au Congrès des États-Unis, vient de transmettre une lettre où il souligne ses préoccupations concernant l'accord canadien.
Avec l'accord de libre-échange Canada-Colombie et les initiatives récentes que l'on connaît, l'examen des répercussions des accords sur les droits de la personne fait désormais partie du débat général sur le commerce, ce qui représente une évolution vraiment positive de la situation. Le défi consiste maintenant à faire en sorte que la démarche soit crédible. Or, qu'est-ce qu'un examen crédible des répercussions d'un accord sur les droits de la personne? Selon la société civile, il faut tout au moins une évaluation indépendante de l'accord et qu'on en examine les résultats avant que l'accord ne soit adopté. Le comité avait aussi exigé cela en 2008.
De fait, nous attendons encore des précisions et un exemplaire de la proposition présentée par le Parti libéral. Nous avons lu dans la transcription du hansard que le gouvernement l'avait avalisée. C'est tout ce que nous avons jusqu'à maintenant.
Je veux livrer formuler certains commentaires initiaux à ce sujet. Nous souhaitons savoir s'il s'agit d'une modification qui s'ajoutera à l'accord lui-même, au projet de loi . Comment cela fonctionnerait-il sur le plan juridique?
Dans l'état actuel des choses, l'idée d'une évaluation des répercussions de l'accord sur les droits de la personne est extrêmement importante, mais la proposition actuelle souffre d'un manque de crédibilité. Il y a trois grandes questions dont je voudrais que nous discutions.
L'évaluation doit se faire au préalable. Si l'approche est fondée sur les droits de la personne, il faut éviter les mesures pouvant conduire à une violation des droits de la personne avant que cela ne puisse se faire. Il est vrai que cela se révèle plus difficile que l'évaluation a posteriori, mais les précédents sont nombreux à cet égard. Songez aux études d'impact environnementales. Songez aux études d'impact sur le développement durable envers lesquelles l'Union européenne s'est engagée. Toutes ces études se font au préalable, d'où la nécessité et l'importance pour le Canada d'éviter les transgressions, plutôt que de les recenser une fois qu'elles se sont produites. Une étude faite au préalable est la première des choses.
Deuxièmement, l'évaluation doit être indépendante. Elle doit être confiée à un organe indépendant des décideurs de l'accord. À une équipe qui compte une expertise en droits de la personne et en commerce et qui applique une méthode transparente, consultative et participative en matière de droits de la personne.
Encore une fois, ce n'est pas une revendication étrange et extravagante. Regardez l'Union européenne; elle confie ses évaluations de l'impact social à une équipe indépendante, qui fait rapport à un organisme de surveillance. Son modèle n'est pas forcément idéal, mais le principe important y est respecté. Il n'est pas acceptable de confier l'évaluation de l'impact à des responsables gouvernementaux qui se sont engagés à implanter l'accord commercial. C'est doublement vrai dans le cas de la Colombie, où le gouvernement a fait preuve d'une aversion marquée pour les personnes qui signalent les abus en matière de droits de la personne et qui les a attaqués même.
Le troisième élément, c'est que l'étude doit être axée sur les résultats et l'action. Elle doit comporter des conclusions et des recommandations qui soient précises. Il faut que les responsables s'engagent à adopter les mesures et recommandations dans la modification, plutôt que de s'engager à déposer un rapport qu'on se contenterait de lire puis de mettre sur la tablette.
Pour parler du principe important, selon nous, la proposition actuelle ratisse trop large. Ses auteurs prétendent qu'elles englobent l'accord commercial dans son intégralité et prévoient tous les impacts possibles. Elle n'est pas envisageable. Il nous paraît plus réaliste de déterminer les aspects précis de la chose et des dispositions de l'accord dont le Canada se préoccupe, d'examiner les répercussions des mesures précises dont il est question, de formuler des recommandations à leur sujet puis de s'engager à implanter les recommandations en question. Cela doit se faire empiriquement; on ne peut se contenter de rester assis à un bureau en présumant de ce que sont les répercussions.
Pour résumer, nous devons nous engager en principe à adopter les recommandations issues d'une étude d'impact sur les droits de la personne. Il nous faut des résultats et des mesures concrètes, il nous faut une évaluation qui se fait au préalable et il nous faut l'évaluation qui se fait de façon indépendante — voilà les trois éléments clés qui nous paraissent manquer à la proposition en ce moment.
Je vous invite vivement à inviter le juriste James Harrison du Royaume-Uni à venir témoigner devant votre comité. Il a établi une série de jalons importants pour l'évaluation des répercussions sur les droits de la personne.
Avec la discussion sur l'évaluation, je crois que nous avons l'occasion de...
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Merci, monsieur le président. Avant tout, je tiens à vous remercier, le comité et vous, de m'avoir invité à partager quelques idées sur l'accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie.
[Traduction]
J'ai déjà comparu devant le comité deux ou trois fois, alors je vais me limiter à cinq minutes ou moins afin de permettre aux membres de poser plus de questions. Mes commentaires porteront surtout sur le projet de loi qui est à l'étude par le comité, à savoir le projet de loi , qui concerne l'accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie. Toutefois, si vous avez des questions ou des commentaires sur certains des amendements proposés ou sur d'autres éléments que vous examinez, je serai heureux d'en parler, que ce soit de manière factuelle ou hypothétique.
À l'égard de l'accord de libre-échange avec la Colombie, comme je l'ai déjà dit, le contexte est important — pour le Canada, sa capacité concurrentielle, l'emploi et la situation de l'économie nationale. Depuis l'échec des négociations dans le cadre du cycle de Doha et de l'Accord de libre-échange des Amériques, des pays de tout l'hémisphère se sont montrés empressés de signer des accords bilatéraux. À cet égard, le Canada a malheureusement accusé un retard.
Actuellement, nous avons cinq ententes en vigueur avec sept pays. Juste en Amérique du Nord, les États-Unis en comptent 11 qui touchent 16 pays — et ils négocient de nombreux autres avec détermination. Le Mexique a 12 ententes et en négocie d'autres — nous avons récemment appris qu'il a entamé des discussions avec le Brésil — et ses ententes couvrent 46 pays.
Alors, même en Amérique du Nord, le Canada perd du terrain en ce qui concerne sa capacité concurrentielle à l'échelle internationale. Pourtant, on maintient le programme en place. Les problèmes que les États-Unis ont eus en lien avec leur entente de libre-échange avec la Colombie ne les ont pas empêchés de conclure d'autres ententes, comme celles liées à leurs préférences commerciales pour le Pacifique, ou l'entente pour l'établissement d'un partenariat transpacifique. De fait, les États-Unis envisagent d'établir un nouveau régime commercial entre les pays qui bordent le Pacifique — la Colombie, le Chili, le Costa Rica — et les pays asiatiques situés sur le littoral du Pacifique.
Les autres pays continuent de réaliser des avancées relativement au commerce international. Il est extrêmement important que le Canada en fasse autant.
Notre décision de participer à ce phénomène doit se fonder sur deux tendances et deux intérêts qui se recoupent. D'une part, dans les endroits où nous faisons déjà des échanges commerciaux, nous avons de la concurrence... d'autre part, il y a des pays qui veulent conclure des négociations rapidement et qui sont prêts à le faire. Ça a été le cas du Panama, avec lequel il y a eu trois ou quatre séries de négociations, et du Pérou, qui a également pris des mesures pour négocier de manière rapide et dynamique avec nous. Ça semble aussi être le cas de la Colombie.
Nous devons donc négocier avec la Colombie pour deux raisons: il y a des occasions commerciales importantes pour la capacité concurrentielle du Canada, et les Colombiens ont montré qu'ils sont prêts à négocier.
Une entente avec la Colombie est importante pour le Canada, car elle aurait des répercussions sur tous les secteurs et sur toutes les provinces. Dans le domaine agricole, l'Alberta exporte 60 millions de dollars de produits en Colombie; les exportations de la Saskatchewan représentent près du double de ce montant puisqu'elles s'élèvent à 117 millions de dollars, et on ne parle que du blé, de l'orge et de légumineuses. Le Québec, quant à lui, envoie chaque année des pièces détachées de machines, dont des simulateurs de vol et des voitures, pour une valeur de 40 millions de dollars; l'Ontario aussi envoie de tels produits, d'une valeur de 67 millions de dollars, en Colombie. Même dans l'industrie du papier et des marchandises en carton, la Colombie est un marché important de 23 millions de dollars pour la Nouvelle-Écosse et son industrie du bois, qui a fait face à des difficultés dernièrement.
Enfin, j'aimerais souligner que les arguments militant en faveur d'une entente sont convaincants. Les investissements et le commerce en bénéficieraient. Cette entente est également importante pour les Colombiens. Des syndicats colombiens ont comparu devant vous. Les exportateurs de fleurs, je crois, vous ont expliqué l'importance de l'entente.
Quiconque veut faire valoir que l'on doit limiter nos échanges avec la Colombie ou ne pas conclure cette entente doit avoir de très bonnes raisons, compte tenu de l'importance des emplois pour le Canada et de nombreuses provinces canadiennes. Il est clair que la situation de droits de la personne en Colombie constitue une préoccupation importante, mais pour que l'on permette qu'elle ait des répercussions sur nos échanges avec le pays, il faudrait des preuves convaincantes, ou même des preuves tout court, qui démontrent que les produits que nous vendons, que les échanges que nous faisons, ont des répercussions négatives ou même positives sur les droits de la personne en Colombie. Malgré le bon travail de CIC et d'autres instances, on n'a toujours pas pu établir de tels liens.
Permettez-moi de citer brièvement Federico Guzmán. Je suppose que vous le connaissez, il est avocat en Colombie. Federico était au Canada en février pour parler d'un rapport d'Amnistie Internationale sur les droits de l'homme. Il a passé à l'émission The Current. Vous pouvez voir cet épisode en ligne — c'est un bon exemple de l'excellent travail fait par Anna Maria Tremonti.
Le 27 février, cinq minutes après le début de l'épisode — si vous voulez aller vérifier vous-même — Anna Maria lui a posé une question expressément sur les répercussions des échanges entre le Canada et la Colombie sur les droits de la personne.
Sa réponse était intéressante. Il a affirmé que les échanges commerciaux n'avaient pas d'impact réel sur les droits de la personne; ce sont plutôt les mégaprojets colombiens qui ont des répercussions sur les déplacements et les autres problèmes dont nous avons entendus parler.
Anna Maria lui a ensuite demandé s'il y avait des signes ou des preuves de violations particulières commises par des entreprises canadiennes. M. Guzmán a répondu que, jusqu'à maintenant, rien n'indiquait que des entreprises canadiennes sont coupables de telles violations, mais que, le cas échéant, le gouvernement du Canada devra mettre en place des mécanismes pour y mettre fin.
Je répète que, compte tenu de ce marché commercial potentiellement important et compte tenu des emplois qui seraient créés ici, nous devons vraiment prévenir ces situations éventuelles — par exemple, en mettant en place un régime pour que l'on puisse cerner ces problèmes à mesure qu'ils font surface — mais, jusqu'à maintenant, rien n'indique que de telles situations existent. N'oubliez pas que M. Guzmán est venu au Canada pour parler du rapport d'Amnistie Internationale.
Enfin, la discussion au début de la séance était très intéressante — l'idée de faire comparaître des témoins, le manque de temps et les préoccupations exprimées par les Canadiens.
Après avoir entendu ces discussions, j'aimerais vous faire part d'une idée. Même si c'est très opportun pour nous, même dans un court délai... J'ai eu environ 24 heures pour préparer mes commentaires, moi aussi. Il y a un rapport qui m'attend sur mon bureau, et l'ACDI ou quelqu'un d'autre m'en voudra de ne pas lui avoir envoyé. Quoi qu'il en soit, je suis très heureux de pouvoir faire une petite promenade et venir vous voir.
Compte tenu de l'intérêt des Canadiens de tout le pays, il serait peut-être plus intéressant pour le comité de se rendre à des endroits comme Kindersley, en Saskatchewan, Brooklyn en Nouvelle-Écosse ou Pointe-Claire, au Québec, pour parler aux gens dans les usines, aux gens qui font des échanges avec la Colombie, aux gens dont le travail ou les emplois futurs dépendent peut-être de cette entente, et de leur demander quelles répercussions ont leurs produits — les légumineuses et le blé qu'ils vendent — sur les droits de la personne en Colombie. Vous pourriez ainsi expliquer le travail que vous faites aux travailleurs de ces usines et de ces exploitations agricoles.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour à tous.
[Traduction]
Bon après-midi. Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le comité au nom de Manufacturiers et exportateurs du Canada pour vous parler du projet de loi , qui porte sur l'accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie.
Je crois qu'il s'agit de la troisième fois, et je dois avouer que j'espère que ce sera la dernière, que je comparais devant le comité pour parler de cette question. Notre position relative à cet important accord de libre-échange n'a pas changé, mais je vais essayer, dans la mesure du possible, de présenter de nouvelles idées dans ma déclaration.
Avant de commencer, j'aimerais dire quelques mots au sujet de l'association et des membres que j'ai le privilège de représenter. L'association Manufacturiers et exportateurs du Canada est le chef de file dans le domaine du commerce et de l'industrie, et le porte-parole dans le secteur de la fabrication et des affaires mondiales, au Canada. Nous représentons des entreprises de tous les coins du pays qui oeuvrent dans le secteur manufacturier et dans le domaine de l'exportation. Notre mandat est de promouvoir la capacité concurrentielle des manufacturiers canadiens, et de favoriser le succès des exportateurs de biens et de services canadiens dans les marchés mondiaux. Les manufacturiers de taille petite et moyenne constituent la majorité de nos membres.
Dans notre travail, nous nous concentrons surtout sur les questions qui sont les plus essentielles pour nos membres, comme la capacité concurrentielle dans la fabrication, les perspectives d'affaires américaines, les marchés internationaux, les ressources humaines et les compétences, l'énergie et l'environnement. Nous nous intéressons particulièrement au projet de loi parce que la fabrication est une activité qui dépend largement des exportations, comme mon collègue vient de l'expliquer. Dans l'ensemble, la fabrication représente les deux tiers des exportations du Canada. En fait, la majorité de la production industrielle du Canada est exportée. L'accès à des marchés d'exportation est donc une priorité pour notre organisation.
Comme vous le savez, la récession a frappé les manufacturiers et les exportateurs plus durement que les représentants de tout autre secteur de l'économie canadienne. Pour nos membres, la récession s'est surtout fait sentir à partir du mois d'août 2008, jusqu'au mois d'août 2009. Durant cette période de 12 mois, nos ventes à l'exportation ont chuté de 32 p. 100, nos ventes manufacturières, de 20 p. 100, et notre production manufacturière, de 17 p. 100. Dans l'ensemble, plus de 180 000 Canadiens ont perdu leur emploi dans le secteur manufacturier l'an dernier. Depuis 2005, 420 000 emplois dans ce secteur ont été éliminés, ce qui représente 20 p. 100 de l'effectif manufacturier au canada.
À mesure que la reprise économique s'amorce, nous réalisons que des changements structurels importants modifient les conditions du marché canadien et des marchés mondiaux. Par conséquent, les chefs d'entreprise et les responsables des politiques publiques doivent adopter de nouvelles stratégies pour garantir le soutien commercial du Canada et pour améliorer la productivité et la croissance économiques. Je crois que nous devons tous déterminer les éléments qui doivent être mis en place pour que les entreprises maximisent la valeur de chaînes d'approvisionnement mondiales, améliorent leur capacité concurrentielle dans le domaine manufacturier, favorisent l'investissement et l'innovation, et prennent avantage des nouvelles possibilités dans les marchés national et international.
À l'heure actuelle, le pouvoir dominant sur le marché et le potentiel de croissance économique se déplacent des marchés industrialisés de l'Amérique du Nord, de l'Europe et du Japon vers les marchés émergents de la Chine, de l'Inde, du Sud-Est asiatique et de l'Amérique latine. Cela constitue l'un des changements les plus importants qui se font sentir actuellement. En fait, pour tous les pays, mais surtout pour ceux dont l'économie est ouverte, comme le Canada, la reprise économique dépend de la création de nouvelles possibilités d'affaires dans ces marchés émergents. Nous devons donc continuer de négocier un accès plus large à ces marchés, la protection de nos investissements et des conventions fiscales avec d'autres pays, comme la Colombie, et c'est pourquoi notre association appuie le projet de loi .
Les échanges entre le Canada et la Colombie sont en fait complémentaires. Les deux tiers de nos exportations vers la Colombie sont des produits manufacturés, comme des camions, des pièces automobiles, des produits métalliques, des turbo propulseurs, du papier journal, et d'autres produits de papier et de carton. Pour sa part, la Colombie exporte vers le Canada des produits énergétiques, comme du pétrole et du charbon, ou des produits agricoles, comme le café, les bananes et les fleurs.
Toutefois, pour exporter ces produits vers la Colombie, le Canada doit toujours payer des droits de douane élevés qui nuisent à sa capacité concurrentielle dans le marché. Par exemple, nos exportateurs canadiens doivent payer des droits de douane de 12 p. 100, en moyenne, sur les produits industriels, et de 17 p. 100, sur les produits agricoles destinés à la Colombie. La Colombie bénéficie d'un accès presque entièrement libre et en franchise au marché canadien, puisqu'elle ne paie pas de droits de douane pour environ 85 p. 100 de ses produits qui pénètrent notre marché. Notre capacité d'exporter vers ce marché demeure pourtant limitée.
En fait, dans de nombreux cas, les droits de douane constituent une véritable barrière pour les entreprises qui veulent pénétrer sur le marché. La conclusion de l'accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie éliminerait ces droits de douane et fournirait aux manufacturiers et aux exportateurs canadiens un traitement préférentiel par rapport aux concurrents mondiaux.
Par ailleurs, en plus d'éliminer immédiatement presque tous les droits de douane colombiens imposés pour la vente de produits manufacturés, l'accord de libre-échange aiderait à réduire les barrières non tarifaires et à renforcer les règles relatives à l'investissement. Malgré ces barrières commerciales, les entreprises canadiennes ont exporté pour 600 millions de dollars de produits vers la Colombie, l'an dernier. De 2005 à 2008 — c'est-à-dire jusqu'au début de la récession — les exportations canadiennes vers la Colombie ont fait un saut de plus de 58 p. 100.
L'accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie pourrait avoir des répercussions très positives sur les exportations canadiennes vers la Colombie, pour deux raisons principales. D'une part, comme je l'ai mentionné, les exportations canadiennes augmenteraient par suite de la réduction et de l'élimination des obstacles tarifaires et non tarifaires; d'autre part, l'accord de libre-échange contribuerait à maintenir les exportations canadiennes existantes qui pourraient être perdues si la Colombie décide de signer des accords de libre-échange avec d'autres nations ou d'autres groupes de pays qui sont en concurrence avec le Canada dans le secteur des produits manufacturiers, comme les États-Unis et l'Union européenne.
La Colombie offre d'excellentes possibilités d'affaires pour les exportateurs canadiens. La Colombie et d'autres partenaires commerciaux le reconnaissent, et elle a entrepris un programme commercial bilatéral très dynamique avec les États-Unis, comme je l'ai mentionné, l'Union européenne, l'Association européenne de libre-échange et d'autres partenaires commerciaux. Ces pays, surtout les États-Unis et ceux appartenant à l'Union européenne, figurent parmi nos plus grands concurrents.
L'adoption rapide de cet accord nous aiderait à nous tailler une place dans ce marché et nous donnerait un avantage concurrentiel sur d'autres pays, si nous agissons rapidement.
D'un autre côté, ou du côté défensif, l'adoption de l'accord entre le Canada et la Colombie ne donnera probablement pas lieu à des nouvelles augmentations importantes du nombre d'importations canadiennes de la Colombie, à part celles auxquelles on s'attendrait de toute manière. L'accord n'entraîne donc pas de risque pour nos industries. Dans le cas de nombreuses négociations commerciales, il y a évidemment des préoccupations concernant l'accroissement de la concurrence pour l'industrie canadienne, mais, dans ce cas, comme les échanges sont complémentaires, ces préoccupations défensives ne sont pas nécessairement présentes.
Nous prévoyons que les importations canadiennes de la Colombie continueront d'augmenter, mais les moteurs principaux de cette augmentation seront l'augmentation de la production pétrolière de la Colombie et la poursuite du traitement en franchise dont jouit déjà la Colombie pour la plupart de ses exportations au Canada.
En conclusion, nous croyons que cet accord est favorable aussi bien au Canada qu'à la Colombie. Il est grand temps que le Parlement adopte le projet de loi pour que l'accord entre en vigueur et pour que les exportateurs canadiens puissent bénéficier d'un meilleur accès à ce marché et améliorer leur présence en Colombie.
Merci beaucoup. Je serai heureux de répondre à vos questions.
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Je ne sais pas à quelle société de sondage vous faites appel, mais je sais que les deux sondages que j'ai vus récemment, qui ont été faits par des sondeurs indépendants, concluent que le seul parti qui s'oppose aux ALE en Colombie reçoit l'appui de 5 p. 100 de la population colombienne.
Je crois que c'est un aspect important parce que, au bout du compte, nous voulons poser un geste non seulement profitable pour le Canada, mais qui aide aussi les Colombiens à aller de l'avant.
La question de l'analyse indépendante des droits de la personne est une question importante. J'ai lu à ce sujet, et ces lectures ont été très utiles. Le Conseil canadien pour la coopération internationale, l'Association canadienne des avocats du mouvement syndical, le Congrès du travail du Canada et le Centre canadien de politiques alternatives sont tous des organismes indépendants qui nous ont fourni une analyse très approfondie de cet accord de libre-échange et de ses répercussions sur les droits de la personne.
En fait, vous nous avez aidé à respecter notre engagement, à titre de comité, à obtenir une évaluation indépendante des droits de la personne. Et nous vous en remercions. Vos commentaires viennent alimenter notre réflexion à ce sujet.
La modification proposée par le Parti libéral, qui a été lue afin de figurer dans le compte rendu, et qui a été acceptée cette semaine par le ministre colombien du commerce, et consignée au compte rendu, laisse entendre qu'il faut plus qu'une évaluation des répercussions au moment de la conclusion de l'accord. Il faut créer un mécanisme d'évaluation des répercussions de l'accord sur les droits de la personne.
Il faut que le gouvernement du Canada remette au Parlement du Canada des rapports annuels sur les répercussions de l'Accord de libre-échange Canada-Colombie sur les droits de la personne au Canada et en Colombie. Et il faut que le gouvernement colombien fasse la même chose. Cela signifie que les responsables canadiens du MAECI et nos propres membres rédigeront chaque année un rapport concernant les répercussions de cet accord sur les droits de la personne en Colombie.
Ce rapport — nous avons discuté de ce mécanisme avec des responsables du MAECI qui ont témoigné devant le comité et leur avons demandé comment il fonctionnerait — contiendrait de l'information fournie par des organismes indépendants de défense des droits de la personne, d'ONG et des représentants de la société civile, qui fourniraient de l'information pour le contenu du rapport. Le ministre Plata a aussi affirmé que la Colombie ferait de même. Nous aurions un aperçu de la situation dans les deux pays.
Quand le rapport sera présenté au Parlement chaque année, notre comité et celui des droits de la personne pourront entendre d'autres témoins, y compris des représentants de votre organisme, de façon continue. Je crois vraiment que ce mécanisme peut renforcer de façon continue l'exercice des pouvoirs relativement aux droits de la personne. J'ai eu récemment une rencontre intéressante avec Gerry Baar, et je souhaite poursuivre cette discussion.
Vous avez parlé des Nations Unies et de certains rapports du Commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies. Ce dernier a affirmé que le rapport révèle en quoi le conflit armé à l'interne continue d'entraîner de nombreuses difficultés pour le pays, y compris le non-respect total des droits internationaux de la personne par les FARC. La Commissaire a aussi dit que le problème était exacerbé par les actes de violence commis par des groupes armés illégaux envers des civils à la suite de la démobilisation d'organismes paramilitaires et à cause des liens qui existent entre les groupes armés illégaux et le trafic de la drogue, en plus de souligner que le conflit armé interne avait des répercussions particulièrement graves pour les peuples indigènes et pour les communautés afro-colombiennes.
Une grande part de la violence en Colombie est attribuable à cette guerre pour le contrôle du trafic de la drogue et à la guerre civile alimentée par le trafic de drogue. Les narcotrafiquants et les barons de la drogue n'ont pas de convention collective de travail avec le gouvernement de la Colombie. Le gouvernement canadien n'a aucune influence sur les activités de ces narcotrafiquants, qui violent les droits de la personne, commettent des meurtres et forcent les agriculteurs à abandonner leurs terres pour pouvoir produire de la drogue.
N'avons-nous pas l'obligation d'aider le peuple colombien en lui donnant l'occasion de vendre ses biens et de profiter de véritables débouchés économiques, pour ne pas être obligé de participer à cette guerre violente pour le contrôle du trafic de la drogue?