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CIIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du commerce international


NUMÉRO 003 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 16 mars 2010

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Silence, s'il vous plaît.
    Merci de votre patience et de votre indulgence.
    Quelques membres du comité semblent occuper à autre chose, mais nous allons devoir commencer.
    Je regrette d'avoir fait attendre nos témoins et j'apprécie votre ponctualité.
    Nous poursuivons aujourd'hui notre étude des relations commerciales Canada-États-Unis en faisant spécifiquement référence lors de cette séance aux politiques en matière de marchés publics et au récent accord en la matière.
    Pour nous aider dans ces discussions, nous accueillons aujourd'hui: de Manufacturiers et Exportateurs du Canada, Jean-Michel Laurin, que nous avons déjà eu l'occasion d'entendre et que je remercie de revenir pour la question d'aujourd'hui; du Centre canadien de politiques alternatives, Scott Sinclair, chercheur principal; et Teresa Healy, que nous sommes heureux d'accueillir à nouveau et qui est chercheuse principale du Service des politiques économiques et sociales du Congrès du travail du Canada.
    Ces brèves introductions étant faites, je vais demander à chacun de nos témoins de limiter à 10 minutes leurs déclarations, si vous le voulez bien. Nous allons entendre les déclarations de nos trois témoins, puis passer aux questions.
    Je vais demander à Scott Sinclair, du Centre canadien de politiques alternatives, de bien vouloir commencer.
    Merci beaucoup, monsieur le président et honorables membres du comité.
    Merci de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui et de me donner la chance de discuter de l'Accord sur les marchés publics conclu en février 2010 par le Canada et les États-Unis.
    L'Accord sur les marchés publics, que je vais, dès maintenant, désigner sous le nom de « l'accord », n'apporte pas, selon moi, d'exemptions significatives aux fournisseurs canadiens en ce qui concerne les dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains incluses dans les mesures de relance de l'American Reinvestment and Recovery Act, l'ARRA, de février 2009.
    Comme vous le savez, l'accord comporte trois grands éléments: un échange d'engagements permanents au titre de l'Accord sur les marchés publics de l'OMC; un accord temporaire, jusqu'à septembre 2011, garantissant un accès mutuel à certains projets d'infrastructure des États, des provinces et des municipalités; et un engagement à explorer la portée de négociations ultérieures, ainsi qu'un accord pour des consultations accélérées sur les questions touchant aux marchés publics à l'avenir.
    Durant le temps dont je dispose, j'aborderai brièvement chacun de ces éléments.
    Premièrement, au titre des engagements permanents de l'accord, le Canada liera pour la première fois certains marchés publics des gouvernements provinciaux aux dispositions de l'AMP de l'OMC, les États-Unis élargissant en contrepartie au niveau infranational ses engagements de 1994 au titre de l'AMP, pour le Canada.
    Il y a aux États-Unis 37 États qui assument différents engagements au titre de l'AMP. Jusqu'à maintenant, les fournisseurs canadiens ne pouvaient pas contester les décisions qui les excluaient des appels d'offre effectués par ces 37 États. Il est difficile d'estimer la quantité de marchés publics au niveau de l'État couverts par les États-Unis au titre de l'AMP. Malgré ces obligations en la matière, le gouvernement américain ne produit pas pour le Comité des marchés publics de l'OMC de statistiques détaillées sur les marchés publics au niveau des États.
    Toutefois, les engagements des États-Unis au niveau infranational sont de qualité limitée. Comme vous en avez été informés par d'autres témoins, je crois, les États-Unis ont diverses exceptions, notamment en ce qui concerne les dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains liées au projet de transport public et d'aménagement routier financé par le gouvernement fédéral, ainsi qu'en ce qui concerne certaines tranches réservées aux petites entreprises et aux minorités. Sont exclus les contrats pour les services publics. En outre, dans une bonne part des 37 États qui ont signé l'accord, les fournisseurs canadiens ne sont pas autorisés à fournir de l'acier de structure, des véhicules ou des services d'impression; et il y a d'autres exclusions.
    Il est important de souligner que les fournisseurs canadiens n'ont pas accès aux 23 p. 100 de subventions fédérales réservées aux petites entreprises et aux entreprises aux mains de minorités dans les marchés publics. Les programmes du même titre au niveau des États sont eux aussi pleinement exemptés. Dans certains États, ces exemptions atteignent 25 p. 100 ou 40 p. 100 de l'ensemble, qui sont réservées à des entreprises locales ou à des entreprises détenues par des minorités. Les gouvernements municipaux, comme vous le savez, ne sont pas couverts par les engagements des États-Unis au titre de l'AMP.
    En 1995, le représentant du Canada au Comité des marchés publics de l'OMC, au vu d'une proposition identique, résumait ainsi la position du Canada:
    La position du Canada était que, s'il assurait un accès plus large au marché à ses partenaires commerciaux, il pouvait raisonnablement s'attendre à bénéficier d'un accès réciproque à leur marché. Dans le contexte de l'offre actuelle, ce sont des circonstances qui ne sont pas réunies.
    Je crois que c'est une évaluation qui reste valide aujourd'hui.
    Les provinces canadiennes ont, quant à elles, convenu de couvrir une gamme de biens, de services et de marchés, essentiellement dans le cadre des ministères des gouvernements provinciaux. C'est la première fois qu'un marché public infranational du Canada est engagé par un accord international.
    Les gouvernements provinciaux du Canada ont exclu une gamme de programmes de marchés publics — des entités comme les sociétés d'État et des secteurs comme l'énergie renouvelable et le transport public — des engagements du Canada au titre de l'AMP. Les administrations municipales du Canada ne sont pas, quant à elles, touchées par les engagements permanents; mais elles le sont par les engagements temporaires — je reviendrai là-dessus dans un instant.
    Je voulais juste souligner que les règles de l'AMP interdisent au gouvernement de négocier, voire d'envisager, toute forme de contenu local ou toute condition ou engagement qui encourage le développement local, même si le contrat de marchés publics est ouvert de façon non discriminatoire à des soumissionnaires étrangers.
(1540)
    Je ne peux donc même pas voir quel devis, quel que soit le soumissionnaire, présente les plus grands avantages pour ma communauté, ma région, ma province ou le pays.
    En résumé, les engagements au titre de l'AMP vont entraver la capacité des gouvernements des provinces du Canada à accorder la préférence à des biens ou fournisseurs canadiens ou encore à utiliser les marchés publics comme outil de développement économique, tout en laissant quasiment intactes les politiques préférentielles des dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains.
    Je vais à présent aborder les engagements temporaires.
    Le second point principal de l'accord est une disposition allant jusqu'au 30 septembre 2011. Elle assure un accès mutuel à certains projets d'infrastructure et de construction autrement exclus de l'AMP. Il est difficile de chiffrer précisément la valeur des engagements temporaires, mais les meilleures estimations disponibles montrent que cette partie de l'accord est beaucoup plus avantageuse pour les États-Unis. L'accord donne aux fournisseurs canadiens la possibilité de faire une offre sur les contrats restants dans le cadre de sept programmes précis financés par le gouvernement fédéral. Le budget total des sept programmes s'élève à 18 milliards de dollars américains, mais, au 31 décembre, deux tiers des subventions, prêts et transferts au titre de l'ARRA avaient déjà été affectés. Autrement dit, les fournisseurs canadiens seront en lice pour seulement six milliards de dollars américains des projets de relance financés par le gouvernement fédéral, soit seulement 2 p. 100 des marchés publics financés par l'ARRA. Le reste échappe à la portée de l'accord. Et le montant ouvert, dans la pratique, aux fournisseurs canadiens sera considérablement moindre que ceux que j'ai indiqués.
    D'autres fonds ont été affectés entre le 31 décembre et la date d'entrée en vigueur de l'accord. L'accès des fournisseurs canadiens sera restreint aux contrats supérieurs au seuil. Pour vous donner un exemple, portant sur l'un des sept programmes — le plus important, je crois —, selon un rapport de la U.S. Environmental Protection Agency, au 15 février 2010, plus de 3,5 milliards de dollars américains avaient déjà été affectés par contrat, sur les quatre milliards de dollars américains octroyés au titre de l'ARRA pour le Clean Water State Revolving Fund. De même, au 15 février 2010, pour le Drinking Water State Revolving Fund, 1,8 million de dollars américains avaient déjà été affectés en contrat sur les deux milliards de dollars américains octroyés.
    Le 16 février, lors d'une séance d'information pour les syndicats du Québec, un haut fonctionnaire du ministère du Développement économique du Québec a déclaré estimer à 1,3 milliard de dollars américains la valeur des fonds restant à octroyer au titre des sept programmes américains. Vu le temps qu'il a fallu pour les négociations, le fait que seulement une part infime des projets financés par l'ARRA est couverte et vu que la plupart des fonds ont déjà été octroyés, les fournisseurs canadiens ne doivent pas s'attendre à bénéficier beaucoup des engagements temporaires.
    En revanche, le Canada a garanti aux fournisseurs américains un accès à une série de projets de construction, pour des marchés publics municipaux et fédéraux, jusqu'en septembre 2011. On estime à environ 25 milliards de dollars canadiens la valeur de ces contrats. Je peux vous expliquer comment on est parvenu à ce chiffre durant les questions. Or les fournisseurs américains seront libres de faire une offre pour le plein montant de ces contrats, jusqu'à la date limite. Bref, les engagements temporaires sont vraiment déséquilibrés et le plus gros des avantages va aux États-Unis.
    Laissez-moi parler brièvement du troisième élément. L'une des exigences clés des gouvernements canadiens, lors du lancement des négociations, était que tout accord comporte pour le Canada une protection à l'encontre des dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains dans les lois américaines à venir. Et cet objectif n'a pas été atteint par l'accord. Il stipule, à la place, des consultations accélérées à la demande d'une partie ou de l'autre, sur toute question ayant trait aux marchés publics. Ces consultations doivent démarrer rapidement — dans les 10 jours —, mais l'accord ne comporte pas de mesure de protection ou de garantie juridique mettant le Canada à l'abri des dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains dans les lois américaines à venir. De plus, l'accord stipule, comme vous le savez, le lancement avant un an de discussions entre le Canada et les États-Unis visant à explorer un accord qui élargirait, de façon réciproque, les engagements en matière d'accès aux marchés publics.
(1545)
    Il est difficile de savoir ce que sera le résultat de ces discussions, mais le déséquilibre de l'accord actuel et le fait que malgré le fort prix payé, le Canada n'a pas pu obtenir d'allégement durable significatif concernant les dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains dans l'ARRA n'indiquent rien de bon pour les négociations à venir.
    Merci.
(1550)
    Merci, monsieur Sinclair.
    Je pense que nous allons continuer avec la liste.
    Nous recevons Jean-Michel Laurin, de Manufacturiers et Exportateurs du Canada.
    Vous avez également 10 minutes ou moins, s'il vous plaît. Merci.

[Français]

    Mesdames, messieurs, bonjour.

[Traduction]

    Merci encore de m'avoir invité à comparaître au comité aujourd'hui au nom de Manufacturiers et Exportateurs du Canada pour discuter des relations commerciales Canada-États-Unis et, plus précisément, de l'Accord sur les marchés publics conclu récemment entre les deux pays.
    C'est toujours un plaisir d'être ici. En fait, je me souviens que j'ai rencontré votre comité il y a environ un an pour parler des relations commerciales Canada-États-Unis. Je sais que le comité a produit un rapport, et nous avons été très ravis de voir qu'on y avait inclus une recommandation sur de plus gros efforts de lobbying et de promotion à Washington de la part du Canada.
    Cet après-midi, j'aimerais discuter de l'accord conclu en février, vous faire part d'inquiétudes actuelles sur les dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains aux États-Unis, et discuter de ce dont nous avons besoin pour l'avenir.
    Avant de débuter, j'aimerais parler de notre association et des membres que j'ai le privilège de représenter. Manufacturiers et Exportateurs du Canada est la plus importante association canadienne de l'industrie et du commerce et elle est la voix des entreprises manufacturières et générales au Canada. Notre mission est d'améliorer l'environnement des affaires et d'aider les manufacturiers et exportateurs canadiens à se positionner et à accroître leurs parts de marchés nationaux et mondiaux en utilisant notre leadership et notre expertise, nos réseaux, et les forces de nos membres. Nos membres, présents partout au Canada, comprennent des entreprises dans tous les secteurs manufacturiers, et consistent surtout en de petites et moyennes entreprises.
    L'an dernier, les manufacturiers canadiens ont directement exporté 47 p. 100 de leur production, et 77 p. 100 de ces exportations sont allées aux États-Unis. Les États-Unis représentent notre principal marché d'exportation. Lorsque l'on prend en compte les exportations indirectes, nous pourrions dire que nous vendons plus aux États-Unis qu'ici au Canada.
    Les ventes américaines des manufacturiers canadiens ont chuté de 23 p. 100 l'an dernier, donc nos membres ont grandement souffert de la récession américaine. Malgré les efforts des exportateurs pour diversifier leurs ventes dans d'autres marchés, pour des raisons géographiques et économiques, nous nous attendons à ce que les États-Unis demeurent notre marché principal dans un avenir prévisible, et aussi à long terme.
    C'est la raison pour laquelle les dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains incluses dans l'ARRA, la version américaine du plan d'action économique, nous importent autant. Voilà pourquoi notre association a été le chef de file de la lutte contre ces dispositions dans le secteur des affaires au Canada.
    Notre lutte contre les dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains dans l'ARRA a débuté en janvier 2009, lorsque le Congrès a proposé ces restrictions pour la première fois. Nous avons alors alerté le gouvernement et nous avons été ravis de voir que le premier ministre en discute directement avec le président Obama à plusieurs reprises. Malgré les garanties du président que les États-Unis allaient respecter ses obligations commerciales, nous savions qu'il y aurait des conséquences pour nos membres, parce que l'ALENA n'inclut pas les transferts fédéraux aux États et aux administrations locales.
    Peu après, nous avons commencé à recevoir des appels de nos membres qui nous disaient qu'ils ne pouvaient pas soumettre d'offres sur des projets à moins de signer des affidavits déclarant que leurs biens étaient produits aux États-Unis. Des entreprises de divers secteurs, comme celles du secteur des aqueducs et de l'équipement pour les eaux usées, des produits d'acier ou de métaux, des produits électriques, de la construction et de l'équipement médical, nous faisaient part de leurs problèmes.
    Les expériences vécues par certains de nos membres ont fait les manchettes. Vous les avez peut-être lues.
    De plus, les entreprises qui auraient dû être protégées par nos accords commerciaux, ou qui ne vendaient pas directement aux gouvernements américains, nous faisaient part de problèmes et perdaient des clients suite au climat qui s'installait aux États-Unis à cause de dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains.

[Français]

    Le gouvernement fédéral et les provinces ont rapidement compris l'enjeu et sont passés à l'action. En quelques semaines seulement, toutes les provinces se sont ralliées à la stratégie mise en avant par le ministre Day, du gouvernement fédéral. Cette stratégie visait à nous ramener au 16 février 2009, c'est-à-dire le jour avant l'adoption de l'American Recovery and Reinvestment Act, le plan de relance américain.
    L'objectif à court terme était d'exempter les entreprises canadiennes des mesures « Buy American » et de négocier une entente qui aurait des impacts à plus long terme en ouvrant davantage les marchés publics des deux côtés de la frontière.

[Traduction]

    L'accord entré en vigueur le 16 février de cette année est, d'après nous, un pas en avant. Il bénéficie aux exportateurs canadiens en améliorant l'accès aux marchés publics américains. Bien que le nouvel Accord sur les marchés publics n'offre pas l'exclusion générale souhaitée pour les produits manufacturés canadiens, c'est un pas en avant et il permettra au Canada de mieux combattre les dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains à l'avenir.
    En fait, je veux profiter de l'occasion pour remercier le premier ministre Harper, le ministre Day, ses collègues au Cabinet et son personnel, de même que les premiers ministres provinciaux, Don Stephenson, négociateur en chef, son équipe de négociation, l'ambassadeur Doer à Washington et son personnel pour leur leadership, leur persévérance et leurs efforts visant à conclure ce premier accord commercial avec l'administration Obama.
    Cet accord apportera cinq changements pour nos membres. Premièrement, l'accord, met les entreprises canadiennes à l'abri des dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains de l'ARRA. Cette exception se limite aux sept programmes décrits plus tôt par M. Sinclair.
    Deuxièmement, en convainquant les provinces de signer l'Accord sur les marchés publics de l'OMC, les entreprises canadiennes obtiennent un accès garanti aux marchés publics de 37 États. En d'autres mots, les entreprises canadiennes obtiennent le même accès aux États-Unis que les entreprises européennes ont depuis des années. Une fois le plan de relance terminé, cette partie de l'accord demeurera en place.
    Troisièmement, l'accord constitue un précédent pour le Canada car il reconnaît l'intégration de nos deux économies. Pendant les négociations, l'administration américaine répétait qu'elle ne pouvait offrir une exception au Canada parce que cela créerait un précédent. En fin de compte, nous avons pu obtenir ce précédent et la reconnaissance du caractère spécial de notre relation, ce qui sera sûrement utile à l'avenir.
    Quatrièmement, cet accord signifie que les entreprises américaines ont maintenant un accès garanti à certains de nos marchés publics au Canada. Nous leur avons garanti l'accès pour les projets financés par notre plan de relance. De plus, en signant l'accord de l'OMC, nos provinces offrent aux entreprises américaines l'accès à toute une gamme de marchés publics.
    Il faut souligner que ces marchés étaient déjà généralement ouverts aux entreprises américaines. Les entreprises canadiennes étaient habituées à faire face à la concurrence provenant des États-Unis et d'ailleurs dans le monde dans nos propres marchés publics au Canada.
    Pour terminer, l'accord met en place un processus pour des négociations plus ambitieuses. Il y aura un mécanisme accéléré pour traiter des futures dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains et engager les deux gouvernements à entamer des négociations plus ambitieuses l'année prochaine.
    Puisque l'accord ne résout pas tous les problèmes des entreprises canadiennes issus des dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains, il ne signifie donc pas la fin de notre lutte contre ces dispositions dans notre principal marché d'exportation.
    L'éventualité de futures lois adoptées par le Congrès et qui limiteraient l'accès du Canada au marché américain continue de nous préoccuper. Tant que la sécurité économique sera en tête de liste des priorités aux États-Unis, il y aura de fortes pressions pour l'établissement de politiques privilégiant l'achat de biens américains aux États-Unis.
    Par l'entremise de notre bureau à Washington, nous suivons de près les actions du Congrès, surtout le compte des crédits américains qui a débuté en février et les progrès d'autres projets de loi qui favoriseraient davantage d'efforts de la part des Américains pour relancer leur économie, surtout s'ils contiennent des dispositions privilégiant l'achat de biens américains.
    Nous collaborerons également étroitement avec un certain nombre d'associations alliées à Washington. En fait, notre président est présentement à Washington pour en rencontrer certaines. Nous comprenons qu'un élément essentiel de la lutte contre les dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains est de trouver ces alliés aux États-Unis pour qu'ils puissent ensuite expliquer que les Canadiens et les Américains produisent ensemble, et que notre partenariat économique crée des emplois, une richesse durable et des occasions d'affaires aux États-Unis et au Canada.
    Je sais que certains des membres du comité et certains de vos collègues au Parlement ont participé à ces discussions par l'entremise du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis et d'autres organismes. Je veux vous dire que ces choses font une différence. Notre ambassade, nos provinces et nos maires doivent également cultiver leurs relations avec nos alliés et nos homologues américains. Elles sont très utiles pour adapter le message au plan local et dire aux Américains quels sont les avantages de notre relation commerciale.
    Pour conclure, notre travail ne devrait pas se terminer avec cet accord. Je crois que cet accord constitue un progrès, mais la leçon que nous avons tirée de cette expérience, c'est que forger des alliances transfrontalières et collaborer avec nos alliés forment la clé du succès.
(1555)
    Je vous remercie.
    Je me ferai un plaisir de répondre à toutes les questions que vous voudriez me poser.
    Je vous remercie, monsieur Laurin.
    Nous allons maintenant entendre le témoignage de Mme Teresa Healy du Congrès du travail du Canada.
(1600)
    Je vous remercie, membres du comité, de me donner la possibilité de m'exprimer devant vous au sujet de l'Accord Canada-États-Unis sur les marchés publics.
    Au nom des 3,2 millions de membres du Congrès du travail du Canada, nous vous remercions de nous donner l'occasion de prendre la parole. Le CTC réunit des syndicats canadiens, tant nationaux qu'internationaux ainsi que les fédérations de syndicats tant provinciaux que territoriaux et 130 conseils du travail de district, dont les membres représentent à peu près tous les secteurs de l'économie canadienne, toutes les professions et toutes les régions de notre pays.
    Le Congrès du travail du Canada considère qu'il faut faire deux remarques importantes au sujet des circonstances dans lesquelles le Canada a conclu avec les États-Unis cette entente sur l'approvisionnement.
    En premier lieu, les travailleurs canadiens subissent encore les effets très marqués de la crise économique. Selon les dernières données fournies par Statistique Canada, le Canada a perdu plus de 250 000 emplois à plein temps depuis octobre 2008. Le taux de chômage est de 8,2 p. 100 et l'on ne prévoit pas qu'il diminuera dans un avenir rapproché. Quant au taux de chômage réel — c'est-à-dire, le taux tenant compte des travailleurs découragés et des travailleurs à temps partiel involontaires — il atteint plus de 12 p. 100. Plus de 1 500 000 hommes et femmes sont sans travail et 20 p. 100 d'entre eux sont dans cette situation depuis plus de six mois.
    En second lieu, ce qu'on a appelé la reprise demeure extrêmement précaire et partielle. Dans le monde entier, les économies nationales ont encore besoin de subventions de la part des gouvernements pour stimuler le développement économique et la création d'emplois.
    Ces deux éléments auxquels s'ajoutent un taux de chômage élevé et une économie fragile, constituent notre cadre de référence lorsqu'il s'agit d'analyser l'entente sur les marchés publics dont il est question aujourd'hui.
    D'entrée de jeu, je devrais préciser que le mouvement syndical demeure persuadé que les gouvernements devraient puiser à même les fonds publics pour atteindre divers objectifs sociaux. Depuis que la crise économique nous a frappés de plein fouet, nous réclamons d'importants investissements publics dans des infrastructures tant matérielles que sociales afin que le secteur public fasse sa part pour appuyer la reprise économique dans l'ensemble de notre pays.
    Nous n'ignorons pas que certains se sont inquiétés de l'effet perturbateur sur les chaînes d'approvisionnement intégrées nord-américaines de l'injection de fonds publics aux États-Unis en vertu de l'American Recovery and Reinvestment Act, et du fait que ces initiatives ont limité l'accès des fournisseurs canadiens aux fonds de relance américain. Toutefois, cela n'est rien au vu du véritable tollé qui n'a fait qu'enfler, au fur et à mesure qu'on a montré dans les médias des images de conduites canadiennes en train d'être arrachées à même le sol. En réaction à cela, des dirigeants canadiens se sont engagés à être le fer de lance dans la lutte internationale contre le protectionnisme américain.
    Le gouvernement a choisi de ne pas tenir compte des industries intégrées en négociant des ententes sectorielles. Malheureusement, et en raison de cela, nous sommes maintenant assujettis à un accord que nous paierons très cher et pendant longtemps. En effet, à notre avis, il s'accompagne de bon nombre de problèmes.
    D'abord, pour la première fois dans son histoire, le Canada a lié en permanence ses provinces et deux territoires à respecter les engagements découlant de l'Accord sur les marchés publics de l'OMC. Or, en pleine tourmente économique, les provinces et les territoires ont renoncé à un espace politique important qu'ils pourraient utiliser à meilleur escient pour appuyer la production de biens et de services canadiens, dans les secteurs à la fois public et privé.
    En second lieu, en souscrivant à cet accord, les gouvernements ont montré qu'ils sont disposés à céder encore plus de contrôle sur le développement économique du Canada au cours de négociations à venir avec les États-Unis et les négociations actuelles avec l'Union européenne.
    Troisièmement, en inscrivant ce nouvel accord dans la lutte contre le protectionnisme croissant, on s'est trouvé à saper à la base la légitimité des politiques privilégiant les achats de biens canadiens. En effet, l'accord freinera certainement les engagements pris par les gouvernements de recourir à leur pouvoir d'achat public afin d'appuyer le développement économique.
    En quatrième lieu, nous sommes étonnés que le gouvernement ne nous ait pas donné la moindre idée des préjudices subis par les fournisseurs canadiens dans la foulée de cet accord sans précédent. Les données portant sur les préjudices subis par les fournisseurs canadiens en raison des dispositions privilégiant l'achat de biens américains, qui existent depuis les années 1930, ne sont pas des données scientifiques. À cause de l'exigence de confidentialité entourant les affaires des entreprises, les renseignements ne nous sont fournis que par l'entremise de la presse. Nous ne savons donc pas vraiment quelle a été la gravité de ces préjudices et nous ne pouvons tout simplement pas accepter l'idée selon laquelle ce sont les dispositions privilégiant l'achat de biens américains plutôt que la récession économique qui sont à l'origine de la baisse de nos exportations.
(1605)
    Cinquièmement, malgré le fait que l'accord s'accompagne de bon nombre d'exceptions et de réserves des deux côtés, le gouvernement est incapable de nous fournir un bilan des coûts et des avantages. Ainsi, par exemple, les gouvernements n'ont demandé aucune étude sur les préjudices éventuels pour l'économie canadienne découlant de la présence de grands fournisseurs américains de biens et services dans le secteur public.
    Sixièmement, dans l'accord, le marché public est défini comme « des transactions contractuelles destinées à acquérir des propriétés ou des services à l'usage ou à l'avantage directs du gouvernement ». Selon cette définition, le marché public peut englober le choix d'un partenariat public-privé. La même définition avalise aussi la sous-traitance et la privatisation des entités couvertes, en dépit des coûts élevés et de la faible rémunération que cela entraîne.
    Les problèmes de cet accord vont bien plus loin que la question de l'accès réciproque aux marchés et nous amènent à nous demander quel genre d'État nous sommes en train de façonner pour l'avenir. Comment allons-nous réussir à conserver l'orientation démocratique de notre économie et de notre société lorsque les gouvernements cèdent volontiers les mécanismes politiques dont ils disposent pour renforcer l'inclusion et la justice sociale?
    Dans le document intitulé « Labour's Plan to Deal with the Economic Crisis » (Comment les syndicats veulent réagir à la crise économique), nous avons noté une étude effectuée par Informetrica pour le compte de la Fédération canadienne des municipalités, selon laquelle des dépenses supplémentaires de un milliard de dollars affectées aux infrastructures essentielles peuvent être à l'origine de 11 500 emplois, la moitié dans le secteur du bâtiment, l'autre moitié dans d'autres secteurs. Pour chaque milliard de dollars investi en économie d'énergie et dans des systèmes d'énergie renouvelable, il se crée jusqu'à 18 000 emplois. Selon Statistique Canada, des investissements dans les infrastructures publiques rapportent des bénéfices de 17 p. 100 au secteur privé en stimulant la productivité et en abaissant les coûts d'exploitation et de la production.
    Les investissements peuvent également favoriser la hausse de l'emploi dans le secteur manufacturier s'ils sont assortis de l'obligation d'acheter canadien, tel que l'ont réclamé le CTC et Manufacturiers et Exportateurs du Canada dans leur exposé de principe de février 2008.
    Nous serions en mesure de créer 2 000 nouveaux emplois en remplaçant 694 millions de dollars de véhicules de transport en commun importés par du matériel construit au Canada. Pour ce qui est de la mise en valeur d'une industrie solaire et éolienne, un large public lui est favorable dans notre pays et elle devrait comporter un contenu canadien. Aussi, les conditions d'attribution des contrats gouvernementaux devraient favoriser un secteur public fort en veillant à ce que la prestation des services publics soit assurée par le service public. Ce dernier ne devrait pas se voir amoindri par un gouvernement qui donnerait la priorité à la sous-traitance, à la privatisation ou aux coûteux partenariats publics-privés. Notre secteur public nous permet d'offrir des services de grande qualité et également de favoriser la syndicalisation, la création de bons emplois et l'inclusion des femmes, des immigrants et de l'embauche et de la formation des travailleurs des minorités visibles.
    En conclusion, au cours de l'année écoulée, le Congrès du travail du Canada s'est rendu dans les collectivités de l'ensemble du pays afin de demander aux gens comment ils vivent la crise économique. Je terminerai donc en citant M. Brian Clark, un mineur de Campbell River en Colombie-Britannique: « Nous avons perdu notre secteur des pêches. Nous avons perdu notre exploitation forestière. Nous avons perdu notre usine. Nous avons perdu notre mine. Que nous reste-t-il d'autre à perdre dans notre ville »?
    J'estime que la question de M. Clark se pose au comité au moment où nous nous penchons sur les conséquences actuelles et à venir de cet accord. Sans le moindre débat et sans les preuves à l'appui, on a restreint le champ d'action d'un important mécanisme d'intervention et fait en sorte que des négociations à venir puissent l'affaiblir encore davantage. C'est ainsi que le secteur public a été amoindri. C'est un résultat qui nous préoccupe énormément.
    Je vous remercie de votre attention.
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant passer aux questions.
    Un autre membre s'est joint à nous. Il est agréable d'accueillir l'honorable Lawrence MacAulay ainsi que l'honorable Gerry Byrne. Je crois que c'est M. Silva qui ouvrira le bal en temps que membre régulier.
    Nous allons d'abord accorder des temps de parole de sept minutes afin que chacun et chacune aient l'occasion d'intervenir. Je m'en tiendrai donc à des temps de parole de sept minutes incluant questions et réponses. Je vous serais reconnaissant d'être brefs dans les questions et les réponses, car cela nous permettrait plus facilement de faire le tour de la question.
    Monsieur Silva, la parole est à vous.
(1610)
    Merci, monsieur le président.
    Permettez-moi tout d'abord de remercier les témoins pour leur témoignage.
    Bien sûr, nous avons tous été très inquiets de la terrible situation à laquelle le Canada a fait face suite à l'adoption des dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains et tout ce que cela impliquait. Le protectionnisme américain était très alarmant pour nous tous. Étant donné que les activités de bon nombre de nos entreprises et de nos fabricants sont interreliées avec leurs opérations américaines, il devenait extrêmement difficile pour eux de poursuivre leurs activités.
    Je comprends donc la difficile situation dans laquelle le gouvernement s'est retrouvé. Il y avait beaucoup de pressions pour qu'il négocie un accord. Je pense que nous étions tous d'avis qu'il était nécessaire de conclure un accord.
    Depuis la conclusion de l'accord, nous sommes nombreux à nous inquiéter de la manière dont il a été conclu, surtout en ce qui concerne les exemptions générales et leurs conséquences. Est-ce que cette entente crée un précédent pour le Canada et pour nos négociations futures?
    J'aimerais entendre ce que n'importe lequel d'entre vous pense de ces exemptions générales et du précédent qu'elles pourraient créer.
    Je pense que certains d'entre vous pourriez aussi nous aider à faire la lumière sur la question de savoir si cet accord lie tous les gouvernements du pays en ce qui concerne le recours au marché public pour développer certains projets, pour stimuler la croissance économique, etc. Certains d'entre nous avons encore des questions et nous espérons pouvoir retirer une conclusion. Le public partage nos préoccupations. Il va sans dire qu'il nous fallait un accord. La question est de savoir si celui qu'on a obtenu est le bon.
    N'importe qui d'entre vous peut faire part de ses observations à ce sujet.
    Je pense que c'est une très bonne question.
    Pour paraphraser votre question, vous voulez savoir si l'accord négocié pour les exportateurs canadiens améliore la situation et quelles sont les ramifications d'un tel accord.
    En ce qui concerne les répercussions, l'impact direct des dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains était que les entreprises canadiennes ne pouvaient pas soumissionner pour les contrats d'acquisition et les projets de relance de l'économie aux États-Unis. C'était un impact direct et nous avons perdu des contrats à cause de cette règle. C'est pourquoi nous voulions une solution à court terme, mais les conséquences allaient bien au-delà des pertes directes de vente ou de contrat. Il y avait des fournisseurs canadiens qui ne pouvaient plus vendre à leurs clients américains parce que ceux-ci n'étaient pas sûrs de pouvoir utiliser les intrants produits au Canada.
    Certains gouvernements municipaux n'étaient pas assujettis aux dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains. Ils étaient libres de faire ce qu'ils voulaient à la condition d'utiliser leur propre argent. Certains d'entre eux ont décidé de s'approvisionner uniquement auprès d'entreprises américaines parce qu'ils ne souhaitent pas avoir deux stocks différents. Cela aussi nous a fait perdre des clients.
    Il y a d'autres entreprises canadiennes qui ont perdu des ventes lorsque les sociétés qu'elles approvisionnaient ont perdu des contrats aux États-Unis.
    Enfin, il y a de nombreuses entreprises qui n'ont pas été touchées directement par les dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains mais qui disent que celles-ci envoient le mauvais message. De nombreuses entreprises canadiennes dépendent des investisseurs étrangers et ceux-ci pensent qu'en investissant au Canada ils ne pourront peut-être pas avoir accès aux marchés américains, ce n'est pas une bonne chose. À cause de cela, de nombreux investisseurs craignent de construire des usines ou d'investir leur argent au Canada.
    L'accord règle en partie certains de ces problèmes. Il donne l'impression que le Canada n'est pas assujetti aux dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains. Ça, c'est certainement un signal très positif pour attirer des investissements ou même pour retenir les investissements actuels au Canada.
    À court terme, nous avons obtenu une exemption partielle des restrictions applicables au marché public financée par l'ARRA. En d'autres mots, nous sommes seulement exemptés de sept programmes, et la plupart des budgets de ces programmes ont déjà été dépensés de sorte que les bénéfices sont limités. Mais sommes-nous mieux avec cet accord que sans accord du tout? Absolument. En fait, nous avons discuté avec le gouvernement tout au long des négociations, et je pense qu'il savait que s'il avait refusé un mauvais accord, nous l'aurions appuyé. L'objectif n'était pas d'obtenir un accord à tout prix, mais d'en obtenir un qui allait améliorer la situation des entreprises canadiennes. Il est évident qu'il n'est pas parfait, mais je pense que nous sommes en meilleure position que s'il n'y avait pas du tout d'accord.
    Pour conclure, vous avez demandé si cet accord nous lie les mains pour l'avenir où limite ce que nous pouvons faire au Canada au moyen de marchés publics. Les provinces ont signé l'accord de l'OMC sur les marchés publics, qui accorde aux entreprises américaines, et uniquement aux entreprises américaines, un accès partiel aux marchés publics ici au Canada. Nous devons reconnaître que de manière générale ces marchés sont déjà très ouverts. Mais il y a encore tout un ensemble de marchés publics qui ne sont pas couverts par cet accord. Nous espérons que les deux gouvernements réussiront à négocier un accord qui libéraliserait davantage les marchés.
    Comme M. Sinclair le disait, certains marchés américains restent fermés aux entreprises canadiennes en raison de politiques qui sont en place depuis un certain temps déjà. Comme on l'a aussi mentionné, les municipalités américaines et canadiennes ne sont pas assujetties aux dispositions de cet accord qui s'applique à long terme. Il reste encore beaucoup de choses à négocier. La situation pourrait encore grandement s'améliorer en obtenant un meilleur accès aux marchés américains.
    Notre objectif devrait toujours être d'améliorer notre accès aux États-Unis, plutôt que de restreindre l'accès à nos propres marchés ici au Canada. Le marché américain pour nos biens et services est tellement plus vaste. Lorsque vous parlez aux entreprises canadiennes, et je sais que vous le faites tous, leur grande ambition est d'abord et avant tout de pénétrer le marché américain. Notre objectif devrait toujours être de créer autant de possibilités et d'ouvrir autant de marchés que possible pour les entreprises canadiennes.
(1615)
    Est-ce que l'un d'entre vous souhaite ajouter quelque chose?
    J'aimerais répondre brièvement.
    Il est très important pour nous d'avoir cette discussion et de rappeler encore une fois que nous sommes au coeur d'une crise économique comme personne d'entre nous n'en a jamais connu dans ce pays. Lorsque nous parlons de reprise, lorsque nous parlons de l'évolution de nos relations commerciales, nous ne parlons pas du statu quo; nous parlons de l'utilisation à bon escient des fonds publics. Je pense vraiment que c'est là où il faut en venir. Il ne s'agit pas seulement de relations d'exportation ou de relations commerciales dans un vide. Nous parlons d'une crise économique et de la possibilité qu'ont les gouvernements d'utiliser les fonds publics pour stimuler l'économie et promouvoir une reprise complète de l'économie. C'est vrai tout autant pour la façon dont les Américains utilisent leurs fonds publics que pour la façon dont nous devons utiliser nos fonds publics.
    Désolé, nous essayons de ne pas dépasser sept minutes pour les questions et les réponses. Si vous souhaitez répondre, je vous demanderais de l'indiquer au début de la question. Sinon, comme c'est le cas maintenant, un témoin va prendre tout le temps.
    Monsieur Laforest.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins.
    Il est rare qu'on entende des positions aussi opposées. Je pense ici à ce que M. Sinclair et M. Laurin ont dit, particulièrement, de même qu'aux propos de Mme Healy par rapport à ceux de M. Laurin.
    Monsieur Laurin, vous avez dit que la stratégie de négociation du gouvernement et du ministre Day avait été de tenter de revenir à la situation du 16 février 2009, au moment de l'adoption de la Buy American Act, après le plan de relance. Je trouve un peu particulier que vous sembliez adhérer à ça.
     Est-il possible de revenir au 16 février 2009 alors que les deux tiers des sommes ont déjà été dépensées? Les entreprises canadiennes ne peuvent plus faire de soumissions. On ne peut pas revenir au 16 février 2009. Or vous semblez dire que oui. Je trouve ça un peu contradictoire.
    Non, je veux dire que l'objectif au départ était, en pratique, d'exempter le Canada des mesures « Buy American », puis d'arriver à une entente plus large permettant de nous protéger, d'offrir des garanties relativement aux provinces et aux États américains. Ça permettrait d'éviter que ce genre de problème se reproduise à l'avenir.
    En définitive, votre question est bonne. Les Américains n'ont pas attendu que les négociations soient finies pour dépenser leur argent. Vous avez tout à fait raison de dire qu'une bonne partie des sommes ont été dépensées. On n'a pas de chiffres exacts. D'après ce qu'on a pu voir, environ 60 p. 100 des fonds avaient été dépensés au moment de l'annonce de l'entente.
    Quoi qu'il en soit, on parle ici des États-Unis et d'un plan de relance de 787 milliards de dollars. Même s'il n'en reste qu'une petite partie, ça représente des débouchés beaucoup plus importants que ceux disponibles au Canada.
(1620)
    Dans votre analyse, vous dites que c'est quand même intéressant, que ça en vaut la peine, malgré tout.
    Oui.
    Pour sa part, M. Sinclair dit qu'on donne beaucoup pour obtenir relativement peu.
     Monsieur Laurin, vous dites même que les marchés que l'on ouvre ici étaient déjà ouverts. Je ne suis pas sûr que ce soit exact. J'aimerais connaître l'opinion de M. Sinclair à ce sujet.
    

[Traduction]

    Merci pour la question. Je pense qu'il y a une leçon claire à tirer de cette expérience et du prix élevé que nous avons payé dans cet accord pour la maigre exonération des dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains qui s'appliquent depuis longtemps quoique elles aient été renforcées par l'ARRA. Ce que nous avons appris c'est qu'il faut trouver une nouvelle approche, comme le disait Teresa.
    Les politiques privilégiant l'achat de biens américains sont extrêmement populaires aux États-Unis. Ce n'est pas en les attaquant et en en faisant une haute priorité, plutôt qu'en ayant recours à la diplomatie tranquille, que nous allons nous faire des amis à Washington et exercer une véritable influence sur leurs politiques futures.
    Nous devons également nous demander dans quelle mesure nous sommes prêts à sacrifier une marge de manoeuvre dans l'établissement de nos politiques, surtout lorsque notre voisin et principal partenaire commercial utilise les marchés publics d'une manière très avertie et systématique et très populaire dans l'ensemble de la population — ce qui serait également le cas au Canada — pour stimuler le développement économique local.
    Au Canada, nous l'utilisons pour aider de nouvelles industries comme l'énergie renouvelable, l'immense investissement d'Hydro-Québec dans l'énergie éolienne, ou la Loi sur l'énergie verte en Ontario. Sommes-nous prêts à abandonner cette marge de manoeuvre dans l'élaboration de nos politiques et dans d'autres domaines dans l'espoir vain d'influencer la politique américaine? Nous devrions examiner sérieusement ce qui est possible.

[Français]

    Me reste-t-il du temps? Non?
    Merci, monsieur le président. Bonjour madame, bonjour messieurs.
     Monsieur Laurin, chaque fois que vous comparaissez, vous me surprenez par votre vision du commerce et du libre-marché, mais vous avez droit à votre opinion.
     Cependant, j'ai bien écouté votre déclaration. En ce qui a trait à la Buy American Act, vous avez parlé du sentiment « Buy American ». Cela m'a surpris. La Buy American Act de l'année dernière a-t-il été si mauvais? Étaient-ce seulement des fantômes ou des épouvantails à moineaux, comme on dit à Rimouski?
    Ma réponse sera courte. Les mesures « Buy American » étaient très mauvaises en effet. C'était la première fois que les Américains les appliquaient. Il y a déjà eu des mesures de type « Buy American », en général dans des secteurs et des types de projets très précis. C'était la première fois que les Américains les appliquaient à n'importe quel type de projet financé par le plan de relance aux États-Unis.
    L'ampleur du problème était importante pour plusieurs entreprises de plusieurs secteurs d'activité. Dès que vous vendez au gouvernement des États-Unis, vous êtes affecté directement. Je dirais donc oui.
    Je ne me souviens pas de la première partie de votre question.
    Vous avez parlé d'un sentiment.
    En effet, nos membres nous ont dit que des entreprises américaines concurrentes basées aux États-Unis utilisaient cela avec leurs clients, leur disant que même s'ils n'étaient pas des clients gouvernementaux, ils ne pouvaient pas acheter d'une entreprise canadienne, car le président avait dit qu'il fallait acheter aux États-Unis. Tout cela a affecté des entreprises dans plusieurs secteurs.
    Concrètement, avez-vous vu des choses qui ne se sont pas réalisées à cause de la Buy American Act?
(1625)
    Parlez-vous de projets qui ne se sont pas réalisés?
    Oui.
    En effet, certaines entreprises ne pouvaient pas soumissionner à des projets, sauf si elles signaient des affidavits déclarant qu'elles pouvaient fabriquer les produits aux États-Unis.
    Par exemple, en Beauce ou dans l'ensemble du Québec, plusieurs entreprises dans le domaine de l'acier, de la fabrication d'équipements pour le traitement des eaux, et dont le marché principal était normalement aux États-Unis, du jour au lendemain, ont perdu leur principal marché.
    C'est bien.

[Traduction]

    Nous allons faire une autre série de questions.
    Monsieur Allen.
    Merci, monsieur le président.
    Je croyais que vous alliez être généreux envers M. Guimond, comme vous l'avez été la semaine dernière, et lui donner un peu plus de temps.
    Merci infiniment d'être venus.
    Je m'adresse alors à M. Laurin. Je regarde l'énoncé de politique que vous avez préparé avec vos collègues en février 2008 et je dois vous dire que je l'ai souvent utilisé dans mes démarches auprès des conseils municipaux dans la région du Niagara. En fait, j'ai rencontré la moitié d'entre eux et j'ai toujours réussi à discuter d'une politique privilégiant l'achat de biens canadiens pour les marchés publics municipaux.
    Ils croyaient en fait être assujettis à l'ALENA, alors que nous savons tous que ce n'est pas le cas. Les municipalités croyaient à tort être assujetties à l'ALENA puisque le gouvernement canadien l'a signé. Elles utilisaient cela comme excuse pour ne pas acheter des produits canadiens avec l'argent du public. Elles ne réalisent pas de bénéfices; elles perçoivent de l'argent comme toute autre administration et cet argent c'est celui du public. Je leur ai expliqué qu'elles étaient tenues de dépenser cet argent de manière à en faire profiter ceux-là même qui le leur avaient fourni.
    Bien sûr, j'ai étudié votre rapport. Je vais le paraphraser. Je sais que vous connaissez très bien ce rapport. Vous croyez, d'après ce document de 2008, que le gouvernement canadien a eu raison d'utiliser cet instrument de politique et, qu'en fait, nous devrions investir dans le secteur manufacturier canadien en nous approvisionnant auprès des fournisseurs locaux.
    Mais aujourd'hui, je vous entends dire que l'accord n'est pas aussi bon que vous l'auriez souhaité, mais qu'il ouvre la voie à la libéralisation des marchés un jour. Donc en fait, d'après ceci, vous diriez au gouvernement de ne pas utiliser ce levier politique pour les marchés publics locaux, parce qu'il y aurait tout simplement une frontière ouverte, peu importe l'emplacement du marché public.
    Est-ce que j'ai bien présenté votre position, ou y a-t-il eu un changement de l'orientation politique de Manufacturiers et Exportateurs du Canada?
    Merci pour cette question.
    Non, en fait, je pense que notre politique est restée la même. Nous avons rédigé ce document il y a quelques années et nous y traitions des mesures privilégiant l'achat de biens américains qui s'appliquaient aux dépenses fédérales pour des autoroutes et l'infrastructure des transports aux États-Unis.
    En fait, ces restrictions remontent aux années 1930 et ont été modernisées dans les années 1980. Elles s'appliquent aux entreprises qui font des produits utilisés dans les projets de transport en commun ou dans des projets de construction d'autoroutes. Ces restrictions existent depuis très longtemps. Nous n'avons pas réussi à obtenir libre accès à ces marchés aux États-Unis, ni dans l'ALENA, ni avant cela dans l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis.
    C'est pour cette raison que nous avons rédigé ce document de politique. Nos membres se sont adressés à nous. Ils produisaient de l'équipement pour le transport en commun et de l'acier pour les autoroutes et les ponts et ils nous disaient: « Si nous ne pouvons pas faire changer cette politique américaine, il faudrait au moins que les règles du jeu soient équitables ici au Canada et nous devrions peut-être adopter des politiques qui nous procureraient le même genre de soutien interne ».
    Notre objectif a toujours été, d'abord et avant tout, d'obtenir l'accès au marché américain, mais à défaut de cela, nous devons examiner nos autres options. C'est ce que nous essayons de dire au gouvernement. C'est ce que nous essayons de dire au public.
    Donc, le parallèle avec les négociations en cours sur les dispositions privilégiant l'achat de biens américains est que cet accord nous donne l'occasion de soulever cette question auprès des Américains qui se sont engagés à nous rencontrer et à discuter des marchés publics en général.
    Allons-nous réussir à faire bouger les choses dans ce dossier? Je ne le sais pas. Mais je pense que l'objectif doit toujours rester l'ouverture du marché américain. C'est là où la plupart des sociétés canadiennes aimeraient aller faire affaire.
    Je comprends cela.
    Je regrette de vous interrompre, mais je sais que M. Richardson va me couper la parole au bout de sept minutes.
    Oui, je sais, il est sévère.
    C'est correct. C'est un sujet très détaillé qui demande beaucoup de réflexion.
    Et M. Richardson ne fait que son travail, d'ailleurs.
    Monsieur le président, je comprends cela.
    C'est une proposition très détaillée et difficile et j'espère donc que les MEC se rappelleront ce qu'ils ont dit en 2008 car, comme vous le disiez tout à l'heure, cet accord n'est pas parfait. Certains diraient qu'il est mauvais, mais c'est à chacun d'entre nous d'en juger.
    Je m'adresse maintenant à M. Sinclair et à Mme Healey.
    M. Laurin nous a gentiment fourni le contexte historique en rappelant que nous n'avions pas obtenu grand-chose dans l'ALENA et l'ALE. Il me semble que nous n'avons pas obtenu grand-chose non plus cette fois-ci, ce qui augure mal pour nos futurs accords internationaux. Cela étant, j'aimerais vous interroger au sujet des sommes d'argent sans précédent dépensées aux États-Unis. Est-ce simplement les sommes d'argent prévues par le gouvernement fédéral des États-Unis qui ont attiré autant l'attention? M. Laurin a clairement rappelé — et comme je le disais, j'ai moi-même utilisé cette information — la loi Achetez américain des années 1930 et les modifications qui lui ont été apportées au fil des ans et qui restent en vigueur. Est-ce simplement le fait que le gouvernement dépensait près de un billion de dollars du coup qu'ils se sont dit: « Ouah! Qu'est-ce qui se passe? Pourquoi est-ce que nous n'en avons pas notre part? C'est un gros gâteau, pourquoi est-ce que nous ne pouvons pas en avoir une part » ou est-ce simplement: « Les choses ont toujours été ainsi, et si le gâteau avait été plus petit, nous n'aurions rien remarqué »?
    Monsieur Sinclair.
(1630)
    Je dois dire, en tant que personne qui suit les politiques d'approvisionnement depuis une vingtaine d'années, que j'ai été passablement surpris par la réaction au Canada à l'égard des dispositions privilégiant l'achat de biens américains contenues dans l'ARRA. Elles font partie de la politique américaine depuis bien des années. Les Américains les ont systématiquement exclues de la plupart de leurs obligations découlant des accords de commerce internationaux. Ils disposent de très bonnes exemptions.
    Psychologiquement c'est assez intéressant parce que, comme vous l'avez signalé, j'estime qu'il y a eu un changement de position de la part de Manufacturiers et Exportateurs du Canada qui revendiquaient des politiques privilégiant l'achat de biens canadiens, du moins dans certains secteurs particuliers, et, soudainement, avec un certain nombre d'autres intervenants, l'association a, je dirais, paniqué au sujet des dispositions privilégiant l'achat de biens américains.
    Il s'agissait en partie d'un recul économique. Nos échanges commerciaux vers les États-Unis et vers d'autres marchés diminuaient considérablement, non pas en raison des dispositions privilégiant l'achat de biens américains, mais à cause de la récession. C'était également, comme vous l'avez dit, en raison de l'immensité du montant.
    J'aimerais signaler, que de tous les pays étrangers, le Canada est celui qui a le plus tiré profit des mesures de relance du président Obama, soit des 787 milliards de dollars. Nous en avons profité plus, en tant que leur plus gros partenaire commercial, que quiconque, sauf les États-Unis. Les dispositions privilégiant l'achat de biens américains étaient un irritant, mais elles constituaient une perte marginale.
    Monsieur Holder.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais remercier nos invités pour leur témoignage. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    Fait intéressant. La semaine dernière, nous avons invité nos hauts fonctionnaires pour qu'ils nous donnent un plus vaste aperçu de cet accord sur les marchés publics, et une chose qui m'interpelle particulièrement... L'an dernier, notre comité est allé à Washington, et nous avons sélectionné quatre questions prioritaires sur lesquelles il fallait se pencher. Tous les partis autour de cette table s'étaient mis d'accord sur les quatre sujets dont il fallait discuter, et personne ne doit s'étonner que les dispositions privilégiant l'achat de biens américains ainsi que les dispositions connexes constituaient un des principaux sujets de préoccupation pour nous.
    Pourquoi? Mes collègues politiciens et moi-même allions en entendre parler de la part des entreprises, des entreprises qui, soit dit en passant, fonctionnent parce que des employés doivent travailler et ce sont eux qui en assurent le succès. Les dispositions privilégiant l'achat de biens américains nous préoccupaient beaucoup et, comme je l'ai dit, tous les partis étaient sur la même longueur d'onde. C'était lorsque nous avons rendu visite aux divers membres du Congrès. Il s'agissait d'un des sujets qu'il fallait aborder.
    Je rappelle ce point parce que j'entends la rhétorique, si je puis l'appeler ainsi, les observations sur différentes perspectives de la part de M. Laurin par rapport à M. Sinclair et à Mme Healy. Vous ne serez pas surpris d'apprendre où je me situe. Je dis ça plutôt en tant qu'homme d'affaires que politicien, mais ce que vous dites, monsieur Laurin, m'interpelle... lorsque vous parlez des membres que vous représentez, vous avez dit que 47 p. 100 des produits manufacturés par vos membres sont exportés.
    Il faut se poser la question, serions-nous en situation plus avantageuse en tant que pays isolé et protectionniste lorsque, même si cela ne fait pas partie de notre histoire, et deuxièmement, lorsque je considère, par exemple, les voitures fabriquées ici, et que notre principal pays d'exportation c'est les États-Unis? Je ne veux pas vous poser la question mais tout simplement dire que si nous n'étions pas un pays commerçant, les répercussions sur notre économie seraient beaucoup plus importantes. Je suis plutôt d'accord avec Mme Healy sur ce point en particulier, c'est-à-dire que l'économie est fragile. Elle l'est en effet, et notre reprise est fragile, mais lorsque le Fonds monétaire international et d'autres organismes disent que le Canada était le dernier pays à subir ce marasme mondial et le premier à s'en sortir, je dirais que c'est très très positif.
    Bon, ça suffit pour les discours, parce que j'ai bien peur que ça semblait être un discours et j'en suis désolé.
    Monsieur Laurin, j'ai une question pour vous. On nous a présenté les deux côtés de la médaille alors je vous demande, que se produirait-il si nous n'avions pas cet accord? Vous avez déjà dit qu'il valait mieux en avoir un que pas du tout. Si nous n'avions pas cet accord, que se passerait-il selon vous?
(1635)
    C'est une très bonne question. Nous nous la sommes d'ailleurs posée et sommes arrivés à la conclusion suivante... Tout d'abord, nous ne l'avons pas encore mentionné, mais il y avait au Canada des pressions pour des politiques protectionnistes du même type, surtout au niveau municipal. Une campagne orchestrée par certains membres de la Fédération canadienne des municipalités s'est avérée en fait très utile lors des négociations, la menace de représailles aidant toujours à faire bouger les choses. Mais je pense qu'il y aurait eu énormément de pression au Canada pour des mesures de représailles quelconques. Selon moi, surtout vu la conjoncture actuelle où les affaires sont difficiles, avec la récession, toute entrave au marché — que ce soit entre le Canada et les États-Unis, entre deux provinces ici au Canada ou entre des partenaires commerciaux — coûte des emplois, parce qu'elle vous empêche d'avoir accès à certaines occasions d'affaires. Nous le disons depuis le début des négociations: pour sortir d'une récession et créer de la richesse, il faut une ouverture qui crée de nouvelles occasions d'affaires.
    Je pense que cela a toujours été notre cible, durant les négociations. Si nous n'étions pas parvenus à un accord, je pense que nous serions dans une situation où il existerait des deux côtés de la frontière de fortes pressions à la création de nouvelles restrictions. Pour être francs, nous nous sommes tellement attachés à cette question que nous nous sommes aperçus qu'il y avait énormément de choses que les Canadiens et les Américains fabriquaient ensemble. Dans chaque secteur, on trouve un fournisseur canadien qui vend une pièce à un fournisseur américain, à une société canadienne vendant son produit aux États-Unis et au Canada ou encore utilisant un distributeur américain pour vendre ses produits au Canada.
    Dans bien des secteurs, il s'agit vraiment d'une économie intégrée. On donne toujours l'industrie automobile en exemple, mais je pense que c'est une théorie qui pourrait s'illustrer dans presque tous les secteurs industriels du Canada. C'est en tout cas ce que nous nous efforçons de signaler quand nous allons à Washington. Nous avons tant d'exemples de sociétés canadiennes qui créent des emplois aux États-Unis. Si nous sommes en mesure de montrer les répercussions que nous avons au niveau local, c'est un type de message auquel Washington prête une oreille vraiment attentive.
    Laissez-moi donc le répéter: sans l'accord, selon moi, la situation serait sans doute pire. On serait dans une situation de réciprocité avec les États-Unis et on aurait probablement... je ne peux pas l'affirmer, mais probablement prolongé la récession. En tout cas, nous n'y aurions pas mis fin plus vite.
    Ceci étant, ma question est la suivante: Vos membres ont-ils peur de la concurrence sur le marché étatsunien?
    Non. C'est notre marché principal. Les sociétés canadiennes ont utilisé l'ALENA pour élargir leurs affaires et maintenant la plupart d'entre elles considèrent l'Amérique du Nord comme marché national. Elles ne se limitent plus au Canada seulement; c'est vraiment l'Amérique du Nord. Que font les sociétés en ce moment, avec la récession? Elles se demandent comment elles peuvent utiliser l'Amérique du Nord comme marché national mais aussi comme base à partir de laquelle conquérir le marché international. Plus une société trouve un créneau spécialisé dans lequel elle peut être compétitive, plus elle segmente et cible des marchés bien précis, plus son terrain de jeu est international, mondial.
    Il y a beaucoup plus de sociétés canadiennes qui envisagent d'élargir leurs affaires à l'Europe, à l'Amérique latine et à d'autres régions du monde, parce que ce sont des marchés où la croissance est plus rapide que dans le marché étatsunien et où la concurrence est parfois moins rude, mais aussi parce qu'il faut aller plus loin que notre base nationale pour réussir, en tant que sociétés. Je pense que, à l'avenir, c'est indubitablement une priorité pour les sociétés canadiennes.
(1640)
    Avez-vous déjà fait un décompte du nombre de personnes employées par les membres de votre association?
    Nous tenons la comptabilité des expéditions et des ventes à l'exportation. Nos membres représentent environ 82 p. 100 des expéditions manufacturières et environ 90 p. 100 des exportations. C'est ce que représentent nos réseaux de membres. Je ne sais pas ce que cela donne en nombre d'employés, mais j'imagine que c'est similaire.
    Si vous faites un jour le calcul, pourriez-vous nous le transmettre?
    Merci.
    Nous allons avoir une série de questions rapides de cinq minutes, en commençant par M. MacAulay.
    Maintenant qu'on a l'AMP, pensez-vous que cela va avoir des répercussions sur la loi aux États-Unis, à l'avenir, surtout quand il y a des dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains? Y a-t-il une base juridique quelconque pour cela?
    De plus, si j'ai assez de temps, j'aimerais avoir l'opinion de Mme Healy et, si possible, des autres, sur les politiques mondiales choisies et quelles pourraient être leurs répercussions sur la politique sociale de notre pays?
    Si on se penche sur les politiques économiques mondiales dans ce contexte, vu les échanges et un nouvel aspect d'un accord international qui contraint les provinces et certains gouvernements fédéraux à se plier aux exigences de l'Organisation mondiale du commerce, on constate des répercussions en matière de relations sociales.
    Au Canada, on le sait, le gouvernement a déclaré qu'un accroissement des dépenses de relance était très coûteux et y a fixé une limite de beaucoup inférieure à celle d'autres pays de l'OCDE. Un des arguments avancés est que le coût à payer est à très long terme, si bien que nous devons bien peser combien d'argent de relance investir, combien d'argent public dépenser. Ceci étant, j'examine cet accord et je me dis: « Pourquoi tolérer une fuite? » Pourquoi ne pas encourager cet argent à être dépensé dans l'économie canadienne?
    Sauf erreur de ma part, les États-Unis ont investi sept fois plus d'argent de relance par habitant que nous et ils ont des plans quant à la façon dont ils entendent dépenser cet argent. En réponse à votre question, j'aimerais porter la discussion sur un nouveau terrain et envisager les répercussions pour l'économie canadienne, pour nos services publics, pour les responsabilités du gouvernement à toute une série de niveaux dans son approche à la relance de notre économie et pour le type d'options de politique et de marge dont nous disposons pour sortir notre économie de la crise.
    Cet accord ne prévoit aucune mesure de protection juridique exécutoire qui protégerait le Canada ou même le mettrait à l'abri de clauses de traitement préférentiel Buy American dans de futures mesures législatives. On verra bientôt ce qu'il en est lors de la mise en oeuvre de la Jobs for Main Street Act qui comporte des clauses de traitement préférentiel Buy American. Plusieurs des projets de loi déposés sont assortis de clauses de traitement préférentiel Buy American. Le Canada dispose dorénavant d'un mécanisme de consultation accéléré, mais tout compte fait, nous sommes revenus à la case de départ.
    Monsieur MacAulay, vous disposez d'une minute et demie pour laisser M. Laurin répondre s'il le désire.
    J'aimerais juste ajouter un petit commentaire à votre dernière question, lorsque vous demandiez si cela nous protégeait de toutes clauses Buy American future.
    Cela ne nous protège pas au niveau fédéral. Nous avons consulté des experts en droit commercial lors des négociations. Le pouvoir du président a certaines limites. Il ne peut pas nous accorder une exemption aux mesures législatives qui n'existent pas encore. C'était un des problèmes abordés lors des négociations. C'est pourquoi on a mis en place un mécanisme pour tenter de régler ces problèmes s'ils se présentent de nouveau. Cela nous met à l'abri toutefois des dispositions visant à limiter l'accès aux marchés publics locaux des 37 États qui ont signé cet accord de l'OMC.
    Ainsi, ma réponse est à la fois oui et non, mais l'accord en tient compte en prévoyant ce mécanisme spécial.
(1645)
    Très bien. Merci.
    Monsieur Allison.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier encore une fois nos témoins d'être venus nous rencontrer.
    J'aimerais poser une toute petite question, puis je céderai la parole à M. Cannan.
    Je note, monsieur Sinclair, que vous n'êtes pas très heureux de l'entente que le Canada a signée ou que vous pensez tout au moins qu'on aurait pu obtenir plus. Pensez-vous que les pays européens et les autres pays qui ont des échanges commerciaux avec les États-Unis en ont obtenu plus? À votre avis, y a-t-il un autre pays ou province qui a obtenu plus que ce que nous venons de négocier?
    Non. Les Européens sont à peu près dans la même situation que les fournisseurs canadiens. En fait, on pourrait même dire qu'avant la signature de cette entente, nous nous trouvions dans une position un peu plus favorable que les Européens qui cherchent actuellement à l'OMC à se soustraire à certains des engagements qu'ils ont pris dans le cadre de l'AMP à l'égard des États-Unis. Cette situation est attribuable à l'impact des exemptions, particulièrement les exemptions prévues pour les petites entreprises et les entreprises appartenant à des minorités. Comme je l'ai dit, la cible au niveau fédéral est 23 p. 100; c'est tout de suite exclu de l'ensemble des marchés publics fédéraux américains. Dans nombre d'États, cela peut aller de... En Illinois, par exemple, on pourrait parler dans le cas de la construction d'un taux variant entre 25 et 40 p. 100 qui est réservé aux petites entreprises et aux entreprises détenues par des minorités. Conscients de cet impact, les Européens essaient de se soustraire à leurs obligations dans le cadre de l'AMP avec les États-Unis ou essaient, comme ils le disent, d'obtenir des compensations. Ils sont parfaitement conscients de ces problèmes, qui ressemblent beaucoup aux nôtres.
    Monsieur Cannan.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos témoins d'être venus aujourd'hui. Nous sommes très heureux de vous accueillir à nouveau. Je tiens à remercier tout personnellement M. Laurin, représentant des Manufacturiers et Exportateurs canadiens. Monsieur Laurin, vous avez dit le 30 janvier 2009 — et je vous cite — que la politique Buy American aurait un impact désastreux et vous avez bien su faire ressortir l'importance de la question. Je sais que le premier ministre, M. Harper, ainsi que le ministre Day vous ont prêté une oreille attentive, et nous vous remercions des commentaires positifs que vous avez faits sur la célérité avec laquelle ils ont collaboré avec l'administration Obama pour régler le problème.
    Comme on l'a déjà dit, passer de la récession à la relance économique ne sera pas chose facile. Il y aura des hauts et des bas, et pas seulement du côté des échanges commerciaux, mais également de celui des travailleurs, des emplois, des espoirs et des possibilités. À mon avis, cette entente est la meilleure possible pour demain. Les membres de notre comité se sont rendus à Washington. Nous continuerons à collaborer avec les Américains; en fait, Brad et moi faisons partie du Comité interparlementaire Canada-États-Unis. De bons rapports sont très importants tant pour les Canadiens que pour les Américains. Des marchandises d'une valeur d'environ 1,6 milliard de dollars traversent la frontière tous les jours; tout cela représente quelque 7,1 millions d'emplois.
    Monsieur Laurin, l'association parle de protectionnisme. Nous sommes 33 millions de Canadiens et il y a environ 300 millions d'habitants aux États-Unis. Si nous adoptons ces mesures protectionnistes alors que les deux tiers de notre PIB dépendent du commerce, combien d'emplois pourraient disparaître?
    C'est une excellente question. Il est très difficile d'en arriver à un chiffre précis parce que cette question est fort complexe. Nous savons que l'impact serait catastrophique dans un environnement où nos entreprises ont établi leurs chaînes d'approvisionnement en fonction d'un accès libre au marché américain et à bien d'autres marchés dans le monde. Il ne faut pas oublier que nous vendons encore beaucoup de produits sur des marchés avec lesquels nous n'avons pas d'ententes de libre-échange. Environ 25 p. 100 de nos exportations sont acheminées ailleurs qu'aux États-Unis.
    Les autres marchés demeurent importants. En fait, il suffit de penser à la Chine et aux pays d'Amérique latine, dont certains ont un taux de croissance très rapide et nombre d'entreprises canadiennes investissent dans ces marchés.
    Que se produirait-il si nous mettions d'autres obstacles? C'est une très bonne question. Pour être honnête avec vous, j'aime mieux ne pas y penser. Je crois que le Canada a su tirer profit d'un accès libre à d'autres marchés, tout particulièrement le marché américain. Les ententes de libre-échange avec les États-Unis et le Mexique ont permis aux entreprises canadiennes d'avoir accès à un marché beaucoup plus gros.
    Le Canada est le seul pays du G7 qui a créé des emplois dans le secteur manufacturier dans les années 1990. Cela est attribuable en grande partie au fait que nous avions un accès privilégié au marché américain. La faible valeur du dollar ne nous a pas nui non plus, mais dans l'ensemble, la situation était attribuable à un meilleur accès au marché américain.
(1650)
    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Français]

    Monsieur Guimond, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Sinclair, dans votre allocution du début, vous avez dit que le contenu local était menacé. Pourriez-vous m'expliquer ce que vous entendiez par « contenu local » et pourquoi il est menacé par l'entente?

[Traduction]

    Merci. C'est une excellente question.
    Je crois que c'est un commentaire important: les règles de l'AMP, et même en fait les arrangements temporaires — et je crois qu'il importe de le rappeler — interdisent ce qu'on appelle des mesures de compensation. En fait, ces mesures existent lorsque les gouvernements négocient avec des fournisseurs afin d'obtenir des avantages régionaux, comme le contenu local de 60  p. 100 prévu dans les contrats d'énergie éolienne négociés par Hydro-Québec. Ces contrats sont un bon exemple parce que les fournisseurs choisis étaient des entreprises étrangères, des entreprises européennes, allemandes en fait. Je ne saurais trop insister là-dessus. Vous pouvez vous servir des marchés publics comme instruments de développement économique, ce qu'on a fait avec beaucoup de succès dans nombre de pays, y compris le Canada, mais de façon non discriminatoire. Ces ententes vous privent de la capacité d'encourager ou même d'exiger des avantages locaux, peu importe le pays d'où vient le soumissionnaire choisi.
    Bref, lorsque vous faites d'importants investissements publics grâce à vos achats dans un secteur, par exemple l'énergie renouvelable, je crois que la majorité des Canadiens considèrent qu'il s'agit là de deniers publics et que les gouvernements devraient essayer d'optimiser ces investissements, peu importe l'entreprise qui offre les meilleurs avantages à l'économie régionale ou locale.
    À mon avis, ce n'est pas du protectionnisme, c'est simplement une politique économique sensée.

[Français]

    Dans un autre ordre d'idées, monsieur Sinclair, une question me vient souvent à l'esprit relativement à l’Accord sur les marchés publics entre le Canada et les États-Unis. Vous parlez de contenu local. On dit qu'il s'agit d'une entente entre les États-Unis, le Canada, les provinces et les territoires.
    En cas de litige, que se passe-t-il en ce qui a trait à l'OMC? À ma connaissance, les provinces ne sont pas signataires de l'OMC.

[Traduction]

    Il y a diverses formes de mesures prévues dans cet accord. Les provinces, en ce qui a trait aux engagements pris dans l'AMP de l'OMC, ont convenu de mettre en place une procédure d'examen interne conformément à la loi canadienne, de sorte que chaque province devra offrir aux fournisseurs qui sont visés par cet accord la possibilité de faire appel à une procédure de contestation des offres. Je ne sais pas vraiment comment les choses se dérouleront. Je suppose que chaque province fera les choses à sa façon. Le gouvernement fédéral procède par l'entremise du Tribunal canadien du commerce extérieur.
    Cependant, vous avez raison. S'il y a conflit sur l'application de l'accord dans son ensemble, ou si on se plaint que, par exemple, vous n'avez pas vraiment mis sur pied le processus d'examen approprié, il appartiendrait aux deux gouvernements nationaux de se pencher sur le dossier.
(1655)
    Monsieur Trost.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai seulement quelques petites questions à vous poser.
    Je crois personnellement, et il se peut fort bien que les témoins ne soient pas d'accord avec moi, que l'élément le plus important de cette entente est l'impact à long terme, l'entente avec les 37 États qui dorénavant devront respecter les règles touchant les marchés publics de l'OMC, parce que les programmes de stimulation prennent éventuellement fin, et une bonne partie de ce qu'on veut bien appeler un programme de stimulation était composée de transferts d'aide sociale, ce qui n'avait absolument rien à voir avec la construction de ponts ou de routes. C'était simplement ce qu'on appelle des paiements de transfert au Canada.
    Ma question s'adresse à M. Laurin. Trente-sept États américains ont pris des engagements à l'égard du Canada conformément aux règles des marchés publics de l'OMC. Les municipalités s'inspirent souvent des États-Unis. Cela représente des débouchés à long terme pour les Canadiens qui pourraient obtenir des marchés publics, tout particulièrement parce que ce sont des États comme la Californie, New York, le Michigan, le Texas, en fait les plus gros États, à l'exception de l'Ohio, qui en font partie. Quelles autres mesures notre comité pourrait-il recommander au gouvernement? Que pourrions-nous faire d'autre pour aider vos industries et les autres fournisseurs canadiens à profiter pleinement de cette occasion? Que devons-nous faire pour permettre à vos membres de bien profiter de ces nouveaux débouchés?
    Merci. Je crois que c'est une excellente question, une question sur laquelle nous nous penchons déjà depuis un petit moment.
    Cette entente, qui est permanente et qui assure un accès à ces 37 États, place les entreprises canadiennes sur un pied d'égalité avec des entreprises européennes et celles des autres pays signataires de cet accord de l'OMC. Dans nombre de ses directives, l'Office of Management and Budget des États-Unis a clairement indiqué aux fonctionnaires chargés des achats que pour pouvoir dépenser les budgets associés à la relance économique il fallait respecter les lignes directrices. On disait essentiellement, en fait, vous devez offrir l'accès aux entreprises des autres pays qui ont signé cet accord, mais ils ajoutaient toujours à l'exception du Canada. Tout au moins, cette exception aura disparu, ce qui est un pas dans la bonne direction. On se trouve ainsi sur un pied d'égalité avec les autres pays.
    Quant à ce que vous devriez faire dorénavant, ou les recommandations que vous pourriez formuler, il faut s'assurer que nous collaborons avec le ministère des Affaires étrangères et le ministre du Commerce international, M. Van Loan, et ses fonctionnaires, pour élaborer une stratégie qui nous permettra, avant tout, de communiquer les termes de cet accord aux fonctionnaires chargés des achats aux États-Unis, parce que nombre d'entre eux ne sont pas nécessairement au courant. Ils ne sont pas tous des experts en matière de commerce international; en fait, la plupart ne le sont pas, et il faudra donc absolument que nous communiquions les avantages de cet accord à ces fonctionnaires. Je pense qu'on est en train de mettre en place une stratégie en collaboration avec nos consulats et nos délégués commerciaux aux États-Unis.
    Il serait de plus utile que vous recommandiez d'avoir recours aux services des délégués commerciaux du Canada pour aider un plus grand nombre d'entreprises canadiennes à participer aux marchés publics aux États-Unis, afin de profiter pleinement des débouchés offerts, non seulement au niveau fédéral, mais au niveau subnational.
    Bref, des communications qui coûteraient peu; simplement assurer la diffusion de la publicité.
    La publicité est un des aspects, mais ça ne se limite pas à cela puisque...
    Je parle de publicité dans un sens plus général.
    Mais il s'agit plutôt de communications directes afin de s'assurer que ces gouvernements comprennent bien que l'entente internationale a été modifiée et que le Canada se trouve dans une position particulière pour offrir certains biens et services aux États-Unis.
    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?
(1700)
    Oui.
    Je ne fais pas partie du comité depuis très longtemps, et lorsque j'ai lu cet accord, j'ai été frappé par le fait que les seuils établis variaient selon qu'il s'agissait de biens ou de services. Je pense qu'ils sont fixés à 600 000 $ et 8,5 millions de dollars pour la construction, par exemple. Après avoir discuté de la question avec des manufacturiers et d'autres Canadiens, j'ai cru comprendre — comme on l'a souligné pour d'autres aspects des marchés publics — que nous n'appliquons pas habituellement les seuils et n'empêchons pas les entrepreneurs américains de soumissionner. C'est tout au moins ce que j'ai constaté.
    J'aimerais vous poser deux questions. Est-ce que les Américains appliquent ces seuils dans l'ensemble? Dans l'affirmative, quel type d'impact cela a-t-il sur les fournisseurs et les manufacturiers canadiens?
    Les Américains appliquent-ils les seuils? Je sais que pour les projets financés par le Recovery Act, par exemple, nous avons une exemption lorsque le montant dépasse un certain seuil. Si la valeur du contrat est inférieure à ce seuil, ils n'ont pas le choix et doivent appliquer les règles américaines.
    Ainsi, c'est très rigoureux dans de telles circonstances.
    Cela s'applique aux projets liés à la relance économique.
    Pour d'autres types de contrats qui sont accordés par les gouvernements étatiques, par exemple, je pense que c'est également le cas. Habituellement, les municipalités et les gouvernements locaux — ce qu'on appelle les gouvernements étatiques aux États-Unis ou provinciaux au Canada — tentent de trouver le meilleur contrat possible pour les contribuables. À moins qu'il y ait une restriction particulière en place, ils ne savent souvent même pas où le produit a été fabriqué.
    Nous discutons avec les municipalités depuis déjà un an afin de déterminer combien nous achetons des fabricants américains. Nous essayons de dire: « Voici ce qui est en jeu pour les entreprises américaines dans ces négociations. » Lorsque vous parlez aux municipalités, vous constatez qu'elles achètent habituellement auprès des bureaux de vente canadiens, mais elles ne savent pas vraiment où les produits ont été fabriqués. Il en est ainsi dans la plupart des cas, et je suppose que c'est probablement la même chose aux États-Unis.
    Merci, monsieur le président.
    Voici qui met fin à notre première série de questions, mais il y en aura une autre. Je vous encourage à poser de brèves questions.
    Monsieur Byrne.
    Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier nos témoins d'être venus aujourd'hui.
    Je veux m'assurer que nous saisissons bien vos positions respectives. Madame Healy, serait-il juste de dire que vous êtes d'avis que les États-Unis ont pris des mesures responsables en décidant d'adopter une politique Buy American? Jugez-vous qu'il s'agit d'une bonne chose pour les Américains de fermer leurs marchés? C'est ce que j'ai cru comprendre parce que vous dites que c'est à l'avantage du Canada d'avoir une certaine attitude protectionniste en ce qui a trait aux marchés publics. Est-ce que c'était une bonne chose à l'origine pour les États-Unis d'exclure leurs marchés publics?
    Cette politique existe aux États-Unis depuis les années 1930.
    Ils devraient donc la poursuivre.
    Nous avons constaté une certaine intensification de cette politique. Ce qui est important à ce sujet, et important pour le Canada, c'est qu'il s'agit d'un outil stratégique. C'est la meilleure façon d'utiliser les deniers publics pour favoriser la relance économique, et cet outil devrait être utilisé au Canada. Nous appuyons grandement une telle démarche pour le Canada.
    Par exemple, si nous pouvions penser à des façons pour le secteur public...
    Madame Healy, vous avez répondu à la question. En toute équité, je me tournerai vers M. Laurin dans un instant.
    Essentiellement, c'était donc probablement une bonne idée qu'ont eue les États-Unis de procéder ainsi. Voilà le message que j'en tire.
    Monsieur Laurin, simplement pour m'assurer de l'esprit de suite de votre message, pouvez-vous me dire si vous vous êtes déjà présenté devant notre comité ou le Comité de l'industrie en faisant pression pour que le Canada soit un peu protectionniste? Par exemple, dans ma province, des membres des Manufacturiers et exportateurs du Canada ont dit — et je pense que c'est leur position — que le marché étranger devrait être limité ou fermé, qu'il fallait que nous soyons un peu protectionnistes.
    Êtes-vous en train de nous dire aujourd'hui que ce n'était probablement pas une bonne chose et que vous ne le ferez plus comme organisation?
    En fait, notre message a toujours été le même, c'est-à-dire que nous devrions utiliser les politiques d'approvisionnement comme un outil stratégique visant à développer notre économie. Dans ce cas précis, celui de l'accord avec les Américains, ce que nous disons, c'est que la plupart du temps, il est plus logique pour nous de garantir à d'autres pays l'accès à nos marchés publics si nous pouvons obtenir le même type d'accès à leurs marchés. Il y a tant d'autres possibilités d'affaires dans les autres marchés, beaucoup plus qu'au Canada. Le Canada est, dans l'ensemble, une économie de taille relativement petite, si on la compare aux autres économies, à l'échelle mondiale. Ce que nous disons, c'est que si vous voulez utiliser le processus des marchés publics de façon stratégique, la plupart du temps, il est plus logique de donner à un autre marché l'accès à notre marché en échange de concessions réciproques, si nous pouvons obtenir un accès réciproque à cet autre marché.
    Lorsque les règles commerciales ne peuvent pas être appliquées efficacement, ou lorsqu'on ne peut pas conclure un tel accord réciproque... C'est ce dont nous parlions dans le document que nous avons publié il y a quelques années. Il y a un secteur très précis lié au transport en commun et à la construction routière auquel nous n'avons pas accès depuis des années. Nous disons que c'est important, parce que nous subissons des pertes commerciales. Quelle est notre stratégie? Manifestement, notre objectif devrait être d'ouvrir ce marché. Nous devrions toujours tenter de nous ouvrir de nouveaux marchés. Au cas où nous ne serions pas en mesure d'obtenir ces concessions, nous devrions examiner ce que nous pouvons faire pour utiliser les marchés publics comme outil stratégique ici, au Canada.
    J'espère que ça répond à votre question.
(1705)
    Oui, pour l'essentiel, au lieu d'avoir une politique générale selon laquelle le libre marché est la bonne voie à suivre...
    Je pense que nous devrions envisager la question — et nous pensons que nous devons nous pencher dessus — du point de vue des entreprises. Quel est le meilleur accord que nous pouvons conclure? Je pense que dans la plupart des cas, si nous pouvions utiliser notre marché de l'approvisionnement de façon stratégique, nous pourrions dire que nous allons donner accès à notre marché de l'approvisionnement à un autre pays si nous avons accès au sien. Dans le cas de marchés comme les États-Unis ou l'Union européenne, avec qui nous négocions actuellement, ils sont 10 fois plus importants que notre propre marché. Les entreprises canadiennes souhaitent donc beaucoup plus avoir accès à ces marchés que d'avoir un accès privilégié à notre propre marché national.
    Toutefois, dans les secteurs où le libre-échange ne s'applique pas et où les marchés ne sont pas ouverts, alors peut-être devrions-nous examiner différentes solutions stratégiques et voir si d'autres options s'offrent à nous.
    Merci, monsieur le président, je vous en suis reconnaissant.
    Il me reste du temps pour quelques questions brèves.
     Monsieur Laforest, vous pouvez poser une petite question, puis M. Keddy conclura.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Sinclair, dans la troisième partie de l'entente dont on parle, il est question de discussions exploratoires pour en venir à un accord plus permanent. Puisque votre analyse est assez critique à l'égard de l'accord actuel, quel est le plus important à inclure ou à exclure, selon vous, en ce qui a trait à une prochaine entente?

[Traduction]

    Merci de votre question.
     Je serais très préoccupé, compte tenu du prix très élevé que nous avons payé, si ces négociations additionnelles ne donnaient que peu de résultats, comme je l'ai déjà dit. Ce qu'il faut souligner au sujet de cet accord avec les États-Unis, c'est qu'il ne nécessite pas l'approbation du Congrès. Des consultations ont été menées auprès du Congrès. En vertu de cet accord, les gouvernements des États n'ont pas à prendre de nouveaux engagements, au-delà de ce qu'ils avaient déjà fait en 1994. Pour obtenir un accès garanti à certains des marchés où, disons, les clauses de traitement préférentiel Buy American sont actuellement appliquées, comme M. Laurin l'a dit, comme dans le domaine du transport en commun ou de la construction routière, qui sont exclus depuis des décennies, je pense que le Canada devrait payer un prix extrêmement élevé.
    Autrement dit, je pense qu'il est tout à fait irréaliste de faire des incursions considérables, particulièrement dans le contexte actuel, alors que les politiques Buy American n'ont jamais été aussi populaires.
    Je veux également souligner que je constate un certain consensus dans les positions aujourd'hui. Il y a des domaines où nos principaux partenaires commerciaux utilisent manifestement les marchés publics comme un outil important de développement économique local. Pourquoi le Canada et ses provinces ne le feraient-ils pas aussi? Pour ma part, je pense que c'est une politique intelligente qui peut contribuer à notre compétitivité internationale. D'autres penseront peut-être qu'il s'agit d'une façon d'augmenter nos avantages en négociation, à l'avenir.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Monsieur Keddy.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.
    Compte tenu du raisonnement que vous commenciez à suivre, monsieur Sinclair, il me semble évident que la question dont nous parlons est, je pense, la réciprocité, et nous n'avions pas de réciprocité. Nous étions désavantagés, de façon importante, par rapport à nos concurrents américains. Compte tenu de ce que vous venez tout juste de dire, il serait donc logique de poursuivre cette avenue jusqu'à réussir, cela nous rendrait plus forts, maintenant que les Américains ont ouvert leurs marchés publics et que nous avons ouvert les nôtres.
    En passant, les provinces sont tout à fait d'accord pour ouvrir les marchés publics. On ne les a pas forcées à se présenter à la table. Elles sont venues d'elles-mêmes. Il serait donc très logique de dire que nous avons fait des progrès majeurs et que nous sommes bien positionnés pour le programme Main Street, ou un autre programme de type Buy American qui sera créé, de négocier une fin à ces programmes.
    On ne va pas y arriver simplement en disant que nous avons été traités injustement. Les Américains ne l'entendent pas; ils ne font pas attention à de telles affirmations. Les mesures protectionnistes que vous favorisez m'effraient, très honnêtement. Pire encore, je pense que cela nous met à couteaux tirés avec les Américains, qui sont des négociateurs fermes. Ils ont toujours été des négociateurs fermes. Nous le savons.
    Mais si vous allez de l'avant et que nous sommes en mesure d'ouvrir le marché, que penseriez-vous de l'accord alors? Je parle ici d'ouvrir le marché dans des programmes futurs.
(1710)
    Encore une fois, je pense qu'il faut un peu de réalité. Nous n'avons pas fait d'incursion considérable. Les États-Unis n'ont pas fait de concessions importantes, en dépit des efforts majeurs et de la priorité importante accordée par le Canada à cet accord. Ce n'est pas nouveau. Il y a eu d'autres négociations sous l'égide de l'OMC, l'accord sur les marchés publics au niveau infranational, et sous l'égide de l'ALENA, au niveau infranational. Jusqu'à maintenant, la position du Canada est la suivante: sans une réelle réciprocité, nous ne sommes pas prêts à prendre ces engagements, peu importe s'il s'agit de sacrifier la souplesse de nos politiques ou de se défaire d'un pouvoir de négociation.
    Pour l'instant, je pense qu'il serait plus sage pour nos consulats canadiens aux États-Unis de ralentir un peu. Même lorsque les clauses de traitement préférentiel Buy American sont appliquées, dans plusieurs cas, jusqu'à 50 p. 100 du contenu peut être étranger. Dans de nombreux cas, les Canadiens sont des sous-traitants dans le cadre de ces accords. Au cours des décennies pendant lesquelles ces politiques ont été appliquées, nos entreprises ont bien réussi à s'y adapter. Je pense qu'elles ne posent pas autant de risques que certaines personnes semblent le penser pour la santé globale des relations commerciales Canada-États-Unis. C'est certainement le point de vue du président Obama, et je pense que c'est aussi le point de vue de la plupart des membres du Congrès.
    Selon moi, 700 milliards de dollars de contrats sur lesquels les entreprises canadiennes n'ont pas pu soumissionner, ça cause une menace pour les entreprises canadiennes. Je le crois vraiment.
    Je reviens à la réciprocité, et je veux vous donner un petit exemple — je sais que nous avons un vote bientôt.
    Nous venons tous de circonscriptions qui dépendent de l'industrie manufacturière. Je représente une circonscription très rurale en Nouvelle-Écosse et nos industries, dont bon nombre sont des petites industries, dépendent du secteur manufacturier. En fait, 87 p. 100 de toute la circonscription dépend directement du secteur manufacturier. Nous avons une scierie, mais elle fabrique du bois de construction de dimensions courantes. Les usines de poisson ont une valeur ajoutée. Le secteur de l'aéronautique dépend des contrats internationaux et de certains contrats canadiens.
    Si nous pensons, d'une façon ou d'une autre, que nous pouvons dépendre de nos 33 millions d'habitants au Canada pour notre marché, alors que le monde est notre marché, dans ma partie du monde, c'est-à-dire les 85 000 personnes qui vivent à South Shore—St. Margaret's, tous se retrouveraient au chômage demain.
    Nous faisons partie d'un monde qui a profité de la construction navale. Nous faisons des affaires avec de nombreux pays dans le monde, et nous avons une bonne position pour le faire, parfois de façon très modeste, mais sans cette possibilité toutes les entreprises seraient fermées et nous déménagerions tous dans l'Ouest, ou au Québec, ou en Ontario, parce qu'il n'y aurait plus de travail chez nous, et nous ne ferions que nous battre pour des emplois là-bas.
(1715)
    Excusez-moi, monsieur Keddy, nous venons de manquer de temps.
    Sur ce, nous conclurons la réunion. Nous devons aller voter très bientôt.
    J'aimerais remercier encore une fois nos témoins d'être venus. Je suis certain que vous seriez les bienvenus si vous souhaitiez revenir. Merci du temps que vous avez pris aujourd'hui.
    À l'intention des membres du comité, notre prochaine réunion aura lieu jeudi, à 15 h 30. La séance est levée.
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