:
Silence, s'il vous plaît.
Merci de votre patience et de votre indulgence.
Quelques membres du comité semblent occuper à autre chose, mais nous allons devoir commencer.
Je regrette d'avoir fait attendre nos témoins et j'apprécie votre ponctualité.
Nous poursuivons aujourd'hui notre étude des relations commerciales Canada-États-Unis en faisant spécifiquement référence lors de cette séance aux politiques en matière de marchés publics et au récent accord en la matière.
Pour nous aider dans ces discussions, nous accueillons aujourd'hui: de Manufacturiers et Exportateurs du Canada, Jean-Michel Laurin, que nous avons déjà eu l'occasion d'entendre et que je remercie de revenir pour la question d'aujourd'hui; du Centre canadien de politiques alternatives, Scott Sinclair, chercheur principal; et Teresa Healy, que nous sommes heureux d'accueillir à nouveau et qui est chercheuse principale du Service des politiques économiques et sociales du Congrès du travail du Canada.
Ces brèves introductions étant faites, je vais demander à chacun de nos témoins de limiter à 10 minutes leurs déclarations, si vous le voulez bien. Nous allons entendre les déclarations de nos trois témoins, puis passer aux questions.
Je vais demander à Scott Sinclair, du Centre canadien de politiques alternatives, de bien vouloir commencer.
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Merci beaucoup, monsieur le président et honorables membres du comité.
Merci de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui et de me donner la chance de discuter de l'Accord sur les marchés publics conclu en février 2010 par le Canada et les États-Unis.
L'Accord sur les marchés publics, que je vais, dès maintenant, désigner sous le nom de « l'accord », n'apporte pas, selon moi, d'exemptions significatives aux fournisseurs canadiens en ce qui concerne les dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains incluses dans les mesures de relance de l'American Reinvestment and Recovery Act, l'ARRA, de février 2009.
Comme vous le savez, l'accord comporte trois grands éléments: un échange d'engagements permanents au titre de l'Accord sur les marchés publics de l'OMC; un accord temporaire, jusqu'à septembre 2011, garantissant un accès mutuel à certains projets d'infrastructure des États, des provinces et des municipalités; et un engagement à explorer la portée de négociations ultérieures, ainsi qu'un accord pour des consultations accélérées sur les questions touchant aux marchés publics à l'avenir.
Durant le temps dont je dispose, j'aborderai brièvement chacun de ces éléments.
Premièrement, au titre des engagements permanents de l'accord, le Canada liera pour la première fois certains marchés publics des gouvernements provinciaux aux dispositions de l'AMP de l'OMC, les États-Unis élargissant en contrepartie au niveau infranational ses engagements de 1994 au titre de l'AMP, pour le Canada.
Il y a aux États-Unis 37 États qui assument différents engagements au titre de l'AMP. Jusqu'à maintenant, les fournisseurs canadiens ne pouvaient pas contester les décisions qui les excluaient des appels d'offre effectués par ces 37 États. Il est difficile d'estimer la quantité de marchés publics au niveau de l'État couverts par les États-Unis au titre de l'AMP. Malgré ces obligations en la matière, le gouvernement américain ne produit pas pour le Comité des marchés publics de l'OMC de statistiques détaillées sur les marchés publics au niveau des États.
Toutefois, les engagements des États-Unis au niveau infranational sont de qualité limitée. Comme vous en avez été informés par d'autres témoins, je crois, les États-Unis ont diverses exceptions, notamment en ce qui concerne les dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains liées au projet de transport public et d'aménagement routier financé par le gouvernement fédéral, ainsi qu'en ce qui concerne certaines tranches réservées aux petites entreprises et aux minorités. Sont exclus les contrats pour les services publics. En outre, dans une bonne part des 37 États qui ont signé l'accord, les fournisseurs canadiens ne sont pas autorisés à fournir de l'acier de structure, des véhicules ou des services d'impression; et il y a d'autres exclusions.
Il est important de souligner que les fournisseurs canadiens n'ont pas accès aux 23 p. 100 de subventions fédérales réservées aux petites entreprises et aux entreprises aux mains de minorités dans les marchés publics. Les programmes du même titre au niveau des États sont eux aussi pleinement exemptés. Dans certains États, ces exemptions atteignent 25 p. 100 ou 40 p. 100 de l'ensemble, qui sont réservées à des entreprises locales ou à des entreprises détenues par des minorités. Les gouvernements municipaux, comme vous le savez, ne sont pas couverts par les engagements des États-Unis au titre de l'AMP.
En 1995, le représentant du Canada au Comité des marchés publics de l'OMC, au vu d'une proposition identique, résumait ainsi la position du Canada:
La position du Canada était que, s'il assurait un accès plus large au marché à ses partenaires commerciaux, il pouvait raisonnablement s'attendre à bénéficier d'un accès réciproque à leur marché. Dans le contexte de l'offre actuelle, ce sont des circonstances qui ne sont pas réunies.
Je crois que c'est une évaluation qui reste valide aujourd'hui.
Les provinces canadiennes ont, quant à elles, convenu de couvrir une gamme de biens, de services et de marchés, essentiellement dans le cadre des ministères des gouvernements provinciaux. C'est la première fois qu'un marché public infranational du Canada est engagé par un accord international.
Les gouvernements provinciaux du Canada ont exclu une gamme de programmes de marchés publics — des entités comme les sociétés d'État et des secteurs comme l'énergie renouvelable et le transport public — des engagements du Canada au titre de l'AMP. Les administrations municipales du Canada ne sont pas, quant à elles, touchées par les engagements permanents; mais elles le sont par les engagements temporaires — je reviendrai là-dessus dans un instant.
Je voulais juste souligner que les règles de l'AMP interdisent au gouvernement de négocier, voire d'envisager, toute forme de contenu local ou toute condition ou engagement qui encourage le développement local, même si le contrat de marchés publics est ouvert de façon non discriminatoire à des soumissionnaires étrangers.
Je ne peux donc même pas voir quel devis, quel que soit le soumissionnaire, présente les plus grands avantages pour ma communauté, ma région, ma province ou le pays.
En résumé, les engagements au titre de l'AMP vont entraver la capacité des gouvernements des provinces du Canada à accorder la préférence à des biens ou fournisseurs canadiens ou encore à utiliser les marchés publics comme outil de développement économique, tout en laissant quasiment intactes les politiques préférentielles des dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains.
Je vais à présent aborder les engagements temporaires.
Le second point principal de l'accord est une disposition allant jusqu'au 30 septembre 2011. Elle assure un accès mutuel à certains projets d'infrastructure et de construction autrement exclus de l'AMP. Il est difficile de chiffrer précisément la valeur des engagements temporaires, mais les meilleures estimations disponibles montrent que cette partie de l'accord est beaucoup plus avantageuse pour les États-Unis. L'accord donne aux fournisseurs canadiens la possibilité de faire une offre sur les contrats restants dans le cadre de sept programmes précis financés par le gouvernement fédéral. Le budget total des sept programmes s'élève à 18 milliards de dollars américains, mais, au 31 décembre, deux tiers des subventions, prêts et transferts au titre de l'ARRA avaient déjà été affectés. Autrement dit, les fournisseurs canadiens seront en lice pour seulement six milliards de dollars américains des projets de relance financés par le gouvernement fédéral, soit seulement 2 p. 100 des marchés publics financés par l'ARRA. Le reste échappe à la portée de l'accord. Et le montant ouvert, dans la pratique, aux fournisseurs canadiens sera considérablement moindre que ceux que j'ai indiqués.
D'autres fonds ont été affectés entre le 31 décembre et la date d'entrée en vigueur de l'accord. L'accès des fournisseurs canadiens sera restreint aux contrats supérieurs au seuil. Pour vous donner un exemple, portant sur l'un des sept programmes — le plus important, je crois —, selon un rapport de la U.S. Environmental Protection Agency, au 15 février 2010, plus de 3,5 milliards de dollars américains avaient déjà été affectés par contrat, sur les quatre milliards de dollars américains octroyés au titre de l'ARRA pour le Clean Water State Revolving Fund. De même, au 15 février 2010, pour le Drinking Water State Revolving Fund, 1,8 million de dollars américains avaient déjà été affectés en contrat sur les deux milliards de dollars américains octroyés.
Le 16 février, lors d'une séance d'information pour les syndicats du Québec, un haut fonctionnaire du ministère du Développement économique du Québec a déclaré estimer à 1,3 milliard de dollars américains la valeur des fonds restant à octroyer au titre des sept programmes américains. Vu le temps qu'il a fallu pour les négociations, le fait que seulement une part infime des projets financés par l'ARRA est couverte et vu que la plupart des fonds ont déjà été octroyés, les fournisseurs canadiens ne doivent pas s'attendre à bénéficier beaucoup des engagements temporaires.
En revanche, le Canada a garanti aux fournisseurs américains un accès à une série de projets de construction, pour des marchés publics municipaux et fédéraux, jusqu'en septembre 2011. On estime à environ 25 milliards de dollars canadiens la valeur de ces contrats. Je peux vous expliquer comment on est parvenu à ce chiffre durant les questions. Or les fournisseurs américains seront libres de faire une offre pour le plein montant de ces contrats, jusqu'à la date limite. Bref, les engagements temporaires sont vraiment déséquilibrés et le plus gros des avantages va aux États-Unis.
Laissez-moi parler brièvement du troisième élément. L'une des exigences clés des gouvernements canadiens, lors du lancement des négociations, était que tout accord comporte pour le Canada une protection à l'encontre des dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains dans les lois américaines à venir. Et cet objectif n'a pas été atteint par l'accord. Il stipule, à la place, des consultations accélérées à la demande d'une partie ou de l'autre, sur toute question ayant trait aux marchés publics. Ces consultations doivent démarrer rapidement — dans les 10 jours —, mais l'accord ne comporte pas de mesure de protection ou de garantie juridique mettant le Canada à l'abri des dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains dans les lois américaines à venir. De plus, l'accord stipule, comme vous le savez, le lancement avant un an de discussions entre le Canada et les États-Unis visant à explorer un accord qui élargirait, de façon réciproque, les engagements en matière d'accès aux marchés publics.
Il est difficile de savoir ce que sera le résultat de ces discussions, mais le déséquilibre de l'accord actuel et le fait que malgré le fort prix payé, le Canada n'a pas pu obtenir d'allégement durable significatif concernant les dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains dans l'ARRA n'indiquent rien de bon pour les négociations à venir.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Mesdames, messieurs, bonjour.
[Traduction]
Merci encore de m'avoir invité à comparaître au comité aujourd'hui au nom de Manufacturiers et Exportateurs du Canada pour discuter des relations commerciales Canada-États-Unis et, plus précisément, de l'Accord sur les marchés publics conclu récemment entre les deux pays.
C'est toujours un plaisir d'être ici. En fait, je me souviens que j'ai rencontré votre comité il y a environ un an pour parler des relations commerciales Canada-États-Unis. Je sais que le comité a produit un rapport, et nous avons été très ravis de voir qu'on y avait inclus une recommandation sur de plus gros efforts de lobbying et de promotion à Washington de la part du Canada.
Cet après-midi, j'aimerais discuter de l'accord conclu en février, vous faire part d'inquiétudes actuelles sur les dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains aux États-Unis, et discuter de ce dont nous avons besoin pour l'avenir.
Avant de débuter, j'aimerais parler de notre association et des membres que j'ai le privilège de représenter. Manufacturiers et Exportateurs du Canada est la plus importante association canadienne de l'industrie et du commerce et elle est la voix des entreprises manufacturières et générales au Canada. Notre mission est d'améliorer l'environnement des affaires et d'aider les manufacturiers et exportateurs canadiens à se positionner et à accroître leurs parts de marchés nationaux et mondiaux en utilisant notre leadership et notre expertise, nos réseaux, et les forces de nos membres. Nos membres, présents partout au Canada, comprennent des entreprises dans tous les secteurs manufacturiers, et consistent surtout en de petites et moyennes entreprises.
L'an dernier, les manufacturiers canadiens ont directement exporté 47 p. 100 de leur production, et 77 p. 100 de ces exportations sont allées aux États-Unis. Les États-Unis représentent notre principal marché d'exportation. Lorsque l'on prend en compte les exportations indirectes, nous pourrions dire que nous vendons plus aux États-Unis qu'ici au Canada.
Les ventes américaines des manufacturiers canadiens ont chuté de 23 p. 100 l'an dernier, donc nos membres ont grandement souffert de la récession américaine. Malgré les efforts des exportateurs pour diversifier leurs ventes dans d'autres marchés, pour des raisons géographiques et économiques, nous nous attendons à ce que les États-Unis demeurent notre marché principal dans un avenir prévisible, et aussi à long terme.
C'est la raison pour laquelle les dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains incluses dans l'ARRA, la version américaine du plan d'action économique, nous importent autant. Voilà pourquoi notre association a été le chef de file de la lutte contre ces dispositions dans le secteur des affaires au Canada.
Notre lutte contre les dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains dans l'ARRA a débuté en janvier 2009, lorsque le Congrès a proposé ces restrictions pour la première fois. Nous avons alors alerté le gouvernement et nous avons été ravis de voir que le premier ministre en discute directement avec le président Obama à plusieurs reprises. Malgré les garanties du président que les États-Unis allaient respecter ses obligations commerciales, nous savions qu'il y aurait des conséquences pour nos membres, parce que l'ALENA n'inclut pas les transferts fédéraux aux États et aux administrations locales.
Peu après, nous avons commencé à recevoir des appels de nos membres qui nous disaient qu'ils ne pouvaient pas soumettre d'offres sur des projets à moins de signer des affidavits déclarant que leurs biens étaient produits aux États-Unis. Des entreprises de divers secteurs, comme celles du secteur des aqueducs et de l'équipement pour les eaux usées, des produits d'acier ou de métaux, des produits électriques, de la construction et de l'équipement médical, nous faisaient part de leurs problèmes.
Les expériences vécues par certains de nos membres ont fait les manchettes. Vous les avez peut-être lues.
De plus, les entreprises qui auraient dû être protégées par nos accords commerciaux, ou qui ne vendaient pas directement aux gouvernements américains, nous faisaient part de problèmes et perdaient des clients suite au climat qui s'installait aux États-Unis à cause de dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains.
[Français]
Le gouvernement fédéral et les provinces ont rapidement compris l'enjeu et sont passés à l'action. En quelques semaines seulement, toutes les provinces se sont ralliées à la stratégie mise en avant par le ministre Day, du gouvernement fédéral. Cette stratégie visait à nous ramener au 16 février 2009, c'est-à-dire le jour avant l'adoption de l'American Recovery and Reinvestment Act, le plan de relance américain.
L'objectif à court terme était d'exempter les entreprises canadiennes des mesures « Buy American » et de négocier une entente qui aurait des impacts à plus long terme en ouvrant davantage les marchés publics des deux côtés de la frontière.
[Traduction]
L'accord entré en vigueur le 16 février de cette année est, d'après nous, un pas en avant. Il bénéficie aux exportateurs canadiens en améliorant l'accès aux marchés publics américains. Bien que le nouvel Accord sur les marchés publics n'offre pas l'exclusion générale souhaitée pour les produits manufacturés canadiens, c'est un pas en avant et il permettra au Canada de mieux combattre les dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains à l'avenir.
En fait, je veux profiter de l'occasion pour remercier le premier ministre Harper, le ministre Day, ses collègues au Cabinet et son personnel, de même que les premiers ministres provinciaux, Don Stephenson, négociateur en chef, son équipe de négociation, l'ambassadeur Doer à Washington et son personnel pour leur leadership, leur persévérance et leurs efforts visant à conclure ce premier accord commercial avec l'administration Obama.
Cet accord apportera cinq changements pour nos membres. Premièrement, l'accord, met les entreprises canadiennes à l'abri des dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains de l'ARRA. Cette exception se limite aux sept programmes décrits plus tôt par M. Sinclair.
Deuxièmement, en convainquant les provinces de signer l'Accord sur les marchés publics de l'OMC, les entreprises canadiennes obtiennent un accès garanti aux marchés publics de 37 États. En d'autres mots, les entreprises canadiennes obtiennent le même accès aux États-Unis que les entreprises européennes ont depuis des années. Une fois le plan de relance terminé, cette partie de l'accord demeurera en place.
Troisièmement, l'accord constitue un précédent pour le Canada car il reconnaît l'intégration de nos deux économies. Pendant les négociations, l'administration américaine répétait qu'elle ne pouvait offrir une exception au Canada parce que cela créerait un précédent. En fin de compte, nous avons pu obtenir ce précédent et la reconnaissance du caractère spécial de notre relation, ce qui sera sûrement utile à l'avenir.
Quatrièmement, cet accord signifie que les entreprises américaines ont maintenant un accès garanti à certains de nos marchés publics au Canada. Nous leur avons garanti l'accès pour les projets financés par notre plan de relance. De plus, en signant l'accord de l'OMC, nos provinces offrent aux entreprises américaines l'accès à toute une gamme de marchés publics.
Il faut souligner que ces marchés étaient déjà généralement ouverts aux entreprises américaines. Les entreprises canadiennes étaient habituées à faire face à la concurrence provenant des États-Unis et d'ailleurs dans le monde dans nos propres marchés publics au Canada.
Pour terminer, l'accord met en place un processus pour des négociations plus ambitieuses. Il y aura un mécanisme accéléré pour traiter des futures dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains et engager les deux gouvernements à entamer des négociations plus ambitieuses l'année prochaine.
Puisque l'accord ne résout pas tous les problèmes des entreprises canadiennes issus des dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains, il ne signifie donc pas la fin de notre lutte contre ces dispositions dans notre principal marché d'exportation.
L'éventualité de futures lois adoptées par le Congrès et qui limiteraient l'accès du Canada au marché américain continue de nous préoccuper. Tant que la sécurité économique sera en tête de liste des priorités aux États-Unis, il y aura de fortes pressions pour l'établissement de politiques privilégiant l'achat de biens américains aux États-Unis.
Par l'entremise de notre bureau à Washington, nous suivons de près les actions du Congrès, surtout le compte des crédits américains qui a débuté en février et les progrès d'autres projets de loi qui favoriseraient davantage d'efforts de la part des Américains pour relancer leur économie, surtout s'ils contiennent des dispositions privilégiant l'achat de biens américains.
Nous collaborerons également étroitement avec un certain nombre d'associations alliées à Washington. En fait, notre président est présentement à Washington pour en rencontrer certaines. Nous comprenons qu'un élément essentiel de la lutte contre les dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains est de trouver ces alliés aux États-Unis pour qu'ils puissent ensuite expliquer que les Canadiens et les Américains produisent ensemble, et que notre partenariat économique crée des emplois, une richesse durable et des occasions d'affaires aux États-Unis et au Canada.
Je sais que certains des membres du comité et certains de vos collègues au Parlement ont participé à ces discussions par l'entremise du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis et d'autres organismes. Je veux vous dire que ces choses font une différence. Notre ambassade, nos provinces et nos maires doivent également cultiver leurs relations avec nos alliés et nos homologues américains. Elles sont très utiles pour adapter le message au plan local et dire aux Américains quels sont les avantages de notre relation commerciale.
Pour conclure, notre travail ne devrait pas se terminer avec cet accord. Je crois que cet accord constitue un progrès, mais la leçon que nous avons tirée de cette expérience, c'est que forger des alliances transfrontalières et collaborer avec nos alliés forment la clé du succès.
Je vous remercie.
Je me ferai un plaisir de répondre à toutes les questions que vous voudriez me poser.
:
Je vous remercie, membres du comité, de me donner la possibilité de m'exprimer devant vous au sujet de l'Accord Canada-États-Unis sur les marchés publics.
Au nom des 3,2 millions de membres du Congrès du travail du Canada, nous vous remercions de nous donner l'occasion de prendre la parole. Le CTC réunit des syndicats canadiens, tant nationaux qu'internationaux ainsi que les fédérations de syndicats tant provinciaux que territoriaux et 130 conseils du travail de district, dont les membres représentent à peu près tous les secteurs de l'économie canadienne, toutes les professions et toutes les régions de notre pays.
Le Congrès du travail du Canada considère qu'il faut faire deux remarques importantes au sujet des circonstances dans lesquelles le Canada a conclu avec les États-Unis cette entente sur l'approvisionnement.
En premier lieu, les travailleurs canadiens subissent encore les effets très marqués de la crise économique. Selon les dernières données fournies par Statistique Canada, le Canada a perdu plus de 250 000 emplois à plein temps depuis octobre 2008. Le taux de chômage est de 8,2 p. 100 et l'on ne prévoit pas qu'il diminuera dans un avenir rapproché. Quant au taux de chômage réel — c'est-à-dire, le taux tenant compte des travailleurs découragés et des travailleurs à temps partiel involontaires — il atteint plus de 12 p. 100. Plus de 1 500 000 hommes et femmes sont sans travail et 20 p. 100 d'entre eux sont dans cette situation depuis plus de six mois.
En second lieu, ce qu'on a appelé la reprise demeure extrêmement précaire et partielle. Dans le monde entier, les économies nationales ont encore besoin de subventions de la part des gouvernements pour stimuler le développement économique et la création d'emplois.
Ces deux éléments auxquels s'ajoutent un taux de chômage élevé et une économie fragile, constituent notre cadre de référence lorsqu'il s'agit d'analyser l'entente sur les marchés publics dont il est question aujourd'hui.
D'entrée de jeu, je devrais préciser que le mouvement syndical demeure persuadé que les gouvernements devraient puiser à même les fonds publics pour atteindre divers objectifs sociaux. Depuis que la crise économique nous a frappés de plein fouet, nous réclamons d'importants investissements publics dans des infrastructures tant matérielles que sociales afin que le secteur public fasse sa part pour appuyer la reprise économique dans l'ensemble de notre pays.
Nous n'ignorons pas que certains se sont inquiétés de l'effet perturbateur sur les chaînes d'approvisionnement intégrées nord-américaines de l'injection de fonds publics aux États-Unis en vertu de l'American Recovery and Reinvestment Act, et du fait que ces initiatives ont limité l'accès des fournisseurs canadiens aux fonds de relance américain. Toutefois, cela n'est rien au vu du véritable tollé qui n'a fait qu'enfler, au fur et à mesure qu'on a montré dans les médias des images de conduites canadiennes en train d'être arrachées à même le sol. En réaction à cela, des dirigeants canadiens se sont engagés à être le fer de lance dans la lutte internationale contre le protectionnisme américain.
Le gouvernement a choisi de ne pas tenir compte des industries intégrées en négociant des ententes sectorielles. Malheureusement, et en raison de cela, nous sommes maintenant assujettis à un accord que nous paierons très cher et pendant longtemps. En effet, à notre avis, il s'accompagne de bon nombre de problèmes.
D'abord, pour la première fois dans son histoire, le Canada a lié en permanence ses provinces et deux territoires à respecter les engagements découlant de l'Accord sur les marchés publics de l'OMC. Or, en pleine tourmente économique, les provinces et les territoires ont renoncé à un espace politique important qu'ils pourraient utiliser à meilleur escient pour appuyer la production de biens et de services canadiens, dans les secteurs à la fois public et privé.
En second lieu, en souscrivant à cet accord, les gouvernements ont montré qu'ils sont disposés à céder encore plus de contrôle sur le développement économique du Canada au cours de négociations à venir avec les États-Unis et les négociations actuelles avec l'Union européenne.
Troisièmement, en inscrivant ce nouvel accord dans la lutte contre le protectionnisme croissant, on s'est trouvé à saper à la base la légitimité des politiques privilégiant les achats de biens canadiens. En effet, l'accord freinera certainement les engagements pris par les gouvernements de recourir à leur pouvoir d'achat public afin d'appuyer le développement économique.
En quatrième lieu, nous sommes étonnés que le gouvernement ne nous ait pas donné la moindre idée des préjudices subis par les fournisseurs canadiens dans la foulée de cet accord sans précédent. Les données portant sur les préjudices subis par les fournisseurs canadiens en raison des dispositions privilégiant l'achat de biens américains, qui existent depuis les années 1930, ne sont pas des données scientifiques. À cause de l'exigence de confidentialité entourant les affaires des entreprises, les renseignements ne nous sont fournis que par l'entremise de la presse. Nous ne savons donc pas vraiment quelle a été la gravité de ces préjudices et nous ne pouvons tout simplement pas accepter l'idée selon laquelle ce sont les dispositions privilégiant l'achat de biens américains plutôt que la récession économique qui sont à l'origine de la baisse de nos exportations.
Cinquièmement, malgré le fait que l'accord s'accompagne de bon nombre d'exceptions et de réserves des deux côtés, le gouvernement est incapable de nous fournir un bilan des coûts et des avantages. Ainsi, par exemple, les gouvernements n'ont demandé aucune étude sur les préjudices éventuels pour l'économie canadienne découlant de la présence de grands fournisseurs américains de biens et services dans le secteur public.
Sixièmement, dans l'accord, le marché public est défini comme « des transactions contractuelles destinées à acquérir des propriétés ou des services à l'usage ou à l'avantage directs du gouvernement ». Selon cette définition, le marché public peut englober le choix d'un partenariat public-privé. La même définition avalise aussi la sous-traitance et la privatisation des entités couvertes, en dépit des coûts élevés et de la faible rémunération que cela entraîne.
Les problèmes de cet accord vont bien plus loin que la question de l'accès réciproque aux marchés et nous amènent à nous demander quel genre d'État nous sommes en train de façonner pour l'avenir. Comment allons-nous réussir à conserver l'orientation démocratique de notre économie et de notre société lorsque les gouvernements cèdent volontiers les mécanismes politiques dont ils disposent pour renforcer l'inclusion et la justice sociale?
Dans le document intitulé « Labour's Plan to Deal with the Economic Crisis » (Comment les syndicats veulent réagir à la crise économique), nous avons noté une étude effectuée par Informetrica pour le compte de la Fédération canadienne des municipalités, selon laquelle des dépenses supplémentaires de un milliard de dollars affectées aux infrastructures essentielles peuvent être à l'origine de 11 500 emplois, la moitié dans le secteur du bâtiment, l'autre moitié dans d'autres secteurs. Pour chaque milliard de dollars investi en économie d'énergie et dans des systèmes d'énergie renouvelable, il se crée jusqu'à 18 000 emplois. Selon Statistique Canada, des investissements dans les infrastructures publiques rapportent des bénéfices de 17 p. 100 au secteur privé en stimulant la productivité et en abaissant les coûts d'exploitation et de la production.
Les investissements peuvent également favoriser la hausse de l'emploi dans le secteur manufacturier s'ils sont assortis de l'obligation d'acheter canadien, tel que l'ont réclamé le CTC et Manufacturiers et Exportateurs du Canada dans leur exposé de principe de février 2008.
Nous serions en mesure de créer 2 000 nouveaux emplois en remplaçant 694 millions de dollars de véhicules de transport en commun importés par du matériel construit au Canada. Pour ce qui est de la mise en valeur d'une industrie solaire et éolienne, un large public lui est favorable dans notre pays et elle devrait comporter un contenu canadien. Aussi, les conditions d'attribution des contrats gouvernementaux devraient favoriser un secteur public fort en veillant à ce que la prestation des services publics soit assurée par le service public. Ce dernier ne devrait pas se voir amoindri par un gouvernement qui donnerait la priorité à la sous-traitance, à la privatisation ou aux coûteux partenariats publics-privés. Notre secteur public nous permet d'offrir des services de grande qualité et également de favoriser la syndicalisation, la création de bons emplois et l'inclusion des femmes, des immigrants et de l'embauche et de la formation des travailleurs des minorités visibles.
En conclusion, au cours de l'année écoulée, le Congrès du travail du Canada s'est rendu dans les collectivités de l'ensemble du pays afin de demander aux gens comment ils vivent la crise économique. Je terminerai donc en citant M. Brian Clark, un mineur de Campbell River en Colombie-Britannique: « Nous avons perdu notre secteur des pêches. Nous avons perdu notre exploitation forestière. Nous avons perdu notre usine. Nous avons perdu notre mine. Que nous reste-t-il d'autre à perdre dans notre ville »?
J'estime que la question de M. Clark se pose au comité au moment où nous nous penchons sur les conséquences actuelles et à venir de cet accord. Sans le moindre débat et sans les preuves à l'appui, on a restreint le champ d'action d'un important mécanisme d'intervention et fait en sorte que des négociations à venir puissent l'affaiblir encore davantage. C'est ainsi que le secteur public a été amoindri. C'est un résultat qui nous préoccupe énormément.
Je vous remercie de votre attention.
:
Je pense que c'est une très bonne question.
Pour paraphraser votre question, vous voulez savoir si l'accord négocié pour les exportateurs canadiens améliore la situation et quelles sont les ramifications d'un tel accord.
En ce qui concerne les répercussions, l'impact direct des dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains était que les entreprises canadiennes ne pouvaient pas soumissionner pour les contrats d'acquisition et les projets de relance de l'économie aux États-Unis. C'était un impact direct et nous avons perdu des contrats à cause de cette règle. C'est pourquoi nous voulions une solution à court terme, mais les conséquences allaient bien au-delà des pertes directes de vente ou de contrat. Il y avait des fournisseurs canadiens qui ne pouvaient plus vendre à leurs clients américains parce que ceux-ci n'étaient pas sûrs de pouvoir utiliser les intrants produits au Canada.
Certains gouvernements municipaux n'étaient pas assujettis aux dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains. Ils étaient libres de faire ce qu'ils voulaient à la condition d'utiliser leur propre argent. Certains d'entre eux ont décidé de s'approvisionner uniquement auprès d'entreprises américaines parce qu'ils ne souhaitent pas avoir deux stocks différents. Cela aussi nous a fait perdre des clients.
Il y a d'autres entreprises canadiennes qui ont perdu des ventes lorsque les sociétés qu'elles approvisionnaient ont perdu des contrats aux États-Unis.
Enfin, il y a de nombreuses entreprises qui n'ont pas été touchées directement par les dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains mais qui disent que celles-ci envoient le mauvais message. De nombreuses entreprises canadiennes dépendent des investisseurs étrangers et ceux-ci pensent qu'en investissant au Canada ils ne pourront peut-être pas avoir accès aux marchés américains, ce n'est pas une bonne chose. À cause de cela, de nombreux investisseurs craignent de construire des usines ou d'investir leur argent au Canada.
L'accord règle en partie certains de ces problèmes. Il donne l'impression que le Canada n'est pas assujetti aux dispositions législatives privilégiant l'achat de biens américains. Ça, c'est certainement un signal très positif pour attirer des investissements ou même pour retenir les investissements actuels au Canada.
À court terme, nous avons obtenu une exemption partielle des restrictions applicables au marché public financée par l'ARRA. En d'autres mots, nous sommes seulement exemptés de sept programmes, et la plupart des budgets de ces programmes ont déjà été dépensés de sorte que les bénéfices sont limités. Mais sommes-nous mieux avec cet accord que sans accord du tout? Absolument. En fait, nous avons discuté avec le gouvernement tout au long des négociations, et je pense qu'il savait que s'il avait refusé un mauvais accord, nous l'aurions appuyé. L'objectif n'était pas d'obtenir un accord à tout prix, mais d'en obtenir un qui allait améliorer la situation des entreprises canadiennes. Il est évident qu'il n'est pas parfait, mais je pense que nous sommes en meilleure position que s'il n'y avait pas du tout d'accord.
Pour conclure, vous avez demandé si cet accord nous lie les mains pour l'avenir où limite ce que nous pouvons faire au Canada au moyen de marchés publics. Les provinces ont signé l'accord de l'OMC sur les marchés publics, qui accorde aux entreprises américaines, et uniquement aux entreprises américaines, un accès partiel aux marchés publics ici au Canada. Nous devons reconnaître que de manière générale ces marchés sont déjà très ouverts. Mais il y a encore tout un ensemble de marchés publics qui ne sont pas couverts par cet accord. Nous espérons que les deux gouvernements réussiront à négocier un accord qui libéraliserait davantage les marchés.
Comme M. Sinclair le disait, certains marchés américains restent fermés aux entreprises canadiennes en raison de politiques qui sont en place depuis un certain temps déjà. Comme on l'a aussi mentionné, les municipalités américaines et canadiennes ne sont pas assujetties aux dispositions de cet accord qui s'applique à long terme. Il reste encore beaucoup de choses à négocier. La situation pourrait encore grandement s'améliorer en obtenant un meilleur accès aux marchés américains.
Notre objectif devrait toujours être d'améliorer notre accès aux États-Unis, plutôt que de restreindre l'accès à nos propres marchés ici au Canada. Le marché américain pour nos biens et services est tellement plus vaste. Lorsque vous parlez aux entreprises canadiennes, et je sais que vous le faites tous, leur grande ambition est d'abord et avant tout de pénétrer le marché américain. Notre objectif devrait toujours être de créer autant de possibilités et d'ouvrir autant de marchés que possible pour les entreprises canadiennes.
:
Merci, monsieur le président.
Je croyais que vous alliez être généreux envers M. Guimond, comme vous l'avez été la semaine dernière, et lui donner un peu plus de temps.
Merci infiniment d'être venus.
Je m'adresse alors à M. Laurin. Je regarde l'énoncé de politique que vous avez préparé avec vos collègues en février 2008 et je dois vous dire que je l'ai souvent utilisé dans mes démarches auprès des conseils municipaux dans la région du Niagara. En fait, j'ai rencontré la moitié d'entre eux et j'ai toujours réussi à discuter d'une politique privilégiant l'achat de biens canadiens pour les marchés publics municipaux.
Ils croyaient en fait être assujettis à l'ALENA, alors que nous savons tous que ce n'est pas le cas. Les municipalités croyaient à tort être assujetties à l'ALENA puisque le gouvernement canadien l'a signé. Elles utilisaient cela comme excuse pour ne pas acheter des produits canadiens avec l'argent du public. Elles ne réalisent pas de bénéfices; elles perçoivent de l'argent comme toute autre administration et cet argent c'est celui du public. Je leur ai expliqué qu'elles étaient tenues de dépenser cet argent de manière à en faire profiter ceux-là même qui le leur avaient fourni.
Bien sûr, j'ai étudié votre rapport. Je vais le paraphraser. Je sais que vous connaissez très bien ce rapport. Vous croyez, d'après ce document de 2008, que le gouvernement canadien a eu raison d'utiliser cet instrument de politique et, qu'en fait, nous devrions investir dans le secteur manufacturier canadien en nous approvisionnant auprès des fournisseurs locaux.
Mais aujourd'hui, je vous entends dire que l'accord n'est pas aussi bon que vous l'auriez souhaité, mais qu'il ouvre la voie à la libéralisation des marchés un jour. Donc en fait, d'après ceci, vous diriez au gouvernement de ne pas utiliser ce levier politique pour les marchés publics locaux, parce qu'il y aurait tout simplement une frontière ouverte, peu importe l'emplacement du marché public.
Est-ce que j'ai bien présenté votre position, ou y a-t-il eu un changement de l'orientation politique de Manufacturiers et Exportateurs du Canada?
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Merci pour cette question.
Non, en fait, je pense que notre politique est restée la même. Nous avons rédigé ce document il y a quelques années et nous y traitions des mesures privilégiant l'achat de biens américains qui s'appliquaient aux dépenses fédérales pour des autoroutes et l'infrastructure des transports aux États-Unis.
En fait, ces restrictions remontent aux années 1930 et ont été modernisées dans les années 1980. Elles s'appliquent aux entreprises qui font des produits utilisés dans les projets de transport en commun ou dans des projets de construction d'autoroutes. Ces restrictions existent depuis très longtemps. Nous n'avons pas réussi à obtenir libre accès à ces marchés aux États-Unis, ni dans l'ALENA, ni avant cela dans l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis.
C'est pour cette raison que nous avons rédigé ce document de politique. Nos membres se sont adressés à nous. Ils produisaient de l'équipement pour le transport en commun et de l'acier pour les autoroutes et les ponts et ils nous disaient: « Si nous ne pouvons pas faire changer cette politique américaine, il faudrait au moins que les règles du jeu soient équitables ici au Canada et nous devrions peut-être adopter des politiques qui nous procureraient le même genre de soutien interne ».
Notre objectif a toujours été, d'abord et avant tout, d'obtenir l'accès au marché américain, mais à défaut de cela, nous devons examiner nos autres options. C'est ce que nous essayons de dire au gouvernement. C'est ce que nous essayons de dire au public.
Donc, le parallèle avec les négociations en cours sur les dispositions privilégiant l'achat de biens américains est que cet accord nous donne l'occasion de soulever cette question auprès des Américains qui se sont engagés à nous rencontrer et à discuter des marchés publics en général.
Allons-nous réussir à faire bouger les choses dans ce dossier? Je ne le sais pas. Mais je pense que l'objectif doit toujours rester l'ouverture du marché américain. C'est là où la plupart des sociétés canadiennes aimeraient aller faire affaire.
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Je dois dire, en tant que personne qui suit les politiques d'approvisionnement depuis une vingtaine d'années, que j'ai été passablement surpris par la réaction au Canada à l'égard des dispositions privilégiant l'achat de biens américains contenues dans l'ARRA. Elles font partie de la politique américaine depuis bien des années. Les Américains les ont systématiquement exclues de la plupart de leurs obligations découlant des accords de commerce internationaux. Ils disposent de très bonnes exemptions.
Psychologiquement c'est assez intéressant parce que, comme vous l'avez signalé, j'estime qu'il y a eu un changement de position de la part de Manufacturiers et Exportateurs du Canada qui revendiquaient des politiques privilégiant l'achat de biens canadiens, du moins dans certains secteurs particuliers, et, soudainement, avec un certain nombre d'autres intervenants, l'association a, je dirais, paniqué au sujet des dispositions privilégiant l'achat de biens américains.
Il s'agissait en partie d'un recul économique. Nos échanges commerciaux vers les États-Unis et vers d'autres marchés diminuaient considérablement, non pas en raison des dispositions privilégiant l'achat de biens américains, mais à cause de la récession. C'était également, comme vous l'avez dit, en raison de l'immensité du montant.
J'aimerais signaler, que de tous les pays étrangers, le Canada est celui qui a le plus tiré profit des mesures de relance du président Obama, soit des 787 milliards de dollars. Nous en avons profité plus, en tant que leur plus gros partenaire commercial, que quiconque, sauf les États-Unis. Les dispositions privilégiant l'achat de biens américains étaient un irritant, mais elles constituaient une perte marginale.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais remercier nos invités pour leur témoignage. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Fait intéressant. La semaine dernière, nous avons invité nos hauts fonctionnaires pour qu'ils nous donnent un plus vaste aperçu de cet accord sur les marchés publics, et une chose qui m'interpelle particulièrement... L'an dernier, notre comité est allé à Washington, et nous avons sélectionné quatre questions prioritaires sur lesquelles il fallait se pencher. Tous les partis autour de cette table s'étaient mis d'accord sur les quatre sujets dont il fallait discuter, et personne ne doit s'étonner que les dispositions privilégiant l'achat de biens américains ainsi que les dispositions connexes constituaient un des principaux sujets de préoccupation pour nous.
Pourquoi? Mes collègues politiciens et moi-même allions en entendre parler de la part des entreprises, des entreprises qui, soit dit en passant, fonctionnent parce que des employés doivent travailler et ce sont eux qui en assurent le succès. Les dispositions privilégiant l'achat de biens américains nous préoccupaient beaucoup et, comme je l'ai dit, tous les partis étaient sur la même longueur d'onde. C'était lorsque nous avons rendu visite aux divers membres du Congrès. Il s'agissait d'un des sujets qu'il fallait aborder.
Je rappelle ce point parce que j'entends la rhétorique, si je puis l'appeler ainsi, les observations sur différentes perspectives de la part de M. Laurin par rapport à M. Sinclair et à Mme Healy. Vous ne serez pas surpris d'apprendre où je me situe. Je dis ça plutôt en tant qu'homme d'affaires que politicien, mais ce que vous dites, monsieur Laurin, m'interpelle... lorsque vous parlez des membres que vous représentez, vous avez dit que 47 p. 100 des produits manufacturés par vos membres sont exportés.
Il faut se poser la question, serions-nous en situation plus avantageuse en tant que pays isolé et protectionniste lorsque, même si cela ne fait pas partie de notre histoire, et deuxièmement, lorsque je considère, par exemple, les voitures fabriquées ici, et que notre principal pays d'exportation c'est les États-Unis? Je ne veux pas vous poser la question mais tout simplement dire que si nous n'étions pas un pays commerçant, les répercussions sur notre économie seraient beaucoup plus importantes. Je suis plutôt d'accord avec Mme Healy sur ce point en particulier, c'est-à-dire que l'économie est fragile. Elle l'est en effet, et notre reprise est fragile, mais lorsque le Fonds monétaire international et d'autres organismes disent que le Canada était le dernier pays à subir ce marasme mondial et le premier à s'en sortir, je dirais que c'est très très positif.
Bon, ça suffit pour les discours, parce que j'ai bien peur que ça semblait être un discours et j'en suis désolé.
Monsieur Laurin, j'ai une question pour vous. On nous a présenté les deux côtés de la médaille alors je vous demande, que se produirait-il si nous n'avions pas cet accord? Vous avez déjà dit qu'il valait mieux en avoir un que pas du tout. Si nous n'avions pas cet accord, que se passerait-il selon vous?
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Merci. Je crois que c'est une excellente question, une question sur laquelle nous nous penchons déjà depuis un petit moment.
Cette entente, qui est permanente et qui assure un accès à ces 37 États, place les entreprises canadiennes sur un pied d'égalité avec des entreprises européennes et celles des autres pays signataires de cet accord de l'OMC. Dans nombre de ses directives, l'Office of Management and Budget des États-Unis a clairement indiqué aux fonctionnaires chargés des achats que pour pouvoir dépenser les budgets associés à la relance économique il fallait respecter les lignes directrices. On disait essentiellement, en fait, vous devez offrir l'accès aux entreprises des autres pays qui ont signé cet accord, mais ils ajoutaient toujours à l'exception du Canada. Tout au moins, cette exception aura disparu, ce qui est un pas dans la bonne direction. On se trouve ainsi sur un pied d'égalité avec les autres pays.
Quant à ce que vous devriez faire dorénavant, ou les recommandations que vous pourriez formuler, il faut s'assurer que nous collaborons avec le ministère des Affaires étrangères et le ministre du Commerce international, M. Van Loan, et ses fonctionnaires, pour élaborer une stratégie qui nous permettra, avant tout, de communiquer les termes de cet accord aux fonctionnaires chargés des achats aux États-Unis, parce que nombre d'entre eux ne sont pas nécessairement au courant. Ils ne sont pas tous des experts en matière de commerce international; en fait, la plupart ne le sont pas, et il faudra donc absolument que nous communiquions les avantages de cet accord à ces fonctionnaires. Je pense qu'on est en train de mettre en place une stratégie en collaboration avec nos consulats et nos délégués commerciaux aux États-Unis.
Il serait de plus utile que vous recommandiez d'avoir recours aux services des délégués commerciaux du Canada pour aider un plus grand nombre d'entreprises canadiennes à participer aux marchés publics aux États-Unis, afin de profiter pleinement des débouchés offerts, non seulement au niveau fédéral, mais au niveau subnational.
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Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.
Compte tenu du raisonnement que vous commenciez à suivre, monsieur Sinclair, il me semble évident que la question dont nous parlons est, je pense, la réciprocité, et nous n'avions pas de réciprocité. Nous étions désavantagés, de façon importante, par rapport à nos concurrents américains. Compte tenu de ce que vous venez tout juste de dire, il serait donc logique de poursuivre cette avenue jusqu'à réussir, cela nous rendrait plus forts, maintenant que les Américains ont ouvert leurs marchés publics et que nous avons ouvert les nôtres.
En passant, les provinces sont tout à fait d'accord pour ouvrir les marchés publics. On ne les a pas forcées à se présenter à la table. Elles sont venues d'elles-mêmes. Il serait donc très logique de dire que nous avons fait des progrès majeurs et que nous sommes bien positionnés pour le programme Main Street, ou un autre programme de type Buy American qui sera créé, de négocier une fin à ces programmes.
On ne va pas y arriver simplement en disant que nous avons été traités injustement. Les Américains ne l'entendent pas; ils ne font pas attention à de telles affirmations. Les mesures protectionnistes que vous favorisez m'effraient, très honnêtement. Pire encore, je pense que cela nous met à couteaux tirés avec les Américains, qui sont des négociateurs fermes. Ils ont toujours été des négociateurs fermes. Nous le savons.
Mais si vous allez de l'avant et que nous sommes en mesure d'ouvrir le marché, que penseriez-vous de l'accord alors? Je parle ici d'ouvrir le marché dans des programmes futurs.
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Selon moi, 700 milliards de dollars de contrats sur lesquels les entreprises canadiennes n'ont pas pu soumissionner, ça cause une menace pour les entreprises canadiennes. Je le crois vraiment.
Je reviens à la réciprocité, et je veux vous donner un petit exemple — je sais que nous avons un vote bientôt.
Nous venons tous de circonscriptions qui dépendent de l'industrie manufacturière. Je représente une circonscription très rurale en Nouvelle-Écosse et nos industries, dont bon nombre sont des petites industries, dépendent du secteur manufacturier. En fait, 87 p. 100 de toute la circonscription dépend directement du secteur manufacturier. Nous avons une scierie, mais elle fabrique du bois de construction de dimensions courantes. Les usines de poisson ont une valeur ajoutée. Le secteur de l'aéronautique dépend des contrats internationaux et de certains contrats canadiens.
Si nous pensons, d'une façon ou d'une autre, que nous pouvons dépendre de nos 33 millions d'habitants au Canada pour notre marché, alors que le monde est notre marché, dans ma partie du monde, c'est-à-dire les 85 000 personnes qui vivent à South Shore—St. Margaret's, tous se retrouveraient au chômage demain.
Nous faisons partie d'un monde qui a profité de la construction navale. Nous faisons des affaires avec de nombreux pays dans le monde, et nous avons une bonne position pour le faire, parfois de façon très modeste, mais sans cette possibilité toutes les entreprises seraient fermées et nous déménagerions tous dans l'Ouest, ou au Québec, ou en Ontario, parce qu'il n'y aurait plus de travail chez nous, et nous ne ferions que nous battre pour des emplois là-bas.