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C'est un honneur et un privilège de pouvoir témoigner devant notre Parlement au sujet de l'Accord de libre-échange Canada-Colombie.
Je vais d'abord vous parler un peu de moi. J'ai la double nationalité. Je suis né en Colombie et, en 1986, j'ai déménagé au Canada, à Ottawa, à la fin de la présidence de M. Betancur. J'étais à l'époque statisticien en chef de la Colombie. J'avais auparavant été doyen de l'École de gestion de l'Université de Los Andes, et j'ai également été professeur dans cet établissement.
À Ottawa, j'ai travaillé dans le secteur des hautes technologies, notamment dans le domaine du développement du commerce international, pour le compte de certaines sociétés canadiennes. J'ai également donné des cours de marketing international dans le cadre du programme de MBA de l'Université d'Ottawa.
Au cours des trois dernières années, j'ai travaillé dans une mine de charbon à ciel ouvert, en Colombie, en tant que chef de la division de l'engagement social, au sein du secteur de la responsabilité sociale de l'entreprise. Il y a quelques mois, on m'a chargé de trouver un collège qui pourra donner une formation technique de niveau secondaire aux membres des communautés environnantes.
La propriété de la mine Cerrejon est divisée en trois parties égales, entre des filiales de BHP Billiton, d'Anglo American et de Xstrata. C'est la plus grosse mine de charbon à ciel ouvert du monde. Elle est située dans la péninsule de La Guajira, dans le nord-est de la Colombie, et elle jouxte le Venezuela et la mer des Antilles.
L'exploitation de la mine comprend des activités d'exploration, de production, de transport et d'expédition de charbon thermique à haute teneur. La mine fournit du travail à plus de 10 000 personnes. En 2008 et en 2009, nous avons produit et exporté environ 31 millions de tonnes, dont un million a été exporté dans les provinces maritimes, au Canada.
Le développement socio-économique de La Guajira est indissociable de la mine Cerrejon et du secteur minier. Plus de la moitié du PIB du département provient de Cerrejon... [Note de la rédaction: difficultés techniques].
La communication est-elle coupée? Est-ce que vous m'entendez?
Une voix: Ça va. Nous vous entendons.
M. Mauricio Ferro: C'est bon.
Ce qui me frappe, à la lecture du compte rendu des témoignages, c'est que les opposants à l'accord invoquent principalement des raisons idéologiques et des arguments qui ressortissent à la politique partisane interne de la Colombie. Ce ne sont pas les mérites de l'accord que l'on prend en considération, ni la contribution à long terme que le Canada et la Colombie peuvent s'apporter mutuellement. Le Canada est une société multiculturelle et multi-ethnique, et nous sommes fiers de nos valeurs, ainsi que de la tolérance et du respect dont nous faisons preuve les uns envers les autres, même si nous ne nous entendons pas sur bon nombre de questions litigieuses.
Étant donné qu'une des principales politiques de l'administration Uribe est d'ouvrir la Colombie au commerce international, au moyen d'accords de libre-échange, quiconque s'oppose à lui entrave ses efforts pour mener à bien ses politiques.
Comme tout autre pays, la Colombie a ses problèmes, à commencer par la question de la primauté du droit. Nous pouvons rédiger d'excellents accords et d'excellentes lois, mais le problème, c'est que ces lois ne sont pas toujours mises à exécution. Il reste du travail à faire au chapitre des droits de la personne. Il faut que ce soit une priorité pour nous tous, mais cela demandera du temps, et nous n'y arriverons pas sans un effort concerté de tous les Colombiens, et sans l'aide d'autres pays comme le Canada.
Beaucoup de témoins ont parlé des menaces et du meurtre de dirigeants syndicaux. Et ils ont raison; cela se produit. Mais personne n'a parlé de la violence au foyer dont sont victimes certaines femmes et certains enfants.
Quand un enfant grandit dans un climat de violence, son système de valeurs est complètement déréglé. Il croit que c'est par la violence qu'il parviendra à faire valoir son point de vue et à s'imposer. Nous devons modifier ce mode de pensée qui pétrit la société colombienne, grâce à l'éducation.
Alors que faisons-nous?
C'est ce qui se passe à Cerrejon, en ce qui concerne les droits de la personne. Nous travaillons actuellement avec John Ruggie de l'Université Harvard, spécialiste des droits de la personne et conseiller spécial des Nations Unies. Dans le cadre d'un projet pilote sur le terrain, nous tâchons de mettre en application des lignes directrices sur les mécanismes de règlement des griefs, élaborées par M. Ruggie. Si aucun mécanisme ne permet de déposer un grief par suite de violations des droits de la personne, nous ne pouvons alors rien faire au sujet de ces violations. Il faut que des mesures puissent être prises immédiatement.
En 2006, Cerrejon a commencé à organiser des séances de formation et de sensibilisation sur différents thèmes liés aux droits de la personne, notamment sur les principes volontaires et sur la sécurité et les droits de la personne. Près de 14 000 membres des collectivités locales ont assisté à ces formations, y compris des employés, des entrepreneurs ainsi que des représentants des pouvoirs publics, de forces de sécurité privées et d'organismes d'application de la loi.
L'an dernier, Cerrejon a fait la promotion de 17 ateliers de la Croix-Rouge nationale, qui portaient sur des enjeux liés aux droits de la personne. Il s'agissait d'ateliers à l'intention des enfants, et près de 1 000 enfants des communautés ont assisté aux séances, qui étaient animées en espagnol et en langue wayuu. Les Autochtones représentent 44 p. 100 de la population de La Guajira, la majorité d'entre eux étant des Wayuu.
En vertu de la législation colombienne, les Autochtones ont le droit d'avoir leurs propres systèmes sociaux locaux et leurs propres régimes politiques. Par conséquent, il est essentiel de tenir compte des chevauchements entre les lois du pays et les coutumes locales, en ce qui concerne la sécurité, la résolution de conflits et les droits humains, lorsqu'on se penche sur l'application des principes volontaires en matière de sécurité et de droits de la personne à Cerrejon.
Notre point de vue, à Cerrejon, c'est qu'il ne faut pas simplement satisfaire à l'exigence minimale, mais qu'il faut plutôt faire tout ce qui est en notre pouvoir. Il faudra des années pour changer les mentalités, mais nous devons travailler sans relâche pour que les valeurs changent et qu'on en vienne à respecter la vie humaine, les collectivités autochtones et les Afro-Colombiens.
Ne nous faisons pas d'illusions: il faudra des années de travail assidu. C'est pour cela qu'il est d'une importance capitale, pour toutes les parties concernées, que l'on établisse un accord commercial qui procurera des emplois à des Colombiens aussi bien qu'à des Canadiens, mais qui favorisera également l'application des lois concernant les droits de la personne.
Je vais vous faire grâce de tout ce que je pourrais ajouter. Je tenais à souligner que ces problèmes ne se régleront pas du jour au lendemain. Nous devrons travailler des années durant et investir dans l'éducation. Autrement, nous n'atteindrons pas les objectifs visés, et nous ne pourrons pas nous dire que nous avons fait quelque chose pour les droits de la personne en Colombie, par respect les uns pour les autres.
En guise d'exemple, si les membres des forces armées sont des illettrés qui ont grandi dans un climat de violence, et qu'on leur remet un fusil sans leur avoir donné de formation, on ne peut s'attendre à rien d'autre que ce qu'on observe en Colombie. Il faut faire quelque chose à ce sujet. Cela fait partie des objectifs que l'administration Uribe s'était donnés lorsqu'elle a doté le pays d'une armée composée de militaires professionnels, qui ont reçu de la formation.
Nous devons apporter notre contribution pour que les Colombiens puissent recevoir de la formation dans le domaine des droits de la personne et des droits des travailleurs.
Je vous remercie.
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Bonjour à tous et à toutes. Merci de m'avoir invitée aujourd'hui à témoigner devant le comité.
L'organisme que je représente est présent en Colombie, sur le terrain, depuis 2003. Notre partenaire principal en Colombie est la Comisión Intereclesial de Justicia y Paz, un organisme colombien de défense des droits de la personne avec lequel nous accompagnons des communautés métisses et afro-descendantes du nord du pays, dans le département du Choco dans la région du Bajo Atrato.
J'ai personnellement effectué trois longs séjours dans le pays: un premier en 2003 d'une période de six mois, un autre en 2004 d'une période de huit mois, et le dernier de décembre 2007 à février 2009. J'ai donc une assez bonne connaissance de ce qui se passe réellement sur le terrain.
Aujourd'hui, à l'aide de ce témoignage, je vais tenter de démontrer essentiellement deux choses: premièrement, que le phénomène du déplacement forcé en Colombie est un phénomène qui s'inscrit, entre autres, dans les politiques de l'État colombien visant à permettre l'appropriation des terres des communautés par des secteurs privés pour la mise en place de projets de développement économique, entre autres de type agro-industriel; deuxièmement, qu'il existe dans le pays un plan de persécution politique à l'encontre des défenseurs colombiens des droits de la personne ainsi que des organisations internationales qui sont critiques des politiques du gouvernement.
Je vais faire une mise en contexte de la situation des communautés qu'on accompagne. Ces communautés sont dans les territoires du Jiguamiando et du Curvaradó, dans le Bajo Atrato. Elles ont été déplacées en 1997 à la suite d'une opération de la Brigade XVII de l'Armée nationale menée conjointement avec les troupes paramilitaires. Il y a d'ailleurs actuellement un processus judiciaire à l'encontre du général Rito Alejo del Rio, qui était alors commandant de la Brigade XVII.
Depuis 2000, les communautés ont commencé à effectuer un retour progressif dans leurs terres. Cependant, la violence paramilitaire a repris depuis 2003. On a aussi constaté le début de l'implantation d'un projet agro-industriel de palmes africaines destinées à l'exportation d'agrocombustibles, implanté de manière illégale sur les territoires collectifs des communautés qui sont reconnues par la loi 70 en Colombie.
J'ai personnellement été témoin de plusieurs incursions de type paramilitaire dans les villages, lors de mon séjour en 2003. Lors d'une de ces incursions, le commandant de l'opération paramilitaire portait une insigne de la Brigade XVII de l'Armée nationale, alors que l'ensemble de la troupe portait l'insigne d'AUC, Autodéfenses unies de Colombie, un groupe paramilitaire.
Également lors de cette incursion, les paramilitaires disaient aux communautés qu'ils étaient là pour récupérer les terres et apporter le progrès dans la région, et incitaient les communautés à s'associer au grand projet de développement de palmes africaines qui allait être implanté.
En 2005, l'Institut colombien de développement rural, une entité gouvernementale, a produit un rapport à la suite d'une commission de vérification sur les plantations de palmes africaines, stipulant que 93 p. 100 des plantations de palmes étaient implantées illégalement sur les terres des communautés. Malheureusement, malgré toutes les démarches entreprises par Justicia y Paz pour aider les communautés à récupérer leurs terres, ce n'est toujours pas fait. Il y a maintenant plus de 15 000 hectares de palmes africaines semées illégalement sur les territoires.
Il y a plus préoccupant encore. Des preuves ont été révélées de l'implication du paramilitarisme avec les entreprises de palmes et du fait que les entreprises ont profité d'un appui financier gouvernemental. Parmi les preuves qu'on retrouve des liens entre le paramilitarisme et les entreprises de palmes dans la région du Bajo Atrato, on a les aveux des paramilitaires eux-mêmes, dont un important chef paramilitaire du nom de Éver Veloza, connu sous le pseudonyme de HH, qui, avant son extradition aux États-Unis, dans le cadre du processus de démobilisation, a fait certaines déclarations. Il a entre autres remis une clé USB contenant des documents qui faisaient état de la relation entre Vicente Castaño, un des plus importants chefs du paramilitarisme en Colombie, et le projet de palmes africaines dans le Curvaradó.
Il a aussi affirmé que Rodrigo Zapata, alias El Negro, un autre chef paramilitaire démobilisé, qui était à ce moment-là chef du bloc Calima sous son autorité, était à la tête des affaires de la palme dans cette région et qu'il avait été responsable de légaliser les papiers des terres à l'INCORA — l'Institut colombien de réforme agraire — pour permettre l'implantation du projet dans le Curvaradó.
Un autre fait est préoccupant. En 2009, un rapport équivalent à celui de notre vérificateur général a révélé des preuves selon lesquelles près de 100 p. 100 du financement ayant permis l'implantation du projet illégal de palmes africaines dans les terres des communautés provenait de fonds publics, principalement de FINAGRO, la financière agricole du gouvernement colombien.
Rappelons que ces communautés ont connu au total, de 1996 à aujourd'hui, 140 assassinats et disparitions forcées et plus de 15 déplacements forcés dont la responsabilité est attribuable directement à l'État colombien.
Dans la deuxième partie de ma présentation, je voudrais attirer votre attention sur la persécution autant médiatique que politique et judiciaire menée à l'endroit des organismes de défense des droits de la personne sur le terrain. Vous avez probablement entendu parler, par d'autres témoins, de l'existence d'un document confisqué par le Bureau du Procureur général de la Nation au Département administratif de sécurité, le DAS, le service de renseignement colombien. Je vais vous lire seulement quelques brefs extraits qui sont assez horrifiants. Le document date de juin 2005:
OPÉRATION TRANSMILENIO — OBJECTIF GÉNÉRAL: Neutraliser les actions déstabilisantes des ONG en Colombie et dans le monde. Établir des liens avec des organisations narcoterroristes cherchant à les inculper. OPÉRATION INTERNET: Créer de la controverse autour des ONG. STRATÉGIES: Discrédit. OPÉRATION ÉTRANGERS: Neutraliser l'action des citoyens étrangers. Enquêtes opératives. Discrédit et pression. Déportation. Communiqués et dénonciations.
Concrètement, nous vivons les conséquences de ce qui est écrit dans ces documents. Depuis octobre 2008, il y a une nouvelle vague d'attaques contre les ONG de droits de la personne en Colombie, particulièrement contre notre partenaire en Colombie, la Comisión de Justicia y Paz, contre notre organisme canadien de défense des droits de la personne, le PASC, et contre les Brigades de Paix Internationales, un organisme reconnu sur le plan international présent dans la région.
J'ai personnellement été témoin, à l'automne 2008, de nombreuses menaces de mort faites par téléphone cellulaire contre des membres de l'équipe de terrain de Justicia y Paz, épisode qui s'est soldé par l'enlèvement, par les paramilitaires, d'un des membres de l'équipe de terrain de Justicia y Paz, en novembre 2008, qui a heureusement été relâché par la suite. Il reste que les paramilitaires sont encore très présents dans la région et que, concrètement, la seule différence qu'on voit post-processus de démobilisation, c'est un changement de modus operandi.
Depuis le début de cette année, une importante campagne de diffamation s'est abattue sur Justicia y Paz et sur notre organisme. Des articles ont été publiés dans les quotidiens nationaux en décembre 2009, dont l'un d'entre eux écrit par M. Jose Obdulio Gavrira, ex-conseiller présidentiel du président Uribe, où on accuse Justicia y Paz, les Brigades de Paix Internationales et le PASC de travailler directement avec les FARC-EP, la guérilla colombienne.
Le 16 février dernier, dans le cadre d'une émission de radio animée par M. Fernando Londoño, ex-ministre de l'Intérieur sous le gouvernement d'Uribe,on a lancé des accusations gratuites tentant de faire un faux lien entre nous et la guérilla colombienne. Donc, j'aimerais vous rappeler que cette stratégie qui consiste à associer les ONG de droits de la personne à la lutte armée d'extrême gauche convertit les défenseurs de droits de la personne en cibles pour les paramilitaires et que, dans son rapport annuel de mars dernier, le Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les droits de l'homme en Colombie identifiait encore les défenseurs des droits de la personne comme groupes vulnérables et stipulait que l'augmentation des attaques et des menaces à leur encontre était directement attribuable aux affirmations de diffamation publique dont ils sont l'objet, entre autres de la part de membres du gouvernement.
Pour nous, la série de diffamations et de menaces dont on a été victimes et dont notre partenaire est victime n'est pas un cas isolé. Il illustre une politique qui touche les plus hautes sphères de l'État colombien.
En terminant, je vous rappelle que la Colombie est l'un des dix pays au monde qui est sous la loupe de l'examen préliminaire de la Cour pénale internationale. Selon nous, la ratification d'un accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie constituerait un désaveu, de la part du gouvernement canadien, du travail des ONG canadiennes sur le terrain. Cela aurait comme conséquence d'augmenter gravement le risque que courent nos accompagnateurs sur le terrain et de nous enlever les garanties qui nous permettent de continuer à exercer notre travail.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens d'abord à remercier le Congrès du travail du Canada, qui parraine ma présence aujourd'hui et, bien entendu, le comité, qui me donne l'occasion de présenter mon témoignage sur les droits des syndicats en Colombie, dans une perspective internationale.
Je suis directeur du Service des droits de la personne et des syndicats à la Confédération syndicale internationale, dont le siège social est à Bruxelles. J'ai également déjà été directeur du Congrès du travail du Canada.
La Confédération syndicale internationale est une organisation-cadre. À l'échelle mondiale, c'est la plus grande organisation à chapeauter des centrales syndicales nationales; elle représente environ 176 millions de travailleurs, répartis dans 155 pays et territoires.
Nous comptons parmi nos membres des organisations comme le Congrès du travail du Canada, la Confédération des syndicats nationaux du Canada, ou CSN, et, en Colombie, les trois principales centrales nationales, soit la CUT, la CTC et la CGT. Ces trois confédérations colombiennes représentent, au total, environ un million de travailleuses et de travailleurs colombiens syndiqués.
Le service que je dirige à la CSI est responsable de la réalisation d'une enquête annuelle sur les violations des droits des syndicats. J'ai un exemplaire de ce document en anglais et en français, s'il y a des intéressés.
Pour faire cette enquête, nous procédons d'abord à une étude des aspects du droit du travail liés à la liberté d'association et au droit à la négociation collective, selon les dispositions des textes législatifs. Ensuite, nous vérifions de quelle manière ces mesures législatives sont appliquées, puis, cela va sans dire, nous documentons les infractions. Je vais revenir à cette enquête dans un instant.
Mon service joue également un rôle au sein de l'Organisation internationale du Travail. Nous exerçons en particulier des fonctions de soutien et de coordination en ce qui concerne la contribution que les représentants des travailleurs apportent aux travaux de la Commission de l'application des normes.
J'ai eu l'occasion de consulter le verbatim de certains témoignages entendus par le comité jusqu'à présent et, à la lumière de ces lectures, je vais mettre l'accent sur trois questions. Je vais d'abord vous parler de la contribution de la Colombie aux mécanismes de supervision de l'Organisation internationale du Travail; je vais ensuite aborder la question des violations des droits du travail commises en Colombie; enfin, je vais vous présenter certaines préoccupations liées aux répercussions d'un accord de libre-échange et d'investissement sur les travailleurs colombiens.
Le mécanisme de supervision de l'OIT comporte deux volets, dont vous avez probablement déjà entendu parler. Le premier mécanisme est le Comité de la liberté syndicale, un organisme tripartite composé de travailleurs, d'employeurs et de représentants gouvernementaux. Ce comité a été institué en 1951 pour exercer une surveillance relativement à la liberté d'association.
Le Comité de la liberté syndicale condamne régulièrement le meurtre de syndicalistes colombiens au titre du cas numéro 1787, le cas du comité qui est en instance depuis le plus longtemps. En 2006, le rapport du comité sur la Colombie était, à lui seul, plus volumineux que l'ensemble des rapports sur tous les autres cas. Et depuis l'an 2000, c'est en Colombie que les missions de haut niveau de l'OIT ont été les plus nombreuses.
La question de la violence contre les syndicats est au coeur de ces missions, mais elles visent bien entendu un certain nombre d'autres enjeux, qu'il s'agisse du droit de se syndiquer, du droit de négocier collectivement ou du droit de grève; de l'adoption de lois antisyndicales; du démantèlement forcé d'organisations syndicales, sous prétexte de restructurations ou de privatisations; du recours à des coopératives de travailleurs associées, au sein desquelles la syndicalisation est impossible, pour embaucher du personnel sans avoir à offrir d'avantages sociaux ou de régimes de soins de santé; ou de toutes sortes d'autres restrictions qui ont une incidence sur les droits des travailleurs.
Le second mécanisme de l'OIT est la Commission de l'application des normes. À partir d'un rapport produit par un comité d'experts juridiques, un certain nombre de pays sont invités chaque année à participer à la conférence de la commission. Le comité d'experts établit son rapport sur l'application des conventions en se fondant sur des informations provenant d'un large éventail de sources.
Pour établir leur rapport, les experts juridiques consultent les rapports annuels de la CSI. Ils tiennent également compte de l'information qu'ils reçoivent de travailleurs colombiens, ainsi que de l'information que leur communiquent des organisations d'employeurs, les gouvernements, de même qu'un certain nombre d'organisations non gouvernementales, qu'il s'agisse d'une école colombienne qui réalise des études sur le respect des droits en Colombie, d'Amnistie internationale ou d'autres organisations non gouvernementales bien connues.
Dans le rapport de cette année — je ne passerai pas par quatre chemins —, les experts ont relevé un certain nombre de points satisfaisants ou présentant un intérêt particulier. Bien entendu, si on lit attentivement l'ensemble du rapport — qui est accessible au public —, on constate que des problèmes persistent en ce qui concerne le droit à la liberté d'association et à la négociation collective.
Personne n'a encore mentionné cela, mais permettez-moi de vous citer le paragraphe qui suit celui auquel quelqu'un a fait référence précédemment, comme l'indique le compte rendu: « Le comité tient à exprimer encore une fois ses profonds regrets [...] ». Ce passage est en caractères gras. Ce sont des experts juridiques internationaux qui s'expriment; ils n'emploient pas les caractères gras à la légère. Ils ont donc exprimé leurs « profonds regrets devant les meurtres et les actes de violence dont ont été victimes des syndicalistes » pendant de nombreuses années, depuis l'examen précédent de l'application de la convention 87, et notamment en 2009.
En ce qui concerne les meurtres de syndicalistes commis en 2009, nos observations indiquent que la situation ne s'est guère améliorée. En 2009, 47 meurtres ont été commis. Les syndicalistes qui ont été tués ont été assassinés pour la seule raison qu'ils exerçaient leur droit de représenter des travailleurs et qu'ils s'acquittaient de leurs responsabilités à cet égard. J'aimerais que le comité puisse entendre les témoignages de certaines organisations qui représentent les travailleurs qui ont été tués. Et ce qui est préoccupant, au-delà des nombres, c'est que le nombre de femmes assassinées a augmenté.
Comme l'énonce le programme de l'OIT, les membres des syndicats colombiens sont la cible de violences physiques, et certains sont assassinés, mais on s'en prend également à eux en employant des moyens légaux, ou en les intimidant et en les harcelant. Tout cela s'inscrit dans une culture persistante d'exclusion systématique des travailleurs et de leurs regroupements, une culture qui ne comprend pas et qui foule aux pieds le rôle fondamental des syndicats au sein d'une société démocratique.
Ces attaques sont systématiques et, dans la majorité des cas, elles sont directement liées à des conflits de travail. Elles visent à empêcher les travailleurs de se joindre à des syndicats, de négocier collectivement, et d'obtenir de meilleures conditions de vie pour leur famille, ce qui est leur droit. Cette situation fait en sorte que les travailleurs ne peuvent guère bénéficier des avantages de l'expansion économique qui résulte des échanges commerciaux.
Quand le meurtre et l'intimidation ne suffisent pas à arrêter les syndicalistes, d'autres techniques sont employées. Les demandes d'accréditation sont rejetées arbitrairement, on procède à des congédiements massifs, et les employeurs qui contreviennent à la loi agissent en toute impunité. Ces violations ont non seulement occasionné une importante diminution du nombre de travailleurs syndiqués en Colombie, mais également un déclin du nombre de syndicats accrédités ainsi que du nombre de travailleurs bénéficiant d'une convention collective.
Bien qu'il existe des rapports contradictoires à ce sujet, le fait est que le nombre de travailleurs syndiqués a diminué d'environ 4,7 p. 100 de 2002 à 2008. Et de 2003 à 2008, 253 demandes d'accréditation ont été rejetées. En fait, ce qu'on observe, c'est qu'il y a eu un déclin des négociations collectives au cours des dernières années, depuis que le gouvernement actuel a pris le pouvoir.
Pour ce qui est de 2010, 25 syndicalistes avaient été assassinés à la fin du mois d'avril. Il existe des listes qui répertorient les noms des victimes, l'endroit où elles ont été assassinés et le nom du syndicat auquel elles appartenaient.
Permettez-moi de présenter mon troisième point très rapidement, monsieur le président. Je crois qu'il me reste un peu de temps.
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Alors, je ne prendrai que 30 secondes. Merci.
Les trois confédérations nationales colombiennes se sont opposées à l'accord de libre-échange. En 2009, elles ont affirmé ce qui suit:
Selon nous, le commerce équitable devrait se définir comme une pratique favorisant l'avancement et le progrès des droits socioéconomiques, culturels et environnementaux des Colombiens. La signature d'un accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie ne garantirait pas le respect de ces droits.
En ce qui concerne la question de savoir s'il s'agit d'une perspective idéologique, permettez-moi de vous rappeler un point sur lequel nous nous entendons probablement: la modification qui a été proposée. Nous sommes très favorables à la modification de l'accord, pour garantir qu'il prévoie un examen des incidences sur les droits de la personne.
Selon ma compréhension des choses, le gouvernement colombien exigera qu'un rapport annuel soit établi à l'intention de son Congrès relativement aux répercussions de l'accord sur les droits humains en Colombie. Et le gouvernement du Canada fera de même.
Que se passera-t-il ensuite? Est-ce que les rapports seront échangés entre les parlements? Est-ce qu'ils feront l'objet de discussions? Par quels comités seront-ils examinés? Comment tout ce processus se déroulera-t-il?
Quelle idée y a-t-il derrière tout ça? Est-ce qu'on s'attend à ce que les Colombiens débattent de l'incidence de l'accord sur les droits de la personne au Canada?
Selon nous, une évaluation légitime des répercussions sur les droits humains doit reposer sur les principes suivants: l'évaluation doit être antérieure à la mise en oeuvre, elle doit être réalisée de manière indépendante, et il doit être possible de prendre des mesures à partir de ses conclusions. Si l'on convient que ces principes sont indispensables à une évaluation légitime et productive, il faut conclure qu'il est encore trop tôt pour mettre en oeuvre l'entente de libre-échange.
Permettez-moi seulement de dire, en terminant, que si le gouvernement colombien est sérieux dans les efforts qu'il prétend entreprendre, il devrait se montrer favorable à l'idée qu'une véritable évaluation des incidences sur les droits humains soit réalisée au préalable, et de manière autonome. Cela n'empêcherait pas les échanges commerciaux et les investissements de se poursuivre.
Les gouvernements peuvent continuer de négocier et de mettre en oeuvre des réductions de tarifs qui bénéficieront aux produits des deux pays, pour instituer une sorte de système préférentiel généralisé qui permettrait d'améliorer la situation pour les exportateurs canadiens de même que pour les consommateurs colombiens, que vous prétendez vouloir aider. Cela vous permettrait de dire à la population canadienne que vous avez agi avec toute la diligence nécessaire. C'est une situation qui ne ferait que des gagnants.
Je vous remercie. Toutes mes excuses.
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Tout à fait, monsieur le président. Merci beaucoup.
Merci également aux membres du comité de me donner l'occasion de participer aux délibérations et à l'étude du projet de loi .
Je veux d'abord vous présenter très brièvement l'association que je représente ici. Il s'agit de l'Association des produits forestiers du Canada, la voix nationale de l'industrie canadienne des produits forestiers qui regroupe les producteurs de bois, de pâtes et papier et autres produits.
D'un point de vue économique, le secteur forestier représente environ 12 p. 100 du PIB provenant du secteur manufacturier. Nous employons directement 240 000 Canadiens et, indirectement, un autre groupe de 366 000 Canadiens répartis au pays. Compte tenu du caractère rural de cette industrie, notre base économique compte environ 200 communautés canadiennes, d'un océan à l'autre.
Au cours de notre force économique et de notre viabilité à long terme, il y a notre capacité à vendre nos produits sur les marchés étrangers. En effet, la valeur de nos produits échangés sur les marchés à l'extérieur du pays s'élève à environ 24 milliards de dollars; ce qui représente bien plus que 50 p. 100 des produits que nous fabriquons. Nous sommes donc le quatrième plus grand exportateur canadien et le plus grand exportateur de produits forestiers dans le monde.
Comme la plupart des gens le savent, la majeure partie de notre production est acheminée aux États-Unis, soit environ 70 p. 100 de nos produits. Une autre partie importante de notre production, soit environ 16 p. 100, est destinée à certains pays asiatiques, notamment la Chine et l'Inde, tandis qu'un autre 6 p. 100 se retrouve sur les marchés européens. Enfin, tout le reste de notre production est vendue à d'autres pays dans le monde, notamment des pays d'Amérique du Sud. C'est pourquoi nous sommes heureux de pouvoir participer aux délibérations de ce comité puisque, de toute évidence, cet accord représente pour nous une occasion d'accroître la prospérité de notre industrie.
Vous, les membres de ce comité et autres députés, connaissez très certainement les défis économiques que ce secteur a eu à relever au cours des dernières années. Nous avons assisté à la fermeture de nombreuses scieries et à des pertes d'emplois qui ont, évidemment, eu de graves répercussions sur les communautés. D'ailleurs, il y a dans vos circonscriptions de nombreuses communautés qui ont été touchées directement par les problèmes qu'a connus cette industrie au cours des dernières années.
Mais il y a des signes encourageants à l'horizon, des indices qui nous disent que l'industrie se relève. La demande pour des produits du bois est à la hausse et les prix sont majorés en conséquence. La demande de produits de pâte et papier est également à la hausse tout comme les prix.
Il est encore trop tôt pour dire s'il s'agit d'une augmentation ponctuelle ou d'une tendance à long terme. Néanmoins, l'industrie continue de planifier en vue du moment où les marchés se redresseront. Comme nous prévoyons effectivement une reprise, nous avons instauré une stratégie en quatre volets pour aider l'industrie ou la positionner afin qu'elle soit d'attaque au moment de la relance.
D'abord et avant tout, il revient au secteur d'investir et d'améliorer sa productivité. C'est ce que nous avons fait, même en cette période de récession économique.
Deuxièmement, nous devons continuer à améliorer notre performance environnementale et nos pratiques de gestion des ressources forestières. Ce que nous avons fait. Nous voulons être en mesure de tirer parti de ces améliorations et pratiques dans un marché où les critères en matière d'environnement sont de plus en plus utilisés comme critères d'achat.
Permettez-moi une parenthèse pour dire que nous sommes heureux que cet accord de libre-échange englobe un accord distinct sur les priorités en matière d'environnement selon lequel la gestion des ressources et la gestion durable des ressources constituent des priorités dans le contexte de la collaboration entre les deux pays.
Le troisième volet de notre stratégie consiste à chercher des moyens d'optimiser la ressource, c'est-à-dire tirer le maximum de la fibre ou de l'arbre. Une partie importante de cette démarche consiste à intégrer les nouveaux éléments que sont la bioéconomie, les bioproduits et la bioénergie à la gamme de nos produits, pour nous permettre, là encore, d'obtenir la plus grande valeur possible de chaque arbre et de minimiser le gaspillage.
Le dernier volet, que j'ai inscrit quatrième parce qu'il me permet d'enchaîner avec la suite de mon témoignage, c'est la croissance et l'expansion de nos marchés. Dépendre pour 70 p. 100 du marché américain est un peu trop risqué; d'ailleurs, il suffit de se rappeler de cette bataille du bois d'oeuvre pour s'en convaincre. Nous aimerions donc diversifier ces marchés et prendre de l'expansion ailleurs.
Cet accord, le projet de loi , est un bon exemple des possibilités d'expansion de ces marchés et du potentiel qu'ils représentent. Laissez-moi vous dire quel est ce potentiel. Ce potentiel repose principalement sur les pâtes et papier et le carton; très peu de bois. Ces produits ne nous font pas vraiment penser à un secteur qui repose sur le bois. Peut-être y a-t-il un certain travail de sensibilisation à faire de ce côté-là, mais disons que cela ne fait pas partie des discussions que nous avons aujourd'hui.
Globalement, la Colombie importe chaque année pour 740 millions de dollars de produits forestiers. Le plus intéressant, c'est que nous voyons ce chiffre augmenter chaque année de 13 p. 100. C'est donc un marché important en pleine croissance.
Il y a également trois autres créneaux importants où nous voyons des possibilités.
L'un d'eux est le papier journal. La Colombie importe chaque année pour environ 60 millions de dollars de papier journal. De ce chiffre, la part du lion nous revient avec 41 millions de dollars. Actuellement, aucun droit tarifaire n'est imposé à ce produit. Cet accord commercial est donc avantageux pour nous puisqu'il précise qu'aucun droit tarifaire ne sera imposé dans un avenir prévisible, ce qui nous donne une certaine sécurité, voire une sécurité à long terme, concernant ce marché.
Le deuxième créneau, c'est celui des pâtes et papier. La Colombie importe annuellement pour environ 125 millions de dollars de produits de pâtes et papier. Là aussi, nous constatons une croissance annuelle de 17 p. 100 des importations, ce qui constitue pour nous un marché d'expansion.
Toutefois, nous ne sommes pas présents dans ce marché, probablement en raison des droits tarifaires de l'ordre de 5 à 10 p. 100 qui visent ces produits, alors que nos compétiteurs, le Brésil et le Chili, profitent non seulement de leur proximité géographique mais de l'absence de droits tarifaires, ce qui leur donne un meilleur accès à ce marché. Le fait d'éliminer ces droits tarifaires nous permettra, à tout le moins, d'être sur un pied d'égalité ou de profiter des mêmes règles que nos principaux compétiteurs susmentionnés.
Le troisième créneau, et possiblement le plus important: la gamme des produits de papier non couché et de carton. À ce chapitre, les importations de la Colombie s'élèvent à environ 450 millions de dollars chaque année. Là aussi, il y a augmentation. Nos expéditions de ces produits vers ce marché ne comptent que pour environ 12 millions de dollars. Les autres joueurs importants sont l'Allemagne, les États-Unis et le Brésil.
Tout comme au Canada, en Allemagne et aux États-Unis, il y a des droits tarifaires de l'ordre de 10 p. 100 qui s'appliquent aux produits destinés à ce marché. L'accord dont nous discutons ramènerait ces droits tarifaires à zéro, nous donnant ainsi un énorme coup de pouce par rapport à notre compétiteur immédiat, les États-Unis, et nous ouvrirait un marché potentiel de 450 millions de dollars pour cette gamme de produits. Cela nous permettrait également de couper l'herbe sous le pied du Brésil, un autre de nos grands compétiteurs.
Nous estimons que ces trois secteurs du marché offrent un énorme potentiel, soit 740 millions de dollars. Même si, selon une perspective nationale, cette somme peut vous sembler moins importante, en réalité, bon nombre des produits que nous exportons là-bas viennent de régions précises du pays.
Ainsi, la majeure partie du papier journal vient d'entreprises du Québec et de la Nouvelle-Écosse. Quand on parle d'expédier des produits d'une valeur de 41 millions de dollars provenant d'une région précise, on parle de maintenir en activité un certain nombre de scieries pendant plus longtemps.
Chaque fois que nous avons l'occasion d'ouvrir de nouveaux marchés ou d'élargir des marchés, nous ne pouvons qu'applaudir. C'est pour cette raison que nous appuyons très fermement le projet de loi et les objectifs visés. Nous vous invitons à suivre notre exemple et à appuyer ce projet de loi.
Encore une fois, merci beaucoup d'avoir pris le temps de nous écouter.
[Français]
Je serai heureux de répondre à vos questions en français, si vous le désirez.
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Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, je tiens à accueillir chaleureusement chacun et chacune d'entre vous.
Je remercie également nos invités de la Colombie de témoigner devant notre comité.
J'aimerais tout d'abord dire à M. Ferro, qui nous parle de la Colombie, que j'ai vraiment apprécié son témoignage, surtout lorsqu'il a dit que, comme d'autres pays, la Colombie a aussi ses problèmes. Si quelqu'un parmi vous croit qu'il n'y a pas de problème ailleurs, alors je ne sais pas sur quelle planète il vit.
J'ai été ému lorsqu'il a parlé de la violence familiale par rapport aux femmes et aux enfants et ce qui doit être fait à ce sujet. J'y reviendrai dans une minute.
Monsieur Ferro, si j'ai bien compris — j'essaie juste de sauver du temps et de m'assurer que votre réponse sera consignée —, vous croyez que cet accord commercial aidera à régler certains problèmes qui sont là aujourd'hui et y seront demain et le jour suivant. En fait, si nous n'allons pas de l'avant avec cet accord de libre-échange, nous ne faisons que retarder davantage le moment de s'attaquer à certains de ces problèmes.
Est-il exact de dire cela?
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Alors, si vous ne vous opposez pas à ces deux accords de libre-échange, et je pourrais en nommer d'autres, par exemple celui que le Canada s'est engagé à conclure... Si nous l'examinons plus attentivement, cet accord commercial s'inspire en grande partie des autres accords, à l'exception peut-être de l'amendement proposé par mon collègue, Scott Brison, qui l'améliore. Alors, si vous approuvez ces accords commerciaux, pourquoi n'approuvez-vous pas celui-ci?
Je poursuis monsieur le président, si vous le permettez. Nous avons parlé des syndicats, des déplacements de population et des enlèvements. J'ai ici des statistiques dont j'aimerais faire part à M. Benedict. Ainsi, en 2002, il y a eu environ 2 882 enlèvements et, en 2009, il y en a eu 2 013. Quant aux homicides, en 2002, on en a compté 28 837 et près de 50 p. 100 moins en 2009, soit 15 000.
En ce qui a trait aux syndicats et à leurs membres, j'ai en main certaines données. En gros, le nombre de dirigeants syndicaux et de travailleurs syndiqués a augmenté, passant de près de 800 000, en 2002, à presque 1,5 million, en 2009, soit une augmentation de 76 p. 100. Monsieur, j'ai aussi des statistiques sur le nombre de dirigeants syndicaux nommés et le nombre de syndicats créés, et j'insiste sur ce mot, parce que vous en avez parlé, par exemple, de 74, en 2006, ce nombre est passé à 164, en 2009. Une augmentation de 80 p. 100.
Soit, quelqu'un m'a menti ou je vous mens, et je m'en excuse si c'est le cas, monsieur le président, mais peut-être que quelqu'un peut réfuter ces chiffres.
En 2002, 196 dirigeants syndicaux ont été tués. En 2009, nous en avons compté 28. À mon avis, c'est déjà 28 de trop et je crois que tout le monde ici pense la même chose. Le fait est que c'est arrivé et qu'actuellement la Colombie déploie beaucoup d'efforts pour régler la situation.
Pour ce qui est des femmes, j'aimerais ajouter, monsieur le président, qu'en ce qui a trait aux initiatives multilatérales, dans le cadre de la onzième session du Conseil des droits de l'homme, la Colombie de même que la Nouvelle-Zélande ont favorisé l'adoption de la résolution 11/8 sur la mortalité et la morbidité maternelles évitables et les droits de la personne. En outre, dans le cadre de la douzième session du Conseil des droits de l'homme, la Colombie et le Mexique ont fait campagne pour l'adoption de la résolution 12/17 sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Ces gestes s'inscrivent dans la foulée des travaux des autres organismes internationaux avec lesquels la Colombie collabore.
Je vais conclure sur ceci afin de permettre à toute personne d'utiliser le temps de parole qu'il me reste. J'en déduis donc que nous nous trouvons face à une nation qui déploie tous les efforts possibles pour se sortir d'une situation difficile.
Monsieur Casey, je termine avec vous, puis-je dire à mes électeurs que les emplois qu'ils ont au Canada, en tant qu'électeurs et contribuables, pourraient être mis en péril s'ils ne peuvent vendre leurs produits de façon concurrentielle et, par conséquent, qu'ils ne peuvent payer les études de leurs enfants, l'hypothèque ou même leur épicerie? Est-ce que les emplois de mes électeurs ici à Toronto sont menacés?
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins de leur présence ici aujourd'hui.
J'ai des questions pour chacun d'entre vous, alors je vais vous demander d'être plutôt bref.
Je vais commencer avec vous, monsieur Ferro.
Vos commentaires me semblent assez inquiétants, ne serait-ce qu'au sujet des attaques du président Uribe à l'endroit des militants pour les droits de la personne comme en témoigne le dernier reportage de la BBC où il affirme: « ... ces intérêts bien ancrés selon lesquels le fait d'être au service des droits de la personne ne fait que favoriser les politiques souhaitées par ceux qui sont de connivence avec le terrorisme. » Il établit ainsi clairement des liens entre les organisations de défense des droits de la personne et les organisations terroristes.
Il y a aussi cette histoire récente qui fait état des actes de la police secrète colombienne connue sous le nom de DAS. C'est l'histoire de cette journaliste ciblée, Claudia Julieta Duque, qui a reçu des menaces selon lesquelles sa fille de 10 ans allait être violée et taillée en pièces. Elle a mentionné qu'en une journée elle avait reçu 70 appels de menaces de la police secrète colombienne.
Selon elle, le président Uribe...
... prononçait des discours contre ses opposants.
Ces discours étaient synchronisés avec les actions que la police secrète menait contre nous. Il y a un lien clair entre un discours qui accuse et une police secrète qui attaque.
Monsieur Ferro, étiez-vous au courant de ces commentaires formulés par le président Uribe et des actions de la DAS, la police secrète colombienne. Ou est-ce tout nouveau pour vous?
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Merci. Je crois que je vais poser d'autres questions, monsieur le président.
Merci beaucoup.
Madame et messieurs les invités, encore une fois, je comprends ce que vous avez dit.
Il y a deux ou trois semaines, nous avons accueilli Murad Al-Katib, un transformateur de la Saskatchewan, un exportateur de légumineuses, principalement, qui nous a parlé des difficultés liées à l'importation d'haricots rouges en Colombie. Il a dit que le tarif douanier pour les haricots rouges était de 60 p. 100.
Ce qui est particulièrement important au sujet des haricots rouges, c'est qu'ils constituent l'aliment protéique de base des Colombiens. Il en a parlé avec beaucoup de passion, parce que l'un des défis que doit relever le Canada, c'est qu'il n'y a effectivement pas de marché pour le haricot rouge en Colombie en raison des difficultés associées aux tarifs. Il en a parlé presque comme s'il s'agissait d'un droit de la personne: comme s'il y avait une obligation de mettre entre les mains des Colombiens des aliments nutritifs et convenables. Son commentaire m'a beaucoup touché.
Monsieur Casey, vous avez fait un commentaire différent. Vous n'avez pas beaucoup parlé des problèmes de tarif, même si vous en éprouvez dans certains domaines. Avez-vous effectué une étude pour comprendre les répercussions de l'accord de libre-échange sur les Canadiens et, au bout du compte, les Colombiens, si et quand la mise en œuvre de cet accord a lieu? Quelles seraient les répercussions sur les emplois pour les Canadiens et les emplois pour les Colombiens?
Parce que, en passant, ne l'oublions pas, nous parlons d'un échange important entre nos pays et ce que nous disons maintenant, c'est qu'il faut mettre en place un système axé sur les règles assorti, je crois, de conditions importantes en matière de travail et d'environnement qui n'existent pas actuellement.
Monsieur Casey, comprenez-vous ce que seraient les répercussions économiques de votre industrie?
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De notre côté, comme je l'ai dit plus tôt dans mon exposé, nous envisageons un marché d'environ 750 millions de dollars par année en produits forestiers, et c'est ce qu'ils importent. Si nous devenons plus compétitifs dans ce marché, nous augmenterons évidemment ce que nous vendons déjà là-bas, et qui vaut environ 60 millions de dollars.
Donc, passer de 60 millions de dollars à n'importe quel montant supérieur sera utile. Cela permettra de conserver des scieries et peut-être d'ouvrir de nouvelles installations et de créer de nouvelles lignes de produits, selon le cas. Je crois qu'on peut dire sans crainte de se tromper qu'à tout le moins, des emplois seront conservés, mais je pense que les emplois augmenteront si nous obtenons un meilleur accès.
L'autre point que j'aimerais soulever — et ça rejoint peut-être un peu ce que vous disiez à propos des haricots —, c'est que certains des produits que nous vendons là-bas sont une version d'un produit brut. Pour ce qui est de la pulpe, évidemment, on la transforme en d'autres produits. Il s'agit donc de vendre un produit brut à leur industrie de fabrication de papier, qui est évidemment en expansion, étant donné que leurs importations de pulpe augmentent à une vitesse incroyable, d'environ 17 p. 100 par année. Si je comprends bien, tout ce qui peut aider leurs industries à prendre de l'expansion localement avantagera leur économie et augmentera leur niveau de vie.
Notre industrie paie en moyenne 47 000 $ par année, un assez bon salaire, alors je présume que si nous pouvons obtenir la même chose en Colombie, ce sera un assez bon salaire là-bas aussi. Je ne pense pas que les salaires seront aussi élevés, mais tout ce qui peut aider en ce sens, je crois, serait avantageux pour leur économie.