CIIT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent du commerce international
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 6 mai 2010
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Il n'y a que des hommes aujourd'hui. Cette 15e séance du Comité permanent du commerce international est ouverte.
Quelques-uns de nos membres réguliers sont absents aujourd'hui. Nous avons du travail important à faire. Avant de commencer, je vous informe d'un changement mineur à l'ordre du jour. Je ne crois pas que nous aurons le temps de nous pencher aujourd'hui sur le projet de rapport concernant les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis.
On m'a dit que des motions seraient peut-être proposées aujourd'hui, mais on m'a dit aussi que le préavis de 48 heures n'était pas respecté parce qu'elles ont été annoncées mardi dernier. Nous devrons donc nous en occuper mardi prochain. Je crois que tous les partis sont généralement d'accord à ce sujet et c'était simplement un rappel de ma part.
Aujourd'hui, toute la séance sera consacrée à l'audition de témoins. Nous en avons une liste très impressionnante. Je crois comprendre que certains députés devront absolument nous quitter vers 17 heures pour diverses questions urgentes, ce qui nous obligera peut-être à mettre fin à la séance à ce moment-là. Autrement dit, nous avons un peu plus d'une heure à consacrer à nos témoins. Si cela vous convient à tous, nous commençons.
Nous accueillons de nouveau Alex Neve, d'Amnesty International. C'est toujours un plaisir de vous accueillir. Merci d'être venu.
Nous entendrons aussi Robert Blackburn, vice-président principal de SNC-Lavalin international, et ancien collègue du BCP, il y a quelques années. C'est un plaisir de vous revoir, monsieur Blackburn.
Finalement, nous entendrons Paul Moist, président national du Syndicat canadien de la fonction publique.
La journée promet d'être intéressante.
Chacun des témoins aura une dizaine de minutes pour faire une déclaration liminaire, après quoi nous passerons aux questions comme d'habitude.
Monsieur Moist, êtes-vous prêt à commencer?
Merci, monsieur le président, membres du comité. C'est avec plaisir que nous comparaissons devant le comité.
En 2008, environ un mois après le passage de votre comité en Colombie, j'ai eu le privilège de passer neuf jours dans ce pays avec trois autres dirigeants de syndicats canadiens du secteur public dans le but de rencontrer diverses personnes.
C'est en 2000 que nous avons commencé à collaborer avec des syndicats et des ONG de la Colombie, sous l'égide de l'Internationale des services publics, regroupement syndical mondial de 22 millions de membres. Depuis 2003, nous finançons le travail de l'Association pour la recherche et l'action sociale à Cali. C'est l'organisation qui dispense de la formation sur les droits de la personne aux travailleurs et citoyens colombiens.
Quand je repense à ce voyage d'il y a deux ans, j'ai beaucoup de souvenirs des gens que j'ai rencontrés en Colombie et je songe inévitablement aux graves préoccupations que suscite chez nous le fait que le Canada, à cette étape de l'histoire de la Colombie, ait négocié un accord commercial avec ce pays. Je me souviens d'avoir rencontré certaines des 4 millions de personnes qui ont été chassées de leurs terres — des Afro-colombiens et des Colombiens indigènes — et qui vivent maintenant dans la misère dans les banlieues de Medellín et de Cali.
Mon intérêt personnel, en qualité de syndicaliste, est la situation actuelle de la nation colombienne et le fait que, sur une population active de 18 millions de personnes — presque le même chiffre qu'au Canada —, moins de 200 000 sont protégées par des conventions collectives telles que nous les connaissons chez nous, c'est-à-dire des conventions collectives exécutoires, nonobstant le fait que la Colombie a signé les mêmes pactes de l'OIT que le Canada et nos 10 provinces.
Pendant mes huit jours là-bas, j'ai pu constater un niveau de pauvreté effarant. À l'heure actuelle, 3 millions d'enfants n'ont pas la possibilité d'aller à l'école en Colombie.
En quoi ces chiffres peuvent-ils intéresser des parlementaires canadiens? L'accord commercial ne va-t-il pas permettre d'améliorer la situation de la Colombie dans ces domaines? À mon avis, considérant la situation actuelle de ce pays, c'est le contraire qui va se produire.
Pour ce qui est des personnes déplacées, de récents rapports de l'ONU et d'Amnesty International ont soulevé de graves préoccupations concernant une escalade de la violence contre les communautés indigènes et afro-colombiennes. Plus de 4 millions de personnes ont été chassées de leurs foyers, pour des raisons variables. La semaine dernière, en particulier — le 29 avril —, l'Organisation nationale des indigènes colombiens, l'ONIC, a témoigné devant la Commission des droits de la personne Tom Lantos à Washington en disant que 80 p. 100 des territoires indigènes ont été saisis pour réaliser des projets économiques, au mépris des droits des habitants et sans consultation.
Des militants des droits de la personne ont fait l'objet de menaces. L'USOC, le United States Office on Colombia, à déclaré le mois dernier que les menaces sont devenues chose courante en Colombie. L'ONG colombienne « We are Defenders » a recensé l'an dernier 125 cas de menaces contre des militants de droits de la personne, dont 32 assassinats.
J'ai quelques statistiques sur les taux de syndicalisation. Nous avons rencontré le ministre responsable des questions du travail, Fabio Valencia Cossio, dont le titre officiel est ministre de l'Intérieur et de la Justice. Nous lui avons demandé comment il était possible que la Colombie ait signé le traité de l'OIT sur la liberté de négocier des conventions collectives — le même traité que nous avons signé au début des années 1970, comme nos 10 provinces et nos territoires — et que moins de 200 000 travailleurs soient protégés par des conventions collectives exécutoires garantissant, par exemple, le droit de contester son taux de rémunération, droit dont jouissent tous les travailleurs canadiens syndiqués. Il n'a pas pu nous répondre.
Nous lui avons demandé comment il se fait que tous les dirigeants syndicaux colombiens doivent avoir leurs propres gardes de sécurité indépendants et ne pouvaient pas voyager dans le même véhicule que les Canadiens. Comment se fait-il que les dirigeants syndicaux fassent encore l'objet de menaces tellement évidentes et que 2 729 d'entre eux aient été assassinés depuis 1986 pour des choses que les syndicalistes peuvent faire en toute liberté dans d'autres pays, c'est-à-dire se réunir, manifester et s'adresser à des parlementaires?
Permettez-moi de faire une remarque sur l'ONG que nous finançons, NOMADESC, qui dispense de la formation sur les droits de la personne en Colombie. Nous avons demandé à votre comité d'en accueillir la directrice, Berenice Ceylata. Nous veillerons à assurer sa présence ici. Son action la plus récente a débuté le 8 avril, lorsque huit mineurs artisanaux de la région de Cauca ont été assassinés.
NOMADESC signale depuis des années au gouvernement de la Colombie que la violence ne cesse de monter contre les travailleurs, les syndicalistes et les militants des droits de l'homme. Ces derniers mois, des représentants d'organisations internationales des droits de l'homme, entre autres, ont adressé des pétitions au gouvernement colombien pour l'implorer d'intervenir, notamment en faisant enquête sur des sociétés multinationales actives dans la région de Cauca. Le lien entre le gouvernement et les paramilitaires et les narcotrafiquants est largement confirmé et révèle l'image très troublante d'un État défaillant.
Nous invitons votre comité à entendre des représentants de la Mission internationale d'observation préélectorale qui s'est penchée sur la situation de la Colombie du 3 au 15 février. Ils ont demandé à comparaître devant le comité et je peux déjà vous communiquer quelques-unes de leurs observations.
Les informations les plus récentes se trouvent dans le rapport de la Mission internationale d'observation préélectorale en Colombie. Le comité sait peut-être déjà que plusieurs membres du Congrès et du Sénat ont été accusés d'actes criminels. Quand j'étais dans le pays, en 2008, un tiers des membres du Congrès — 102 personnes — étaient incarcérés ou inculpés, dont 90 p. 100 faisaient partie de la coalition gouvernementale.
Quels étaient leurs chefs d'accusation? Ils étaient accusés d'actes criminels reliés au trafic de drogue et aux paramilitaires. Dans son rapport de février dernier, la Mission d'observation préélectorale signalait que 35 candidats élus récemment à ce Congrès de 102 personnes étaient liés à d'anciens membres du Congrès identifiés par les tribunaux comme étant liés à des groupes paramilitaires. Il y a beaucoup de détails à ce sujet dans ce rapport de février. Deux membres du SCFP avaient participé à cette mission en février.
il y a quatre éléments particulièrement troublants dans le rapport final. Premièrement, la participation de groupes armés illégaux aux élections. Deuxièmement, de la fraude électorale et de la corruption. Troisièmement, du financement illégal de campagnes électorales. Et, quatrièmement, de la manipulation des programmes sociaux destinés à aider les plus pauvres des pauvres. Les bénéficiaires de ces programmes avaient reçu l'ordre de voter pour certains candidats s'ils ne voulaient pas perdre l'aide de l'État.
Selon nos recherches et mes observations personnelles, le souci de notre pays de faire adopter cet accord commercial à la va-vite est un signe soit de naïveté, soit de mépris flagrant à l'égard des montagnes de preuves de l'existence d'un État défaillant et corrompu, complice d'une répression contre ceux qui veulent se défendre. Comme nous le disions dans le rapport que j'ai adressé à tous les députés à l'automne de 2008, nous avions alors rencontré l'avocat public, dont le bureau est financé publiquement depuis que la Colombie a adopté sa nouvelle Constitution, en 1991. Il avait alors exprimé sa frustration devant le fait que les rapports qu'il adresse aux autorités colombiennes sur la transgression des droits humains restent sans effet.
Finalement, monsieur le président, comme l'a déclaré John Ruggie, le représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies sur les affaires et les droits de l'homme, devant le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, les pires transgressions des droits de l'homme reliées aux entreprises sont commises dans les régions de conflit et seraient même, dans certains cas, attribuables à des sociétés réputées.
M. Ruggie a convoqué sous l'égide de l'ONU un groupe représentatif d'États, dont le Canada, pour réfléchir à la manière de prévenir et d'atténuer ces abus. Je crois qu'il serait important que votre comité prenne connaissance précisément des suggestions de ce représentant de l'ONU.
Finalement, l'amendement proposé à l'accord, apparemment par le Parti libéral, selon lequel chaque pays devrait rendre compte de la situation des droits de l'homme sur son propre territoire, ne me semble pas refléter ce qu'envisageait le comité en 2008. Il est loin d'exiger une évaluation de l'incidence sur les droits de l'homme de tout accord commercial passé avec la Colombie, avant sa mise en oeuvre.
Telle était pourtant la position de votre comité à la suite des audiences du printemps et du début de l'été de 2008. Selon le SCFP, il est impératif que le Canada prenne toutes les mesures possibles pour s'assurer que les droits humains et les droits des travailleurs en Colombie soient respectés, pour mettre fin aux saisies de terres, et pour mettre fin aux assassinats. Nous sommes déterminés à contribuer à ces objectifs et demandons à votre comité et à tous les parlementaires de se joindre à nous.
Merci de votre attention, monsieur le président. Nous répondrons volontiers à vos questions.
Merci, monsieur Moist.
Je vous remercie également d'avoir respecté la limite de 10 minutes que nous vous avons imposée. C'était très bien. Il m'arrive souvent de m'énerver quand les gens ne la respectent pas et je vais donc féliciter ceux qui la respectent.
Je donne maintenant la parole à Robert Blackburn, vice-président principal de SNC-Lavalin International.
M. Blackburn.
Merci, monsieur le président. Je prends bonne note de votre admonestation. J'aurai été prévenu.
Comme vous le savez, SNC-Lavalin est l'une des plus grandes sociétés d'ingénierie au monde. Nous sommes présents dans une centaine de pays aujourd'hui, et c'était probablement 125 il y a cinq ans. L'an dernier, notre chiffre d'affaires a atteint 6,1 milliards de dollars. Nous avons 22 000 employés dans le monde et, l'an dernier, notre chiffre d'affaires en Amérique latine atteignait 305 millions de dollars, soit 5 p. 100 du total. À titre d'information, nous ne réalisons que 4 p. 100 de notre chiffre d'affaires aux États-Unis. Je pense que nous sommes donc probablement l'une des sociétés canadiennes les plus internationales et les plus diversifiées, à part probablement certaines sociétés de TI qui réalisent la majeure partie de leurs activités à l'étranger.
En Amérique latine, nous avons déjà des bases opérationnelles au Pérou et au Chili, surtout dans le secteur minier, ainsi qu'au Brésil, où nous déployons beaucoup d'efforts pour prendre pied dans les secteurs des mines et de l'électricité et où nous avons environ 1 600 employés à l'heure actuelle. Nous sommes présents en Colombie depuis 1971. Nous y avons réalisé un certain nombre de petits projets dans les secteurs de l'électricité, des produits chimiques, du pétrole, de l'agriculture et de l'industrie, et nous y avons finalement ouvert un bureau à temps plein en 1994 — c'est plus un bureau de représentation qu'un bureau opérationnel — et y avons travaillé assez activement jusqu'en 1999, année où nous avons constaté que la situation n'était plus assez sûre pour nous permettre de continuer.
Nous avons donc quitté la Colombie et n'y avons rien fait entre 1999 et 2007 mais, en 2007, nous avons jugé que la situation s'était assez améliorée sur le plan de la sécurité pour pouvoir y retourner. Depuis lors, par expansion organique, nous avons bâti un effectif de 160 personnes. Nous avons deux projets dans le pays. Ils ne sont pas énormes. L'un concerne le pétrole et le gaz naturel et l'autre, le secteur minier. Nous nous intéressons aussi à d'autres secteurs, comme l'électricité et d'autres types d'infrastructures comme des routes, de la distribution d'eau, etc., et nous sommes prêts à fournir des services de génie ou d'approvisionnement et de construction dans ces secteurs.
De fait, nous envisageons maintenant de faire de la Colombie notre centre de construction pour l'Amérique latine. Ce centre collaborerait avec nos autres bureaux d'Amérique latine sur les grands projets de construction. Nous pensons qu'il y a là-bas une main-d'oeuvre locale suffisamment solide. Je mentionne en passant que, lorsque nous allons dans d'autres pays, nous n'emmenons pas beaucoup de Canadiens avec nous. Nous tenons à employer des locaux, des entreprises locales et de la main-d'oeuvre locale, non pas pour des raisons humanitaires — même si nous y croyons — mais parce que c'est tout simplement logique sur le plan des affaires car cela donne aux employés un meilleur sentiment de contribution aux projets.
Je peux vous donner de bons exemples à ce sujet à Madagascar où nous construisons actuellement l'une des plus grandes mines de nickel au monde pour Sherritt International. Nous sommes propriétaires à 5 p. 100 de cette mine mais nous réalisons ce que nous appelons une initiative de développement de ressources locales, comme nous l'avons fait en Afrique du Sud et au Mozambique et le faisons en ce moment en Algérie pour employer des travailleurs locaux. En Afrique du Sud et au Mozambique, nous avons formé 9 000 travailleurs de la construction qui n'avaient jamais travaillé auparavant sur un chantier industriel. Quand je suis allé visiter la deuxième phase de la raffinerie et de la fonderie de Mozal, au Mozambique, on venait tout juste de produire du métal six mois avant la date prévue et en dépensant des dizaines de millions de dollars de moins que le budget. Donc, en travaillant avec une main-d'oeuvre locale de 9 000 personnes et avec des entreprises locales, nous avons monté un projet couronné de succès, que la Banque mondiale utilise maintenant comme exemple de développement de ressources dans le monde en développement.
J'ai fait cet aparté pour répondre en partie à M. Moist au sujet du chômage. Dans nos projets de construction, nous utilisons de plus en plus de travailleurs locaux auxquels nous donnons une formation. Nous avons eu beaucoup de succès de cette manière.
Une dernière remarque : nous estimons que les accords de libre-échange sont très utiles. Il est très important que le gouvernement canadien fasse preuve de leadership dans l'établissement de contacts de haut niveau et l'expression d'un intérêt sur les marchés émergents. Les accords de libre-échange, les accords concernant la double imposition, les accords de protection des investissements, tout cela facilite les affaires et stimule les relations commerciales entre nos deux pays.
L'une des choses que j'aimerais voir dans les accords de libre-échange, ou dans les accords passés avec les pays offrant des marchés en expansion pour le Canada, serait un mécanisme facilitant les voyages des gens d'affaires. À l'heure actuelle, l'obligation d'obtenir un visa d'affaires pour tout pays dont les ressortissants ont besoin d'un visa pour venir au Canada nous rend totalement non compétitifs par rapport à la plupart de nos concurrents de l'OCDE, comme les États-Unis ou les pays d'Europe. À mon avis, si nous négocions des accords de libre-échange, nous devrions essayer de faciliter aussi l'échange des personnes. Je ne parle pas ici de personnes pouvant venir travailler dans nos usines mais de gens d'affaires pouvant venir chez nous négocier des contrats ou visiter des projets.
Nous sommes heureux de l'accord de libre-échange avec la Colombie. Nous espérons qu'il entrera en vigueur rapidement et qu'il aura un effet très positif sur les affaires entre le Canada et ce pays, ainsi que sur la Colombie elle-même qui a déjà fait des progrès importants ces dernières années. selon nous.
Merci de votre attention.
Merci, monsieur Blackburn.
Le comité est déjà allé en Colombie, bien sûr. Nous avons entendu beaucoup de témoins. Dans l'ensemble, ils étaient heureux que les sociétés canadiennes y soient présentes et ils appréciaient le sens de la responsabilité sociale dont elles font preuve sur place. Lavalin, Enbridge et Nexen en particulier ont été mentionnées dans ce contexte. C'est donc là un résultat de notre visite en Colombie que nous avons été fiers d'entendre. Nous n'aggravons pas les problèmes là-bas. Nos entreprises essayent de contribuer à l'emploi local et à l'amélioration de la situation des populations locales, comme vous l'avez dit.
Cela dit, je donne la parole à notre dernier témoin d'aujourd'hui en souhaitant la bienvenue à Alex Neve, secrétaire général d'Amnesty International au Canada, qui n'en est pas à sa première comparution devant notre comité.
Merci, monsieur le président. Je ferai tout mon possible pour ne pas dépasser 10 minutes afin de ne pas vous énerver.
Je suis particulièrement heureux d'être ici aujourd'hui. Je précise que c'est ma troisième comparution depuis deux ans au sujet de cette question, l'accord de libre-échange Canada-Colombie. C'est clairement une question qui nous préoccupe beaucoup.
Tout d'abord, comme je l'ai souligné chaque fois que j'ai comparu devant le comité, je tiens à préciser qu'Amnesty International ne prend aucune position pour ou contre les accords de libre-échange avec n'importe quel pays, dont celui-ci. Nous insistons simplement et constamment pour que tout accord commercial, qu'il s'agisse de libre-échange ou de commerce réglementé, soit structuré de façon à éviter de contribuer aux transgressions des droits humains et même, si possible, à renforcer leur protection. Cela étant, voici nos remarques au sujet du projet de loi C-2.
La Colombie reste un pays ravagé par quatre décennies d'un conflit armé dévastateur et de graves infractions aux droits humains commises par toutes les parties : les forces de sécurité de l'État, les paramilitaires et les guérilleros. Cette violence et ces abus ont un effet catastrophique sur la vie de millions de Colombiens, notamment les membres des collectivités vulnérables des régions rurales. On en a la preuve choquante quand on réalise que 286 000 personnes à peu près ont été obligées de fuir leurs foyers rien qu'en 2009. Cela porte à plus de 4 millions le nombre total de personnes chassées de leurs foyers depuis 1985, et ce chiffre est le plus élevé au monde. Je suis sûr que vous en avez déjà entendu parler.
Ces déplacements de populations forcés résultent en grande mesure du désir de prendre le contrôle de terres revêtant un intérêt stratégique, intérêt qui peut prendre diverses formes mais comprend bien souvent une forme économique.
J'aimerais aujourd'hui me concentrer sur deux situations urgentes particulièrement reliées à la question du commerce avec la Colombie, à savoir la détresse des populations indigènes et des Afro-colombiens. En février de cette année, Amnesty International a publié un nouveau rapport sur la détérioration de la situation des peuples indigènes de Colombie. Des exemplaires de ce rapport ont déjà été adressés à tous les membres du comité qui ont donc pu y lire, entre autres choses, que le rapporteur spécial de l'ONU sur les populations indigènes affirmait que la situation dans le pays est « grave, critique et profondément inquiétante » et qu'il réclamait une visite en Colombie du conseiller spécial de l'ONU sur la prévention du génocide.
Cette crise revêt de nombreux aspects, l'un d'entre eux étant l'intensification des menaces et de la violence visant à forcer les populations indigènes à abandonner des terres riches en potentiel agricole, pétrolier ou minier. C'est un facteur très pertinent, considérant que le gouvernement canadien a défendu le projet de loi C-2 en disant que la Colombie est une « destination stratégique » d'investissements canadiens directs dans la prospection minière et pétrolière, entre autres. L'Organisation nationale indigène de la Colombie a lancé un cri d'alarme en disant que la survie de 32 groupes indigènes est gravement menacée par des projets économiques à grande échelle ainsi que par le conflit armé et l'absence de soutien de l'État. Rien qu'en 2009, au moins 114 femmes, hommes et enfants indigènes ont été assassinés. Beaucoup d'autres ont été attaqués et menacés, et des milliers ont été chassés de leurs terres.
Une fois que les habitants indigènes s'enfuient parce qu'ils craignent pour leur vie, leurs terres peuvent être offertes à de grands projets de développement économique. Lorsque les chefs indigènes et les communautés essayent de défendre leurs droits sur ses terres, ainsi que leur droit à un consentement libre, préalable et éclairé au sujet des projets économiques les affectant, ils sont souvent confrontés à une vive opposition et à des actes de violence, surtout si leurs terres sont riches en ressources naturelles. Pis encore, des membres de haut niveau du gouvernement continuent de faire des déclarations liant les dirigeants et les collectivités indigènes à des groupes de guérilla, ce qui les expose à un risque d'attaque très réel. Cela a favorisé un climat dans lequel des abus graves contre les peuples indigènes sont tolérés, voire encouragés ou facilités.
Le droit des peuples indigènes de gérer leurs affaires politiques et administratives sur leurs terres traditionnelles est reconnu dans la Constitution colombienne mais n'est pas respecté en pratique. En janvier 2009, par exemple, la Cour constitutionnelle de la Colombie a rendu l'arrêt 004 affirmant que la réponse de l'État aux nombreux problèmes que connaissent les peuples indigènes de Colombie est inadéquate. Elle a donné au gouvernement six mois pour concevoir et mettre en oeuvre un plan garantissant les droits des peuples indigènes déplacés et menacés. Plus d'un an plus tard, on voit peu de signes de progrès à cet égard.
Au contraire, Amnesty International continue de recevoir de nombreux rapports d'attaques, de menaces et de violence. Par exemple, un chef indigène représentant les collectivités Embara qui s'était opposé à l'exploitation d'intérêts miniers internationaux qui auront une incidence sur le bassin fluvial Jigaumiando a reçu des menaces de mort de paramilitaires. Ces menaces font suite à un arrêt récent de la Cour constitutionnelle disposant que les intérêts miniers n'avaient pas consulté adéquatement la population locale et exigeant une consultation adéquate.
C'est pour toutes ces raisons que le rapporteur spécial de l'ONU sur les peuples indigènes a conclu dans son dernier rapport que les politiques et programmes du gouvernement n'ont pas réussi à protéger les peuples indigènes et leurs droits humains.
La deuxième situation pertinente mais largement invisible que je souhaite évoquer concerne les menaces et la violence envers les collectivités afro-colombiennes vivant dans des régions présentant un intérêt économique sur le plan de l'extraction des ressources naturelles ou de l'activité agroalimentaire.
En février de cette année, après une visite de 10 jours en Colombie, l'experte indépendante de l'ONU sur la situation des minorités a exprimé des préoccupations au sujet de mégaprojets ou de projets de grande ampleur de grandes entreprises présentés comme offrant un avantage économique à toute la collectivité alors qu'ils auront pour effet d'empiéter sur les droits fonciers des Afro-colombiens. Tout en reconnaissant que la Colombie a adopté des lois impressionnantes sur la reconnaissance des droits des Afro-colombiens, cette experte indépendante a constaté que bon nombre de ces lois sont rarement appliquées. Voici sa conclusion : « Face à de tels intérêts et mégaprojets économiques, il semble que les droits des collectivités sont des ‘droits gênants’ et que les lois adoptées pour les protéger sont tout aussi gênantes ».
Pour vous donner un exemple, le 13 janvier de cette année, un paramilitaire a ordonné à un chef de collectivités afro-descendantes du bassin fluvial Curvaradó de sortir du véhicule dans lequel il voyageait, à courte distance d'un poste de police. Ce chef a ensuite été assassiné. Il avait participé activement à la dénonciation de l'appropriation illégale de terres de la région par des sociétés africaines d'huile de palme. Avant et après l'assassinat, les paramilitaires sont restés ouvertement sur place, alors que la région est fortement militarisée.
C'est à cause de la violence commise contre les collectivités vivant dans les régions revêtant un intérêt économique, et s'efforçant de défendre leur droit d'êtres consultées sur les projets de développement économique, qu'il est tellement crucial d'obtenir une évaluation indépendante de l'incidence du projet de loi C-2 sur les droits humains dans le pays.
Votre comité avait précisément réclamé une telle évaluation en 2008, avant la mise en oeuvre de l'accord de libre-échange, mais ça ne s'est pas fait. Nous savons que les gouvernements colombien et canadien ont donné leur appui à un projet d'amendement réclamant une évaluation annuelle de l'incidence de l'accord sur les droits humains au Canada et en Colombie, laquelle serait effectuée par chacun des deux gouvernements. Toutefois, cela n'est pas la même chose qu'une évaluation indépendante effectuée avant l'entrée en vigueur de l'accord.
Je dois souligner aussi qu'il est éminemment douteux que le gouvernement colombien produise un rapport crédible sur la situation des droits humains dans le pays. Par exemple, le gouvernement colombien nie qu'un conflit armé continue d'y faire rage alors que le Comité international de la Croix-Rouge et le haut-commissaire aux droits de l'homme des Nations unies continuent d'affirmer que la situation en Colombie est celle d'un conflit armé interne.
Le gouvernement prétend également que les pires excès du conflit ont maintenant été réglés. Certes, il y a eu une amélioration sur certains indicateurs des droits humains reliés au conflit, comme une diminution du nombre de civils tués ou pris en otage. Dans certaines villes, les gens vous diront qu'ils se sentent plus en sécurité, mais cela n'est qu'un aspect de la situation, une situation dans laquelle près de 300 000 personnes ont été chassées de leurs foyers rien que l'an dernier.
Il est crucial que le Canada n'offre pas une plate-forme législative à l'approche sélective du gouvernement colombien pour évaluer la situation des droits humains en mettant en exergue une poignée d'indicateurs positifs tout en passant sous silence d'autres préoccupations graves.
Par exemple, j'ai lu avec intérêt ce que le ministre Plata à déclaré devant votre comité la semaine dernière pour vous rassurer sur la situation des droits humains. J'ai constaté qu'il n'a pas une seule fois mentionné les peuples indigènes. Selon Amnesty International, c'est une omission incroyable quand on veut parler de la situation des droits humains dans le contexte de l'accord de libre-échange avec la Colombie.
Le gouvernement colombien prétend que les groupes paramilitaires ont tous été démobilisés alors qu'ils continuent d'opérer dans de nombreuses parties du pays, parfois en collusion avec certains secteurs des forces de sécurité.
Les militants des droits de l'homme font eux aussi l'objet de menaces de mort croissantes que l'on attribue essentiellement aux groupes paramilitaires mais aussi à des organismes de l'État. Plusieurs gouvernements colombiens successifs ont prétendu que des progrès notables ont été réalisés pour faire passer les coupables en justice. Je constate simplement que le rapporteur spécial de l'ONU sur l'indépendance des juges et des avocats a déclaré en décembre dernier, à la suite d'une visite de 10 jours dans le pays, qu'un
... climat de peur et d'insécurité semble régner sur l'appareil judiciaire à cause d'attaques et de menaces contre des juges, des procureurs et des avocats... Cela affecte également les victimes et témoins qui préfèrent souvent ne pas dénoncer les abus ou témoigner devant les tribunaux... Cette situation assure l'impunité...
Que faut-il faire? Il faut absolument procéder à une évaluation de l'incidence sur les droits humains avant la mise en oeuvre, ce que nous réclamons depuis trois ans. Cela aurait déjà pu être fait. Cette évaluation nous donnera peut-être la preuve rassurante qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter, ou alors nous indiquera quelle sera l'incidence probable sur les droits humains, tout comme le ferait une évaluation d'incidence environnementale. Si tel est le cas, nous aurons la possibilité de prendre des mesures pour empêcher la transgression des droits humains. Ce serait un résultat gagnant-gagnant mais cela exigera à l'évidence un processus crédible et totalement indépendant des deux gouvernements.
Nous devons aussi avoir l'assurance législative que les recommandations issues de l'évaluation seront mises en oeuvre et pas simplement oubliées sur les tablettes.
En conclusion, je vous exhorte à entendre directement des représentants des organisations colombiennes qui défendent et accompagnent les peuples indigènes et les collectivités afro-descendantes. Nous vous avons remis une liste de ces organisations. Nous pensons qu'il est crucial d'entendre l'Organisation nationale indigène de la Colombie, l'ONIC, et il y en a aussi trois autres que nous recommandons. Il est essentiel que vos audiences permettent à toutes les parties concernées de s'exprimer.
Merci de votre attention.
Merci.
Merci à tous les témoins. Je suis sûr que nous aurons une période de questions extrêmement intéressante.
Je vois que les Libéraux ont sorti les gros canons, aujourd'hui. Nous avons l'honorable Wayne Easter et l'honorable Shawn Murphy.
Merci. Je remercie les témoins de leur présence.
Nous savons que la Colombie vient de traverser quatre décennies de conflit armé, comme vous l'avez dit. La guerre civile a été particulièrement brutale et je crois comprendre, en écoutant M. Neve, que la situation s'est un peu améliorée, en tout cas depuis 10 ans. Peut-être pourriez-vous nous dire quelle était la situation il y a 10 ou 15 ans par rapport à aujourd'hui? C'est ma première question.
La deuxième concerne les peuples indigènes et leur terrible situation en Colombie. Ne croyez-vous pas qu'on pourrait produire des rapports négatifs sur les droits des peuples indigènes de pratiquement n'importe quel pays des Amériques, y compris du Canada et des États-Unis? Historiquement, et même aujourd'hui, le bilan du Canada à l'égard de ces populations indigènes est effrayant. Ne pourrait-on donc pas penser qu'un rapport sur les peuples indigènes ou sur les droits des autochtones de n'importe quel pays des Amériques serait aussi négatif?
Je réponds à votre deuxième question en disant que je suis d'accord avec vous. Il est vrai qu'il y a absolument des préoccupations sur la protection des droits des peuples indigènes dans les Amériques, dans notre propre pays et dans le monde entier. Cela reste l'un des plus grands défis mondiaux en matière de droits humains mais je ne vais pas commencer à classer ou à comparer la situation des peuples indigènes en Colombie par rapport au Guatemala ou au Pérou.
Ce qui nous intéresse en ce moment, c'est la Colombie. La situation des peuples indigènes de Colombie est extrêmement préoccupante et s'est récemment détériorée. Les experts de l'ONU le disent. Un rapport publié plus tôt cette année l'a confirmé. Tous ces rapports montrent que, parmi les nombreux facteurs contribuant à la détérioration de la situation des peuples indigènes, on trouve des questions à caractère économique : l'accès aux terres pour l'exploitation des mines, des ressources naturelles, etc. Certes, ce n'est pas le seul facteur, loin de là, parce qu'il y en a une foule d'autres, mais c'est incontestablement un facteur important.
Voilà pourquoi nous pensons que c'est une chose qui devrait sérieusement préoccuper les politiciens canadiens lorsqu'ils débattent de cet accord commercial pour savoir s'il faudrait l'adopter et à quelles conditions. C'est aussi pourquoi nous estimons qu'il est important d'effectuer une évaluation indépendante de l'incidence de cet accord sur la situation des droits humains avant de l'adopter. Les réformes qui s'imposent en Colombie pour faire face à ces préoccupations sont évidentes. Une analyse d'incidence permettrait de faire sérieusement le point et d'indiquer celles qui sont prioritaires avant d'accepter l'accord.
En ce qui concerne votre première question, sur les améliorations des 10 dernières années, je crois avoir dit que certains indicateurs reliés au conflit se sont améliorés, comme le nombre de civils tués ou pris en otage. Les chiffres ont tendance à fluctuer d'une année à l'autre mais il y a d'autres éléments qui ne se sont pas améliorés et qui restent très préoccupants. Par exemple, on constate que le nombre de personnes déplacées en Colombie continue d'augmenter et qu'il a atteint à nouveau près de 300 000 l'an dernier.
En fin de compte, il n'existe pas de statistique permettant de dire si la situation est meilleure ou pire en Colombie d'une proportion de 10 p. 100, 5 p. 100 ou 15 p. 100 par rapport à l'an dernier. Il est impossible aux experts des droits humains de faire ce genre de mesure. Ce qui compte avant tout, c'est que la situation des droits humains en Colombie reste très préoccupante à de nombreux égards, notamment dans le contexte des questions de commerce, d'investissement et d'économie, et qu'il est essentiel de l'évaluer et d'en tenir compte avant d'approuver cet accord.
Comment pourrait-on faire une telle évaluation si, comme vous dites, les chiffres exacts échappent aux organisations des droits de la personne?
Prenons la situation des peuples indigènes. Comme je l'ai dit, beaucoup de facteurs contribuent aux graves transgressions des droits humains des peuples indigènes mais beaucoup d'experts disent que les questions de commerce, d'investissement, de ressources naturelles et d'exploitation minière en font partie. Il y a aussi beaucoup d'organisations, dont la Cour constitutionnelle de la Colombie, qui ont montré ce qu'il faut faire pour s'attaquer à cet aspect de l'équation. On peut donc faire quelque chose immédiatement. Il ne s'agit pas de compter le nombre de personnes disparues et de le comparer au nombre de personnes qui ont pu être menacées ou non. Il s'agit de se concentrer sur les réformes qui sont nécessaires pour s'assurer que l'accroissement continu du commerce entre le Canada et la Colombie ne risque pas d'empirer la situation.
Supposons qu'il n'y ait pas d'accord de libre-échange entre la Colombie et le Canada. Supposons que l'accord ne soit pas signé ou ratifié. Quel genre d'engagement aimeriez-vous voir de la part du Canada en termes d'affaires, de commerce et d'intervention du gouvernement? Que souhaiteriez-vous voir quand même pour avoir un engagement canadien en Colombie?
Nous ne disons pas qu'il ne devrait pas y avoir d'accord. Nous vous méprenez pas. Nous disons qu'il faut étudier son incidence avant de l'opérationnaliser, de façon à pouvoir mettre en place des réformes et des mesures de sauvegarde.
Je formule cependant l'hypothèse qu'il n'y a pas d'accord. Que souhaiteriez-vous dans ce cas en termes d'engagement?
Nous ne demandons pas aux entreprises canadiennes de cesser de faire du commerce et de l'investissement en Colombie. Longtemps avant qu'on envisage de négocier cet accord commercial, nous encouragions les entreprises canadiennes déjà présentes en Colombie ou envisageant de s'y établir à voir ce qu'elles pourraient et devraient faire du point de vue des droits humains. En outre, comme l'a dit le président, il existe des sociétés canadiennes qui sont des modèles à cet égard. Il convient évidemment d'encourager et de renforcer cette attitude.
Nous ne réclamons aucunement la cessation de toute relation commerciale entre les deux pays.
Bien, c'est une remarque importante, tout comme le fait qu'il n'est pas mauvais que des entreprises soient présentes en Colombie, si je vous ai bien compris. Toutefois, à part ça, en termes d'intervention du gouvernement et d'engagement du gouvernement, quel genre d'intervention aimeriez-vous voir de la part du gouvernement canadien en Colombie?
Entre le gouvernement canadien et le gouvernement colombien? Eh bien, nous adressons depuis de nombreuses années des recommandations au gouvernement canadien en ce qui concerne diverses formes d'assistance — par le truchement de fonds de coopération internationale, par exemple — pour renforcer et stimuler le travail des militants des droits humains dans le pays, et de fermes recommandations pour que le gouvernement canadien exerce des pressions auprès des Colombiens à tous les niveaux au sujet du genre de réformes juridiques et de mesures qui sont nécessaires pour veiller à ce que les recommandations de l'ONU concernant les droits humains soient mises en oeuvre. Cela doit absolument continuer.
Merci.
Merci, monsieur Silva.
C'est un tour de sept minutes.
Nous passons maintenant à monsieur Guimond.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Bonjour, messieurs, et bienvenue de nouveau à cette table pour discuter du même sujet.
Ma première question s'adresse à M. Moist. Le 24 mars dernier, au cours du débat sur le projet de loi C-2, l'hon. Scott Brison a proposé un amendement qui se lit en partie comme suit: « [...] le résumé des mesures prises sous le régime de la présente loi ainsi que l'analyse des répercussions qu'ont eues ces mesures sur les droits de la personne au Canada et en Colombie. »
Que pensez-vous de cet amendement?
[Traduction]
Nous pensons que c'est loin d'être suffisant. Il y a deux ans, en juin, ce comité avait une position différente. Il réclamait une évaluation indépendante des droits humains avant la signature de l'accord.
Votre question est reliée à l'une des précédentes. Le Canada fait parti de l'OIT et il y contribue de manière utile, à mon avis. La Colombie aussi. L'OIT a ouvert un bureau spécial en Colombie, ce qui n'est pas sa pratique habituelle, pour s'occuper des infractions aux droits des travailleurs dans ce pays.
Le député précédent demandait comment nous pourrions communiquer en l'absence d'un accord. Comment faire des affaires avec la Colombie?
Le Canada, comme il le fait avec d'autres pays représentés à l'OIT, devrait demander à tous les pays de ratifier les conventions de l'OIT, ce qui est un processus laborieux — qui concernait dans notre cas 10 provinces, deux territoires et le gouvernement fédéral... Au Canada, nous avons donné vie à ces textes de l'OIT par voie législative. Nous avons adopté des lois protégeant ces droits pour les employés réglementés par les instances fédérales, s'ils choisissent de se syndiquer. Cela n'existe pas en Colombie.
Je ne m'attendais pas à ce que le ministre du Travail en Colombie puisse répondre à la question technique. Il était accompagné de sept collaborateurs — dont quatre sous-ministres adjoints — et ma question était simple. On a privatisé le service postal en Colombie. Le pays en avait le droit et il ne m'appartient pas d'en juger, même si j'ai une opinion. Les travailleurs ont été privatisés. Tous, à 100 p. 100, veulent signer une carte syndicale pour créer un syndicat. Il suffirait de remettre ces cartes à un organisme du gouvernement pour créer le syndicat. Expliquez-moi ce processus en Colombie. C'est privatisé. Il y a 3 000 travailleurs qui n'ont plus de syndicat. Une société privée livre le courrier. Les 3 000 veulent tous adhérer au syndicat.
Il y avait sept employés du gouvernement de la Colombie accompagnant leur ministre — des gens dans cette salle se précipiteraient pour répondre à une demande ministérielle d'information. Comment adhère-t-on à un syndicat en Colombie? Pourquoi n'y a-t-il plus que 123 000 travailleurs protégés par une convention collective, sur 18 millions? Ils ont signé des cartes. Le ministre s'est emporté contre la délégation canadienne parce que nous ne pouvions pas accepter qu'il ne réponde pas à la question.
Au Canada, il y a une réponse. Dans 189 pays, il y a une réponse à cette question simple d'adhésion à un syndicat.
Je m'interroge. J'étais d'accord avec M. Mulroney il y a 25 ans quand il a pris la tête du Parlement du Canada pour dire que nous n'allions pas signer d'accord avec l'Afrique du Sud, pour des raisons bien connues.
Si vous avez besoin d'autres statistiques, convoquez la délégation de la Mission internationale d'observation préélectorale en Colombie qui a déclaré que 133 membres du Congrès ont fait l'objet d'enquêtes au cours des trois dernières années au sujet de liens avec les paramilitaires.
Il n'y a rien de mal à faire l'objet d'une enquête.
Toutefois, sur ce nombre, 71 ont été convoqués pour interrogatoire, 50 sont actuellement détenus — pas de caution —, 42 ont renoncé à leurs droits comme membres du Congrès, 18 font actuellement l'objet d'un procès, 13 ont plaidé coupable pour leurs activités avec les paramilitaires, et sept ont été condamnés.
Et je vous parle là de représentants élus en Colombie. Et vous allez signer un accord en notre nom? Il y a deux semaines, ce Parlement a exigé des comptes d'une ex-ministre et d'un ex-parlementaire. C'est comme ça. Au Canada, si l'on veut faire partie du Parlement, il y a des normes à respecter, des normes d'éthique.
Quand j'étais là-bas, en 2008, un tiers des membres du Congrès était en prison. Voilà ma réponse à votre question.
[Français]
Merci, monsieur Moist.
Je poserais la même question à M. Neve au sujet de l'amendement que les libéraux nous proposent.
Quelle est votre opinion à cet égard?
[Traduction]
Comme je l'ai dit, nous sommes heureux que la proposition d'amendement mette au moins la question des droits humains en jeu, ce qui n'était pas le cas auparavant. Par contre, nous sommes préoccupés par le fait qu'il ne s'agit pas d'un processus indépendant, ce qui serait absolument essentiel. Nous sommes également préoccupés par le fait que l'on n'envisage que des évaluations périodiques une fois que l'accord aura été adopté.
Nous pensons qu'il est essentiel de procéder à une évaluation d'incidence avant l'entrée en vigueur de l'accord. Comme je l'ai dit, c'est ce que nous réclamons depuis trois ans. Si cela avait été pris au sérieux plus tôt, nous pourrions aujourd'hui être en train d'analyser les résultats de l'évaluation et d'examiner la mise en oeuvre des recommandations. Il est regrettable que nous en soyons encore au point de nous demander si une telle évaluation serait souhaitable ou non.
L'indépendance de l'évaluation est absolument cruciale. Nous aurions de très sérieuses réserves avec un processus qui légitimerait l'évaluation des droits humains par le gouvernement colombien, lequel est notoirement adepte à blanchir son bilan en la matière. Comme d'autres organisations, nous avons consacré beaucoup de temps et d'efforts à corriger les erreurs flagrantes de ce qu'il déclare publiquement à ce sujet. Ses rapports sont très sélectifs et truffés d'erreurs. Un processus comme celui-ci, qui légitimerait les déclarations du gouvernement colombien sur les droits humains, serait très problématique. D'ailleurs, en ce qui concerne le Canada lui-même, le fait qu'on ne propose pas que l'évaluation de sa situation en matière de droits humains soit effectuée par un organisme indépendant du gouvernement est tout aussi inquiétant.
Nous savons qu'il est trop facile, quand les questions de commerce et de droits humains entrent en jeu, de laisser les intérêts commerciaux et politiques entraver une évaluation exhaustive et honnête de la situation des droits humains. Et cela vaut pour n'importe quel pays. Nous voulons donc avoir l'assurance que toute évaluation qui serait effectuée par le gouvernement canadien le serait de manière très indépendante.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins qui ont clairement mis en relief l'importance de tenir des audiences exhaustives et de recueillir le point de vue de la communauté indigène, des syndicats et des organismes de protection des droits humains. Notre comité n'a pas encore entendu de représentants du mouvement syndical colombien, à part ceux de syndicats agréés par le gouvernement, lesquels reconnaissent ne représenter que moins de 10 p. 100 de ce qui reste de travailleurs syndiqués en Colombie. Je pense que vous avez tous bien montré qu'on ne devrait pas limiter la liste des témoins et j'espère que tous les membres du comité ont bien compris votre message. Il nous faut tenir des audiences complètes et exhaustives.
Je voudrais poser à M. Blackburn et à M. Neve une question sur la responsabilité sociale. Il est incontestable que SNC-Lavalin jouit d'une excellente réputation et que bon nombre de sociétés canadiennes agissent de manière socialement responsable, mais pas toutes. C'est d'ailleurs un élément du débat concernant le projet de loi C-300 proposé par mes collègues libéraux, c'est-à-dire qu'il y a certaines entreprises qui ont causé des transgressions des droits humains ou environnementaux, ou y ont même participé, en Amérique centrale, en Amérique du Sud et en Afrique.
Vous êtes certainement au courant de ces transgressions. Ne pensez-vous pas que le fait que des entreprises agissent de cette manière entache la réputation du Canada? En outre, monsieur Blackburn, le fait qu'il y ait rapport après rapport après un rapport disant que cet accord pourrait fort bien contribuer à ce que des sociétés canadiennes soient encore plus complices du genre d'infractions aux droits humains que nous voyons en Colombie ne vous amène-t-il pas à revoir votre position?
Je ne parle pas ici de SNC-Lavalin, je dis simplement qu'il y a de mauvais éléments et que le Canada et le Parlement canadien ont la responsabilité de veiller à ce que la réputation du Canada ne soit pas salie à l'étranger.
Vous avez évidemment raison. Les entreprises ne sont pas toutes les mêmes. Par exemple, certaines n'appliquent peut-être pas les normes que vous et moi souhaiterions. Je ne crois pas cependant que ce soit une raison pour qu'une société comme SNC-Lavalin ou d'autres n'aillent pas sur place si elles agissent de manière socialement responsable, avec de bons processus de consultation et en ayant largement recours aux populations locales. Notre opinion est que cela améliore la situation et constitue une norme pour les autres.
Si vous parlez de la réputation du Canada, je ne pense pas que les gens reprochent au Canada dans son ensemble le fait que quelqu'un se comporte mal. Ils vont plutôt le reprocher à la société concernée Je ne sais pas...
Je regrette de devoir vous interrompre mais mon temps de parole est limité.
Le fait est que chaque rapport publié au sujet de cet accord suscite de nouvelles préoccupations sur la détérioration des droits humains en Colombie. Comme l'a dit M. Neve avec éloquence, il n'y a eu aucune évaluation d'incidence indépendante. Vous avez donc d'un côté une organisation des droits humains disant que ça pourrait être un problème très grave et, de l'autre, certaines sociétés canadiennes qui agissent de manière irresponsable.
Si ça ne vous préoccupe pas, tant pis, mais vous pouvez comprendre que cela préoccupe beaucoup de membres de ce comité.
Quand vous dites « certaines sociétés canadiennes », je ne sais pas desquelles vous parlez. Notre position est que, plus il y aura de commerce et d'engagement de sociétés canadiennes et de valeurs canadiennes — de bonnes valeurs canadiennes —, plus la situation aura des chances de s'améliorer au lieu de se détériorer. C'est tout...
Je crois qu'il est important de relier cette question à celle de la responsabilité sociale des entreprises. À notre avis, la meilleure solution serait non seulement de s'assurer qu'une évaluation indépendante de l'incidence de l'accord sur les droits humains soit exécutée avant, mais aussi que le Parlement canadien adopte finalement — le projet de loi C-300 est un excellent exemple puisque le Parlement en est déjà saisi — un cadre de responsabilité sociale des entreprises régissant l'action des entreprises canadiennes à l'étranger. Le fait qu'aucun de ces deux éléments n'existe actuellement — ni l'évaluation d'incidence sur les droits humains, ni un cadre régissant la responsabilité sociale des entreprises — est profondément inquiétant.
Certes, il existe d'excellentes entreprises qui donnent une très bonne image du Canada, y compris en Colombie, mais il y en a aussi beaucoup d'autres. Notre problème est que l'absence de normes de RSE et l'absence d'évaluation de l'incidence sur les droits humains exacerberont une situation vraiment inquiétante.
Je m'adresse maintenant à M. Moist. J'ai apprécié votre affirmation que « le lien entre le gouvernement et les paramilitaires et les narcotrafiquants est largement confirmé et révèle l'image très troublante d'un État défaillant », puis, plus loin, « participation de groupes armés illégaux », dont des paramilitaires et des narcotrafiquants, qui bénéficient de financement électoral et qui déterminent les résultats des élections.
C'est un problème depuis le début : les liens du président Uribe avec le cartel de Medellín, les liens du président Uribe avec les cartels de la drogue, et le fait que son régime est ouvertement corrompu et fait l'objet d'investigations, comme de droit, par ce qu'il reste de magistrature colombienne indépendante.
On peut se demander comment réagissent les Canadiens lorsqu'ils constatent qu'un gouvernement prétendant avoir un programme vigoureux d'ordre public s'acoquine avec un gouvernement ayant des liens tellement évidents avec des gangs criminels.
Considérant votre témoignage, j'aimerais savoir si cet aspect vous préoccupe, ainsi que la question de la dissolution forcée du mouvement syndical. Pensez-vous que les Canadiens sont de plus en plus préoccupés par ce régime et par ses transgressions des droits humains?
Voici ma dernière question. En un mot, comment décririez-vous l'amendement libéral? Des témoins précédents nous ont déjà dit qu'il manque de crédibilité, ce qui pourrait avoir de très graves conséquences. Êtes-vous d'accord?
Au sujet de la dernière question, j'estime que l'amendement libéral est un recul par rapport au consensus qui existait entre tous les partis d'opposition il n'y a pas deux ans.
Au sujet de la première, j'estime que le comité devrait entendre la Mission internationale d'observation préélectorale qui est allée en Colombie. Les chiffres que j'ai cités proviennent de rapports de la magistrature colombienne. Il y a là-bas des élus du peuple qui font face à des inculpations, et pas parce qu'ils ont traversé en dehors des clous.
Je pense que vous devriez prendre le temps d'entendre des témoins au sujet de ces élus pour savoir de quoi ils ont été condamnés. Vous devriez poser les questions.
Je vous implore aussi... Je pense que le projet de loi C-300 devrait être adopté. Je lisais hier soir un rapport de Mines Alerte Canada intitulé « Land and Conflict: Resource Extraction...and Colombia ». Le projet de loi C-300 est un bon projet de loi. Pourquoi ne pourrions-nous pas établir un cadre de réglementation? J'ai été très surpris de l'attention qu'on porte au Canada en Colombie, parce que le Canada prête trop d'attention à la Colombie, mais pas le reste du monde.
Merci.
Je donne maintenant la parole à M. Keddy puis à M. Trost.
Vous avez sept minutes. Jusqu'à maintenant, on a assez bien respecté l'horaire. On vient juste de dépasser un petit peu les sept minutes.
Merci, monsieur le président. Bienvenue aux témoins.
Pour que ce soit bien clair, monsieur le président, je précise que le Parti conservateur est favorable à l'amendement du Parti libéral. Nous continuons à l'étudier et notre jugement n'est pas définitif mais il est clair que nous visons le même objectif. Cet amendement sera utile non seulement sur le plan des emplois canadiens mais aussi sur celui des emplois colombiens et des possibilités en Colombie.
Cela dit, monsieur le président, je m'élève vivement contre le fait qu'un député fasse ici des allégations contre le président d'un autre pays. Il n'existe absolument aucune preuve des allégations formulées à l'encontre du président Uribe ou de n'importe quel groupe de la Colombie. Essayer de faire croire qu'il s'agit là de faits établis... Franchement, certains perdent le sens des responsabilités dans ce Parlement.
J'ai une brève question à poser à M. Moist, que je remercierais de répondre très rapidement car je vais partager mon temps avec un collègue.
Lors de notre dernière réunion, nous avons accueilli un groupe de producteurs agricoles de légumineuses et de lentilles qui sont probablement ceux qui ont le plus à gagner d'un accord avec la Colombie. À l'heure actuelle, ils essayent de vendre des pois zombis aux Colombiens avec un droit de douane de 50 p. 100. En fin de compte, la réalité est que nous privons les Colombiens de produits alimentaires moins chers, plus nutritifs et plus accessibles en ne négociant pas avec eux et en obligeant nos producteurs à faire du commerce en payant des droits de douane.
Répondez-moi donc très brièvement : qu'y aurait-il de mal à fournir des aliments moins chers et plus nutritifs aux Colombiens?
Je vous réponds brièvement. Le mouvement syndical du Canada est favorable au commerce. Nous voulons faire plus de commerce avec plus de nations étrangères mais, dans le cas des peuples indigènes et afro-colombiens qui vivent dans ces régions rurales, nous pratiquons au Canada des normes telles que nous n'expulserions jamais des gens de leurs terres, ce qu'ils...
Je ne parle pas des gens chassés de leurs terres, je parle d'essayer de nourrir des gens qui vivent dans la pauvreté.
Et je parle du rapport. Ce n'est pas moi qui ai rédigé ce rapport Land and Conflict -- Resource Extraction, Human Rights, and Corporate Social Responsibility: Canadian Companies in Colombia. Quand on fait des affaires dans un autre pays, on se doit de le faire avec respect.
Absolument, et j'apprécie votre réponse mais vous n'avez pas répondu à ma question. Je vous disais que nous pourrions fournir des aliments moins chers et plus nutritifs aux Colombiens, et que nous essayons de le faire. Voilà sur quoi porte cet accord.
Je pose donc la question suivante à M. Blackburn. Je vous remercie sincèrement d'être venu aujourd'hui. J'apprécie beaucoup votre compréhension d'un commerce fondé sur des règles. J'ai pris note de votre remarque sur les visas d'affaires. C'est effectivement une question très importante dont nous devrons nous occuper.
Je prends également note de votre affirmation que la sécurité personnelle des Colombiens s'est améliorée et ce, suffisamment pour que nous puissions maintenant envoyer des Canadiens là-bas pour faire des affaires. Ce n'était pas le cas il y a 10 ans.
Voici ma question. Aucun ministre colombien, ni même le président du pays, n'a jamais dit que tout est parfait en Colombie. Personne n'a jamais dit ça. Je m'élève vraiment contre les déclarations des deux autres témoins et du député néodémocrate voulant que les sociétés canadiennes n'agissent peut-être pas selon les règles de bonne responsabilité sociale en Colombie, et SNC-Lavalin est l'une des sociétés canadiennes présentes en Colombie.
Je ne connais aucune société canadienne qui ne respecte pas les règles de bonne responsabilité sociale en Colombie. Vous en connaissez?
Non, je n'en connais pas. Je pense que c'est toujours le problème quand on fait des accusations à l'emporte-pièce. Je pense que, dans l'ensemble, les sociétés canadiennes sont appréciées et font partie des meilleures au monde sur ce plan. Je ne les connais pas de l'intérieur mais s'il y a des cas particuliers...
L'une des choses qui m'ont frappées dans les déclarations de M. Moist est qu'il semblait dire qu'il y a un système juridique relativement actif en Colombie puisqu'on y fait enquête sur des députés et qu'on les jette en prison. À mon avis, cela témoigne de l'existence d'une certaine règle de droit.
Merci, monsieur le président.
Je reviens sur ce que disait M. Keddy sur le fait que des produits alimentaires moins chers permettraient à la population colombienne de mieux s'alimenter, etc. Ça m'intrigue beaucoup, cette question. L'une des choses que personne n'a mentionnées est que cela pénalisera les Colombiens sur le plan économique. L'une des raisons pour lesquelles je vais voter en faveur de l'accord est que j'estime qu'il débouchera sur de meilleurs emplois pour les Colombiens.
Je demande à nos trois témoins si cet accord commercial — à part les questions de droits humains sur lesquelles deux d'entre eux se sont concentrés — sera bénéfique ou nocif pour le Colombien moyen? Nous n'avons entendu personne contester le fait qu'il sera bénéfique au Canada, Ça semble assez clair pour les producteurs de légumineuses, de viande de porc, etc.
C'est une question très simple : sur le plan économique, l'accord sera-t-il bénéfique à la Colombie ou non? Cet aspect est-il important à vos yeux?
Très brièvement, je pense que l'accord risque de légitimer un dispositif moins que parfait au sujet des droits humains et des droits des travailleurs en Colombie.
Peut-être mais ce n'était pas ma question. Je vous ai demandé si vous pensez que cet accord sera utile pour l'économie de la Colombie. S'il est utile pour l'économie, il est utile pour les travailleurs car il leur donne des emplois.
Un rappel au règlement, monsieur le président. Si M. Trost veut poser des questions, qu'il laisse au moins le témoin répondre.
À votre avis, monsieur Blackburn et monsieur Neve, cet accord a-t-il aidé la Colombie ou nui à son économie?
Vous avez demandé s'il aidera le Colombien moyen et je ne sais pas à qui vous pensez quand vous parlez du « Colombien moyen ». Il se peut fort bien qu'un Colombien de la classe moyenne vivant à Bogota y trouve un certain avantage. En revanche, pour les millions de Colombiens qui vivent dans les régions rurales, pour les Colombiens indigènes, pour les Colombiens afro-descendants, ce sera très différent car cela pourrait se traduire par d'autres expulsions de leurs terres, un accroissement de la violence, ce qui n'augure rien de bon, économiquement ou autrement.
Vous supposez donc que l'accord de libre-échange augmentera les expulsions des terres et nuira aux régions rurales parce que les sociétés minières et les sociétés pétrolières viendront chasser les gens de leurs terres?
Ce ne sont pas les sociétés qui les chassent. En Colombie, ce sont les groupes paramilitaires qui commettent des actes de violence et qui chassent les gens. Et ce n'est pas seulement une question d'expulsion des terres, c'est aussi toute la question des infractions aux droits humains qui y sont associées. Et ça, ça concerne le bien-être des gens.
Puisque vous parlez de bien-être, je pense qu'il faut voir cela de manière globale. Ce n'est pas qu'une question de chèque de paye, c'est aussi une question de respect absolu de toute la gamme des droits humains.
Je suis désolé, Brad, M. Keddy ne vous avait laissé que deux minutes.
Nous allons devoir passer au deuxième tour et c'est M. Easter qui le commencera.
Merci, monsieur le président.
En fait, je vais aborder le sujet qui intéresse Brad.
Je ne suis pas un membre régulier de ce comité mais je suis le critique officiel des questions d'agriculture et j'entends souvent des représentants du monde agricole canadien expliquer pourquoi cet accord commercial est si important à leurs yeux. Je suis également un vif partisan des droits humains et j'estime que les populations locales, les population indigènes, ne devraient pas être confrontées à de la violence économique ou physique. Il me semble que la clé est de trouver un juste équilibre permettant d'améliorer les relations économiques entre les deux pays et les droits humains sur le terrain.
Je reviens à ce que vous demandait Brad et je m'adresse à vous trois. Je commence avec vous, monsieur Blackburn, puisque vous n'avez pas eu le temps de répondre. Pouvez-vous m'indiquer clairement votre position sur cet accord commercial, y compris sur l'amendement qui a été proposé? Améliorera-t-il la situation économique dans les deux pays et la situation des droits humains sur le terrain, en Colombie? Si vous le pensez, pouvez-vous m'expliquer pourquoi? Sinon, dites-moi aussi pourquoi. C'est l'équilibre que nous recherchons. En dernière analyse, notre objectif est d'obtenir un meilleur résultat à tous égards.
Je commence avec M. Blackburn.
Comme vous pouvez l'imaginer, je pense que les accords de libre-échange sont bénéfiques aux pays, aux travailleurs et aux économies. Les chiffres le montrent. Certes, il y a des problèmes d'adaptation, comme nous l'avons constaté dans l'économie canadienne. Je me souviens qu'à l'époque de l'accord de libre-échange, notre industrie vinicole et notre industrie textile étaient vouées à disparaître. Voyez ce qui est arrivé ensuite. Nous avons aujourd'hui une industrie vinicole plus prospère que jamais et les Américains lèvent les bras au ciel parce que nous leur faisons concurrence en matière de costumes d'hommes et d'autres choses. Donc, je pense que les accords de libre-échange sont généralement bénéfiques aux deux parties.
L'autre aspect qui n'a pas vraiment été abordé est qu'il y a déjà du commerce entre les deux pays. Comme je l'ai dit, nous sommes déjà établis en Colombie où nous avons 160 travailleurs dans une base opérationnelle en expansion. Il y a du commerce. Il me semble qu'encadrer ce commerce dans le genre de système dont on parle, notamment avec l'amendement que vous avez mentionné, débouchera probablement sur un meilleur résultat que ne le permet la situation actuelle.
Je ne suis ni un économiste ni un expert du commerce et je ne pense donc pas pouvoir vous dire si cet accord... Du point de vue des droits de la personne, nous sommes inquiets. Cela ne veut pas dire que nous ne pensons pas que nos préoccupations ne pourraient pas être réglées au moyen d'une évaluation d'incidence indépendante qui permettrait — avec certaines mesures de sauvegarde et certaines recommandations mises en oeuvre — d'aller de l'avant. Il pourrait être tout à fait possible, par exemple, de tenir compte des choses mentionnées par la Cour constitutionnelle et par d'autres organisations pour assurer la protection des droits des populations indigènes, ainsi que des changements institutionnels nécessaires pour assurer le plein respect de ces droits, lesquels sont énoncés dans la législation colombienne en ce qui concerne les Afro-colombiens.
Il faut par exemple prendre des mesures claires pour assurer une démobilisation véritable et non pas fictive des groupes paramilitaires. De telles mesures, prises à la suite d'une évaluation de l'incidence sur les droits humains, pourraient changer complètement la situation avant l'entrée en vigueur de l'accord et permettraient d'avancer d'une manière très positive.
On est souvent porté à attaquer le mouvement syndical en supposant qu'il s'oppose systématiquement aux accords commerciaux, mais rien ne saurait être plus faux.
Non, pas vous. C'était une remarque générale.
Je voudrais dire un mot sur SNC-Lavalin. Nous avons déjà traité avec SNC-Lavalin qui est une société très pragmatique et, parfois, très progressiste, ne causant pas de problèmes aux syndicats. Le problème n'est pas ce que font les sociétés canadiennes en Colombie, c'est que les travailleurs colombiens n'ont pas le droit de former leurs propres syndicats.
Le Canada ne peut exporter sa législation du travail en Colombie mais il aide régulièrement divers pays, par le truchement de l'OIT, à se doter de mouvements syndicaux modernes et de dispositions permettant aux gens d'exercer leurs droits. Qu'un travailleur colombien n'ait pas le droit d'exercer son droit d'adhérer à un syndicat n'est certes pas le problème de SNC-Lavalin, mais pourquoi le Canada se précipiterait-il dans un accord avec un pays comme celui-là quand nous avons déclaré devant l'OIT, organisation parrainée par l'ONU, que nous appuyons les pays qui assurent ce respect minimum des droits des travailleurs? La Colombie a ratifié ces choses-là. À la différence du Canada, elle ne les met pas en pratique.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être venus devant le comité. Je constate à chaque fois que tous nos invités, lorsqu'ils témoignent, le font dans les meilleures intentions du monde, de leur point de vue.
Voici comment je vois la situation. Tout d'abord, et c'est assez intéressant, on nous a dit que nous devrions entendre des représentants d'autres groupes pour veiller à obtenir un exposé exhaustif de toute la problématique. Je proposerai peut-être plus tard une liste d'autres groupes prêts à venir témoigner mais je tiens à rappeler au comité, et peut-être à nos invités s'ils ne le savent pas, que nous avons déjà adopté une motion autorisant le comité à recueillir tous les témoignages pertinents au sujet du libre-échange avec la Colombie. Donc, c'est déjà prévu, et c'est assez intéressant.
Monsieur Neve, c'est un grand plaisir de vous revoir et nous apprécions votre retour rigoureux. Trois fois de suite, c'est un charme, mais je ne suis pas sûr que nous vous convoquerons à nouveau sur cette question. Peut-être reviendrez-vous dans le cadre d'une autre étude. Si l'occasion s'en présente, j'en serais très heureux car je vous ai entendu dire des choses mûrement réfléchies aujourd'hui.
Ce que je retiens surtout des témoignages d'aujourd'hui est que vous appuyez tous le commerce international, et on peut définir ça comme on veut. Je pense que c'est très positif. Je ferai une autre remarque avant de poser une question. Personnellement, je suis heureux de la contribution de M. Brison au sujet d'une évaluation de la situation des droits de la personne. Je pense qu'il y a là des éléments très crédibles. Comme l'a dit M. Keddy, c'est en cours d'examen en ce moment.
Je dois vous dire aussi que nous avons recueilli la semaine dernière le témoignage de Mark Rowlinson, un avocat du travail. Il nous a dit qu'il y a eu incontestablement une baisse des taux d'assassinat depuis 2001, depuis l'arrivée du président Uribe au pouvoir. Il a admis que le président Uribe a fourni « des ressources, notamment des juges, pour régler les dossiers des travailleurs, ainsi que des fonds supplémentaires au bureau du procureur général pour des enquêtes et des poursuites ». Pour être tout à fait franc, il n'approuve pas l'accord sous sa forme actuelle mais il a admis ces choses-là. Je tiens à rappeler à tout le monde qu'il y a divers éléments dans cette affaire et qu'il peut y avoir certains éléments de l'accord que vous n'appuyez pas pour des raisons de principe ou d'idéologie.
Je veux également rappeler à tout le monde que, depuis 2001, depuis l'arrivée du président Uribe au pouvoir, le nombre d'assassinats dans ce pays a baissé de manière spectaculaire, tout comme celui des enlèvements, et aussi des actes de violence envers des dirigeants syndicaux. Je dois dire que je ne comprends pas pourquoi on ne veut pas en tenir compte. Vous savez, ma mère, du Cap Breton, me disait toujours au sujet de mes enfants qu'il faut les encourager quand ils se comportent bien. Très franchement, il me semble que si nous n'encourageons pas les autorités colombiennes quand elles se comportent bien et qu'elles font des efforts, si nous ne voulons pas leur parler parce que nous ne sommes pas prêts à mettre en place un système fondé sur des règles — c'est de cela que nous parlons ici —, nous ne rendons pas service à la population colombienne et, bien sûr, nous désavantageons les Canadiens. Au cas où vous auriez oublié l'autre membre de l'équation, cet accord est destiné à faire des affaires dans le but d'appuyer la Colombie mais aussi, absolument, dans l'intérêt du Canada. Je pense que c'est crucial.
J'ai quelques questions à poser, si vous me le permettez, et vous y serez bien obligés puisque c'est mon tour.
Monsieur Blackburn, vous avez dit qu'un engagement accru des bonnes entreprises améliore le comportement dans les pays où vous êtes présents. Vous avez dit aussi avoir recruté quelque 9 000 personnes avec des compétences, et fières de leurs compétences, et qu'elles ne les auraient pas si vous n'étiez pas là. Quel est votre sentiment de ce que signifierait pour vous cet accord de libre-échange avec la Colombie? Comment pensez-vous qu'il peut aider la population de la Colombie et, évidemment, aider votre entreprise?
Je suppose que l'avantage est qu'il facilitera notre expansion en Colombie. Comme je l'ai dit, nous sommes déjà en pleine expansion là-bas, pas par le rachat d'une société mais simplement grâce aux gens que nous avons recrutés sur place, et nous en recruterons encore plus avec cet accord. C'est un système de commerce bilatéral. Cela nous aidera à grandir là-bas et, comme je l'ai dit au début, nous espérons nous servir de notre base opérationnelle en Colombie comme base de construction dans d'autres parties de l'Amérique latine où nous sommes déjà établis, mais dans les secteurs des mines et de l'électricité, par exemple. Ça facilite les choses.
Merci.
Pouvez-vous me répondre par oui ou par non, monsieur Neve, car on vient juste de me couper la parole?
Non, ce sera possible.
Vous avez exprimé de vives préoccupations au sujet de la violence infligée aux dirigeants syndicaux en Colombie. Voici ma question : Amnesty International a-t-elle réalisé des études sur la violence commise contre les dirigeants syndicaux par les FARC?
Je n'ai pas la réponse en tête. Je peux vous dire que nous condamnons régulièrement les FARC pour toutes sortes d'infractions aux droits humains. De tête, je ne peux vous dire si nous avons publié quelque chose au sujet d'un dirigeant syndical. S'il y a eu de la violence contre un dirigeant syndical de leur part, et que nous l'avons confirmée et corroborée, je suis sûr que nous l'avons condamnée.
Monsieur le président, puis-je demander à M. Neve de faire une recherche au sujet de ces études et de nous envoyer la réponse par écrit?
Monsieur Neve, auriez-vous l'obligeance de nous envoyer cette réponse par écrit?
Nous passons maintenant aux dernières questions pour ce tour.
Monsieur Pomerleau, vous avez cinq minutes.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous d'être ici aujourd'hui.
Je suis député du comté de Drummond, où se trouve Drummondville. C'est probablement l'endroit au Québec où il y a le plus de Colombiens parce que, maintenant, on veut envoyer les immigrants en région. C'est souvent au centre du Québec qu'ils se trouvent. Avant d'être député ici, je travaillais dans un bureau de député et je recevais ces Colombiens un par un pour des questions d'immigration. La plupart d'entre eux ont eu affaire avec les FARC, ont reçu des menaces de mort, ont été battus, leurs enfants ont été suivis pour être enlevés —, enfin, des histoires abominables. C'est la première fois que je rencontre des gens qui peuvent me confirmer ça. Je n'ai parlé qu'avec ces gens, je n'ai jamais été plus loin que ça. C'est pourquoi je vous félicite, monsieur Moist, d'avoir été là-bas et de nous ramener de l'information qui est crédible, parce que vous avez vu.
Quand on veut faire du commerce à l'étranger, on dit qu'on va créer de l'emploi. C'est l'aspect positif, en plus de faire de l'argent. Est-ce qu'il y a des gens qui vous ont parlé du fait que des compagnies étrangères, donc canadiennes, auraient au moins comme effet positif de créer de l'emploi là-bas? Vous a-t-on plutôt parlé des effets négatifs, comme la légitimation du gouvernement qui est en place actuellement?
[Traduction]
J'ai rencontré un dirigeant syndical colombien il y a deux semaines à Santiago, au Chili. Il est au courant des audiences du comité. Il espère vivement que les relations se développeront entre la Colombie et le Canada mais il espère aussi que le gouvernement du Canada usera de son influence pour améliorer la vie quotidienne des travailleurs colombiens en exigeant du gouvernement de la Colombie qu'il veille à faire respecter les droits de la personne et les droits des travailleurs, ce qui donnera encore plus de valeur à l'accord et à la création d'emplois par les relations d'affaires.
La réponse est oui, ils attachent beaucoup de prix à leurs relations avec le Canada et, tout comme moi, ils souhaitent qu'elles se développent mais, actuellement, leur toute première priorité, s'ils étaient ici, serait de demander à votre comité de recommander au Parlement quelque chose comme ce sur quoi vous vous étiez entendus il y a 24 mois en termes d'évaluation indépendante de façon à améliorer le sort de tous les Colombiens.
[Français]
Ma deuxième question s'adresse à M. Blackburn. J'aime beaucoup la compagnie Lavalin. Dans mes discours, j'en parle continuellement comme étant un des fleurons de la réussite québécoise. Effectivement, vous êtes actifs dans plus de 100 pays dans le monde, alors qu'il y a 50 ans, les Québécois n'étaient supposément pas capables de construire une centrale électrique dans le Grand Nord. Pour moi, Lavalin, c'est bien.
Toutefois, je n'arrive pas à comprendre une chose. Un peu plus tôt, quelqu'un a parlé de précipitation. On se prépare à signer quelque chose avec ce pays, et des gens nous proposent de faire une dernière étude d'impact indépendante sur les droits de la personne qui ferait la lumière sur les allégations faites ici. Seriez-vous prêt à attendre quelques mois avant qu'on signe, pour qu'on fasse cette étude?
Ce n'est pas à moi d'accepter ou de refuser. Le Parlement et le gouvernement du Canada feront ce qu'ils veulent, mais...
Je le sais, mais, en tant qu'individu, est-ce que vous accepteriez ça? Qu'est-ce qui vous presse tant?
On est là, et on y sera. Par conséquent, le plus d'aide que l'on recevra des deux gouvernements pour appuyer notre commerce là-bas, le mieux ce sera. Il me semble que ce n'est pas un processus très précipité puisqu'on parle depuis trois ans de ces questions.
Si on terminait par une étude sur les droits humains, et que cela permettait de clore le débat et de passer à la signature, si nous étions tous satisfaits de ce qu'on y trouvait, seriez-vous favorable à ce qu'on le fasse?
Je vous poserai une seule question: pensez-vous vraiment qu'une étude comme cela fermerait le débat?
Si elle ne permettait pas de clore le débat, ce serait parce que ce serait négatif. Si c'était positif et que les choses étaient positives, je ne vois pas pourquoi on n'admettrait pas que cela puisse nous amener à des endroits imprévus.
[Traduction]
Nous avons terminé le deuxième tour. Comme je l'ai dit au début, certains membres du comité ont d'autres obligations et nous allons donc mettre fin à la réunion.
Je remercie tous les témoins d'être venus et, même si nous avons beaucoup apprécié votre contribution, j'espère ne pas vous revoir sur le même sujet.
Nous continuerons l'audition des témoins mardi. J'ai l'impression que nous devrons nous pencher sur notre projet de rapport concernant le commerce avec les États-Unis après la semaine de congé, et peut-être même après en avoir fini avec le projet de loi C-2.
La séance est levée.
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