Bonjour. Soyez les bienvenus à cette 48e séance du Comité permanent du commerce international. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude de l'entente avec AbitibiBowater.
Ce matin, nous accueillons M. Fred McMahon, vice-président de la recherche à l'Institut Fraser, et M. Scott Sinclair, agrégé supérieur de recherche, Centre canadien de politiques alternatives, qui a déjà comparu devant nous. Je vous remercie d'être venus et de vous être frayés un chemin dans la gadoue en ce matin neigeux à Ottawa.
Je crois que nous sommes prêts à commencer. Nous procéderons de la manière habituelle. Nos témoins vont chacun prononcer leur déclaration préliminaire, après quoi nous entamerons une série de questions. Nous devrions avoir le temps de faire deux tours aujourd'hui.
Nous allons commencer. Je vous demande de vous limiter à 10 minutes par déclaration préliminaire, afin qu'il nous reste du temps pour les questions. Commençons par vous, monsieur Sinclair, si vous êtes prêt.
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Bonjour. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître à nouveau devant votre comité.
L'entente avec AbitibiBowater soulève beaucoup de préoccupations. Je vais en aborder trois.
D'abord, AbitibiBowater a été en partie indemnisée pour la perte de ses droits relatifs à l'eau et au bois d'oeuvre sur les terres publiques. Normalement, ce ne sont pas des droits considérés comme compensateurs en vertu des lois canadiennes. La loi provinciale prévoyait une compensation du gouvernement à l'intention de la compagnie pour l'expropriation de ses actifs — terre, immeubles, équipement, etc. La compagnie ne s'est pas prévalue de cette possibilité; elle s'est plutôt tournée vers le tribunal d'arbitrage de l'ALENA.
Toutefois, la loi n'a pas permis, et à juste titre, à AbitibiBowater d'obtenir une compensation pour la perte de ses droits relatifs à l'eau et au bois d'oeuvre, qui ont été rendus à l'État. Ces ressources naturelles sont la propriété de la province et de la population de Terre-Neuve-et-Labrador. La province conserve la propriété des terres et le droit de révoquer les licences et permis, avec ou sans compensation, comme bon lui semble.
L'accès aux ressources naturelles de propriété publique — eau, bois d'oeuvre, minéraux, pétrole et gaz — n'est pas un droit de propriété, mais un droit éventuel ou conditionnel. Il repose sur le principe que le détenteur des droits relatifs aux ressources exploitera les ressources de façon productive, d'une manière avantageuse pour la population. Malheureusement — et c'est tragique quand une compagnie fait faillite et ferme sa dernière usine dans une province —, la compagnie n'était plus disposée ou capable de respecter les conditions de ce contrat social.
Les gouvernements provinciaux possèdent des pouvoirs exclusifs en ce qui concerne la propriété et les droits civils dans la province, y compris l'expropriation. Les provinces ont également un contrôle exclusif sur les ressources naturelles sur les terres publiques provinciales. Dans les décisions relatives à ces ressources, il faut trouver un compromis entre les intérêts des investisseurs et les autres intérêts légitimes, comme ceux des travailleurs, des entreprises locales, des collectivités et de la protection environnementale. En vertu du droit constitutionnel canadien et de la répartition des pouvoirs, il s'agit clairement de questions qui relèvent de la province.
En revanche, l'entente avec AbitibiBowater repose sur une conception ouverte et excessivement large des droits de propriété qui, comme on vous l'a déjà dit, va bien au-delà des protections raisonnables et des normes juridiques canadiennes.
Mon deuxième point porte sur le fait que 130 millions de dollars, c'est la compensation la plus importante jamais accordée en vertu du chapitre 11 de l'ALENA. Ce montant élevé encouragera sans aucun doute à l'avenir les réclamations investisseur-État concernant la réglementation relative aux ressources naturelles.
On se demande également s'il est équitable que le gouvernement fédéral dépense autant d'argent pour indemniser seulement l'investisseur, sans tenir compte des indemnités de départ et des pensions des travailleurs, des entreprises locales, des créanciers de la compagnie, et des coûts importants qu'entraîne la restauration de l'environnement. Cette entente renforce l'idée que le chapitre 11 de l'ALENA confère des droits aux investisseurs étrangers sans tenir compte de leurs obligations ni de leurs responsabilités.
Enfin, même si le gouvernement fédéral s'est engagé à ne pas chercher à recouvrer les coûts de cette entente auprès du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador, il a en fait avisé les gouvernements provinciaux et territoriaux qu'il entend les tenir responsables des futurs dommages et intérêts relatifs à l'ALENA en ce qui concerne les mesures provinciales.
C'est loin d'être une question abstraite ou hypothétique. Il y a eu 28 plaintes contre le Canada en vertu de l'ALENA; six des sept plaintes en cours portent sur une violation présumée des dispositions du chapitre 11 de l'ALENA par un gouvernement provincial ou territorial. Ces litiges concernent le refus par l'Ontario de permettre de disposer des déchets de Toronto dans une mine abandonnée; les restrictions imposées par le Québec quant à l'utilisation des pesticides à des fins esthétiques; la décision de Terre-Neuve-et-Labrador d'obliger les sociétés pétrolières à investir dans la recherche et le développement dans la province; la décision de la Nouvelle-Écosse de fermer une carrière suscitant la controverse, comme on le recommandait dans une évaluation environnementale fédérale-provinciale; et les mesures de conservation associées au saumon de l'Atlantique et au caribou du Nord.
Nous sommes témoins d'une crise constitutionnelle qui se déroule au ralenti. L'imposition de fait, en raison du pouvoir du gouvernement fédéral de conclure des traités, des droits relatifs aux investisseurs formulés de façon vague au chapitre 11 de l'ALENA limite la capacité des gouvernements provinciaux et territoriaux de légiférer et de réglementer, même dans des domaines de compétence provinciale exclusive.
En conclusion, les mesures prises par le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador dans cette affaire ont été légitimes, constitutionnelles et, à mon avis, louables. Cette entente crée un précédent inquiétant qui nuit à la propriété publique et au contrôle des ressources naturelles. Malheureusement, le gouvernement fédéral est intervenu pour compenser l'investisseur, en ne tenant pas compte des autres intérêts légitimes et revendications. Cela ouvre la porte à des ingérences injustifiées du fédéral dans d'importants champs de compétence provinciale dans l'avenir.
Merci.
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Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir invité.
J'aime beaucoup le spectacle de la neige à l'extérieur. Il y a une semaine, je me trouvais dans un petit village du Mexique, où les gens m'ont posé des questions à propos du climat canadien. Je leur ai assuré que le 1er mars, le pire de l'hiver canadien était toujours passé.
Je vais faire un bref commentaire au sujet de l'exposé que nous venons d'entendre, puis je vous parlerai d'une façon quelque peu inhabituelle d'envisager les choses.
Il faut absolument maintenir la primauté du droit, dont celle qui est issue des traités commerciaux. Si nous voulons obtenir l'équité dans nos investissements sur le plan mondial, nous devons offrir l'équité à ceux qui investissent au Canada. Quand une industrie repose sur l'utilisation des ressources naturelles et que cela fait partie des conditions pour lesquelles elle investit et crée des emplois au Canada, alors le fait de priver cette entreprise des ressources naturelles est effectivement une violation des droits de propriété, étant donné que ses investissements reposent sur cela.
Le gouvernement canadien ou les gouvernements provinciaux, s'ils le souhaitent et s'ils ont une raison valable de le faire, peuvent bien entendu exproprier des biens dans l'intérêt public. C'est bien reconnu, mais le droit à l'indemnisation pour l'expropriation des droits de propriété est également très important. C'est un bon équilibre; le gouvernement peut exproprier dans l'intérêt public, au besoin, et offrir l'indemnisation à laquelle s'attendraient les investisseurs canadiens à l'étranger.
Maintenant, comme je l'ai mentionné, je vais prendre un virage assez inhabituel et donner une perspective philosophique à la discussion.
Au départ, lorsqu'on m'a contacté pour comparaître devant le comité, on m'a dit qu'on s'inquiétait au sujet d'une violation de la souveraineté canadienne. Tout affaiblissement de la souveraineté est généralement considéré par mon ami du Centre canadien de politiques alternatives, par le Conseil des Canadiens, par CBC, comme une mauvaise chose.
La souveraineté, évidemment, tire son origine du souverain; la souveraineté signifiait le pouvoir du souverain. Maintenant, elle signifie le pouvoir de l'État. En fait, les plus grandes avancées qui se sont produites au cours des derniers siècles sont dues à une réduction de la souveraineté étatique, et les plus grandes tragédies, à l'affirmation de la souveraineté étatique.
La souveraineté étatique s'est affaiblie de deux façons: à l'intérieur du pays, étant donné que de plus en plus, le pouvoir du souverain s'est déplacé vers la personne et que l'espace entourant la personne s'est élargi, en limitant le pouvoir de l'État; et à l'extérieur du pays, par les traités commerciaux, les traités de paix, et les autres liens internationaux, qui ont été extrêmement avantageux.
Le refus d'abandonner toute forme de souveraineté peut être résumé par ce qui se trouvait sur la page d'accueil du Conseil des Canadiens durant sa lutte contre l'accord multilatéral...
Citer quelqu'un, ce n'est pas l'attaquer, et la question de la souveraineté entre certainement en ligne de compte ici. On l'a sûrement abordée dans les discussions. Je ne vois pas pourquoi elle ne concerne pas la question dont nous sommes saisis.
Le Conseil des Canadiens a écrit:
Au fil des ans, notre souveraineté nationale a été réduite d'abord par la Charte des droits, puis l'accord de libre-échange et l'ALENA. Mais ce n'est rien comparativement à l'AMI.
Comme vous le voyez, on se plaint de l'affaiblissement de la souveraineté sur le plan individuel et de l'affaiblissement de la souveraineté à l'extérieur du pays. On convient que le cas d'AbitibiBowater est un affaiblissement de la souveraineté. Il lie le Canada à divers accords commerciaux internationaux, qui sont importants pour notre bien-être, compte tenu de la taille très réduite du marché canadien et du fait que nous avons besoin de spécialisation pour que nos industries puissent accéder au marché mondial et produire ici des biens de façon efficace. À moins que nous continuions à respecter...
Ce que j'essaie de dire ici, c'est que la souveraineté ne devrait pas être considérée automatiquement comme une bonne chose. En fait, dans le passé, la diminution de la souveraineté a souvent été bénéfique pour les personnes et la croissance économique. Nous respectons simplement ici la primauté du droit international par une indemnisation pour la perte de droits de propriété. Voilà qui conclut ma déclaration.
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Merci, monsieur le président. Merci, monsieur Richardson.
Je remercie aussi nos témoins de leurs opinions polarisées.
Monsieur Sinclair, j'aimerais commencer par vous.
Je ne suis pas un expert, mais comme alternative, puisque ce mot se trouve dans le nom de votre centre, je crois qu'il serait préférable que vous engagiez une conversation à trois entre le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et Abitibi pour transférer des fonds, oui, mais en même temps pour en arriver à une entente afin de restaurer les terres.
Disons que cette propriété est incroyablement polluée. J'ai grandi là-bas. C'est une usine centenaire; les normes environnementales n'ont jamais été resserrées avant les années 1980; il n'y a donc pas eu de normes environnementales concrètes durant 75 ans.
Je crois que ce qui inquiète les gens là-bas... Vous avez parlé de la question des pensions, qui est très importante, surtout pour les ouvriers en électricité qui ont été mutés. Il y a aussi les créanciers, qui reçoivent environ 10 à 20 ¢ par dollar, et il y a bien sûr les autres questions concernant les sommes dues par Abitibi, mais dans ce cas-ci, ce qui est scandaleux, c'est qu'on a versé 130 millions de dollars, mais que rien n'est encore fait. Il nous faut tout de même dépenser de l'argent.
Je vais vous laisser répondre et je vais ensuite poser une question à M. McMahon.
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C'est exact. On disait que les droits dont vous avez parlé au début, relativement au bois d'oeuvre et aux cours d'eau, appartenaient assurément à la population, et qu'ils étaient prêtés à la compagnie, si l'on peut dire, ou utilisés par la compagnie pour faire des profits. Seulement cela me dérange que deux groupes...
La province a fait ce qu'il fallait, et quand la contestation a été présentée en vertu de l'ALENA, on aurait dit que le gouvernement fédéral n'était pas intéressé à discuter des façons de contourner ce problème. Je le répète, on a versé 130 millions de dollars, et pour quoi? Nous l'ignorons.
Monsieur McMahon, il s'agit probablement davantage d'une question philosophique qu'autre chose. Examinons un moment le secteur pétrolier, et cela concerne les droits relatifs au bois d'oeuvre également. Lorsqu'on fait de l'exploration dans une certaine région et qu'on trouve quelque chose, on obtient une licence d'exploration, qui expire après une certaine période. Si on fait une découverte, selon l'Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, on reçoit ce qu'on appelle une « licence de découverte importante », et on peu ne rien faire aussi longtemps qu'on le veut tout en ayant les droits exclusifs.
Dans le cadre du projet de mise en valeur du champ Hebron, une compagnie a laissé traîner les choses sans rien faire durant 20 ans. Elle a plutôt voulu investir dans d'autres régions, comme au Mexique. Selon moi, cette ressource appartient à la population, mais en fait, elle appartient aux sociétés pétrolières.
Je soulève ce point seulement parce que je crois que la même chose peut s'appliquer ici aux droits relatifs au bois d'oeuvre, ainsi qu'aux cours d'eau. Sommes-nous suffisamment stricts dans la façon dont nous gérons nos propres ressources?
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins, et M. Sinclair en particulier. Vous avez fait vos devoirs; vous êtes de toute évidence bien au fait du dossier. Nous vous remercions de nous faire profiter de vos connaissances.
Je diviserai mes questions en deux volets. Vous avez mentionné, et cela m'a beaucoup intéressé, que même si le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador avait adopté une loi qui permettait d'indemniser la compagnie pour les actifs réels, la compagnie n'a pas emprunté cette voie.
J'aimerais qu'on me donne un peu plus de détails ici, parce que la compagnie n'a pas donné suite à cela. Elle n'a pas utilisé le système judiciaire. D'une façon très concrète, elle a tenté d'éliminer la primauté du droit en s'adressant directement au gouvernement fédéral, la main tendue pour réclamer de l'argent. Il n'y a pas eu de procédure judiciaire. De toute évidence, la compagnie n'aurait pas eu gain de cause devant un tribunal.
Quel impact cette décision — le fait d'être en mesure de faire fi de la primauté du droit, de ne pas passer par le système judiciaire et de simplement aller réclamer de l'argent au gouvernement fédéral — a-t-elle maintenant sur les compagnies?
Je trouve également intéressant qu'il s'agisse d'une compagnie canadienne ayant son siège social au Canada. C'est ce qu'ont confirmé les témoins du MAECI, mardi dernier. Ce qui était censé être utilisé par les investisseurs étrangers peut maintenant l'être par les entreprises canadiennes. Je suis curieux de savoir ce que cela implique.
Voici ma dernière question. Nous comptons les centaines de millions de dollars accordés: 130 millions à AbitibiBowater; une autre somme de 30 millions assumée par le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador, soit certainement une indemnisation partielle; les coûts de la restauration environnementale dont a parlé M. Simms, qui représentent des centaines de millions de dollars. Compte tenu du fait que le gouvernement n'oblige pas AbitibiBowater à respecter ses engagements et qu'il délie tout simplement les cordons de la bourse, combien cela coûtera-t-il aux contribuables du Canada et de Terre-Neuve-et-Labrador?
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D'abord, la loi de Terre-Neuve prévoyait que le gouvernement de Terre-Neuve indemnise AbitibiBowater pour ses actifs réels — sa terre, son équipement et les actifs normalement considérés comme indemnisables dans le cadre d'une expropriation en vertu du droit canadien.
La loi a également bloqué les actifs de la compagnie devant les tribunaux, ce qui est plus fréquent qu'on ne le pense au Canada. Surtout dans les domaines de la réglementation et de la protection environnementales, il n'est pas rare qu'un gouvernement éteigne toutes les revendications et mette en place un processus de règlement ou, dans certains cas, impose même un règlement.
Selon moi, il ne fait aucun doute que si AbitibiBowater avait suivi ce processus, elle aurait, à un moment donné, reçu la valeur de ses actifs réels. Elle n'aurait peut-être pas été entièrement satisfaite, mais peut-être que oui.
Je ne suis pas au courant des discussions qui ont eu lieu. Manifestement, il y a eu des discussions entre la province et la compagnie au sujet de l'indemnisation et, comme on nous l'a dit, il y a eu également des discussions trilatérales. J'ignore si elles portaient uniquement sur le dossier relatif à l'ALENA.
Comme nous l'avons entendu dans le témoignage de mardi — et je ne suis pas au courant de ces négociations —, le gouvernement de Terre-Neuve a insisté pour que les autres revendications légitimes soient prises en compte dans le règlement.
Une voix: Vous parlez des revendications raisonnables.
M. Scott Sinclair: Oui. Elles incluent les indemnités de départ, les pensions et la restauration environnementale. Sa position était claire. Vous devrez inviter les représentants de la compagnie à comparaître pour discuter de ce qui s'est passé.
Ce que vous dites à propos de la nationalité de la compagnie est très important. Encore une fois, il s'agit d'un autre de ces problèmes concernant un système d'arbitrage vague et mal défini. Dans ce cas-ci, AbitibiBowater, à la suite de la fusion, menait au moins d'importantes activités commerciales aux États-Unis.
Il y a des cas comme celui de Gallo, dans lequel la loi de l'Ontario a permis de mettre fin au projet de dépotoir d'Adams Lake, pour lequel les investisseurs nationaux ont déjà obtenu un règlement et été indemnisés. Ils ont maintenant passé la plainte à un citoyen américain, qui poursuit le processus en vertu de l'ALENA. À mon avis, c'est tout à fait inacceptable.
Gus Van Harten vous a dit dans son témoignage que ce type de manigance est très courant, malheureusement, dans le cadre de l'arbitrage international.
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Ce qui est important à propos de la revendication d'AbitibiBowater, c'est qu'il était approprié pour la compagnie de s'attendre à recevoir une indemnisation. Je pense que le gouvernement de Terre-Neuve a accepté de lui en verser une pour ses actifs réels.
Contrairement à ce qu'a dit M. McMahon, tous les droits relatifs aux ressources ne sont pas considérés comme des droits de propriété. Il ne s'agit pas simplement pour les gouvernements de légiférer sur cette question. Même quand les gouvernements ne font pas de prescription et qu'ils laissent cela aux tribunaux, il existe une présomption de common law selon laquelle une compensation sera versée.
Les tribunaux ne protègent pas tous les types de droits relatifs aux ressources et de permis. Il ne s'agit pas d'un droit de propriété. Ce sont des ressources qui appartiennent à l'État. C'est un problème dans chaque province au Canada. J'ai été fonctionnaire provincial, et je peux vous dire que toutes les provinces canadiennes, y compris celles qui sont très favorables à ces ententes, protègent leurs droits relatifs aux ressources et insistent sur le principe que ce sont des ressources appartenant à l'État et que l'accès à ces ressources est un droit conditionnel.
En ce qui concerne votre dernier point, oui, il y a beaucoup de revendications. Il y a beaucoup d'intérêts en jeu ici. Malheureusement, les divers ordres de gouvernement en paient la note. Le gouvernement de Terre-Neuve est intervenu, mais je suis déçu que la seule intervention du fédéral ait été faite uniquement au nom de la compagnie et de ses investisseurs.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais partager mon temps de parole avec M. Trost.
Puisque M. Julian a cru bon de ne poser des questions qu'à M. Sinclair, je vais peut-être accorder la même période à McMahon sur cette question, afin que nous obtenions une perspective réfléchie et équilibrée.
C'est très intéressant; d'après ce que j'ai entendu, les principaux acteurs dans cette situations sont, bien sûr, la province de Terre-Neuve-et-Labrador — je n'oserai pas dire, monsieur Simms, la « république », puisqu'il est un peu tôt pour l'appeler ainsi —, ainsi qu'AbitibiBowater et le gouvernement du Canada. Nous ne devons pas oublier que ce qu'il y a de tragique, c'est que cela ait été accepté. Je ne crois pas que ce soit le résultat que tout le monde souhaitait.
Dans toute cette situation, nous avons un système d'échanges fondé sur des règles qui permet aux compagnies de conclure adéquatement des contrats juridiques. S'il y a des différends, nous avons un mécanisme de règlement des différends qui donne des résultats. Cela m'amène à me demander à quoi on s'attendrait en l'absence d'un système d'échanges fondé sur des règles.
Monsieur McMahon, vous avez fait valoir un très bon point. Si nous nous attendons à l'équité dans les relations d'affaires canadiennes sur le plan international, sans que l'on respecte la primauté du droit, notamment en matière de commerce, comment peut-on atteindre cet équilibre? Autrement dit, à quoi peuvent s'attendre les entreprises canadiennes à l'étranger dans leurs relations d'affaires?
Pourriez-vous nous en parler un peu, s'il vous plaît?
Les entreprises canadiennes et québécoises — Bombardier, par exemple — ont des réseaux internationaux. Les sorties et les entrées d'investissements canadiens sont à peu près égales. La majorité de nos grandes entreprises, ou quelques-unes d'entre elles, survivraient sans les marchés internationaux. J'ai mentionné Bombardier, et il y a aussi Magna. Prenez n'importe quelle grande industrie de fabrication ou de services au Canada, comme nos banques; si les règles étaient tout simplement écartées, comme le souhaiterait mon ami, nos entreprises seraient laissées en plan à l'échelle internationale.
J'aimerais faire une autre observation sur le plan national. Si nous donnons aux provinces canadiennes une souveraineté sans entrave sur les ressources afin qu'elles puissent conclure et rompre des ententes lorsqu'elles le souhaitent — retirer les droits relatifs au bois d'oeuvre, aux minéraux, à l'usage de l'eau qu'ils ont accordés — et que nous leur donnons le pouvoir de le faire sans accorder de compensation, nous mettrons tout simplement fin à toutes les activités d'exploration minière, pétrolière et gazière et à toute la récolte de bois d'oeuvre au Canada. Aucune compagnie ne voudra s'impliquer si, un mercredi, le gouvernement provincial peut tout simplement dire: « Toutes ces terres appartiennent à l'État. Nous avons décidé de mettre fin à vos activités. Peu importe que vous veniez de dépenser un milliard de dollars pour construire une mine. Nous vous enlevons vos ressources minérales parce que c'est ce que nous voulons. » Ce pourrait être pour quelque raison que ce soit. Personne n'investirait dans ces industries qui sont si importantes pour les régions rurales du Canada.
C'est la même chose sur le plan international, comme vous l'avez très bien souligné, mais si nous allions jusqu'au bout de ce qu'on recommande ici, sans qu'il y ait de compensation pour les droits relatifs aux ressources au Canada, et si nous acceptions que les provinces aient la souveraineté et ne soient pas limitées par leurs propres accords, nous porterions également un coup dévastateur à notre économie et au milieu rural.
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Vous savez, c’est plutôt intéressant; dans votre exposé, vous avez parlé d'adopter une approche philosophique. Je dois vous avouer que j’ai étudié la philosophie à l’Université Western, et c'est la raison pour laquelle j’ai travaillé dans le domaine des assurances. C’est ce qu’on peut faire avec un diplôme en philosophie, du moins selon moi.
Une voix: On peut faire de la politique.
M. Ed Holder: Vous avez raison, et je tiens à dire que ma mère qui venait de l’île du Cap-Breton était très fière.
Des voix: Bravo, bravo!
M. Ed Holder: J’ai l’impression de toujours revenir sur ce point, mais j’ai entendu deux ou trois commentaires de mon collègue, M. Julian, que je dois remettre en cause. On ne peut pas entendre ces propos sans réagir. C'est inapproprié.
Il a entre autres dit qu'AbitibiBowater a bafoué la primauté du droit et que l'entreprise demandait le double, le triple ou le quadruple en indemnisation. C’est scandaleux, selon moi, et je dois réagir et dire que c’est inapproprié.
Voici ma dernière question, et je vous demande d'être plus bref que je l’ai été pour poser ma question afin que M. Trost puisse lui aussi poser une question. Qu’avons-nous appris de l'ensemble des transactions entre AbitibiBowater, le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral?
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Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup, messieurs.
Soit dit en passant, monsieur McMahon, j’aimerais remercier les gens de l'Institut Fraser de leur commentaire. Ils recommandaient au gouvernement Harper de suivre les traces du précédent gouvernement libéral pour ses politiques économiques. Merci beaucoup. Je trouvais que c'était très perspicace.
Je vais vous parler de ma formation. J’ai fait des études non pas en philosophie, mais bien en droit international. Je suis d'avis que la signature d’accords commerciaux internationaux ne signifie pas l’abandon de sa souveraineté; c’est en réalité l'exercice de sa souveraineté. La signature d’ententes contractuelles est en réalité une façon d'exprimer notre souveraineté, mais cette discussion sera pour une autre fois.
Monsieur Sinclair, certains enjeux pertinents ont été soulevés, et notre problème est que nous ne serons pas capables de les aborder en cinq minutes. Par conséquent, je suggérerai en fait au comité d'en discuter dans une prochaine séance. Au sujet des droits de propriété, il y a une très grande différence entre un droit de propriété et un droit d'utilisation. Par exemple, si vous avez signé un contrat d'approvisionnement de trois ans pour des gadgets et que le fournisseur de gadgets arrête de vous en fournir à la moitié du contrat, vous aurez une réclamation fondée en droit contre ce fournisseur pour le tort causé par la perte d'accès à ces gadgets pour l'année et demie restante au contrat.
Je ne crois pas que c'est mal d'indemniser quelqu'un dans le cas d'une résiliation avant terme d'un droit d'utilisation de l'eau, d'un droit de coupe ou de la perte d'accès à ces ressources. Je ne crois pas qu'il faille nécessairement une dénégation des droits de propriété sous-jacents des ressources pour offrir une indemnisation si, dans les faits, un accord a été conclu pour leur utilisation et qu'il a été résilié avant terme.
Comme je l'ai mentionné, nous serons incapables d'aborder ces questions en cinq minutes, mais j'aimerais en discuter plus longuement, parce que je crois, comme vous, que nous devons nous assurer de conserver ce droit de propriété et tous les droits s'y rattachant dans les provinces et les territoires.
Voici mon autre problème. Nous avons entendu dire qu'il se peut qu'il y ait eu une utilisation abusive de la nationalité des entreprises pour profiter du chapitre 11. Certains mettent en doute l'objectivité du conseil arbitral, et il faut aborder ce sujet. Nous souffrons très clairement d'un manque de communication, et c'est le sujet sur lequel j'aimerais vous entendre maintenant et dont j'aimerais discuter, encore une fois, plus longuement, parce que le Canada négocie actuellement avec l'Europe, et c'est un exemple parfait. Je crois que nous avons là l'occasion d'apprendre des problèmes rencontrés dans l'ALENA et de nous permettre dans nos discussions avec l'Europe de peut-être mieux formuler les termes de l'accord — d'être plus clairs au sujet de la question de la nationalité, par exemple, et d'aborder des questions que nous comprenons mieux.
Tout commentaire que vous pourriez faire à ce sujet, après coup, nous serait très utile.
Enfin, l'élément le plus important que j'ai retenu du dossier d'AbitibiBowater est l'incroyable manque de communication qui fait en sorte que le gouvernement fédéral et les contribuables devront payer une indemnisation qui aurait pu, en théorie, servir... Je ne suis pas du tout contre l'idée d'indemniser quelqu'un, mais cette indemnisation aurait pu être transférée vers les autres dettes, comme la réhabilitation des sites qui n'a jamais eu lieu et les pensions qui n'ont jamais été versées.
C'est très frustrant d'espérer des réponses en cinq minutes.
Parlons donc des ressources appartenant à l'État. Tout d'abord, je ne suis pas certain qu'il y avait un contrat de location dans le cas d'AbitibiBowater à Terre-Neuve. Je ne sais pas s'il s'agissait d'un contrat de location ou si la propriété leur appartenait en fait.
C'était un contrat de location. Le savons-nous? Il y a une différence. Nous pouvons aborder l'utilisation des ressources naturelles dans un contrat de location, et cette location peut tout à fait être modifiée à la fin du contrat ou en cours de route au moyen d'une procédure établie aux termes du contrat. Si la propriété vous appartient, il faut avoir recours à l'expropriation. Cette méthode n'est pas utilisée dans le cas d'un contrat de location, selon ce que je sais.
Au sujet des droits de coupe, d'où vient l'idée que ces droits sont différents des autres biens? Ils ne le sont pas. Si je comprends votre résumé et votre explication à ce sujet — et c'est ce que j'essaie de faire —, en tant que propriétaire foncier, ma propriété ne m'appartient pas. Je ne fais que la louer au gouvernement, tant que je paie mon impôt foncier. Je ne crois pas que la majorité des Canadiens vous appuieraient. Selon moi, ils pensent que leur propriété leur appartient, mais qu'ils peuvent être expropriés pour le soi-disant bien public dans certaines circonstances. Cependant, d'ici là, notre propriété nous appartient. Dans chaque province, différents règlements sont utilisés. En Nouvelle-Écosse, je crois que nous possédons les 7 ou 10 premiers pieds en dessous de la surface. Après, les droits miniers peuvent appartenir à quelqu'un d'autre, mais notre propriété nous appartient.
Je ne vois pas comment vous pouvez dire que c'est différent, seulement en raison de la présence de droits de coupe.
Une voix: Votre prochain témoin vous l'expliquera.
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Bon retour. Nous allons maintenant accueillir le deuxième groupe de témoins et poursuivre notre étude de l'entente avec AbitibiBowater. Dans cette deuxième partie de la séance, nous recevons M. Jean-Michel Laurin, vice-président des Politiques d'affaires mondiales chez Manufacturiers et exportateurs du Canada. Bon retour parmi nous, monsieur Laurin. Il est bon de vous avoir ici.
Nous accueillons également M. David Coles, président du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier. Bienvenue, monsieur Coles, et merci d'être des nôtres aujourd'hui.
À titre personnel, nous recevons des gens qui remplaceront les témoins qui devaient venir pour je ne sais trop quelle raison. Il s'agit de M. Michael Woods, associé du Groupe du droit du commerce et de la concurrence chez Heenan Blaikie, et de Mme Alexandra Logvin, avocate du groupe de litige chez Heenan Blaikie. Je vous remercie d'être venus à la dernière minute.
Je comprends qu'on vous a en quelque sorte obligés à comparaître, et je vous remercie d'avoir pris le temps de vous être déplacés à court préavis. Je vais vous donner l'occasion d'expliquer plus en détail ce qu'il en est au début de votre intervention. Je ne sais pas si vous avez préparé une déclaration liminaire, mais le cas échéant, je vais demander à nos autres témoins d'être brefs car il ne nous reste qu'environ 45 minutes.
Nous commencerons avec les déclarations liminaires. Je vous prierais encore une fois d'abréger un peu vos exposés pour qu'on puisse poser des questions. Nous allons maintenant débuter avec nos témoins.
Nous entendrons d'abord M. Coles, président du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier.
On vous écoute, monsieur Coles.
Je remercie les membres du comité également. Je vous suis reconnaissant de nous donner l'occasion de faire connaître le point de vue des travailleurs.
J'aimerais vous parler brièvement de mes antécédents. Il est très singulier pour un dirigeant syndical d'avoir passé la majorité de son temps au cours des deux dernières années dans des salles de conseils d'administration pour traiter de problèmes entourant la LACC, le droit commercial international et la Loi sur la faillite.
Je ne suis pas un avocat; je suis un négociateur. Toutefois, j'ai présidé les négociations avec AbitibiBowater pour tenter de trouver — et on a fini par y arriver — un moyen de se soustraire à la protection de la LACC.
Encore une fois, je m'appelle Dave Coles et je suis le président du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier. Nous représentons 130 000 membres environ, y compris plus de 60 000 travailleurs du secteur forestier, dont 7 500 sont employés par AbitibiBowater. Il y a aussi un autre groupe d'environ 20 000 anciens employés, que nous comptions parmi nos membres et qui sont maintenant à la retraite.
En mars 2009, AbitibiBowater a fermé l'usine de papier de Grand Falls-Windsor à Terre-Neuve-et-Labrador, et plus de 500 travailleurs ont perdu leur emploi. Nous avons représenté ces fiers travailleurs qui étaient confrontés à un choix douloureux, soit se plier aux demandes de l'entreprise — ils avaient tenu des négociations —, soit faire d'importantes concessions. À l'époque, AbitibiBowater jouait vraiment dur avec nos membres.
Comme de fait, les travailleurs de Grand Falls-Windsor ont dû se contenter du second choix. Ils se sont alors fait voler leurs derniers droits qui avaient été négociés par contrat — leurs indemnités de cessation d'emploi.
Il est important de placer le conflit entre AbitibiBowater et Terre-Neuve-et-Labrador dans son contexte approprié. Lorsque Terre-Neuve-et-Labrador a adopté le projet de loi 75, qui a révoqué les droits de coupe et d'utilisation de l'eau d'AbitibiBowater et a exproprié les actifs d'hydroélectricité avec l'usine, c'était parce qu'AbitibiBowater avait fermé l'usine de Grand Falls et refusait de verser les indemnités de cessation d'emploi aux travailleurs de l'usine.
Le 30 avril 2009, approximativement un mois après la fermeture de l'usine, le premier ministre Danny Williams a lancé un ultimatum à AbitibiBowater en réclamant à l'entreprise de respecter ses obligations relatives au versement des indemnités de cessation d'emploi aux travailleurs, à défaut de quoi il pourrait recourir à l'expropriation. Par ce geste, le premier ministre a agi de manière proactive pour défendre les droits de ses citoyens d'obtenir ce qui leur est dû.
L'entreprise s'est plutôt placée sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, la LACC. Il faut prendre note que l'indemnité devait être payée 48 heures plus tard, mais l'entreprise a contourné les paiements en se mettant sous la protection de la LACC — une coïncidence, comme diraient certains.
Ainsi, le premier ministre a agi, le gouvernement est intervenu et a versé plus de 30 millions de dollars en indemnités de cessation d'emploi qui étaient dues aux personnes ayant perdu leur emploi à Grand Falls. À ma connaissance, ce geste du gouvernement est sans précédent au Canada. Je devrais ajouter que j'ai pour ma part dû signer un billet à ordre de 30 millions de dollars — c'était en fait de 33 millions de dollars — avec le premier ministre pour veiller à ce que si le syndicat gagnait ses causes devant les tribunaux, nous rembourserions les 33 millions de dollars. Nous n'avons pas gagné, et j'ai été dispensé de cette responsabilité.
Nous devons aussi être clairs quant aux conditions de l'expropriation. Les droits de coupe et d'utilisation de l'eau accordés par Terre-Neuve-et-Labrador aux propriétaires de l'usine de Grand Falls-Windsor en 1905, au départ à la Anglo-Newfoundland Development Company, étaient conditionnels à l'exploitation d'une usine dans la province. C'est dans l'article 3 du bail de 1905 entre Terre-Neuve-et-Labrador et l'entreprise, et vous verrez que c'est énoncé dans mon rapport.
Le bail de 99 ans a été renouvelé en 2002, mais seulement à la condition — une condition contractuelle — que la machine no 7 reste en marche. Advenant le contraire, la loi provinciale stipulait que le bail serait révoqué et que les droits de coupe et d'utilisation de l'eau retourneraient au domaine public.
C'était la loi.
La grande question est de déterminer si AbitibiBowater utilisait des ressources publiques pour exploiter une usine de papier ou pour être un producteur privé d'électricité. Autrement dit, est-ce que les licences d'utilisation des ressources pour le développement économique sont juste une autre forme de propriété privée, qui peuvent être utilisées ou non, ou vendues sans tenir compte de l'intérêt public?
Quant aux actifs d'hydroélectricité et à l'usine elle-même, Terre-Neuve-et-Labrador a annoncé sa volonté d'indemniser AbitibiBowater. J'étais dans les salles de conférence quand ces discussions ont eu lieu. Le premier ministre n'a jamais dit — du moins pas quand j'étais là — qu'ils n'allaient pas trouver un moyen d'indemniser AbitibiBowater car ils savaient qu'ils avaient le droit contractuel de le faire.
Ce n'était pas suffisant. L'entreprise a alors déposé une contestation en vertu de l'ALENA de 50 millions de dollars. À ce moment-là, j'ai dit à l'entreprise qu'elle commettait une erreur et que si nous en avions l'occasion, nous contesterions. Plutôt que d'attendre le jugement du tribunal du commerce non élu qui aurait, selon toute probabilité, favorisé le Canada puisque le contrat de bail de 1905 était solide sur le plan judiciaire, le gouvernement fédéral a simplement réglé l'affaire hors cour pour 130 millions de dollars.
D'après ce que je sais concernant ces actifs, ils ont payé un prix assez élevé pour une opération de très faible valeur. Cela revient à dire à AbitibiBowater, « Vous aviez raison. Nous avions tort. En passant, nous reconnaissons que les ressources forestières et hydriques sont les vôtres et non celles des provinces ». Cela nous ramène à la loi.
Mardi dernier, Steven Shrybman a fortement insisté sur le fait que le règlement hors cour, plutôt que de faire disparaître le problème, risque d'avoir des conséquences très graves sur le statut des ressources du Canada. Nous sommes d'accord. La décision hâtive de ce gouvernement fédéral dans cette affaire servira peut-être de jurisprudence lorsqu'une entreprise, à qui un permis ou un bail a été accordé pour utiliser ou exploiter une ressource, comme l'eau ou la forêt, peut demander d'être indemnisée si ce permis est révoqué.
Ce fut une surprenante et dangereuse concession que le gouvernement fédéral a faite. Nous ne souscrivons pas aux dispositions du chapitre 11. C'est un fait indéniable. Nous pensons qu'elles ne représentent rien de moins qu'une charte des droits pour des investisseurs étrangers qui permettent à des tribunaux du commerce non élus de prévaloir non seulement sur les gouvernements démocratiquement élus, mais aussi sur le processus judiciaire légitime du pays. Or, les dispositions du chapitre 11 existent. Et pendant qu'elles existent, il y a des chances que le processus en vertu du chapitre 11 statue contre le requérant, comme il l'a fait dans l'affaire UPS, ou qu'il minimise les réclamations d'un investisseur étranger, ce qui a été fait dans l'affaire S.D. Myers, où le Canada a seulement été tenu de verser 850 000 $ des 20 millions de dollars que réclamait l'entreprise. Or, tous sont perdants lorsque le gouvernement fédéral plaide simplement coupable et reconnaît le droit d'une entreprise à des ressources qu'elles ne possèdent pas, mais qu'elles louent seulement.
Notre seule consolation dans cette affaire, c'est que grâce aux actions du premier ministre Williams, nous avons reçu les indemnités de cessation d'emploi pour nos membres.
Merci.
:
Je m'appelle Michael Woods. Je suis avocat spécialisé dans le commerce international chez Heenan Blaikie, dont les bureaux sont situés tout près d'ici sur la rue Metcalfe, et c'est d'ailleurs pourquoi je suis ici. La personne que vous vouliez vraiment entendre, c'est mon grand ami, Todd Weiler, qui n'a pas pu quitter London à cause du mauvais temps. Il vous présente ses excuses.
Je ne vais pas faire une vraie déclaration liminaire. Je suis simplement ici pour expliquer que je suis le remplaçant et que je n'ai pas travaillé sur l'affaire, d'un côté comme de l'autre. Je ferai de mon mieux pour répondre aux questions. Je ne me suis pas attardé sur les détails du projet de loi. Nous, qui oeuvrons dans le domaine du droit commercial, suivons les causes qui sont en lien avec le chapitre 11.
La relation fédérale-provinciale m'intéresse beaucoup. Je suis très curieux de savoir comment les gens perçoivent l'avenir de l'ALENA. Je suis très intéressé par l'idée selon laquelle nous ne devrions pas considérer être à un point donné. Il est très difficile d'ouvrir les accords commerciaux et de les modifier, et le danger que cela présente — et nous avons eu ces discussions dans le passé au sujet de l'ALENA —, c'est que nous pourrions perdre toute l'entente. Je pense que c'est un compromis acceptable en ce qui a trait à l'ALENA, et bien entendu au chapitre 11, et ce serait une triste journée si nous devions annuler un accord en entier ou s'il était délibéralisé, par exemple.
Cela dit, je pense qu'il y a beaucoup de place pour des mécanismes administratifs et des façons d'envisager les échanges commerciaux dans l'avenir.
Je suis fier de dire que ma firme conseille le gouvernement du Québec dans les négociations sur l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne, et dans ce contexte, je crois que nous voyons une plus grande participation. Je ne m'occupe pas directement de ces discussions — c'est Pierre Marc Johnson et Véronique Bastien de notre bureau à Montréal qui sont chargés du dossier —, mais je constate de plus en plus d'échanges entre les provinces et le gouvernement fédéral à mesure que nous allons de l'avant avec ces accords de libre-échange, car on reconnaît que ces accords ont une incidence sur les provinces de même que sur le fédéral et qu'il y a bien des enjeux.
Ce n'est pas une situation unidirectionnelle. La raison pour laquelle nous avons les aspects du chapitre 11 et le règlement des différends opposant un investisseur à un État, qui est l'enjeu de taille, c'est qu'il s'agit d'un mécanisme vieux de 100 ans et qui protège les investisseurs canadiens, européens et américains partout dans le monde. C'est quelque chose que nous souhaitons avoir pour protéger nos investissements.
Le commerce est bilatéral. Les pays en développement où nous voulions une protection sont maintenant des pays comme le Brésil, qui investissent d'énormes sommes d'argent au Canada. Les investissements entre les États-Unis et le Canada sont considérables. Je n'ai pas les statistiques avec moi, mais il y a une protection supplémentaire.
De toute évidence, j'ai un intérêt direct dans le dossier. J'ai défendu des causes aux termes de l'ALENA. J'ai été avocat-conseil aux côtés de Todd Weiler, alors j'ai ce point de vue particulier, mais je pense que des progrès peuvent et devraient être réalisés au chapitre des relations fédérales-provinciales. C'est possible et réalisable.
Enfin, j'aimerais dire que comme je suis ici à titre de remplaçant et que j'ai parcouru l'affaire très brièvement, je suis d'avis... J'ai travaillé à la division du droit commercial. J'étais là quand nous avons négocié l'ALENA. J'étais là quand nous avons négocié l'accord de libre-échange. J'étais aussi là lors des négociations du Cycle d'Uruguay. Je ne suis pas si vieux, alors je n'étais pas là durant le cycle de Tokyo, mais j'ai fait partie des équipes du gouvernement de la défense et agi à titre d'avocat-conseil du requérant.
Les seuls documents que j'ai sont l'allégation à l'arbitrage, la déclaration d'intention et la revendication. Je connais les avocats des deux côtés. Je pense qu'ils ont adopté une position calculée, et ils ont obtenu un règlement. Je ne peux pas me prononcer sur les politiques du règlement ni sur comment on en est venu à une telle situation, mais si j'avais été l'avocat d'un côté comme de l'autre, j'aurais estimé que l'entente qui a été conclue était raisonnable. Si je retournais à la division du droit commercial du gouvernement, ou si je conseillais AbitibiBowater, je dirais qu'il y aura des risques dans l'avenir et qu'il s'agit là d'un règlement acceptable.
Pour ce qui est des autres éléments connexes, je ne me représente pas clairement ce qui s'est passé parce que je n'ai pas travaillé à ce dossier. Peut-être que cela me permet de parler plus librement, je comparais d'ailleurs aussi à titre personnel. Cependant, je peux vous dire que si vous avez une question difficile à poser et que vous obtenez des réponses différentes de deux avocats, comme vous le dites, je suis accompagné d'Alexandra Logvin, qui s'est jointe à notre cabinet en tant qu'étudiante et qui a travaillé à l'affaire sur le chapitre 11 de l'ALENA. Elle a beaucoup d'expérience de l'arbitrage international. Elle a également travaillé avec le gouvernement fédéral. Elle a travaillé à l'affaire UPS. Elle a travaillé avec nous et Todd Weiler à monter les dossiers des demandeurs.
Pour ceux qui se demandent comment trouver l'équilibre avec l'ALENA, je suis fier de souligner que nous nous sommes battus pour les exploitants de parcs d'engraissement de Picture Butte et de Lethbridge, entre autres, quand la frontière a été fermée à cause de l'ESB. Nous avons défendu les exploitants de bovins et avons regroupé les recours.
Il n'y a donc pas que des grandes entreprises qui poursuivent le gouvernement; c'est un outil à la disposition de quiconque a un investissement à protéger. En toute honnêteté, l'un des problèmes vient du fait que les particuliers et les entreprises n'ont pas assez de pouvoir pour poursuive directement le gouvernement, et j'aimerais qu'ils en aient plus. Cela leur coûte très cher. Il faut trouver des moyens de créer des tribunaux moins temporaires et plus économiques, donc moins coûteux pour les particuliers qui souhaitent poursuivre les pays qui nuisent à leurs investissements ou à leurs droits commerciaux, tout comme on peut poursuivre le gouvernement du Canada.
J'ai dit que je n'allais pas faire de déclaration liminaire, mais c'est ce qui arrive quand on place un avocat devant un micro.
:
Merci, monsieur le président.
Bonjour à tous.
[Traduction]
Je vous remercie de me donner la chance de comparaître encore une fois devant le comité ce matin au nom des Manufacturiers et exportateurs du Canada et de participer à vos discussions.
Avant de commencer, j'aimerais vous glisser quelques mots sur les Manufacturiers et exportateurs du Canada. MEC est la plus importante association commerciale et industrielle du Canada, nous sommes la voix des manufacturiers et des entreprises du Canada qui font des affaires internationales, comme vous le savez. Notre association représente plus de 10 000 entreprises de renom au Canada, et plus de 85 p. 100 de nos membres sont des petites et moyennes entreprises. Elles représentent tous les secteurs industriels et d'exportation de l'économie canadienne.
Comme vous le savez, l'industrie manufacturière exporte beaucoup. Plus de la moitié de notre production industrielle est exportée directement, essentiellement vers les États-Unis ou par les États-Unis. On doit aux manufacturiers les deux tiers des exportations du Canada, une grande partie de l'investissement direct du Canada à l'étranger et beaucoup d'investissements directs étrangers au Canada.
Il est de plus en plus essentiel pour les manufacturiers canadiens de faire leur marque sur les marchés internationaux, vous le savez. Plus les manufacturiers investissent dans l'innovation, plus ils deviennent agiles, spécialisés et aptes à répondre aux besoins de marchés niches, plus ils doivent trouver de nouveaux consommateurs et de nouveaux débouchés dans le monde. Cette réalité pousse beaucoup de nos membres à investir à l'étranger ou à essayer d'attirer des investissements étrangers au Canada. Le caractère concurrentiel de notre secteur dépend directement de notre pouvoir d'attirer des investissements étrangers au Canada et de notre pouvoir d'investir à l'étranger. Une grande partie des activités de nos membres découle aussi d'investissements directs étrangers que nous avons réussi à attirer au Canada et à conserver grâce au bon travail de nos membres.
Ces entreprises se battent jour après jour afin de conserver leurs mandats de production et d'attirer de nouveaux investissements au pays. Beaucoup souhaitent intensifier leurs activités hors Canada et doivent tirer parti des occasions d'investissement direct à l'étranger (par exemple aux États-Unis) pour contrebalancer l'incidence de la forte valeur du dollar canadien en ce moment. Nos membres nous disent qu'en cette fin de récession, les occasions d'affaires aux États-Unis, au Mexique et ailleurs dans le monde sont nombreuses et qu'elles sont essentielles pour accroître leur présence sur ce marché.
C'est la raison pour laquelle MEC est favorable à la promotion de l'investissement étranger et aux accords de protection tels que le chapitre 11 de l'ALENA et d'autres accords négociés ou en cours de négociation par le gouvernement canadien. Nous devons faire en sorte que les entreprises canadiennes qui investissent à l'étranger ne subissent pas de préjudice à la faveur des entreprises locales, et nous avons besoin d'assurer la même chose aux entreprises étrangères qui investissent au Canada, dans la mesure où nous obtenons un traitement réciproque dans l'autre pays.
Le but n'est pas de contraindre les gouvernements pour des questions comme l'expropriation, mais plutôt de nous doter d'un cadre juridique non discriminatoire, prévisible et axé sur des règles claires. Les accords de protection de l'investissement étranger protègent et favorisent l'investissement étranger par l'établissement de droits et d'obligations contraignants pour les sociétés canadiennes qui investissent à l'étranger comme pour les sociétés étrangères qui investissent au Canada ou y sont présentes.
Je crois que Don Stephenson du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a déjà témoigné ici cette semaine, donc je n'entrerai pas dans les détails. Je ne suis pas là pour discuter de détails, je suis là pour parler des incidences de tout cela sur les manufacturiers et les exportateurs partout au Canada. Je pense qu'il y a deux incidences d'importance à souligner.
Premièrement, je ne crois pas que la menace d'expropriation inquiétait beaucoup d'entreprises qui investissent au Canada jusqu'ici, des entreprises américaines en particulier. Ce n'est habituellement pas une question dont nous parlent nos membres. Certains diront que le cas d'AbitibiBowater est unique et spécial, mais que ce soit le cas ou non, la perception actuelle, c'est que l'expropriation est possible. Il y en a déjà eu des exemples, et la perception générale est que ce n'est pas positif.
Cette affaire établit aussi un précédent qui va porter les investisseurs à poser plus de questions à l'avenir. Ce n'est vraiment pas quelque chose que nous voyons d'un bon oeil. Nous ne voulons absolument pas que les investisseurs étrangers craignent qu'on puisse saisir leurs actifs. Et si leurs actifs étaient nationalisés ou expropriés, ce devrait être fait selon des règles applicables à tous. Il faut faire la preuve que tout cela se fait dans l'intérêt du public, et nous devons pouvoir garantir aux investisseurs qu'ils seront indemnisés convenablement le cas échéant.
Deuxièmement, je crois que cette affaire nous montre bien pourquoi nous avons besoin d'accords de protection des investisseurs, comme le chapitre 11 de l'ALENA: c'est pour que les expropriations se fassent selon des règles clairement établies et qu'il y ait des indemnités adéquates calculées selon la juste valeur marchande. Je ne vous lirai pas le texte de l'accord, mais si vous voulez le lire, vous verrez que les principes et les droits liés à l'investissement sont assez explicites. Je crois d'ailleurs que dans notre réflexion, nous devons tenir compte de l'incidence positive de cette mesure sur les sociétés canadiennes qui investissent aux États-Unis.
Pour conclure, je dirai que les accords de protection de l'investissement étranger, y compris le chapitre 11, nous offrent le cadre de droit dont nous avons besoin pour protéger et régir l'investissement étranger. L'affaire AbitibiBowater nous montre qu'il est fondamental de nous doter de telles règles.
Je vais m'arrêter là. Je suis prêt à répondre à vos questions.
Merci.
:
Monsieur Coles, je vous remercie de votre exposé. Vous avez clarifié certains points que nous avions soulevés au sujet des baux. Je vous en remercie. Je vais revenir à vous dans un instant.
Monsieur Laurin, voici ce que je pense de tout cela. Je comprends pourquoi vous revendiquez l'établissement de règles claires pour tous ceux qui investissent. Je n'y vois absolument aucun problème. Vous avez cité le chapitre 11 comme principal exemple de solutions en place aux mesures d'expropriation. Monsieur Woods, quant à lui, nous a donné un exemple de l'Alberta où les gens ont plus de pouvoirs. C'est très bien.
Prenons toutefois le temps de regarder ce qui se fait ailleurs. Pour le pétrole et le gaz, il est extrêmement complexe d'investir dans la mer du Nord. Le système là-bas est très avancé, je dirais même qu'à mon avis, c'est le plus avancé au monde. Ils ont ce qu'on appelle une loi sur les champs en jachère. Autrement dit, une société a tant d'années pour investir sur un certain territoire. Une fois établie, elle peut obtenir un permis et poursuivre ses activités, mais si elle ne fait rien, elle doit s'expliquer au bout de deux ou trois ans.
Le principe de base, c'est que l'espace n'appartient pas à ces sociétés. Il n'est pas leur à perpétuité. Il appartient à la population, à qui elles doivent rendre compte. Dans ce cas-ci, pour revenir au témoignage de M. Coles, vous pouvez évidemment parler de perception, mais en 1905, le système fonctionnait bien dans la province. Tous ces droits ont été consentis simplement parce qu'il fallait créer de l'emploi, un point c'est tout. On peut bien dire aujourd'hui que c'était il y a 100 ans, mais le principe a été renouvelé en 1992. C'était le principe de base du système.
Bon nombre d'entre nous avons été accusés d'expropriation sans raison apparente, et je crois que le premier ministre Williams s'est même déjà fait appeler « Danny Chavez ». Le fait est, cependant, qu'il avait raison: cela va dans les deux sens.
J'aimerais entendre d'abord M. Laurin à ce sujet. Monsieur Coles, j'aimerais connaître votre point de vue également.
:
Merci, monsieur le président. Je vais débuter et mon collègue poursuivra par la suite.
Bonjour, madame et messieurs. Cela me fait extrêmement plaisir de vous rencontrer.
Monsieur Coles, j'ai été particulièrement frappé par votre témoignage. Je l'ai trouvé extrêmement intéressant. Dans ma circonscription, il y a plusieurs employés d'AbitibiBowater affiliés à votre syndicat. Je veux soulever le fait que, dans tout ce contexte, plusieurs injustices sont commises à l'endroit des travailleurs. C'est un aspect qu'on aborde de façon un peu parallèle.
Je regarde ce que cette entreprise a fait depuis quelques années. Au Québec, dans ma circonscription, les dirigeants ont fermé l'usine Belgo, ils ont fermé les scieries à La Tuque de façon temporaire et ils viennent de fermer définitivement l'usine de Dolbeau.
Les employés et les syndiqués ne comprennent pas la décision du gouvernement fédéral de verser 130 millions de dollars à une entreprise comme AbitibiBowater. Les gens comprennent que le secteur est en difficulté et sont souvent même prêts à faire des concessions. Toutefois, quand on voit ce qu'a fait AbitibiBowater à Terre-Neuve, où la compagnie n'a même pas payé les indemnités de départ, lesquelles ont dû être assumées par le gouvernement, les gens trouvent cela inacceptable. Les employés de l'usine de Grand-Mère viennent encore une fois d'accepter des diminutions de leurs conditions de travail qu'ils ont chèrement gagnées au fil des ans.
Ce qui est inacceptable, c'est que la compagnie reçoive 130 millions de dollars et qu'elle ne redistribue rien aux employés, alors que les dirigeants se graissent la patte à coup de millions de dollars. Les dirigeants ont reçu des primes au cours des dernières années. Les gens n'acceptent absolument pas cela. Je veux bien comprendre qu'on parle d'un litige en lien avec l'ALENA, mais les travailleurs ont beaucoup de difficulté à comprendre ce processus quand ils voient qu'ils se font flouer pendant que les dirigeants se remplissent les poches.
J'aimerais savoir si vous avez un commentaire à faire à ce sujet.
:
Merci, monsieur le président. Merci à tous nos témoins.
J'ai une question pour M. Coles. Si je comprends bien votre déclaration, vous nous avez dit que l'entreprise n'avait pas respecté les modalités de l'entente initiale qui lui conférait depuis 1905 des droits d'utilisation de l'eau et du bois d'oeuvre conditionnels à l'exploitation d'une usine. Il semblerait que l'on ait également enfreint les conditions associées au renouvellement conclu en 2002. La concession a alors été renouvelée sous réserve du maintien en fonctionnement de la machine numéro 7. L'entreprise a refusé de respecter ses engagements découlant d'une entente négociée relativement aux indemnités de départ avant de s'en remettre à la Loi sur les arrangements avec les créanciers.
Chez moi, on qualifie de délinquants ceux qui, systématiquement, ne remplissent pas leurs obligations. Nous sommes ici en présence d'une de ces entreprises délinquantes qui refusent sans cesse de respecter leurs engagements.
Voici donc ma première question. Sommes-nous en train de créer un précédent en permettant à une entreprise délinquante de s'adresser au gouvernement afin de toucher des sommes considérables pour ne pas avoir respecté ses obligations? Je pense que la plupart des Canadiens sont d'avis que les choses devraient se passer tout autrement. Les Canadiens estiment que les citoyens comme les entreprises doivent respecter leurs engagements. Nous avons en l'occurrence une entreprise qui ne l'a pas fait de toute évidence, alors sommes-nous en train d'ouvrir la porte à d'autres délinquants qui pourraient utiliser ce moyen pour soutirer de l'argent au gouvernement?
J'aimerais savoir ce qui s'est produit au cours des dernières années pour amener AbitibiBowater à aller jusque-là.
À la lumière de tous les témoignages entendus devant notre comité, je trouve également plutôt étrange et irresponsable que l'on ait accepté de verser une telle indemnisation. S'agirait-il en quelque sorte d'une décision idéologique du gouvernement? Le premier ministre Williams était-il la cible visée? Pourquoi le gouvernement a-t-il simplement décidé de débourser plus de 130 millions de dollars alors qu'il est bien clair que l'entreprise n'a jamais respecté ses propres obligations et a refusé de négocier avec le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador une juste compensation pour ses actifs véritables?
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Merci, monsieur le président.
Je dois avouer que c'est une séance que je trouve fort intéressante. Je ne suis pas ici pour défendre ou critiquer l'entreprise — il semble toutefois qu'elle ait fait sa large part d'erreurs et qu'elle prête bel et bien flanc à la critique — mais je veux m'assurer que le Canada fait respecter la primauté du droit et s'acquitte de ses obligations internationales. Comme le dossier en l'espèce semble réglé, j'aimerais surtout voir s'il nous est possible d'améliorer nos lois pour le cas où une situation semblable se reproduirait. Comme certains témoins l'ont déjà signalé, je trouve tout particulièrement intéressant de constater que les investisseurs internationaux bénéficient en vertu du chapitre 11 d'une meilleure protection que celle que nos lois nationales accordent aux investisseurs canadiens en cas d'expropriation, notamment.
Ma question s'adresse aux avocats ici présents. Pourriez-vous expliquer au profane que je suis quelles mesures de protection sont prévues en cas d'expropriation en vertu du chapitre 11, d'une part, et de nos lois nationales, d'autre part, et quels investisseurs sont les mieux protégés? Est-ce pas mal équivalent et, sinon, pour quelles raisons? Serions-nous bien avisés de vouloir égaliser les choses?
Je sais que vous pourriez sans doute donner un cours complet à ce sujet aux étudiants de 3e année en droit, mais faites ce que vous pouvez dans les quatre minutes qui nous restent.
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Selon moi, il y a toujours des façons d'améliorer les choses. Quels que soient les torts du requérant d'entrée de jeu, ou les points qu'il a pu soulever par rapport à cette situation, l'un des problèmes en l'espèce vient du manque d'action concertée pour traiter ces éléments.
Le gouvernement provincial a pris certaines mesures avant de laisser le gouvernement fédéral se débrouiller avec le problème parce qu'il s'agissait d'une question de commerce international. Une entente a été conclue pour régler la question, mais l'effet sur l'investisseur...
J'ai représenté des investisseurs dans des dossiers semblables où l'on peut se retrouver confronté à un gouvernement qui négocie en exerçant une pression de tous les instants de façon bien coordonnée. S'ensuivent des discussions et des négociations où le côté gouvernemental affirme que si nous prenons telle ou telle action, il répliquera de telle ou telle manière.
C'est ce qui s'est passé dans le dossier qui nous intéresse qui semble avoir été réglé du jour au lendemain; mais je n'étais pas présent lors des discussions. Le gouvernement fédéral a alors reçu un avis d'intention, un avis d'arbitrage; on voulait une indemnisation de l'ordre de 500 à 600 millions de dollars. Que ce montant soit justifié ou non, c'est tout de même une dette pour la Couronne fédérale.
Il n'y a pas de mécanisme. Depuis cette affaire, des gens ont écrit qu'il devrait y en avoir un et je crois même que des dirigeants gouvernementaux ont indiqué qu'ils allaient en discuter. Il n'y a pas de mécanisme en place pour créer ce type de pression soutenue, s'exerçant à partir de la personne qui doit vivre une perte d'emploi...
Nous devons examiner les choses dans une perspective globale. Nous sommes tous Canadiens. Nous avons tous un emploi. Nous devons tous gagner notre vie.
J'ai été négociateur commercial. J'ai travaillé pour les provinces dans les conflits concernant la bière et les régies des alcools. Il faut coordonner les efforts pour mener une action concertée en travaillant en équipe. Si l'autre partie constate que nous ne formons pas ainsi une équipe, elle n'hésitera pas à profiter de la situation sans inquiétude en sachant que nos différentes composantes sont isolées les unes des autres.
Mais je sais bien que la situation n'est pas aussi catastrophique. Notre pays se distingue notamment du fait qu'on peut y vivre sous l'égide de différents gouvernements qui appliquent des règles et des lois distinctes au sein de différentes communautés. Cependant, lorsque nous sommes exposés à une menace du genre de celle posée par le chapitre 11 de l'ALENA, il nous faut bien constater que le commerce planétaire n'est pas une partie de plaisir. J'ai également été délégué commercial et je me suis rendu dans des pays où la situation était loin d'être facile. J'ai essayé de négocier pour obtenir des contrats au bénéfice du Canada, et si on ne met pas tous l'épaule à la roue...
Les choses se sont sans doute améliorées, mais j'ai vu dans mon rôle de délégué commercial des dossiers où deux ou trois entreprises canadiennes soumissionnaient les unes contre les autres pour le même produit. Il y avait eu une douzaine d'autres soumissions, chacune présentée par un pays où l'on avait conjugué les efforts — à Bruxelles, Paris, Washington ou New York — pour former une seule et même équipe.
Nous avons des divergences de vues et nous en aurons toujours, mais la structure de notre pays le permet, et c'est ce qui est bien avec le Canada. Cependant, lorsque nous devons composer avec un dossier important pouvant être assorti d'obligations majeures, il nous faut trouver un moyen de travailler ensemble. C'est tout à fait faisable et j'en ai d'ailleurs vu des exemples. Je pense notamment à la guerre des bières. Nous avons réuni tous les gouvernements provinciaux. Nous sommes allés au front pour défendre leurs intérêts. Nous leur avons soumis les arguments que nous allions présenter à l'OMC et au GATT et nous avons travaillé ensemble.
La collaboration est donc possible et devrait être plus fréquente. Je ne crois pas qu'un nouvel accord soit nécessaire. On n'a pas besoin non plus d'un amendement constitutionnel. Il suffit que des personnes de qualité comme vous s'assoient avec leurs homologues pour trouver ensemble une solution.
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Quelle excellente façon de conclure notre séance. Merci beaucoup, monsieur Woods.
Merci à vous également, messieurs Coles et Laurin. Nous vous sommes reconnaissants pour le temps que vous nous avez consacré.
Nous disons maintenant au revoir à nos témoins.
J'aurais une question à régler rapidement avec les membres du comité. Notre prochaine séance est prévue pour le 22 mars, jour de présentation du budget. Notre greffier m'a indiqué qu'un certain nombre de comités, surtout ceux qui siègent l'après-midi, ont annulé leur réunion prévue ce jour-là. Parmi ceux qui siègent le matin, il y en a un qui a annulé sa séance de 11 heures en raison de l'embargo.
Notre ordre du jour est établi pour la séance en question. Nous allons procéder à l'examen du rapport sur notre voyage à Washington qui sera préparé par nos analystes d'ici la semaine prochaine. Nous allons en discuter et régler tous les détails lors de la séance du 22. Nous allons également donner des directives à nos analystes relativement à la synthèse des témoignages que nous avons entendus concernant le cas AbitibiBowater.
C'est ce qui est prévu à notre ordre du jour, et j'aimerais savoir ce que vous pensez de tout cela.