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CIIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du commerce international


NUMÉRO 048 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 10 mars 2011

[Enregistrement électronique]

(0855)

[Traduction]

    Bonjour. Soyez les bienvenus à cette 48e séance du Comité permanent du commerce international. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude de l'entente avec AbitibiBowater.
    Ce matin, nous accueillons M. Fred McMahon, vice-président de la recherche à l'Institut Fraser, et M. Scott Sinclair, agrégé supérieur de recherche, Centre canadien de politiques alternatives, qui a déjà comparu devant nous. Je vous remercie d'être venus et de vous être frayés un chemin dans la gadoue en ce matin neigeux à Ottawa.
    Je crois que nous sommes prêts à commencer. Nous procéderons de la manière habituelle. Nos témoins vont chacun prononcer leur déclaration préliminaire, après quoi nous entamerons une série de questions. Nous devrions avoir le temps de faire deux tours aujourd'hui.
    Nous allons commencer. Je vous demande de vous limiter à 10 minutes par déclaration préliminaire, afin qu'il nous reste du temps pour les questions. Commençons par vous, monsieur Sinclair, si vous êtes prêt.
    Bonjour. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître à nouveau devant votre comité.
    L'entente avec AbitibiBowater soulève beaucoup de préoccupations. Je vais en aborder trois.
    D'abord, AbitibiBowater a été en partie indemnisée pour la perte de ses droits relatifs à l'eau et au bois d'oeuvre sur les terres publiques. Normalement, ce ne sont pas des droits considérés comme compensateurs en vertu des lois canadiennes. La loi provinciale prévoyait une compensation du gouvernement à l'intention de la compagnie pour l'expropriation de ses actifs — terre, immeubles, équipement, etc. La compagnie ne s'est pas prévalue de cette possibilité; elle s'est plutôt tournée vers le tribunal d'arbitrage de l'ALENA.
    Toutefois, la loi n'a pas permis, et à juste titre, à AbitibiBowater d'obtenir une compensation pour la perte de ses droits relatifs à l'eau et au bois d'oeuvre, qui ont été rendus à l'État. Ces ressources naturelles sont la propriété de la province et de la population de Terre-Neuve-et-Labrador. La province conserve la propriété des terres et le droit de révoquer les licences et permis, avec ou sans compensation, comme bon lui semble.
    L'accès aux ressources naturelles de propriété publique — eau, bois d'oeuvre, minéraux, pétrole et gaz — n'est pas un droit de propriété, mais un droit éventuel ou conditionnel. Il repose sur le principe que le détenteur des droits relatifs aux ressources exploitera les ressources de façon productive, d'une manière avantageuse pour la population. Malheureusement — et c'est tragique quand une compagnie fait faillite et ferme sa dernière usine dans une province —, la compagnie n'était plus disposée ou capable de respecter les conditions de ce contrat social.
    Les gouvernements provinciaux possèdent des pouvoirs exclusifs en ce qui concerne la propriété et les droits civils dans la province, y compris l'expropriation. Les provinces ont également un contrôle exclusif sur les ressources naturelles sur les terres publiques provinciales. Dans les décisions relatives à ces ressources, il faut trouver un compromis entre les intérêts des investisseurs et les autres intérêts légitimes, comme ceux des travailleurs, des entreprises locales, des collectivités et de la protection environnementale. En vertu du droit constitutionnel canadien et de la répartition des pouvoirs, il s'agit clairement de questions qui relèvent de la province.
    En revanche, l'entente avec AbitibiBowater repose sur une conception ouverte et excessivement large des droits de propriété qui, comme on vous l'a déjà dit, va bien au-delà des protections raisonnables et des normes juridiques canadiennes.
    Mon deuxième point porte sur le fait que 130 millions de dollars, c'est la compensation la plus importante jamais accordée en vertu du chapitre 11 de l'ALENA. Ce montant élevé encouragera sans aucun doute à l'avenir les réclamations investisseur-État concernant la réglementation relative aux ressources naturelles.
    On se demande également s'il est équitable que le gouvernement fédéral dépense autant d'argent pour indemniser seulement l'investisseur, sans tenir compte des indemnités de départ et des pensions des travailleurs, des entreprises locales, des créanciers de la compagnie, et des coûts importants qu'entraîne la restauration de l'environnement. Cette entente renforce l'idée que le chapitre 11 de l'ALENA confère des droits aux investisseurs étrangers sans tenir compte de leurs obligations ni de leurs responsabilités.
    Enfin, même si le gouvernement fédéral s'est engagé à ne pas chercher à recouvrer les coûts de cette entente auprès du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador, il a en fait avisé les gouvernements provinciaux et territoriaux qu'il entend les tenir responsables des futurs dommages et intérêts relatifs à l'ALENA en ce qui concerne les mesures provinciales.
    C'est loin d'être une question abstraite ou hypothétique. Il y a eu 28 plaintes contre le Canada en vertu de l'ALENA; six des sept plaintes en cours portent sur une violation présumée des dispositions du chapitre 11 de l'ALENA par un gouvernement provincial ou territorial. Ces litiges concernent le refus par l'Ontario de permettre de disposer des déchets de Toronto dans une mine abandonnée; les restrictions imposées par le Québec quant à l'utilisation des pesticides à des fins esthétiques; la décision de Terre-Neuve-et-Labrador d'obliger les sociétés pétrolières à investir dans la recherche et le développement dans la province; la décision de la Nouvelle-Écosse de fermer une carrière suscitant la controverse, comme on le recommandait dans une évaluation environnementale fédérale-provinciale; et les mesures de conservation associées au saumon de l'Atlantique et au caribou du Nord.
(0900)
    Nous sommes témoins d'une crise constitutionnelle qui se déroule au ralenti. L'imposition de fait, en raison du pouvoir du gouvernement fédéral de conclure des traités, des droits relatifs aux investisseurs formulés de façon vague au chapitre 11 de l'ALENA limite la capacité des gouvernements provinciaux et territoriaux de légiférer et de réglementer, même dans des domaines de compétence provinciale exclusive.
    En conclusion, les mesures prises par le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador dans cette affaire ont été légitimes, constitutionnelles et, à mon avis, louables. Cette entente crée un précédent inquiétant qui nuit à la propriété publique et au contrôle des ressources naturelles. Malheureusement, le gouvernement fédéral est intervenu pour compenser l'investisseur, en ne tenant pas compte des autres intérêts légitimes et revendications. Cela ouvre la porte à des ingérences injustifiées du fédéral dans d'importants champs de compétence provinciale dans l'avenir.
    Merci.
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant entendre M. Fred McMahon, vice-président de la recherche à l'Institut Fraser.
    Monsieur McMahon.
    Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir invité.
    J'aime beaucoup le spectacle de la neige à l'extérieur. Il y a une semaine, je me trouvais dans un petit village du Mexique, où les gens m'ont posé des questions à propos du climat canadien. Je leur ai assuré que le 1er mars, le pire de l'hiver canadien était toujours passé.
    Je vais faire un bref commentaire au sujet de l'exposé que nous venons d'entendre, puis je vous parlerai d'une façon quelque peu inhabituelle d'envisager les choses.
    Il faut absolument maintenir la primauté du droit, dont celle qui est issue des traités commerciaux. Si nous voulons obtenir l'équité dans nos investissements sur le plan mondial, nous devons offrir l'équité à ceux qui investissent au Canada. Quand une industrie repose sur l'utilisation des ressources naturelles et que cela fait partie des conditions pour lesquelles elle investit et crée des emplois au Canada, alors le fait de priver cette entreprise des ressources naturelles est effectivement une violation des droits de propriété, étant donné que ses investissements reposent sur cela.
    Le gouvernement canadien ou les gouvernements provinciaux, s'ils le souhaitent et s'ils ont une raison valable de le faire, peuvent bien entendu exproprier des biens dans l'intérêt public. C'est bien reconnu, mais le droit à l'indemnisation pour l'expropriation des droits de propriété est également très important. C'est un bon équilibre; le gouvernement peut exproprier dans l'intérêt public, au besoin, et offrir l'indemnisation à laquelle s'attendraient les investisseurs canadiens à l'étranger.
    Maintenant, comme je l'ai mentionné, je vais prendre un virage assez inhabituel et donner une perspective philosophique à la discussion.
    Au départ, lorsqu'on m'a contacté pour comparaître devant le comité, on m'a dit qu'on s'inquiétait au sujet d'une violation de la souveraineté canadienne. Tout affaiblissement de la souveraineté est généralement considéré par mon ami du Centre canadien de politiques alternatives, par le Conseil des Canadiens, par CBC, comme une mauvaise chose.
    La souveraineté, évidemment, tire son origine du souverain; la souveraineté signifiait le pouvoir du souverain. Maintenant, elle signifie le pouvoir de l'État. En fait, les plus grandes avancées qui se sont produites au cours des derniers siècles sont dues à une réduction de la souveraineté étatique, et les plus grandes tragédies, à l'affirmation de la souveraineté étatique.
    La souveraineté étatique s'est affaiblie de deux façons: à l'intérieur du pays, étant donné que de plus en plus, le pouvoir du souverain s'est déplacé vers la personne et que l'espace entourant la personne s'est élargi, en limitant le pouvoir de l'État; et à l'extérieur du pays, par les traités commerciaux, les traités de paix, et les autres liens internationaux, qui ont été extrêmement avantageux.
    Le refus d'abandonner toute forme de souveraineté peut être résumé par ce qui se trouvait sur la page d'accueil du Conseil des Canadiens durant sa lutte contre l'accord multilatéral...
(0905)
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Je suis désolé, mais j'ai mal compris l'invitation. Je croyais que le représentant de l'Institut Fraser avait été invité pour parler d'AbitibiBowater, pas pour s'en prendre aux organisations de notre pays.
    Pourriez-vous demander au témoin de parler de la question sur laquelle nous nous penchons?
    J'ai pensé que ce serait tout à fait inhabituel, monsieur Julian, et probablement la dernière personne à soulever cette question...
    Je suis désolé de cette interruption, monsieur McMahon. Veuillez poursuivre.
    Merci.
    Citer quelqu'un, ce n'est pas l'attaquer, et la question de la souveraineté entre certainement en ligne de compte ici. On l'a sûrement abordée dans les discussions. Je ne vois pas pourquoi elle ne concerne pas la question dont nous sommes saisis.
    Le Conseil des Canadiens a écrit:

Au fil des ans, notre souveraineté nationale a été réduite d'abord par la Charte des droits, puis l'accord de libre-échange et l'ALENA. Mais ce n'est rien comparativement à l'AMI.
    Comme vous le voyez, on se plaint de l'affaiblissement de la souveraineté sur le plan individuel et de l'affaiblissement de la souveraineté à l'extérieur du pays. On convient que le cas d'AbitibiBowater est un affaiblissement de la souveraineté. Il lie le Canada à divers accords commerciaux internationaux, qui sont importants pour notre bien-être, compte tenu de la taille très réduite du marché canadien et du fait que nous avons besoin de spécialisation pour que nos industries puissent accéder au marché mondial et produire ici des biens de façon efficace. À moins que nous continuions à respecter...
    Ce que j'essaie de dire ici, c'est que la souveraineté ne devrait pas être considérée automatiquement comme une bonne chose. En fait, dans le passé, la diminution de la souveraineté a souvent été bénéfique pour les personnes et la croissance économique. Nous respectons simplement ici la primauté du droit international par une indemnisation pour la perte de droits de propriété. Voilà qui conclut ma déclaration.
    Merci. Ces deux cas susciteront un débat très intéressant au cours de la période des questions.
    Nous allons commencer aujourd'hui par notre ami de Terre-Neuve-et-Labrador. C'est le cri de ralliement du tea party de Terre-Neuve: l'expropriation sans compensation.
    Une voix: C'est la République de Doyle.
    Le président: Allez-y, monsieur Simms.
    Merci, monsieur le président. Merci, monsieur Richardson.
    Je remercie aussi nos témoins de leurs opinions polarisées.
    Monsieur Sinclair, j'aimerais commencer par vous.
    Je ne suis pas un expert, mais comme alternative, puisque ce mot se trouve dans le nom de votre centre, je crois qu'il serait préférable que vous engagiez une conversation à trois entre le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et Abitibi pour transférer des fonds, oui, mais en même temps pour en arriver à une entente afin de restaurer les terres.
    Disons que cette propriété est incroyablement polluée. J'ai grandi là-bas. C'est une usine centenaire; les normes environnementales n'ont jamais été resserrées avant les années 1980; il n'y a donc pas eu de normes environnementales concrètes durant 75 ans.
    Je crois que ce qui inquiète les gens là-bas... Vous avez parlé de la question des pensions, qui est très importante, surtout pour les ouvriers en électricité qui ont été mutés. Il y a aussi les créanciers, qui reçoivent environ 10 à 20 ¢ par dollar, et il y a bien sûr les autres questions concernant les sommes dues par Abitibi, mais dans ce cas-ci, ce qui est scandaleux, c'est qu'on a versé 130 millions de dollars, mais que rien n'est encore fait. Il nous faut tout de même dépenser de l'argent.
    Je vais vous laisser répondre et je vais ensuite poser une question à M. McMahon.
(0910)
    J'approuve tout à fait cette analyse. Il est inadmissible que cette entente profite seulement à l'investisseur et ne tienne pas compte des autres demandes légitimes — elle les tient à l'écart, comme vous l'avez dit. C'est injustifié et inéquitable. On utilise, à première vue, l'argent des contribuables à mauvais escient.
    La question est de savoir comment c'est arrivé.
    Je crois que c'est arrivé à cause de l'influence prépondérante de la revendication au titre de l'ALENA qui, comme l'ont dit les fonctionnaires fédéraux, est une question distincte sur le plan juridique de toutes les autres revendications en cours. Nous avons des droits dont la formulation est vague, qui diffèrent considérablement, selon moi — et j'aimerais aussi aborder cette question — des normes canadiennes et de la tradition parlementaire, en ce sens qu'ils neutralisent et faussent les décisions stratégiques importantes.
    Je suis d'accord avec vous. Je pense que la priorité — et c'était sûrement la principale préoccupation du gouvernement provincial —, c'était de défendre les revendications des gens de la région.
    C'est exact. On disait que les droits dont vous avez parlé au début, relativement au bois d'oeuvre et aux cours d'eau, appartenaient assurément à la population, et qu'ils étaient prêtés à la compagnie, si l'on peut dire, ou utilisés par la compagnie pour faire des profits. Seulement cela me dérange que deux groupes...
    La province a fait ce qu'il fallait, et quand la contestation a été présentée en vertu de l'ALENA, on aurait dit que le gouvernement fédéral n'était pas intéressé à discuter des façons de contourner ce problème. Je le répète, on a versé 130 millions de dollars, et pour quoi? Nous l'ignorons.
    Monsieur McMahon, il s'agit probablement davantage d'une question philosophique qu'autre chose. Examinons un moment le secteur pétrolier, et cela concerne les droits relatifs au bois d'oeuvre également. Lorsqu'on fait de l'exploration dans une certaine région et qu'on trouve quelque chose, on obtient une licence d'exploration, qui expire après une certaine période. Si on fait une découverte, selon l'Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, on reçoit ce qu'on appelle une « licence de découverte importante », et on peu ne rien faire aussi longtemps qu'on le veut tout en ayant les droits exclusifs.
    Dans le cadre du projet de mise en valeur du champ Hebron, une compagnie a laissé traîner les choses sans rien faire durant 20 ans. Elle a plutôt voulu investir dans d'autres régions, comme au Mexique. Selon moi, cette ressource appartient à la population, mais en fait, elle appartient aux sociétés pétrolières.
    Je soulève ce point seulement parce que je crois que la même chose peut s'appliquer ici aux droits relatifs au bois d'oeuvre, ainsi qu'aux cours d'eau. Sommes-nous suffisamment stricts dans la façon dont nous gérons nos propres ressources?
    Il y a deux questions distinctes ici. D'une part, on parle de la pertinence des ententes relatives à l'exploration pétrolière et gazière, aux droits miniers et aux droits de coupe. Voilà un ensemble de questions.
    D'autre part, lorsqu'une entente devient une convention écrite, c'est une entente ayant force obligatoire. Il se peut qu'on ne soit pas d'accord avec son propriétaire, ou si on est propriétaire, qu'on n'aime pas une clause de son bail, mais cela ne veut pas dire qu'on peut le modifier unilatéralement.
(0915)
    Excusez-moi, mais je n'ai pas beaucoup de temps. Permettez-moi de vous interrompre.
    Mon propriétaire a aussi le droit de me mettre dehors quand il le veut, après m'avoir donné un préavis. Mais voici la question: s'il y a une loi qui le prévoit, le gouvernement a-t-il le droit de confier l'utilisation d'une terre à quelqu'un d'autre si on laisse traîner les choses sur cette terre — qu'il s'agisse de droits de coupe ou de la découverte de pétrole — et si la situation est particulièrement scandaleuse aux yeux de la population?
    C'est une bonne question.
    Cela peut se faire, avec une indemnisation adéquate. Je reviens au fait que si on déstabilise...
    Une indemnisation pour quoi?
    Pour les pertes encourues par la compagnie. Par exemple, si la compagnie abandonne le pétrole et de gaz qu'elle a découverts, elle subit une perte. Si on indemnise la compagnie pour la perte qu'elle encourt, comme dans le cas d'Abitibi, alors oui, le gouvernement peut intervenir, mais il ne faut pas fragiliser la primauté du droit ni les ententes qui ont été conclues. Comme je l'ai dit, il y a deux questions distinctes ici.
    Merci.
    Allez-y, monsieur Laforest.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Sinclair, dans le cadre de votre présentation, vous avez parlé plus tôt d'une crise constitutionnelle qui se développait peu à peu relativement au dédommagement de 130 millions de dollars du fédéral. Vous avez dit, d'une certaine façon, que le fédéral s'immisçait dans un champ de compétence provinciale.
     Pouvez-vous nous expliquer comment cette crise peut s'aggraver et pourquoi?

[Traduction]

    Je vous remercie de la question. Les aspects constitutionnels de cette question portent sur la possibilité que le gouvernement fédéral, au lieu d'agir simplement en tant que signataire de l'ALENA, assume la responsabilité des amendes ou indemnisations imposées relativement au chapitre 11 de l'ALENA quand des mesures provinciales ou territoriales enfreignent ce traité. Si le gouvernement fédéral, au lieu d'assumer cette responsabilité, tente d'en tenir les provinces responsables et insiste pour qu'elles paient ces sommes en tout ou en partie, cela modifie vraiment le calcul constitutionnel, surtout lorsqu'il intervient dans les champs de compétence exclusive des provinces.
    Voilà pourquoi je dis qu'une crise constitutionnelle peut se développer peu à peu.

[Français]

    Je vous pose la question parce qu'on a tout de même intérêt à suivre ça de près. Comme vous le savez, le Canada négocie actuellement une entente avec l'Union européenne. Or il y aura sûrement à la toute fin des clauses de protection pour les investisseurs. Il y a une différence entre le cas de l'ALENA et celui de l'Union européenne. Dans le cas de l'Union européenne, les provinces participent à la négociation, et j'imagine qu'elles vont devoir signer l'entente. En revanche, je ne crois pas que ça ait été le cas pour l'ALENA.
     Est-ce qu'il ne serait pas prudent de tenir compte des résultats que vous avez observés? Le Canada, voire les provinces, ne devrait-il pas faire preuve de prudence en tenant compte de ce qui s'est passé entre le gouvernement de Terre-Neuve et la compagnie AbitibiBowater?
(0920)

[Traduction]

    C'est une excellente question, et pour la première fois dans le cadre de négociations entre le Canada et l'UE, les provinces sont directement représentées à la table des négociations, comme vous le faites remarquer.
    J'ignore ce que les dispositions de ce traité vont prévoir en ce qui concerne le respect des provinces, mais je crois que les gouvernements provinciaux et territoriaux, ainsi que le gouvernement fédéral, s'y intéressent beaucoup, surtout si ce type de dispositions sur la protection des investissements et le règlement de différends entre les investisseurs et l'État doivent être inclus dans l'AECG, ce qui est très probable, afin que les notions mal définies et vaguement formulées concernant l'expropriation, par exemple, ou d'autres questions liées à l'interprétation de ces droits d'investissement par divers arbitres et groupes d'arbitrage soient clarifiées.
    Ces questions doivent être clarifiées et résolues avant que les provinces ne s'engagent, si elles le font dans les champs de compétence provinciale. Je pense qu'il s'agit d'un argument solide contre l'inclusion de ces dispositions de protection des investissements et contre l'inclusion de « investisseur-État » dans le traité.

[Français]

    Monsieur McMahon, comme vous l'avez dit vous-même, la présentation que vous avez faite était un peu philosophique. Je crois savoir que vous considérez que les ententes de libre-échange et le commerce en général compensent le fait que nous sommes un petit marché. Vous avez aussi parlé de la pleine souveraineté d'un pays et avez fait remarquer que cette situation ne comportait pas uniquement des avantages. J'aimerais que vous me donniez un peu plus de détails sur cette question.

[Traduction]

    Je parlais en fait des avantages d'abandonner une partie de la souveraineté, de réduire le pouvoir de l'État. Par exemple, les droits et libertés de la personne sont en fait une réduction de la souveraineté, car ils éloignent l'État de la zone relative à l'individu. La réduction de la souveraineté nous lie à des accords commerciaux internationaux.
    Au Canada, en raison de la taille réduite de notre marché, c'est essentiel à notre bien-être. Lorsqu'on examine l'ensemble des faits, on constate que les pays qui participent au système commercial mondial ont obtenu les meilleurs résultats relativement à la diminution de la pauvreté et à l'accroissement de la richesse.
    Ce que je faisais valoir, c'est que la réduction de la souveraineté étatique s'est traduite par des résultats positifs plutôt que négatifs dans le passé. Je voulais parler de l'hypothèse selon laquelle tout ce qui est perçu comme quelque chose qui diminue la souveraineté, comme l'entente avec AbitibiBowater, est considéré comme mauvais. Non, la souveraineté n'est pas un bien intrinsèque.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci, monsieur McMahon.
    Monsieur Julian, je ne sais pas si nous devrions vous accorder seulement six minutes, étant donné que vous avez déjà pris une minute.
    Non, allez-y pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les témoins, et M. Sinclair en particulier. Vous avez fait vos devoirs; vous êtes de toute évidence bien au fait du dossier. Nous vous remercions de nous faire profiter de vos connaissances.
    Je diviserai mes questions en deux volets. Vous avez mentionné, et cela m'a beaucoup intéressé, que même si le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador avait adopté une loi qui permettait d'indemniser la compagnie pour les actifs réels, la compagnie n'a pas emprunté cette voie.
    J'aimerais qu'on me donne un peu plus de détails ici, parce que la compagnie n'a pas donné suite à cela. Elle n'a pas utilisé le système judiciaire. D'une façon très concrète, elle a tenté d'éliminer la primauté du droit en s'adressant directement au gouvernement fédéral, la main tendue pour réclamer de l'argent. Il n'y a pas eu de procédure judiciaire. De toute évidence, la compagnie n'aurait pas eu gain de cause devant un tribunal.
    Quel impact cette décision — le fait d'être en mesure de faire fi de la primauté du droit, de ne pas passer par le système judiciaire et de simplement aller réclamer de l'argent au gouvernement fédéral — a-t-elle maintenant sur les compagnies?
    Je trouve également intéressant qu'il s'agisse d'une compagnie canadienne ayant son siège social au Canada. C'est ce qu'ont confirmé les témoins du MAECI, mardi dernier. Ce qui était censé être utilisé par les investisseurs étrangers peut maintenant l'être par les entreprises canadiennes. Je suis curieux de savoir ce que cela implique.
    Voici ma dernière question. Nous comptons les centaines de millions de dollars accordés: 130 millions à AbitibiBowater; une autre somme de 30 millions assumée par le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador, soit certainement une indemnisation partielle; les coûts de la restauration environnementale dont a parlé M. Simms, qui représentent des centaines de millions de dollars. Compte tenu du fait que le gouvernement n'oblige pas AbitibiBowater à respecter ses engagements et qu'il délie tout simplement les cordons de la bourse, combien cela coûtera-t-il aux contribuables du Canada et de Terre-Neuve-et-Labrador?
(0925)
    D'abord, la loi de Terre-Neuve prévoyait que le gouvernement de Terre-Neuve indemnise AbitibiBowater pour ses actifs réels — sa terre, son équipement et les actifs normalement considérés comme indemnisables dans le cadre d'une expropriation en vertu du droit canadien.
    La loi a également bloqué les actifs de la compagnie devant les tribunaux, ce qui est plus fréquent qu'on ne le pense au Canada. Surtout dans les domaines de la réglementation et de la protection environnementales, il n'est pas rare qu'un gouvernement éteigne toutes les revendications et mette en place un processus de règlement ou, dans certains cas, impose même un règlement.
    Selon moi, il ne fait aucun doute que si AbitibiBowater avait suivi ce processus, elle aurait, à un moment donné, reçu la valeur de ses actifs réels. Elle n'aurait peut-être pas été entièrement satisfaite, mais peut-être que oui.
    Je ne suis pas au courant des discussions qui ont eu lieu. Manifestement, il y a eu des discussions entre la province et la compagnie au sujet de l'indemnisation et, comme on nous l'a dit, il y a eu également des discussions trilatérales. J'ignore si elles portaient uniquement sur le dossier relatif à l'ALENA.
    Comme nous l'avons entendu dans le témoignage de mardi — et je ne suis pas au courant de ces négociations —, le gouvernement de Terre-Neuve a insisté pour que les autres revendications légitimes soient prises en compte dans le règlement.
    Une voix: Vous parlez des revendications raisonnables.
    M. Scott Sinclair: Oui. Elles incluent les indemnités de départ, les pensions et la restauration environnementale. Sa position était claire. Vous devrez inviter les représentants de la compagnie à comparaître pour discuter de ce qui s'est passé.
    Ce que vous dites à propos de la nationalité de la compagnie est très important. Encore une fois, il s'agit d'un autre de ces problèmes concernant un système d'arbitrage vague et mal défini. Dans ce cas-ci, AbitibiBowater, à la suite de la fusion, menait au moins d'importantes activités commerciales aux États-Unis.
    Il y a des cas comme celui de Gallo, dans lequel la loi de l'Ontario a permis de mettre fin au projet de dépotoir d'Adams Lake, pour lequel les investisseurs nationaux ont déjà obtenu un règlement et été indemnisés. Ils ont maintenant passé la plainte à un citoyen américain, qui poursuit le processus en vertu de l'ALENA. À mon avis, c'est tout à fait inacceptable.
    Gus Van Harten vous a dit dans son témoignage que ce type de manigance est très courant, malheureusement, dans le cadre de l'arbitrage international.
    Pour que ce soit clair, ce que vous dites, c'est que les investisseurs canadiens dans l'affaire Gallo ont été indemnisés...
    Oui, ils ont été...
     ... et ils tentent maintenant d'obtenir deux, trois et même quatre fois plus en indemnisation de...
(0930)
    Ils lancent les dés et tentent d'obtenir une compensation en vertu de l'ALENA.
    De la même façon qu'AbitibiBowater s'est adressée au gouvernement pour réclamer de l'argent, d'autres compagnies, et des compagnies canadiennes aussi, peuvent maintenant réclamer du gouvernement qu'il leur verse des tonnes d'argent.
    Ce qui est important à propos de la revendication d'AbitibiBowater, c'est qu'il était approprié pour la compagnie de s'attendre à recevoir une indemnisation. Je pense que le gouvernement de Terre-Neuve a accepté de lui en verser une pour ses actifs réels.
    Contrairement à ce qu'a dit M. McMahon, tous les droits relatifs aux ressources ne sont pas considérés comme des droits de propriété. Il ne s'agit pas simplement pour les gouvernements de légiférer sur cette question. Même quand les gouvernements ne font pas de prescription et qu'ils laissent cela aux tribunaux, il existe une présomption de common law selon laquelle une compensation sera versée.
    Les tribunaux ne protègent pas tous les types de droits relatifs aux ressources et de permis. Il ne s'agit pas d'un droit de propriété. Ce sont des ressources qui appartiennent à l'État. C'est un problème dans chaque province au Canada. J'ai été fonctionnaire provincial, et je peux vous dire que toutes les provinces canadiennes, y compris celles qui sont très favorables à ces ententes, protègent leurs droits relatifs aux ressources et insistent sur le principe que ce sont des ressources appartenant à l'État et que l'accès à ces ressources est un droit conditionnel.
    En ce qui concerne votre dernier point, oui, il y a beaucoup de revendications. Il y a beaucoup d'intérêts en jeu ici. Malheureusement, les divers ordres de gouvernement en paient la note. Le gouvernement de Terre-Neuve est intervenu, mais je suis déçu que la seule intervention du fédéral ait été faite uniquement au nom de la compagnie et de ses investisseurs.
    Allez-y, monsieur Holder.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais partager mon temps de parole avec M. Trost.
    Puisque M. Julian a cru bon de ne poser des questions qu'à M. Sinclair, je vais peut-être accorder la même période à McMahon sur cette question, afin que nous obtenions une perspective réfléchie et équilibrée.
    C'est très intéressant; d'après ce que j'ai entendu, les principaux acteurs dans cette situations sont, bien sûr, la province de Terre-Neuve-et-Labrador — je n'oserai pas dire, monsieur Simms, la « république », puisqu'il est un peu tôt pour l'appeler ainsi —, ainsi qu'AbitibiBowater et le gouvernement du Canada. Nous ne devons pas oublier que ce qu'il y a de tragique, c'est que cela ait été accepté. Je ne crois pas que ce soit le résultat que tout le monde souhaitait.
    Dans toute cette situation, nous avons un système d'échanges fondé sur des règles qui permet aux compagnies de conclure adéquatement des contrats juridiques. S'il y a des différends, nous avons un mécanisme de règlement des différends qui donne des résultats. Cela m'amène à me demander à quoi on s'attendrait en l'absence d'un système d'échanges fondé sur des règles.
    Monsieur McMahon, vous avez fait valoir un très bon point. Si nous nous attendons à l'équité dans les relations d'affaires canadiennes sur le plan international, sans que l'on respecte la primauté du droit, notamment en matière de commerce, comment peut-on atteindre cet équilibre? Autrement dit, à quoi peuvent s'attendre les entreprises canadiennes à l'étranger dans leurs relations d'affaires?
    Pourriez-vous nous en parler un peu, s'il vous plaît?
    Certainement.
    Les entreprises canadiennes et québécoises — Bombardier, par exemple — ont des réseaux internationaux. Les sorties et les entrées d'investissements canadiens sont à peu près égales. La majorité de nos grandes entreprises, ou quelques-unes d'entre elles, survivraient sans les marchés internationaux. J'ai mentionné Bombardier, et il y a aussi Magna. Prenez n'importe quelle grande industrie de fabrication ou de services au Canada, comme nos banques; si les règles étaient tout simplement écartées, comme le souhaiterait mon ami, nos entreprises seraient laissées en plan à l'échelle internationale.
    J'aimerais faire une autre observation sur le plan national. Si nous donnons aux provinces canadiennes une souveraineté sans entrave sur les ressources afin qu'elles puissent conclure et rompre des ententes lorsqu'elles le souhaitent — retirer les droits relatifs au bois d'oeuvre, aux minéraux, à l'usage de l'eau qu'ils ont accordés — et que nous leur donnons le pouvoir de le faire sans accorder de compensation, nous mettrons tout simplement fin à toutes les activités d'exploration minière, pétrolière et gazière et à toute la récolte de bois d'oeuvre au Canada. Aucune compagnie ne voudra s'impliquer si, un mercredi, le gouvernement provincial peut tout simplement dire: « Toutes ces terres appartiennent à l'État. Nous avons décidé de mettre fin à vos activités. Peu importe que vous veniez de dépenser un milliard de dollars pour construire une mine. Nous vous enlevons vos ressources minérales parce que c'est ce que nous voulons. » Ce pourrait être pour quelque raison que ce soit. Personne n'investirait dans ces industries qui sont si importantes pour les régions rurales du Canada.
    C'est la même chose sur le plan international, comme vous l'avez très bien souligné, mais si nous allions jusqu'au bout de ce qu'on recommande ici, sans qu'il y ait de compensation pour les droits relatifs aux ressources au Canada, et si nous acceptions que les provinces aient la souveraineté et ne soient pas limitées par leurs propres accords, nous porterions également un coup dévastateur à notre économie et au milieu rural.
(0935)
    Vous savez, c’est plutôt intéressant; dans votre exposé, vous avez parlé d'adopter une approche philosophique. Je dois vous avouer que j’ai étudié la philosophie à l’Université Western, et c'est la raison pour laquelle j’ai travaillé dans le domaine des assurances. C’est ce qu’on peut faire avec un diplôme en philosophie, du moins selon moi.
    Une voix: On peut faire de la politique.
    M. Ed Holder: Vous avez raison, et je tiens à dire que ma mère qui venait de l’île du Cap-Breton était très fière.
    Des voix: Bravo, bravo!
    M. Ed Holder: J’ai l’impression de toujours revenir sur ce point, mais j’ai entendu deux ou trois commentaires de mon collègue, M. Julian, que je dois remettre en cause. On ne peut pas entendre ces propos sans réagir. C'est inapproprié.
    Il a entre autres dit qu'AbitibiBowater a bafoué la primauté du droit et que l'entreprise demandait le double, le triple ou le quadruple en indemnisation. C’est scandaleux, selon moi, et je dois réagir et dire que c’est inapproprié.
    Voici ma dernière question, et je vous demande d'être plus bref que je l’ai été pour poser ma question afin que M. Trost puisse lui aussi poser une question. Qu’avons-nous appris de l'ensemble des transactions entre AbitibiBowater, le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral?
    Très simplement, je crois que nous devrions respecter nos propres accords. Lorsque le gouvernement du Canada, qui représente les Canadiens, signe un accord international, nous devrions accepter un système régi par des règles et nous ne devrions pas croire que nous pouvons résilier l'accord.
    Il peut y avoir d'autres questions stratégiques en jeu, mais comme je l’ai dit, l’entente juridique et l'indemnisation versée sont un tout autre sujet. Nous devons agir de manière appropriée et respecter le cadre international du droit conventionnel qui s'applique dans cette situation. Vous avez peut-être d’autres raisons de vous plaindre, mais c’est une tout autre question.
    Ai-je laissé du temps à mon collègue?
    Il reste moins d’une minute.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur McMahon, nous examinons ce dossier en particulier, mais nous étudions aussi l'ensemble de la question.
    L'Institut Fraser aurait-il des études que vous pourriez nous faire parvenir sur l’impact économique de protéger les investisseurs étrangers et sur la manière dont cette façon de faire influe sur le mouvement des capitaux et les investissements des entreprises? Avez-vous quelque chose que vous pourriez nous envoyer?
    Nous n’avons rien fait à ce sujet précisément, mais je pourrais certainement trouver des études.
    Si vous trouvez quelque chose à nous envoyer, je suis certain que ce sera utile lorsque nous essayerons de comprendre les impacts économiques.
    Selon moi, il me reste trois secondes, monsieur le président, donc...
    Eh bien, merci, monsieur Trost.
    Si nous ne perdons pas trop de temps, nous pourrons au moins commencer une deuxième série de questions.
    Il s’agit de périodes de questions de cinq minutes. Madame Hall Findlay, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, messieurs.
    Soit dit en passant, monsieur McMahon, j’aimerais remercier les gens de l'Institut Fraser de leur commentaire. Ils recommandaient au gouvernement Harper de suivre les traces du précédent gouvernement libéral pour ses politiques économiques. Merci beaucoup. Je trouvais que c'était très perspicace.
    Je vais vous parler de ma formation. J’ai fait des études non pas en philosophie, mais bien en droit international. Je suis d'avis que la signature d’accords commerciaux internationaux ne signifie pas l’abandon de sa souveraineté; c’est en réalité l'exercice de sa souveraineté. La signature d’ententes contractuelles est en réalité une façon d'exprimer notre souveraineté, mais cette discussion sera pour une autre fois.
    Monsieur Sinclair, certains enjeux pertinents ont été soulevés, et notre problème est que nous ne serons pas capables de les aborder en cinq minutes. Par conséquent, je suggérerai en fait au comité d'en discuter dans une prochaine séance. Au sujet des droits de propriété, il y a une très grande différence entre un droit de propriété et un droit d'utilisation. Par exemple, si vous avez signé un contrat d'approvisionnement de trois ans pour des gadgets et que le fournisseur de gadgets arrête de vous en fournir à la moitié du contrat, vous aurez une réclamation fondée en droit contre ce fournisseur pour le tort causé par la perte d'accès à ces gadgets pour l'année et demie restante au contrat.
    Je ne crois pas que c'est mal d'indemniser quelqu'un dans le cas d'une résiliation avant terme d'un droit d'utilisation de l'eau, d'un droit de coupe ou de la perte d'accès à ces ressources. Je ne crois pas qu'il faille nécessairement une dénégation des droits de propriété sous-jacents des ressources pour offrir une indemnisation si, dans les faits, un accord a été conclu pour leur utilisation et qu'il a été résilié avant terme.
    Comme je l'ai mentionné, nous serons incapables d'aborder ces questions en cinq minutes, mais j'aimerais en discuter plus longuement, parce que je crois, comme vous, que nous devons nous assurer de conserver ce droit de propriété et tous les droits s'y rattachant dans les provinces et les territoires.
    Voici mon autre problème. Nous avons entendu dire qu'il se peut qu'il y ait eu une utilisation abusive de la nationalité des entreprises pour profiter du chapitre 11. Certains mettent en doute l'objectivité du conseil arbitral, et il faut aborder ce sujet. Nous souffrons très clairement d'un manque de communication, et c'est le sujet sur lequel j'aimerais vous entendre maintenant et dont j'aimerais discuter, encore une fois, plus longuement, parce que le Canada négocie actuellement avec l'Europe, et c'est un exemple parfait. Je crois que nous avons là l'occasion d'apprendre des problèmes rencontrés dans l'ALENA et de nous permettre dans nos discussions avec l'Europe de peut-être mieux formuler les termes de l'accord — d'être plus clairs au sujet de la question de la nationalité, par exemple, et d'aborder des questions que nous comprenons mieux.
    Tout commentaire que vous pourriez faire à ce sujet, après coup, nous serait très utile.
    Enfin, l'élément le plus important que j'ai retenu du dossier d'AbitibiBowater est l'incroyable manque de communication qui fait en sorte que le gouvernement fédéral et les contribuables devront payer une indemnisation qui aurait pu, en théorie, servir... Je ne suis pas du tout contre l'idée d'indemniser quelqu'un, mais cette indemnisation aurait pu être transférée vers les autres dettes, comme la réhabilitation des sites qui n'a jamais eu lieu et les pensions qui n'ont jamais été versées.
    C'est très frustrant d'espérer des réponses en cinq minutes.
    Je toucherai seulement un point très brièvement. Je crois qu'il est très exagéré de dire que ce principe, à savoir qu'aucun droit à une indemnisation automatique n'est rattaché aux ressources appartenant à l'État, serait un immense coup à l'économie canadienne, étant donné que l'économie canadienne et l'économie des ressources naturelles fonctionnent ainsi depuis plus d'un siècle pour des raisons d'intérêts publics — notamment pour favoriser le développement ou contrôler le développement pour des raisons environnementales ou d'autres raisons lorsque les droits de propriété sont modifiés. Les gouvernements et les entreprises entretiennent normalement de bons rapports. Ils ont un intérêt commun dans la mise en valeur des ressources naturelles.
(0940)
    Nous devons actuellement agir conformément à ces règles. C'est la version excessivement ouverte de la définition des droits de propriété de l'ALENA qui commence à nuire aux accords.
    Je vais laisser du temps pour que M. McMahon réponde.
    Eh bien, tout d'abord, au sujet de vos premiers commentaires, c'est vrai que nous exerçons notre souveraineté durant les négociations d'un accord commercial. Toutefois, après coup, ces accords limitent en fait notre souveraineté. Ils précisent ce que nous devons faire et ce que nous ne pouvons pas faire. Dans le cas de l'ALENA, c'est l'indemnisation obligatoire. Le Canada ne peut pas vraiment s'en dégager. Le Canada ne peut pas vraiment soulever des tarifs ne relevant pas de l'accord. Oui, nous pouvons négocier les termes de l'accord, mais ces mêmes termes nous empêchent ensuite d'exercer notre souveraineté.
    Au sujet des droits de propriété des ressources naturelles, vous pouvez appeler cela des accords contractuels, si vous le voulez, ou des droits de propriété, mais le fait demeure que si vous et moi signons un accord pour que j'utilise quelque chose ou que je reçoive des gadgets, comme dans votre exemple, durant une période de temps définie, la résiliation de cet accord sans m'accorder une indemnisation constitue une violation des droits de propriété ou des droits contractuels. Vous avez vraiment raison de dire que cinq minutes ne sont pas suffisantes pour expliquer les différentes subtilités entre les deux concepts. En ces circonstances, je suis heureux d'utiliser les termes vagues de droits de propriété et de droits contractuels. Nous pourrons préciser les définitions plus tard.
(0945)
    Merci.
    La séance se terminera plus tard, mais nous avons commencé un peu en retard. Donc, je vous accorde le dernier temps de parole, monsieur Keddy. Vous avez cinq minutes exactement.
    Merci, monsieur le président. Bienvenue aux témoins. Je ne dépasserai pas cinq minutes; ne vous en inquiétez pas.
    Monsieur Sinclair, j'aimerais revenir brièvement à votre intervention sur les droits de propriété. Je ne veux pas manquer de respect aux avocats présents, mais j'ai toujours été impressionné par le fait que si nous voulons une opinion différente, nous n'avons qu'à demander à un autre avocat. Je crois que vous accepterez qu'on vous corrige au sujet des droits de propriété.
    Il y a certainement beaucoup de droits de propriété sur l'eau au Canada. Ces droits ne considèrent pas et ne traitent pas l'eau comme une marchandise. Vous devriez vous exprimer clairement. Il y a divers droits d'usage de l'eau au Canada datant d'avant 1867 et d'après 1867; ces droits permettent son utilisation notamment afin de produire de l'électricité et de faire tourner des moulins. Bref, ce n'est pas une ressource exploitée en vue d'être exportée. Il faut faire la part des choses.
    Êtes-vous d'accord?
    Je ne suis pas d'accord avec votre caractérisation de mes commentaires, parce que je parlais précisément de l'accès aux ressources appartenant à l'État.
    Merci.
    Parlons donc des ressources appartenant à l'État. Tout d'abord, je ne suis pas certain qu'il y avait un contrat de location dans le cas d'AbitibiBowater à Terre-Neuve. Je ne sais pas s'il s'agissait d'un contrat de location ou si la propriété leur appartenait en fait.
    C'était un contrat de location. Le savons-nous? Il y a une différence. Nous pouvons aborder l'utilisation des ressources naturelles dans un contrat de location, et cette location peut tout à fait être modifiée à la fin du contrat ou en cours de route au moyen d'une procédure établie aux termes du contrat. Si la propriété vous appartient, il faut avoir recours à l'expropriation. Cette méthode n'est pas utilisée dans le cas d'un contrat de location, selon ce que je sais.
    Au sujet des droits de coupe, d'où vient l'idée que ces droits sont différents des autres biens? Ils ne le sont pas. Si je comprends votre résumé et votre explication à ce sujet — et c'est ce que j'essaie de faire —, en tant que propriétaire foncier, ma propriété ne m'appartient pas. Je ne fais que la louer au gouvernement, tant que je paie mon impôt foncier. Je ne crois pas que la majorité des Canadiens vous appuieraient. Selon moi, ils pensent que leur propriété leur appartient, mais qu'ils peuvent être expropriés pour le soi-disant bien public dans certaines circonstances. Cependant, d'ici là, notre propriété nous appartient. Dans chaque province, différents règlements sont utilisés. En Nouvelle-Écosse, je crois que nous possédons les 7 ou 10 premiers pieds en dessous de la surface. Après, les droits miniers peuvent appartenir à quelqu'un d'autre, mais notre propriété nous appartient.
    Je ne vois pas comment vous pouvez dire que c'est différent, seulement en raison de la présence de droits de coupe.
    Une voix: Votre prochain témoin vous l'expliquera.
    Encore une fois, j'aimerais mettre l'accent sur la question que nous abordons aujourd'hui, à savoir l'indemnisation pour l'accès aux ressources appartenant à l'État.
(0950)
    Non, nous parlons des ressources appartenant à des intérêts privés.
    Si les investisseurs ne possèdent pas les ressources, ils ne peuvent être expropriés. L'expropriation se définit comme la saisie de la propriété d'un bien. S'il n'y a pas de droit de propriété, il ne peut y avoir d'expropriation.
    S'il n'y a pas eu d'expropriation, pourquoi Terre-Neuve a-t-elle eu recours à la législation pour empêcher l'entreprise de poursuivre la province?
    La législation a permis d'exproprier certains actifs et de retourner certains droits à la Couronne — les droits dont je parle en ce moment —, à savoir les droits de coupe et d'usage de l'eau.
    Tout à fait, sans l'ombre d'un doute, mais je ne suis pas certain si elle leur appartenait en entier ou s'il la louait. Dans votre déclaration initiale, vous n'avez pas fait la distinction entre la location et la propriété. C'est ma question.
    Si les gens du Conseil des Canadiens soutient qu'aucun Canadien ne possède de propriété, je pense que vous aurez du mal à les convaincre.
    Eh bien, je ne représente pas le Conseil des Canadiens.
    Oh, pardonnez-moi.
    Mes remarques sont consignées au compte rendu. Vous pouvez les lire pour vous rafraîchir la mémoire.
    L'autre bref commentaire...
    Vous soulevez des points intéressants. C'est une question complexe, et je suis d'accord avec vous à cet égard.
    Je pense qu'il s'agit de points intéressants. Le problème — et je ne pense pas que personne prétend le contraire — est très difficile. Personne n'est content de la situation. Je suis certain qu'il en est de même pour AbitibiBowater. Le syndicat à Terre-Neuve-et-Labrador ne l'est pas non plus. Je ne pense pas que le gouvernement du Canada soit heureux de payer 130 millions de dollars.
    Pour répondre à ce qu'a mentionné M. McMahon plus tôt, à savoir que nous devrions essayer d'éviter ce genre de situation dans l'avenir, entre-temps, il faut un processus d'indemnisation. Il ne visera jamais tout le monde. Il ne sera jamais assez vaste. C'est un...
    Si nous pouvons violer nos contrats sans verser d'indemnisation, nous ne respectons pas la primauté du droit et nous supprimons les investissements au Canada. Personne ne nous croira.
    Merci, monsieur Keddy, et merci à nos témoins. Nous venons tout juste de commencer. Quoi qu'il en soit, j'ai aimé le début.
    Nous allons passer à la deuxième partie de la séance dans quelques minutes. Je vais demander à ce que nous fassions une pause de deux minutes pour dire au revoir à nos témoins et en accueillir d'autres.
    Nous allons interrompre la séance pour deux minutes.
    Merci.

(1000)
    Bon retour. Nous allons maintenant accueillir le deuxième groupe de témoins et poursuivre notre étude de l'entente avec AbitibiBowater. Dans cette deuxième partie de la séance, nous recevons M. Jean-Michel Laurin, vice-président des Politiques d'affaires mondiales chez Manufacturiers et exportateurs du Canada. Bon retour parmi nous, monsieur Laurin. Il est bon de vous avoir ici.
    Nous accueillons également M. David Coles, président du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier. Bienvenue, monsieur Coles, et merci d'être des nôtres aujourd'hui.
    À titre personnel, nous recevons des gens qui remplaceront les témoins qui devaient venir pour je ne sais trop quelle raison. Il s'agit de M. Michael Woods, associé du Groupe du droit du commerce et de la concurrence chez Heenan Blaikie, et de Mme Alexandra Logvin, avocate du groupe de litige chez Heenan Blaikie. Je vous remercie d'être venus à la dernière minute.
    Je comprends qu'on vous a en quelque sorte obligés à comparaître, et je vous remercie d'avoir pris le temps de vous être déplacés à court préavis. Je vais vous donner l'occasion d'expliquer plus en détail ce qu'il en est au début de votre intervention. Je ne sais pas si vous avez préparé une déclaration liminaire, mais le cas échéant, je vais demander à nos autres témoins d'être brefs car il ne nous reste qu'environ 45 minutes.
    Nous commencerons avec les déclarations liminaires. Je vous prierais encore une fois d'abréger un peu vos exposés pour qu'on puisse poser des questions. Nous allons maintenant débuter avec nos témoins.
    Nous entendrons d'abord M. Coles, président du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier.
    On vous écoute, monsieur Coles.
    Je remercie les membres du comité également. Je vous suis reconnaissant de nous donner l'occasion de faire connaître le point de vue des travailleurs.
    J'aimerais vous parler brièvement de mes antécédents. Il est très singulier pour un dirigeant syndical d'avoir passé la majorité de son temps au cours des deux dernières années dans des salles de conseils d'administration pour traiter de problèmes entourant la LACC, le droit commercial international et la Loi sur la faillite.
    Je ne suis pas un avocat; je suis un négociateur. Toutefois, j'ai présidé les négociations avec AbitibiBowater pour tenter de trouver — et on a fini par y arriver — un moyen de se soustraire à la protection de la LACC.
    Encore une fois, je m'appelle Dave Coles et je suis le président du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier. Nous représentons 130 000 membres environ, y compris plus de 60 000 travailleurs du secteur forestier, dont 7 500 sont employés par AbitibiBowater. Il y a aussi un autre groupe d'environ 20 000 anciens employés, que nous comptions parmi nos membres et qui sont maintenant à la retraite.
    En mars 2009, AbitibiBowater a fermé l'usine de papier de Grand Falls-Windsor à Terre-Neuve-et-Labrador, et plus de 500 travailleurs ont perdu leur emploi. Nous avons représenté ces fiers travailleurs qui étaient confrontés à un choix douloureux, soit se plier aux demandes de l'entreprise — ils avaient tenu des négociations —, soit faire d'importantes concessions. À l'époque, AbitibiBowater jouait vraiment dur avec nos membres.
    Comme de fait, les travailleurs de Grand Falls-Windsor ont dû se contenter du second choix. Ils se sont alors fait voler leurs derniers droits qui avaient été négociés par contrat — leurs indemnités de cessation d'emploi.
    Il est important de placer le conflit entre AbitibiBowater et Terre-Neuve-et-Labrador dans son contexte approprié. Lorsque Terre-Neuve-et-Labrador a adopté le projet de loi 75, qui a révoqué les droits de coupe et d'utilisation de l'eau d'AbitibiBowater et a exproprié les actifs d'hydroélectricité avec l'usine, c'était parce qu'AbitibiBowater avait fermé l'usine de Grand Falls et refusait de verser les indemnités de cessation d'emploi aux travailleurs de l'usine.
    Le 30 avril 2009, approximativement un mois après la fermeture de l'usine, le premier ministre Danny Williams a lancé un ultimatum à AbitibiBowater en réclamant à l'entreprise de respecter ses obligations relatives au versement des indemnités de cessation d'emploi aux travailleurs, à défaut de quoi il pourrait recourir à l'expropriation. Par ce geste, le premier ministre a agi de manière proactive pour défendre les droits de ses citoyens d'obtenir ce qui leur est dû.
    L'entreprise s'est plutôt placée sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, la LACC. Il faut prendre note que l'indemnité devait être payée 48 heures plus tard, mais l'entreprise a contourné les paiements en se mettant sous la protection de la LACC — une coïncidence, comme diraient certains.
    Ainsi, le premier ministre a agi, le gouvernement est intervenu et a versé plus de 30 millions de dollars en indemnités de cessation d'emploi qui étaient dues aux personnes ayant perdu leur emploi à Grand Falls. À ma connaissance, ce geste du gouvernement est sans précédent au Canada. Je devrais ajouter que j'ai pour ma part dû signer un billet à ordre de 30 millions de dollars — c'était en fait de 33 millions de dollars — avec le premier ministre pour veiller à ce que si le syndicat gagnait ses causes devant les tribunaux, nous rembourserions les 33 millions de dollars. Nous n'avons pas gagné, et j'ai été dispensé de cette responsabilité.
    Nous devons aussi être clairs quant aux conditions de l'expropriation. Les droits de coupe et d'utilisation de l'eau accordés par Terre-Neuve-et-Labrador aux propriétaires de l'usine de Grand Falls-Windsor en 1905, au départ à la Anglo-Newfoundland Development Company, étaient conditionnels à l'exploitation d'une usine dans la province. C'est dans l'article 3 du bail de 1905 entre Terre-Neuve-et-Labrador et l'entreprise, et vous verrez que c'est énoncé dans mon rapport.
    Le bail de 99 ans a été renouvelé en 2002, mais seulement à la condition — une condition contractuelle — que la machine no 7 reste en marche. Advenant le contraire, la loi provinciale stipulait que le bail serait révoqué et que les droits de coupe et d'utilisation de l'eau retourneraient au domaine public.
(1005)
    C'était la loi.
    La grande question est de déterminer si AbitibiBowater utilisait des ressources publiques pour exploiter une usine de papier ou pour être un producteur privé d'électricité. Autrement dit, est-ce que les licences d'utilisation des ressources pour le développement économique sont juste une autre forme de propriété privée, qui peuvent être utilisées ou non, ou vendues sans tenir compte de l'intérêt public?
    Quant aux actifs d'hydroélectricité et à l'usine elle-même, Terre-Neuve-et-Labrador a annoncé sa volonté d'indemniser AbitibiBowater. J'étais dans les salles de conférence quand ces discussions ont eu lieu. Le premier ministre n'a jamais dit — du moins pas quand j'étais là — qu'ils n'allaient pas trouver un moyen d'indemniser AbitibiBowater car ils savaient qu'ils avaient le droit contractuel de le faire.
    Ce n'était pas suffisant. L'entreprise a alors déposé une contestation en vertu de l'ALENA de 50 millions de dollars. À ce moment-là, j'ai dit à l'entreprise qu'elle commettait une erreur et que si nous en avions l'occasion, nous contesterions. Plutôt que d'attendre le jugement du tribunal du commerce non élu qui aurait, selon toute probabilité, favorisé le Canada puisque le contrat de bail de 1905 était solide sur le plan judiciaire, le gouvernement fédéral a simplement réglé l'affaire hors cour pour 130 millions de dollars.
    D'après ce que je sais concernant ces actifs, ils ont payé un prix assez élevé pour une opération de très faible valeur. Cela revient à dire à AbitibiBowater, « Vous aviez raison. Nous avions tort. En passant, nous reconnaissons que les ressources forestières et hydriques sont les vôtres et non celles des provinces ». Cela nous ramène à la loi.
    Mardi dernier, Steven Shrybman a fortement insisté sur le fait que le règlement hors cour, plutôt que de faire disparaître le problème, risque d'avoir des conséquences très graves sur le statut des ressources du Canada. Nous sommes d'accord. La décision hâtive de ce gouvernement fédéral dans cette affaire servira peut-être de jurisprudence lorsqu'une entreprise, à qui un permis ou un bail a été accordé pour utiliser ou exploiter une ressource, comme l'eau ou la forêt, peut demander d'être indemnisée si ce permis est révoqué.
    Ce fut une surprenante et dangereuse concession que le gouvernement fédéral a faite. Nous ne souscrivons pas aux dispositions du chapitre 11. C'est un fait indéniable. Nous pensons qu'elles ne représentent rien de moins qu'une charte des droits pour des investisseurs étrangers qui permettent à des tribunaux du commerce non élus de prévaloir non seulement sur les gouvernements démocratiquement élus, mais aussi sur le processus judiciaire légitime du pays. Or, les dispositions du chapitre 11 existent. Et pendant qu'elles existent, il y a des chances que le processus en vertu du chapitre 11 statue contre le requérant, comme il l'a fait dans l'affaire UPS, ou qu'il minimise les réclamations d'un investisseur étranger, ce qui a été fait dans l'affaire S.D. Myers, où le Canada a seulement été tenu de verser 850 000 $ des 20 millions de dollars que réclamait l'entreprise. Or, tous sont perdants lorsque le gouvernement fédéral plaide simplement coupable et reconnaît le droit d'une entreprise à des ressources qu'elles ne possèdent pas, mais qu'elles louent seulement.
    Notre seule consolation dans cette affaire, c'est que grâce aux actions du premier ministre Williams, nous avons reçu les indemnités de cessation d'emploi pour nos membres.
    Merci.
(1010)
    Nous allons maintenant entendre nos témoins substituts, pour ainsi dire.
    Monsieur Woods, avez-vous une déclaration liminaire?
    Je m'appelle Michael Woods. Je suis avocat spécialisé dans le commerce international chez Heenan Blaikie, dont les bureaux sont situés tout près d'ici sur la rue Metcalfe, et c'est d'ailleurs pourquoi je suis ici. La personne que vous vouliez vraiment entendre, c'est mon grand ami, Todd Weiler, qui n'a pas pu quitter London à cause du mauvais temps. Il vous présente ses excuses.
    Je ne vais pas faire une vraie déclaration liminaire. Je suis simplement ici pour expliquer que je suis le remplaçant et que je n'ai pas travaillé sur l'affaire, d'un côté comme de l'autre. Je ferai de mon mieux pour répondre aux questions. Je ne me suis pas attardé sur les détails du projet de loi. Nous, qui oeuvrons dans le domaine du droit commercial, suivons les causes qui sont en lien avec le chapitre 11.
    La relation fédérale-provinciale m'intéresse beaucoup. Je suis très curieux de savoir comment les gens perçoivent l'avenir de l'ALENA. Je suis très intéressé par l'idée selon laquelle nous ne devrions pas considérer être à un point donné. Il est très difficile d'ouvrir les accords commerciaux et de les modifier, et le danger que cela présente — et nous avons eu ces discussions dans le passé au sujet de l'ALENA —, c'est que nous pourrions perdre toute l'entente. Je pense que c'est un compromis acceptable en ce qui a trait à l'ALENA, et bien entendu au chapitre 11, et ce serait une triste journée si nous devions annuler un accord en entier ou s'il était délibéralisé, par exemple.
    Cela dit, je pense qu'il y a beaucoup de place pour des mécanismes administratifs et des façons d'envisager les échanges commerciaux dans l'avenir.
    Je suis fier de dire que ma firme conseille le gouvernement du Québec dans les négociations sur l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne, et dans ce contexte, je crois que nous voyons une plus grande participation. Je ne m'occupe pas directement de ces discussions — c'est Pierre Marc Johnson et Véronique Bastien de notre bureau à Montréal qui sont chargés du dossier —, mais je constate de plus en plus d'échanges entre les provinces et le gouvernement fédéral à mesure que nous allons de l'avant avec ces accords de libre-échange, car on reconnaît que ces accords ont une incidence sur les provinces de même que sur le fédéral et qu'il y a bien des enjeux.
    Ce n'est pas une situation unidirectionnelle. La raison pour laquelle nous avons les aspects du chapitre 11 et le règlement des différends opposant un investisseur à un État, qui est l'enjeu de taille, c'est qu'il s'agit d'un mécanisme vieux de 100 ans et qui protège les investisseurs canadiens, européens et américains partout dans le monde. C'est quelque chose que nous souhaitons avoir pour protéger nos investissements.
    Le commerce est bilatéral. Les pays en développement où nous voulions une protection sont maintenant des pays comme le Brésil, qui investissent d'énormes sommes d'argent au Canada. Les investissements entre les États-Unis et le Canada sont considérables. Je n'ai pas les statistiques avec moi, mais il y a une protection supplémentaire.
    De toute évidence, j'ai un intérêt direct dans le dossier. J'ai défendu des causes aux termes de l'ALENA. J'ai été avocat-conseil aux côtés de Todd Weiler, alors j'ai ce point de vue particulier, mais je pense que des progrès peuvent et devraient être réalisés au chapitre des relations fédérales-provinciales. C'est possible et réalisable.
    Enfin, j'aimerais dire que comme je suis ici à titre de remplaçant et que j'ai parcouru l'affaire très brièvement, je suis d'avis... J'ai travaillé à la division du droit commercial. J'étais là quand nous avons négocié l'ALENA. J'étais là quand nous avons négocié l'accord de libre-échange. J'étais aussi là lors des négociations du Cycle d'Uruguay. Je ne suis pas si vieux, alors je n'étais pas là durant le cycle de Tokyo, mais j'ai fait partie des équipes du gouvernement de la défense et agi à titre d'avocat-conseil du requérant.
    Les seuls documents que j'ai sont l'allégation à l'arbitrage, la déclaration d'intention et la revendication. Je connais les avocats des deux côtés. Je pense qu'ils ont adopté une position calculée, et ils ont obtenu un règlement. Je ne peux pas me prononcer sur les politiques du règlement ni sur comment on en est venu à une telle situation, mais si j'avais été l'avocat d'un côté comme de l'autre, j'aurais estimé que l'entente qui a été conclue était raisonnable. Si je retournais à la division du droit commercial du gouvernement, ou si je conseillais AbitibiBowater, je dirais qu'il y aura des risques dans l'avenir et qu'il s'agit là d'un règlement acceptable.
(1015)
    Pour ce qui est des autres éléments connexes, je ne me représente pas clairement ce qui s'est passé parce que je n'ai pas travaillé à ce dossier. Peut-être que cela me permet de parler plus librement, je comparais d'ailleurs aussi à titre personnel. Cependant, je peux vous dire que si vous avez une question difficile à poser et que vous obtenez des réponses différentes de deux avocats, comme vous le dites, je suis accompagné d'Alexandra Logvin, qui s'est jointe à notre cabinet en tant qu'étudiante et qui a travaillé à l'affaire sur le chapitre 11 de l'ALENA. Elle a beaucoup d'expérience de l'arbitrage international. Elle a également travaillé avec le gouvernement fédéral. Elle a travaillé à l'affaire UPS. Elle a travaillé avec nous et Todd Weiler à monter les dossiers des demandeurs.
    Pour ceux qui se demandent comment trouver l'équilibre avec l'ALENA, je suis fier de souligner que nous nous sommes battus pour les exploitants de parcs d'engraissement de Picture Butte et de Lethbridge, entre autres, quand la frontière a été fermée à cause de l'ESB. Nous avons défendu les exploitants de bovins et avons regroupé les recours.
    Il n'y a donc pas que des grandes entreprises qui poursuivent le gouvernement; c'est un outil à la disposition de quiconque a un investissement à protéger. En toute honnêteté, l'un des problèmes vient du fait que les particuliers et les entreprises n'ont pas assez de pouvoir pour poursuive directement le gouvernement, et j'aimerais qu'ils en aient plus. Cela leur coûte très cher. Il faut trouver des moyens de créer des tribunaux moins temporaires et plus économiques, donc moins coûteux pour les particuliers qui souhaitent poursuivre les pays qui nuisent à leurs investissements ou à leurs droits commerciaux, tout comme on peut poursuivre le gouvernement du Canada.
    J'ai dit que je n'allais pas faire de déclaration liminaire, mais c'est ce qui arrive quand on place un avocat devant un micro.
    Je vous remercie. Vos observations sont appréciées. Elles me semblent très raisonnables.
    Nous allons conclure par un bref exposé de Jean-Michel Laurin, vice-président, Politiques d'affaires mondiales, pour les Manufacturiers et exportateurs du Canada.

[Français]

     Bonjour à tous.

[Traduction]

    Je vous remercie de me donner la chance de comparaître encore une fois devant le comité ce matin au nom des Manufacturiers et exportateurs du Canada et de participer à vos discussions.
    Avant de commencer, j'aimerais vous glisser quelques mots sur les Manufacturiers et exportateurs du Canada. MEC est la plus importante association commerciale et industrielle du Canada, nous sommes la voix des manufacturiers et des entreprises du Canada qui font des affaires internationales, comme vous le savez. Notre association représente plus de 10 000 entreprises de renom au Canada, et plus de 85 p. 100 de nos membres sont des petites et moyennes entreprises. Elles représentent tous les secteurs industriels et d'exportation de l'économie canadienne.
    Comme vous le savez, l'industrie manufacturière exporte beaucoup. Plus de la moitié de notre production industrielle est exportée directement, essentiellement vers les États-Unis ou par les États-Unis. On doit aux manufacturiers les deux tiers des exportations du Canada, une grande partie de l'investissement direct du Canada à l'étranger et beaucoup d'investissements directs étrangers au Canada.
    Il est de plus en plus essentiel pour les manufacturiers canadiens de faire leur marque sur les marchés internationaux, vous le savez. Plus les manufacturiers investissent dans l'innovation, plus ils deviennent agiles, spécialisés et aptes à répondre aux besoins de marchés niches, plus ils doivent trouver de nouveaux consommateurs et de nouveaux débouchés dans le monde. Cette réalité pousse beaucoup de nos membres à investir à l'étranger ou à essayer d'attirer des investissements étrangers au Canada. Le caractère concurrentiel de notre secteur dépend directement de notre pouvoir d'attirer des investissements étrangers au Canada et de notre pouvoir d'investir à l'étranger. Une grande partie des activités de nos membres découle aussi d'investissements directs étrangers que nous avons réussi à attirer au Canada et à conserver grâce au bon travail de nos membres.
    Ces entreprises se battent jour après jour afin de conserver leurs mandats de production et d'attirer de nouveaux investissements au pays. Beaucoup souhaitent intensifier leurs activités hors Canada et doivent tirer parti des occasions d'investissement direct à l'étranger (par exemple aux États-Unis) pour contrebalancer l'incidence de la forte valeur du dollar canadien en ce moment. Nos membres nous disent qu'en cette fin de récession, les occasions d'affaires aux États-Unis, au Mexique et ailleurs dans le monde sont nombreuses et qu'elles sont essentielles pour accroître leur présence sur ce marché.
    C'est la raison pour laquelle MEC est favorable à la promotion de l'investissement étranger et aux accords de protection tels que le chapitre 11 de l'ALENA et d'autres accords négociés ou en cours de négociation par le gouvernement canadien. Nous devons faire en sorte que les entreprises canadiennes qui investissent à l'étranger ne subissent pas de préjudice à la faveur des entreprises locales, et nous avons besoin d'assurer la même chose aux entreprises étrangères qui investissent au Canada, dans la mesure où nous obtenons un traitement réciproque dans l'autre pays.
    Le but n'est pas de contraindre les gouvernements pour des questions comme l'expropriation, mais plutôt de nous doter d'un cadre juridique non discriminatoire, prévisible et axé sur des règles claires. Les accords de protection de l'investissement étranger protègent et favorisent l'investissement étranger par l'établissement de droits et d'obligations contraignants pour les sociétés canadiennes qui investissent à l'étranger comme pour les sociétés étrangères qui investissent au Canada ou y sont présentes.
    Je crois que Don Stephenson du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a déjà témoigné ici cette semaine, donc je n'entrerai pas dans les détails. Je ne suis pas là pour discuter de détails, je suis là pour parler des incidences de tout cela sur les manufacturiers et les exportateurs partout au Canada. Je pense qu'il y a deux incidences d'importance à souligner.
    Premièrement, je ne crois pas que la menace d'expropriation inquiétait beaucoup d'entreprises qui investissent au Canada jusqu'ici, des entreprises américaines en particulier. Ce n'est habituellement pas une question dont nous parlent nos membres. Certains diront que le cas d'AbitibiBowater est unique et spécial, mais que ce soit le cas ou non, la perception actuelle, c'est que l'expropriation est possible. Il y en a déjà eu des exemples, et la perception générale est que ce n'est pas positif.
    Cette affaire établit aussi un précédent qui va porter les investisseurs à poser plus de questions à l'avenir. Ce n'est vraiment pas quelque chose que nous voyons d'un bon oeil. Nous ne voulons absolument pas que les investisseurs étrangers craignent qu'on puisse saisir leurs actifs. Et si leurs actifs étaient nationalisés ou expropriés, ce devrait être fait selon des règles applicables à tous. Il faut faire la preuve que tout cela se fait dans l'intérêt du public, et nous devons pouvoir garantir aux investisseurs qu'ils seront indemnisés convenablement le cas échéant.
(1020)
    Deuxièmement, je crois que cette affaire nous montre bien pourquoi nous avons besoin d'accords de protection des investisseurs, comme le chapitre 11 de l'ALENA: c'est pour que les expropriations se fassent selon des règles clairement établies et qu'il y ait des indemnités adéquates calculées selon la juste valeur marchande. Je ne vous lirai pas le texte de l'accord, mais si vous voulez le lire, vous verrez que les principes et les droits liés à l'investissement sont assez explicites. Je crois d'ailleurs que dans notre réflexion, nous devons tenir compte de l'incidence positive de cette mesure sur les sociétés canadiennes qui investissent aux États-Unis.
    Pour conclure, je dirai que les accords de protection de l'investissement étranger, y compris le chapitre 11, nous offrent le cadre de droit dont nous avons besoin pour protéger et régir l'investissement étranger. L'affaire AbitibiBowater nous montre qu'il est fondamental de nous doter de telles règles.
    Je vais m'arrêter là. Je suis prêt à répondre à vos questions.
    Merci.
    Merci, monsieur Laurin.
    Nous allons commencer par M. Simms cette fois-ci.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins.
    Pour commencer...
    Excusez-moi, monsieur Simms; j'aimerais mentionner à tout le monde que nous allons essayer de nous limiter à cinq minutes par personne pour que tout le monde ait la chance de parler. C'est cinq minutes pour les questions et les réponses.
    Merci.
    Monsieur Coles, je vous remercie de votre exposé. Vous avez clarifié certains points que nous avions soulevés au sujet des baux. Je vous en remercie. Je vais revenir à vous dans un instant.
    Monsieur Laurin, voici ce que je pense de tout cela. Je comprends pourquoi vous revendiquez l'établissement de règles claires pour tous ceux qui investissent. Je n'y vois absolument aucun problème. Vous avez cité le chapitre 11 comme principal exemple de solutions en place aux mesures d'expropriation. Monsieur Woods, quant à lui, nous a donné un exemple de l'Alberta où les gens ont plus de pouvoirs. C'est très bien.
    Prenons toutefois le temps de regarder ce qui se fait ailleurs. Pour le pétrole et le gaz, il est extrêmement complexe d'investir dans la mer du Nord. Le système là-bas est très avancé, je dirais même qu'à mon avis, c'est le plus avancé au monde. Ils ont ce qu'on appelle une loi sur les champs en jachère. Autrement dit, une société a tant d'années pour investir sur un certain territoire. Une fois établie, elle peut obtenir un permis et poursuivre ses activités, mais si elle ne fait rien, elle doit s'expliquer au bout de deux ou trois ans.
    Le principe de base, c'est que l'espace n'appartient pas à ces sociétés. Il n'est pas leur à perpétuité. Il appartient à la population, à qui elles doivent rendre compte. Dans ce cas-ci, pour revenir au témoignage de M. Coles, vous pouvez évidemment parler de perception, mais en 1905, le système fonctionnait bien dans la province. Tous ces droits ont été consentis simplement parce qu'il fallait créer de l'emploi, un point c'est tout. On peut bien dire aujourd'hui que c'était il y a 100 ans, mais le principe a été renouvelé en 1992. C'était le principe de base du système.
    Bon nombre d'entre nous avons été accusés d'expropriation sans raison apparente, et je crois que le premier ministre Williams s'est même déjà fait appeler « Danny Chavez ». Le fait est, cependant, qu'il avait raison: cela va dans les deux sens.
    J'aimerais entendre d'abord M. Laurin à ce sujet. Monsieur Coles, j'aimerais connaître votre point de vue également.
(1025)
    De toute évidence, il y a différents pays et différentes administrations qui ont des régimes différents pour accorder l'accès aux ressources naturelles aux sociétés et gérer cet accès. Ce que je voulais dire sur ce qui est arrivé à Terre-Neuve-et-Labrador (et c'est ce que nos membres nous disent), c'est que si on adopte des politiques et qu'on modifie le régime pour avoir accès à des ressources naturelles, ce devrait être fait de manière prévisible, selon les mêmes règles pour tous et conformément aux meilleures pratiques réglementaires. Autrement dit, les règles doivent s'appliquer à tous.
    Dans le cas à l'étude, nous n'avons pas participé directement aux discussions comme David, mais je crois que nos membres souhaitent un système axé sur des règles prévisibles qui s'appliquent équitablement à tout le monde. Je pense que si Terre-Neuve-et-Labrador veut modifier son régime d'accès aux ressources naturelles, y compris les droits de coupe, c'est de sa prérogative, mais elle doit le faire selon des règles qui...
    Peut-être qu'il manquait de règles. Ne cherchons pas trop loin: en 1905, et plus récemment quand les principes ont été renouvelés, l'idée était qu'il suffisait de créer de l'emploi pour obtenir des droits.
    Il y avait un accord qui régissait les activités d'AbitibiBowater dans la province, et les régimes de toutes les provinces diffèrent. Toutefois, si on change la façon dont le régime fonctionne, on doit le faire de manière uniforme afin de traiter tout le monde équitablement et également. C'est ce que nous faisons valoir.
    Quand nous essayons d'attirer des investissements étrangers au Canada, les gens veulent connaître les règles ici et être sûrs que ces règles ne changeront pas en cours de route.
    Je comprends. Je pense qu'il en va de même des gouvernements. C'est probablement tout le but de l'exercice de Terre-Neuve. Nous avons peut-être des leçons à en tirer.
    Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez, monsieur Coles?
    Il y a deux problèmes qui me dérangent. Il y a notamment que les droits aux ressources relèvent des provinces au Canada, alors que les droits en matière de commerce international relèvent du gouvernement fédéral. C'est un enjeu complexe sur le plan juridique. Si un employeur accepte de vous laisser exploiter telle ressource, puis qu'il change son fusil d'épaule ou contrevient aux règles, nous sommes d'avis que vous avez le droit de le contester.
    Par exemple, si toute l'industrie de la potasse était vendue en Saskatchewan et qu'elle s'arrêtait pour des raisons économiques, si elle était vendue à un autre pays, je crois que les citoyens de la Saskatchewan seraient en droit de dire: « Un instant, ce sont nos ressources. Il faut arrêter ça et reprendre nos ressources. Faites quelque chose. »
    Tout revient aux droits des entreprises. Dites-moi qui défend les droits des citoyens du Canada ou des provinces?
(1030)
    En avez-vous déjà parlé au premier ministre?
    Oui, à quelques reprises.
    Merci. Nous devons poursuivre.
    Allez-y, monsieur Laforest.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Je vais débuter et mon collègue poursuivra par la suite.
    Bonjour, madame et messieurs. Cela me fait extrêmement plaisir de vous rencontrer.
    Monsieur Coles, j'ai été particulièrement frappé par votre témoignage. Je l'ai trouvé extrêmement intéressant. Dans ma circonscription, il y a plusieurs employés d'AbitibiBowater affiliés à votre syndicat. Je veux soulever le fait que, dans tout ce contexte, plusieurs injustices sont commises à l'endroit des travailleurs. C'est un aspect qu'on aborde de façon un peu parallèle.
    Je regarde ce que cette entreprise a fait depuis quelques années. Au Québec, dans ma circonscription, les dirigeants ont fermé l'usine Belgo, ils ont fermé les scieries à La Tuque de façon temporaire et ils viennent de fermer définitivement l'usine de Dolbeau.
    Les employés et les syndiqués ne comprennent pas la décision du gouvernement fédéral de verser 130 millions de dollars à une entreprise comme AbitibiBowater. Les gens comprennent que le secteur est en difficulté et sont souvent même prêts à faire des concessions. Toutefois, quand on voit ce qu'a fait AbitibiBowater à Terre-Neuve, où la compagnie n'a même pas payé les indemnités de départ, lesquelles ont dû être assumées par le gouvernement, les gens trouvent cela inacceptable. Les employés de l'usine de Grand-Mère viennent encore une fois d'accepter des diminutions de leurs conditions de travail qu'ils ont chèrement gagnées au fil des ans.
    Ce qui est inacceptable, c'est que la compagnie reçoive 130 millions de dollars et qu'elle ne redistribue rien aux employés, alors que les dirigeants se graissent la patte à coup de millions de dollars. Les dirigeants ont reçu des primes au cours des dernières années. Les gens n'acceptent absolument pas cela. Je veux bien comprendre qu'on parle d'un litige en lien avec l'ALENA, mais les travailleurs ont beaucoup de difficulté à comprendre ce processus quand ils voient qu'ils se font flouer pendant que les dirigeants se remplissent les poches.
    J'aimerais savoir si vous avez un commentaire à faire à ce sujet.

[Traduction]

    Le cas d'AbitibiBowater est extrêmement complexe. Tout est parti d'un comportement imprudent de deux entreprises indépendantes, Abitibi et Bowater, qui ont accumulé une montagne de dettes.
    Quand la crise économique a frappé, en septembre-octobre 2008, l'entreprise avait un déficit actuariel de 1,4 milliard de dollars à l'égard de ses régimes de pension canadiens. Elle ne pouvait pas assumer ses responsabilités financières et rembourser ses autres dettes. Du coup, elle a été obligée de se soumettre à la LACC. Nos membres, dans le but d'empêcher le démantèlement de l'entreprise, ont accepté des baisses de salaire et d'avantages de plus de 17 p. 100 pour que les retraités ne subissent pas de pertes et que l'entreprise puisse se libérer des obligations de la LACC.
    Quand le gouvernement fédéral a fait cadeau de 130 millions de dollars à AbitibiBowater, les travailleurs qui avaient perdu leur indemnité de départ et encaissé une baisse de salaire n'ont pas touché le moindre sou. Comme vous le dites, ils ne saisissent pas la complexité de toutes les lois, dont la protection de la faillite, la LACC et l'ALENA. Tout ce qu'ils voient, c'est qu'ils portent à eux seuls le fardeau de cette manoeuvre de Bay Street et de Wall Street. Ils n'ont rien et ne comprennent pas. Vous avez tout à fait raison.
(1035)

[Français]

    Je vous remercie, monsieur Coles.

[Traduction]

    Vous avez 30 secondes.

[Français]

     Monsieur Coles, vous avez parlé plus tôt de précédents, de jurisprudence. En ce qui a trait au chapitre 11, on parle d'intérêts privés par opposition au bien commun. Ce sont des questions intéressantes que nous devons nous poser en tant que parlementaires. En effet, on sent une certaine dérive et il faut admettre que tout ça est inquiétant. On a un bon exemple sur la table.
    Ma question va être courte. Comme élus, que pourrait-on faire à l'avenir pour éviter de telles dérives et pour ramener le balancier vers une situation plus acceptable pour tout le monde?

[Traduction]

    Je sais que je n'ai pas de temps, mais comme M. Woods l'a dit, nous sommes pris dans un bourbier juridique. Je pense qu'il faut des règles claires pour régir ce type de situation, parce que de dire à une province qu'elle ne peut pas régir ses propres ressources va nous mener à un désastre constitutionnel et économique.
    Allez-y, monsieur Julian.
    Merci, monsieur le président. Merci à tous nos témoins.
    J'ai une question pour M. Coles. Si je comprends bien votre déclaration, vous nous avez dit que l'entreprise n'avait pas respecté les modalités de l'entente initiale qui lui conférait depuis 1905 des droits d'utilisation de l'eau et du bois d'oeuvre conditionnels à l'exploitation d'une usine. Il semblerait que l'on ait également enfreint les conditions associées au renouvellement conclu en 2002. La concession a alors été renouvelée sous réserve du maintien en fonctionnement de la machine numéro 7. L'entreprise a refusé de respecter ses engagements découlant d'une entente négociée relativement aux indemnités de départ avant de s'en remettre à la Loi sur les arrangements avec les créanciers.
    Chez moi, on qualifie de délinquants ceux qui, systématiquement, ne remplissent pas leurs obligations. Nous sommes ici en présence d'une de ces entreprises délinquantes qui refusent sans cesse de respecter leurs engagements.
    Voici donc ma première question. Sommes-nous en train de créer un précédent en permettant à une entreprise délinquante de s'adresser au gouvernement afin de toucher des sommes considérables pour ne pas avoir respecté ses obligations? Je pense que la plupart des Canadiens sont d'avis que les choses devraient se passer tout autrement. Les Canadiens estiment que les citoyens comme les entreprises doivent respecter leurs engagements. Nous avons en l'occurrence une entreprise qui ne l'a pas fait de toute évidence, alors sommes-nous en train d'ouvrir la porte à d'autres délinquants qui pourraient utiliser ce moyen pour soutirer de l'argent au gouvernement?
    J'aimerais savoir ce qui s'est produit au cours des dernières années pour amener AbitibiBowater à aller jusque-là.
    À la lumière de tous les témoignages entendus devant notre comité, je trouve également plutôt étrange et irresponsable que l'on ait accepté de verser une telle indemnisation. S'agirait-il en quelque sorte d'une décision idéologique du gouvernement? Le premier ministre Williams était-il la cible visée? Pourquoi le gouvernement a-t-il simplement décidé de débourser plus de 130 millions de dollars alors qu'il est bien clair que l'entreprise n'a jamais respecté ses propres obligations et a refusé de négocier avec le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador une juste compensation pour ses actifs véritables?
    Votre question comporte deux parties. Je dois d'abord vous dire que je ne peux parler au nom du gouvernement Harper. Il faudra que vous demandiez à ces gens-là pourquoi ils ont ainsi mis en péril les ressources de notre pays.
    Je peux uniquement parler au nom des membres de notre syndicat qui trouvent la situation très déconcertante. Nous représentons les travailleurs du secteur de l'extraction des ressources. Je veux vous parler ici très sérieusement. Si une entreprise qui obtient le droit d'extraire une ressource met fin à ses activités parce qu'il lui est possible de réaliser des bénéfices ailleurs en s'estimant tout à fait justifiée d'agir ainsi, et si la province qui lui a concédé ses droits d'extraction ne peut exercer ses propres recours lorsque ses règles sont enfreintes...
    J'ai participé l'autre jour à une réunion concernant Stelco, qui est maintenant U.S. Steel Canada. Cette entreprise avait pris auprès du gouvernement canadien certains engagements très concrets auxquels elle a délibérément manqué, et nous devrions pratiquement faire comme si de rien n'était...
    Qu'en est-il des droits des citoyens qui paient leurs impôts? Je ne m'oppose pas à la propriété étrangère et je ne suis pas contre le libre-échange, mais lorsqu'une entreprise contrevient aux règles établies, comment se fait-il que ce soit les contribuables qui doivent payer la note?
(1040)
    Merci beaucoup pour cette réponse.
    J'ai une question pour nos autres témoins. Je suis membre de la Chambre de commerce de Burnaby. J'ai remporté des prix dans le milieu des affaires. Je suis depuis longtemps membre de la Chambre de commerce de New Westminster. Les petites entreprises de mon secteur respectent leurs obligations contractuelles. Elles tiennent parole, cela ne fait aucun doute. Elles donnent suite à leurs engagements. Je trouve un peu déconcertant qu'un processus que je juge tout à fait irresponsable permette ainsi de récompenser d'emblée une entreprise qui a systématiquement refusé de tenir parole, de respecter ses contrats et de remplir ses obligations.
    Vous semblez adopter une perspective plus théorique au sujet du chapitre 11, mais ne convenez-vous pas avec moi qu'une entreprise qui fait ainsi continuellement fi de ses obligations ne devrait pas pouvoir invoquer ce chapitre pour obtenir une indemnisation lorsqu'elle ne tient pas parole et refuse de respecter ses engagements contractuels?
    Je crois que la notion d'expropriation est plutôt simple. Si quelqu'un vous enlève quelque chose — s'il vous prive de votre investissement, de votre domicile, du fruit de votre travail et de vos investissements — le droit international et, dans une moindre mesure, le droit national — bien que je ne sois pas un expert du droit national — prévoient une indemnisation. Dans cette affaire, personne n'a privé le gouvernement de Terre-Neuve ni aucun autre gouvernement provincial du droit de gérer les ressources naturelles.
    Je ne connais pas tout l'historique du dossier AbitibiBowater. J'ai simplement fait valoir ce matin que pour les deux parties en cause — les avocats qui conseillaient le gouvernement fédéral et ceux qui travaillaient pour AbitibiBowater — il était préférable de conclure cette entente, car les sommes visées sont beaucoup moindres que les montants qu'on aurait pu atteindre si on avait laissé le processus judiciaire suivre son cours. L'affaire aurait pu traîner pendant très longtemps. Pour ce qui est des préoccupations quant au précédent créé par l'indemnisation qui aurait pu être accordée et aux conséquences sur la suite des choses, la situation serait bien plus inquiétante si on était allé jusqu'à une compensation de 500 à 600 millions de dollars en plus des dommages-intérêts. L'affaire a été réglée relativement rapidement, et ce, sans trop faire de vagues.
    Mais sans tenir compte de l'intérêt de la population.
    Non, non. S'il y a un lien à faire, et c'est seulement mon point de vue personnel...
    Il y a bien des années, je travaillais pour le gouvernement fédéral et j'étais à la tête d'une délégation à l'OCDE. Il y avait les membres de l'OCDE, ceux du Comité consultatif économique et industriel, qui représentaient les entreprises, et ceux de la Commission syndicale consultative, qui représentaient les travailleurs. Les trois groupes n'ont pu se réunir qu'en de très rares occasions, et je crois que le problème découle partiellement du fait que les questions dont vous traitez n'ont en fait que très peu à voir avec le chapitre 11. Ce chapitre prévoit essentiellement que si vous êtes en mesure de démontrer, peu importe les circonstances, que vous avez fait un investissement au Canada et qu'on vous a empêché d'en profiter et si vous pouvez satisfaire aux critères établis à l'article 1110...
    Mais l'entreprise n'a même pas eu à le faire en l'occurrence.
    Désolé, monsieur Julian; vous n'avez plus de temps. Je pense que nous vous avons compris.
    Monsieur Trost, pouvez-vous conclure? Il nous reste environ cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je dois avouer que c'est une séance que je trouve fort intéressante. Je ne suis pas ici pour défendre ou critiquer l'entreprise — il semble toutefois qu'elle ait fait sa large part d'erreurs et qu'elle prête bel et bien flanc à la critique — mais je veux m'assurer que le Canada fait respecter la primauté du droit et s'acquitte de ses obligations internationales. Comme le dossier en l'espèce semble réglé, j'aimerais surtout voir s'il nous est possible d'améliorer nos lois pour le cas où une situation semblable se reproduirait. Comme certains témoins l'ont déjà signalé, je trouve tout particulièrement intéressant de constater que les investisseurs internationaux bénéficient en vertu du chapitre 11 d'une meilleure protection que celle que nos lois nationales accordent aux investisseurs canadiens en cas d'expropriation, notamment.
    Ma question s'adresse aux avocats ici présents. Pourriez-vous expliquer au profane que je suis quelles mesures de protection sont prévues en cas d'expropriation en vertu du chapitre 11, d'une part, et de nos lois nationales, d'autre part, et quels investisseurs sont les mieux protégés? Est-ce pas mal équivalent et, sinon, pour quelles raisons? Serions-nous bien avisés de vouloir égaliser les choses?
    Je sais que vous pourriez sans doute donner un cours complet à ce sujet aux étudiants de 3année en droit, mais faites ce que vous pouvez dans les quatre minutes qui nous restent.
(1045)
    Je dois vous dire d'entrée de jeu que j'ai pratiqué le droit international pendant près de 30 ans. Je ne pratique plus le droit national depuis que j'ai quitté une firme de Sudbury où j'étais avocat plaidant, ce qui fait que je ne pourrais vous parler avec une grande expertise du droit canadien en matière d'expropriation.
    Je pense qu'il serait formidable que les investisseurs canadiens aient accès à un mécanisme comme le chapitre 11 pour se protéger des menaces qui planent sur leurs propres investissements au pays, mais c'est impossible, car l'ALENA ne prévoit rien en ce sens. Dans la plupart des grands pays développés — les pays du G8 et du G7 —, on s'efforce assurément d'attirer des investissements importants et il existe une norme internationale à cet effet. Cette norme a été établie il y a de nombreuses années pour prévoir des dispositions plus sévères afin de protéger des pays comme les États-Unis et le Canada où il existe un risque véritable que des investissements majeurs soient retirés au gré des caprices d'un chef d'État étranger.
    Nous pourrions vous fournir ces renseignements ultérieurement, mais les gouvernements nationaux jouissent d'une marge de manoeuvre beaucoup plus grande pour ce qui est des expropriations et des indemnisations qui s'ensuivent. Désolé de ne pouvoir vous donner plus de détails.
    Nous pourrons faire le suivi.
    À votre avis, serait-il recommandé de prévoir un mécanisme équivalent au chapitre 11 dans nos lois nationales afin de mieux protéger les biens des investisseurs locaux? Cela permettrait d'uniformiser les règles et de mettre fin à la recherche de la procédure la plus favorable, une pratique à laquelle d'autres témoins ont fait allusion.
    Je ne veux pas me défiler, mais c'est une question qui dépasse un peu mes compétences. Il va de soi qu'en tant que praticien, j'aimerais beaucoup pouvoir me servir des outils offerts dans le chapitre 11 pour défendre les investisseurs canadiens, peu importe où ils investissent.
    Monsieur Laurin, vous pouvez répondre également.
    Un peu comme Michael, je ne connais pas très bien le droit national. Nos membres ne nous ont pas encore fait part de préoccupations en ce sens, mais il faut dire que nous ne les avons pas non plus consultés à ce sujet. Comme je l'ai déjà indiqué, il est bien évident que nous préconisons un régime basé sur des règles, mais je ne pourrais pas vraiment vous en dire davantage quant aux différences entre la protection prévue au chapitre 11 et celle découlant des lois canadiennes.
    Il y a un autre élément à considérer. Lorsque des investisseurs étrangers ne sont pas satisfaits du traitement que leur accorde le pays d'accueil quel qu'il soit, ils ont recours au processus international de règlement des différends entre un investisseur et un État. Ils n'ont pas la possibilité de changer le gouvernement en s'exprimant lors d'un scrutin.
    Il me reste 15 secondes. Serait-il avantageux pour toutes les parties en cause que le processus soit simplifié?
    Monsieur Woods, vous avez indiqué qu'il y avait des façons de rendre le tout plus accessible. Y a-t-il des moyens de simplifier le processus de manière à accélérer les règlements et à clarifier les choses pour les investisseurs, qu'ils soient canadiens ou étrangers?
    Selon moi, il y a toujours des façons d'améliorer les choses. Quels que soient les torts du requérant d'entrée de jeu, ou les points qu'il a pu soulever par rapport à cette situation, l'un des problèmes en l'espèce vient du manque d'action concertée pour traiter ces éléments.
    Le gouvernement provincial a pris certaines mesures avant de laisser le gouvernement fédéral se débrouiller avec le problème parce qu'il s'agissait d'une question de commerce international. Une entente a été conclue pour régler la question, mais l'effet sur l'investisseur...
    J'ai représenté des investisseurs dans des dossiers semblables où l'on peut se retrouver confronté à un gouvernement qui négocie en exerçant une pression de tous les instants de façon bien coordonnée. S'ensuivent des discussions et des négociations où le côté gouvernemental affirme que si nous prenons telle ou telle action, il répliquera de telle ou telle manière.
    C'est ce qui s'est passé dans le dossier qui nous intéresse qui semble avoir été réglé du jour au lendemain; mais je n'étais pas présent lors des discussions. Le gouvernement fédéral a alors reçu un avis d'intention, un avis d'arbitrage; on voulait une indemnisation de l'ordre de 500 à 600 millions de dollars. Que ce montant soit justifié ou non, c'est tout de même une dette pour la Couronne fédérale.
    Il n'y a pas de mécanisme. Depuis cette affaire, des gens ont écrit qu'il devrait y en avoir un et je crois même que des dirigeants gouvernementaux ont indiqué qu'ils allaient en discuter. Il n'y a pas de mécanisme en place pour créer ce type de pression soutenue, s'exerçant à partir de la personne qui doit vivre une perte d'emploi...
    Nous devons examiner les choses dans une perspective globale. Nous sommes tous Canadiens. Nous avons tous un emploi. Nous devons tous gagner notre vie.
    J'ai été négociateur commercial. J'ai travaillé pour les provinces dans les conflits concernant la bière et les régies des alcools. Il faut coordonner les efforts pour mener une action concertée en travaillant en équipe. Si l'autre partie constate que nous ne formons pas ainsi une équipe, elle n'hésitera pas à profiter de la situation sans inquiétude en sachant que nos différentes composantes sont isolées les unes des autres.
    Mais je sais bien que la situation n'est pas aussi catastrophique. Notre pays se distingue notamment du fait qu'on peut y vivre sous l'égide de différents gouvernements qui appliquent des règles et des lois distinctes au sein de différentes communautés. Cependant, lorsque nous sommes exposés à une menace du genre de celle posée par le chapitre 11 de l'ALENA, il nous faut bien constater que le commerce planétaire n'est pas une partie de plaisir. J'ai également été délégué commercial et je me suis rendu dans des pays où la situation était loin d'être facile. J'ai essayé de négocier pour obtenir des contrats au bénéfice du Canada, et si on ne met pas tous l'épaule à la roue...
    Les choses se sont sans doute améliorées, mais j'ai vu dans mon rôle de délégué commercial des dossiers où deux ou trois entreprises canadiennes soumissionnaient les unes contre les autres pour le même produit. Il y avait eu une douzaine d'autres soumissions, chacune présentée par un pays où l'on avait conjugué les efforts — à Bruxelles, Paris, Washington ou New York — pour former une seule et même équipe.
    Nous avons des divergences de vues et nous en aurons toujours, mais la structure de notre pays le permet, et c'est ce qui est bien avec le Canada. Cependant, lorsque nous devons composer avec un dossier important pouvant être assorti d'obligations majeures, il nous faut trouver un moyen de travailler ensemble. C'est tout à fait faisable et j'en ai d'ailleurs vu des exemples. Je pense notamment à la guerre des bières. Nous avons réuni tous les gouvernements provinciaux. Nous sommes allés au front pour défendre leurs intérêts. Nous leur avons soumis les arguments que nous allions présenter à l'OMC et au GATT et nous avons travaillé ensemble.
    La collaboration est donc possible et devrait être plus fréquente. Je ne crois pas qu'un nouvel accord soit nécessaire. On n'a pas besoin non plus d'un amendement constitutionnel. Il suffit que des personnes de qualité comme vous s'assoient avec leurs homologues pour trouver ensemble une solution.
(1050)
    Quelle excellente façon de conclure notre séance. Merci beaucoup, monsieur Woods.
    Merci à vous également, messieurs Coles et Laurin. Nous vous sommes reconnaissants pour le temps que vous nous avez consacré.
    Nous disons maintenant au revoir à nos témoins.
    J'aurais une question à régler rapidement avec les membres du comité. Notre prochaine séance est prévue pour le 22 mars, jour de présentation du budget. Notre greffier m'a indiqué qu'un certain nombre de comités, surtout ceux qui siègent l'après-midi, ont annulé leur réunion prévue ce jour-là. Parmi ceux qui siègent le matin, il y en a un qui a annulé sa séance de 11 heures en raison de l'embargo.
    Notre ordre du jour est établi pour la séance en question. Nous allons procéder à l'examen du rapport sur notre voyage à Washington qui sera préparé par nos analystes d'ici la semaine prochaine. Nous allons en discuter et régler tous les détails lors de la séance du 22. Nous allons également donner des directives à nos analystes relativement à la synthèse des témoignages que nous avons entendus concernant le cas AbitibiBowater.
    C'est ce qui est prévu à notre ordre du jour, et j'aimerais savoir ce que vous pensez de tout cela.
    Monsieur le président, faut-il comprendre que vous ne proposez pas l'annulation?
    Non, je veux seulement savoir ce que vous en pensez.
    Je crois que nous devrions tenir la séance.
    Une voix: Pourquoi pas jeudi?
    Que voulez-vous dire? Nous parlons du mardi 22 mars. Allons-nous tenir notre séance ou non? Là est la question.
    Nous ne nous réunirons pas le mardi. Nous pouvons très bien le faire le jeudi.
(1055)
    Non, gardons la séance prévue. Réglons ces questions.
    Je ne vois pas pourquoi nous l'annulerions. J'ai l'impression que nous devrions tenir la réunion.
    Une voix: Il s'agit d'un rapport du comité. Nous devrions tenir la séance.

[Français]

     Les journaux ont parlé d'un vote de confiance le 21 mars prochain. C'est la seule question qui se pose. Les libéraux veulent déposer une motion de défiance à l'endroit du gouvernement. Puisque ça demeure hypothétique, j'imagine qu'on devrait quand même prévoir la réunion.

[Traduction]

    Je ne sais pas si je suis d'accord avec vos arguments, mais le résultat est le même. Nous allons en quelque sorte dans la même direction.
    Oui, monsieur Keddy.
    Si vous dites simplement que nous ne tiendrons pas notre séance du mardi parce que c'est le jour du budget et parce que tout le monde est bien occupé ce jour-là, mais que nous nous réunirons plutôt avec le même ordre du jour le jeudi en ne manquant ainsi qu'une seule réunion, cela ne me pose aucun problème.
    Non, ce n'est pas ce que je disais. Je posais la question pour savoir ce que vous...
    Écoutons Mme Hall Findlay.
    Nous commençons à 8 h 45, alors tout sera terminé à 10 h 45. Je préférerais que nous tenions cette séance.
    D'accord. Je crois que c'est réglé.
    Nous allons donc nous réunir. Vous devriez recevoir une ébauche du rapport sur Washington au milieu de la semaine. Je vous demanderais de la lire bien attentivement pour que nous puissions commencer à en discuter à 8 h 45 le mardi 22 mars.
    Merci.
    Monsieur le président, dans l'éventualité d'un vote de non-confiance lundi prochain, j'aimerais seulement vous remercier pour votre travail à la tête de notre comité.
    Vous présumez de l'adoption de cette motion de non-confiance, mais j'apprécie tout de même vos bonnes paroles. Merci, monsieur Julian.
    Nous nous reverrons tous le 22 mars.
    La séance est levée.
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