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Bonjour. Le Comité permanent du commerce international vous souhaite la bienvenue à la 14
e séance de la 40
e législature.
Nous allons, aujourd'hui, poursuivre notre étude du projet de loi .
Pour nous aider dans notre étude, nous accueillons aujourd'hui différents témoins, dont le premier est Mark Rowlinson, de l'Association canadienne des avocats du mouvement syndical.
Je vous souhaite la bienvenue. Merci d'être venu.
Il y a également Carl Potts, que nous avons déjà accueilli auparavant et qui est directeur du développement du marché chez Pulse Canada.
Nous vous souhaitons la bienvenue encore une fois, monsieur Potts.
Nous avons également Murad Al-Katib, membre du conseil d'administration de Pulse Canada.
Jan Westcott, président et chef de la direction de Spiritueux Canada et de l'Association des distillateurs canadiens est également des nôtres.
Nous vous souhaitons également de nouveau la bienvenue, Jan. Merci d'être venu.
Comparaît également C.J. Hélie, vice-président exécutif de Spiritueux Canada.
Et enfin, nous accueillons Denis Lemelin, président national du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes.
Nous allons entendre des déclarations liminaires brèves en provenance de chaque groupe. J'espère que vous allez pouvoir vous en tenir à 10 minutes par intervention, car j'aimerais vraiment donner la chance à tous les députés de vous poser des questions aujourd'hui.
Comme nous avons d'autres questions à l'ordre du jour, nous allons commencer sans plus tarder. Après vos interventions, nous passerons immédiatement aux questions. Nous allons tenter de nous en tenir à 10 minutes pour le premier tour de table et si nous avons suffisamment de temps pour un deuxième tour, il sera de cinq minutes par série de questions.
Sans plus tarder, parlons donc du et commençons avec les déclarations liminaires. Je fais face aux témoins et je demanderais donc au témoin à ma gauche, M. Potts, de commencer.
Nous allons donc entendre l'exposé de Carl Potts de Pulse Canada. Merci.
Merci à vous, monsieur le président, et aux membres du comité de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui de ce dossier fort important.
Je suis ravi d'être accompagné aujourd'hui de M. Murad Al-Katib. Je partagerai mon temps avec lui cet après-midi. Il est membre du conseil d'administration de Pulse Canada. Il était auparavant président de l'Association canadienne des cultures spéciales et est également président et chef de la direction de l'Alliance Grain Traders, la plus grande société de cassage de lentilles et de pois dans le monde, et un des plus grands exportateurs de lentilles au monde.
Pulse Canada est une association industrielle nationale qui représente les cultivateurs, les transformateurs et les exportateurs de légumineuses du Canada. Les organisations provinciales de cultivateurs, transformateurs et exportateurs de légumineuses qui sont membres de l'Association canadienne des cultures spéciales fournissent des conseils et un financement à notre association.
Les cultivateurs, transformateurs et exportateurs de légumineuses canadiens dépendent fortement des exportations pour leur assurer une prospérité et une croissance continues. Environ 70 à 75 p. 100 de la production de légumineuses du Canada est exportée. Ce pourcentage est encore plus élevé lorsqu'il s'agit de produits spéciaux. En 2009, les exportations de légumineuses canadiennes ont atteint la barre des 2,1 milliards de dollars, ce qui est un record.
Notre industrie s'est particulièrement intéressée à promouvoir les accords de libre-échange bilatéraux stratégiques. Plus particulièrement, nous voulons nous assurer que nous pourrons conserver un accès concurrentiel aux marchés clés. Ces priorités incluent, notamment, le Pérou, la Colombie, le Maroc et la République dominicaine.
Le marché de la Colombie est extrêmement important pour les légumineuses et les cultures spéciales du Canada. Il s'agit d'un des plus importants marchés de lentilles vertes et il représente le huitième marché de légumineuses en importance pour le Canada, étant donné qu'il a importé en 2009 environ 104 000 tonnes de produits, pour une valeur de 70 millions de dollars. La Colombie est également un marché important en ce qui concerne les pois secs, les graines à canaris et les pois chiches. Si un accord était conclu, nous pourrions reconquérir notre part du marché des fèves rouges en Colombie, puisque nous avons perdu ce marché au cours des dernières années. De plus, les cultures spéciales et les légumineuses arrivent, à l'heure actuelle, au deuxième rang des exportations agroalimentaires du Canada.
En ce qui concerne les répercussions des accords de nos compétiteurs sur notre industrie, il faut savoir que l'entente conclue entre les États-Unis et la Colombie accorde aux États-Unis un accès préférentiel pour les légumineuses. Cela leur accorde un accès en franchise pour un nombre illimité de pois, de lentilles, de pois chiches et pour certaines cultures spéciales. En ce qui concerne les fèves, cela leur donne un régime de contingent tarifaire qui augmentera progressivement l'accès des États-Unis sur une période d'environ 10 ans. Si on laisse aller les choses telles quelles, sans qu'il y ait d'accord avec le Canada, notre pays fera face à un désavantage tarifaire de taille en ce qui concerne la vente de légumineuses à la Colombie. Cela aura une incidence considérable sur notre part du marché.
Permettez-moi de vous fournir quelques exemples des répercussions qu'aurait cet accord canadien.
Tout d'abord, cet accord nous permettra de conserver un accès concurrentiel dans un de nos marchés clés. À titre d'exemple, si le coût de départ des lentilles en Colombie est d'environ 1 000 $ la tonne, et qu'il y a un désavantage tarifaire de 15 p. 100, cela coûterait environ 150 $ la tonne.
Dans un marché extrêmement compétitif, il faut savoir que, souvent, quelques dollars par tonne peuvent faire toute la différence entre la conclusion ou non d'une vente. Ainsi, les désavantages tarifaires de cette ampleur écarteront définitivement l'industrie canadienne de ce marché et réduiront les prix pour les agriculteurs canadiens. Il s'agit véritablement d'un des aspects les plus importants de cet accord pour notre industrie: nous voulons nous assurer que nous allons conserver cet accès concurrentiel.
Deuxièmement, cet accord va également rétablir l'accès concurrentiel pour les fèves rouges canadiennes, qui ont été écartées de ce marché en raison d'un droit à l'importation prohibitif de 60 p. 100.
Troisièmement, le marché va également réduire les droits et le coût du produit en Colombie. Dans le cas d'un produit comme les graines de canaris, si on élimine le désavantage tarifaire de 15 p. 100, nous pourrons réduire les coûts et cela pourrait faire augmenter la demande en raison des coûts qui seraient moins élevés en Colombie.
On pourrait également avoir un avantage par rapport aux États-Unis pendant une certaine période de temps. Nous sommes certains que ce n'est qu'une question de temps avant que les États-Unis mettent en oeuvre leur accord avec la Colombie. Si nous pouvons obtenir un avantage tarifaire pendant un certain temps, cela nous permettrait d'avoir un plus fort ancrage en Colombie. Ainsi, par exemple, on pourrait utiliser les pois pour faire de la moulée. Nos analyses nous ont indiqué que s'il y avait un accord canadien, nous pourrions avoir, dans ce marché, un avantage de 10 à 15 $ la tonne par rapport aux États-Unis en ce qui concerne la farine de soya et de maïs.
Je vais maintenant céder la parole à M. Al-Katib, qui pourra vous parler du point de vue d'un exportateur très important de ces produits.
Mon entreprise, Alliance Grain Traders Incorporated, est située à Regina. Nous sommes l'un des plus importants transformateurs et exportateurs de légumineuses dans le monde. J'ai démarré cette entreprise dans mon sous-sol il y a seulement sept ans, et maintenant nos exportations de la Saskatchewan s'élèvent à plus de 300 millions de dollars. Nous avons créé plus de 300 emplois en Saskatchewan, au Manitoba et en Alberta.
Je pense que les parlementaires commencent à mieux connaître les légumineuses étant donné la croissance exponentielle de ce secteur dans l'Ouest du Canada. À elles seules, les cultures de lentilles devraient couvrir plus de trois millions d'acres en Saskatchewan cette année. Le Canada est le plus important producteur de lentilles vertes au monde et domine le marché mondial avec environ 75 p. 100 du marché.
Par conséquent, la variation de la production et des stocks canadiens influe considérablement sur les prix mondiaux, ce qui se reflète sur le rendement des producteurs canadiens.
Les marchés des lentilles vertes sont peu nombreux dans le monde, et la Colombie est sans doute le premier ou le deuxième en importance. Étant donné que le Canada domine ce marché, nous bénéficions d'un bon taux de pénétration en Colombie, au tarif actuel de 15 p. 100, ce qui pourrait changer du tout au tout si l'accord avec les États-Unis était adopté, mais pas le nôtre.
L'industrie américaine veut profiter d'un accès préférentiel et appuie donc pleinement l'accord de libre-échange entre les États-Unis et la Colombie, et considère qu'il s'agirait là d'un bon moyen de supplanter le Canada comme principal fournisseur de ce produit. Il est donc essentiel que le Canada mette en oeuvre cet accord avec la Colombie pour que les commerçants et les producteurs canadiens conservent leur accès concurrentiel à l'un des plus importants marchés et maintiennent la part de marché qu'ils ont pu acquérir grâce à des années de travail acharné.
Ensuite, l'accord permettra de rétablir l'accès au marché pour les fèves rouges du Canada. Il nous permettra également de conserver notre part de marché pour les cultures que nous vendons couramment en Colombie. Notre industrie appuie donc massivement ce projet de loi. En fait, l'Association canadienne des cultures spéciales, qui compte quelque 150 membres de partout au Canada, souscrit sans réserve à cet accord.
En ce qui concerne l'emploi, outre les répercussions considérables sur les producteurs et les cultures de légumineuses, la perte de notre accès concurrentiel à ce marché aurait un effet néfaste de taille sur les entreprises de transformation à valeur ajoutée et d'exportation de notre industrie.
J'ai dit plus tôt que nous étions l'une des plus importantes entreprises dans ce secteur, mais je tiens à signaler que j'ai envoyé ma première cargaison en janvier 2003. Notre industrie repose donc principalement sur les petites et moyennes entreprises. Cette industrie est sans aucun doute l'un des moteurs de l'économie de l'Ouest du Canada. On y compte des entreprises céréalières multinationales, mais surtout de petits transformateurs indépendants. Ceux-ci procurent aux Canadiens de nombreux emplois de qualité dans les domaines de la commercialisation, des finances, de la logistique, des opérations, etc.
En ce qui concerne les consommateurs colombiens, nous avons, en fait, été la cible de la colère des importateurs de ce pays, qui s'indignaient de l'inertie du Canada à l'égard de l'établissement d'un accord de libre-échange avant 2006. L'annonce d'une entente à venir a donc été accueillie favorablement par l'industrie colombienne.
En ce qui concerne l'industrie là-bas, il faut reconnaître que les légumineuses constituent une denrée protéique de base pour le grand public. Ce produit ne suscite pas la controverse sur le plan politique, il est nutritif et assure la santé de nombreux Colombiens. Un accès plus économique à ce genre de denrée, grâce à une structure tarifaire plus favorable, contribuerait en fait à l'établissement de la société civile dans ce pays.
J'ai apporté une lettre du principal importateur de la Colombie, laquelle résume les avantages de l'entente pour les consommateurs. Permettez-moi de vous en lire un extrait:
Puisque des grands pans de certaines classes sociales ne gagnent qu'un faible revenu... les réductions tarifaires permettraient à ces gens de mieux combler leurs besoins alimentaires grâce à des denrées très nutritives. Ces produits ne sont pas controversés dans le pays et ne remplacent pas la production locale.
Les citoyens colombiens en bénéficieront-ils? Oui. Les légumineuses étant une source importante de protéines pour les plus pauvres de ce monde, les réductions pourraient garantir des aliments à prix plus abordable.
Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, cet accord est extrêmement important pour notre industrie. Il nous permettra non seulement de demeurer concurrentiels en Colombie par rapport aux États-Unis, mais également de maintenir notre part du marché, acquise au fil des années. Il nous permettra également de reconquérir notre part du marché pour les fèves rouges, et nous donnera une longueur d'avance sur les autres exportateurs si le Canada met en oeuvre son accord avant les États-Unis.
Nous devons donc l'adopter le plus tôt possible, idéalement avant que l'on commence à commercialiser et à exporter notre nouvelle récolte, vers la fin de l'été.
Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de vous adresser la parole.
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D'accord. Ça prendra plus de 10 minutes, si je comprends bien.
Des voix: Ah, ah!
M. Denis Lemelin: Je vous remercie de me donner la possibilité de me présenter devant vous. Le STTP représentent 54 000 travailleurs et travailleuses, tant dans le secteur rural que dans le secteur urbain partout au pays. La majorité de nos membres travaille à Postes Canada.
Je suis allé en Colombie à plusieurs reprises, tant dans le cadre de mon travail que pour des raisons personnelles. Depuis plusieurs années, on travaille avec le STPC, le Sindicato de Trabajadores Postales de Colombia. Depuis plusieurs années, on a vu son évolution, dans l'ensemble. On essaie de l'aider à maintenir des emplois décents et un service postal public. On l'épaule dans ses efforts de réorganisation, après sa quasi-disparition à la suite de la privatisation de l'administration postale qui s'appelait alors ADPOSTAL. Cette disparition — au fond — a été appuyée par les groupes militaires et paramilitaires. On travaille à soutenir leurs projets qui concernent la défense des droits. Ainsi, on a une relation très importante avec le syndicat des postiers colombiens depuis plusieurs années.
Depuis toutes ces années, il est évident qu'on est préoccupés par toute la question des droits humains. Selon nous, les droits syndicaux et les droits humains, c'est une seule et même chose. C'est une préoccupation majeure.
Cette préoccupation s'est surtout développée à partir de 2005, parce que le président du STPC de l'époque, Porfirio Rivas, a été obligé de s'exiler au Canada, au Québec plus particulièrement, avec le soutien de syndicats, entre autres la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Il avait exprimé des préoccupations sur la possible privatisation d'ADPOSTAL. Comme il travaillait au bureau de poste situé près de l'aéroport, il avait vécu certaines situations dans lesquelles il voulait dénoncer certaines habitudes du service postal sur la question du transfert de drogues.
Il est venu ici en 2005. En août 2006, on a observé que le bureau de poste près de l'aéroport a été encerclé par des policiers. Les gens ont été expulsés manu militari du bureau de poste. Ça s'est fait dans plusieurs bureaux de poste par la suite. Au fond, on a mis fin à la Société des postes nationale, ADPOSTAL, par un décret en août 2006. Évidemment, de nombreux travailleurs ont perdu leur emploi — principalement les travailleurs et travailleuses des postes — dans les grands centres de la Colombie, comme Bogotá, Cali et Medellín. Il ne reste qu'une poignée de travailleurs et de travailleuses syndiqués.
C'est triste de voir, pour nous qui avons entretenu des relations avec eux, à quel point le syndicat colombien qui possédait au-delà de 2 000 membres, a été, en l'espace de sept ou de huit ans, complètement détruit et est presque disparu de la carte pendant le processus de privatisation, et déstabilisé, entre autres, sur la question des droits syndicaux et des droits humains. Actuellement, ce syndicat tente de revivre et de se réorganiser avec notre soutien. Le service postal est actuellement dirigé par une entreprise à numéros et, nécessairement, on ne sait pas ce que ça veut dire. Le secteur privé a fleuri d'une façon extrêmement importante. Pour nous, cette disparition constitue un exemple flagrant et très évident de ce qui arrive chez les travailleurs en Colombie.
Ainsi, on a cette relation. Cela dit, il est important de voir que la situation en Colombie ne touche pas uniquement la relation que nous avons avec le STPC, mais ça existe aussi à l'échelle internationale. La Confédération syndicale internationale (CSI), qui regroupe 145 millions de travailleurs dans le monde, a aussi pris position à plusieurs reprises, concernant ce qui se passe en Colombie et les droits humains.
Je veux seulement citer un ou deux exemples de l'analyse faite par la CSI. On dit que:
Le plein exercice de la liberté syndicale est, cependant, restreint par des obstacles juridiques telle la résolution no 626 de février 2008, qui stipule comme un motif possible de rejet d'une demande d'enregistrement « que le syndicat a été constitué à des fins différentes de celles découlant du droit fondamental de liberté d'association ».
C'est extrêmement important. Une liberté est censément garantie, mais, en même temps, on enveloppe cette liberté de critères que vous connaissez probablement déjà — toute la question du paramilitarisme, la question aussi de la présence des FARC, de groupes, etc. On associe très rapidement les travailleurs à ces groupes pour les cibler.
Beaucoup d'irrégularités ont été signalées en Colombie, liées au recours de diverses modalités contractuelles. Là-bas, on parle de coopératives de travail associé. Ce ne sont pas des coopératives comme celles qui existent ici. On parle de contrats de prestation de services, et les contrats civils et mercantiles sont des simulacres de contrats d'emploi. Ce ne sont pas de véritables conventions collectives, ce sont des accords avec des groupes intermédiaires qui existent en Colombie et qui servent d'intermédiaires pour la main-d'oeuvre. Les entreprises font affaire directement avec ces organisations plutôt que de faire affaire avec les syndicats.
Dans les faits, ce qu'on constate c'est que, en Colombie, la libre négociation collective n'existe pas et c'est ce que la Confédération syndicale internationale spécifie. On dit:
La législation colombienne a instauré un principe de discrimination lié aux fonctions et aux droits des organisations et des salariés du secteur public dans le cadre de négociations collectives, en assignant ces salariés au rang de « travailleurs officiels » ou « employés publics ». Les syndicats représentant les employés publics n'ont pas le droit de présenter un cahier de revendications, ni de signer des conventions collectives [...]
Le seul droit qu'ils ont, c'est de faire des « demandes respectueuses » à leur employeur. Le rapport du CSI termine en disant:
En Colombie, à peine 1,2 p. 100 des travailleurs sont protégés par une convention collective. Seules 473 conventions collectives ont été signées en 2008, dont 256 étaient des conventions et 217 des pactes collectifs.
On voit un déclin progressif de l'organisation et c'est une réalité constante. En Colombie, on sait que, durant les 15 ou 20 dernières années, plus de 2 000 dirigeants et dirigeantes syndicaux ont été assassinés à différentes occasions et par différents groupes. En 2009, on constate que 45 syndicalistes ont été assassinés. Il est évident que ces assassinats — tout le monde va le comprendre —, c'est pour montrer la force du pouvoir, la force du paramilitarisme. C'est pour dire aux syndicalistes de rester chez eux, de ne pas bouger, de ne pas s'organiser, parce que, nécessairement, ils seront ciblés — ce qui est arrivé à des dirigeants du STPC.
En 2005, une loi a été mise en place par le gouvernement Uribe, la Loi « justice et paix » — vous en avez certainement entendu parler —, qui avait pour but de promouvoir la réconciliation et la lutte contre l'impunité. Le mot « impunité » est extrêmement important ici. On constate régulièrement les meurtres et jamais ces situations ne sont vraiment identifiées. On explique dans le rapport les lacunes de cette Loi « justice et paix ». Je cite un ou deux exemples. On dit:
Il est uniquement applicable aux rares membres des groupes armés illégaux mis en examen qui ont déjà été condamnés. Vu le taux élevé d'impunité, la majorité des paramilitaires et des membres de guérillas ne sont pas soumis à des enquêtes.
On dit aussi que:
Le fait que des combattants puissent jouir de biens obtenus illicitement compromet fortement les droits d'indemnisation des victimes.
C'est lorsque des gestes ont été posés. Il ne faut jamais perdre de vue qu'en Colombie, au-delà de 4 millions de personnes ont été déplacées — vous le savez sûrement — et ces déplacements sont directement liés aux situations vécues par les syndicalistes. Les anciens peuvent retourner et refaire le travail de paramilitarisme qu'ils faisaient avant. On a passé ce document qui s'appelle « Solidarité Toujours ».
En juillet 2008, je suis allé en Colombie, avec trois autres dirigeants syndicaux du secteur public représentant plus d'un million de travailleurs et de travailleuses du pays — le Syndicat canadien de la fonction publique, l'Alliance de la Fonction publique du Canada et le syndicat des employés provinciaux —, pour voir ce qui se passait en Colombie, parce qu'on avait organisé différentes activités. On est allé juste après la commission qui y est allée, et qui a fait un rapport que vous connaissez sûrement.
Il y a eu le Tribunal permanent des peuples, ce qu'on appelle le Tribunal Bertrand-Russell — pour certains et certaines d'entre vous —, et on a assisté à quelques plénières, à la campagne et à Bogotá.
Le rapport du Tribunal permanent cite trois choses. On dit que:
La Colombie est un « laboratoire économique » qui a entraîné la mort et la disparition de milliers de personnes, le déplacement de millions d'autres, la destruction de l'environnement, la disparition du mouvement syndical et la vente à rabais du pays aux sociétés transnationales.
La « doctrine de la sécurité démocratique »du gouvernement colombien a ouvert la voie à l'exploitation de masse.
Les gens qui se portent à la défense des droits de la personne en Colombie sont très vulnérables.
Donc, le Tribunal permanent des peuples est composé de personnes connues et reconnues mondialement, des Prix Nobel de la paix. C'est le jugement qu'ils ont porté après deux ans de campagne.
Dans le document — que vous aurez probablement la possibilité de lire —, on parle de certains liens qui existent dans le libre-échange qui existe entre le gouvernement canadien... Dans notre rapport, on terminait en faisant un certain nombre de recommandations qui parlaient exactement d'une enquête indépendante, d'un groupe indépendant. Il recommandait aussi de vérifier un certain nombre de choses avant de s'aventurer dans la mise en place d'un accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie.
Actuellement, pour nous, il n'y a pas vraiment de différence entre 2008 et 2010, parce qu'au moment où l'on se parle, tout le monde a entendu parler de La Macarena, où on a découvert une fosse contenant 2 000 personnes, près d'une base militaire en Colombie.
Nécessairement, on a trois recommandations qu'on veut faire au comité. Je vous les lis et, ensuite, on pourra en débattre.
Nous croyons qu'une évaluation des répercussions de l'accord de libre-échange sur les droits de la personne doit être effectuée avant la mise en oeuvre de l'accord. L'évaluation permettra de brosser le tableau de la situation des droits de la personne telle qu'elle existe aujourd'hui et de la situer dans son contexte historique. Elle constituera aussi le point de référence des évaluations à venir et permettra de déterminer si des échanges plus étroits et la croissance économique auront des répercussions positives sur les droits de la personne.
Nous sommes d'avis qu'une telle évaluation incombe à une partie impartiale et crédible. Elle ne doit pas être effectuée par le gouvernement colombien. Il serait aussi inacceptable qu'elle le soit par des responsables du gouvernement qui participent à l'accord de libre-échange ou qui sont chargés de superviser les droits de la personne en Colombie.
Nous croyons — si jamais on va plus loin — que toute modification au projet de loi doit comprendre des mesures concrètes et précises en vue de régler les questions ou problèmes relatifs aux droits de la personne soulevés dans l'évaluation sur les répercussion de l'accord sur les droits de la personne. Sans ces mesures de redressement, l'évaluation annuelle — celle qui est prévue, soit un amendement ou un ajout dans l'accord — doit être mise en avant. Donc, il doit y avoir des possibilités, mais on pense que le premier pas, c'est l'enquête indépendante.
Merci de votre attention.
J'espère que vous m'entendez. Je m'appelle Mark Rowlinson. Je suis conseiller auprès du Syndicat des métallos, mais je suis également membre du Comité sur les droits internationaux en matière de travail de l'Association canadienne des avocats du mouvement syndical. C'est à ce titre que je comparais devant vous cet après-midi.
L'Association canadienne des avocats du mouvement syndical regroupe plus de 350 avocats progressistes représentant des travailleurs, des syndicats et des professionnels d'autres associations un peu partout au Canada sur des questions juridiques. Au cours des 15 dernières années, l'ACAMS a fait activement la promotion des droits des travailleurs dans les Amériques et a participé pleinement aux litiges et aux processus de consultation prévus par les accords parallèles sur le travail de l'ALENA, tout d'abord.
La dernière fois que l'ACAMS a comparu devant ce comité, c'était pour discuter de la même question — c'est-à-dire le libre-échange entre le Canada et la Colombie. C'était au printemps 2008, au cours des audiences qui ont abouti dans la publication en juin 2008 du rapport du comité intitulé « Droits humains, l'environnement et l'accord de libre-échange avec la Colombie ». J'en ai un exemplaire ici, mais je suis convaincu que vous le connaissez très bien.
Nous remercions le comité de nous donner l'occasion de témoigner à nouveau, maintenant que nous avons en main les accords commerciaux proposés et la mesure législative de mise en oeuvre de ceux-ci. Mon exposé d'aujourd'hui comportera trois volets.
Tout d'abord, j'aimerais formuler certaines observations concernant la situation actuelle des droits des travailleurs en Colombie. Deuxièmement, j'exposerai le point de vue de l'ACAMS sur les dispositions à l'égard du travail des accords commerciaux proposés. Je ferai alors un résumé du mémoire qui vous a été présenté, je pense, par Gauri Sreenivasan, du CCCI, aux audiences de jeudi dernier. Finalement, je vous donnerai notre avis sur l'amendement ou l'ajout — proposé, il me semble, par le porte-parole des libéraux en matière de commerce —, qui exigerait, si je comprends bien, qu'on dépose annuellement au Parlement un rapport d'étape analysant les répercussions de l'Accord de libre-échange Canada-Colombie sur les droits de la personne.
Tout d'abord, j'aimerais aborder brièvement la question des violations des droits des travailleurs en Colombie. Les violations des droits fondamentaux des travailleurs et la violence perpétrée à l'encontre des travailleurs syndiqués sont de toute évidence les principaux problèmes que doit régler la Colombie à l'égard des droits de la personne. À ce jour, la Colombie est toujours le pays où il est le plus périlleux d'être syndicaliste puisque c'est là que sont commis la majorité des meurtres à leur égard dans le monde.
Selon les dernières données publiées par l'École nationale syndicale de la Colombie, 2 789 syndicalistes auraient été assassinés en Colombie depuis 1986. Bien que le taux d'homicides ait indéniablement diminué depuis 2001, ce n'est plus le cas ces dernières années. En 2007, l'École nationale syndicale de la Colombie a signalé que 39 syndicalistes avaient été assassinés. En 2008, on en a dénombré 49, soit une augmentation de 18 p. 100. Puis, on a récemment indiqué qu'en 2009, 47 syndicalistes avaient été assassinés — c'est à peu près le même nombre qu'en 2008. En d'autres mots, même si le taux d'homicides a diminué radicalement au milieu de la première décennie de ce nouveau siècle, ce déclin ne s'est pas poursuivi.
Je sais que vous avez entendu le témoignage du gouvernement colombien, qui a laissé entendre que l'année dernière, seulement 28 syndicalistes avaient été assassinés. À notre avis, peut importe qu'il y en ait eu 28 ou 48; c'est toujours beaucoup trop. En fait, plus de syndicalistes sont assassinés en Colombie que n'importe où ailleurs sur ce continent.
Les données de 2009 sont particulièrement préoccupantes, étant donné qu'en 2008 le gouvernement avait fait valoir l'amélioration de la situation des droits de la personne pour contrer l'opposition aux accords de libre-échange entre la Colombie et les États-Unis et le Canada. Il est évident que les assassinats et les menaces de mort freineront l'activité syndicale en Colombie. La question que doit se poser le comité, c'est que si les travailleurs craignent pour leur vie dans l'exercice de leurs droits fondamentaux en matière de travail, comment peuvent-ils véritablement tirer profit des avantages du commerce?
Il convient également de noter que ces violations des droits des travailleurs continuent de se faire dans l'impunité, le taux de condamnation se maintenant à 3 p. 100. Les auteurs de ces crimes ne voient donc pas l'intérêt de cesser leurs activités. En outre, le taux d'appartenance à un syndicat en Colombie est toujours en chute libre. Je sais que le comité a entendu des témoignages divergents à cet égard, mais encore une fois, l'École nationale syndicale a récemment fait état, pour 2009, de taux se situant environ à 4,2 p. 100. Je le répète, la tendance est à la baisse. En effet, le taux se situait à 13,5 p. 100 il y a 20 ou 30 ans.
Le président Uribe soutient que son administration a pris des mesures extraordinaires pour mettre fin à la violence contre les syndicalistes, y consacrant de nouvelles ressources, notamment des juges pour trancher dans les affaires du domaine du travail, ainsi que des fonds supplémentaires alloués au bureau du procureur général aux fins d'enquête et de poursuite.
De telles ressources sont évidemment accueillies favorablement, mais les abus et la persécution à l'encontre des syndicalistes et des défenseurs des droits de la personne perdurent. Puisque l'ACAMS est une association d'avocats du mouvement syndical, elle s'inquiète énormément de la protection des défenseurs des droits de la personne en Colombie qui font régulièrement l'objet de menaces et d'intimidation. En effet, dans son rapport de mars 2010 sur la situation des droits de la personne en Colombie, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme a constaté en 2009 une augmentation de l'intimidation et du nombre de menaces de mort à l'endroit des défenseurs des droits de la personne et des dirigeants sociaux et communautaires, ainsi que des membres de groupes marginalisés.
En gros, nous considérons que la situation des droits de la personne et des travailleurs en Colombie est toujours aussi désastreuse. En 2009, encore une fois, 60 p. 100 des syndicalistes tués dans les Amériques l'ont été en Colombie.
Il faut donc se demander si l'accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie va d'une quelconque façon permettre de réduire le nombre de violations des droits des travailleurs.
Nous savons d'expérience que les accords commerciaux ne visent pas l'amélioration des normes du travail, et, franchement, rien ne permet de croire que de tels accords puissent favoriser le respect des droits du travail. C'est tout le contraire: les dispositions de l'accord portant sur l'accès au marché et les droits des investisseurs pourraient mener à l'accroissement du nombre de violations des droits des travailleurs, étant donné les obstacles structurels aux libertés syndicales en Colombie et l'écart entre la loi et son application dans la société.
Les dispositions relatives au travail dans l'accord de libre-échange Canada-Colombie s'inspirent de celles figurant dans d'autres accords commerciaux dans l'hémisphère, notamment l'accord parallèle de l'ALENA en matière de travail, l'accord de libre-échange entre le Canada et le Costa Rica et, récemment, avec le Pérou. Les mouvements syndicaux canadiens et colombiens s'entendent généralement pour dire que les protections offertes par ces accords commerciaux négociés jusqu'à maintenant laissent beaucoup à désirer. Les dispositions d'application sont en général faibles et inefficaces, et les ententes misent sur l'application des lois existantes plutôt que sur la hausse des normes en matière de travail.
Que ce soit bien clair: la situation des droits des travailleurs au Mexique a peut-être empiré depuis l'entrée en vigueur de l'accord sur les droits en matière de travail de l'ALENA. Nous entretenons des relations étroites avec le mouvement syndicaliste mexicain, et le fait est que l'ALENA n'a en rien amélioré le respect des droits syndicaux au Mexique. En fait, la situation est probablement à son paroxysme. Rien ne nous permet donc de croire que l'accord parallèle de l'ALENA en matière de travail ait permis de promouvoir le respect des droits du travail au Mexique, bien au contraire. On a donc toutes les raisons de croire que cet accord avec la Colombie aurait le même effet.
Les dispositions de l'accord de libre-échange Canada-Colombie sont — je le concède — meilleures que celles de l'accord parallèle de l'ALENA en matière de travail. L'article 1 de l'accord parallèle de coopération dans le domaine du travail stipule que chacune des parties doit faire en sorte que son droit du travail protège les principes internationalement reconnus dans le domaine du travail de la déclaration de 1998 de l'OIT et de l'Agenda pour le travail décent de l'OIT. Ainsi, cet article protège davantage les droits en matière de travail que l'accord parallèle de l'ALENA en matière de travail. Cependant, l'article 2 de l'accord parallèle Canada-Colombie en matière de travail, la clause de non-dérogation, n'interdit la dérogation aux normes de l'OIT que lorsqu'on peut prouver que la violation visait à stimuler le commerce ou l'investissement. Il s'agit là sans conteste d'une limite aux obligations des parties.
Là où l'accord devient particulièrement problématique, c'est évidemment...
Devrais-je ralentir?
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J'essaierai d'être bref.
J'aimerais revenir sur la faiblesse des dispositions d'application de l'entente parallèle sur le travail de l'accord Canada-Colombie. J'aimerais insister sur le fait qu'encore une fois, l'application dépend des États signataires et les bureaucraties de ces pays sont chargées de faire appliquer ces droits du travail.
C'est-à-dire que contrairement aux dispositions sur l'investissement, la partie lésée, qu'il s'agisse des travailleurs, des syndicats ou des organismes de droits de la personne, n'a aucun moyen de présenter par elle-même son argument devant le panel de résolution des différends. Par conséquent, selon notre expérience des ententes existantes, vous n'avez jamais recours au mécanisme de résolution des différends et vous n'obtenez jamais de recours. Honnêtement, les plaintes déposées n'aboutissent jamais.
L'autre lacune importante, évidemment, c'est que les recours prévus sont extrêmement limités. Même si vous vous rendez jusqu'au panel de résolution des différends — c'est-à-dire si vous obtenez l'imposition d'une amende de 15 millions de dollars —, le montant de cette amende sera essentiellement versé dans un fonds de travailleurs. En gros, c'est comme ça que fonctionne l'entente.
Encore une fois, ce comité doit se demander si l'amende de 15 millions de dollars représente un recours suffisant ou une sanction suffisante pour dissuader les contrevenants aux droits du travail en Colombie de les enfreindre, compte tenu du contexte de violence et des violations épouvantables des droits des travailleurs. À notre humble avis, les amendes de ce genre sont insuffisantes.
Je vous encourage à comparer les dispositions sur les droits des travailleurs à celles qui portent sur les droits des investisseurs. Ces dernières, à l'article 8, prévoient un mécanisme exécutoire d'arbitrage efficace, indépendant et rapide. Les décisions sont finales et exécutoires et elles représentent de réels recours pour les investisseurs dont les droits auraient été bafoués, en vertu de l'entente. Encore une fois, le contraste est flagrant.
À notre avis, étant donné que cette entente ne comporte aucune réelle sanction commerciale telle que l'imposition de droits compensatoires ou l'abrogation du traitement préférentiel lorsqu'une partie contrevient aux dispositions sur les droits des travailleurs et compte tenu de l'ampleur des violations de ces droits en Colombie et du fait que le gouvernement actuel ne cherche pas à poursuivre les contrevenants, nous sommes d'avis que l'imposition de simples amendes au gouvernement contrevenant n'est pas une sanction acceptable. En outre, cela n'encourage pas l'administration colombienne à régler la crise actuelle et à mettre un terme aux meurtres violents des syndicalistes colombiens.
De façon générale, l'expérience prouve que les dispositions relatives aux travailleurs, qu'il s'agisse d'ententes parallèles ou non, ont peu de chances de mener à des améliorations concrètes pour les travailleurs et les syndicats. À notre avis, les dispositions sur les droits des travailleurs de l'Accord de libre-échange Canada-Colombie ne sont pas assez robustes, ne serait-ce que pour amorcer un changement de la grave situation des travailleurs et des droits de la personne en Colombie.
Enfin, j'aimerais vous renvoyer au rapport que le comité a produit en juin 2008, intitulé Droits humains, l'environnement et l'accord de libre-échange avec la Colombie, lorsque vous étudiez l'incidence potentielle de l'accord Canada-Colombie. Le rapport proposait plusieurs bonnes recommandations à l'unanimité, y compris les suivantes:
4: Le comité recommande qu'un organe compétent effectue un examen indépendant, impartial et complet des répercussions d'un accord sur les droits de la personne, examen qui serait vérifié et validé, puisqu'il formule des recommandations à mettre en oeuvre avant que le Canada n'envisage de signer, de ratifier et d'exécuter un accord avec la Colombie.
C'était une des recommandations du comité en juin 2008.
Le porte-parole libéral en matière de commerce a proposé un paragraphe supplémentaire, un amendement. Je ne sais pas exactement ce que comprenait sa proposition, mais il l'a lue aux fins du compte rendu et je vais la lire à mon tour:
Chaque année, au plus tard le 31 mars ou, si la Chambre ne siège pas, le 30e jour suivant la reprise des séances, le ministre fait déposer devant chaque Chambre du Parlement un rapport sur les activités au cours de l'année civile précédente, dans lequel se trouvera le résumé des mesures prises sous le régime de la présente loi ainsi que l'analyse des répercussions sur les mesures des droits de la personne au Canada et en Colombie.
À notre avis, l'amendement proposé au projet de loi par le porte-parole libéral en matière de commerce ne respecte pas la recommandation que le comité a lui-même adoptée en juin 2008.
Il est contraire à cette recommandation pour trois raisons.
D'abord, la recommandation du comité portait sur un examen des répercussions de l'accord sur les droits de la personne avant que le Canada ne signe, ne ratifie ou n'exécute une entente avec la Colombie. Or, selon la proposition que le comité étudie en ce moment, les rapports seraient réalisés après que l'entente soit signée et ratifiée.
Deuxièmement, le comité recommandait que l'examen soit indépendant, impartial et vérifié par plusieurs organismes indépendants. Selon ce qu'étudie le comité actuellement et en vertu du projet de loi , les rapports sur les droits de la personne seraient préparés et présentés par les gouvernements signataires eux-mêmes. Même si on ne sait pas exactement qui serait chargé de préparer ces rapports, à notre avis, ils ne seront jamais aussi indépendants que ce que recommandait le comité dans son rapport de juin 2008.
Troisièmement, et c'est encore plus important, il est clair qu'à moins que les recommandations du rapport du comité ne soient mises en oeuvre, le Canada ne devrait pas souscrire à une entente de libre-échange avec la Colombie. C'est-à-dire que si les conditions du rapport ne sont pas respectées, il peut y avoir de réelles conséquences. Cependant, l'amendement proposé par le porte-parole libéral en matière de commerce ne prévoit aucune conséquence, à ma connaissance, pour le cas où la situation des droits de la personne, de l'environnement et du travail en Colombie ne s'améliorerait pas, ou si elle se détériorait, une fois ladite entente signée. Ainsi, sans disposition sur la conformité et sans réelle sanction, on ne voit pas vraiment en quoi l'amendement permettrait d'améliorer les choses. À l'inverse, il semble que le paragraphe supplémentaire, honnêtement, ne soit que de la décoration.
À notre avis, la situation sur le terrain en Colombie n'a pas réellement changé depuis juin 2008. Par conséquent, nous ne comprenons pas que le comité puisse tout simplement abandonner les recommandations présentées dans son rapport en juin 2008 et appuyer et recommander la mise en oeuvre de cette entente commerciale.
Merci beaucoup.
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Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
Spiritueux Canada est la seule association commerciale d'envergure nationale qui défend les intérêts des fabricants et des organismes de marketing au sein de l'industrie canadienne des spiritueux, et nous sommes reconnaissants de pouvoir témoigner devant vous aujourd'hui pour vous faire part de notre opinion.
Permettez-moi d'entamer mon discours en vous déclarant, au nom de nos compagnies membres, que nous approuvons fortement l'accord de libre-échange qui a été conclu entre le Canada et la Colombie. Les fabricants appartenant à l'industrie canadienne des spiritueux exercent leur métier partout au pays, à savoir, à Lethbridge, Calgary et High River en Alberta, à Gimli, au Manitoba, à Amherstburg, Brampton, Collingwood, Grimsby et Windsor en Ontario et à LaSalle, Montréal et Valleyfield au Québec. Ces fabricants, qui jouissent d'une renommée mondiale, achètent d'agriculteurs locaux des grains comme le seigle et le maïs, et les transforment en des spiritueux de grande qualité qui sont fort appréciés par les adultes du monde entier.
Pourtant, les fabricants canadiens de spiritueux font face à une situation très difficile. Par exemple, la dégringolade inédite du marché de consommation aux États-Unis a eu et continue d'avoir un impact dévastateur sur nos activités locales. La valeur réalisée de nos exportations aux États-Unis en 2008 était inférieure de presque 55 millions de dollars à celle de l'année précédente. Étant donné que les fabricants canadiens de spiritueux exportent chaque année près de sept bouteilles de spiritueux fabriquées sur dix, il est évident que les exportations sont cruciales pour la santé économique de l'industrie canadienne des spiritueux.
Il est donc primordial que nous fassions tout notre possible pour diversifier davantage nos marchés d'exportation. Bien qu'il soit vrai que la Colombie n'est pas à l'heure actuelle un grand importateur de spiritueux canadiens, nous nourrissons l'espoir qu'elle pourrait le devenir à l'avenir. En termes de consommation globale de spiritueux, la Colombie représente environ le même volume d'exportation potentiel que le Mexique, où les exportations du Canada en spiritueux s'élèvent annuellement à plus de 1,5 million de dollars.
Il y a quelques années, certaines de nos compagnies membres ont déterminé que la Colombie était un nouveau marché d'exportation potentiel, mais où l'investissement nécessaire n'était pas justifié sans d'abord qu'il y ait certains changements dans le cadre réglementaire de ce pays régissant les boissons alcooliques. Travaillant en étroite collaboration avec des représentants commerciaux canadiens, nous avons identifié trois éléments clés d'amélioration de l'accès au marché qui seraient nécessaires pour que les spiritueux canadiens, notamment le whisky canadien — notre produit phare — et la vodka, soient concurrentiels en Colombie. Il s'agit de la reconnaissance et de la protection du whisky canadien et du whisky-rye canadien en tant que produits distincts du Canada, de la suppression du tarif douanier punitif de 20 p. 100 imposé par la Colombie sur les spiritueux et de la réforme du régime de taxe sur les boissons alcooliques imposée par la Colombie.
Permettez-moi de vous expliquer brièvement la valeur, les avantages et, en fait, la nécessité de chacun de ces éléments. La reconnaissance et la protection formelles des whisky canadiens assurent la sécurité des investissements faits par les producteurs. Cette protection, qui est garantie par le gouvernement fédéral de la Colombie, entrera en vigueur dès que l'accord sera entériné. Un tel régime de protection donne aux propriétaires de marques de whisky canadiens la confiance dont ils ont besoin pour investir dans le marché, car ils sauront d'entrée de jeu que l'introduction de produits contrefaits ou d'imitations de mauvaise qualité qui profiteront de la réputation établie des whisky canadiens sera interdite.
Le tarif douanier d'importation de la Colombie, qui se situe actuellement à 20 p. 100, rend effectivement non concurrentiels la plupart des spiritueux canadiens sur le marché colombien. À la différence de la Colombie, le Canada a supprimé il y a longtemps ses tarifs sur les whisky importés et il n'impose que des tarifs d'importation minimaux sur la vodka, le gin et le rhum, variant de 5 ¢ à un peu plus de 12 ¢ le litre d'alcool absolu. Cela signifie qu'une bouteille typique de whisky canadien entrant en Colombie serait sujette à un tarif d'importation s'élevant à un peu plus de 1 $ la bouteille, tandis qu'une bouteille de spiritueux entrant au Canada ne serait assujettie qu'à un tarif s'élevant entre 10 et 25 ¢ la bouteille.
À nos yeux, la structure fiscale nationale de la Colombie visant l'alcool de bouche a été conçue pour accorder à ses producteurs nationaux un niveau de protection qui ne respecte pas ses obligations commerciales internationales en vertu de l'OMC.
À titre d'exemple, la Colombie impose un taux de taxe nettement plus élevé sur les spiritueux dont la teneur en alcool est supérieure à 35 p. 100 par volume. Selon la loi, les whisky canadiens et la plupart des autres spiritueux échangés mondialement ont une teneur en alcool de 40 p. 100 alors qu'en pratique, la plupart des spiritueux colombiens sont embouteillés à moins de 35 p. 100.
Nous sommes ravis de constater que les négociateurs canadiens ont réussi à réaliser chacun de ces trois objectifs dans l'accord avec la Colombie. L'article 212 de l'accord reconnaît formellement le whisky canadien et le rye whisky canadien et les protège en tant que produits distincts du Canada.
Toujours selon l'accord, la Colombie est tenue de supprimer ses tarifs douaniers sur le whisky canadien et les vodka fabriquées au Canada, soit les deux produits principaux de l'industrie, et ce dans les 12 ans suivant l'entrée en vigueur de l'accord. Une disposition qui prévoit l'accélération de la suppression des tarifs en question au cas où l'ALE entre les États-Unis et la Colombie était entériné dans un délai de deux ans est également comprise dans l'accord. Il va sans dire qu'une suppression accélérée du tarif serait fort souhaitable, mais une période de suppression graduelle de 12 ans est acceptable étant donné le temps qu'il faut pour établir des marques dans un marché.
Pour terminer, l'annexe 202 de l'accord exige également que les mesures prises par la Colombie sur le plan de l'imposition de taxes visant les boissons deviennent pleinement conformes aux responsabilités de la Colombie en matière de traitement national dans les deux ans suivant la ratification de l'accord. Nous sommes heureux que les négociateurs commerciaux canadiens aient été à l'écoute des préoccupations et des priorités de notre industrie et y aient pleinement donné suite. Par conséquent, les fabricants canadiens de spiritueux approuvent le texte de l'ALE et le considèrent comme un avantage pour les producteurs canadiens.
Merci beaucoup.
J'aimerais vous donner des exemples. Nous avons reçu Mme Adriana Mejía, la ministre colombienne des Affaires étrangères. Elle nous a donné des exemples de choses concrètes qui nous ont vraiment impressionnées, et il ne s'agissait pas simplement des rapports avec des institutions locales. Permettez-moi de vous donner un exemple touchant les enfants, plus précisément les enfants en situation de conflits armés.
En décembre 2008, les autorités colombiennes ont accepté volontairement la mise en oeuvre du moratoire et du mécanisme de production de rapports — et j'insiste là-dessus, monsieur le président, par votre entremise — figurant à la résolution 1612 du Conseil de sécurité de l'ONU. On peut donc dire qu'il existe une volonté de travailler en collaboration avec les organisations internationales et non de se confiner aux organisations ésotériques internes.
Monsieur le président, j'ai lu un article l'autre jour que j'aimerais faire circuler. Le ministre du Commerce international, qui a comparu devant le comité la semaine dernière, nous a dit que les FARC étaient vraiment engagés maintenant. Il s'agit du cartel le plus important au monde, à l'heure actuelle. Justement, l'autre jour j'ai lu, au sujet des FARC, que des rebelles colombiens avaient tué cinq soldats dans un champ de coca:
Cinq soldats ont trouvé la mort après une attaque aux explosifs menée par des rebelles colombiens membres des FARC non loin de la frontière avec l'Équateur alors que des troupes éradiquaient des champs de coca illégaux, cultures utilisées dans la production de cocaïne...
La drogue, ce n'est qu'un aspect d'un problème beaucoup plus important, et le gouvernement, d'après ce que nous ont dit divers représentants, tente d'en éradiquer la culture. Je ne sais donc pas au nom de qui travaillent les FARC?
Je terminerais sur ceci, avant de céder le reste de mon temps à mon collègue, Scott Brison.
En ce qui a trait aux personnes déplacées, on en a recensé près d'un demi-million en 2008. On en compte maintenant 114 000. Relativement aux rapts, en 2002, il y en a eu 2 900. À titre de comparaison, monsieur le président, il y en a aujourd'hui 213. Les homicides, pour leur part, sont passés de 29 000 en 2002 à 15 000 aujourd'hui.
Je suis d'accord avec ce qui a été dit précédemment, à savoir qu'un, c'est déjà trop. Au Canada, on estime également qu'un homicide, c'est un homicide en trop.
Je n'en dirai pas davantage. On sait, d'après les statistiques, que de gros efforts sont déployés, et j'estime que l'amendement proposé par mon collègue, Scott Brison, permettra en partie de résoudre le problème.
Sur ce, je cède mon temps de parole à M. Brison.
Ma question s'adresse à Spiritueux Canada et à Pulse Canada. Je siège au comité du commerce depuis six ans. J'en suis devenu un membre principal. Les témoins nous disent souvent que les accords commerciaux bilatéraux nous ouvriront de nouveaux marchés. Mais les statistiques montrent le contraire, en fait.
Nous avons conclu un accord commercial avec le Costa Rica et l'avons mis en oeuvre. À cette époque, nous exportions 77 millions de dollars. Et maintenant, depuis 2004, 2007, nos exportations se chiffrent à 73 millions de dollars. Les exportations canadiennes vers le Costa Rica ont chuté après la signature de l'accord commercial bilatéral.
La situation est la même pour le Chili; 10 ans de déclin après la mise en oeuvre de l'accord commercial.
Une voix: Avez-vous examiné l'économie?
M. Peter Julian: En Israël, parallèlement...
Notre secrétaire parlementaire ne comprend pas ce que je dis. Je lui expliquerai plus tard.
Les chiffres font état d'un déclin généralisé des exportations sur tous les marchés des pays avec lesquels nous avons conclu un accord commercial bilatéral, c'est-à-dire un déclin constant dans la valeur en dollars de nos exportations.
M. Keddy parle de dollars courants, et bien sûr on constate une croissance; le taux d'inflation érode le pouvoir d'achat du dollar.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur le président, je vous demanderais de me chronométrer. J'ai promis à de partager mon temps avec lui, alors je vous demanderais sans réserve de m'interrompre après trois minutes.
J'ai quelques déclarations très brèves, messieurs. D'abord, M. Westcott, de Spiritueux Canada parle de la Ronde de Doha. La réalité — et il faut en parler — c'est que la Ronde de Doha a été interrompue et nous ne progressons pas. Nous tentons de faire bouger les choses. Nous faisons tout notre possible dans nos négociations multilatérales pour faire avancer les choses, mais pendant ce temps, nous négocions des ententes bilatérales. C'est logique.
Je ne suis certainement pas d'accord avec le NPD en ce qui a trait au ralentissement du commerce. Toutes les statistiques que j'ai vues indiquent le contraire.
Deuxième chose, loin de moi de défendre — il peut se défendre lui-même — mais le parti ministériel est certainement en faveur de l'amendement. Il nous a permis de débloquer la situation et de faire avancer les choses.
Très rapidement, monsieur Al-Katib... Oh, il n'est pas là.
D'accord. Eh bien, M. Potts est ici.
Nous avons maintenant un déficit commercial de 15 p. 100. Nous versons 15 ¢ pour chaque dollar gagné, et nous avons toujours des échanges commerciaux avec la Colombie. Nous fournissons des aliments, surtout des lentilles et des légumineuses à graines, saines, nutritives et à meilleur marché comparativement à ce qui est disponible en Colombie. Ce commerce ne peut pas nuire aux droits de la personne, n'est-ce pas? Répondez brièvement; j'ai une autre petite question.
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Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais remercier nos invités de leur témoignage important. J'aimerais aussi dire que M. Keddy a raison de dire que nous avons déjà 1,35 milliard de dollars en commerce bilatéral. Nous établissons en fait un système fondé sur des règlements dotés d'ententes parallèles efficaces en matière de travail et d'environnement.
Monsieur Rowlinson, je vous remercie de reconnaître que l'aspect travail de l'entente est meilleure — ou plus important et significatif, pour reprendre vos paroles. Donc je vous en remercie, puisque ce commentaire faisait partie de votre témoignage.
Il est intéressant de noter que depuis l'arrivée au pouvoir du président Uribe en 2001 — et encore une fois, il ne faut pas s'y perdre — le nombre de meurtres a diminué de moitié, les enlèvements, de 85 p. 100, et les assassinats de chefs syndicalistes, de 86 p. 100. Ces chiffres viennent de groupes indépendants. Et la participation et l'adhésion aux syndicats ont augmenté de façon importante.
D'après ce que j'ai entendu de la part de tous les témoins aujourd'hui, je suis d'accord pour dire que nous tentons tous de faire ce qu'il y a de mieux pour la Colombie — et, soit dit en passant, souvenons-nous, pour le Canada également. Je crois que c'est très révélateur. On peut toujours dire que le verre est à moitié vide ou à moitié plein. J'ai tendance à être plus optimiste et à penser que les ententes de libre-échange nous donnent l'occasion d'avoir un meilleur dialogue avec nos voisins.
Lorsque j'examinais les importations et les exportations totales avec Israël, j'ai remarqué que lorsqu'on combine le commerce bilatéral, il y a une augmentation au cours des cinq dernières années. Lorsque j'examine le commerce dans son ensemble du Costa Rica et de la Chine, on constate une hausse pour le Costa Rica. Pour le Chili, il est intéressant de noter qu'il y a cinq ans, nos exportations totales se chiffraient à 417 millions et que nous avons maintenant atteint 644 millions de dollars.
Ces chiffres proviennent de la Bibliothèque du Parlement, au cas où quelqu'un veut les contester.