CIIT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent du commerce international
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 18 octobre 2010
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Mesdames et messieurs, nous sommes sur le point de commencer la 28e séance du Comité permanent du commerce international, qui poursuit ses travaux.
Aujourd'hui, nous allons aborder deux questions. Tout d'abord, nous allons reprendre, conformément à notre ordre de renvoi, l'examen du projet de loi C-8, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et le royaume de Jordanie.
À cette fin, nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui des témoins du National Labor Committee, du Syndicat des Métallos et de l'Association des produits forestiers du Canada. Je vous les présente. Nous en aurons pour à peu près une heure avec eux, puis nous sommes censés nous réunir à huis clos pour discuter des travaux du comité.
Là-dessus, permettez-moi de vous présenter d'abord Charles Kernaghan, directeur exécutif du National Labor Committee. Avec lui, il y a Tim Waters, directeur politique, bien sûr, du Syndicat des Métallos. Enfin, un témoin que nous connaissons, Andrew Casey, vice-président des relations publiques et du commerce international pour l'Association des produits forestiers du Canada.
Que les témoins veuillent bien nous donner un bref aperçu de leurs antécédents et puis de leur opinions sur l'Accord de libre-échange entre le Canada et la Jordanie ainsi que sur les accords de coopération dans le domaine du travail et sur l'agriculture, qui l'accompagne.
Nous suivons la formule habituelle. M. Kernaghan peut commencer. Il sera suivi de MM. Waters, puis Casey. Chacun disposera de jusqu'à 10 minutes, puis j'ouvrirai la période de questions.
Sans plus de cérémonie, voudriez-vous commencer, monsieur Kernaghan?
Merci beaucoup de l'occasion que vous m'accordez d'apporter mon témoignage.
Je vais vous parler de nos constatations à l'égard de l'accord de libre-échange entre les États-Unis et la Jordanie. Je n'en avais jamais entendu parler avant le milieu de l'année 2005, alors que des travailleurs invités ont commencé à nous appeler, depuis la Jordanie, en nous suppliant de les aider: ils accusaient leurs employeurs de les battre, de leur avoir retiré leurs passeports, de violer leurs femmes, de les affamer, de ne pas les payer. Leur demande survenait tout à fait à l'improviste. C'était scandaleux.
Nous sommes allés faire enquête en Jordanie. En mai 2006, nous avons produit un gros rapport dans lequel nous montrions que l'industrie de l'habillement en Jordanie, en vertu de l'accord de libre-échange avec les États-Unis, fonctionnait entièrement avec des travailleurs étrangers invités, parce que les Jordaniens ne voulaient pas travailler en usine. Au moins 90 p. 100 des travailleurs étaient des invités qui venaient du Bangladesh, de l'Inde, du Sri Lanka, du Népal, de la Chine, etc. À leur arrivée en Jordanie, on leur avait retiré leurs passeports, ce qui constitue le crime de traite de personnes. On les avait enfermés dans des usines où ils travaillaient de 12 à 16 heures par jour, sept jours par semaine.
Le rapport a eu de très bons effets. On a nettoyé certaines usines. Mais nous avons également signalé que le gagnant, dans toute cette affaire, c'était la Chine, parce que l'immense majorité des textiles provient de ce pays et que le textile constitue 63 p. 100 de la valeur du vêtement. Au fond, donc, l'accord de libre-échange entre les États-Unis et la Jordanie a profité à la Chine plus qu'à tout autre pays: ses textiles, d'après nos estimations, bénéficient chaque année d'environ 100 millions de dollars d'allègements tarifaires pour entrer aux États-Unis.
Je tiens à faire maintenant le point sur une usine située en Jordanie. Hier et aujourd'hui, nous avons enquêté sur elle. Sous le nom de Classic Fashion Apparel, elle fait partie d'un groupe important qui compte six usines dans le secteur industriel d'Al-Hassan...
Pardon, monsieur Kernaghan. Puis-je vous interrompre un instant?
Je suis désolé. Nos interprètes en simultanée sont remarquables, mais votre débit est plutôt rapide.
M. Charles Kernaghan: D'accord.
Le président: Merci.
Dans cette usine — il y en a six dans le secteur industriel d'Al-Hassan — les 4 500 travailleurs, tous invités, viennent du Bangladesh, du Sri Lanka, de l'Inde et du Népal. Soixante pour cent de la production est destinée à Walmart. Hanes est un autre producteur important. Actuellement, Walmart est le premier détaillant mondial, tandis que Hanes est la marque la plus reconnue aux États-Unis.
Dans ces usines, la journée de travail commence à 7 h 30 et se termine à 22 heures, 22 h 30 — soit une durée de 14 à 15 heures, du samedi au mercredi. Le jeudi, elle dure 24 heures et demie, ce qui est inouï. Elle commence à 7 h 30 le jeudi et se termine à 8 heures le vendredi. La semaine de travail dure 99 heures et demie. On dépouille les travailleurs d'au moins 40 p. 100 de leur salaire. Au bout des 92 heures que dure officiellement leur semaine de travail, ils auraient dû avoir gagné environ 78 $; au lieu de cela, ils reçoivent de 40 à 45 $.
On les gifle et on les bat s'ils n'ont pas atteint leur objectif obligatoire de production. En fait, on expulse ceux qui n'atteignent pas leur objectif.
Aujourd'hui même, 300 Sri Lankaises de cette usine sont en retard par rapport à leur objectif de production pour le mois dernier. La direction leur a retiré leur passeport — encore une fois, c'est de la traite de personnes — et elle est à la veille de les expulser pour ne pas avoir atteint leurs objectifs. Comme je l'ai dit, elles sont également battues pour ce même motif. Nous estimons actuellement qu'environ 2 000 travailleurs de l'usine se sont vu retirer leurs passeports. Cela se passe au grand jour.
On maintient ces victimes de la traite de personnes vers la Jordanie dans des conditions misérables. Les dortoirs, très primitifs et très sales, sont infestés de punaises dont les tortures les empêchent de dormir après leur journée de 14 heures et demie ou 15 heures. Nous avons fait parvenir des photos à des scientifiques de l'Université de l'Ohio, qui ont confirmé que ces punaises se gavaient de leur sang.
On enferme les femmes dans leur dortoir, après leur journée de travail. Elles n'ont aucune liberté de mouvement. Elles n'ont pas le droit de sortir, pas même pour faire des courses le vendredi, journée fériée pour les Musulmans.
Classic figure dans le palmarès des entreprises du ministère du Travail de la Jordanie, ce qui signifie qu'elle fait partie de la crème des usines du pays et qu'elle respecte toutes les lois locales et internationales en matière de travail. Bien sûr, c'est absolument faux. Pour attirer ces travailleurs à contrat en Jordanie pour une durée de trois ans, on leur a promis nourriture, soins et logement gratuits — ce qui est excellent. Fausses promesses. On leur facture la nourriture 28,20 $ par mois. Ils ne bénéficient d'aucun soin. Hier, ils nous ont dit qu'ils n'ont absolument pas confiance dans le ministère du Travail.
Nous avons fait le même constat chez Nygard, une entreprise canadienne d'habillement. Dans son usine IBG, pendant notre enquête, en avril, 1 200 travailleurs s'étaient fait retirer leurs passeports. Ils travaillaient 16 heures par jour, de 7 à 23 heures, 7 jours par semaine. Pour ces 110 heures hebdomadaires de travail, ils recevaient moins de la moitié du salaire minimum: soit environ 0,34 $. Ils étaient exposés au harcèlement sexuel, à des dortoirs crasseux, aux punaises, tout le bataclan.
Nous croyons que ces usines ont échappé à la surveillance du ministère du Travail. Les travailleurs invités sont des proies très faciles. Ils ne parlent pas l'arabe. On leur retire souvent leurs passeports.
Je pense que la Jordanie a beaucoup de chemin à parcourir pour mettre les choses en ordre et pour qu'on acquiesce à des accords de libre-échange avec ce pays.
Nous savons que, cette semaine, quelqu'un de l'U.S. Trade Representative's Office se rendra en Jordanie. Nous restons en contact avec le gouvernement jordanien, mais, en ce qui concerne les droits des travailleurs, le fiasco est complet.
Merci, monsieur Kernaghan.
Je cède la parole à Tim Waters, directeur politique du Syndicats des Métallos.
Merci, je vais m'efforcer de parler un peu plus lentement.
Je me propose de lire une courte déclaration du syndicat, mais pour vous situer dans le contexte, je précise qu'une des dernières réalisations de Bill Clinton, avant son départ de la présidence, a été la négociation de l'accord de libre-échange de son pays et la Jordanie. Beaucoup d'organisations comme la nôtre qui, en général, avaient protesté contre la politique commerciale des États-Unis ont effectivement milité pour l'adoption de cet accord, tout simplement parce que, dans le corps de son texte, il était prévu des mécanismes de protection pour les droits des travailleurs et de la personne.
En cela, l'accord différait de l'Accord de libre-échange nord-américain, l'ALENA, qui offre des mécanismes de protection dans des lettres ou des ententes particulières qui ne liaient jamais les parties. Voilà pourquoi nous nous sommes faits les champions du projet de loi, qui a été adopté par une immense majorité du Congrès. Bill Clinton l'a signé immédiatement avant son départ. Ensuite, chacun est retourné vaquer à ses affaires, et l'accord est tombé dans l'oubli jusqu'à il y a cinq ans, comme Charlie l'a mentionné, alors que nous avons entendu parler de ses dessous.
Permettez-moi de lire une courte déclaration, puis je conclurai.
Comme je l'ai dit, le syndicat des Métallurgistes unis d'Amérique, au départ, a appuyé l'accord de libre-échange entre les États-Unis et la Jordanie, lors de sa négociation en 2000. C'est une décision qu'il est venu à regretter amèrement, puisque cet accord a sombré dans la traite de dizaines de milliers de travailleurs étrangers invités en Jordanie, où on leur a retiré leurs passeports et où, trop souvent, on les force à travailler dans des conditions qui ne méritent que le nom d'esclavage.
Trois fois, je me suis rendu en Jordanie où j'ai rencontré des centaines de travailleurs invités, qui peinent dans des conditions intolérables, dans des usines qui sont toutes construites dans le seul but d'exporter leur production vers le marché américain. En passant, c'est exactement ce qu'on essaie de faire ici, maintenant.
Nous avons entendu maints témoignages de travailleurs de plusieurs parcs industriels, qui confirment tous les heures supplémentaires obligatoires interminables, la charge de travail accablante, le non-versement des salaires légaux, les conditions de travail et de vie déplorables et la violation régulière de toutes les lois du travail en Jordanie, sans parler de celle des normes internationales de l'Organisation internationale du Travail.
Notre président international Leo Gerard s'est joint à notre directeur national canadien, Ken Neumann, pour écrire au ministre du Travail de la Jordanie, le 30 novembre 2009, afin de soulever auprès de lui un certain nombre d'enjeux cruciaux à propos desquels les travailleurs invités continuent de lancer un appel à l'aide. Une partie de la lettre concernait les promesses faites au gouvernement canadien pour faire démarrer l'accord commercial actuel, des promesses que nous croyons fausses. Elles l'étaient alors, à notre avis, et elles le sont encore. Dans la lettre, dont je vous laisse des copies, pour que vous les consultiez, nous demandions des éclaircissements, qui ne sont pas encore venus.
Je ne passerai pas de cas en revue; certains d'entre eux se trouvent dans le témoignage. J'ai cependant joint une copie de la lettre. Permettez-moi simplement de dire que, à mon avis et par définition, ce qui se passe en Jordanie, c'est une violation grave des droits de la personne. Faites abstraction du profit des multinationales, de l'enrichissement des Chinois grâce à l'accord, oubliez tout cela un instant. Nous parlons ici de traite de personnes.
Dans toutes les usines que j'ai visitées, je n'ai vu presque aucun Jordanien. Les Jordaniens ont concocté cet accord, puis ils ont fait venir tous les travailleurs des Philippines, de Chine, du Bangladesh et du Sri Lanka, dont ils saisissent les passeports à leur arrivée à l'aéroport, puis qu'ils enferment dans les usines. Cela répond à la définition la plus simple de traite de personnes. Ces travailleurs sont incapables de se déplacer librement sur le territoire national, et les lois ne s'appliquent pas à eux, de sorte que, tout d'un coup, dès leur arrivée, ils n'ont plus de pays et n'ont plus de lois. S'ils se déplacent sans papiers, on les arrête et on les jette dans une prison jordanienne, où on ne leur accorde aucun droit.
À mon avis et d'après le Syndicat des métallos, ce qui est en jeu ici, ce sont les droits de ces personnes. Vous avez une occasion très intéressante d'aider maintenant 30 000 travailleurs de ces usines en disant simplement que vous ne voulez pas conclure d'accord avec ce genre de promoteurs tant que l'on ne donnera pas certaines garanties de protection des droits de la personne pour ces travailleurs.
Vous avez devant vous une occasion unique. Collectivement, nous demandons que le Canada s'insurge contre ce qui se passe là-bas, contre la violation des droits de ces nombreuses personnes, et qu'il y mette le holà tout de suite.
Merci.
Merci, monsieur Waters.
Il reste un témoin avant la période de questions. Ce sera, bien sûr, Andrew Casey, vice-président des relations publiques et du commerce international pour l'Association des produits forestiers du Canada.
Content de vous revoir, monsieur Casey.
Merci encore une fois au comité de nous avoir invités à comparaître au sujet du projet de loi C-8, loi portant mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et la Jordanie.
Nous avons eu le plaisir de témoigner devant votre comité lorsqu'il étudiait l'Accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie. Aujourd'hui, je présenterai des arguments semblables pour vous expliquer pourquoi nous appuyons ce projet de loi et cet accord. Bien que les chiffres en jeu ne soient pas faramineux, je pense que cela établit un précédent du point de vue de notre industrie, et nous aimerions qu'il se reproduise dans d'autres régions du monde.
En guise de présentation, l'Association des produits forestiers du Canada est le porte-parole national, l'association nationale des producteurs canadiens de bois, de pâtes et de papiers. Notre association compte environ 22 membres, qui représentent la part du lion de l'industrie canadienne des produits forestiers d'un bout à l'autre du pays et dans les collectivités de partout au Canada.
Notre secteur compte pour environ 12 p. 100 du PIB manufacturier canadien, et pour 2 p. 100 du PIB en général. Nous continuons d'employer de façon directe plus de 220 000 Canadiens. Si vous ajoutez à cela les quelque 340 000 emplois indirects que nous créons, vous frôlerez le seuil des 600 000 emplois, qui sont bien sûr répartis dans tout le pays et dans presque chacune des provinces.
Cela m'amène à la question des communautés, dont j'aimerais vous parler. Évidemment, ces emplois sont situés en bonne partie dans les régions rurales du pays, et occupent même une place centrale dans certaines petites communautés partout au Canada. Ces deux ou trois dernières années ont bien entendu été extrêmement difficiles pour l'industrie, comme le savent les membres ici présents et les députés de la Chambre des communes. Nous avons vu quotidiennement des membres de tous les partis se lever pour exprimer leur soutien à l'industrie. Nous leur en sommes reconnaissants. Nombre d'entre vous représentez des communautés ayant connu les épreuves subies par l'industrie ces dernières années, alors cette situation ne vous est pas étrangère.
Heureusement, nous commençons à voir la lumière au bout du tunnel, pour reprendre une expression éculée, ou de la lumière au tournant; appelez cela comme vous voudrez, mais la situation tend à s'améliorer. Nous assistons à une croissance des marchés en Chine. Nous constatons une augmentation des ventes de pâtes et de bois dans des marchés comme celui-là, et cela nous rend quelque peu optimistes. Bien sûr, pour que cela soit solide comme le roc et que nous puissions avancer avec confiance, un redressement du marché du logement américain demeure nécessaire.
Cela dit, l'une des choses que l'industrie doit faire — et elle l'a fait ces dernières années —, c'est préparer le terrain pour la reprise de ces marchés. Nous avons établi un plan en quatre volets, si vous voulez, une stratégie pour déterminer la direction à prendre.
Une grande partie de cette stratégie, bien entendu, consistera à devenir nous-mêmes plus productifs et concurrentiels. Il revient à nos entreprises de déployer beaucoup d'efforts de ce côté, et c'est d'ailleurs ce qu'elles ont fait ces dernières années. Certaines des réorganisations que vous avez vues — ces difficiles décisions qu'on a prises quant à la fermeture d'usines — s'inscrivent dans cette restructuration et dans cette nouvelle compétitivité.
L'autre élément consiste à améliorer encore davantage notre bilan en matière d'environnement et de gestion durable des ressources. Nous sommes des chefs de file mondiaux sur ce plan, et c'est devenu de plus en plus un avantage commercial. Nous devons poursuivre dans cette voie et utiliser au mieux cet avantage sur le marché.
Le troisième élément de notre stratégie pour l'avenir est de chercher à maximiser la ressource. Vous connaissez des expressions comme « valeur ajoutée », mais il s'agit davantage de faire un usage optimal des arbres et de ce que nous en tirons. En ce moment, nous utilisons environ 95 p. 100 d'un arbre, et nous voudrions que le pourcentage se rapproche de 100 p. 100. On entre là dans le monde de la bioéconomie, c'est-à-dire de la bioénergie et des produits biochimiques pouvant être extraits d'un arbre. On aura encore le tandem bois-pâtes comme base économique, mais on ira plus loin en étendant nos activités à la bioéconomie.
Le quatrième élément de cette stratégie d'avenir — et c'est là que l'accord de libre-échange entre en jeu — est la nécessité d'élargir et de diversifier nos marchés existants. Il va sans dire que le marché américain est notre marché le plus important, et il le restera pour un bon bout de temps. Ce marché représente environ 70 p. 100 de nos exportations de produits, et nous y exportons pour environ 24 milliards de dollars par an au total; c'est donc dire qu'une part considérable de nos produits s'en vont aux États-Unis.
Mais nous ne pouvons dépendre du seul marché américain. Le conflit sur le bois d'œuvre a démontré qu'il y a des moments où notre relation peut s'envenimer. C'est pourquoi l'industrie s'est tournée vers d'autres marchés comme ceux de la Chine et de l'Inde. En l'occurrence, croyez-le ou non, nous entrevoyons un certain potentiel au Moyen-Orient, et peut-être que dans ce contexte, la parenthèse jordanienne s'ouvrira.
Vous avez sans doute vu les chiffres. Je pense que les exportations du Canada en Jordanie sont de l'ordre de 60 millions de dollars par an. Quant au pourcentage, il se trouve que notre secteur est le plus grand exportateur en Jordanie, avec un montant qui tourne autour de 11 millions de dollars par an, je crois. Évidemment, ces chiffres sont modestes pour une industrie dont les exportations annuelles se chiffrent à 24 milliards de dollars, mais il y a là deux débouchés importants, l'un du côté du papier et l'autre du côté du bois d'oeuvre.
Le marché jordanien des produits forestiers représente un marché global d'à peu près 370 millions de dollars. Malheureusement, notre part de ce marché est seulement de 3 p. 100 environ. C'est également un marché en croissance. Selon les gammes de produits, la croissance d'année en année sera de 16 à 100 p. 100. Donc, nous voyons là un énorme potentiel.
En ce qui concerne le papier, il y a une possibilité d'éliminer les droits de douane et de devenir plus concurrentiels par rapport à certains de nos principaux compétiteurs en Indonésie et en Allemagne. Du côté du bois d'oeuvre, nous entrevoyons un marché important pour le contreplaqué. Encore une fois, la réduction ou l'élimination des droits de douane nous donnerait une longueur d'avance sur nos principaux concurrents indonésiens, et bien sûr chinois.
Je répète qu'à hauteur de 11 millions de dollars, le montant de nos actuelles exportations en Jordanie n'est pas élevé. Même si ce chiffre doublait, il serait minime dans le contexte global. Mais la réalité, c'est que beaucoup de ces produits viennent de régions particulières du Canada, et parfois même d'une seule entreprise. Ainsi donc, lorsqu'on remet les choses en perspective, ce qui paraît être un montant négligeable peut devenir un chiffre très important pour une ou deux entreprises.
Nous sommes d'avis qu'il en est ainsi dans le cas de l'entente avec la Jordanie, car la majorité des produits viennent des provinces de la Colombie-Britannique et du Québec. Si nous pouvions accroître la part de marché à cet égard, ce serait un pas important vers l'élargissement des marchés existants, et peut-être même la diversification de ceux-ci.
Je vais m'arrêter là.
[Français]
Je suis prêt à répondre aux questions, et je le ferai en français si vous le voulez.
[Traduction]
Merci encore de nous avoir permis de comparaître aujourd'hui, monsieur le président.
Merci.
Merci à vous tous pour ces observations préliminaires. Nous allons commencer la période de questions. Étant donné l'heure qu'il est, je vous demanderais de vous en tenir assez rigoureusement à sept minutes pour chacun des partis au cours de la première série de questions. Ainsi, nous aurons peut-être le temps d'effectuer un dernier tour rapide par la suite. Si vous voulez être certains que quelqu'un puisse intervenir, je vous suggère de partager votre temps.
Nous allons commencer par le Parti libéral, avec M. Cannis, le vice-président.
Merci, monsieur le président.
Bienvenue à nos invités.
Je vais interroger nos témoins en adressant mes questions à des personnes précises, et on tentera d'y réagir le plus rapidement possible pour économiser du temps.
Monsieur Kernaghan, j'ai écouté attentivement vos remarques. Je peux comprendre votre frustration.
Cela m'a intrigué lorsque vous avez parlé des violations qui ont lieu, de la façon dont on empêche les gens de partir et dont on les dépouille de leurs passeports. Vous avez dit, et je cite : « d'après nos estimations ». J'aimerais savoir comment vous vous y êtes pris pour faire ces estimations et obtenir ces renseignements. Avez-vous eu des entretiens individuels avec chacun de ces travailleurs?
Je voudrais satisfaire ma curiosité. Si on cueille ces travailleurs à l'aéroport, ainsi qu'on l'a décrit, pour ensuite les placer dans l'enceinte de ces manufactures, comment pouvez-vous les rencontrer? Pourriez-vous me donner une idée de la façon dont vous procédez pour recueillir vos données?
Je suis allé de nombreuses fois en Jordanie. Nous nous rendons généralement dans les quartiers les plus pauvres entourant ces zones franches commerciales, ou ces parcs industriels. Nous rencontrons les travailleurs dans des lieux où les gens d'affaires ne mettraient jamais les pieds. Ils n'iraient tout simplement pas dans ce genre d'endroits. Nous effectuons notre recherche en rencontrant personnellement des douzaines et des douzaines de travailleurs de ces usines.
Eh bien, ils peuvent quitter... Cette usine dont je parlais est un cas différent.
M. John Cannis: D'accord.
M. Charles Kernaghan: Dans l'usine de Classic, les femmes sont enfermées à l'intérieur, mais les hommes peuvent partir. Bien entendu, ils travaillent jusqu'à 22 h 30 ou 23 heures, alors il est très difficile de les rencontrer.
Mais ils peuvent partir à 23 heures, après leur quart de travail, et nous rencontrer en chemin dans un salon de thé. Dans ces endroits — et Tim était là — nous avons interviewé des centaines de travailleurs. Nous restions assis là pendant plusieurs heures, et ils apportaient avec eux les étiquettes, tous les documents et les avis diffusés là-bas. J'ai beaucoup voyagé dans le monde, et ces conditions sont très mauvaises.
D'après ce que vous dites, elles sont épouvantables.
Vous avez parlé de la façon dont la Chine en tirait profit et en ressortait grande gagnante. Est-ce dû au fait qu'il y a quelques années, il y avait une politique d'entrée au Canada, en franchise de droits, de textiles en provenance des pays moins développés? Est-ce de cette façon que la Chine en tire avantage? Parce que les Chinois ouvrent des usines là-bas? Est-ce là où vous voulez en venir?
Lorsque le gouvernement des États-Unis a négocié l'accord de libre-échange, il savait forcément que les Jordaniens ne travailleraient pas dans les usines, parce qu'ils ne le font tout simplement pas. On ne le permet pas aux femmes. Il y avait donc dès le départ des travailleurs invités. Les propriétaires des manufactures ne sont pas Jordaniens; ils sont Indiens, Sri Lankais et Chinois. Les intéressés savaient que les textiles viendraient de la Chine, parce qu'ils sont moins chers.
Ils sont meilleur marché.
Monsieur Waters, vous avez dit que dans un premier temps, vous et votre organisme aviez appuyé... Sous l'administration Clinton, vous aviez établi des lignes directrices claires.
Nous nous engageons là-dedans, et il est évident que nous devons apprendre des expériences passées. Bien sûr, nous avons fixé des lignes directrices aussi, ou nous comptons le faire. Pourriez-vous, en fonction de votre expérience, nous dire quelles mesures le Canada pourrait prendre pour s'assurer de renforcer les lignes directrices, ou de les perfectionner?
Vous avez là une occasion unique. Quand cet accord a été signé aux États-Unis, nous ne savions absolument pas que tous les travailleurs seraient d'origine indienne et chinoise. Nous croyions qu'il s'agissait d'une entente avec la Jordanie.
Lorsqu'on conclut un accord commercial avec un autre pays, on ne s'attend pas à ce qu'il importe des travailleurs. C'est une nouvelle forme de traite des personnes. Je vous conseillerais de prendre la Jordanie au mot et de ne pas conclure cet accord avant qu'elle ne rectifie la situation. Et si...
Vous êtes en train de dire que c'est acceptable que les autres pays mettent par écrit des principes directeurs fermes et disent au Canada de continuer à agir en boy-scout pendant qu'eux continueront à faire des affaires. L'agriculteur et le fournisseur d'équipement à l'étranger peuvent continuer à exporter, mais le Canada ne doit pas aller de l'avant. Est-ce ce que vous dites aux travailleurs canadiens?
Sans vouloir vous offenser, je ne crois pas que cet argument tient la route, tout simplement parce qu'on ne peut pas dire que, puisque tout le monde ferme les yeux, nous devrions faire de même.
Non, mais je dois donner une explication à mes électeurs. Je vous demande de m'aider à leur transmettre un message.
Oui, monsieur. Vous m'avez demandé mon opinion. Je vous réponds que vous disposez d'une occasion unique et que vous êtes dans une position qui est également unique.
Si nous avions su ce qui allait se produire, nous n'aurions jamais soutenu cet accord, comprenez-vous? Nous l'avons fait parce que nous l'avons pris au pied de la lettre. Nous nous sommes fiés au libellé de cet accord.
Je comprends et je suis sensible à ce que vous dites au sujet de la traite des personnes. C'est une préoccupation à l'échelle mondiale. Puisque l'ensemble de la planète sait que ce problème existe, pourquoi les pays n'agissent-ils pas collectivement? Est-ce que ce ne serait pas mieux que de laisser le Canada être le seul à s'attaquer à cela?
Je crois que nous bénéficions de l'appui du Royaume-Uni, de l'Allemagne et de l'Australie. Il y a...
Et du Canada.
M. Tim Waters: Pardon?
M. John Cannis: Le Canada appuie vos efforts. Nous allons inclure des principes directeurs fermes — du moins, je vais veiller à ce que cet accord comporte des principes directeurs qui visent les préoccupations soulevées par vous-même et Charles et qui que ce soit d'autre. Ce sera un bon début.
Très bien.
J'ai une dernière question à vous poser. En ce qui a trait à l'industrie forestière et aux produits forestiers, je suis d'accord avec vous, monsieur Casey. Il faut que le secteur se diversifie. Le Canada mérite sa part du gâteau.
Je ne viens pas d'une région productrice de bois d'oeuvre, de bois d'oeuvre résineux ou de pâtes et papiers, mais certaines des industries qui s'y trouvent sont touchées. Je tiens à ce que le Canada fasse ce qu'il doit faire, en suivant les bons principes directeurs, pour obtenir sa part du gâteau. Si nous pouvons faire quoi que ce soit pour vous aider à élargir votre industrie, de sorte qu'elle n'ait pas qu'un seul gros client...
Je ne sais pas si vous avez quelque chose à ajouter au point de vue que je viens d'exprimer.
Je vous remercie pour cet appui. Au lieu de dire que nous méritons notre part du gâteau, je dirais plutôt que nous l'avons déjà. Le Canada est le plus important exportateur de produits forestiers au monde, car il exporte davantage que n'importe quel autre pays. Nous sommes déjà présents dans tous les autres marchés.
Dans les nouveaux marchés auxquels nous accédons, nous avons seulement besoin que les règles du jeu soient uniformes. Pour que nous puissions être sur le même pied d'égalité que nos principaux concurrents, nous devons bénéficier comme eux de l'abolition ou d'une réduction considérable des tarifs douaniers.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Bonjour à tous.
Monsieur Waters, vous avez dit plus tôt avoir été en faveur de l'accord de libre-échange entre les États-Unis et la Jordanie, à l'époque, mais de l'avoir ensuite regretté. Vous pensiez que les travailleurs jordaniens seraient ceux qui profiteraient de cet accord. Or ça n'a pas été le cas. Ce sont des travailleurs étrangers, pratiquement importés, comme vous le dites, qui ont obtenu du travail. Vous avez constaté une augmentation du commerce à l'intérieur de la Jordanie. Les matières premières ont été transformées, beaucoup de produits ont été fabriqués, mais pas par des Jordaniens. Ces derniers étaient-ils complètement exclus de cette hausse de la charge de travail ou de production? S'agissait-il seulement de travailleurs étrangers?
À vous entendre, on dirait que seuls les travailleurs étrangers ont obtenu un surcroît de travail en vue de produire ce qu'il fallait dans la foulée du nouvel accord. Des Jordaniens n'ont-ils pas eu, eux aussi, l'occasion de travailler davantage?
[Traduction]
Merci.
Je tiens à préciser que nous n'avons pas appuyé cet accord commercial simplement pour aider les travailleurs jordaniens. Nous l'avons fait dans le but d'essayer d'uniformiser les règles du jeu pour l'ensemble des pays, car c'est ce que nous préconisons en ce qui concerne les échanges commerciaux. Les règles devraient être appliquées de la même manière dans tous les pays afin d'éliminer les possibilités d'exploitation des personnes, de l'environnement, etc. Que ce soit bien clair, nous voulions aider les travailleurs jordaniens dans le seul but d'uniformiser les règles du jeu et d'assurer l'équité.
La loi jordanienne stipule que les usines doivent compter 10 p. 100 de travailleurs jordaniens. Jamais je n'ai constaté que cette exigence était respectée. J'ai vu parfois des travailleurs jordaniens, mais les heures de travail et les règles qui s'appliquaient à eux variaient d'un endroit à l'autre. J'en ai vu très rarement. Par exemple, je me suis rendu dans une usine où on fabrique des vêtements pour Walmart et Kmart et d'autres détaillants. Au moins 1 200 personnes y travaillent. Il s'agissait presque exclusivement de jeunes femmes originaires des Philippines, de la Chine et du Bangladesh — et soit dit en passant ce sont des jeunes femmes qu'on cherche à embaucher. Je n'ai vu aucun employé jordanien. C'est extrêmement facile à constater.
Il est vrai qu'un petit pourcentage de Jordaniens travaillent dans ces usines, mais cette proportion s'établit en deçà de ce que prescrit la loi et elle est bien loin de ce à quoi on s'attendait dans le cadre de cet accord commercial conclu entre les États-Unis et la Jordanie.
[Français]
Sauf erreur, le commerce entre la Jordanie et les États-Unis a augmenté, mais vous observez que ça ne s'est pas traduit par un accroissement de travail pour les Jordaniens. Par contre, ça a été le cas pour d'autres travailleurs. C'est en quelque sorte ce que vous nous dites.
Connaissez-vous le pourcentage que représente la hausse du nombre de travailleurs requis pour répondre à l'augmentation du commerce reliée à l'accord de libre-échange, monsieur Kernaghan?
[Traduction]
En 2008, 86 p. 100 des produits exportés par la Jordanie aux États-Unis étaient des vêtements. En 2009, ce pourcentage avait diminué un peu pour s'établir à 83 p. 100. Les États-Unis importent presque exclusivement des vêtements, qui sont fabriqués par 30 000 travailleurs invités étrangers, ce qui n'a pas stimulé beaucoup la production dans d'autres régions de la Jordanie.
Permettez-moi de répondre également. Je crois que je comprends votre question.
Certaines usines appartiennent entre autres à des Chinois et à des Indiens dans d'autres pays que la Jordanie. On y trouve des travailleurs qui viennent du Bangladesh, de la Chine et des Philippines, qui ont été amenés là-bas après avoir dû débourser, parfois, des milliers de dollars. Il arrive que tous les gens d'un village se cotisent pour pouvoir envoyer une jeune personne. Ensuite, les promesses ne sont pas tenues et les passeports sont confisqués.
Dans bien des cas, les usines appartiennent à des Indiens et à des Chinois, et les travailleurs sont originaires du Bangladesh, de la Chine, des Philippines, du Sri Lanka et du Népal. Les Chinois remportent la palme en ce qui concerne les usines de textile. Quand on s'interroge sur les répercussions de cet accord sur la Jordanie, il faut d'abord se demander... Même si ce n'était pas à nous de livrer cette bataille, je crois que...
[Français]
Merci.
Monsieur Casey, vous avez dit dans votre exposé que l'Association des produits forestiers du Canada avait travaillé sur un plan d'action composé de quatre éléments et qu'il fallait chercher de nouveaux marchés. Vous êtes-vous aussi penchés sur de nouveaux produits? Est-ce qu'il y a suffisamment de recherche en vue de trouver de nouveaux produits? On peut chercher de nouveaux marchés pour d'anciens produits, mais on peut aussi trouver de nouveaux marchés pour de nouveaux produits.
Oui, vous avez raison. On doit aussi chercher de nouveaux produits. L'entreprise FPInnovations fait du bon travail pour l'industrie. Elle fait de la recherche en vue de développer de nouveaux produits et cherche de nouveaux marchés pour les nouveaux produits.
Si le gouvernement fédéral vous avait octroyé le même niveau d'aide que celui consacré à l'industrie automobile — je pense ici aux 10 milliards de dollars qu'il lui a consentis l'année passée —, j'imagine que la recherche serait déjà beaucoup plus avancée.
[Traduction]
Merci, monsieur Laforest. Je vous remercie aussi pour cette offre.
Je donne maintenant la parole à M. Allen, du NPD, qui dispose de sept minutes.
Merci.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Waters, je m'adresse à vous dans un esprit de coopération en tant que travailleur de l'industrie de l'automobile. Je sais que vous êtes métallurgiste, alors je vais essayer de ne pas en découdre avec vous, comme ce serait le cas normalement dans un autre contexte. M. Kernaghan et vous-même avez dressé un portrait très sombre de la situation qui prévaut dans les usines de textile en Jordanie, en vous fondant sur des faits récents. J'ai lu l'autre rapport intitulé Dirty Clothes, publié antérieurement, et vous parlez aujourd'hui d'un autre plus récent.
Si je vous ai bien entendu, monsieur Waters, vous avez parlé du contenu de l'accord de libre-échange entre les États-Unis et la Jordanie. Vous avez parlé du code du travail, des dispositions sur le travail qui figurent dans le document. Est-ce exact?
Savez-vous que dans l'accord de libre-échange canadien on fait référence à des dispositions concernant les droits des travailleurs et les organisations syndicales qui ne sont pas incluses dans l'accord? Je mentionne cela vu l'expérience que vous et moi avons eue dans le cadre de négociations collectives et sachant ce que cela signifie d'inclure des dispositions dans le corps du texte d'un accord plutôt que dans un autre document.
Avez-vous des commentaires à ce sujet, étant donné que vous savez très bien ce qui s'est produit en ce qui concerne l'accord de libre-échange entre les États-Unis et la Jordanie, dont le texte principal comportait des dispositions de la sorte?
Oui. Avant de répondre, permettez-moi simplement de mentionner que M. Casey travaille au sein d'une industrie qui est représentée par le Syndicat des métallurgistes unis. Nous comprenons donc ce qu'il fait valoir et nous saisissons la mesure dans laquelle les produits que son industrie vend ailleurs peut aider nos membres. Je voulais seulement souligner cela.
L'Accord de libre-échange nord-américain prévoyait des dispositions visant à protéger les droits des travailleurs, mais qui ne figuraient pas dans le texte principal de l'accord. Toutefois, aux yeux des travailleurs, la protection de leurs droits s'est avérée un échec. On a observé des pertes d'emplois considérables et un transfert massif d'emplois au Mexique dans les cinq premières années qui ont suivi la signature de l'accord, car les multinationales n'avaient pas à payer des salaires aussi élevés qu'aux États-Unis et au Canada, et on a également constaté des pressions à la baisse sur les salaires. Puisque les dispositions visant la protection des droits des travailleurs ne faisaient pas partie de l'accord en tant que tel et que des décisions à cet égard étaient rendues par des tribunaux, il n'y a eu aucune véritable protection des droits.
L'accord de libre-échange avec la Jordanie contenait ce genre de dispositions, mais le problème est qu'elles n'ont pas été appliquées. C'est donc dire qu'il ne suffit pas qu'elles figurent dans le texte principal de l'accord — ce qui est essentiel pour qu'elles soient prises en considération — il faut aussi qu'elles soient mises en application. Il y a donc deux éléments.
Il ne fait aucun doute qu'il incombe au gouvernement jordanien, précisément à son ministère du travail ou une autre instance, d'appliquer ces dispositions.
Permettez-moi de discuter avec M. Kernaghan d'un certain nombre de ces entreprises dont vous avez parlé, notamment Walmart, Nygard et bien d'autres. Savez-vous qu'au fil des ans, un grand nombre d'entre elles, et c'est Nike qui a parti le bal il y a un certain nombre d'années — ont établi ce qu'on a appelé des chartes des droits des travailleurs destinées à être appliquées chez les fournisseurs étrangers?
Nike est la principale entreprise nord-américaine qui ne fabrique aucun produit ici. Elle continue de vendre des produits sur notre marché, mais elle ne fabrique même plus la moindre chaussure au Canada ni aux États-Unis. En plus, elle est la principale entreprise à ne posséder aucune usine; c'est une chose qu'elle laisse à d'autres.
Bien entendu, le principal reproche qu'on faisait jadis à Nike, c'était d'avoir recours à des ateliers de misère, comme on les appelait alors. Dans ce cas-ci, ce sont beaucoup plus que des ateliers de misère; à mon avis, ce sont essentiellement des prisons. En fin de compte, nous reculons au XVIIe ou au XVIIIe siècle, à l'époque de l'esclavage. Ces travailleurs sont des esclaves. On les a amenés là-bas pour devenir des esclaves sous le couvert d'un accord de libre-échange, ce que je trouve extrêmement répréhensible.
Pouvez-vous nous dire pourquoi ces multinationales — Walmart étant l'un des plus importants détaillants au monde, si ce n'est le plus important — qui ont établi une charte des droits des travailleurs semblent incapables, ou ne le font tout simplement pas, de mettre en application cette charte et de veiller à corriger la situation avec leurs fournisseurs étrangers, alors qu'elles avaient déclaré qu'elles allaient s'occuper de la situation?
Eh bien, les sociétés ont ce qu'elles appellent des codes de déontologie ou des chartes, et elles ne disent pas qu'elles enquêtent sur les usines pour voir si celles-ci respectent les codes en question. Cela ne fonctionne jamais. D'ailleurs, il n'y a pas si longtemps, John Ruggie, un professeur de Harvard, Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour les droits humains et les entreprises transnationales, a déclaré haut et fort que la surveillance des entreprises ne fonctionne jamais parce que les gens flouent le système. Autrement dit, lorsque les entreprises envoient ces contrôleurs, les travailleurs sont déjà avertis sous la menace et savent quoi dire.
Cela fait 20 à 25 ans maintenant que nous suivons l'évolution de la situation, et cela ne donne aucun résultat. Il n'y a que le gouvernement jordanien, le ministère du Travail et le bureau du Représentant au commerce américain pour faire appliquer le droit du travail. Actuellement, sous l'administration Obama, le bureau du Représentant au commerce des États-Unis prend davantage ses distances. En fait, comme je l'ai dit précédemment, pas plus tard que la semaine prochaine, quelqu'un ira en Jordanie pour examiner de plus près ces violations et tout le reste.
On ne peut pas confier la surveillance aux entreprises; cela fait 20 ans que toute tentative dans ce sens échoue. Il faut que ce soit fait de manière légale, par l'intervention du gouvernement américain dans ce cas-ci, et celle du gouvernement jordanien.
J'ai entendu mon collègue, monsieur Cannis, dire plus tôt que nous ne voulions pas être des boys scouts qui se tiennent à l'écart, et je comprends bien qu'on ne guérit pas le mal par le mal, comme dirait la maman de M. Holder, du cap Breton. Ma mère m'a enseigné la même chose. Mais il me semble que si nous avons des preuves montrant que c'est ce qui se passe dans les usines jordaniennes, dans le cadre de l'accord du libre-échange, pourquoi voudrions-nous nous rendre complices de la situation?
Selon moi, si nous ne pouvons pas tirer de leçons de ce qui s'est passé, ne devriez-vous pas alors exercer des pressions sur votre propre gouvernement, aux États-Unis, pour qu'il se retire aussi, tout en nous disant que tant que les Jordaniens n'auront pas l'intention de faire respecter leurs propres lois...? Nous ne leur demandons pas d'augmenter le salaire minimum, mais simplement d'appliquer leurs propres lois; nous n'essayons même pas de leur imposer les nôtres. N'est-il donc pas juste que nous vous disions, eh bien, si nous prenons nos distances — et je crois que nous devrions le faire, parce que les preuves sont claires dans mon esprit —, que vous devriez également dire au gouvernement américain, tout comme le font les Métallurgistes unis, la FAT-COI des États-Unis et les groupes de défense de la justice sociale, qu'il faut mettre un terme à ceci, ou tout au moins mettre les choses en veilleuse jusqu'à ce que vous ayez obtenu la garantie que les Jordaniens peuvent réellement appliquer et respecter leur propre droit du travail?
Nous avons demandé un examen de la situation. Nous nous sommes également efforcés d'exercer des pressions sur les sociétés établies là-bas, mais sans grand succès. Nous ne voulons pas non plus que les 30 000 travailleurs étrangers, qui ont emprunté à des taux usuriers et dépensé tout l'argent qu'ils possédaient pour aller dans ce pays, se fassent expulser de Jordanie. On a beau dire que la situation en Jordanie est déplorable, ce qui terrifie les travailleurs plus que les conditions dans lesquelles ils vivent, c'est de devoir retourner chez eux sans l'argent nécessaire pour rembourser leurs créditeurs. C'est un problème inextricable.
Ce qui est intéressant, dans toute cette histoire, c'est la situation dans laquelle se trouve actuellement le gouvernement canadien qui, lui, comme vous l'avez expliqué, sait ce qui est arrivé, contrairement à nous à l'époque. Nous vous avons montré des preuves et nous voudrions bien vous en fournir d'autres. Vous avez une occasion unique d'essayer de changer le cours des choses, et pour tout le monde. Nous ne sommes pas intéressés à mettre un terme à l'accord de libre-échange si nous arrivons à le faire respecter comme il se doit. Nous sommes favorables à cet accord depuis le début, mais il faut qu'il soit appliqué correctement et assaini.
Ce que les Américains envoient le plus en Jordanie, c'est de l'argent; il y a donc là matière à exercer des pressions. La Jordanie reçoit depuis longtemps une aide étrangère importante. C'est aussi une alliée clé dans une zone stratégique, mais elle doit comprendre que pour un pays comme le Canada, la morale et le respect des droits de la personne et des lois du travail passent avant d'autres considérations. Je pense que vous avez maintenant une occasion unique de changer les choses.
Je vous remercie pour vos interventions, messieurs Allen et Waters.
Monsieur Allen, vous venez tout juste de prendre deux minutes au temps que nous avions prévu d'accorder à M. Julian la semaine prochaine.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Nous allons maintenant entreprendre notre dernière série de questions. Je pense que c'est M. Keddy qui aura le mot de la fin.
Vous disposez de sept minutes.
Merci, monsieur le président.
Bienvenue à nos invités.
Je dois dire que les témoignages que nous avons entendus jusqu'à présent me laissent un peu perplexe. Je vais d'ailleurs reprendre là où M. Allen s'est arrêté. Je ne comprends pas très bien pourquoi nous avons ici deux témoins qui disent au gouvernement canadien que nous devrions, d'une façon ou d'une autre, mettre un terme à cet accord commercial, que nous devrions frapper un dur coup, mais que d'un autre côté, les États-Unis pourront continuer de faire du commerce avec la Jordanie parce que tout va bien.
Je n'essaie pas de faire l'intéressant, mais c'est ce que j'entends. Très franchement, c'est inacceptable. Vous ne pouvez pas venir ici nous dire de changer les règles. En vertu de notre accord de coopération dans le domaine du travail, nous avons convenu de lignes directrices très strictes. Et cela ne s'applique pas qu'aux travailleurs jordaniens, mais aussi aux travailleurs migrants et à la main-d'oeuvre étrangère. Cela fait partie des lignes directrices internationales de l'Organisation internationale du travail. Du reste, on y reconnaît qu'une partie du régime de réglementation s'appliquant aux travailleurs migrants en Jordanie est loin d'être parfait, qu'il y a eu des abus, des erreurs et qu'il faut se doter d'un système plus rigoureux pour gérer tout ceci.
Je comprends bien, comme nous tous ici, les défis entourant les lois du travail et les droits de la personne, mais vous n'êtes pas en train de dire que votre syndicat veut éliminer les Walmart et les Hanes de ce monde. Vous n'avez nullement l'intention de le faire aux États-Unis, mais vous nous dites que c'est ce que nous devrions faire au Canada. C'est tout simplement injuste.
Je vous répondrai que lorsque nous avons publié notre rapport, c'était pour dénoncer très directement l'incapacité du gouvernement américain à gérer la situation. En fait, au moment où l'on se parle, les normes de travail fondamentales de l'OIT ne sont pas respectées en Jordanie. Les travailleurs étrangers n'ont pas le droit de s'organiser, de sorte que, pour l'instant, il est impossible d'agir parce que ces gens n'ont pas le droit de s'associer.
À ce propos, notre entente prévoit aussi la possibilité de faciliter la diffusion de l'information -— je veux parler plus précisément de l'information sur le travail — auprès des travailleurs étrangers et migrants, de façon à ce qu'ils comprennent bien leurs droits. Je vais vous demander de répondre brièvement parce que je sais que M. Holder a une question, et que je veux lui laisser le temps de la poser.
Très brièvement, nous avons demandé au gouvernement jordanien de laisser entrer des ONG venant de pays d'où sont originaires les travailleurs, comme le Bangladesh et le Sri Lanka — et ce serait un événement majeur —, pour que les travailleurs puissent faire valoir leurs droits. Le gouvernement a opposé une fin de non recevoir. Il a dit qu'il ne pouvait accepter la présence d'ONG étrangères en Jordanie. Mais cela aurait complètement changé la donne.
Nous nous battons depuis des années, faisant tout ce qui est en notre pouvoir pour faire changer les choses pour le mieux, mais en même temps, nous sommes très critiques à l'égard du gouvernement américain. Nous sommes loin d'être fiers des conditions dans lesquelles sont confectionnés ces vêtements qui entrent aux États-Unis. Nous essayons de faire avancer cette cause et nous exerçons des pressions auprès du gouvernement jordanien également.
M. Gerald Keddy: Ed?
Merci beaucoup.
Je tiens également à remercier nos invités d'être venus aujourd'hui nous livrer leurs témoignages.
Il me semble que nous avons oublié d'aborder une question, du moins d'après ce que j'ai entendu jusqu'à présent, à savoir le sort des travailleurs canadiens. Pourquoi ne pas nous occuper de notre économie également? J'ai énormément de respect pour nos obligations internationales, vraiment, mais est-ce que l'un de nos invités peut nous parler du changement provoqué par l'accord de commerce bilatéral entre la Jordanie et le Canada en 2008 et 2009? Est-ce que l'un de nos trois témoins peut nous donner des chiffres, nous dire ce que cela représente dans le commerce global...?
D'accord. Je comprends très bien que vous l'ignoriez. Le commerce entre le Canada et la Jordanie a diminué de 11 p. 100 entre 2008 et 2009. Ce pourcentage en soi n'est peut-être pas énorme par rapport à l'ensemble du commerce que nous faisons avec le Moyen-Orient, mais le fait que nous accusions des pertes de plus de 10 p. 100 devrait nous préoccuper tous. Il se trouve que quelque chose comme 80 p. 100 de la balance commerciale du Canada est en faveur de la Jordanie, ce qui signifie que cela a une incidence énorme sur les travailleurs canadiens par rapport aux travailleurs jordaniens, ou les travailleurs étrangers, comme vous l'avez indiqué. Mais en réalité, d'un point de vue économique, nous avons été beaucoup plus pénalisés qu'il n'y paraît.
Tout cela vise à permettre l'élimination des droits de douane immédiatement, pour près de 99 p. 100 des exportations canadiennes vers la Jordanie; et quelles sont les conséquences pour notre pays? Cela nous donne la possibilité d'envoyer en Jordanie des produits canadiens de qualité, fabriqués par des travailleurs canadiens qualifiés. Et je trouve cela préoccupant, car il est dans notre intérêt de ne pas oublier de nous soucier des travailleurs canadiens. Je considère que c'est essentiel.
En quoi ce sera utile? Cela nous permettra d'aider nos cultivateurs, nos fabricants et les secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Cela favorisera les producteurs de légumineuses, de produits congelés à base de pommes de terre, d'aliments pour animaux et de boeuf. Chers amis, cela nous inquiète, pas seulement à cause de la Jordanie, mais pour tout ce que cela implique. Parce que le commerce bilatéral entre le Canada et les 15 pays du Moyen-Orient représente autour de 11,5 milliards de dollars. S'il vous plaît, n'oubliez pas ceci: que la Jordanie n'est que le point de départ.
Ce dont j'aimerais que nous profitions, et cela va dans le sens de ce qu'a dit M. Keddy — je pense que c'est important —, c'est du fait que nous faisons du commerce avec la Jordanie de toute façon. Nous savons tous que nous faisons des échanges avec la Jordanie, alors pourquoi ne mettons-nous pas en place un système réglementé qui nous permettrait d'avoir notre mot à dire, pas seulement sur le sort des travailleurs jordaniens, mais aussi sur l'accord de l'Organisation internationale du travail qui, comme vous l'avez dit, monsieur Waters, constitue un cadre solide et approprié... Je le comprends bien, mais quel effet a-t-il? Il garantit la négociation collective et la liberté d'association, l'élimination du travail forcé, du travail des enfants et de la discrimination au travail, des normes minimales d'emploi, la sécurité au travail et l'indemnisation des travailleurs malades et blessés.
Toute la question est de savoir si c'est parfait. Eh bien, je pense que c'est probablement beaucoup mieux d'avoir des règles en place, sachant que nous échangeons avec ce pays de toute manière. Et si nous sommes à la table, nous avons la possibilité, messieurs, d'engager le dialogue...
Une voix: Il est parti sur sa lancée.
M. Ed Holder: Je suis désolé. Je...
Disons que vous avez terminé de poser votre question; vous n'avez tout simplement pas tout à fait fini de répondre...
Mais si nous nous entendons pour dire qu'en règle générale, c'est mieux pour le Canada de ne pas... En ayant un système réglementé en place...
Une voix: C'est mieux pour la Jordanie.
M. Ed Holder: ... c'est mieux pour les travailleurs jordaniens et, franchement, mieux pour ce que nous cherchons à accomplir au Moyen-Orient. Comment pouvons-nous dire que cela ne vaut pas la peine d'essayer d'être à la table des négociations? Comment pouvons-nous dire: « Vous savez quoi? Puisque nous faisons du commerce avec vous de toute manière, nous allons éliminer toutes nos règles ».
Si vous et moi faisions du commerce ensemble et que je vous disais que je voulais essayer d'influencer votre conduite — pendant que vous tentiez d'influencer la mienne —, et si je décidais que je ne voulais plus suivre les règles du jeu, que j'allais simplement me retirer, j'ai l'impression que votre capacité à m'influencer serait très limitée. Mais plus la relation est solide et plus il y a d'échanges — et je dis cela à tous les témoins présents —, plus grandes sont les chances que je vous influence positivement.
Alors pouvez-vous m'expliquer en quoi le fait que nous reprenions nos billes et rentrions à la maison peut aider l'économie et les travailleurs canadiens?
Vos chances de changer les choses — et pour ce qui est de la situation là-bas, je ne pense pas que quiconque dans la salle me contredira: on est complètement dans l'erreur — sont meilleures maintenant. C'est ce que nous disons.
Quant à votre critique, M. Keddy... J'aimerais répondre à la première partie de votre question selon laquelle, d'une certaine manière, les États-Unis tirent parti de leur accord de libre-échange avec la Jordanie. Si c'est le cas, c'est minime. L'avantage...
M. Gerald Keddy: Pour la balance commerciale...
M. Tim Waters: Ceux qui en ont profité, ce sont les producteurs jordaniens qui ont un accès en franchise de droits au marché américain. Mais je crois que nous disons que... Bien sûr, nous voulons que les travailleurs canadiens s'en sortent bien également; nous avons 356 000 membres ici. Mais pour ce qui est de savoir si le moment est choisi, si vous avez des chances de réussir et la possibilité de changer le cours des choses là-bas — peu importe qui aurait dû le faire en premier ou qui aurait dû savoir quand intervenir —, je vous dirais que vos meilleures chances de succès sont maintenant, parce qu'ils sont à la table des négociations pour une raison. Ils y sont parce qu'ils veulent avoir le même accès en franchise de droits au marché canadien que celui qu'ils ont pour le marché américain.
J'ignore si vous pourrez changer les choses plus tard. Je ne le sais pas. Seul l'avenir nous le dira. Une fois que l'accord commercial sera en place, on n'y pourra rien changer. Mais...
Monsieur le président, je conclurais en disant que je me réjouis que nos amis américains soient venus nous faire part de leurs réflexions sur la question. Je réfléchis aux normes que nous avons établies, à la lumière du mandat de l'OIT, et à tout ce que cela signifie pour les travailleurs canadiens, et je trouve que notre capacité de changer le cours des choses est beaucoup plus grande.
Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs.
Merci à vous, monsieur Holder.
Je suis sûr que les membres du comité ont beaucoup apprécié; ils sont unanimes. Merci beaucoup. C'était très instructif. Certaines des choses que nous avons entendues aujourd'hui n'avaient pas été exprimées auparavant. Je vous en suis reconnaissant.
Nous allons maintenant conclure. Je tiens à remercier nos témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui. Nous allons faire une pause de deux minutes avant de poursuivre la séance à huis clos. Nous allons dire au revoir à nos témoins.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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