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CIIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du commerce international


NUMÉRO 017 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 13 mai 2010

[Enregistrement électronique]

(1545)

[Traduction]

    Cette 17e séance du Comité permanent du commerce international est ouverte. L'ordre du jour concerne la Loi portant mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Colombie, de l'Accord sur l'environnement entre le Canada et la République de Colombie, et de l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et la République de Colombie.
    Nous avons apporté quelques changements au programme de la semaine pour pouvoir accueillir certains témoins. Aujourd'hui, comme nous n'avons que deux témoins, nous allons leur consacrer une heure, ce qui nous donnera largement le temps de leur poser des questions. J'aimerais terminer la séance en mettant la dernière main au rapport sur les relations commerciales Canada-États-Unis.
    La séance est officiellement ouverte et j'invite les photographes à cesser leur travail.
    Je commence par présenter nos témoins. Nous avons d'abord à nos côtés Carleen Pickard, du Conseil des Canadiens. Merci d'être venue, madame.
    Nous entendrons également par vidéoconférence Barbara Wood. Pouvez-vous nous signaler que vous nous entendez, madame?
    Merci.
    Nous allons donc démarrer avec les déclarations liminaires. Madame Pickard, directrice du Conseil des Canadiens, je vous donne la parole pour une dizaine de minutes. Nous allons essayer de nous en tenir à l'horaire, pour une fois. Ensuite, je demanderai à Mme Wood de faire sa propre déclaration liminaire.
    Madame Pickard.
    Du 3 au 15 février de cette année, j'ai participé à une mission internationale d'observation préélectorale en Colombie. Notre groupe, de 22 personnes, a effectué son observation dans quatre régions de la Colombie : Cordoba, Valle del Cauca, Antioquia et Santander, ainsi que dans la capitale, Bogotá. Les équipes d'observation régionales sont composées de professionnels de différents pays, organismes et disciplines afin d'assurer la prise en compte de points de vues vraiment larges et différents.
    J'avais déjà participé à des missions d'observation de l'activité préélectorale et de la tenue d'élections au Mexique, aux États-Unis et en Éthiopie avec le Carter Center. J'offre mon témoignage au comité à l'occasion de son examen important de l'Accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie car l'existence d'un régime démocratique sain et solide doit être un facteur essentiel durant cet examen. En ce qui concerne la recommandation de ratification de l'ALECC sans une évaluation de son incidence sur les droits humains, nous avons la conviction que l'exercice démocratique ne saurait être envisagé comme un événement isolé ne concernant que le jour du vote.
    Notre méthode d'observation a été conçue pour être aussi large et inclusive que possible. Nous avons rencontré les dirigeants de tous les grands partis politiques, des représentants d'organisations de la société civile, des représentants des autorités locales, départementales et nationales, des représentants des autorités électorales, des personnalités chargées de surveiller la tenue des élections au niveau municipal et départemental, ainsi que des journalistes. Nous nous sommes également efforcés d'établir des contacts directs avec des citoyens par le truchement d'organisations religieuses, de regroupements civiques, de syndicats, de groupes indigènes et afro-colombiens, de la communauté GLBT, de personnes déplacées, de féministes et d'autres.
    Le but de la mission était de recueillir des renseignements sur les circonstances entourant les élections au Congrès du 14 mars ainsi que sur les élections présidentielles de la fin de ce mois. Selon les normes internationales, il ne peut y avoir d'observation électorale valide sans une étude du contexte préélectoral étant donné que celui-ci est souvent le contexte invisible mais déterminant de la tenue du vote. En situation de conflit intérieur, de présence de groupes armés illégaux, de violence généralisée, de transgression des droits humains et de déplacement de populations, comme en Colombie, c'est particulièrement crucial.
    En mars de cette année, chacun de vos bureaux a reçu un exemplaire du rapport final de la mission. Je vais utiliser la majeure partie de mon temps pour mettre en relief nos principales préoccupations, en n'évoquant que quelques exemples mentionnés dans le rapport.
    Notre première préoccupation concerne l'influence des groupes armés — les paramilitaires et les narcotrafiquants — sur le processus électoral. En effet, tout montre que cette influence sur le processus électoral dans certaines parties de la Colombie est aussi profonde qu'inquiétante. L'intervention brutale de ces groupes est directement reliée à leur objectif ultime de devenir l'autorité politique de fait dans diverses parties du pays. Dans les endroits où ces groupes ont été actifs et ont pu opérer en toute impunité, il est certain que la légitimité du processus électoral et des candidats élus n'a pas été et ne sera pas reconnue par la population. Des scandales notoires, dont beaucoup ont déjà été portés à la connaissance de votre comité, n'ont fait que saper encore plus le sentiment du peuple que le gouvernement et ses représentants existent pour le servir et répondre à ses besoins.
    Selon les chefs communautaires et les organismes de diverses régions du pays, le gouvernement est largement responsable de l'expansion récente du banditisme armé et de la violence constatée dans tous les secteurs de la vie sociale, y compris la politique électorale. Des données de nombreuses sources indiquent que les narcotrafiquants et les acteurs armés dans la ville et la région de Buenaventura interviennent indirectement dans tous les aspects de la politique électorale, notamment en faisant des cadeaux, en donnant des pots-de-vin, en intimidant les candidats et l'électorat, en surveillant les bureaux de scrutin et en s'ingérant directement dans l'activité des scrutateurs après la tenue du vote.
    Notre deuxième préoccupation concerne la fraude électorale et les crimes électoraux. Durant nos rencontres avec des citoyens colombiens, des élus et des représentants des partis politiques, nous avons recueilli de nombreuses plaintes témoignant d'une ingérence dans le libre exercice du droit de vote. Tout d'abord, nous avons enregistré dans toutes les régions des rapports indiquant que des scrutateurs officiels ont été achetés par les partis pour promouvoir leurs intérêts et pour fermer les yeux sur les irrégularités, voire pour y participer activement. Je parle ici d'activités telles que marquer des bulletins en faveur de leur candidat, falsifier le décompte des voix ou annuler des bulletins déjà exprimés pour les opposants. Ce niveau de collusion est essentiel pour opérationnaliser bon nombre des stratégies supplémentaires dont je vais parler.
    L'achat et la vente de voix constituent la plainte la plus couramment reçue par les délégations régionales de la mission. Des citoyens de Tierra Alta, Montelibano et Monteria on dit s'être vu offrir des sacs de ciment et du matériel de toiture pour la construction de maisons, ainsi que des paiements en espèces de 20 000 à 50 000 pesos, soit de 10 à 25 $ canadiens, par voix.
(1550)
    Typiquement, les électeurs et les représentants des partis d'opposition ont indiqué que l'achat d'une voix par un parti politique exige la confirmation que le citoyen a voté comme convenu avant le paiement du plein montant. Il y a diverses méthodes pour s'en assurer, comme prendre des photographies des bulletins exprimés avec un téléphone portable ou un appareil de photographie, ou utiliser des copies carbone du bulletin.
    L'utilisation frauduleuse de cartes d'identité d'électeurs a été fréquemment citée comme méthode de fraude électorale dans toutes les régions. On a parfois utilisé des cartes d'identité de personnes d'autres circonscriptions, des cartes contrefaites, voire des cartes de personnes décédées.
    Dans le rapport final de la mission, nous citons également des exemples d'observateurs électoraux chassés des bureaux de vote ou empêchés d'observer la tenue du vote, et nous mentionnons des cas d'entrave au droit de vote rapportés par des témoins que nous avons interrogés.
    Nous examinons aussi des témoignages sur l'existence de pratiques illégales de financement des campagnes électorales, notamment résultant du trafic de drogue, mais je n'insiste pas afin de respecter votre limite de temps.
    Troisièmement, il y a l'exploitation des programmes gouvernementaux pour influer sur les résultats électoraux.
    Acción Social est l'organisme canalisant les ressources nationales et internationales des programmes sociaux sous l'égide de la présidence et répondant aux besoins des secteurs vulnérables de la population affectés par la pauvreté, la violence et le trafic de drogue.
    Parmi les différents programmes mis en oeuvre sous la tutelle d'Acción Social , le programme Familias en Acción est le plus connu au palier national, et le plus vaste puisqu'il dessert près de 3 millions de familles. Il consiste à offrir des subventions conditionnelles aux mères, aux familles pauvres et aux familles déplacées par les conflits violents, la condition étant qu'elles prennent certains engagements comme envoyer leurs enfants à l'école, passer régulièrement des examens médicaux, etc.
    Après avoir analysé les résultats de nos quatre délégations régionales, nous avons été impressionnés de constater que de nombreuses sources s'accordaient pour dire que des candidats du parti gouvernemental Partido de la U et d'autres partis de la coalition gouvernementale avaient assisté à des réunions avec des bénéficiaires de programmes sociaux durant lesquelles ils leur avaient dit que s'ils ne votaient pas pour eux, les subventions qu'ils recevaient du président disparaîtraient.
    Il est profondément inquiétant qu'il ne semble pas y avoir de séparation entre la personne du président et les programmes gouvernementaux nécessaires pour aider les personnes déplacées et les autres groupes vulnérables. Selon les rapports que nous avons reçus, il existe un taux élevé et inquiétant de manipulation et de désinformation de la part des politiciens régionaux au sujet de Familias en Acción. Cette pratique laisse la porte ouverte à la possibilité de manipulation des subventions et à la restriction du droit de l'électeur de choisir librement pour qui voter.
    Avant de conclure, j'attire votre attention sur le rapport électoral de l'OEA publié le 6 mai après les élections au Congrès du 16 mars. Vous y trouverez des constatations similaires sur l'achat de voix, et sur l'absence de participation des citoyens et sur l'incompréhension du processus démocratique durant ce vote. Il est vrai que les auteurs de certains rapports se sont réjouis du fait que ces élections ont été les plus pacifiques depuis des années, mais cela ne fait qu'indiquer que la barre est très basse pour la démocratie colombienne puisque l'absence d'attentats à la bombe dans les bureaux de vote ou d'assassinats de candidats est un signe de succès d'une élection.
    L'observation préélectorale porte sur une foule de facteurs allant de la participation quotidienne à la prise de décision par des citoyens libres et éclairés jusqu'à la défense de la souveraineté nationale au niveau géopolitique. Pour cette raison, nous sommes fermement convaincus qu'une analyse approfondie de la situation sociale et politique du pays est indispensable étant donné que ces éléments constituent le contexte souvent invisible mais crucial du processus électoral.
    À mon avis, dans le contexte de votre examen de l'Accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie, l'évaluation de son incidence sur les droits humains proposée au comité est un élément essentiel pour comprendre la situation qui règne en Colombie.
    En conclusion, je vous remercie de votre attention. J'ajoute que j'ai la ferme conviction que votre comité se doit d'entendre tous les témoins remarquables qui ont demandé à se présenter dans les prochaines semaines.
    Merci.
    Merci.
    Nous partons maintenant à Vancouver pour entendre par vidéoconférence Barbara Wood, directrice générale de CoDevelopment Canada.
    Madame Wood, vous avez la parole.
(1555)
    Merci.
    Je suis la directrice générale de CoDevelopment Canada, une ONG de développement internationale de Vancouver qui oeuvre avec des collectivités et organisations d'Amérique latine dans une démarche de droits humains.
    Je m'occupe de développement et de droits humains en Amérique latine depuis plus de 25 ans. Dans le cadre de mon travail à CoDev, je dirige le programme que nous gérons en Colombie depuis 2001. Je suis allée plusieurs fois en Colombie où j'ai rencontré des personnes de milieux très différents : des ministres, des autorités locales et régionales, des syndicalistes, des groupes indigènes, des groupes religieux, des partis politiques, des personnes déplacées et des groupes des droits humains.
    Durant mon dernier séjour, j'ai participé à la mission préélectorale dont Carleen vient juste de parler.
    Mon témoignage portera sur la situation des droits humains. Vous avez déjà recueilli beaucoup d'informations à ce sujet. Quasiment tout le monde, y compris le ministre colombien du commerce, convient que la situation est grave, mais il semble que ce soit le seul point sur lequel tout le monde s'accorde. D'aucuns pensent que la situation est assez bonne pour nous permettre de ratifier un accord de libre-échange, dans l'espoir que cela contribuera en soi à des changements positifs. D'autres estiment que les cas de transgression des droits humains sont tellement graves et systémiques que la ratification de l'accord ne fera que les exacerber.
    Il convient à mon avis de se poser plusieurs questions fondamentales. Jusqu'où la situation devra-t-elle dégénérer pour que le Canada ne puisse absolument pas passer cet accord commercial avec la Colombie?
    Deuxièmement, un accord commercial peut-il être un mécanisme d'amélioration de la situation des droits humains, comme certains le pensent?
    Il n'y a pas de réponse claire à la première question mais je pense qu'elle mérite qu'on s'y arrête. Certains membres du comité ont déclaré qu'il n'existe aucun pays au monde, Canada compris, sans certaines infractions aux droits humains. C'est vrai mais, en ce qui concerne la Colombie, cette affirmation devient tellement réductionniste qu'elle perd tout son sens.
    Comme on vous l'a déjà dit, la Colombie est le premier pays au monde en ce qui concerne les assassinats de syndicalistes et les déplacements de populations. La situation des peuples indigènes y est alarmante. L'an dernier, en 2009, 114 indigènes ont été assassinés, soit 63 p. 100 de plus qu'en 2008. En outre, 6 201 indigènes ont été violemment chassés de leurs terres ancestrales. Les exécutions extrajudiciaires continuent, à des niveaux totalement inacceptables. Dans la région de Cordoba, sur la côte caraïbe, où je me trouvais en février, il y a eu 569 exécutions extrajudiciaires rien qu'en 2009, soit le nombre le plus élevé jamais enregistré. La quasi-totalité de ces assassinats — de dirigeants municipaux, d'enseignants, de campesinos et d'autres dirigeants — à été commise par les paramilitaires, pense-t-on généralement.
    Je pourrais continuer longtemps. Les chiffres sont effrayants et horribles, et chaque cas représente une personne avec une famille, une communauté et des amis. Il est tout simplement faux de dire que la Colombie n'est qu'un pays comme les autres qui a « quelques problèmes ».
    Mon travail en Colombie me préoccupe constamment mais la situation m'a de nouveau été rappelée avec force jeudi dernier quand j'ai reçu une demande d'intervention urgente pour notre partenaire des droits humains en Colombie, NOMADESC. Certains de ses membres, ainsi que plusieurs autres dirigeants et groupes avec lesquels ils travaillent, venaient de recevoir de nouvelles menaces de mort. Les personnes menacées comprenaient des dirigeant indigènes et afro-colombiens de la région du nord de Cauca, ainsi que des chefs syndicaux, des politiciens de l'opposition et des défenseurs des droits de l'homme.
    Notre partenaire, NOMADESC, fait depuis de nombreux mois l'objet de mesures d'intimidation et de surveillance. On surveille ouvertement ses locaux, on perturbe régulièrement ses appels téléphoniques, on a récemment commis deux vols par effraction dans ses locaux, et l'un de ses véhicules à été forcé à quitter la route, ce qui a presque causé un accident mortel. À son avis, ces incidents font partie d'une campagne d'intimidation.
    Les collectivités avec lesquelles travaille NOMADESC — elles étaient également nommées dans la menace du 8 avril de la région du nord de Cauca — sont particulièrement vulnérables. Début avril, il y a eu là-bas un massacre de huit mineurs qui a rendu la situation locale encore plus tendue après les nombreux assassinats commis à la fin de l'an dernier.
(1600)
    Cet appel au secours urgent n'est pas un cas isolé, comme vous le savez après avoir entendu les témoins précédents. Les transgressions des droits humains en Colombie sont systématiques et, dans plus de 95 p. 100 des cas, sont commises en totale impunité. C'est intolérable.
    Il faut voir qui est derrière ces actes de violence et d'abus. Les forces armées de la guérilla des FARC et de l'ELN ont leur part de responsabilité, notamment par l'utilisation de mines antipersonnel et par le recrutement d'enfants soldats. Toutefois, la très grande majorité de ces actes sont commis par les organisations paramilitaires qui continuent d'opérer dans toute la Colombie malgré un processus officiel de démobilisation.
     Les groupes d'aujourd'hui, qu'on appelle parfois les groupes successeurs ou, en jargon colombien, les paramilitaires « recyclés », sont au nombre de 4 000 à 10 000. Bien que le gouvernement colombien prétende que les paramilitaires n'existent plus et que les quelques groupes armés qui subsistent sont simplement des bandes criminelles, aucune organisation crédible des droits humains — aucune — ne partage cette opinion. La démobilisation des paramilitaires n'a aucunement entraîné le démantèlement des structures économiques et politiques que certains d'entre eux ont simplement rachetées pour pouvoir continuer leurs exactions.
    Comment vous l'a dit, le scandale para-politique a mis en lumière un vaste réseau de connexions et de relations de pouvoir entre les élus de la coalition du parti gouvernemental et les paramilitaires. Les récentes élections au Congrès n'y ont quasiment rien changé.
    Une autre preuve que la Colombie n'est pas un pays que le Canada souhaiterait avoir comme partenaire commercial est le scandale continu du DAS, le ministère de la sécurité administrative. Le DAS est un organisme de renseignement présidentiel qui fait l'objet d'une surveillance attentive depuis un an à cause d'activités illégales comprenant l'écoute clandestine de juges de la Cour suprême, de défenseurs des droits humains, de dirigeants syndicaux et même d'organismes internationaux des droits humains comme la Commission interaméricaine des droits de l'homme et le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme.
    Ses activités ne se limitent cependant pas à l'écoute clandestine. Il est également responsable de l'envoi de menaces de mort, de vols par effraction, de vols d'ordinateurs et de matériel de ses victimes, et de la communication d'informations sur ses victimes aux paramilitaires. On ne cesse de découvrir de nouvelles révélations sur l'ampleur et la profondeur de ses activités illégales, et tout porte à croire qu'elles n'étaient pas le fait d'individus isolés.
    Des rencontres se sont tenues au palais présidentiel avec des proches du président, notamment son ancien conseiller et son secrétaire personnel. Le président de la Cour suprême de Colombie a même récemment qualifié cela de « conspiration de l'État contre la Cour, un acte criminel ».
    Bien que le DAS soit maintenant démantelé, de nombreuses questions subsistent sur les auteurs intellectuels de ses activités. Si ceux-ci ne sont pas démasqués et traînés en justice, on peut craindre que ces activités illégales continueront sous un autre nom ou dans un autre ministère.
    Les accords commerciaux peuvent-ils contribuer à résoudre les problèmes de droits humains? Dans le cas présent, nous ne le croyons pas car nous parlons d'un gouvernement qui est complice d'infractions aux droits humains par l'inaction judiciaire et par l'intervention directe de ses agents. L'amendement proposé au sujet des droits humains ne saurait être un mécanisme utile pour faire face à cette grave situation, notamment parce qu'il dispose que c'est le gouvernement colombien lui-même qui sera chargé d'évaluer son action.
    La Colombie est un pays complexe, confronté à de nombreux défis. Le moins que nous puissions faire, en tant que Canadiens, serait d'entreprendre une évaluation complète et impartiale de l'incidence de l'accord sur les droits humains, comme l'avait envisagé votre comité il y a deux ans. Une telle évaluation nous donnerait plus d'informations ainsi que des mesures et des indicateurs objectifs permettant de prendre une décision éclairée et pouvant constituer l'assise d'un processus continu de surveillance et d'évaluation si nous décidions d'entériner l'accord.
    Merci.
    Merci.
    Je remercie nos deux témoins d'avoir eu la courtoisie de s'en tenir à la limite de temps fixée.
    Passons maintenant à la période des questions. Nous aurons assez de temps pour un premier tour complet et, peut-être, un deuxième, plus court.
    C'est M. Brison, le critique libéral, qui commence.
(1605)
    Vous dites que l'amendement sur les droits humains et l'accord exécutoire que signeront les gouvernements canadien et colombien exige seulement que la Colombie évalue elle-même sa situation en matière de droits humains. C'est vraiment ce que vous croyez?
    Je n'ai pas d'informations complètes sur ce que contient l'amendement mais je crois comprendre que le gouvernement canadien serait chargé de présenter des rapports au sujet de l'incidence de l'accord commercial sur sa situation en matière de droits humains.
    Vous avez raison. Vous n'avez pas pris le temps d'obtenir et d'examiner les informations comme vous auriez probablement dû le faire. En fait, c'est le gouvernement canadien qui produira un rapport sur les droits humains en Colombie, rapport qui sera préparé à partir d'informations d'ONG et de la société civile. C'est un rapport qui sera déposé annuellement devant le Parlement et qui pourra faire l'objet d'un débat dans un comité sur le commerce ou un comité sur les droits humains.
    Je suis heureux d'avoir l'occasion de vous donner cette information et de corriger votre erreur. Toutefois, ce que vous avez dit est troublant car cela reflète à mon avis un préjugé de votre part. Si vous êtes prête à avancer des demi-vérités à l'appui de votre argument idéologique sur une chose qu'il eût été si facile de déterminer par un simple appel téléphonique à mon bureau, je me demande si le reste de ce que vous avez dit au comité est fondé sur une aversion idéologique rigide au commerce international et si vos déclarations reposent sur des recherches sérieuses. Les personnes qui s'adressent à notre comité ont le devoir, me semble-t-il, de lui communiquer des faits et pas nécessairement de la simple rhétorique.
    J'ai une question pour Mme Pickard...
    Puis-je répondre à cela? Vous venez de faire des déclarations assez... Puis-je répondre, s'il vous plaît?
    Non, je n'ai pas besoin de réponse. Ça va.
    Un rappel au règlement, monsieur le président.
    Vous venez de faire des accusations assez graves.
    C'était un commentaire assez offensant. Veuillez laisser le témoin répondre.
    J'adresse ma question suivante à Mme Pickard.
    M. Brison a la parole.
    Madame Pickard, vous avez parlé de souveraineté nationale et de la nécessité de respecter la souveraineté nationale de la Colombie. Lors des élections au Congrès, un seul parti s'opposait aux accords commerciaux, le Polo, et le résultat des élections a été que 7 p. 100 des Colombiens ont voté pour le parti opposé au libre-échange. Plusieurs sondages récents ont démontré que ce parti recueille 4 à 5 p. 100 d'appuis pour l'élection présidentielle. N'est-ce pas faire preuve de mépris envers la souveraineté nationale colombienne que de ne pas respecter l'indépendance de cette nation quand elle dit souhaiter de tels accords de libre-échange?
    Ce que j'ai présenté dans mon rapport au comité repose sur les constatations de notre rapport préélectoral. J'ai présenté nos constatations sur les problèmes identifiés dans le processus électoral. Ce que vous trouverez dans le rapport, si vous le lisez, ne représente aucunement un jugement sur l'accord de libre-échange ou sur le respect de la volonté du peuple colombien. Ce rapport concerne de graves préoccupations touchant des problèmes qui existent depuis longtemps dans le système et dont la résolution exigera des efforts énormes de la part du gouvernement de la Colombie, quel qu'il soit, s'il veut s'y attaquer.
    Vous avez parlé de libre-échange en disant qu'il pourrait avoir des effets délétères sur la souveraineté de la Colombie.
    Non, je ne crois pas avoir dit cela. Quand j'ai parlé de l'accord de libre-échange, c'était pour mentionner le fait que, si le Canada veut le ratifier, ce comité devrait tenir compte du processus démocratique en Colombie : le processus, les mécanismes, et ce que l'institution même de la démocratie en Colombie...
    Le corollaire logique de votre argument est que nous devrions tenir compte également de la volonté démocratique du peuple colombien. C'est ce que vous dites.
    Ce que je dis... L'objectif de la mission électorale était d'examiner le processus démocratique en Colombie et d'en faire l'évaluation, l'un des éléments cruciaux étant la manière dont s'exprimerait la volonté du peuple. Je pense que nous avons mentionné dans le rapport certains éléments qui entravent la libre expression de la volonté populaire. Ce que j'ai dit au comité, c'est que le débat relatif à l'accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie, selon ce que j'en ai vu, semble reposer sur l'idée qu'il existe en Colombie une démocratie saine et robuste et que le peuple a donc la possibilité d'exprimer son...
(1610)
    Avez-vous étudié les institutions démocratiques et les élections au Venezuela?
    Veuillez m'excuser, j'aimerais terminer ma réponse. Ce que nous disons dans le rapport, c'est que, si cela n'existe pas, le comité devrait en tenir compte, et l'une des manières de ce faire serait une évaluation de l'incidence sur les droits humains.
    Votre organisation s'est-elle penchée sur les processus électoraux au Venezuela?
    L'organisation pour laquelle je travaille actuellement?
    Oui.
    Non.
    Seulement en Colombie?
    L'organisation pour laquelle je travaille actuellement est différente de la délégation dont j'ai fait partie.
    Bien. C'était juste par curiosité.
    Vous parlez de l'incidence terrible des narcotrafiquants et du commerce de la drogue sur la population colombienne. Pourquoi pensez-vous que des gens agissent de cette manière? Pourquoi pensez-vous que des jeunes mettent les pattes là-dedans?
    Si vous me demandez mon avis personnel... Ce n'est pas quelque chose que nous avons examiné. Nous avons examiné le processus démocratique en Colombie.
    Certes, mais vous avez dit plusieurs fois que les trafiquants de drogue sont un obstacle au progrès démocratique en Colombie.
    Absolument, la violence provoquée par le trafic de drogue...
    Mais pourquoi pensez-vous que des gens font du trafic de drogue?
    Pour diverses raisons, mais je crois qu'il y a d'autres organisations qui seraient mieux à même de vous répondre.
    C'est à vous que je pose la question. Vous êtes une personne intelligente. Pourquoi pensez-vous que des gens font du trafic de drogue?
    Je ne pense pas que...
    Je vous pose simplement la question. Quand j'ai rencontré des Colombiens, des anciens membres des FARC et des paramilitaires démobilisés, ils m'ont dit qu'ils se lancent dans le trafic de drogue parce que c'est la seule manière pour eux de gagner leur vie. C'est leur seule possibilité d'emploi.
    Je crois que c'est effectivement l'une des raisons pour lesquelles les gens se lancent dans le trafic de drogue. C'est généralement admis.
    Quelles pourraient être les autres raisons généralement admises? Est-ce que les gens se réveillent un matin en se disant : « Tiens, je vais me lancer dans trafic de drogue, c'est vraiment cool »?
    Je m'interroge. Si vous convenez qu'une des raisons largement admises est qu'il n'y a pas d'autres possibilités d'emploi, et si vous n'avez pas d'autre raison largement admise, convenez au moins que cette raison-là largement admise...
    J'ai dit que c'est l'une des raisons admises, absolument, mais ce n'est pas la seule.
    Dans ce cas, quelles sont les autres?
    Je répète que ce n'est pas une question que j'ai étudiée. Je pense que c'est très compliqué, comme vous dites. Je ne pense pas qu'on se réveille un matin en se disant : « Tiens, aujourd'hui je vais me lancer dans le trafic de drogue ». Je pense que les gens sont dans des situations très compliquées avec une multitude de problèmes.
    Oui, comme savoir s'ils auront quelque chose à manger ou non.
    Supposons que vous avez raison. Vous venez de dire qu'il est largement admis que les gens se lancent dans le trafic de drogue parce qu'ils n'ont pas d'autres possibilités économiques, et que le trafic de drogue a un effet pernicieux sur la démocratie en Colombie. Ne croyez-vous pas qu'offrir des possibilités de commerce international fondé sur des règles, dans l'économie mondiale légitime, serait important pour favoriser la paix et la démocratie en Colombie? Est-ce que ça ne vous semble pas logique?
    Je pense que le commerce international fondé sur des règles ne mettra certainement pas fin au trafic de drogue en Colombie. Nous l'avons constaté avec le Plan Colombie des États-Unis qui n'a eu aucun effet positif sur le trafic de drogue.
    Bien. Dites-moi donc en quoi le fait de ne pas acheter des produits légitimes de la Colombie contribuera à éliminer le trafic de drogue?
    Cela n'a rien à voir avec la discussion, si ce n'est que vous affirmez que l'accord de libre-échange devrait exister parce qu'il mettra fin au trafic de drogue en Colombie.
    Le libre-échange n'a pas mis fin au trafic de drogue au Canada non plus, n'est-ce pas?
    Ni au Mexique, manifestement, après de nombreuses années d'ALENA. On a constaté une hausse spectaculaire de la violence associée au trafic de drogue dans le nord du Mexique.
    Votre organisation, nous le savons, s'opposait à l'ALENA. C'est connu. Vous vous opposez aussi à l'ALE Canada-États-Unis. Il n'y a pas encore d'ALE Canada-UE mais vous vous y opposez déjà.
    Vous parlez du Conseil des Canadiens, précisons-le.
    Oui.
    Donnez-moi un seul accord de libre-échange que votre organisation ait approuvé.
    Je le répète, l'essentiel de mon témoignage n'émane pas de mon rôle au Conseil des Canadiens. Il émane de ma participation à cette délégation. Donc, je ne suis pas ici pour exprimer la position du Conseil des Canadiens sur le libre-échange.
    Très bien.
    Mon collègue...
    Je vous inscris pour le deuxième tour.

[Français]

    J'ai à faire un rappel au Règlement. Ça fait déjà une dizaine de minutes.
    Va-t-on avoir la même durée de temps?

[Traduction]

    J'allais juste vous donner la parole mais vous utilisez votre temps en ce moment.
    Monsieur Laforest.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Bienvenue, madame Wood, madame Pickard.
    Les questions que M. Brison vous a posées me semblent tendancieuses, dans la mesure où il s'agit d'établir ce qui vient en premier: l'oeuf ou la poule. Il est clair que si le gouvernement colombien mettait en oeuvre un système judiciaire suffisamment bien organisé pour mettre fin au trafic de drogue, les gens ne participeraient pas à ce trafic. Selon moi, c'est ce qui devrait être fait en premier lieu. Avant de penser qu'un accord de libre-échange fera en sorte que les gens voudront cultiver autre chose que les composantes de la cocaïne, il faudrait penser à la protection de ces gens. Dans un premier temps, la culture en vue de produire de la cocaïne devrait être interdite. Il faudrait que des mesures soient appliquées en ce sens. À la suite de cela, un accord de libre-échange serait peut-être possible.
    L'an passé, le Comité permanent du commerce international a unanimement accepté qu'une étude indépendante soit menée avant la conclusion de cet accord. Malheureusement, M. Brison a proposé un amendement voulant que l'évaluation soit faite par le Canada et la Colombie un an après l'entrée en vigueur de l'accord. Ça nous semble, au bas mot, entièrement inacceptable. En effet, aucune pression ne serait exercée sur le gouvernement colombien pour qu'il fasse en sorte d'améliorer la situation des droits de la personne. Par ailleurs, je ne suis pas d'accord avec M. Brison quand il dit à Mme Wood qu'elle a des préjugés. Je pense qu'avant de décider s'ils sont pour ou contre un accord de ce genre, les parlementaires doivent s'assurer d'avoir à leur disposition la plus grande quantité possible d'information.
    Contrairement à vous, je ne suis jamais allé en Colombie. Vous pouvez donc nous faire part de vos commentaires, que ce soit sur la situation pré-électorale ou sur celle des droits de la personne. Madame Wood, madame Pickard, vous n'avez pas de préjugés, à mon avis. Vous nous faites part de vos observations, ce qui va nous permettre de prendre une décision éclairée. J'aimerais savoir si, d'après vous, l'amendement proposé va vraiment forcer le gouvernement de la Colombie à imposer des mesures pour diminuer les violations des droits de la personne dans ce pays.
(1615)

[Traduction]

    J'ai été surprise.
    Je vous dirai d'emblée que je n'ai jamais été traitée avec un tel manque de respect. Je suis abasourdie de voir que ma crédibilité a été remise en question de cette manière par M. Brison.
    Ma position repose sur ma croyance passionnée que les droits humains doivent être respectés et défendus, et sur près de 30 années d'expérience dans ce domaine. J'ai préparé mon témoignage à partir de diverses sources crédibles et des nombreux voyages que j'ai effectués dans le pays, comme vous venez de l'indiquer.
    L'amendement qui est proposé... Comme M. Brison l'a si bien dit, je n'étais pas totalement informée au sujet de tous les indicateurs sur lesquels reposerait le rapport. Toutefois, je ne crois pas qu'évaluer l'incidence de l'accord de libre-échange sur les droits humains un an après son entrée en vigueur fera une différence notable ou positive sur cette situation puisque nous savons que nous allons entrer dans une situation où la situation des droits humains est déjà absolument alarmante et systémique.
    Je persiste à croire que si nous pouvions effectuer une étude avant... Cela nous donnerait plus d'informations pour prendre une décision crédible et plus éclairée et, peut-être, fixer certains points de référence et indicateurs qui pourraient tomber dans le même amendement qui est proposé. Mais nous serions mieux informés au départ.
(1620)
    Merci beaucoup.
    En ce qui concerne la question de savoir si l'amendement donnera au gouvernement colombien la possibilité d'avoir une incidence sur la situation des droits humains, l'une des choses que je mentionnerai, et que nous mentionnons également dans une certaine mesure dans le rapport — mais il y a divers autres rapports que j'invite les gens à consulter —, est le processus que le gouvernement colombien a employé pour « démobiliser » les groupes paramilitaires.
    Depuis l'entrée en vigueur de la loi sur la paix et la justice en Colombie, nous avons vu des personnes révéler qu'elles faisaient partie de groupes paramilitaires et disant qu'elles allaient déposer les armes et devenir officiellement démobilisées. Ensuite, soit elles purgent une certaine peine, soit elles témoignent au sujet des groupes paramilitaires dont elles faisaient partie, et elles sont ensuite renvoyées dans la société. Il existe des informations, des rapports, sur l'échec de cette procédure. Le président Uribe déclare maintenant qu'il n'y a plus de groupes paramilitaires en Colombie, parce qu'il a essentiellement aboli la définition des groupes paramilitaires en Colombie, mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a plus de groupes paramilitaires en Colombie.
    Pour revenir sur ce que disait Barbara, que j'approuve et appuie, et qui reposait sur des rapports factuels d'organismes internationaux et d'organisations des droits humains ainsi que d'institutions mondiales que nous acceptons tous, la démobilisation des groupes paramilitaires en Colombie n'a pas fonctionné. On voit toujours les mêmes opérations sur le terrain dans les petites et moyennes collectivités que nous avons visitées dans le cadre de cette délégation préélectorale.
    Comme le gouvernement a déjà essayé de lui-même d'instaurer un certain nombre de règles et de règlements pour démanteler les organisations incroyablement corrompues et incroyablement violentes en Colombie, il me semble que lui demander simplement de produire dans un an un rapport sur la situation ne permettra pas d'avoir une incidence quelconque sur la situation simplement en vertu de cet amendement.
    Pour conclure à ce sujet, la dernière chose que je dirais est que c'est semblable à tout processus qui est signé et ratifié avec consultation après coup. Un collègue qui examinait récemment cela me demandait si ce n'est pas un exemple classique des vieux adages que nous connaissons tous, un cas de loup gardant la bergerie. On ne peut absolument pas s'attendre à obtenir un rapport valable d'une institution qui souhaitera protéger l'accord qu'elle a négocié, comme nous l'avons vu avec le gouvernement Uribe. Quel que soit le résultat de l'élection à venir, il sera probablement favorable au libre-échange. Comme l'a dit M. Brison, il y a un appui écrasant.

[Français]

    La Colombie et les États-Unis ont conclu un accord de libre-échange en 2006, soit deux ans avant que le Canada en conclue un lui aussi. Or cet accord n'est pas encore entériné par le Parlement canadien. C'est le cas aux États-Unis également, bien que cet accord ait été conclu il y a quatre ans. On entend, on voit et on lit que la question des droits de la personne remet en cause la conclusion finale de cet accord, ce qui a pour effet de retarder sa mise en vigueur.
     Peut-on supposer que les États-Unis, compte tenu de leur taille et de l'envergure des échanges commerciaux qu'ils peuvent réaliser avec la Colombie, seraient davantage en mesure que le Canada de favoriser une diminution des violations des droits de la personne en Colombie? S'ils ne le font pas, comment peut-on penser que le Canada pourrait arriver à de meilleurs résultats?

[Traduction]

    Si vous me permettez d'apporter brièvement une précision...
    Je suis désolé. Vous êtes déjà à neuf minute et demie.
    Mme Carleen Pickard: Je serais très brève...
    M. Julian.
    Vous pourrez répondre à M. Julian, si vous voulez.
    Merci, madame Pickard et madame Wood. J'apprécie votre présence aujourd'hui. Nous commençons seulement à entendre les témoins que nous voulons inviter et votre présence est très importante.
    Madame Wood, je m'excuse de la conduite de mon collègue. CoDevelopment Canada a une très solide réputation auprès des députés de tous les partis en Colombie-Britannique et je sais que les députés libéraux de la province ne seront pas ravis de la manière dont vous avez été traitée aujourd'hui. Je vous remercie d'être venue témoigner.
    J'aimerais aborder la question des élections dont vous avez parlé...
    Un rappel au règlement, monsieur le président. Je l'informais simplement qu'elle avait dit une chose erronée devant le comité et je la corrigeais...
(1625)
    Veuillez m'excuser, monsieur Brison, j'aimerais interroger le témoin.
    ... et elle a ensuite accepté mon correctif, ce qui est quelque chose que j'aimerais que l'honorable député M. Julian commence aussi à comprendre.
    J'aimerais continuer mes questions. Merci beaucoup.
    Je suis désolé, monsieur Julien, mais vous avez interrompu M. Brison au milieu de son intervention. Cela dit, poursuivez.
    Comme vous le savez fort bien, monsieur le président, ce n'était pas un rappel au règlement.
    Permettez-moi d'en être le juge.
    D'accord. Vous êtes un bon juge, monsieur le président, j'en conviens.
    Les questions électorales que vous avez soulevées — peur et coercition, achat et vente de voix, utilisation trompeuse de documents d'identité, possession illégale de documents d'identité, coercition et intimidation des électeurs, fraude — donnent une image assez sombre de la situation. Je me demande s'il y a des précédents de gouvernements essayant de forcer l'adoption — comme le gouvernement conservateur le fait — d'un accord en plein milieu d'une campagne électorale, notamment avec toutes ces entraves à des élections libres et justes.
    Le Canada a joué dans le passé un rôle dans l'observation et la condamnation de gouvernements ne permettant pas d'élections libres et justes. Aucun précédent ne me vient à l'esprit d'un gouvernement s'étant ingéré activement, comme on le fait actuellement avec cet accord.
    Je vous demande à toutes les deux si vous pensez que cela risque de légitimer d'une certaine manière la brutalité de la police secrète colombienne, de l'armée colombienne, des paramilitaires colombiens, en essayant de faire adopter cet accord à un moment où le gouvernement bloque activement des élections libres et justes dans toutes les régions de la Colombie, considérant tous les facteurs qui contribueraient à des élections libres et justes là-bas.
    Mon sentiment est que, s'ils étaient vraiment préoccupés par notre accord de libre-échange et par l'opinion des Canadiens et du gouvernement canadien, nous aurions peut-être vu moins de ces activités illégales et violentes pendant la campagne électorale. Or, si j'en crois ce que nous ont dit des centaines, et même des milliers, de personnes sur le terrain, ces activités illégales n'ont pas diminué.
    Je ne pense pas que le fait que nous fassions la promotion d'un accord de libre-échange pendant une campagne électorale ait eu un effet concret, facteur que nous pouvons extrapoler pour nous interroger sur notre influence et notre aptitude à influencer positivement la situation de violence en Colombie par le truchement d'un accord de libre-échange.
    J'ajoute à cela, en accord avec Barbara, que le gouvernement colombien n'a manifestement pas fait beaucoup d'efforts pour tenir compte... pas seulement de nos recommandations mais aussi des recommandations d'organisations internationales qui ont été sur le terrain en Colombie, pour apporter des changements concrets à l'égard des préoccupations qui ont été soulevées.
    À part cela, il me semble que la question de savoir si le gouvernement canadien devrait ou non aller de l'avant durant un processus électoral est une question importante à envisager. Je reviens dans ce contexte à la question de l'évaluation indépendante de l'incidence sur les droits humains.
    J'ai lu la plupart des témoignages présentés au comité sur l'évaluation et je n'ai encore vu personne dire que c'est un amendement vraiment fantastique et qu'il n'est donc pas nécessaire de produire un rapport d'évaluation de l'incidence sur les droits humains. Je me demande pourquoi le comité considère que cela pourrait remplacer le rapport d'évaluation de l'incidence sur les droits humains alors que c'est un élément exceptionnel de l'investigation importante que le comité devrait présenter au gouvernement pour que les gens comprennent pleinement ce qui se passe sur le terrain.
    En conclusion, j'aimerais dire un mot de l'influence potentielle des États-Unis sur la situation des droits humains. Je pense que nous avons vu le Plan Colombie... Je ne sais pas si tout le monde sait de quoi il s'agit mais nous n'avons certainement pas constaté de diminution du trafic de drogue. Nous n'avons pas constaté de diminution de la violence.
    Les chiffres mentionnés par Barbara aujourd'hui révèlent clairement une hausse spectaculaire, dans beaucoup de cas, des assassinats et de la violence dans les communautés. Donc, quelles que soient les sommes que les États-Unis ont pu consacrer au Plan Colombie, elles n'ont à l'évidence eue aucune incidence pour améliorer la vie quotidienne des gens là-bas.
    Merci de cette réponse.
    Évidemment, quand on examine la situation au Mexique, où un système de commerce fondé sur des règles a débouché sur l'effondrement rural et sur la hausse substantielle des assassinats reliés à la drogue et du trafic de drogue, il serait ridicule de prétendre ici que les systèmes fondés sur des règles permettent vraiment de mettre fin au trafic de drogue et à la criminalité. En fait, c'est exactement le contraire qui s'est passé, mais c'est une question dont nous pourrons discuter une autre fois, monsieur le président.
    J'aimerais revenir sur la question des amendements. Nous avons recueilli des opinions sur l'amendement proposé par M. Brison, même si nous venons tout juste de commencer à entendre des représentants de groupes des droits humains et d'organisations syndicales. Le CCCI affirme qu'il manque de crédibilité et que les dégâts causés par un processus non crédible sont élevés. La CSI — M. Benedict — a dit mardi que ce n'est pas un amendement crédible.
    Pouvez-vous donc nous dire en un mot ce que vous pensez de l'amendement, comment vous le décririez et si vous croyez qu'il manque de crédibilité?
    Deuxièmement, il y a toute la question de savoir si le gouvernement canadien examine réellement le rapport que produit le gouvernement colombien. Nous avons malheureusement des preuves flagrantes quand nous voyons que le témoignage du MAECI sur la situation des droits humains en Colombie était exactement le même que celui du gouvernement colombien à ce sujet, faisant l'impasse sur toutes les infractions effrayantes les droits humains qui sont commises là-bas. Ce que nous avons, c'est une copie carbone des deux gouvernements, ce qui prouve à mon avis la théorie que c'est simplement le gouvernement colombien qui a produit un rapport auquel le gouvernement canadien s'est contenté d'apposer son imprimatur.
    L'hon. Scott Brison: Monsieur le président, le député salit la réputation des fonctionnaires du Canada.
    Le président: Non.
    Veuillez continuer, monsieur Julian.
    M. Peter Julian: Finalement, il y a la différence entre ce qu'ont dit M. Uribe et M. Santos sur les droits humains et ce qu'ils disent en coulisses. Selon la BBC, M. Uribe affirme que les défenseurs des droits humains ne font en réalité que promouvoir les politiques souhaitées par ceux qui sont en collusion avec le terrorisme, c'est-à-dire qu'il associe les militants des droits humains aux terroristes. Qu'en pensez-vous?
(1630)
    Durant ses deux mandats de président de la Colombie, M. Uribe a maintes fois accusé publiquement des militants des droits humains, en particulier, mais aussi des journalistes et des syndicalistes, d'être des terroristes, ou des militants d'organisations terroristes ou des gens qui couvrent les terroristes.
    C'est extrêmement regrettable et aussi extrêmement dangereux dans une situation comme celle de la Colombie ou être associé à la guérilla ou à une organisation terroriste revient à se faire coller une cible sur le front. Les organisations internationales de droits humains n'ont cessé de l'inviter à ne pas faire de telles déclarations publiques et officielles car c'est tellement dangereux, sans compter que c'est absolument inapproprié. Il est regrettable que ces déclarations aient été faites et continuent d'être faites, si ce n'est par le président, au moins par certains de ses alliés les plus proches.
    Pour revenir à la question de savoir si l'amendement relatif aux droits humains est crédible, je dirais que non. Quelle que soit l'entité recueillant l'information, le gouvernement colombien détiendra toujours, si je comprends bien, un degré élevé de contrôle sur le contenu du rapport puisque ce sera un rapport à son sujet. De fait, je crois qu'il sera difficile de prononcer un jugement équitable et impartial sur la situation des droits humains à ce moment-là.
    J'ajoute brièvement que j'ai fait un rapide passage à Bogotá en juillet, pendant six jours. Nous y étions pour examiner la faisabilité d'entreprendre cette mission en février. À cette occasion, nous avons rencontré le gouvernement colombien. Nous avons rencontré le bureau des droits humains — financé, parrainé et promu par le gouvernement —, la commission des droits de l'homme. Nous avons rencontré une femme qui était la porte-parole du gouvernement colombien sur les droits humains. Elle n'a cessé de répéter avec insistance que sa commission n'avait pas suffisamment de fonds pour évaluer la situation des droits humains.
    Merci.
    Merci, M. Julian.
    M. Trost.
    Merci, monsieur le président. Si je n'utilise pas tout mon temps de parole, je le partagerai avec mon collègue, le secrétaire parlementaire.
    Je dois dire que ce projet de loi ou ce traité est l'un des textes les plus bizarres sur lesquels j'ai eu à travailler et que, dans l'ensemble, le débat n'est pas ce qui se fait de mieux au Canada, ce vers quoi nous tendons normalement. Nous avons accueilli certains témoins de l'agriculture qui semblent généralement penser que cet accord commercial sera bon pour l'économie canadienne. Nous avons cependant aussi un débat entre des témoins, pour et contre, sur la question de savoir si c'est un bon accord commercial pour les Colombiens
    Si je peux résumer — vous me corrigerez si je me trompe  —, le coeur de l'argumentation des deux témoins d'aujourd'hui et d'autres est que c'est un mauvais accord pour les Colombiens parce qu'il aura pour conséquence ultime de légitimer le régime actuel, ses alliés — réels ou apparents — et leur comportement abusif au sujet des élections, des droits humains, etc. Cela résume-t-il bien l'essence de votre argumentation? Il peut y avoir des détails différents sur ce qui a été fait ou n'a pas été fait mais, essentiellement, vous dites que c'est mauvais pour les Colombiens. C'est mauvais d'avoir cet accord de libre-échange parce qu'il légitimera un régime illégitime. C'est bien ça?
    Essayez de me répondre brièvement, s'il vous plaît. C'est ça votre thèse?
(1635)
    Je crois que le Canada a un rôle important à jouer dans le monde du point de vue de l'incidence sur le commerce, les droits humains et le développement des pays.
    Pourriez-vous me donner une réponse directe?
    Je sais que mon argument n'est pas qu'il s'agit d'un mauvais accord pour la Colombie. C'est un très mauvais signal que le Canada envoie au reste du monde.
    Je n'étais pas loin mais j'admets que j'étais un peu à côté. Cela pourrait être un bon accord pour les Colombiens mais le Canada envoie un mauvais signal en le ratifiant. Est-ce que c'est plus exact, comme interprétation?
    Non.
    Vous voyez, j'ai un peu de mal à vous comprendre car votre argument ne porte pas sur la question de savoir si c'est bon pour le Canada. Cela semble acquis.
    À mon avis, si c'est bon pour le Canada et bon pour la Colombie, pourquoi ne pas l'adopter? Donc, pour qui cet accord est-il mauvais?
    Je m'adresse à notre amie de Vancouver.
    Merci.
    Outre ce que Carleen vient de dire, qui représente à mon sens une question très importante et significative que nous devons envisager comme Canadiens, je crois aussi que, même si une évaluation de l'incidence sur les droits humains — croyez-moi, j'ai l'impression d'être un disque rayé en continuant de le répéter — nous aiderait à mieux comprendre la situation, l'accord commercial avec la Colombie pourrait exacerber une situation des droits humains déjà effroyablement difficile.
    Il faut qu'il y ait plus...
    Donc, vous dites que ce serait mauvais pour la Colombie parce qu'il exacerberait la situation des droits humains.
    Il y a un très grand potentiel que ce soit le cas, et c'est ce que je pense qu'une étude d'incidence nous aiderait à voir.
    Voici le problème que me pose votre argument. Vous avez peut-être parfaitement raison mais vous demandez à un groupe de Canadiens de porter ce jugement pour les Colombiens.
    J'ai une belle-soeur de Cali, en Colombie. J'accueille ce soir quelques amis de Colombie, au restaurant parlementaire. L'une d'entre elles était là-bas une avocate des droits humains et, pour diverses raisons, elle a été chassée de son poste. Quand je vais là-bas, je parle à des amis et je ne perçois pas l'opposition que je perçois ici de Canadiens. Certaines personnes s'opposent à l'accord, d'autres y sont favorables, mais nous avons toujours le même problème, qui est que les partis politiques qui n'appuient pas l'accord ont tendance à avoir très peu de soutien populaire.
    Je sais que vous avez dit qu'il y a eu des malversations et de la corruption lors des élections, et je n'en doute pas. Il en a eu aussi beaucoup aux États-Unis, avec Chicago et Tammany Hall. Je pourrais aussi mentionner des incidents au Canada même mais, en dernière analyse, n'est-ce pas aux Colombiens eux-mêmes qu'il appartient de décider? Ne pensez-vous pas que ce sont les Colombiens qui doivent décider si c'est un bon accord pour la Colombie, et que le rôle des Canadiens est de décider si c'est un bon accord pour le Canada?
    Je suis d'accord avec vous.
    Allez-y, Carleen.
    Merci, Barbara. Je serai brève.
    Je pense que le rôle de ce comité est de déterminer si cet accord est bon ou non pour le Canada, et si c'est globalement un bon accord. Je profite de cette occasion pour dire que je ne comprends pas l'opposition à un rapport d'évaluation de l'incidence des droits humains. Si l'on devait constater que l'incidence sera positive pour la Colombie et positive pour le Canada, Il n'y aurait pas de problème.
    Vous avez entendu Yessika Hoyos Morales, un avocat de la Colombie, et vous avez entendu des Colombiens qui se sont exprimés au nom de la population colombienne.
(1640)
    Je pense qu'il y a aussi beaucoup de gens — des noms ont été avancés — de Colombie qui pourraient s'adresser directement au comité en tant que Colombiens. Je sais que certains ont déjà été entendus et j'espère que vous en entendrez d'autres. Je pense que votre remarque est pertinente et qu'il importe de recueillir l'avis de Colombiens représentant de multiples secteurs de la société civile.
    Puis-je aussi vous donner un rapide condensé de la politique colombienne? Pour ceux d'entre vous qui le savez, dans les années 90, les guérilleros démobilisés de M-19 ont formé un parti politique appelé Unión Patriótica dans lequel ils ont décidé de poser les armes et de participer au processus politique dans le cadre d'une entente avec tous les partis. Au cours de la décennie suivante, moins d'une décennie en fait, plus de 3 000 candidats...
    Merci.
    ... dont des candidats à la présidence... Je veux seulement dire que...
    Oui, je comprends tout ça mais...
    ... la politique en Colombie, ce n'est pas aussi blanc et noir que...
    Quand le candidat du Parti vert...
    C'est difficile d'être dans l'opposition en Colombie.
    ... qui se décrit comme post-Uribe — il est en tête dans les sondages et n'a aucun lien avec les partis de gouvernement — dit que l'accord de libre-échange lui semble bon, et quand mes amis de là-bas, à qui je parle et avec qui je travaille... Quand je leur demande ce que c'est, c'est l'économie. Ils veulent une vie meilleure. Les chefs de ménage, les mères seules bénéficieront de cet accord. Les pauvres qui veulent des aliments moins chers bénéficieront de cet accord. Les boulangers qui veulent de la farine moins chère bénéficieront de cet accord. Quand je vois toutes ces choses tangibles et que je ne vois aucun appui politique, ou un appui politique très minime, pour un parti qui s'y oppose, j'ai peine à croire que, même avec 1 000 témoins ou 100 000 témoins dans un pays de 40 millions d'habitants, il y a là-bas une opposition importante à l'accord.
    J'ai terminé.
    Mon argument, avant votre interruption, était juste que...
    Nous passons à M. Keddy.
    Puis-je terminer ma réponse?
    Ce n'était pas une question.
    Puis-je finir ce que je disais?
    M. Keddy.
    J'ai une question pour vous, madame Wood. Bienvenue à nos deux témoins.
    Je réalise qu'il ne me reste pas beaucoup de temps mais j'ai quelques questions à poser et quelques remarques à formuler.
    Madame Wood, j'apprécie le fait que, malgré votre opposition à l'accord, vous ayez au moins mentionné le fait que des indigènes ont été assassinés. Ce que vous n'avez pas dit, c'est qui était responsable. Nous entendons dire continuellement que la violence en Colombie est très complexe et qu'elle a été institutionnalisée dans la société depuis très longtemps mais, si vous examinez le graphique, le graphique pointe vers le haut comme un bâton de hockey, pas vers le bas.
    Ma question concerne les 114 indigènes assassinés. Combien d'entre eux ont été assassinés par des narcotrafiquants et par les FARC?
    Ou par des paramilitaires. J'ai les chiffres...
    Je suppose que ce n'étaient pas seulement des chiffres. Je suppose que c'étaient de vraies personnes qui sont mortes dans la jungle et que quelqu'un est responsable.
    Absolument. C'est juste.
    Ces chiffres proviennent de l'Organisation nationale indigène de Colombie, l'ONIC, une organisation qui comprend des organisations indigènes de tout le pays. En fait, ils sont peut-être inférieurs à la réalité car 62 autre cas ont été signalés à la fin de l'an dernier et ils faisaient encore enquête à ce sujet lorsque le certificat est sorti.
    Je n'ai pas vu de statistiques sur qui était responsable de tous ces assassinats...
    Ce n'était pas le gouvernement.
    ... mais je sais que les guérilleros des FARC sont responsables de certains, et les forces paramilitaires aussi.
    Merci.
    Nous reviendrons sur les questions de commerce dans une minute.
    M. Cannis.
    Merci, monsieur le président. Toutes mes questions porteront sur le commerce.
    Je reviens sur ce que disait mon bon ami, Brad Trost. J'ai beaucoup apprécié sa remarque liminaire car, très respectueusement, nous n'avons pas beaucoup prêté attention à ce qui est bon pour le Canada.
    Vous vous souviendrez, monsieur le président, que nous avons accueilli hier un membre de l'industrie des produits forestiers et, quelques jours auparavant, un représentant d'une très grande organisation. Je lui avais demandé s'il avait des employés syndiqués et il m'a dit que oui. Je lui ai demandé si l'accord aurait un effet sur les industries en termes de revenus pour le Canada et pour les ménages canadiens, et il m'a dit que oui.
    Je pense que c'est ce que voulait souligner M. Trost. Je ne savais pas qu'il avait des parents de Colombie mais je pense que cela ajoute une autre dimension à ses remarques.
    Sans vouloir aucunement faire fi des droits humains — loin de là, ne vous méprenez pas —, je pense que nous sommes un peu naïfs si nous ne croyons pas qu'il y a des infractions aux droits humains ici même, au Canada, des gens qui ont été incarcérés par erreur, par exemple, et dont nous constatons l'erreur longtemps après.
    Cela étant, j'invite nos deux témoins, à qui je souhaite la bienvenue, à repenser leur position. Quand on parle de fonder notre décision sur le fait qu'il y a eu des infractions durant les élections, monsieur le président, nous avons eu un référendum en 1995 et de quoi parlait-on alors aux nouvelles? D'infractions, d'infractions électorales. Il y en a eu. Je connais une circonscription de la grande ville de Toronto où l'on parle d'avoir fait voter des résidents des cimetières, monsieur le président. Donc, cela existe-t-il dans notre pays?
    Je vois que cela fait rire quelqu'un. Je suppose que nous devrions alors dire au monde de ne pas traiter avec le Canada.
    Je ne vais pas poser la question, monsieur le président, je vais simplement dire que mon avis — et j'invite les deux témoins à me corriger si je me trompe — est qu'il n'existe aucun accord commercial qu'elles aient jamais approuvé ou appuyé. J'apporte cette précision uniquement dans l'intérêt des gens qui nous écoutent, des Canadiens qui paient les factures... Je sais qui paye mon salaire, ce sont les contribuables canadiens. Je ne sais pas qui paye leurs salaires ou qui assume leurs dépenses. C'est leur privilège, mais je tiens à ce que les Canadiens sachent qu'il y a deux côtés dans chaque histoire.
    Par exemple, elles parlent d'enlèvements. C'est très important. Je reviens sur ces chiffres : en 2002, il y a eu près de 3 000 enlèvements; maintenant, on est tombé à 213. Je pense qu'il y a eu du progrès. Peut-on faire mieux? J'en suis sûr.
    Victimes de massacres : en 2002, il y en a eu près de 700. On est maintenant à 147. Certes, c'est toujours trop. Actes terroristes : près de 1 700 et, maintenant, environ 450. Ils ont fait des progrès, je tiens à le dire à nos témoins.
    En fin de compte, nous savons qu'ils travaillent également avec les communautés indigènes. Par exemple, des bourses sont accordées pour aider ces gens à faire des études et à améliorer leur vie. C'est un pas dans la bonne voie, monsieur le président. Les droits des peuples indigènes... Par exemple, dans la conférence de révision de Durban, ils font ces efforts.
    Je vais en rester là et donner le reste de mon temps à mon ami Scott Brison en disant qu'il convient de reprendre ses esprits. Nous savons que vous avez une certaine position — que nous respectons — mais, si vous pouvez m'indiquer les accords que vous avez appuyés dans le passé, je suis tout ouïe.
    Scott, vous avez la parole.
(1645)
    Madame Picard, vous avez dit que le gouvernement a essayé de démobiliser les paramilitaires, et c'est ce que disait également la commissaire des Nations Unies unies aux droits de l'homme. En fait, elle a dit qu'elle a été :
impressionnée par l'accroissement des dépenses consacrées aux programmes gouvernementaux d'appui et de soutien des groupes vulnérables. Ces efforts, dans un pays confronté à un tel conflit armé complexe et diversifié, doivent être reconnus et encouragés.
La Cour suprême et le Bureau du procureur général sont incroyablement braves lorsqu'ils font enquête et inculpent des agents publics associés au [trafic de drogue]...
Nous devons tous appuyer leurs efforts dans des circonstances si difficiles et continuer à défendre l'indépendance de la magistrature, chose dont la Colombie est légitimement fière.
    Croyez-vous que la commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme est une source d'information crédible sur la Colombie?
    Oui.
    Ce que vous dites au sujet de l'investissement qu'a consacré le gouvernement colombien à la démobilisation est une chose, mais l'effet réel ou le résultat de ce programme de « démobilisation » en est une autre.
    Le problème vient en partie du fait que, s'il s'agit de paramilitaires qui sont payés pour être des paramilitaires et qui sont soudainement démobilisés et ne sont plus payés, ils ne savent pas comment gagner leur vie. Que pensez-vous qu'ils vont faire? Vous prenez quelqu'un qui était payé pour être paramilitaire et qui est soudainement démobilisé et n'est plus payé. Il faut qu'il fasse autre chose. Que va-t-il faire?
    Comme nous l'avons constaté dans la région où je suis allée avec la délégation, Bajo Cauca est l'une des principales régions qui avaient été identifiées, non seulement par les organisations de droits humains mais aussi par des représentants de l'État ou des représentants du département, comme l'une de celles où ces paramilitaires « démobilisés » sont revenus et ont repris immédiatement leurs activités criminelles car ils ne savent rien faire d'autre. C'est tout ce qu'ils ont jamais fait dans leur vie.
(1650)
    Vous avez absolument raison. Ils sont financés par le crime. Ils sont financés par des activités illégales et c'est l'une des raisons pour lesquelles certains d'entre nous estimons avoir le devoir moral de les aider au moyen d'activités commerciales légitimes.
    En ce qui concerne l'amendement, madame Wood, pensez-vous que le sous-ministre du MAECI, Peter Harder, ou l'ancien sous-ministre du Canada, Gaëtan Lavertu, sont crédibles?
    Je ne les connais pas personnellement mais, s'ils ont occupé ces postes, je suppose qu'ils sont extrêmement crédibles.
    Je vous invite donc à jeter un coup d'oeil sur le procès-verbal de la comparution de M. Lavertu devant ce comité pour voir ce qu'il a dit au sujet de l'amendement.
    En outre, l'ex-sous-ministre du MAECI, Peter Harder, a déclaré que l'amendement est :
une innovation importante dans le domaine des accords de libre-échange, car il permet aux parlements colombien et canadien d'évaluer annuellement les répercussions de l'accord en matière de droits de la personne. Je m'attends à ce que les parlements s'inspirent dorénavant de ce précédent lorsqu'ils envisageront la conclusion de tels accords.
    Monsieur Brison, je dois vous arrêter là. Je regrette que nous n'ayons pas assez de temps pour obtenir une réponse.
    Je donne la parole à M. Holder puis à M. Keddy pour un dernier tour, j'espère.
    Je remercie les témoins de leur contribution. Ce qu'elles nous ont dit est utile pour nos délibérations car, depuis que nous examinons l'accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie, nous avons accueilli 120 témoins, plus ou moins. Nous avons recueilli des douzaines et des douzaines d'interventions de personnes et organismes qui n'appuient absolument pas cet accord de libre-échange, pour diverses raisons.
    Je pense que les témoignages que nous avons recueillis, des deux côtés, ont été très complets. Je ne sais pas ce que nous pourrions apprendre de plus avec de nouveaux témoins mais je sais que les personnes intéressées ont des opinions très arrêtées, comme vous, et que nous les avons entendues. Cela nous aide à nous former notre propre opinion et je vous remercie donc de votre contribution.
    Ce que je retiens surtout des témoignages que nous avons recueillis, notamment des officiels de la Colombie qui sont venus ici, c'est qu'ils conviennent que le pays n'est pas parfait. Je pense que la franchise avec laquelle ils l'ont dit vaut d'être soulignée et j'ai constaté que tous ces témoins ont été sincère et utiles.
    J'ai entendu l'un de mes collègues de l'opposition parler de l'un des pays avec lesquels nous traitons dans le cadre de l'ALENA en disant qu'il s'agit d'un système fondé sur des règles — peut-être pas vraiment des règles mais... Très franchement, je préfère quelque chose qui est fondé sur des règles car, quand il y a des litiges, des contestations ou des préoccupations, on a un mécanisme pour les résoudre.
    Monsieur Laforest, vous parliez tout à l'heure du témoignage de M. Brison en demandant qu'est-ce qui est arrivé en premier, l'oeuf ou la poule. Mon problème est que, si nous n'adoptons pas cet accord, il n'y aura ni oeuf ni poule. Et il n'y aura ni boeuf, ni blé, ni grains. Cela me trouble profondément.
    Considérant les témoignages que nous avons recueillis, auprès de quelque 120 témoins, je voudrais mentionner certains des organismes qui ont pris position en faveur de l'accord de libre-échange car cela me semble révélateur.
    Dites-moi quel est le point commun ici : Canadian Cattlemen's Association, Grain Growers of Canada, Canada Porc International, Canadian Swine Health Board, Commission canadienne du blé, Pulse Canada, Canadian Canola Growers, et Alliance Grain Traders. Le point commun, c'est l'alimentation.
    L'un des témoignages les plus convaincants que j'ai entendus ces dernières semaines a été celui d'un monsieur de Regina, M. Al-Katib, qui est venu nous parler de pois zombis. Il nous a dit qu'on ne peut pas vendre de pois zombis au Brésil parce qu'il y a un droit de douane de 60 p. 100
    J'ai voulu comprendre en quoi c'est une question importante et j'ai donc mené ma propre étude du pois zombi. C'est un aliment à haute teneur en protéines, une fibre alimentaire contenant de la thiamine, de la riboflavine, de la niacine, de la vitamine B6, de la vitamine C, de la vitamine E, de la vitamine K, du calcium, du fer, du magnésium, du potassium et du zinc. Il est vraiment dommage que nous ne puissions pas exporter ce produit, extrêmement nutritif pour les plus pauvres des pauvres, en Colombie à cause de droits de douane élevés.
    Toutes les organisations dont je viens de parler, toutes ces organisations canadiennes du secteur alimentaire... Vous ne pourrez pas me convaincre — je ne dis pas cela à l'intention de nos invitées — que ces gens-là n'ont pas le souci de leur industrie, n'ont pas le souci du Canada et n'ont pas le souci de leurs obligations internationales. Je pense qu'il n'y a rien de plus important, si vous prenez jamais la peine de revoir la hiérarchie des besoins de Maslow, que nourrir la population. C'est notre obligation dans le monde entier.
    S'il me reste du temps, je cède la parole à M. Keddy.
(1655)
    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?
    Oui, allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Le débat d'aujourd'hui est complexe, je pense que nous en convenons tous. Chacun admettra qu'il n'y a pas de solution facile mais je dois vous dire que ce que je n'accepte pas, dans votre opposition à cet accord commercial, c'est la manière dont vous qualifiez le gouvernement Uribe...
    Quelqu'un invoque le règlement.
    Ce n'est pas un rappel au règlement. J'essaye de présenter un argument...
    Merci, monsieur le président.
    Les témoins sont ici pour répondre aux questions et je n'accepte pas l'obstructionnisme des conservateurs.
    Il n'y a pas d'obstructionnisme. J'exposais certains faits et j'allais ensuite poser une question.
    Nous déduirons cela de votre temps.
    Poursuivez, monsieur Keddy.
    La chose qui m'interpelle dans cette affaire, et je vous demande d'être patients, c'est que, quand nous parlons des Colombiens qui appuient l'accord, quand nous parlons de membres mêmes du gouvernement, dont le président Uribe et son Cabinet, j'ai le sentiment que vous les mettez tous dans le même sac en soutenant qu'ils font tous partie d'une sorte de gouvernement de droite extrémiste qui opprime incroyablement les pauvres de la Colombie. Or, quand vous voyez qui fait partie de ce Cabinet — et je les ai rencontrés —, ce sont des gens qui représentent tout l'éventail politique. Il y a des anciens socialistes, il y a un ancien rédacteur en chef d'un journal socialiste qui a été kidnappé par les FARC ou les paramilitaires — je sais plus lesquels des deux —, il y a des groupes qui ont été kidnappés par les FARC, kidnappés par les paramilitaires, et des gens qui ont été incarcérés pendant un an et demi, deux ans ou trois ans. Le père du président a été assassiné sous ses yeux.
    Ces gens ont incroyablement souffert durant cette période de violence en Colombie. Ils représentent toutes les tendances politiques et ont tous un désir commun : que la situation s'améliore en Colombie. Ils veulent une Colombie qui mérite de prendre sa place dans le monde et qui est prête à le faire.
    La seule manière que nous ayons de les aider est de mettre en place des règles pour les aider à fournir des emplois à leurs concitoyens, à améliorer leur vie, et je le crois franchement et sincèrement. Si nous ne faisons pas cela, j'estime que nous n'aurons pas fait notre travail de députés canadiens et n'aurons pas fait notre travail pour nos propres concitoyens.
    Merci, M. Keddy.
    Je regrette, il ne reste pas assez de temps pour une réponse.
    Nous passons maintenant au Bloc.
    M. Laforest.

[Français]

    J'aurais le goût de répondre à M. Keddy: si les membres de ce gouvernement en Colombie sont aussi purs et aussi bons qu'il le dit, comment se fait-il qu'ils ne puissent pas empêcher les meurtres des syndicalistes, ou qu'ils ne soient pas en mesure d'empêcher des déplacements et toute la violation des droits humains en Colombie? Je trouve assez particulier qu'on tente de décrire ce gouvernement comme étant plein de bonne volonté alors qu'on constate, dans les faits, des situations absolument inacceptables pour le peuple colombien.
    Je ferais une autre affirmation relativement à la question qui a été posée à Mme Pickard par M. Cannis qui demandait si vous aviez déjà appuyé un accord de libre-échange. J'aimerais juste vous dire que, pour moi, cette question n'est pas importante. Je pense que vos appuis ou non à d'autres accords de libre-échange ne comptent pas parce que je n'y étais pas. Par contre, j'ai besoin d'entendre des témoignages de gens qui sont allés sur le terrain, des gens qui observent les conséquences d'un accord de libre-échange.
    En terminant, j'ai à faire une petite remarque à l'intention de M. Holder. Vous avez mentionné quelques groupes qui appuient l'accord de libre-échange Canada-Colombie, mais peut-être que vous auriez plus d'appuis — peut-être même l'appui des autres partis de l'opposition —, si vous acceptiez, comme c'était prévu à l'origine, qu'il y ait une évaluation préalable indépendante qui donnerait un portrait très juste de la situation des droits de l'homme en Colombie. L'opposition que nous avons sur cette question est due au fait qu'on est en train de transgresser une entente qui a été conclue par l'ensemble des partis.
(1700)
    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame Pickard et madame Wood, de votre présence.
    Habituellement, je ne siège pas à ce comité. On m'a donc donné des informations. On m'a dit que 2 690 syndicalistes ont été assassinés dans ce pays depuis 1986. On me dit que le département d'État américain et Amnistie Internationale affirment que 305 000 personnes ont été déplacées en 2007. Autrement dit, elles ont été envoyées de chez elles, de leur travail, de leur maison. En 2008, ce chiffre s'élevait à 380 000 personnes.
     Vous êtes sur le terrain, vous nous parlez du système des élections dans ce pays. J'entends des gens, ici, nous dire qu'il se vole aussi deux ou trois votes au Canada dans des comtés. Je crois qu'on compare des pétards avec la bombe atomique. Il n'y a aucune comparaison possible. Le Canada est un pays où il y a des règles démocratiques qui sont respectées et, là-bas, ça ne semble pas être le cas. Vous avez visité ce pays, vous nous avez parlé du résultat de votre étude des élections, et on nous demande de laisser choisir les Colombiens. Je suis d'accord sur cela, laissons choisir les Colombiens, mais s'il n'y a pas de système démocratique crédible, comment pouvons-nous savoir ce que les Colombiens choisissent vraiment? C'est ma question.

[Traduction]

    Merci.
    J'ai aussi été troublée par la comparaison entre le Canada et la Colombie en termes de crimes électoraux, ou du point de vue de l'état de la démocratie entre le Canada et la Colombie, car je pense que ce sont deux choses foncièrement différentes. Je vous encourage à relire le rapport que nous avons publié. Il y en a aussi d'autres et je vous encourage à examiner les questions soulevées par l'OEA dans son rapport sur les élections au Congrès. Si quelqu'un prétend que les élections au Canada sont le moindrement comparables à celles de la Colombie, je le mets au défi de trouver au Canada des collectivités dont tous les hommes ont été rassemblés, poussés dans des camions et emmenés dans un champ en plein milieu de la nuit où on leur a dit : « Si vous ne votez par pour le parti au pouvoir, nous tuerons votre famille après l'élection ».
    Merci.
    Il est 17 heures. Nous pourrions passer à autre chose mais j'ai l'impression que les membres du comité souhaitent en rester là.
    Nous allons donc conclure cette séance en remerciant nos témoins, Carleen Pickard, du Conseil des Canadiens, et Barbara Wood, de CoDevelopment Canada. Je vous remercie de votre comparution aujourd'hui.
    Merci.
    Il nous reste quelque minutes pour aborder l'autre point à l'ordre du jour, les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis, dont nous devions parler plus tôt.
    Vous semblez troublé, monsieur Julian.
    Non, je suis prêt à travailler, monsieur le président.
    Normalement, nous devrions siéger à huis clos pour cela. Je n'ai pas beaucoup de temps mais nous allons siéger à huis clos pendant deux minutes.
    Dans deux minutes, nous discuterons à huis clos de l'accord sur les marchés publics gouvernementaux.
    Nous faisons une pause de deux minutes.
    [La séance continue à huis clos.]
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