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Oui, je vais prendre une minute, monsieur le président, et M. Langrish, qui est beaucoup plus compétent que moi, prendra les neuf autres minutes, pour un total de dix minutes.
Tout d'abord, j'aimerais vous remercier de votre accueil et de la tenue de cette audience aujourd'hui. Nous sommes à la veille de la quatrième série de négociations en vue d'un accord économique et commercial global avec l'Union européenne. En fait, nous sommes à mi-chemin, environ. Mais mon association avec l'idée remonte à loin, pas aussi loin que Lester Pearson, qui, en 1949, a proposé que l'OTAN soit plus qu'une alliance militaire, qu'elle repose sur une alliance économique.
Cette idée ne s'est pas concrétisée à l'époque et j'ai essayé plus tard, pendant mes dernières années en tant que ministre du Commerce, de poursuivre la démarche à Bruxelles. Toutefois, nous n'avons pas connu beaucoup de succès, surtout parce que l'Union européenne croyait, tout comme nous jusqu'à un certain point, que l'amélioration du commerce et la libéralisation pourraient peut-être mieux se réaliser au sein de la nouvelle Organisation mondiale du commerce, ou du GATT qui la précédait, plutôt que dans le cadre d'accords régionaux ou bilatéraux.
Je me souviens très bien avoir discuté de l'idée avec Leon Brittan, puis avec Pascal Lamy et finalement avec Mandelson, afin de pousser l'idée d'un accord Canada-Europe.
Pourquoi est-ce que je voulais la pousser? Eh bien, je crois que poser la question c'est presque y répondre, en ce sens que tout commerce est bon pour le Canada et que le libre-échange est encore mieux pour le Canada. C'était une occasion pour l'Union européenne de négocier pour la première fois avec un pays développé. L'Europe avait déjà conclu plusieurs accords avec des pays en développement, mais comme je l'ai dit, elle réservait ses relations commerciales avec les pays développés pour l'Organisation mondiale du commerce.
Cependant, compte tenu du faiblissement, et maintenant je dirais de la fin du cycle de Doha de l'OMC — c'est très malheureux, mais je crois que nous devons au moins reconnaître les faits —, l'Union européenne a décidé qu'il était temps de négocier avec un pays développé pour voir s'il était possible de conclure un accord complexe et global. Elle a aussi voulu négocier avec une fédération, parce que l'Union européenne considère que la négociation avec le Canada est un modèle non seulement pour les relations avec d'autres pays développés ou régions développées, mais également une occasion de mettre à l'essai un accord conclu aux termes de négociations avec une fédération, une situation devant laquelle elle se trouvera lorsqu'elle se tournera vers l'Australie et plus tard les États-Unis.
Les gens d'affaires au Canada soutiennent totalement cet accord et manifestent beaucoup d'enthousiasme à l'égard des possibilités qui se présenteront. Les entreprises canadiennes ont déjà investi considérablement dans l'Union européenne et voient clairement les occasions à venir sur le plan du commerce ainsi que des investissements.
À ce moment-ci, monsieur le président, je vais céder la parole à Jason Langrish et lui demander de vous donner un peu plus de détails.
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Merci, monsieur le président. Merci de me donner l'occasion de témoigner devant le Comité du commerce international.
Brièvement, le Forum sur le commerce Canada-Europe a été créé en 1999. Il recevait beaucoup d'appui du gouvernement à l'époque. Il existe parce que le TransAtlantic Business Dialogue entre les États-Unis et l'Europe n'acceptait pas la participation d'entreprises canadiennes. Nous avons donc créé notre propre organisation et je crois que nous connaissons beaucoup plus de succès que la version américaine, car au lieu de simplement axer nos efforts sur la rédaction de longues listes de recommandations à l'intention du gouvernement, nous nous concentrons plutôt sur la conclusion d'un accord de libre-échange entre le Canada et l'Europe.
Plus récemment en 2007, plus de 100 chefs de la direction, canadiens et européens, et tous les groupes importants de l'industrie appuyaient le libre-échange entre le Canada et l'Union européenne. Jean Charest, le premier ministre du Québec, a également fait preuve d'un grand leadership à cet égard et David Emerson, le ministre du Commerce, a aussi joué un rôle central.
Bien sûr, l'Europe est entrée en scène. La France et l'Allemagne ont apporté un grand soutien. Et comme l'a dit Roy McLaren, la chute — ou du moins l'interruption — du cycle de négociations de Doha a donné un nouvel élan au libre-échange entre le Canada et l'Union européenne.
Cela a également amené la Commission européenne à repenser sa façon de faire. Devrait-elle négocier avec les pays riches et développés? Elle a décidé que la réponse serait oui et que le pays avec lequel elle devrait négocier était le Canada, grâce à notre chance et à tout le bon travail exécuté par notre ministère des Affaires étrangères, qui a mené une campagne de mobilisation des États membres. Quand nous avons reçu la note de Bruxelles, la commission s'est adressée directement aux États membres et ceux-ci ont dit que même si Bruxelles ne souhaitait pas participer, eux, les membres de l'Union européenne, le souhaitaient.
Je ne crois pas que ce soit surprenant. Bruxelles a toujours été en faveur des négociations avec, disons, l'ANASE ou MERCOSUR. La commission comprenait que les négociations seraient difficiles, mais elle s'est ralliée depuis et elle fait maintenant preuve d'un intérêt très vif. En fait, elle a indiqué que c'est la meilleure négociation à laquelle elle a participé, parce que le Canada et l'Union européenne ont tant de choses en commun. Les entreprises européennes ont également manifesté un appui très solide.
Les enjeux clés que les gens d'affaires ont soulevés pendant les négociations concernent encore l'approvisionnement public, l'accès aux marchés et les obstacles techniques au commerce, notamment vers l'Union européenne. Les services, l'investissement et la mobilité de la main-d'oeuvre sont tous des secteurs qui comportent un potentiel important de croissance. La propriété intellectuelle et l'agriculture, ainsi que le fait de veiller à l'ambition entre les provinces, ont posé des difficultés, mais je crois que nous voyons de véritables avancées dans ce domaine également.
Pourquoi est-ce important pour le Canada?
Je crois que la première chose, c'est qu'un accord de libre-échange avec l'Union européenne ne constitue pas un nivellement par le bas. Le libre-échange est souvent considéré comme un nivellement par le bas. Je crois qu'il serait très difficile de dire que cet accord porte atteinte aux droits environnementaux et aux droits des travailleurs, par exemple. L'Union européenne est l'une des meilleures entités au monde en ce qui a trait à la protection des droits des travailleurs et des droits environnementaux. Je ne crois pas qu'elle est à la recherche d'un accord qui aura pour conséquence de diminuer ces droits. À mon avis, l'argument selon lequel c'est ce que l'accord pourrait faire est pauvre, en quelque sorte.
Comme Roy l'a dit, le Canada est un modèle d'essais, et si c'est concluant, l'Europe tentera probablement de négocier avec d'autres pays de l'OCDE.
Je pense que ce qui importe, par contre, c'est que supposons que nous réussissons à conclure la négociation, s'il y a des négociations entre l'ALENA et l'Union européenne à l'avenir, nous aurons établi un précédent qui sera important pour le Canada dans le contexte de cette négociation, plutôt que de n'être que des spectateurs et d'avoir à accepter les décisions que prendraient l'Union européenne et les États-Unis.
Nous sommes également conscients qu'au cours de ces négociations, il ne faut pas compromettre notre relation avec les États-Unis en négociant quelque chose avec l'Union européenne. Bien sûr, l'Union européenne entretient elle aussi une relation très importante avec les États-Unis, et je ne crois pas qu'elle veut la compromettre non plus.
Au Canada, l'une des raisons pour lesquelles ces négociations n'ont pas été autant médiatisées que d'autres négociations antérieures, c'est que tout le monde reconnaît que le libre-échange est une bonne chose. Étant donné que le Canada exporte énormément et que sa prospérité dépend en grande partie des marchés d'exportation, un accord de libre-échange avec l'Europe est particulièrement une bonne chose, surtout quand on sait que nos exportations vers les États-Unis ont chuté d'environ 30 p. 100.
Oui, nous devons diversifier nos exportations, et oui, les pays asiatiques et les régions de l'Asie qui connaissent de fortes croissances sont des secteurs importants où nous pouvons diversifier nos exportations, mais ce n'est pas une situation de « tout ou rien ». Nous avons besoin de tout ce que nous pouvons obtenir dans cette économie mondiale. Soyons réalistes, il faudra un certain temps avant que nous puissions négocier avec des pays comme l'Inde et la Chine, tandis que l'Europe est prête à le faire dès maintenant.
J'ajouterais également que si nous ne menons pas à terme cette négociation, si on ne nous perçoit pas comme capables de conclure une négociation qui a de toute évidence tellement d'importance pour le Canada sur les plans de la croissance économique et de l'accès au marché, nous aurons énormément de difficulté par la suite à négocier avec d'autres partenaires. On se dira que s'il lui est impossible de conclure cet accord — entre le Canada et l'Union européenne — combien d'énergie sera-t-il prêt à consacrer au parachèvement d'une négociation avec un partenaire plus petit?
Malgré la dette et les défis d'ordre économique que présente l'Union européenne, elle n'en est pas moins un continent qui représente un marché de 500 millions de personnes. Il y existe une demande de ressources et de biens et de services à valeur ajoutée à laquelle nous pouvons répondre. Elle fait face à la concurrence d'autres joueurs sur les marchés où elle a été traditionnellement active, comme l'Afrique, et je pense qu'elle considère le Canada comme un bon partenaire à long terme.
Nous serons en outre en mesure de faire cause commune sur les enjeux multilatéraux futurs. Dans les négociations sur l'Arctique, par exemple, nous devrons travailler en étroite collaboration avec les Européens. Je soupçonne que cet accord, qui est, certes, de nature économique mais qui requiert une bonne dose de collaboration sur les plans politique et, en fin de compte, culturel, fera de notre future collaboration sur les dossiers pressants, tels que celui du Nord ou d'autres secteurs des affaires internationales, un partenariat des plus positifs et des plus solides.
Je pense que je vais conclure là-dessus, mais j'ajoute que, comme Roy l'a dit, le milieu des affaires y est massivement favorable. L'idée n'est pas neuve. Nous y travaillons depuis plusieurs années et nous sommes très encouragés non seulement par les progrès accomplis par les négociateurs mais également par le vaste soutien dont bénéficie cet accord.
Il ne s'agit pas d'une initiative exclusive du milieu des affaires. Dans des éditoriaux parus dans leurs pages, le Toronto Star, le Globe and Mail et le National Post se sont prononcés récemment en faveur de l'accord. On peut naturellement s'attendre à ce que certains dossiers particuliers présentent des difficultés et ne fassent pas l'unanimité, mais je crois que le principe général du libre-échange entre le Canada et l'Union européenne bénéficie d'un vaste appui au Canada.
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Merci, monsieur le président.
Mon nom est Kathleen Sullivan. Je suis directrice générale de l'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire. Comme le président l'a souligné, je suis accompagnée de Richard Phillips, qui est membre de notre exécutif.
L'ACCA est une coalition d'organisations canadiennes nationales et régionales favorables à un environnement commercial international plus ouvert et transparent pour l'agriculture et l'agroalimentaire. Nos membres incluent les principaux exportateurs de produits agricoles du Canada des secteurs du boeuf, du porc, du grain et des oléagineux, pour n'en nommer que quelques-uns, et nous représentons des producteurs, des transformateurs et des exportateurs, ce qui vous donne une idée de la largeur de notre assise.
Le Canada se classe au quatrième rang des grands exportateurs de produits agricoles et alimentaires dans le monde. Il n'est devancé que par l'Union européenne, les États-Unis et le Brésil. Nous exportons la moitié de notre production de boeuf et de bétail, la moitié de notre production de grains, au moins 60 p. 100 de notre viande de porc et de nos porcs et plus de 70 p. 100 de notre production de canola. À travers le Canada, neuf fermes sur dix sont tributaires des marchés d'exportation.
Mais bien que le Canada soit un leader mondial en agriculture et en commerce alimentaire aujourd'hui, il ne fait aucun doute que sa position dégringole. En matière d'agriculture et d'exportations de denrées alimentaires, notre croissance commerciale est rattrapée par celle de pays comme l'Argentine, l'Indonésie et l'Inde, lesquels pourraient dépasser le Canada en exportations agricoles et agroalimentaires d'ici quelques années.
Au chapitre de nos exportations alimentaires seulement, nous avons déjà glissé de la troisième à la neuvième place dans le classement mondial au cours de la dernière décennie. Il est essentiel que le Canada développe de nouveaux marchés d'exportation pour ses produits agricoles et alimentaires. Nous devons chercher à conclure d'importants accords commerciaux bilatéraux et régionaux qui procurent des avantages significatifs aux secteurs agroalimentaires canadiens.
Nous nous réjouissons particulièrement des actuelles négociations entre l'Union européenne et le Canada. À l'extérieur de l'OMC, l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne est le débouché commercial le plus prometteur que notre secteur de l'agriculture ait vu en une génération et il est hautement improbable que nous voyons passer une si belle occasion avant de nombreuses années.
Tout d'abord, le marché européen est immense. L'Europe compte 500 millions de personnes qui, dans une large mesure, partagent nos goûts et nos valeurs et qui ont développé le goût de produits alimentaires haut de gamme.
Deuxièmement, nos exportations sur le marché européen sont insuffisantes. Nos exportations vers l'Union européenne de produits agricoles ne représentent que le dixième de ce que nous exportons vers les États-Unis chaque année. Nous n'avons pratiquement aucun accès en Europe pour nos produits de boeuf et de porc. Enfin, nous exportons vers l'Europe plus de fromage canadien que de boeuf ou de porc.
Troisièmement, nous sommes limités par les barrières non tarifaires européennes qui peuvent entraver l'accès au marché que nous avons déjà dans des domaines aussi importants que le secteur des oléagineux, par exemple.
L'AECG Canada-Union européenne est une occasion majeure pour le Canada de faire une importante percée sur le marché européen en devançant certains de ses principaux partenaires et concurrents commerciaux tels que les États-Unis. Selon une étude conjointe Canada-Union européenne, les exportations canadiennes d'aliments transformés vers l'Union européenne pourraient augmenter d'environ deux milliards de dollars par année — ce qui représente une croissance d'environ 140 p. 100 — tandis que les exportations de produits agricoles primaires pourraient augmenter d'un montant supplémentaire de un milliard de dollars, ce qui représente une croissance d'environ 40 p. 100. Ces chiffres donnent le vertige.
Parce que l'accord est si global et si concret et parce que l'Union européenne a des priorités à l'extérieur du secteur de l'agriculture, des possibilités sans précédent s'offrent au Canada de poursuivre et de réaliser des avancées importantes au niveau de l'accès au marché et de remédier aux barrières non tarifaires pour les exportateurs canadiens de produits agricoles et agroalimentaires. Nous sommes une nation commerçante et il est indispensable de mettre en place un système commercial plus ouvert pour la croissance et la prospérité futures du secteur agroalimentaire du Canada.
Nous croyons toujours en la vitalité de l'OMC. M. McLaren et moi en avons discuté à quelques reprises dans le passé. Nous sommes convaincus que nous trouverons le moyen de faire des progrès à travers l'OMC, qui reste notre priorité en agriculture. Elle demeure la meilleure façon de parvenir à mettre sur pied un système fondé sur des règles pour le commerce agricole et c'est le seul véhicule permettant d'aborder de façon transparente et réglementée toute la gamme des questions d'ordre commercial et le problème des barrières auxquels fait face le commerce agricole mondial.
Mais l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne revêt une importance capitale pour les secteurs agroalimentaires du Canada. Il pourrait ouvrir les marchés de l'Union européenne aux exportations de produits agricoles et agroalimentaires clés et il pourrait régler la question des barrières non tarifaires futures et anciennes en créant un précédent.
Je pense que Richard va faire quelques commentaires à ce sujet.
M. McLaren m'a également fait sourire quand il a parlé de Pearson, parce que je suis justement en train de lire un livre dans lequel il est question de la vision qu'avait Laurier du commerce, pour ceux qui veulent remonter encore plus loin dans le passé.
Le commerce ne se limite pas aux lignes tarifaires. C'est une notion qui englobe également l'accès au marché et l'établissement de règles claires qui favoriseront le bon fonctionnement du marché. Des facteurs tels que les SPS — c'est-à-dire les mesures sanitaires et phytosanitaires — et les obstacles techniques ressortissant à la sécurité alimentaire peuvent freiner le commerce et, dans certains cas, signer son arrêt de mort. Pour répondre aux préoccupations à cet égard, deux composantes clés font l'objet d'une négociation dans la présente affaire.
La première est la mise en place d'un processus efficace de règlement des différends. Ce mécanisme doit être clair, facile à comprendre et propre à entrer en jeu sans délai, surtout dans le cas des questions qui relèvent des SPS.
La deuxième est la reconnaissance des principes scientifiques objectifs. Je pense par exemple au lin, dont il a été question très récemment dans le contexte du commerce du grain. Nous n'avons pas le choix de nous doter d'un mécanisme amélioré et plus rapide de règlement des questions touchant la faible teneur d'une substance. L'efficacité d'un accord commercial est tributaire de notre capacité de l'appliquer.
Je voudrais dire en terminant qu'il n'existe qu'un petit nombre de marchés vraiment étendus dans le monde: les États-Unis, la Chine, l'Inde et l'Union européenne. Nous parlons ici de l'un de ces quatre marchés. Plus important encore, c'est un marché sur lequel on achète des biens, des services et des denrées alimentaires haut de gamme et issus de la haute technologie. La qualité élevée d'un produit commande des prix plus élevés, ce qui crée des possibilités supplémentaires de gains financiers pour tous les éléments de la chaîne de valeur des produits alimentaires. Voilà pourquoi nous, les Producteurs de grains du Canada, nous joignons à l'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire pour exprimer notre entier appui à ces pourparlers commerciaux.
Je serai heureux de répondre à vos questions. Merci.
Monsieur le président, j'aimerais apporter brièvement deux précisions puis je demanderai à mon collègue de répondre de façon plus poussée aux questions pénétrantes de M. Brison.
Il a parfaitement raison de dire que cet accord déborde largement la seule question des tarifs douaniers. Grâce au Cycle d'Uruguay du GATT et, plus récemment, à la décision du gouvernement de supprimer les tarifs douaniers sur les composantes industrielles, la question des tarifs douaniers dans le contexte des pourparlers Canada-Union européenne constitue un enjeu mineur. Il reste bien quelques points de mésentente à régler, mais dans l'ensemble, c'est une question mineure.
Les négociations concernant la réglementation sont de loin plus importantes et M. Brison a tout à fait raison d'y voir un enjeu majeur. Cet enjeu touche les provinces et c'est la raison pour laquelle la participation des provinces canadiennes a pris une telle importance dans l'élaboration dans la position du Canada dans le cadre des négociations. Heureusement, les 10 provinces se sont engagées à modifier ou à transformer leur réglementation si nécessaire par suite de la conclusion de l'accord final.
La reconnaissance des titres professionnels, deuxième point soulevé par M. Brison, est étroitement reliée à toute la question de la mobilité de la main-d'oeuvre. La mobilité de la main-d'oeuvre est l'un des aspects particuliers de cet accord, qui est absent, par exemple, de l'accord Canada-États-Unis ou de l'ALENA. Le premier ministre Charest, en particulier, s'y intéresse beaucoup, mais toutes les provinces ont reconnu les avantages que peuvent procurer au Canada l'accroissement de la mobilité et la reconnaissance des normes professionnelles. C'est un domaine sur lequel nous avons déjà accompli des progrès non négligeables et je ne doute pas que nous bouclerons cet aspect particulier de l'accord dans un délai relativement court.
Si vous permettez, monsieur le président, j'aimerais demander à M. Langrish d'ajouter quelques commentaires, après quoi nous pourrons peut-être revenir à M. Brison.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour à tous les témoins et bienvenue au comité. On vous remercie de vous être déplacés si rapidement, avec peu de temps d'avis.
Ma première question va s'adresser à M. Langrish, à Toronto.
On sait que, dans l'état actuel du commerce entre le Canada et l'Union européenne, il y a un déséquilibre d'environ 10 milliards de dollars entre les importations qui viennent de l'Union européenne, qui sont d'environ 62 milliards de dollars, et les exportations vers l'Union européenne, qui sont d'environ 52 milliards de dollars.
Selon vous, la conclusion d'une entente de libre-échange va-t-elle permettre de rééquilibrer cette situation, ou même de la modifier à l'avantage du Canada et du Québec? Si c'était le cas, quels secteurs seraient les plus favorisés par la conclusion de l'entente?
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Merci de votre question.
C'est difficile de prévoir si nous arriverons à un équilibre. Mais je ne sais pas à quel point c'est important, compte tenu du fait que leur population est sans doute 14 fois plus nombreuse que la nôtre.
Je crois que des études économiques prévoient une augmentation d'environ 18 milliards de dollars des exportations européennes et de 10 à 12 milliards de dollars des exportations canadiennes. Je trouve qu'on s'en tire plutôt bien, si l'on pense que notre pays compte un peu plus de 30 millions d'habitants contre plus de 500 millions en Europe.
Les négociations commerciales ont la particularité de ne jamais donner de certitudes. Pendant les négociations avec les États-Unis pour l'établissement de la ZLE, la plupart prévoyait la ruine de notre industrie viticole, et c'est plutôt le contraire qui s'est produit. Nous n'avons donc pas de certitude, mais nous nous attendons à une croissance importante.
Il y aura une croissance dans le secteur agricole, bien entendu. L'exportation augmentera aussi dans le secteur manufacturier, ce qui comprend l'industrie automobile. En fait, Ford nous a pratiquement dit qu'il avait l'intention d'exporter dans le monde entier — donc en Europe aussi — un véhicule qui est produit dans le Sud de l'Ontario. La croissance touchera aussi l'industrie des pièces d'automobiles. Un marché d'exportation pour les produits forestiers verra le jour. L'exportation des minéraux prendra de l'expansion. Les secteurs des services, de l'énergie et des produits de la mer connaîtront une croissance, comme tout ce qui est assujetti à un tarif supérieur à, disons, 5 p. 100 — et même à 5 p. 100, on verra sans doute une croissance.
Les investissements augmenteront aussi de manière considérable. Je prévois que le Canada s'imposera davantage comme noyau de services financiers. Il sera plus facile de réunir des capitaux destinés à de grands projets d'infrastructure au Canada. Il y aura plus de liquidités. Les pays d'Europe seront plus enclins à investir au Canada, qu'on voit comme un pays qui offre un rendement supérieur. Cet accord nous permettra de faire bon usage de cet argent et d'obtenir un meilleur rendement ici qu'en Europe.
On verra une croissance des échanges. On constatera non seulement un plus grand mouvement de personnes qualifiées, mais aussi — c'est ce que je crois — plus d'échanges dans le milieu de l'éducation et de la culture. Je vois très bien la coopération s'étendre au-delà de la sphère économique, jusque dans la sphère politique et culturelle.
Je suis déjà témoin de ce phénomène à Toronto. J'ai quitté Bruxelles pour m'y installer il y a cinq ans. À l'époque, on parlait très peu des relations Canada-Union européenne à Toronto. Aujourd'hui, je vois régulièrement des activités qui montrent le contraire. Je pense seulement aux préparations de la Coupe du monde: je suis bombardé, littéralement, par des messages de groupes européens qui organisent des activités. J'ai aussi remarqué une augmentation notable de l'immigration nette d'Européens qualifiés au Canada.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins d'être ici aujourd'hui. Vous êtes nos tout premiers témoins à l'amorce de cette étude de l'accord Canada-UE. Nous aurons une séance d'information la semaine prochaine, mais nous apprécions grandement votre disponibilité à court préavis.
Au moment d'entreprendre tout type de processus, il faut évaluer ce qui s'est produit dans le passé. La diminution répétée de nos exportations vers les marchés avec lesquels nous avons conclu ces accords commerciaux bilatéraux est inquiétante. Nos exportations vers le Costa Rica n'ont jamais atteint les niveaux qui existaient avant l'entrée en vigueur de l'accord. Nous avons mis dix ans à remonter la pente au Chili pour en arriver au volume d'avant. Je parle en dollars indexés et non en dollars courants, comme l'actuel ministre a malheureusement l'habitude de faire. Du côté d'Israël, nous avons mis sept ans à rattraper le manque à gagner.
Les choses ne vont guère mieux du côté de l'AELE, qui a entraîné une chute des exportations de l'ordre de 831 millions de dollars, tandis que les données les plus récentes qui concernent les exportations vers les États-Unis indiquent qu'en dollars indexés, nous nous situons en-deçà du seuil établi en 1995. Le Mexique est seul à faire exception, mais nous avons un important déficit commercial avec ce pays et les chiffres ont en fait diminué au cours des trois dernières années.
Il y a de toute évidence un problème fonctionnel.
Ma question s'adresse à Mme Sullivan et à M. Phillips. Je vous ai déjà posé cette question. De façon purement empirique, nous semblons être passés d'un mode axé sur la production à valeur ajoutée et l'exportation de produits manufacturés à un mode axé sur l'exportation de produits primaires. Avez-vous observé cette tendance et avez-vous des données qui permettent de nous situer aujourd'hui par rapport à la situation qui prévalait avant l'entrée en vigueur de ces accords commerciaux bilatéraux, tout particulièrement en ce qui concerne le boeuf, le porc et les céréales et oléagineux?
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Merci, monsieur le président.
Bienvenue aux témoins et bienvenue messieurs McLaren et Langrish, c'est bon de vous revoir.
Avec l'aide de tous les témoins, j'aimerais examiner d'un peu plus près certains aspects qui pourraient s'avérer plus problématiques. D'ailleurs, nous en avons mentionné quelques-uns, le secteur forestier et les barrières non tarifaires au commerce.
Prenons l'exemple de la Nouvelle-Écosse. Avant l'apparition du nématode du pin, la Nouvelle-Écosse exportait pour environ 900 millions à un milliard de dollars de produits forestiers vers l'Europe; un commerce qui se fait depuis toujours. Cette situation a brusquement mis fin à 500 ans d'exportations vers l'Europe. Voilà une ouverture certainement très prometteuse de nouveaux marchés pour les entreprises forestières canadiennes.
L'autre question qui me préoccupe un peu est celle des pêches. Nous savons déjà qu'il existe là-bas un marché pour la crevette nordique mais il y a certainement d'autres marchés pour tous nos produits de la pêche. Nous ne voulons pas être tenus à l'écart en raison de règlements visant les usines de transformation ou des règlements de l'UE tels qu'on les perçoit. Il existe un danger bien réel d'imposition d'une barrière non tarifaire au commerce.
Enfin, j'en viens à toute la question des indicateurs géographiques et à la façon de contourner ce problème. Je crois sincèrement que cet accord offre de grandes possibilités. Bien sûr, ce n'est pas encore un accord, mais si nous finissons par faire adopter cette proposition par la Chambre, je crois que chaque parti qui y est représenté ne pourra que l'appuyer puisqu'il contient quelque chose pour tout un chacun partout au Canada.
Je m'interroge principalement sur les barrières non tarifaires au commerce et, plus particulièrement, au sujet des abattoirs et des usines de transformation du poisson.
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Oui. Je vais aborder brièvement trois points.
Le règlement des différends se présentera vraisemblablement soit sous la forme d'une disposition sur le règlement des différends entre investisseurs et État, une disposition qui figure déjà dans l'ALENA, et selon laquelle les entreprises ont légalement le droit de contester directement les décisions des gouvernements si elles estiment qu'on a contrevenu à leurs droits, soit d'une disposition de règlement d'État à État. Nous avons d'ailleurs signifié notre préférence pour cette façon de faire. Nous croyons que les gouvernements, tant au Canada qu'au sein de l'Union européenne, agiront de bonne foi, indépendamment de l'orientation qu'ils auront adoptée.
Toutefois, le point important du règlement des différends est que l'on dispose d'un recours légal sans avoir à passer par toute la procédure des tribunaux au niveau provincial ou des États, dans le cas de l'Union européenne. Savoir qu'ils disposent d'un tel mécanisme met les investisseurs et les négociants en confiance. C'est probablement l'élément le plus important. Grâce à un bon accord de libre-échange, on n'a pas à recourir à ce genre de mécanisme, mais savoir qu'il existe est rassurant.
Deux changements fondamentaux ont été apportés au traité de Lisbonne. Dorénavant, le directeur général du commerce auprès de la Commission européenne doit se présenter devant le Parlement européen et donner plus de détails sur ce qui a été négocié. De plus, les membres du Parlement européen peuvent approuver ou non l'accord. Ils ne peuvent y apporter des modifications et demander qu'on reprenne les négociations sur certains points. L'un des éléments importants du traité de Lisbonne, c'est que la responsabilité des investissements ne relève plus des États membres mais de la Commission européenne. Toutefois, les détails de cette disposition sont en cours d'élaboration. Je vous en courage à en discuter avec le négociateur en chef, M. Steve Verheul qui connaît très bien ce dossier.
Quant à la question des normes en matière d'environnement, elle est très délicate. Fondamentalement, la meilleure façon de régler les normes en matière d'environnement, c'est de s'assurer qu'elles sont fondées sur des principes scientifiques et, à cet égard, nous souhaitons intégrer à l'accord une disposition précisant que ces principes ont préséance. Autrement, l'une des parties concernées pourra créer une norme arbitraire ou un mécanisme de reconnaissance arbitraire empêchant l'importation de produits sur le marché afin de favoriser les produits locaux. C'est pourquoi nous voulons qu'une telle disposition fasse partie de l'accord.