C’est pour moi un honneur que d’être ici aujourd’hui et de comparaître devant votre comité. Je m’appelle Glen Sibbeston. Je suis le chef pilote de Trinity Helicopters à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest.
Trinity Helicopters est une entreprise appartenant à des Autochtones. Je suis d’ailleurs moi-même Métis de la région du Dehcho, et j’ai passé une grande partie de ma vie dans le Nord canadien. J’ai été pilote militaire de Sea King pendant neuf ans, ingénieur-mécanicien dans les Territoires du Nord-Ouest pendant deux ou trois ans et pilote d’hélicoptère civil dans le Nord canadien pendant une dizaine d’années. J’ai surtout volé dans la région du Dehcho, dans les Territoires du Nord-Ouest, entre la vallée du Mackenzie et la frontière du Yukon, mais j’ai aussi travaillé dans la plupart des régions du Nord canadien.
En tant que pilote d’hélicoptère civil, j’ai été au service d’entreprises des secteurs des mines et de l’énergie, d’inspecteurs des terres du gouvernement, de géologues, de gardiens de parcs et de biologistes de la faune. En gros, quiconque veut accéder facilement aux régions sauvages du Canada où il n’y a pas d’infrastructure de transport a besoin d’un hélicoptère.
En tant que Métis originaire de Fort Simpson, j’ai été élevé selon la tradition autochtone, mais j’ai reçu une formation occidentale. Je pense avoir une compréhension équilibrée des différences entre les préoccupations des Autochtones, des entreprises et du gouvernement. Je me suis fait une opinion sur la question après avoir vu des dizaines de sites d’exploration, eu des centaines de conversations avec des personnes qui tentent de réaliser des projets dans le Nord canadien et effectué des milliers d’heures de vol dans les régions sauvages.
J’ai choisi de me concentrer sur trois enjeux qui me semblent essentiels si nous voulons mettre en valeur les ressources naturelles du Nord canadien le plus efficacement possible. Le premier concerne le transport dans les vastes régions forestières et montagneuses ainsi que dans la toundra du Nord canadien. Le deuxième consiste à faire la paix et à concilier ces intérêts avec ceux des Autochtones qui occupent le territoire. Le troisième vise les processus réglementaires, à la fois complexes et imprévisibles, auxquels doivent se plier les exploitants de ressources naturelles avant de commencer leurs travaux. Selon moi, ces trois enjeux constituent les principales pierres d’achoppement au développement du Nord canadien.
Cette région est vaste. En effet, plus du tiers de la masse terrestre du Canada se situe au nord du 60e parallèle. Toutefois, en grande partie, cette région manque d’infrastructure de transport, c’est-à-dire de routes, de voies ferrées, d’aéroports et de ports maritimes. Les Canadiens s’imaginent encore que Yellowknife se trouve très loin au nord; pourtant, Yellowknife est plus près de la frontière mexicaine que du pôle Nord. La distance moyenne entre les collectivités au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest est de 200 kilomètres. C’est encore pire au Nunavut.
De nombreuses collectivités ne sont pas reliées par des routes accessibles toute l’année. En fait, la plupart des routes ne vont que très peu au-delà du 60e parallèle. L’autoroute Dempster est la route située la plus au nord; elle se termine à Inuvik après avoir sillonné principalement le Yukon. Parmi les territoires, c’est le Yukon qui possède le réseau routier le plus étendu, suivi des Territoires du Nord-Ouest. Le Nunavut, quant à lui, n’a encore aucune autoroute.
Il en coûte environ 10 ¢ pour transporter une tonne de marchandises sur un kilomètre de route. Le transport routier est assez fiable, et les horaires sont flexibles. Quand il n’y a plus de routes, le transport aérien s’avère souvent la meilleure solution. À quel problème les sociétés minières se heurtent-elles lorsqu’elles veulent faire de l'exploration au-delà de ces routes? À une flambée des coûts.
Si la destination dispose d’une large piste d’atterrissage, un gros appareil peut transporter cette même tonne de marchandises au coût de 2 $ le kilomètre. S’il n’existe pas de piste, il faut utiliser un petit avion de brousse, et il en coûte 10 $ le kilomètre. Dans le pire des cas, pour se rendre sur un terrain très accidenté, il faut louer un hélicoptère. Ce moyen de transport fait passer le tarif à 20 $ le kilomètre pour la même tonne de marchandises. Comme le disent de nombreux géologues, les riches gisements semblent souvent avoir une préférence pour les régions ayant des paysages à couper le souffle, mais aussi pour les contrées les plus reculées et les plus inhospitalières.
En gros, si la destination se situe à environ 100 kilomètres d’une autoroute, les coûts de transport des marchandises dépassent 1 000 $ la tonne. Si la destination se situe à moins de 100 kilomètres d’une autoroute, il peut vous en coûter moins de 1 000 $ la tonne. Si vous dépassez cette limite, les coûts risquent de dépasser 1 000 $ la tonne. Si votre destination se trouve à plus de 300 kilomètres d’une route, vous devrez débourser plus de 5 000 $ pour transporter une tonne de marchandises. Bien entendu, les coûts continuent de grimper à mesure qu’on s’éloigne du réseau routier.
Les collectivités ayant un accès maritime utilisent le transport par bateau. Les coûts varient de 230 $ la tonne pour les collectivités du Kivalliq à 665 $ la tonne pour celles du Kitikmeot. Pour l’Extrême-Arctique, les coûts de transport dépassent 1 000 $ la tonne.
Néanmoins, si vous réussissez à transporter vos marchandises jusqu’à l’un des ports maritimes, les coûts de transport à proximité de ces collectivités dépassent 5 000 $ la tonne, parce que la logistique du transport aérien est difficile, soumise aux aléas et coûteuse. Ce qui aggrave la situation, c’est qu’à mesure qu’on s’éloigne de ces collectivités, le système de transport terrestre devient moins fiable et les horaires sont plus contraignants. Le transport par les routes de glace et la mer n’est possible que quelques mois par année. S'il faut prendre un avion de brousse ou un hélicoptère pour se rendre quelque part, on ne peut le faire que pendant le jour et lorsque le temps le permet. Ces contraintes imposent de sévères restrictions aux sociétés minières, qui doivent aussi composer avec l’incertitude et absorber des coûts supplémentaires.
Mes solutions pour améliorer la situation sont assez simples. La construction de nouvelles routes insufflerait du dynamisme aux industries qui mettent en valeur les ressources canadiennes. Chaque nouveau tronçon de 100 kilomètres ajouterait 20 000 km2 de territoire dans la zone où il en coûte 1 000 $ pour transporter une tonne de marchandises, et pousserait encore plus au nord la zone où il en coûte 5 000 $ pour le même service. La route qui relie le Manitoba à Kivalliq est un exemple de projet inachevé qu’on pourrait relancer avec une volonté politique forte du gouvernement fédéral. Il en va de même pour l’autoroute de la vallée du Mackenzie.
Je vais maintenant aborder le deuxième point. Le processus de revendications territoriales selon lequel des terres doivent être restituées aux Autochtones n’est pas encore terminé. C’est un sujet vaste et complexe. J’aimerais profiter des quelques minutes dont je dispose pour soulever un point ou une incongruité à l’origine du malentendu entre les Premières nations et le Canada.
On oublie souvent, dans le contexte des revendications territoriales, que les peuples autochtones du Nord canadien n’ont guère pratiqué l'agriculture; ils étaient plutôt des chasseurs-cueilleurs. Ce point est très important, car le rapport d’un chasseur-cueilleur à la terre est totalement différent de celui d’un agriculteur. Tous deux dépendent de la terre pour gagner leur vie, mais le chasseur doit se déplacer pour traquer ce que la terre offre. L’agriculteur, pour sa part, choisit un endroit et l’améliore progressivement, d’abord en labourant la terre, puis en érigeant des clôtures, en ouvrant des chemins et en érigeant des bâtiments. Pour que cet agriculteur consacre des années d’efforts acharnés à son projet, il doit être certain de pouvoir profiter de son investissement. Ainsi, les droits de propriété et les systèmes juridiques ont évolué pour répondre à ce besoin.
Le chasseur ne voit pas la situation du même oeil, car il investit peu dans les terres et n’interagit que très rarement avec ses voisins en raison de la très faible densité de population. En fait, l'idée même qu’une seule personne puisse posséder une parcelle de terrain lui semble inacceptable, parce que la terre appartient évidemment à tous de manière égale. Nous pourrions aussi dire que le chasseur possède le lieu qu’il occupe le temps que dure sa quête; ensuite, la nature reprend ses droits, et le chasseur poursuit sa route.
Depuis l'ère industrielle, les droits de propriété et un cadre juridique fiable sont devenus de plus en plus importants, étant donné que les investissements de capitaux et les moyens de production ont nécessairement augmenté. L’agriculteur s’est adapté facilement, d’autant plus que les idées et les vertus requises pour faire de l’agriculture cadrent parfaitement avec la production industrielle. L’agriculteur est devenu un industriel. Le chasseur-cueilleur s’est recyclé en trappeur, soit une activité bien adaptée à ses compétences et pour laquelle il n’a pas besoin de posséder beaucoup de terres. À ce jour, le chasseur-trappeur n'a toujours pas de propriété; les terres sont détenues en fiducie.
J’aimerais maintenant passer de l’abstrait au concret et au personnel. Au cours de la dernière décennie, on a proposé de construire un gazoduc dans la vallée du Mackenzie, mais la proposition a été rejetée après avoir fait l’objet d’un débat. À l’époque, j’habitais à Fort Simpson, et j’ai suivi les négociations sur les revendications territoriales de la région du Dehcho. J’ai été déçu de voir que toute la région avait laissé filer cette occasion. Il n’y a pas eu de règlement des revendications territoriales dans la région du Dehcho; par conséquent, aucun consensus n'a pu être établi entre les Premières nations, le gouvernement fédéral et Impériale. Le gazoduc n’a pas été construit, et je suis parti.
La Première nation Dehcho a tenté d’appliquer le concept de propriété des terres du chasseur-cueilleur, alors que l’industriel était prêt à investir des milliards de dollars. Au lieu d'offrir aux membres de la Première nation Dehcho de bons conseils, le gouvernement fédéral leur a fait une offre dérisoire dont l’objectif semblait être celui de profiter de leur manque de connaissances au sujet de la valeur des ressources que renferme le sous-sol. Aucune entente n’a été conclue. Ce n’était pas le bon moment.
Si le Canada veut tirer le maximum de ses ressources, il doit concilier ses intérêts avec ceux des Premières nations. Cela signifie qu’il doit régler les revendications territoriales de façon à permettre aux Autochtones de prospérer en profitant de ce que leur offrent leurs terres.
Le gouvernement fédéral devrait renoncer à son attitude intransigeante et à la confrontation qui ont prévalu jusqu'à présent, et se montrer plus généreux. Les Premières nations n'ont pas eu raison sur tout non plus. Les stratégies de gestion du consensus et le concept de propriété des terres inspiré des chasseurs sont anachroniques. C'est la conception industrielle de la propriété des terres qui doit prévaloir, car les terres en question sont destinées à des activités industrielles.
Mon troisième point concerne les processus réglementaires avec lesquels doivent composer les exploitants de ressources naturelles. L'extraction et même l'exploration des ressources sont assujetties à des lois selon lesquelles, essentiellement, ces activités sont illégales. Le processus consiste alors à demander des permis, c'est-à-dire à obtenir du gouvernement la permission de mener des activités illégales, comme utiliser de l'eau, abattre des arbres, entreposer du combustible et utiliser des véhicules tout-terrain.
Selon les processus d'octroi des permis, le proposant doit se plier à toutes les obligations, alors que les administrateurs n'en assument aucune. Les conseils d'administration peuvent appliquer la loi de façon à freiner une demande. Les fonctionnaires peuvent — et ils le font — user de leur pouvoir pour promouvoir des intérêts personnels, comme un point de vue environnementaliste radical, ou pour faire respecter les droits des Autochtones.
Les demandes des exploitants de ressources naturelles pour avoir accès aux terres et à l'eau peuvent prendre des années avant d'être approuvées ou rejetées. Pourtant, il s'agit souvent de simples demandes d'installation de petits campements de tentes et de petits travaux de forage. Il n'existe pas toujours des normes claires, et le respect de la réglementation est un objectif sans cesse changeant. Le processus est coûteux et long pour le proposant.
L'une des façons de promouvoir l'investissement dans l'exploration et de réduire les pressions exercées sur le processus d'octroi des permis consisterait à relever les seuils auxquels des permis sont exigés. Par exemple, un prospecteur isolé est libre d'aller et venir sur les terres publiques, d'établir son campement à l'endroit où il le désire, et de casser des pierres à la main. Au-delà de la limite permise de 400 journées-personnes, obtenir un permis pour un campement d'exploration devient un obstacle majeur.
À une certaine époque, j'ai offert des services de transport par hélicoptère à une jeune société d'exploration qui utilisait un très petit trépan pour explorer des anomalies magnétiques qu'elle avait détectées au moyen de levés aériens. Elle utilisait ce petit trépan parce qu'il pesait moins que la limite maximale autorisée, c'est-à-dire une demi-tonne, au-delà de laquelle il est nécessaire d'avoir un permis. Malheureusement, ce petit trépan n'était pas adapté pour recueillir les données voulues; le projet a donc été abandonné. Dernièrement, j'ai entendu dire que cette société faisait de l'exploration dans le Nord de l'Alberta. Si on permettait l'utilisation d'équipement plus gros sans exiger de permis, ce projet aurait peut-être attiré davantage d'investisseurs.
Je propose deux choses pour améliorer la situation. Premièrement, je propose que l'on relève, dans la réglementation, les seuils au-delà desquels des permis sont exigés. Par exemple, la limite de 400 jours-personnes pour un campement pourrait être portée à 2 000, et il s'agirait toujours d'un très petit campement. De plus, la limite d'entreposage de carburant est établie à 4 000 litres; on pourrait l'augmenter à 10 000 ou à 20 000 litres.
Deuxièmement, je propose de normaliser le processus d'octroi de permis pour les travaux de routine qui présentent peu de risques pour l'environnement. Je pense notamment aux sondages de recherche; ces campements fonctionnent à peu près tous de la même façon, c'est-à-dire qu'ils ont des installations semblables, suivent les mêmes plans d'exécution et utilisent les mêmes produits chimiques. Normaliser le processus et les conditions d'octroi des permis permettrait d'accélérer les étapes, de rendre le système plus efficace et de laisser les conseils d'administration se pencher davantage sur les grands projets qui ont des incidences plus importantes et plus complexes.
Merci encore de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui.
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Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Brad Gemmer. J'ai fondé Gem Steel dans les années 1980 et j'oeuvre dans le domaine depuis les années 1970. Je sais que je n'ai pas l'air assez vieux pour cela, mais c'est vrai.
J'ai commencé à travailler dans l'Arctique au début des années 1980 — vers 1980 ou 1981 — pour la mine Echo Bay, à Lupin, pour laquelle j'ai fabriqué la plupart des tôles d'acier et les gros réservoirs oranges qui sont utilisés pour... Je ne sais pas comment on les appelle.
De toute façon, ils sont à Lupin, et depuis, j'ai travaillé avec la plupart des mines importantes dans l'Ouest du Canada, et aussi avec toutes les mines de diamant, où je m'occupe de l'entreposage du carburant. Ensuite, j'ai travaillé pour Newmont, près de Cambridge Bay, et mon équipe et moi venons de terminer la première mise en réservoir dans la partie Nord de l'île de Baffin.
Je pense que la meilleure façon de réagir à l'état critique de l'industrie minière serait de faire ce que j'ai fait, c'est-à-dire avoir un travail secondaire en plus de mon entreprise, de posséder une mine de placer et de mettre au point de l'équipement minier afin de le vendre aux mines de placer au Canada et à l'étranger. On trouve des sociétés à Vancouver, par exemple, Goldlands, et des concentrateurs Knelson et Falcon, qui proviennent tous des efforts entrepris dans les mines de placer, où on tentait d'améliorer l'équipement.
J'ai commencé à travailler avec la mine de placer du Yukon, dans le Sud-Ouest du territoire, il y a environ 12 ans. J'ai d'abord travaillé avec un partenaire et il y a quelques années, j'ai acquis sa part. J'ai ensuite mis au point de l'équipement qui facilite la récupération et diminue l'empreinte écologique au sol.
Tout allait bien, jusqu'à ce que je tente de renouveler mon permis. J'ai déposé ma demande en novembre 2009 et j'ai reçu mon permis en juin 2010. Le permis était en règle, sauf qu'il me permettait seulement de me rendre là-bas entre le 15 juin et le 15 juillet, ce qui revient à dire à votre femme qu'elle peut seulement aller à l'épicerie un mois par année et qu'elle devra acheter et entreposer tout ce qui est nécessaire...
Je suis désolé, mon commentaire n'était pas discriminatoire envers les femmes; mais cela signifie que nous devons planifier chaque réparation et acheter l'équipement nécessaire, et tout ce que nous pourrions avoir besoin, puisque nous ne pouvons passer qu'un mois là-bas. En plus, la période d'accès correspond au temps où la rivière sort de son lit et qu'elle devient impossible à traverser.
Tout a commencé par une intervention du ministère des Pêches et des Océans, qui a décidé que même si nous traversions la rivière Tatshenshini sans problème et sans entraîner de répercussions négatives depuis 12 ans, nous devions arrêter de le faire.
Nous sommes allés — mon avocat et moi — au ministère des Pêches et des Océans, et on nous a promis l'an dernier et pendant tout l'hiver, au moins six fois, qu'on allait écrire une lettre d'intervention à l'Office des eaux afin de nous permettre un plus grand accès à l'autre côté de la rivière.
On a trouvé de l'or à Dollis Creek, où se trouvent les concessions minières, en 1926. Certaines des plus grosses pépites trouvées au Yukon proviennent de cet endroit et on y a employé un grand nombre de gens pendant longtemps. Lorsque je pouvais y travailler, j'embauchais cinq ou six personnes.
Plus nous essayions d'obtenir de l'aide du ministère des Pêches et des Océans, plus les choses ralentissaient au lieu d'accélérer. J'ai construit un gros véhicule équipé de pneus en caoutchouc afin de traverser la rivière en toute sécurité dans une région éloignée des terres touchées par les revendications territoriales de la Première nation de Champagne, et je n'aurais dérangé personne, mais il s'agissait d'un lieu où il était plus difficile de traverser qu'à l'emplacement où se rendait tout le monde, c'est-à-dire à Dalton Post. Cet endroit était situé à environ 15 milles, ou 20 kilomètres, au nord de la frontière de la Colombie-Britannique.
De toute façon, j'ai construit ce gros véhicule pour traverser la rivière à cet endroit, et évidemment, la recommandation du ministère des Pêches et des Océans précisait non seulement que je devais utiliser ce même véhicule, mais aussi que c'était le seul véhicule qui pouvait être utilisé pour traverser la rivière, ce qui oblige maintenant tout le monde à être équipé d'un tel véhicule. De plus, on n'a pas encore prouvé que traverser la rivière engendrait des répercussions négatives sur l'environnement, sur l'habitat du poisson ou sur sa migration. On a seulement émis des suppositions sur ce qui pourrait arriver, même si pour compter les poissons, on les fait entrer dans ce qu'on appelle une bordigue, d'où ils peuvent s'échapper — ce qu'on appelle justement l'échappée. Cela ne dérange probablement rien, et avec ce véhicule, la traversée prend de trois à quatre minutes, peut-être cinq si on va plus lentement, ce qui est assez insignifiant dans une journée qui compte 1 400 minutes, et négligeable lorsqu'on l'étale sur une semaine ou deux.
Le problème avec tout cela, c'est qu'on n'a essentiellement aucun moyen de discuter avec une personne qui occupe ce genre de poste et qui souhaite faire ce qu'elle veut. Il n'y a aucun recours et aucun moyen de négocier. Comme je l'ai dit, les choses ne font qu'empirer.
En ce moment, nous sommes essentiellement — et lorsque je dis « nous », je veux dire moi et mes employés — au point où nous espérons seulement trouver une façon de ramener le ministère des Pêches et des Océans à sa position précédente, étant donné que la personne responsable actuellement a déclaré qu'elle planifiait réglementer le Yukon d'ici trois ans. Cela signifie que toutes les sociétés minières du Yukon devront se préoccuper de chaque cours d'eau qu'elles traversent chaque fois qu'elles veulent faire quoi que ce soit. Et cela ne touche pas seulement l'industrie minière, mais aussi les arpenteurs, les prospecteurs et même les camps, etc. Toutes les tentatives de traverser la rivière sont visées, sauf peut-être lorsqu'il y a de la glace, l'hiver.
On m'a suggéré d'utiliser un pont de glace. C'est comme si on souhaitait que je fasse quelque chose d'aussi stupide et provoque un accident, ce qui permettrait de me faire porter le blâme. Un pont de glace sur une rivière qui s'écoule aussi rapidement que la Tatshenshini signifie que la glace gèle lorsque le débit est au maximum. Pour qu'un pont de glace ou une route de glace fonctionne, il faut que la poussée hydrostatique de l'eau soit suffisante pour supporter tout ce qui passe par-dessus. Aussitôt que le niveau de l'eau descend et qu'elle commence à geler, il se crée de grandes poches, et si on essaie de traverser à ce moment et qu'on tombe dans ces poches, on disparaît à jamais.
C'est le genre de conseil qu'on nous donne, comme vous pouvez le voir dans certains des documents que vous avez en main ou qu'on vous remettra.
Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus sur ma situation là-bas, à part qu'il m'est absolument impossible de travailler dans une période fixe, si j'ai un moteur qui tombe en panne ou si j'ai besoin de pièces ou... Selon la loi, nous devons même faire la rotation de l'équipe tous les 26 jours, je crois, au Yukon. Cela varie d'une province à l'autre.
Nous procédons à la rotation dans le Nord. Dans les mines de diamant, nous essayons de faire la rotation toutes les trois semaines, mais nous pouvons aussi obtenir la permission d'allonger ces périodes. Néanmoins, lorsque les gens sont dans des régions isolées, on doit les faire sortir de temps en temps.
Il est impossible d'effectuer notre travail dans la période qu'on nous a accordée, et je crois que Pêches et Océans le sait et qu'on a l'intention de créer des précédents en m'interdisant l'accès à certaines concessions, par exemple en bloquant l'accès libre au terrain de la mine. Il s'agissait, jusqu'à très récemment, d'un accès direct, mais on considère toujours qu'il fait partie du réseau routier du Yukon. Certains troupeaux qui ont été conduits dans le Nord pour aider les mineurs à l'époque de la ruée vers l'or sont passés par cette route. Elle a même son propre nom: le Dalton Trail.
Cette personne qui travaille au ministère des Pêches et des Océans — et je ne précise pas si elle travaille seule ou est associée à un groupe, car je ne le sais pas — a décidé d'interdire l'accès à cette route à seulement une personne, c'est-à-dire moi. N'importe qui d'autre peut traverser cette rivière n'importe quand et sans restriction.
S'il me reste du temps, je peux parler un peu du reste de l'Arctique, si vous voulez, ou d'un autre sujet que vous jugez pertinent, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Messieurs, sur le même sujet — M. Kennedy a soulevé la question des revendications territoriales en Colombie-Britannique —, on présume ou on comprend généralement que plus de 110 p. 100 de la masse terrestre de la Colombie-Britannique fait l'objet de revendications, si l'on tient compte des recoupements. Pour quelqu'un de l'extérieur, cette situation semblerait impossible, et elle l'est peut-être finalement.
Dans l'esprit de certaines personnes, cela signifie qu'aucune partie de la Colombie-Britannique, y compris le centre-ville de Vancouver, celui de Prince George et de Kelowna, n'appartient pas à l'État — que ce soit les municipalités, le gouvernement provincial ou le gouvernement fédéral — mais que toute la province appartient aux Premières nations. Il s'agit d'un exemple parfait de ce que signifie le mot « énigme ». Premièrement, il est impossible d'expliquer logiquement comment une telle situation peut se produire. Deuxièmement, il ne semble y avoir aucune porte de sortie.
Je me souviens de certaines revendications territoriales dans votre région. Je m'occupais des revendications territoriales au Yukon à cette époque, au milieu des années 1990, et des revendications qui touchaient les terres juste au sud de la frontière du Yukon, dans le Nord de la Colombie-Britannique. Je ne me rappelle pas comment s'appelait cet endroit. Compte tenu du temps qu'il faut pour démêler tout cela, la chose semble impossible. Vous parlez de l'exploration dans l'Arctique et des revendications territoriales. Ajoutez à cela le système de réglementation, les considérations environnementales et, comme vous l'avez mentionné, les gens qui semblent défendre leurs propres intérêts. On peut se demander comment une entreprise peut être prête à investir son temps et son argent pour extraire les minéraux qui s'y trouvent. Je suppose que si la région n'était pas aussi prometteuse pour l'exploration minière, personne n'irait à cet endroit.
J'essaie de penser à une question, mais vous pouvez peut-être me dire simplement ce que vous pensez de ce que je viens de dire.
Parlant des délais, ce n'est pas mieux en Colombie-Britannique. Il y a une mine dans ma circonscription. Après 17 ans et 100 millions de dollars, une autre injonction vient d'être accordée. C'est à se demander pourquoi on ne remballe pas son argent pour s'établir dans un autre pays; ce serait beaucoup plus facile.
Quoi qu'il en soit, pouvez-vous nous dire simplement comment vous évaluez la situation?
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Je ne sais pas si vous parlez de moi ou de mon entreprise.
Je travaille aussi bien sur la côte Ouest en Alaska qu'au Nord et sur la côte Est à l'île de Baffin, c'est-à-dire partout au Canada. Nous travaillons... je ne dirais pas de façon sporadique, mais nous réalisons un grand projet ici et là.
Pour les mines de diamants au Nord de Yellowknife, nous avons embauché des travailleurs dans les communautés locales. Dans l'Arctique de l'Est, nous avions des travailleurs irréguliers. Les gens ne s'intéressaient pas à ce genre de travail ou je ne sais trop quoi. Nous avons tout mis en oeuvre, mais ils ne semblaient pas vouloir participer à ce que nous faisions. Ce n'était pas leur force, comme on dit.
C'est à peu près tout ce que je peux dire là-dessus. Nous mettons tout en oeuvre, mais c'est un travail hautement spécialisé. Ceux qui ne connaissent pas bien la machinerie, le matériel, les grues, le soudage... Il faut se familiariser avec bien des choses. La plupart des travailleurs que nous embauchons sont dans le secteur depuis nombre d'années avant d'être tout à fait autonomes.
Ce n'est pas faute d'avoir essayé. Nous affichons toujours des offres d'emploi dans un magasin local ou un centre communautaire pour embaucher des travailleurs locaux. Nous avons connu un certain succès, mais sans plus. J'ai compris que la meilleure façon d'avoir du succès, c'était d'établir un an d'avance une école de formation pour montrer aux gens comment travailler, ce qui est une compétence en soi. On tient cela et bien des choses pour acquis, mais il faut transmettre toutes ces compétences à ceux qui n'ont jamais travaillé, mesuré une planche ou une pièce en acier ou fait autre chose.
Nous continuons à faire de notre mieux, mais bien des projets se situent loin des communautés. Bon nombre de travailleurs autochtones viennent de communautés établies à 300 ou 400 milles des sites.
Je me suis rendu compte que les Autochtones sont aussi centrés sur leur famille et qu'ils n'aiment pas s'en éloigner. Ils entretiennent des rapports étroits entre eux. Parfois, travailler à 20, 50 ou 100 milles du village représente un autre problème.
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Merci, monsieur le président.
Plus jeune, j'ai travaillé dans l'Arctique, et je n'y suis pas retourné depuis longtemps. J'étais guide de pêche au Grand lac de l'Ours lorsque j'étais étudiant à l'université. Pour tout ce que nous faisions, la plus grande préparation était nécessaire. Il fallait amener tout ce dont nous avions besoin cet été-là par une route de glace, l'hiver précédent. La planification du transport s'effectuait un an à l'avance. La dernière chose que l'organisation voulait, c'était de payer pour amener quelque chose par avion, car c'était tellement cher.
Notre principale activité, c'était de transporter les gens par avion. Nous utilisions des hydravions, qui pouvaient aller partout, et des bandes d'atterrissage en gravier à la mine de Port Radium. Je ne sais pas si vous y êtes allés. Nous louions un Twin Otter pour faire la navette et transporter les gens. Un vieil avion de Havilland Beaver était disponible pour transporter les gens à divers endroits éloignés, etc.
Je me souviens très bien qu'à l'époque, nous nous rendions par bateau à toute heure du jour ou de la nuit à la piste de gravier pour y retirer les roches. Nous pouvions bien sûr le faire au début juillet, parce que le soleil ne se couche pas vraiment. Nous pouvions faire toutes sortes de choses comme cela.
C'était énormément de travail. On prétendait qu'une route serait construite et qu'un jour, les touristes pourraient venir en voiture au Grand lac de l'Ours. La seule façon de s'y rendre, c'est par bateau — en passant par la rivière — ou par avion.
Monsieur Sibbeston, vous étiez très éloquent durant votre exposé concernant les façons d'inciter le secteur privé à participer à la construction de ce genre de... Comment envisagez-vous la construction...? Si on pense au terrain, à l'ingénierie et aux nombreux obstacles, les efforts à consentir... En fait, la région est constituée d'eau à 60 p. 100.
Comment allons-nous nous y prendre? Pouvez-vous donner des précisions? Avez-vous discuté de certaines solutions? Que pouvons-nous faire pour inciter le secteur privé à participer davantage? Construire une route dans cette vallée coûterait des milliards de dollars.
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Je tiens à revenir, si c'est possible, monsieur Sibbeston, à la question pour laquelle j'ai encore besoin de votre sagesse, la question sur le droit de propriété. Vous êtes propriétaire d'une société, si je comprends bien, vous y détenez 51 p. 100 des intérêts.
Ce n'est pas la première fois que je pose des questions sur l'intérêt dans une entreprise et sur sa propriété et, souvent, on me répond que là se trouve l'obstacle infranchissable de la « capacité ». Les Autochtones, les peuples autochtones n'ont pas la capacité de participer. Je vous l'accorde, mais je n'y vois rien d'insurmontable.
La capacité mise à part, si vous vouliez que les dirigeants de la Première nation Dehcho participent à un important projet de travaux d'infrastructure et qu'ils en possèdent un pourcentage fixé, y verriez-vous d'autres obstacles? L'accès aux capitaux peut-être, mais c'est facile à contourner, que ce soit par le promoteur, l'État ou une banque — un tiers bailleur de fonds.
La capacité et les capitaux mis à part, quoi d'autre pourrait empêcher les Premières nations de posséder, disons, une partie de Diavik? Pourquoi les peuples autochtones à proximité immédiate de cette mine de diamants n'en sont-ils pas propriétaires? En ma qualité d'avocat, je ne vois aucun empêchement juridique ni contractuel.
Je perçois une inégalité dans le pouvoir de négocier, une répugnance de la part des promoteurs d'inclure ces gens. La capacité mise à part, voyez-vous d'autres empêchements qui pourraient rendre difficile ou même impossible le début de conversations sérieuses avec ces gens sur le droit de propriété?