D'abord et avant tout, j'aimerais informer les membres du comité qu'une délégation du Programme de renforcement du Parlement et des partis politiques au Pakistan, phase II, voudrait nous rencontrer vendredi matin. Comme je sais que la plupart d'entre nous ne sommes pas disponibles à ce moment-là, je demande à ceux qui pourraient rencontrer cette délégation vendredi matin d'en aviser notre greffier qui prendra les mesures nécessaires.
Je veux maintenant remercier nos témoins de leur comparution. De l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, nous accueillons Helen Cutts, vice-présidente, secteur d'élaboration des politiques, et John McCauley, directeur des affaires législatives et réglementaires.
Vous avez la parole pour les dix prochaines minutes.
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Je suis ravie d'être des vôtres. Au moment où vous amorcez votre étude sur le Nord canadien, vous avez cru bon en apprendre davantage sur le processus d'évaluation environnementale. Je n'ai pas de déclaration écrite à vous lire; je vais simplement parcourir avec vous notre document de présentation qui explique la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et son fonctionnement. Je me ferai ensuite un plaisir de répondre à vos questions.
À la première diapositive, vous pouvez constater que l'évaluation environnementale existe sous une forme ou une autre depuis 1974. Elle découlait au départ d'une simple directive du Cabinet. La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale n'est entrée en vigueur qu'en 1995. Des modifications y ont été apportées en 2003 à la suite du premier examen parlementaire quinquennal. De légers amendements ont suivi en juillet 2010 dans le cadre de la Loi sur l'emploi et la croissance économique annoncée dans le budget de cette année-là.
Avant de passer à la diapositive suivante, je tiens à souligner que l'évaluation environnementale est un outil de planification. C'est un mécanisme qui permet au gouvernement de s'assurer que l'on examine les impacts environnementaux et les mesures d'atténuation à prendre avant même qu'une entreprise ne procède à la première pelletée de terre. Cette façon de faire est avantageuse pour les promoteurs qui peuvent ainsi connaître dès le départ les changements conceptuels qui devront être apportés ou les ajustements stratégiques qui seront nécessaires avant que d'importants investissements soient consentis.
La loi s'applique aux instances fédérales qui sont tenues de procéder aux évaluations environnementales. Il s'agit principalement de ministères et d'agences. Cette obligation d'effectuer une évaluation environnementale entre en jeu dans certaines conditions bien précises déterminant que l'instance fédérale doit prendre une décision concernant un projet. C'est ainsi le cas lorsque l'instance est aussi le prometteur du projet, lorsqu'elle accorde une aide financière quelconque, lorsqu'elle cède une terre ou lorsqu'elle agit à titre d'organisme de réglementation.
La réglementation est d'application très courante. Une entreprise ayant besoin d'un permis relativement à l'habitat du poisson s'adresserait au MPO en indiquant qu'une évaluation environnementale lui semble requise.
Il y a trois types d'évaluations environnementales. Il s'agit des examens préalables, des études approfondies et des évaluations par une commission d'examen. Je vais vous décrire brièvement chacun d'eux.
La plupart des évaluations prennent la forme d'un examen préalable; un tel examen est requis pour n'importe quel projet. En vertu de notre loi en vigueur, il faut procéder à une évaluation environnementale pour tous les projets, et certains projets désignés font l'objet d'une étude plus approfondie.
Les examens préalables comptent donc pour la vaste majorité de nos évaluations environnementales au nombre de quelque 6 000 par année. L'instance responsable, celle qui doit prendre une décision, est celle qui procède à l'examen. Une bonne quarantaine d'organisations différentes peuvent se retrouver dans cette position. Elles doivent déterminer dans quelle mesure il convient d'offrir au public la possibilité de participer et si l'on doit exiger du promoteur un programme de suivi. Elles prennent la décision finale et doivent également assurer la mise en oeuvre des mesures d'atténuation et du programme de suivi.
À ce sujet, j'aimerais vous dire ce qu'on entend exactement par suivi. Il s'agit de s'assurer que les mesures d'atténuation dictées par l'évaluation environnementale produisent bien les résultats escomptés. C'est un peu différent de la simple application de la loi. Si nous avions des inquiétudes concernant l'habitat et avons demandé à l'entreprise d'apporter les correctifs nécessaires en creusant un fossé de telle sorte que l'eau s'écoule dans la bonne direction au bénéfice des poissons et des autres espèces empruntant le cours d'eau visé, nous souhaiterions nous assurer que le fossé creusé a effectivement permis de détourner le cours d'eau en maintenant un débit suffisant par rapport à ce qui avait été prévu au départ.
Comme je l'ai indiqué, une étude approfondie est une évaluation plus poussée aboutissant à un document plus volumineux. Aux critères déjà applicables aux examens préalables s'ajoutent quelques éléments dont, par exemple, la nécessité d'envisager des solutions de rechange pour la réalisation du projet.
Notre agence est responsable de la plupart des études approfondies. Les seules exceptions sont celles qui concernent la Commission canadienne de sûreté nucléaire et l'Office national de l'énergie.
Un programme d'aide financière aux participants est l'un des éléments qui distinguent les études approfondies des examens préalables. Ainsi, si une communauté autochtone, un groupe environnemental ou un simple citoyen souhaite participer d'une manière ou d'une autre et a besoin de fonds pour effectuer des recherches ou mener des consultations à l'interne, il peut nous soumettre une demande en ce sens. C'est l'une des caractéristiques importantes de ce programme.
À l'issue d'une étude approfondie, c'est le ministre de l'Environnement qui doit prendre une décision quant à l'importance des effets négatifs du projet sur l'environnement. Cette décision est fondée sur une évaluation du projet dans sa version modifiée; elle ne porte pas sur le projet initial, mais bien sur la description qui en est faite dans l'étude approfondie, en tenant compte des changements conceptuels et des plans d'atténuation.
Parallèlement à cette responsabilité du ministre de l'Environnement, c'est le ministère visé qui demeure chargé de s'assurer que les mesures d'atténuation prévues ont bel et bien été prises. Souvent, comme je l'indiquais, il peut s'agir du ministre des Pêches et des Océans parce que c'est l'habitat du poisson qui est en jeu, pour vous donner cet exemple. Dans le contexte d'une étude approfondie, les programmes de suivi sont obligatoires.
En troisième lieu, nous retrouvons les évaluations environnementales effectuées par une commission d'examen. Des experts indépendants sont alors nommés par le ministre de l'Environnement. Ils peuvent effectuer des recherches, convoquer des témoins, tenir des audiences et formuler des recommandations au gouvernement. Il y a aussi possibilité d'aide financière aux participants. Dans ce cas particulier, le rôle de notre agence se limite à offrir un soutien administratif à la commission d'examen.
À l'issue de l'évaluation, l'instance responsable prend la décision finale avec l'approbation du gouverneur en conseil. Encore là, l'instance responsable assure la mise en oeuvre des mesures d'atténuation et du programme de suivi obligatoire.
En terminant, j'aimerais vous parler de collaboration fédérale-provinciale. L'environnement est véritablement une responsabilité partagée entre le gouvernement fédéral et les provinces. Comme vous le savez, les provinces ont leurs propres processus d'évaluation environnementale.
Dans un contexte semblable, il y a des risques de chevauchement et de dédoublement. La situation est difficile pour les promoteurs qui doivent satisfaire à deux ensembles d'exigence. Nous nous efforçons de collaborer avec les provinces de telle sorte que le processus soit aussi harmonieux que possible. Pour ce faire, nous avons conclu avec plusieurs provinces des ententes bilatérales qui définissent le mode de gestion conjointe des projets.
Les provinces sont généralement les principales responsables des évaluations environnementales menées en mode de collaboration et nous y participons activement.
Voilà donc les grands rouages de l'application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Je me ferai un plaisir de répondre à toutes vos questions.
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C’est une bonne chose à savoir.
Vous avez parlé de trois types d’évaluation, dont l'examen préalable. Chacun comporte des coûts. Je crois que le plus économique, c’est l'examen préalable.
Au cours des dernières années, il y a eu le Plan d’action économique du Canada auquel vous avez fait brièvement référence. Dans la foulée du budget de 2009, je crois, des changements ont été apportés à la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, notamment au chapitre des exigences qui entraîneraient une…. S’agissait-il des dispositions de réexamen ou de changements permanents, et que touchaient-ils? Ils ne s’appliquaient qu’aux projets d’infrastructures municipaux, n’est-ce pas? Ils n’auraient eu aucune incidence sur les projets du secteur privé, c’est exact?
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Merci, monsieur le président. Je remercie également nos deux témoins de leur comparution.
Je souhaite poser quelques questions, mais je voudrais d'abord examiner la collaboration fédérale-provinciale que vous avez évoquée et ses modalités concrètes. Je prends l’exemple d’un projet d'aménagement hydroélectrique au Québec. Je sais que le gouvernement québécois a souvent adopté le point de vue selon lequel un tel projet et son évaluation environnementale relevaient de sa compétence.
Par contre, je sais qu'un tel projet a des répercussions sur notamment les eaux navigables, les oiseaux migrateurs, les pêches et les terres autochtones, domaines qui relèvent du gouvernement fédéral. Un projet provincial peut avoir aussi des incidences dans une autre province.
Quelles mesures l'ACEE a-t-elle prises dans une telle situation? Je sais que des accords d'harmonisation ont été conclus. Vous avez évoqué brièvement le Nord du Québec. Un traité y a été signé et des évaluations environnementales y sont exécutées aux termes de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Quelles mesures prenons-nous?
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Si j'ai bien compris, vous voulez que je fasse un survol de l'obligation légale de consulter, ce à quoi je vais m'employer au cours des prochaines minutes.
Dès qu'il est question de ressources naturelles au Canada, nous songeons automatiquement aux Autochtones et aux ressources naturelles susceptibles de leur appartenir. Une telle attitude n'est guère surprenante, compte tenu du rôle joué par les Autochtones dans l'édification de notre pays depuis plus de 500 ans. La consultation a presque toujours caractérisé les relations entre les Autochtones et l'État. De la cession des terres ancestrales en vertu des traités conclus au XVIIIe siècle jusqu'à l'utilisation des terres indiennes aux termes de la Loi sur les Indiens et au récent recours à l'article 35 pour protéger les droits d’exploitation traditionnels, l'État a toujours privilégié la consultation.
Il ne fut donc pas surprenant qu'il y a environ sept ans, la Cour suprême ait établi, dans des arrêts faisant jurisprudence, que l'État avait l'obligation légale de consulter avant de prendre une décision susceptible d'entraîner des répercussions néfastes sur les peuples autochtones. Il s'agit des arrêts Haida, Taku River et Cris de Mikisew. L'État doit préalablement être informé de ces répercussions et tenir compte des intérêts des peuples autochtones. Selon moi, ces arrêts ne créaient pas tout à fait un précédent, mais les décisionnaires ont dû composer avec des enjeux considérables. Les juges voulaient avant tout garantir que les décisions concernant les Autochtones étaient justifiées, étaient légitimes et respectaient l'esprit de notre rapport avec les Premières nations.
Dans la foulée de ces arrêts, les organismes de réglementation ont hésité pendant quelque temps sur l'orientation à adopter. Certains craignaient qu'il faudrait une refonte complète de la réglementation canadienne, alors que, à l'opposé, d'autres estimaient qu'aucun changement n'était nécessaire, que ces arrêts étaient en fait sans conséquence. En réalité, la Cour suprême exigeait que les peuples autochtones soient véritablement consultés par les décisionnaires, que ces derniers tiennent compte des enjeux et des répercussions néfastes de leurs décisions, et que des accommodements soient préalablement conclus.
Le gouvernement a fait connaître sa réponse en 2007 dans le cadre de son plan d'action sur la façon dont cette obligation légale s'intégrerait à son processus décisionnaire. Ce plan d'action a été mis à jour en mars 2011.
Je voudrais ouvrir une parenthèse pour vous énumérer les principales modalités définies par la Cour suprême relativement à l'obligation légale de consulter pour les décisionnaires gouvernementaux. Il faut souligner qu'il s'agit d'une obligation légale, et non d'une obligation discrétionnaire. Par contre, ce n'est pas un obstacle ni à la prise de décisions, ni aux décisions efficaces et opportunes. Je répète à mes clients qu'une véritable consultation n'est pas nécessairement astreinte à des délais et ne procure nullement un droit de veto aux Autochtones. Il s'agit de prouver à une tierce partie — en l'occurrence, les tribunaux — que, avant de prendre une décision, vous avez déployé des efforts honnêtes et raisonnables pour tenir compte des enjeux de celle-ci et de ses répercussions néfastes éventuelles sur les Autochtones.
Il y a trois éléments principaux dont il faut tenir compte: la conduite de l'État; les droits ancestraux ou issus de traités, potentiels ou établis; les répercussions négatives potentielles.
En ce qui concerne la conduite de l'État assujettie à cette obligation, les représentants du gouvernement fédéral prennent littéralement des dizaines de milliers de mesures qui sont susceptibles d'avoir en théorie des répercussions sur les peuples autochtones. Pour la Cour suprême, ces répercussions doivent être néfastes, notamment celles d'une aliénation de terrains ou d'une évaluation réglementaire susceptible d'entraîner l'octroi de permis ou d'autorisations.
Abordons maintenant le deuxième élément, les droits ancestraux ou issus de traités, potentiels ou établis. Un groupe autochtone pourrait très bien s'opposer à un projet concernant un terrain ou une ressource naturelle si ses intérêts sont en jeu. L'organisme de réglementation ou les décisionnaires gouvernementaux doivent alors établir si les intérêts en jeu sont véritables aux termes l'article 35 de la Loi constitutionnelle, qui protège les droits ancestraux ou issus de traités. En bref, ce sont les droits traditionnels de chasse et de pêche qui sont au coeur de la culture autochtone passée et présente. Par conséquent, il ne s'agit pas simplement que les intérêts des Autochtones soient en jeu, il faut également que ces intérêts concernent des activités traditionnelles et soient visés par l'article 35.
Voyons maintenant le troisième élément, les répercussions négatives potentielles. Toutes les décisions n'entraîneront pas nécessairement des répercussions négatives sur les intérêts des Autochtones. En revanche, avant d'autoriser la construction d'un pipeline traversant le territoire où se pratique la chasse traditionnelle au caribou, les décisionnaires devraient déterminer si cette autorisation est assujettie à l'obligation de consulter. Je vous cite d'autres exemples: une modification réglementaire à l'utilisation des terres ou un projet produisant une pollution susceptible d'être préjudiciable à la flore et à la faune.
Ces trois éléments, additionnés, augmentent la gamme des possibilités en ce qui concerne les répercussions. « Consultation » est un terme très général. Les arguments du groupe autochtone pourraient être relativement faibles; les répercussions ne concerneraient peut-être pas un animal traditionnellement chassé ou une activité à laquelle on se livre. Les répercussions peuvent être très faibles. Il pourrait s'agir simplement d'échanger ou d'afficher de l'information, ou encore de faire un envoi postal.
Par contre, les arguments peuvent être fort pertinents. Un tribunal peut effectivement avoir reconnu le droit de propriété des Autochtones sur un terrain où un projet prévu est susceptible d'être très préjudiciable. Il faudrait alors mettre en oeuvre un processus de consultation solide et judicieux. Il ne s'agirait pas d'accorder un droit de veto, mais plutôt de mettre en oeuvre des accommodements pour compenser les répercussions négatives.
Merci, monsieur le président.
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Je vais vous livrer mes impressions, fondées sur les communications que j'ai eues avec des parties extérieures.
Après avoir parlé avec des groupes autochtones et l'industrie, j'ai constaté que la situation est loin d'être parfaite, en ce sens que nous aurions grand besoin d'un code qui nous donnerait toutes les règles à suivre. Toutefois, il est difficile d'établir un tel code à cause de la nature même de l'obligation de consulter et du fait qu'elle est souvent très particulière à un cas donné.
Cela dit, en appliquant des lignes directrices provisoires, le gouvernement a très bien réussi, au cours des dernières années, à énoncer dans le menu détail la façon dont les renseignements fournis par les promoteurs de projets et les Autochtones seront intégrés au processus décisionnel gouvernemental.
Après les décisions de la Cour suprême en 2005, une grande inquiétude régnait des deux côtés concernant les conséquences de ces décisions. Or, ces décisions remontent maintenant à six ans et la plupart des grandes entreprises de l'industrie des ressources ont investi beaucoup d'efforts et intégré des nouvelles façons de faire à leur mode de fonctionnement. Je dirais donc que ces compagnies ne sont probablement pas désavantagées par la situation.
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Nous fournissons des services juridiques à tous les ministères et organismes fédéraux. Pour ce qui est de l'obligation de consulter, notre façon de faire n'est pas réellement différente. On vient vers nous pour nous poser des questions particulières.
Étant donné qu'il s'agissait de décisions de la Cour suprême, nous avons investi beaucoup d'efforts dans le but de former les autres ministères, leur donner les outils nécessaires pour bien comprendre leurs obligations, dissiper les craintes et éviter que les processus réglementaires soient paralysés. Les ministères et organismes sont alors mieux équipés pour prendre les meilleures décisions possible qui pourront résister à des contestations futures devant les tribunaux.
Parfois, on nous consulte sur certaines choses, comme la solidité d'une revendication autochtone potentielle, ou encore on nous aide à décider de l'ampleur de la consultation à mener.
Je ne sais pas si cela répond à votre question.
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Je vous remercie de nous aider à comprendre ces questions.
Les décisions rendues par la Cour suprême du Canada relativement aux causes Delgamuukw, Haida et Taku ne concernent pas seulement l'obligation de consulter des Autochtones. Il s'agit surtout de les consulter et de répondre à leurs revendications, n'est-ce pas?
[Traduction]
J'ai été un peu étonnée de constater que vous parlez constamment de l'obligation de consulter. C'est peut-être une façon de présenter la chose au gouvernement fédéral. En Colombie-Britannique, nous parlons toujours de consultation et d'accommodement. Alors, j'essaie de mieux comprendre ce que cela signifie; je sais que vous vous démenez pour nous donner des explications, mais je vais revenir à mon exemple, c'est-à-dire la commission d'examen du projet de pipeline de Northern Gateway.
J'imagine que la revendication est solide, compte tenu du nombre de territoires autochtones que le pipeline va traverser et compte tenu également du transport du pétrole sur l'eau. Le projet suscite beaucoup d'intérêt, et je crois qu'on pourrait faire valoir comme argument que le risque d'impact négatif est grand. Pouvez-vous nous brosser le tableau de ce que pourraient constituer des consultations et des mesures d'accommodement adéquates dans un cas comme celui-là?
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J'ai des réticences à faire des hypothèses sur un projet qui est en cours. Si vous me le permettez, j'utiliserai un exemple légèrement différent, soit celui du gazoduc Mackenzie. Vous avez là un projet très important d'un gazoduc qui traverse une région habitée par plusieurs collectivités autochtones qui ont des revendications inégales; certaines ont des droits réels, à savoir reconnus et définis dans une entente de règlement de revendications territoriales, et d'autres groupes qui n'en sont pas encore rendus à cette étape, mais qui ont quand même des revendications très solides.
On a mené pour ce projet des consultations très approfondies. Les responsables ont communiqué beaucoup d'informations à toutes les étapes du processus décisionnel, pour ainsi dire. Beaucoup d'informations ont été communiquées, et un certain nombre de ministères ont déployé des efforts considérables pour envoyer des représentants dans les collectivités afin d'informer les populations et de leur faire comprendre le projet; en plus, on a vu à ce que ces collectivités aient l'argent nécessaire pour embaucher des spécialistes capables de les aider à préparer leur rétroaction. De plus, lorsque la rétroaction a commencé à entrer, des efforts énormes ont été déployés pour la recueillir, la comprendre et l'intégrer au processus décisionnel.
Et finalement, les mesures d'accommodement... Vous avez raison, j'ai peut-être pris des raccourcis lorsque je vous ai parlé du droit, de l'obligation de consulter. Je viens également de la Colombie-Britannique, alors je comprends très bien la façon dont la chose est vue là-bas. Les mesures d'accommodement constituent la deuxième étape du processus. Une fois que nous avons mené les consultations, que nous avons vraiment compris quels sont les enjeux en cause et réfléchi à leur incidence dans le processus décisionnel, nous sommes mieux informés pour examiner les mesures d'accommodement appropriées pour le problème ou les intérêts en cause, ou encore l'incidence négative que le projet peut avoir.
Il peut s'agir simplement de mieux informer les gens. Il peut s'agir également de reporter une décision pour permettre davantage de rétroaction. À l'autre bout du spectre, lorsqu'un projet a un impact physique important sur un intérêt particulier, comme un droit de chasse et de pêche, on peut aller jusqu'à changer le trajet d'un pipeline, ou donner d'autres directives sur la façon de construire l'installation.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à nos témoins de comparaître devant nous aujourd'hui.
J'ai quelques questions, dont une reprend celle posée par M. Anderson tout à l'heure.
Y a-t-il des facteurs à chaque niveau — au niveau de l'examen préalable, de l'étude approfondie et de la commission d'examen — qui amènent les responsables à conclure qu'il faut procéder à des consultations aux trois niveaux? Ou arrive-t-il que vous n'y soyez pas obligés?
J'aimerais comprendre quel facteur entre en ligne de compte, à chacun des niveaux, qui établit l'obligation de consulter.
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D'accord. Cela m'amène à ma prochaine question. Un projet d'exploitation minière pourrait être entrepris au Nouveau-Brunswick. Les responsables ont reçu le cadre de référence nécessaire pour commencer leur étude d'impact sur l'environnement, et il leur faudra un an pour s'exécuter et produire leur rapport.
J'ai deux ou trois questions, que j'aimerais poser à chacun des témoins.
Premièrement, madame Cutts, dans le cadre d'un projet conjoint fédéral-provincial comme celui-là, auquel pourrait participer le MPO, votre groupe participerait-il à l'élaboration du cadre de référence pour cette EIE?
Monsieur Hudson, je vous poserais la même question. Y aurait-il des consultations, une obligation de consulter, pour l'élaboration de ce cadre de référence?
Je me demande simplement, si on entreprend l'élaboration du cadre de référence et qu'une entreprise commence à échafauder l'étude d'impact, si ce sera une cible mobile pour elle au cours de l'année qui suivra.
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Eh bien, la bonne nouvelle, c'est que la plupart des régions du Nord ont fait l'objet de règlements en matière de revendications territoriales, et que la plupart de ces règlements modernes — en fait, tous — comprennent des dispositions prévoyant la nécessité de consulter les groupes autochtones dans la prise de décisions, en particulier pour ce qui est des processus d'évaluation environnementale.
La moins bonne nouvelle, c'est que ces dispositions ont été négociées avant que la Cour suprême du Canada ne définisse cette nouvelle obligation de consulter en common law. Il y avait en fait un litige. La Cour suprême du Canada a rendu une décision l'an dernier — qu'on a appelée Little Salmon — qui tranchait la question de l'interaction entre l'obligation en common law et les accords conclus.
En fait, le gouvernement du Yukon — parce que c'était au Yukon — faisait valoir que le traité, l'entente moderne, éclipsait entièrement l'obligation en common law, si bien qu'il n'avait qu'à s'en tenir à l'entente et n'avait aucune autre préoccupation. La Cour suprême du Canada n'était pas d'accord. Elle a dit que les gouvernements devaient pouvoir s'en remettre aux modalités de l'entente dans la mesure où elle recoupe ce qu'implique l'obligation de consulter en common law. Dans de nombreux cas, ce sera, de fait, suffisant, mais ce n'est pas tout à fait une garantie que vous n'aurez jamais à songer à l'obligation de consulter.
Je crois bien que la complexité des régimes d'évaluation environnementale prévus dans la plupart des traités modernes sera suffisante pour satisfaire à l'obligation de consulter en common law, mais c'est une étape à laquelle les décideurs devront réfléchir.