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Bonjour à tous. Nous poursuivons aujourd'hui l'étude de l'état actuel et futur des oléoducs et des gazoducs et la capacité de raffinage au Canada.
Nous accueillons aujourd'hui trois groupes de témoins. Le premier nous vient de Suncor Energy Inc., représentée par John Quinn, directeur général, Intégration et planification, raffinage et marketing.
Bienvenue.
Nous écouterons également le témoignage de Michael J. Ervin, vice-président, directeur des services de consultation, MJ Ervin and Associates, The Kent Group.
Bienvenue.
Nous entendrons enfin Joseph Gargiso, vice-président administratif, et Keith Newman, directeur de la recherche, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier.
Bienvenue, messieurs.
Les témoins feront leurs exposés selon l'ordre établi dans l'ordre du jour, après quoi nous passerons directement aux questions et aux observations des membres.
Nous commencerons par John Quinn, directeur général, Intégration et planification, raffinage et marketing, Suncor Energy Incorporated.
Vous avez la parole, monsieur.
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Monsieur le président, membres du comité, bonjour.
[Traduction]
Au nom de Suncor Énergie, je vous remercie de me donner l'occasion d'assister à la réunion de ce matin, et je me réjouis de pouvoir discuter avec vous de notre vision de nos activités de raffinage et de certains des défis et des possibilités qui se présentent à nous.
Mes remarques d'ouverture visent trois objectifs: premièrement, vous dresser un aperçu des activités de raffinage de Suncor au Canada et de leur incidence sur l'emploi et l'économie; deuxièmement, décrire sommairement ce que nous faisons pour assurer la compétitivité et la viabilité continue de nos raffineries; et troisièmement, peut-être le plus important, vous faire part de notre vision en ce qui concerne l'avenir du secteur du raffinage, ici, au Canada.
Suncor Énergie est la première société énergétique intégrée du Canada et la cinquième société énergétique d'Amérique du Nord. Nous sommes, bien entendu, surtout connus pour notre position de chef de file dans la production et la mise en valeur de sables pétrolifères, mais nous avons aussi d'importantes activités de raffinage et de commercialisation, de production de gaz naturel en Amérique du Nord et de production de pétrole et de gaz à la fois au large de la côté Est du Canada et à l'étranger.
Mais si je suis ici aujourd'hui, c'est principalement pour représenter notre secteur canadien du raffinage. Nous possédons quatre raffineries, dont trois sont situées ici au Canada: une à Edmonton, en Alberta, une à Sarnia, en Ontario, et une à Montréal, au Québec. La quatrième raffinerie est situées à Commerce City, tout près de Denver, au Colorado.
La capacité de traitement de pétrole brut combinée de nos trois raffineries canadiennes est d'environ 350 000 barils par jour. Nos raffineries sont intimement intégrées avec nos autres activités de raffinage et de commercialisation, qui incluent notre réseau de vente au détail comprenant 1 500 établissements Petro-Canada, entièrement exploités par des particuliers en affaires, notre réseau de vente de gros comprenant plus de 200 centres Petro-Pass et plus de 26 000 clients grossistes, et notre usine de lubrifiants de calibre mondial située à Mississauga, en Ontario, qui fabrique plus de 350 produits hautement spécialisés que nous vendons dans plus de 70 pays partout dans le monde.
Nous exploitons de nombreuses installations de distribution et de terminal à la grandeur du pays, et la plus grande usine d'éthanol du Canada, située juste à l'extérieur de Sarnia, en Ontario.
Ces activités combinées sont gérées à partir du réseau principal de la division situé à Mississauga, en Ontario. Au total, nos activités de raffinage et de commercialisation emploient 3 300 personnes à temps plein et créent des milliers d'emplois directement au sein de nos réseaux d'associés détaillants et grossistes et indirectement chez des entrepreneurs et des fournisseurs de toutes les régions du pays.
J'aimerais aussi mentionner que nos usines de valorisation à Fort McMurray, bien qu'il ne s'agisse pas à proprement parler de raffineries et qu'elles ne soient pas gérées par notre division du raffinage et de la commercialisation, produisent un certain volume de carburant diesel de grande qualité. La principale fonction de ces installations est de valoriser du bitume en pétrole brut synthétique de plus grande qualité, mais au cours de ce processus, une certaine quantité de carburant diesel est produite. Nous exploitons actuellement deux usines de valorisation à Fort McMurray et à elles deux, ces usines produisent environ 25 p. 100 de notre approvisionnement en carburant diesel dans l'ouest du Canada.
Avec ce survol rapide de nos activités de raffinage et de commercialisation, permettez-moi maintenant de me concentrer spécifiquement sur nos raffineries canadiennes.
Comme vous le savez, je crois, celles-ci contribuent de façon importante à l'économie. Selon un rapport publié récemment par le Conference Board du Canada, qui s'est penché sur les retombées du secteur canadien du raffinage du pétrole, la contribution estimative de ce secteur au PIB réal du Canada s'élevait à 2,5 milliards de dollars en 2009. D'après notre capacité de raffinage, Suncor représente un peu moins de 20 p. 100 du secteur, et je présume que nous contribuons au moins notre part de cet impact économique.
Je crois qu'il est également important de souligner que cette industrie emploie des travailleurs hautement qualifiés et que, par conséquent, nous versons des salaires nettement supérieurs à la moyenne. Le même rapport du Conference Board mentionne que les travailleurs des raffineries gagnent maintenant 50 p. 100 de plus que les travailleurs du secteur canadien de la fabrication dans son ensemble, et que cet écart salarial continue d'augmenter au fil des ans.
Nous attachons une grande valeur à chacune de nos raffineries et nous continuerons de les exploiter tant que nous pourrons le faire de façon compétitive et rentable.
Nous reconnaissons aussi l'importance de bâtir des relations durables avec toutes nos parties intéressées. Nos raffineries participent activement à la vie de la collectivité locale par l'intermédiaire de nos comités de liaison avec les collectivités, de notre appui à des organismes comme Centraide et de notre soutien considérable dans le cadre de programmes d'éducation, de formation et de bourses d'études.
En outre, nous sommes une industrie hautement réglementée. Nous collaborons étroitement avec les responsables des orientations politiques et les organismes de réglementation à tous les paliers de gouvernement pour tenter de faire en sorte que les règlements qui touchent notre industrie soient clairs, harmonisés et fondés sur la science, et qu'ils répondent en même temps aux besoins des Canadiens. Nous évoluons toutefois dans un secteur où la concurrence est mondiale et nous devons continuer de travailler ensemble à nous assurer que les règles du jeu sont aussi équitables que possible.
Donc, que faisons-nous pour aider à garantir la compétitivité et la rentabilité à long terme de nos raffineries? Nous travaillons particulièrement fort dans les domaines de l'industrie du raffinage que nous contrôlons directement, notamment la sécurité, l'efficience et la fiabilité. Nous avons fait des progrès considérables dans chacun de ces domaines au cours des dernières années et nous comptons poursuivre ces efforts.
Nous avons aussi fait d'importants investissements dans toutes nos raffineries, des investissements qui nous permettent d'améliorer notre performance sur le plan de la sécurité, de la fiabilité et de la protection de l'environnement, de rehausser la qualité de nos carburants et combustibles, et d'adapter nos raffineries à la composition changeante de la gamme de pétroles bruts canadiens.
J'aimerais souligner en particulier les investissements de plusieurs milliards de dollars que nous avons faits ces dernières années à Edmonton et à Sarnia pour adapter ces installations afin qu'elles puissent traiter exclusivement du pétrole brut provenant de l'Ouest du Canada et dans le cas d'Edmonton, du pétrole brut dérivé à 100 p. 100 de sables pétrolifères. Ces investissements ont positionné les deux raffineries de telle manière qu'elles puissent abandonner les bruts légers classiques de l'Ouest du pays, qui sont de moins en moins disponibles, et tirer davantage parti de l'offre croissante de bruts à base de sables pétrolifères.
À l'heure actuelle, Montréal est notre seule raffinerie canadienne à ne pas être reliée au pétrole brut de l'Ouest. Environ 25 p. 100 de son approvisionnement en brut actuel provient de la production de pétrole au large de la côte Est du Canada, mais le reste provient de l'étranger. Elle a actuellement la capacité de traiter certains bruts de l'Ouest, mais aucun pipeline ne permet de le faire de façon rentable. C'est pourquoi nous appuyons le projet visant à inverser le sens d'écoulement du pipeline 9 d'Enbridge. L'inversion de ce pipeline, actuellement conçu pour acheminer des produits de Montréal vers Sarnia, permettrait à la raffinerie de Montréal de s'approvisionner en bruts de l'Ouest. Cela pourrait favoriser des investissements à Montréal pour permettre à la raffinerie de s'adapter de façon plus complète à ces bruts. Selon nous, cette mesure aidera à assurer la flexibilité, la performance et la viabilité à long terme de cette raffinerie.
En ce qui concerne la manière dont nous envisageons l'avenir de nos raffineries au Canada, comme je l'ai indiqué, nous sommes déterminés à continuer de les exploiter tant qu'elles seront concurrentielles et rentables, mais en réalité, le Canada est un exportateur net de produits pétroliers raffinés. Selon ce qu'indiquent des rapports récents que j'ai lus, les États-Unis en sont également devenus un en 2011, pour la première fois en soixante ans.
D'après les perspectives énergétiques mondiales établies par l'AIE, bien que l'on puisse s'attendre à une croissance continue de la demande mondiale de pétrole durant de nombreuses années à venir, de même qu'à une croissance modérée de la demande de carburant diesel en Amérique du Nord, la demande totale d'essence et de carburant diesel en Amérique du Nord et dans les autres pays membres de l'OCDE devrait diminuer. Le surplus actuel de capacité de raffinage en Amérique du Nord, combiné à la demande en baisse, n'est pas très propice à l'expansion de la capacité de raffinage nationale.
Les pays en développement auront assurément besoin d'une capacité de raffinage; il est donc presque certain qu'on y construira des raffineries. Nos raffineries sont toutefois bien positionnées pour être concurrentielles dans leur marché local respectif, et nous continuerons de travailler fort et de faire les investissements nécessaires pour appuyer cet objectif. En ce moment, toutefois, notre vision de l'avenir n'appuie pas d'augmentations importantes de la capacité de nos raffineries au Canada.
Cela étant dit, Suncor planifie une expansion de 200 000 barils par jour de ses opérations de valorisation de pétrole brut à Fort McMurray d'ici 2017. Cela entraînera un accroissement d'environ 30 000 barils par jour de l'approvisionnement en carburant diesel. Nous sommes en train d'évaluer des options en vue de déterminer comment nous commercialiserons cette offre accrue de carburant diesel.
En terminant, c'est avec beaucoup d'intérêt que nous continuerons de travailler avec les gouvernements à nous assurer que les conditions nécessaires sont en place pour soutenir une industrie du raffinage durable dans ce pays et à nous assurer que nous sommes capables de rivaliser sur un pied d'égalité avec nos homologues à l'échelle internationale.
J'aimerais également inviter les membres du comité, les autres députés ou quiconque assiste à la séance d'aujourd'hui à venir visiter nos raffineries. Je serais heureux d'organiser ces visites.
Je vous remercie, et c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
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Bonjour, monsieur le président et honorables membres du comité. Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous pour traiter de l'état actuel et futur des oléoducs et des gazoducs et de la capacité de raffinage au Canada.
Mon entreprise, MJ Ervin and Associates, une division du Kent Group, est un cabinet qui conseille des membres de l'industrie pétrolière. Nous nous spécialisons dans les activités en aval, soit le raffinage et la commercialisation. Nos clients représentent un large éventail d'intérêts, et je crois pouvoir dire que nous avons une réputation d'impartialité au sujet de l'industrie. Aujourd'hui, je parlerai surtout de l'état actuel et futur du secteur du raffinage.
En Amérique du Nord, ce secteur se caractérise par une baisse marquée du nombre de raffineries. Dans les années 1970 et 1980, on en comptait plus de 360. Il n'y en a plus que 140 aujourd'hui. Au Canada, il ne reste que 15 raffineries capables de fabriquer une gamme diverse de produits de carburant. On en dénombrait autrefois plus de 40. Certains pourraient croire que ce déclin est attribuable à la baisse de la demande, mais ce n'est pas le cas, puisqu'au cours de cette période, la demande nord-américaine de pétrole a augmenté constamment. La fermeture de quelque 200 raffineries depuis 1970 est plutôt la conséquence d'un piètre rendement du capital, lequel était attribuable à une surcapacité et à de faibles marges de craquage.
La marge de craquage est la différence entre, d'une part, le revenu par baril que le raffineur tire de la vente d'un produit comme l'essence et, d'autre part, le coût du pétrole brut qui a servi à produire ce même baril. C'est le principal indicateur de rendement qu'utilisent les analystes en finances et en investissement de l'industrie afin de déterminer la santé du secteur du raffinage.
Pourquoi donc tant de raffineries ont dû fermer leurs portes? Parce que les raffineries plus petites et moins efficaces n'avaient pas de marge de craquage suffisante et que leur rendement du capital ne justifiait pas leur maintien en activité. On pourrait croire que, une fois la raffinerie construite, le rendement du capital a moins d'importance sur l'avenir de l'installation, mais en raison des nouvelles exigences sur la qualité du carburant, comme celles concernant la réduction du plomb, du benzène, des oléfines, de la pression de vapeur et du soufre, beaucoup de petites raffineries ne pouvaient pas justifier les investissements de millions de dollars nécessaires pour se conformer aux exigences. Elles n'ont eu d'autre choix que de fermer.
Il a fallu attendre jusqu'au milieu des années 1990 pour que les marges de craquage deviennent assez intéressantes pour attirer des investissements de capitaux ne servant pas seulement à répondre aux exigences sur la qualité du carburant. En fait, grâce à la hausse continue de la demande de pétrole, les raffineries nord-américaines ont commencé à enregistrer des taux d'utilisation de plus de 90 p. 100. Beaucoup avaient déjà pris de l'expansion pour répondre à la demande et tirer profit des meilleures marges de craquage.
Ainsi, jusqu'en 2008, le secteur du raffinage a généré, pendant quelques années, des profits qui atteignaient les seuils objectifs fixés pour la hausse des investissements nécessaires à la croissance. Quelques raffineurs nord-américains avaient même annoncé des projets d'usines propres. Évidemment, les choses ont changé par la suite. La récession mondiale a fait chuter la demande de produits raffinés aux États-Unis et ailleurs, de même qu'au Canada, quoique dans une moindre mesure. Dans un secteur qui, il y a quelques années encore, marchait à plein régime, on assiste maintenant à des fermetures de raffineries et à la mise en veilleuse — si ce n'est à l'abandon pur et simple — des projets de nouvelles raffineries.
Voilà où nous en sommes aujourd'hui. Mais que nous réserve l'avenir?
Différents facteurs contribueront au déclin à long terme de la demande d'essence en Amérique du Nord. Mentionnons, par exemple, les nouvelles habitudes de consommation, l'évolution des technologies de l'automobile et les interventions gouvernementales, comme l'adoption récente d'exigences sur la teneur en carburant renouvelable dans l'essence et le diesel. L'essence est le produit pétrolier le plus fabriqué en Amérique du Nord; 40 p. 100 du baril sont destinés à sa production. Une baisse de la demande en essence aurait donc un effet considérable sur la production nette des raffineries américaines et canadiennes, et ce, même si la consommation de diesel repart à la hausse, ce qui a toutes les chances d'arriver lorsque l'économie américaine se rétablira complètement.
À la lumière de ces prévisions, et compte tenu des fermetures en série constatées récemment dans le secteur nord-américain du raffinage, les chances qu'un raffineur augmente massivement sa capacité sont à peu près nulles, du moins, dans un avenir prévisible.
J'entends dire parfois que la construction de nouvelles raffineries au Canada ferait baisser le prix de l'essence en gros et à la pompe au profit des consommateurs canadiens. Il faut cependant comprendre que les raffineries canadiennes sont indissociables du grand système nord-américain et que la baisse du prix de gros au Canada attirerait rapidement les grossistes américains, ce qui ferait remonter le prix tôt ou tard chez nous.
La capacité de valorisation du bitume est un autre sujet qui pourrait intéresser le comité. Précisons, par souci de clarté, que les usines de valorisation ne sont pas des raffineries, comme l'a indiqué M. Quinn. Ainsi, même si nous ne prévoyons pas le besoin d'accroître la capacité de raffinage, celle de la valorisation devra prendre de l'expansion, car la capacité de production des sables bitumineux canadiens continue d'augmenter.
Selon une école de pensée, le Canada a une excellente occasion de devenir un grand exportateur de produits pétroliers raffinés plutôt que de se contenter d'exporter sa production croissante de bitume. Cette mesure permettrait de créer et de maintenir des emplois qualifiés au Canada. L'idée est intéressante, mais elle créerait une situation paradoxale: le Canada augmenterait de façon massive sa capacité de raffinage au moment même où les États-Unis réduisent la leur dans une proportion comparable. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'un tel scénario constituerait une utilisation inefficace des immobilisations.
Je terminerai en signalant quelques autres facteurs qui pourraient avoir un effet important sur la capacité de raffinage au Canada, et même en Amérique du Nord. D'abord, la capacité de raffinage augmentera assurément dans certaines régions, notamment dans les pays BRIC. Compte tenu de ce facteur et de la surcapacité du secteur en Amérique du Nord et en Europe, les marges de craquage devraient rester mauvaises pendant un certain temps.
Par ailleurs, la construction du pipeline Keystone XL ou du pipeline Northern Gateway, de même que l'inversion de la canalisation 9, amélioreront l'accès du brut du Mid-Continent aux marchés internationaux, ce qui ramènera son prix à un niveau équivalent à celui du brut transporté par voie d'eau, dont le Brent. Ces projets constituent une bonne nouvelle pour l'industrie canadienne en amont, mais ils réduiront, en aval, les marges de craquage des raffineries qui traitent le brut du bassin sédimentaire de l'Ouest canadien.
Enfin, toute nouvelle prescription sur les spécifications des produits exigera inévitablement d'autres investissements dans les installations. Comme ces sommes ne viseront pas à accroître la capacité, les acteurs les plus marginaux du secteur pourraient voir leur viabilité compromise.
Ces divers facteurs nous permettent le pronostic suivant: il est peu probable que la capacité canadienne de raffinage augmente grandement d'ici une dizaine d'années et peut-être plus. En fait, les facteurs que j'ai décrits pourraient entraîner une contraction de cette capacité. Or, ces facteurs sont hors de la volonté des raffineurs et tous – sauf un – échappent également aux responsables des politiques canadiennes, l'exception étant l'adoption d'exigences sur les spécifications des produits.
Je vous remercie de m'avoir invité à vous faire part de mon point de vue. Je suivrai avec intérêt la discussion sur ce sujet.
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Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de nous avoir invités ce matin.
Je m'appelle Keith Newman. Je suis directeur du service de la recherche du syndicat. Nous avons des notes, mais nous allons faire parvenir la traduction plus tard au comité. Encore une fois, je vous remercie.
[Traduction]
Le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier remercie le comité. Nous représentons 120 000 travailleuses et travailleurs au Canada, dont 30 000 sont répartis dans le secteur énergétique de l'exploitation du pétrole en mer et de l'extraction du gaz, chez Suncor, et dans les raffineries, les usines à gaz, les usines de pétrochimie et la distribution de gaz. Nous sommes profondément préoccupés par la sécurité et les impacts environnementaux des méthodes utilisées pour approvisionner la population canadienne en combustibles fossiles, et par le maintien d'une source sûre pour les Canadiens dans un monde incertain — à mon avis, c'est au coeur de ce dont nous vous parlerons aujourd'hui.
En ce qui a trait au raffinage, deux importantes raffineries ont fermé leurs portes au cours des dernières années en Ontario et au Québec, et nous ont forcés à dépendre de fournisseurs étrangers pour obtenir des produits pétroliers raffinés, notamment l'essence. Une grande partie de la population de l'est du Canada dépend maintenant de la bonne volonté d'étrangers pour obtenir l'essence nécessaire au fonctionnement de leurs véhicules automobiles.
Au début de 2005, Petro-Canada a fermé la raffinerie d'Oakville, dans la région de Toronto. La production annuelle de produits pétroliers raffinés en Ontario s'est alors effondrée de près de 20 p. 100, forçant ainsi l'Ontario à dépendre d'autres régions. Avant cette fermeture, la production de produits pétroliers raffinés en Ontario était équilibrée: la consommation était égale à la production. Après la fermeture, cet équilibre a disparu, et la région de l'Ontario a dû compter sur les surplus de production du Québec et de pays étrangers pour combler ses écarts annuels d'environ 5 millions de mètres cubes de produits pétroliers raffinés.
Cet événement a également entraîné la perte de 350 emplois hautement spécialisés et bien rémunérés. Toutefois, ce n'est que l'une des conséquences. Des milliers d'emplois additionnels ont été perdus chez les entrepreneurs et les fournisseurs, et d'autres personnes de la collectivité ont été perdantes dans cette affaire puisqu'elles ne profitent plus des dépenses de ces travailleurs.
Bien que l'écart dans la production de l'Ontario ait été comblé par l'excédent de capacité au Québec, qui équivalait à peu de choses près aux besoins de la province voisine, la situation de l'Ontario était toujours précaire. En 2007, l'incendie survenu à la raffinerie d'Imperial Oil à Nanticoke, près de Hamilton, a entraîné une pénurie d'essence pendant plusieurs semaines dans le sud de l'Ontario. On savait très bien que l'offre limitée dans la province était la principale cause de la pénurie. Non seulement Imperial Oil a-t-elle fermé 100 stations d'essence, soit le quart de tous ses points de services, mais en plus, Petro-Canada a fermé 30 stations en plus d'en soumettre 80 autres à un rationnement. Shell a également dû fermer 5 stations d'essence. Le prix de l'essence a bondi de 10 à 15 cents le litre jusqu'à ce que la pénurie se soit résorbée.
Depuis octobre 2010, soit environ un an, la situation s'est aggravée. Le 1er octobre 2010, Shell Canada fermait sa raffinerie à Montréal, forçant la région du Québec et de l'Ontario à dépendre de fournisseurs étrangers. Avant cette fermeture, le Québec produisait environ cinq millions de mètres cubes de produits pétroliers raffinés de plus que sa consommation, et était en mesure de combler l'écart de l'Ontario. Depuis cette fermeture, le Québec est à peine autosuffisant. Encore une fois, lorsque la raffinerie de Shell a fermé ses portes, des centaines de travailleuses et de travailleurs ont perdu des emplois hautement spécialisés et bien rémunérés, et plusieurs emplois additionnels directs et indirects ont également disparu.
Selon une étude de l'Institut de la statistique du Québec, un organisme du gouvernement du Québec, le SCEP estime qu'au moins 2 000 emplois ont été perdus. Une étude récente du Conference Board du Canada parue en octobre dernier s'intéressait aux effets, sur l'économie canadienne, d'une perte de 10 p. 100 de la capacité canadienne de raffinage. Le Conference Board estimait que si 10 p. 100 de la capacité de raffinage était perdue sur une période de 5 ans, les conséquences se chiffreraient ainsi: une perte de 38 300 années-personnes de travail, une baisse de 4 milliards de dollars du PIB cumulatif et une perte de 508 millions de dollars en impôts provinciaux et fédéraux.
Dans le cadre de l'étude, le Conference Board indique que les résultats peuvent être utilisés de façon linéaire. Ce faisant, nous estimons que les fermetures des raffineries d'Oakville et de Montréal auront entraîné, sur une période de 5 ans, la perte de près de 25 000 années-personnes de travail — je devrais préciser qu'il s'agit encore ici d'emplois directs, indirects et induits —, de 2,6 milliards de dollars du PIB et de 330 millions de dollars en impôts sur le revenu, tant au fédéral qu'au provincial. Désormais, l'Ontario et le Québec sont vulnérables aux perturbations dans les approvisionnements provenant d'Europe, car c'est de là que provient l'essence qui manque. Cet écart est comblé par une flottille de pétroliers qui empruntent la Voie maritime du Saint-Laurent jusqu'à Montréal. D'ailleurs, le port de Montréal a enregistré une année record l'an dernier. Les dommages causés à l'environnement se sont naturellement aggravés en raison des déversements inévitables associés au trafic des navires pétroliers.
Toutefois, l'Ontario demeure vulnérable aux perturbations dans l'approvisionnement puisqu'elle est encore à court d'essence. En août dernier, la province a encore déploré une pénurie d'essence. L'Ontario a bel et bien connu une pénurie à l'été 2011, quelques années après celle de 2007. Cette fois-ci, la situation s'est produite — écoutez bien — parce que les réparations à la raffinerie de Shell à Sarnia ont duré plus longtemps que prévu. Ce n'était pas en raison d'un accident bizarre. Il s'agissait d'un entretien courant qui a tout simplement duré plus longtemps que prévu. La population de la région du Grand Toronto, de Sarnia et de London a été touchée.
Nous croyons qu'il s'agit de la nouvelle norme au Canada — dans l'est du Canada, du moins. L'approvisionnement en produits raffinés est maintenant si fragilisé qu'une perturbation chez nous ou en Europe, un accident dans une raffinerie ou tout autre événement grave entraînera une pénurie et un rationnement de l'essence. Nous nous sommes mis dans une situation très inconfortable, voire dangereuse.
Mon nom est Joseph Gargiso. Je suis le vice-président administratif du SCEP et je suis le coordonnateur du programme de négociations dans le secteur du pétrole pour ce syndicat.
Comme le texte est en anglais, ce sera plus facile de le lire dans cette langue plutôt que de le traduire au fur et à mesure. Par contre, on vous enverra la version française.
[Traduction]
En ce qui a trait à l'approvisionnement de pétrole, le Canada a la chance de disposer d'importants gisements de pétrole et de gaz naturel. La plus grande partie de ces ressources est extraite de l'Ouest canadien, mais la région de l'Atlantique en produit également une quantité appréciable. Théoriquement, nous sommes autosuffisants en pétrole, mais ce n'est pas le cas en pratique. Malgré l'abondance apparente de nos ressources en combustibles fossiles, nous pourrions nous heurter à une grave pénurie, voire à un rationnement dans le futur.
Le plus grave problème qui nous guette est associé à la dépendance aux importations de pétrole brut de l'est du pays. Les provinces de l'Atlantique et le Québec, en particulier, importent presque tout leur pétrole. Les raffineries du Québec reçoivent seulement 13,5 p. 100 de leur pétrole brut du Canada. Le reste est importé de sources étrangères, principalement de l'Algérie, de la mer du Nord, du Kazakhstan et de l'Angola. Certains de ces pays ont connu des perturbations politiques et même des guerres civiles ces dernières années. Heureusement, l'approvisionnement de pétrole n'a pas été perturbé, et nous espérons que notre chance restera au rendez-vous.
Comme le Québec, les provinces de l'Atlantique ne reçoivent du Canada qu'un infime pourcentage de leur pétrole brut — à peine 17 p. 100. Le reste est importé de sources étrangères. Environ la moitié provient des pays de l'OPEP, notamment de l'Arabie saoudite, du Nigeria, de l'Iraq, du Venezuela et de l'Angola. Le reste provient de la mer du Nord et de plusieurs autres pays, notamment la Russie, le Brésil et la Guinée équatoriale. Certains de ces pays ont connu des perturbations politiques et des guerres civiles au cours des dernières années. Heureusement, l'approvisionnement de pétrole n'a pas été perturbé, et nous devons espérer que la tendance se maintiendra.
Enfin, même si l'Ontario importe également une quantité appréciable de pétrole brut de sources étrangères, c'est la province de l'est qui peut compter sur la source la plus fiable, c'est-à-dire le Canada. Près de 80 p. 100 du pétrole raffiné en Ontario provient du Canada, mais la sécurité énergétique de la province demeure incertaine en raison de sa capacité de raffinage inadéquate qui la force à dépendre de sources étrangères pour le raffinage des produits.
En ce qui concerne les propositions de pipeline malavisées, le SCEP croit que les deux projets de pipeline récemment proposés vont à l'encontre de l'intérêt public puisqu'ils forceraient le Canada à dépendre de fournisseurs étrangers pour répondre aux besoins énergétiques fondamentaux de la population. Si les projets de pipeline TransCanada Keystone XL vers les États-Unis et d'Enbridge Northern Gateway vers la côte du Pacifique se réalisaient, le Canada serait voué à exporter une grande quantité de son bitume brut de l'Ouest canadien, qui serait transformé à l'étranger. Cette source d'énergie ne doit pas être exportée avant d'assurer notre propre indépendance et sécurité énergétiques.
On peut difficilement imaginer que les États-Unis, les pays européens ou la Chine se permettraient de dépendre d’autres pays pour leurs approvisionnements énergétiques s'ils peuvent éviter une situation aussi potentiellement problématique et précaire. Notre sécurité énergétique est déjà compromise en partie par les dispositions de proportionnalité de l’ALENA, qui exigent que le Canada maintienne ses exportations d’énergie vers les États-Unis même en cas de pénurie nationale. Nous ne devons pas aggraver la situation en construisant d’autres pipelines vers les États-Unis ou l’Asie.
Nous devons également garder à l’esprit la question des emplois. Michael McCracken, PDG d’Informetrica, un éminent économiste très au fait de l’industrie pétrolière canadienne, a estimé que pour chaque tranche de 400 000 barils de bitume brut exporté pour être transformé et raffiné à l’étranger, le Canada perd 18 000 emplois — comme vous l'a dit le représentant de Suncor, les emplois sont bien rémunérés dans ce secteur.
Il s’agit ici d’un nombre très prudent parce que M. McCracken n’a pas pris en compte le nombre d’emplois qui seraient perdus dans les activités en aval, notamment dans la fabrication de produits chimiques, pétrochimiques, plastiques et d’autres dérivés. Bien évidemment, l’exportation du bitume ne sert pas l’intérêt de la population canadienne, tant en ce qui a trait à la sécurité énergétique qu’à la création d’emplois.
Nous sommes conscients que les pétrolières de propriété étrangère et canadienne veulent maximiser leurs profits à court terme en exportant le bitume brut vers les marchés extérieurs. Toutefois, permettre que des milliers d’emplois soient déplacés aux États-Unis ou en Chine ne fait que refléter les excès les plus élémentaires de notre passé colonialiste. Nos ressources naturelles doivent être traitées chez nous. Il est temps que notre gouvernement fédéral parle au nom du Canada.
Pour ce qui est de l'indépendance énergétique et la sécurité du Canada, affirmer que nous vivons dans un monde marqué par l’incertitude est une lapalissade. Cette situation est clairement apparue depuis les derniers mois dans la foulée des rumeurs d’attaques militaires contre l’Iran. Si ces menaces étaient mises à exécution et que l’Iran fermait le détroit d’Hormuz en guise de représailles, comme il a menacé de le faire, le transport de 40 p. 100 du pétrole provenant du Moyen-Orient serait interrompu.
Pouvons-nous raisonnablement croire que nous serions en tête de liste pour recevoir notre pleine part d'un approvisionnement de pétrole étranger beaucoup moins important? En réalité, si une interruption devait se produire, nous serions contraints de diminuer radicalement notre consommation. Si cela devait arriver en hiver, nous serions forcés de rationner l'huile de chauffage, et plusieurs milliers de personnes devraient être logées dans des refuges.
Confrontés eux-mêmes à de graves pénuries, les pays d'Europe continueraient-ils à nous fournir les produits raffinés que nous importions, ou ne les utiliseraient-ils pas d'abord pour répondre à leurs propres besoins? Poser la question, c'est y répondre. L'Est du Canada serait privé des produits qu'il importe d'Europe et serait forcé de rationner les réserves, en plus d'être confronté à une perturbation économique.
Les régions les plus vulnérables à une interruption de l'approvisionnement en pétrole du Moyen-Orient sont les provinces de l'Atlantique, dont le quart de l'approvisionnement en pétrole dépend de cette région, et l'Ontario, qui importe des produits raffinés de pays qui dépendent eux-mêmes du Moyen-Orient.
Certains de nos fournisseurs ont connu des conflits civils dans le passé. Si d'autres affrontements éclatent et s'intensifient dans les années à venir, notre approvisionnement en pétrole pourrait s'en trouver compromis, ce qui aurait de graves conséquences. Souhaitons que cela n'arrivera pas, mais s'en remettre à la chance n'est jamais une stratégie bien prudente.
Bien que la situation soit moins alarmante, l'incertitude plane sur l'importation de produits raffinés des pays européens. En ce moment, l'Europe présente un surplus de production de carburant et ne voit aucun inconvénient à nous vendre ses excédents. Toutefois, à moyen terme, les entreprises de raffinage européennes pourraient être tentées de s'éloigner du diesel et de faire campagne pour une consommation accrue de carburant. Si elles ne réussissent pas à convaincre l'industrie, elles pourraient bien carrément mettre un terme à leur production de carburant. D'une façon ou d'une autre, les exportations européennes au Canada pourraient être compromises à moyen terme, à tout le moins à un prix raisonnable.
Un projet prometteur a vu le jour en 2011. Enbridge a proposé d'inverser sa ligne 9 entre Sarnia et Montréal, afin d'approvisionner l'Est canadien en pétrole brut provenant de l'Ouest. Si cette proposition est acceptée et que le pétrole est raffiné au Canada, les provinces de l'Est pourraient réduire de 20 à 25 p. 100 leur importation de pétrole à l'étranger. La concrétisation de ce projet s'avérerait un pas dans la bonne direction pour acquérir une certaine autonomie énergétique.
En terminant, rapidement, le SCEP croit que le Canada devrait viser une totale autonomie énergétique et une sécurité d'approvisionnement en combustibles fossiles, et que l'Est canadien doit se procurer le pétrole dont il a besoin auprès de l'Ouest canadien. Un pipeline rejoignant l'Alberta et l'Ontario existe déjà: le gazoduc de TransCanada Pipelines. Il nous faut également un oléoduc entièrement canadien. C'est la seule façon de s'assurer que notre approvisionnement en pétrole ne sera pas interrompu par des intérêts concurrentiels en cas de crise. Avant de construire cet oléoduc, il faudra veiller à ce que le projet respecte entièrement les droits des peuples autochtones et à ce qu'il réponde à des normes environnementales plus sévères.
Pour conclure, le SCEP demande au Comité permanent des ressources naturelles de recommander au gouvernement fédéral de veiller à l'autonomie et à la sécurité énergétiques du Canada en rétablissant l'indépendance de la région du Québec et de l'Ontario à l'égard des produits pétroliers raffinés, et ce, en offrant des mesures pour encourager l'accroissement de la capacité de raffinage dans cette région; en faisant en sorte que nous dépendions moins du pétrole étranger en appuyant l'inversion de la ligne 9 d'Enbridge; et en imposant la condition que le pétrole brut de l'Ouest canadien soit utilisé pour remplacé le pétrole importé, assurant ainsi l'autonomie et la sécurité énergétiques du Canada, grâce à un oléoduc transcanadien construit pour transporter le pétrole brut de l'Ouest vers l'Est du pays, à la condition de respecter entièrement les droits des peuples autochtones et les plus hautes normes environnementales.
Merci de votre patience.
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Le Canada n'a pas de stratégie énergétique nationale à l'heure actuelle. Il y a un manque. Je veux dire par là que c'est à croire que la main gauche ne sait pas ce que fait la main droite.
Si, avec des réserves prouvées, le Canada devenait soudainement la deuxième puissance mondiale en fait de production pétrolière, après l'Arabie saoudite, comment pourrions-nous exploiter cette position pour maximiser les retombées économiques? Je ne parle pas des profits d'une seule raffinerie, mais de l'ensemble du pays.
Si une étude non contestée révélait qu'exporter du bitume brut, non transformé... Je ne fais pas référence aux produits raffinés. Je veux dire sans même séparer le sable du bitume, ce qui est la première étape de la transformation. Si on exporte 400 000 barils par jour, cela correspond à 18 000 emplois. Et il ne s'agit pas d'emplois dérivés, mais d'emplois directs bien rémunérés, à 40 000 $, 50 000 $ et 60 000 $. Les gens qui gagnent ces salaires paient des impôts et contribuent à l'économie. Que faisons-nous? Le bitume brut est destiné à la raffinerie située sur la côte du Golfe du Mexique aux États-Unis, que nous voulons alimenter. C'est ce qui pose problème.
Que pouvons-nous faire? Nous avons les ressources, mais nous créons des emplois ailleurs. Je ne nie pas que la vente de cette ressource naturelle, le bitume brut, va rapporter de l'argent. Je suis d'accord, mais nous ne faisons rien pour maximiser cette ressource.
Il faut être prudent à l'égard de la capacité de raffinage. Si nous ne prenons pas les bonnes décisions, nous pourrions devoir fermer certaines de nos raffineries actuelles.
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Merci, monsieur le président.
Bienvenue à nos témoins. Merci beaucoup d'être ici. Les présentations des deux dernières séances ont été très éclairantes, et je suis impatient d'entendre les témoignages des deux prochaines.
Le NPD a déposé cette motion visant à étudier les raffineries et les pipelines pour trois raisons. Premièrement, nous sommes très préoccupés par le déclin du raffinage en sol canadien. Deuxièmement, on entend beaucoup parler des pipelines, et nous voulons savoir exactement quels sont les avantages et les risques associés aux pipelines, surtout les nouveaux. Et troisièmement, probablement le point le plus important, le a promis d'élaborer une stratégie énergétique pour le Canada. Il a fait cette promesse en juin, et cela ne s'est toujours pas concrétisé.
Le NPD utilise les informations que vous nous fournissez pour faire ses propres recherches. Nous avons une importante équipe travaillant à produire notre propre stratégie énergétique, que nous présenterons plus tard cette année. Nous allons mettre l'accent sur la sécurité d'approvisionnement intérieur de pétrole, les marchés d'exportation, notre plan d'action à l'égard des changements climatiques et, un aspect particulièrement important, comment adopter des sources d'énergie plus écologiques.
J'y vais tout de suite avec une question sur le raffinage. Selon les statistiques qui nous ont été présentées à notre dernière séance, depuis 1980, le nombre de raffineries en opération au Canada a chuté de 39 à 15. Il s'agit d'une diminution de 60 p. 100. Au cours de la même période, notre capacité de raffinage est passée d'environ 2,2 millions de barils par jour à quelque 1,9 million de barils par jour. C'est une baisse d'à peu près 15 p. 100 pour cette période. À notre avis, les perspectives pour la capacité intérieure de raffinage sont peu réjouissantes.
Ma question s'adresse à nos trois témoins d'aujourd'hui. Comment entrevoyez-vous l'avenir de l'industrie du raffinage de pétrole au Canada à long terme?
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Parlons simplement de l'expérience de Suncor. Quelques années plus tôt, la fusion avec Petro-Canada nous a bien sûr permis de profiter de son expérience.
Il a été question de la raffinerie d'Oakville, en Ontario, fermée en 2005. La décision a été très difficile à prendre. Au fil des ans, j'ai participé aux fermetures de plusieurs raffineries, survenues lorsque l'industrie commençait à rationaliser ses activités dans les années 1980. Ces décisions ne sont pas prises de gaieté de coeur. Nous avons envisagé toutes les possibilités pour sauver la raffinerie d'Oakville, mais nous ne sommes pas à l'abri des économies d'échelle réalisées dans le monde. C'était une petite raffinerie qui demandait un investissement colossal pour réduire le soufre dans l'essence et le diesel.
La raffinerie n'était simplement plus viable par rapport aux investissements nécessaires. En revanche, nous avons pris de l'expansion à Montréal. La capacité de production de brut léger n'est pas la même qu'à Oakville, mais c'est tout comme. Nous avons remplacé toute la capacité de production de diesel et environ la moitié de la capacité de production d'essence d'Oakville.
Nous n'avons pas remplacé toute la capacité de production d'essence, car compte tenu de la configuration de la raffinerie de Montréal, il aurait fallu faire d'autres investissements importants.
Même en 2003 et en 2004, nous étions préoccupés par le déclin à long terme de la demande en Amérique du Nord, annoncé depuis longtemps. Nous pensions qu'il était préférable d'acheminer un volume modeste de nos stocks dans l'Est, au lieu de construire les installations nécessaires et de constater que nous ne pourrions pas en profiter de manière durable.
Cette stratégie nous a très bien servi. Nous pensons qu'elle explique en partie pourquoi Montréal reste si bien positionnée quant aux besoins à venir. L'offre de diesel sera sans doute suffisante pour répondre à la demande, qui est bonne. Par ailleurs, nous sommes en bonne posture pour absorber la réduction de la demande d'essence. Si nous pouvions inverser le flux du pipeline 9... Je reviendrai sur les avantages. Rien ne garantit que le pétrole de l'Ouest va nécessairement rester moins cher, mais cette possibilité nous donne bien sûr de la flexibilité. Les raffineries sont plus viables si nous trouvons davantage de sources d'approvisionnement.
Toutefois, ce n'est peut-être pas pour demain.
Étant donné que nos volumes de raffinage ne diminuent pas, je ne peux pas ignorer la capacité de production de diesel des usines de traitement. C'est à cet égard que le Canada pourrait connaître une croissance.
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Je n'essaierai même pas de deviner...
M. Blaine Calkins: Eh bien, combien?...
M. John Quinn: ...parce que je l'ignore. Je représente les raffineurs.
M. Blaine Calkins: D'accord.
M. John Quinn: Je dirai ceci. Le principal obstacle, pour nous, Suncor, dans les cinq prochaines années... Nous possédons un plan de croissance. Aujourd'hui, de fait, notre capacité de transformation du bitume en bruts synthétiques équivaut à peu près à notre capacité d'extraction du bitume brut. Dans l'avenir, notre production de bitume excédera notre capacité de transformation, mais, tout de même, notre spécialité, c'est la transformation du bitume en produits synthétiques.
Le principal obstacle qui empêche d'accomplir cette vision, c'est la nécessité de créer des milliers d'emplois spécialisés, en Alberta notamment, mais, pour les fournisseurs de biens et de services de partout au pays, cela représente des perspectives, dans l'effort de construction et celui de production qui suivra. Désormais, on aura toujours besoin d'emplois spécialisés au pays.
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À l'heure actuelle, ce facteur n'est aucunement considéré.
Nous nous sommes exprimés relativement à tous les projets envisagés au cours des dernières années, et les emplois ne sont pas pris en compte. Ce n'est pas un critère. Les emplois ne sont même pas considérés comme un intérêt public. C'est aussi simple que cela.
J'ai dit tout à l'heure que la main gauche ignore ce que fait la main droite.
Hier soir, je me suis entretenu avec nos représentants à la raffinerie de Chevron, à Burnaby, en Colombie-Britannique. Cette installation raffine 60 000 barils de pétrole par jour. C'est une toute petite raffinerie, et il en reste seulement deux dans cette province. Husky possède une très petite raffinerie près de Prince George, qui produit environ 11 000 barils; c'est une petite installation qui dessert le marché local. Toutefois, dans la vallée du bas Fraser, c'est la seule raffinerie qui reste. En mars prochain, elle réduira sa production de 20 000 barils. Pourquoi? À cause d'un manque de matière première. Je croyais que nous avions la deuxième réserve prouvée en importance et que nous étions l'Arabie saoudite du nouveau monde.
Pourquoi la raffinerie ne peut-elle obtenir les 20 000 barils? Parce que l'Office national de l'énergie a donné la permission à l'exploitant du gazoduc — je crois qu'il s'appelle Kinder Morgan — de mettre le pétrole aux enchères. Alors elle s'est fait damer le pion par un plus offrant. Je ne sais pas si l'offre provenait de la Chine ou de l'Inde. Je l'ignore. Par conséquent, la raffinerie réduit sa production, mais aussi, selon l'information qu'on a reçue, toutes les options sont envisagées. Toutes les options sont sur la table. Dans notre jargon, c'est ce que Shell a dit avant de fermer la raffinerie de Montréal.
Voilà le problème. La matière première n'est pas suffisante.
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Comme je l'ai dit dans mes remarques, je crois, nous investissons des centaines de millions. Vous pouvez le voir dans les documents publics. C'est écrit dans nos rapports annuels. Dans nos quatre raffineries, nous investissons environ 600 millions de dollars chaque année.
C'est simplement pour s'assurer que les usines sont bien entretenues, qu'elles sont fiables et sécuritaires. C'est aussi pour nous conformer aux exigences réglementaires, pour continuer de respecter certains de nos engagements environnementaux pour ce qui est de l'efficacité énergétique des sites, et pour respecter les normes à ces endroits.
Mais les plus gros investissements que nous avons faits — nous en avons fait deux au cours des dernières années, l'un à Edmonton et l'autre à Sarnia, de l'ordre de milliards de dollars — visaient à adapter ces usines pour qu'elles puissent composer avec les changements de qualité du pétrole brut issu des sables bitumineux que l'on trouve ici, au Canada. Ce sont des investissements massifs en métallurgie, en hydrocraquage, pour traiter ce pétrole plus lourd et plus dense de manière à obtenir les mêmes quantités d'essence et de diesel que nous aurions obtenues avec des pétroles plus légers et moins corrosifs.
Je ne vais pas parler de l'aspect que représentent les sables bitumineux. Je crois que vous êtes, pour la plupart, au courant des progrès technologiques que nous avons réalisés pour ce qui est des produits de queue, etc.
Si j'ai encore un peu de temps, j'aimerais mentionner l'autre bout du spectre de nos activités, les lubrifiants, puisque nous vendons 350 produits spécialisés. Nous faisons beaucoup de travaux de développement dans ce domaine et nous détenons des brevets sur une variété de produits. Nous vendons nos lubrifiants, qui sont de la plus haute qualité, partout dans le monde, dans 70 pays. Beaucoup de travaux de recherche et de développement ont été menés dans ce secteur afin d'assurer sa compétitivité et même sa croissance, ce qui a donné d'assez bons résultats au cours des dernières années.
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Vous parlez de performance environnementale. À certains égards, nous répondons à ce qui constituent probablement les meilleures normes du monde. Je parle notamment des émissions produites par les sites: les oxydes d'azote, les oxydes de soufre, les composés organiques volatiles. Ces émissions sont très réglementées, et notre niveau de conformité est très élevé. Des travaux sont en cours avec Environnement Canada pour rehausser davantage les normes sur la qualité des émissions de nos raffineries. Nous travaillons en très étroite collaboration avec Environnement Canada pour mettre en place un cadre qui réponde aux besoins à la fois de l'industrie et des Canadiens.
L'un des points que j'aimerais soulever ce matin, c'est que nous cherchons une approche flexible qui permettrait de dire: « Voici les normes de qualité de l'air pour ce site; faites en sorte de les respecter. » C'est une approche axée sur les résultats, et non une approche où l'on nous dit exactement comment chaque pièce d'équipement doit fonctionner dans l'usine. Nous préconisons donc une approche où vous nous dites quelle est la qualité de l'air attendue d'une installation et où nous ferons en sorte de répondre à cette norme. Nous déterminerons comment, à l'intérieur de l'usine, nous pouvons y parvenir. Voici le premier point.
Concernant la qualité de l'air, je crois que nous fonctionnons dans un cadre parmi les meilleurs au monde, sinon le meilleur. Je n'en ai pas la certitude, mais je suis convaincu que le gouvernement canadien cherche à s'assurer que toutes les industries fonctionnent dans ce type de cadre.
Le deuxième point concerne les gaz à effet de serre. Encore une fois, beaucoup de travaux sont en cours avec les gouvernements à ce sujet, comme vous le savez. Nous aimerions vraiment qu'il y ait un cadre politique au Canada qui ne soit pas un ensemble disparate, variant d'une province à l'autre. En fait, si les efforts de réduction des gas à effet de serre sont plus judicieux à un site particulier, alors redoublons d'efforts à cet endroit sans nécessairement avoir à faire la même chose partout ailleurs. Nous aimerions une politique harmonisée dans ce domaine.
Les plus gros efforts de réduction de gaz à effet de serre déployés dans nos raffineries visent l'efficacité énergétique, et nous travaillons fort dans ce sens. L'efficacité énergétique est évidemment avantageuse pour nous, et nous y tenons beaucoup.
Monsieur Ervin, j'aimerais parler maintenant d'un sujet que vous avez abordé dans votre exposé, soit la rationalisation de l'industrie. L'un des facteurs à l'origine de cette rationalisation est la réglementation environnementale. Vous avez dit qu'elle était liée en particulier à la hausse progressive des normes de qualité de l'essence, qui visent essentiellement à mieux protéger l'environnement, notamment la réduction du plomb, du benzène, des oléfines, de la pression de vapeur, du soufre, etc. La plupart des Canadiens sont sans doute d'accord avec l'idée que c'était nécessaire. Nous voulons tous vivre dans un environnement sain. Nous ne voulons pas toutes sortes de polluants dans l'air. Nous ne voulons d'oxyde d'azote et de soufre, de composés inorganiques volatils, etc.
Or, nos amis MM. Newman et Gargiso viennent juste de dire que le Canada devrait toujours s'efforcer d'atteindre les normes les plus élevées qui soient, et peut-être même, comme dans le cas de la raffinerie Irving au Nouveau-Brunswick, de dépasser les normes nationales établies. Chaque fois que nous imposons de nouvelles normes, toutefois, il semble que cela donne lieu à une nouvelle rationalisation de l'industrie et au démantèlement de certaines installations, ce qui provoque des situations de resserrement comme vous venez tout juste d'en parler. Si un accident survient dans un contexte où il y a 40 raffineries par rapport à 15, l'effet n'est pas du tout le même.
Pensez-vous, monsieur Ervin, monsieur Gargiso, monsieur Newman, monsieur Quinn, ou quiconque voudra bien répondre, que nous avons l'équilibre adéquat à l'heure actuelle? L'industrie est-elle à même de trouver cet équilibre sans trop d'intervention de la part du gouvernement? Le gouvernement devrait-il encore intervenir pour dicter ou prescrire la conduite, essentiellement, d'un secteur tributaire du marché?