:
Je vous remercie. Bonjour, monsieur le président et honorables membres du comité.
J'aimerais remercier le comité d'avoir invité l'Agence des services frontaliers du Canada à participer à son étude sur les moyens de renforcer l'intégrité du Programme de parrainage du conjoint.
Notre collègue de la Gendarmerie royale du Canada, le surintendant Jean Cormier, a accepté d'être présent aujourd'hui pour appuyer l'agence et pour répondre aux questions qui sont du ressort de la GRC.
[Français]
Comme le comité l'a appris, Citoyenneté et Immigration Canada est le ministère responsable des politiques relatives au Programme de parrainage du conjoint ainsi que de la gestion du programme.
[Traduction]
Grâce à ce programme, les citoyens et les résidents permanents du Canada peuvent parrainer des membres de leur proche famille afin de leur permettre d'immigrer au Canada. Pour qu'une demande au titre du regroupement familial soit acceptée, le répondant au Canada et le membre de sa famille qu'il parraine doivent tous les deux satisfaire aux exigences relatives à l'immigration prévues dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
La participation de l'ASFC à ce programme est limitée et précise. Une fois qu'un agent d'immigration a traité la demande d'une personne et a délivré un visa, on considère que la personne a satisfait aux exigences d'admissibilité pour entrer au Canada. Quand elle arrive à un bureau d'entrée, un agent des services frontaliers doit la diriger vers un deuxième examen pour faire valider ses documents, après quoi on lui accorde le droit d'établissement en tant que résidente permanente du Canada.
Le seul autre moment où l'agence intervient dans le Programme de parrainage du conjoint, c'est lors d'un appel. Si une demande de parrainage du conjoint est refusée par Citoyenneté et Immigration Canada, le répondant au Canada a le droit d'en appeler de la décision. Aux termes de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, l'ASFC représente le ministre de Citoyenneté et Immigration Canada devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié dans de tels cas, et travaille en étroite collaboration avec l'agent d'immigration compétent pour obtenir et examiner le dossier et présenter la position du gouvernement devant la Commission.
Maintenant que j'ai donné un aperçu du rôle que joue l'agence dans le processus de parrainage du conjoint, j'aimerais parler d'un aspect plus difficile de l'étude du comité: la vulnérabilité possible des époux et conjoints de fait parrainés.
[Français]
L'un des objectifs de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés est de faciliter le regroupement familial. Le processus de parrainage du conjoint est exposé aux abus quand des personnes contractent des mariages de mauvaise foi pour faciliter l'entrée au Canada.
[Traduction]
Citoyenneté et Immigration Canada et l'ASFC comprennent que, pour lutter efficacement contre les mariages frauduleux, il faut prendre des mesures conjointes afin de dissuader les personnes qui pourraient autrement contracter un mariage de convenance pour contourner les lois d'immigration du Canada. Un « mariage de convenance » est un mariage ou une union de fait dont le but premier n'est pas la réunification d'un couple authentique.
La législation canadienne de l'immigration offre à l'ASFC différentes options d'exécution pour lui permettre de combattre les cas présumés de mariage de convenance. L'agence peut renvoyer du Canada une personne qui fait de fausses déclarations sur sa propre situation ou si elle découvre que la personne parrainée n'a pas respecté la condition qui lui impose de vivre dans une relation légitime avec son répondant pendant une période d'au moins deux ans, comme l'exigent les nouvelles dispositions réglementaires.
L'ASFC enquête sur les cas de mariage de convenance. Par suite de ces enquêtes, des accusations au criminel peuvent être portées pour fausse déclaration. En pareil cas, l'ASFC mène une enquête criminelle et recommande au Service des poursuites pénales du Canada que des accusations soient portées devant un tribunal pénal. L'ASFC enquête et peut demander le dépôt d'accusations en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés contre une personne qui conseille à une autre de faire de fausses déclarations sur sa propre situation.
Les enquêteurs de l'ASFC se concentrent sur les cas possibles de fraude dans lesquels les deux parties tentent sciemment de contourner le système d'immigration. Dans certains cas, le répondant peut avoir reçu un avantage financier en échange du parrainage, ou il peut y avoir un organisateur ou un facilitateur qui s'occupe d'organiser de faux mariages à des fins d'immigration.
[Français]
L'ASFC enquête aussi sur les cas où un conjoint étranger a utilisé sa relation avec une personne canadienne dans le seul but d'obtenir un statut permanent au Canada. Toutefois, il est difficile d'enquêter sur ces types de cas en raison de la quantité limitée de preuves documentaires ou indépendantes disponibles pour corroborer les allégations de cette nature.
[Traduction]
Toutefois, la question de la victimisation par un répondant violent va bien au-delà du mariage frauduleux dans le contexte de l'immigration. Bien que l'ASFC soit chargée de prendre des mesures d'exécution actives contre les résidents permanents et les ressortissants étrangers qui ont fait l'objet d'une déclaration de culpabilité donnant lieu à un rapport, elle n'a pas le mandat de mener des enquêtes criminelles dans les cas où de la violence conjugale est soupçonnée. Par contre, la police a le pouvoir dans ces cas de porter des accusations en vertu du Code criminel du Canada. Les policiers reçoivent une formation spéciale qui leur permet de traiter avec les victimes de violence et de collaborer avec les organismes de services sociaux ainsi qu'avec les agences et les ONG pouvant venir en aide aux victimes.
Les organismes de services sociaux fournissent au besoin un abri et d'autres formes d'aide aux victimes. Beaucoup de leurs employés ont reçu la formation nécessaire pour aider les victimes de violence conjugale faisant partie de communautés d'immigrants.
[Français]
Un autre sujet de préoccupation relatif à la possible vulnérabilité des époux et conjoints de fait parrainés est celui des mariages de mauvaise foi qui servent à dissimuler la traite de personnes.
[Traduction]
La traite de personnes est un crime qui comprend le recrutement, le transport ou l'hébergement de personnes dans le but de les exploiter, habituellement dans le commerce du sexe ou pour du travail forcé. La responsabilité d'enquêter sur ces cas revient à la GRC. La traite de personnes et les activités connexes sont des actes criminels faisant l'objet d'infractions précises prévues dans le Code criminel du Canada et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. La traite de personnes ne doit pas être confondue avec la migration clandestine, qui consiste à faire entrer illégalement des personnes dans le pays. Les victimes de la traite de personnes sont toujours privées de leur liberté lorsqu'elles arrivent à leur destination, alors que les migrants clandestins sont libres d'aller où ils veulent après leur arrivée.
Grâce à une orientation sur le terrain et à une formation en matière d'exécution de la loi, les agents de I'ASFC disposent de renseignements qui les aident à repérer et à intercepter les personnes soupçonnées de se livrer à la traite de personnes ou d'en être victimes. Chaque fois qu'un agent est en présence d'une situation où la traite de personnes est soupçonnée, il doit séparer la victime potentielle du présumé trafiquant, saisir et retenir tout moyen de transport, document ou autre article s'il a des motifs raisonnables de croire qu'il a été obtenu ou utilisé frauduleusement ou de façon inappropriée, prendre des notes détaillées et informer son superviseur du cas dès que possible afin que l'information soit examinée et que des directives et du soutien soient donnés.
L'agent doit ensuite communiquer à l'interne avec un agent régional du renseignement, qui coordonne alors la prise des autres mesures nécessaires avec tous les partenaires concernés de I'ASFC, comme la police locale et Citoyenneté et Immigration Canada.
[Français]
La GRC mènera une enquête pour déterminer si, en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés ou du Code criminel du Canada, des accusations de traite de personnes peuvent être portées contre les présumés trafiquants.
[Traduction]
CIC tient alors une entrevue avec la victime pour lui présenter les options d'immigration dont elle peut se prévaloir, et peut lui délivrer un permis de séjour temporaire valide pour une période maximale de 180 jours si une évaluation préliminaire révèle qu'il s'agit effectivement d'une victime de la traite de personnes. Elle est alors dispensée de payer les droits applicables au permis.
Un permis de séjour temporaire de plus longue durée, ou un autre permis, peut être délivré quand une vérification des faits confirme qu'il y a des motifs raisonnables de croire que la personne est bel et bien une victime. Dans ce cas, les agents d'immigration lui donnent des conseils sur la façon d'obtenir un permis de travail, si elle souhaite travailler, et lui remettent de la documentation sur le Programme fédéral de santé intérimaire. Cette assistance est offerte pour une période maximale de 180 jours si les victimes n'ont pas d'assurance-santé ou ne peuvent pas elles-mêmes payer les services de santé dont elles ont besoin.
[Français]
Monsieur le président, malgré son rôle limité dans le programme de parrainage, l'ASFC est très sensible à la possibilité réelle que des personnes soient victimes d'individus qui contournent la loi.
[Traduction]
À cette fin, l'agence restera vigilante afin de repérer et de signaler les cas possibles de violence conjugale. Elle continuera aussi d'appuyer les efforts stratégiques déployés par Citoyenneté et Immigration Canada pour veiller à ce que les nouveaux immigrants ne soient pas pris au piège dans des relations violentes parce qu'ils craignent la perte de leur statut d'immigration.
Nous serons maintenant heureux de répondre à vos questions.
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En vertu de la législation canadienne de l'immigration, l'ASFC peut recourir à différentes options d'exécution dans les cas de fraude soupçonnée, et notamment en cas de mariage de convenance. Ces options comprennent le renvoi du pays si la personne en cause a fait de fausses déclarations au sujet de sa propre situation ou ne s'est pas conformée aux conditions du parrainage.
L'ASFC mène également des enquêtes et peut demander que des poursuites soient intentées en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés lorsque les deux parties ont participé sciemment à l'organisation d'un mariage frauduleux pour permettre à une personne d'entrer au Canada, comme dans les cas où le répondant a obtenu un avantage financier en contrepartie de son parrainage ou lorsqu'un organisateur ou un facilitateur a arrangé un faux mariage à des fins d'immigration.
Je dirai, à des fins statistiques, que l'ASFC consacre près de la moitié de son budget d'enquêtes criminelles à des enquêtes sur l'immigration. Celles-ci tendent à être longues et complexes. Elles nécessitent beaucoup de ressources à cause de la difficulté d'obtenir des preuves. C'est pour cette raison qu'on ne recourt pas à une enquête criminelle dans tous les cas, surtout si une procédure administrative, comme le renvoi du Canada, peut avoir des effets équivalents. Nous concentrons les ressources réservées à cette fin aux contraventions sérieuses à la loi, lorsqu'il y a de bonnes chances d'obtenir les preuves nécessaires et que les probabilités de succès d'éventuelles poursuites sont jugées élevées.
Voici quelques statistiques. Depuis le 1er avril 2010, la Division des enquêtes criminelles a reçu 392 rapports relatifs à des mariages de convenance. Sur ce nombre, 67 dossiers ont été ouverts et 34 demeurent actifs. Dans sept cas, des accusations ont été portées et, sur les cinq affaires renvoyées aux tribunaux, trois ont abouti à une déclaration de culpabilité et deux sont encore en cours.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être venus nous renseigner cet après-midi. Je tiens à exprimer ma reconnaissance aux deux organismes pour leur aide et pour les services qu'ils rendent aux Canadiens et, dans certains cas, à d'autres pays aussi.
Monsieur Leckey, j'ai été très heureux de vous entendre dire que, depuis 2008, le nombre de mariages de convenance a diminué. Bien sûr, cela est attribuable aux mesures d'exécution prise par l'ASFC. En même temps, je crois que le mérite revient aussi au gouvernement, qui a fait les changements nécessaires et qui en a fait part à ceux qui tentent d'abuser du système.
Ma question s'adresse aux deux organismes parce que l'ASFC et la GRC ont toutes deux des agents de première ligne.
Avez-vous des recommandations à présenter aux ministères de la Sécurité publique et de la Justice? En avez-vous aussi pour CIC? J'aimerais connaître la réponse des deux organismes.
Monsieur le président, honorables membres du comité, je vous remercie de nous avoir invitées à comparaître dans le cadre de votre étude sur les moyens de renforcer l'intégrité du Programme de parrainage du conjoint.
Mes notes sont très longues, mais j'essaierai de m'en tenir à huit minutes.
Je concentrerai mes propos sur trois points: les défis qu'affrontent les femmes victimes d'un répondant violent, les moyens de prévenir la victimisation de femmes vulnérables par un répondant violent ainsi que les conséquences et les sanctions possibles pour le répondant; les compétences et les soutiens dont les femmes parrainées ont besoin pour réussir par elles-mêmes, surtout si elles sont isolées et soumises à des actes de violence; enfin, les défis très particuliers que doivent affronter les survivantes ou les victimes de mariages forcés en situation de parrainage ainsi que les moyens possibles de les aider.
Au chapitre des défis affrontés par les femmes victimes d'un répondant violent, nous sommes tous au courant des changements apportés en octobre 2012 et de l'adoption de la résidence permanente conditionnelle pendant deux ans. Ces changements avaient beaucoup plus pour but de prévenir les mariages frauduleux que de remédier à la situation des victimes de violence. Une exemption est cependant possible dans le cas de la résidence permanente conditionnelle.
Il y a néanmoins beaucoup de problèmes, notamment le manque de compréhension des lois du pays, la peur de la police, la crainte de s'adresser à des fournisseurs pour accéder à des services ainsi que la crainte constante de perdre le statut d'immigrant, qui permet parfois aux familles de tenir les victimes en otage.
Nous savons d'expérience que les femmes prises au piège de telles relations n'ont habituellement personne à qui s'adresser à part leur répondant et sa famille. Ordinairement, le répondant violent limite strictement les contacts de la nouvelle mariée qui vient d'arriver dans le pays avec la famille et les amis et il l'empêche d'accéder à tout réseau de soutien. Il y a un déséquilibre des pouvoirs entre la personne parrainée et son répondant, déséquilibre qui s'est accentué après l'adoption du statut de résidence permanente conditionnelle. Nous avons également constaté dans bien des cas que les répondants et leur famille exploitent le statut conditionnel comme moyen de menacer les femmes en cause et de leur faire accepter les conditions abusives qui leur sont imposées.
En ce qui concerne les compétences que possèdent ces femmes à leur arrivée, il y a un problème parallèle d'exploitation financière. Beaucoup d'entre elles disposent, en venant au Canada, d'une certaine somme que leur famille leur a donnée comme dot. Il arrive aussi qu'on leur ait promis un montant dont leur famille garde cependant le contrôle. Par conséquent, elles ne disposent d'aucune ressource pour se perfectionner, ou alors les compétences qu'elles possèdent déjà ne sont pas reconnues sur le marché canadien du travail.
En ce qui concerne les défis très particuliers que doivent affronter les survivantes des mariages forcés, nous croyons que, parce que ces mariages ne sont pas reconnus comme source de violences et d'abus, ces femmes ont de la difficulté à se prévaloir de l'exemption. En effet, une fois qu'elles disent qu'elles ont été forcées à se marier et qu'elles n'y ont pas consenti, leur mariage devient nul ou peut être déclaré comme tel. Elles hésiteront donc énormément à prendre l'initiative parce qu'elles risqueraient d'être accusées de fraude à l'immigration. De plus, les victimes ou les survivantes du mariage forcé non seulement subissent des sévices au moment du mariage, mais doivent le plus souvent subir par la suite des violences conjugales sans espoir de retour puisque le mariage leur avait en fait permis d'échapper à une situation de violence.
Nos recommandations au sujet de ces trois points sont les suivantes.
Premièrement, tant qu'il y a une exemption en cas de violence, j'estime qu'en cas de rupture en situation de parrainage conditionnel, surtout si une femme fait l'objet d'une enquête liée à l'immigration déclenchée par une fausse plainte du répondant violent qui veut se venger de son recours à des services ou d'une plainte au criminel, le fardeau de la preuve devrait être allégé. Les femmes en cause devraient pouvoir accéder plus facilement à l'exemption. À l'heure actuelle, elles sont tenues de présenter des preuves de la cohabitation et des sévices subis. Il leur est parfois impossible de le faire à cause de l'absence de rapports ou du manque d'accès aux services, comme je l'ai déjà dit.
Deuxièmement, nous recommandons que soient prévues, dans le cadre des programmes d'établissement destinés aux conjoints parrainés, des ressources particulières qui serviraient non seulement à la formation linguistique, mais aussi à des services d'orientation visant l'autonomie financière.
Troisièmement, les conjoints parrainés victimes de violence devraient pouvoir accéder à des fonds pour se perfectionner et acquérir de nouvelles connaissances. Il faudrait faire en sorte que les femmes parrainées aient accès aux services d'établissement aussitôt qu'elles obtiennent un visa. On les encouragerait ainsi à se familiariser avec le système bancaire canadien et les services des institutions financières, comme dans le cas d'autres catégories d'immigration telles que les travailleurs formés à l'étranger et les immigrants de la composante gens d'affaires.
L'interdiction de parrainage de cinq ans imposée en avril 2011 s'étend maintenant aux conjoints parrainés. Nous recommandons que, dans les cas de violence, cette interdiction soit d'une part levée et, de l'autre, imposée au conjoint ou à la famille qui a usé de violence. C'est l'une des mesures punitives que le comité envisage aujourd'hui.
Dans le cas particulier des mariages forcés, nous recommandons que la définition de la violence soit étendue au mariage forcé, comme source de violence. Nous recommandons aussi d'assurer une protection spéciale aux victimes du mariage forcé et de faire une évaluation complète des risques parallèlement à l'évaluation des considérations humanitaires lorsque des enquêtes sont ouvertes par suite d'un rapport établi en vertu du paragraphe 44(1) de la loi et que des cas font l'objet d'une enquête de la Section de l'immigration. Nous recommandons en outre que des procédures et des politiques spéciales de protection de la vie privée et des renseignements personnels soient établies pour protéger les victimes de violence, y compris les victimes de mariages forcés, afin qu'elles signalent des incidents à Citoyenneté et Immigration Canada sans craindre des représailles de la part du conjoint violent ou de sa famille.
Lors du traitement des demandes de parrainage, si l'agent responsable soupçonne que la personne parrainée est victime d'un mariage forcé, il faudrait lui permettre de se prévaloir de l'exemption et lui accorder une protection spéciale lui permettant d'être admise comme résidente permanente conditionnelle, conformément à l'obligation internationale du Canada d'accorder sa protection aux victimes susceptibles d'en avoir besoin.
Enfin — et ce n'est pas le point le moins important —, nous recommandons que Citoyenneté et Immigration Canada insiste, dans le cadre de la formation de ses agents et arbitres, sur les différentes formes de violence, surtout en cas de mariage forcé.
Je voudrais dire finalement que le Canada devrait honorer l'engagement qu'il a pris dans différents traités internationaux et annonces récentes de protéger les victimes du mariage forcé et d'assurer leur sécurité non seulement au Canada, mais dans leur pays d'origine, au stade de l'examen des demandes de parrainage.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président. C'est un vrai plaisir pour moi de retrouver tout le monde ici aujourd'hui.
Je voudrais aborder trois sujets: les tendances, la justice et les délais de traitement. J'ai réussi à faire le tour de la masse des statistiques de l'immigration. J'ai concentré mon attention sur la période la plus récente, qui va de janvier à septembre 2013, pour me faire une bonne idée de ce que nous réalisons au chapitre de l'admission temporaire. L'admission temporaire, c'est notre avenir.
Les résultats ne sont pas très évidents.
Premièrement, en ce qui concerne les étudiants étrangers, nous misons beaucoup sur les contacts avec eux, à titre de futurs immigrants au Canada. Eh bien, entre janvier et septembre 2013, nous en avons eu 50 000 de sexe masculin et 43 000 de sexe féminin. Parmi eux, 22 000 hommes et 18 000 femmes ont fait des études universitaires. Les écarts ne sont pas très importants.
Les écarts les plus notables concernent les travailleurs étrangers. À noter. Dans la même période, nous avons traité les documents de 125 000 hommes et 58 000 femmes. Nous comptons sur les travailleurs étrangers comme porte d'accès à nos programmes de travailleurs qualifiés et à nos programmes des candidats des provinces. Quelqu'un voudra peut-être examiner de plus près les raisons pour lesquelles nettement plus d'hommes que de femmes sont jugés admissibles à des permis de travail. L'écart entre les sexes est vraiment très sensible dans ce cas.
Pour ce qui est des délais de traitement, il est remarquable qu'aucun témoin n'ait parlé des effets particuliers de la réduction de ces délais sur les femmes. En effet, nous avons fait la transition à un système d'immigration comparable à un système de stocks juste à temps, dans lequel les délais de traitement qui étaient de l'ordre de 5 ans sont maintenant d'environ 6 mois dans des catégories telles que la réunification des familles. Toutefois, les économies provinciales n'ont pas encore été chiffrées.
Lorsque j'ai commencé à m'occuper de ce domaine, les délais de trois à quatre ans constituaient la norme en matière de réunification des familles pour les travailleurs temporaires étrangers, les travailleurs qualifiés et les aides familiales résidantes. Eh bien, essayez d'imaginer ce qui arrive quand on laisse des adolescents cultiver la colère et le ressentiment et des familles se désagréger dans le pays d'origine. Cela a des effets sur les systèmes provinciaux d'aide sociale et le système de justice pénale, et des problèmes surgissent par suite de la séparation des familles. Tout cela a disparu à cause des changements apportés aux délais de traitement de l'immigration.
Qui en profite? La famille tout entière. Mais, le plus souvent, dans le cas des aides familiales résidantes, par exemple, c'est la femme qui travaille pendant des années au Canada afin d'accéder à la résidence permanente, après avoir abandonné sa famille. Une fois la famille réunie… On voit bien à Toronto ce qui se produit quand des adolescents en colère ont des problèmes d'intégration. Je tiens à souligner les répercussions de la réduction des délais de traitement sur ce problème particulier.
Enfin, au chapitre de la justice, ce qui se produit dans le domaine de l'immigration ne devrait pas être considéré indépendamment des autres programmes fédéraux et provinciaux. La GRC, l'ASFC et CIC nous disent que ce n'est pas assez. Le problème va au-delà d'un simple cloisonnement administratif.
C'est une question de justice. Le ministère de la Justice devrait à juste titre assumer la direction pour répartir les ressources, réunir les intervenants et orienter l'étude des effets sur les femmes de ces changements de l'immigration et d'autres politiques. Toute modification apportée à une règle de l'immigration a des répercussions en chaîne dans de nombreux ministères et organismes fédéraux et provinciaux. Pour le moment, seul le ministère de la Justice a une définition de programme lui donnant la capacité de faire une étude plus poussée de cette question.
Dans ce contexte, ma recommandation est la suivante. Citoyenneté et Immigration Canada doit assouplir sa politique relative aux données. CIC a actuellement une politique écrite de gestion des données qui interdit aux autres ministères, comme la Justice, d'accéder aux données courantes. Même votre comité ne peut pas accéder aux renseignements courants. Oui, cette politique écrite interdit la transmission des données courantes de CIC à votre comité. Seuls le ministre et les fonctionnaires du ministère ont le droit de les voir. Je trouve cela étrange quand votre comité a justement pour mandat de superviser les activités de CIC. Comment le ministère peut-il refuser de lui communiquer les renseignements courants?
À part cette question, j'espère que CIC permettra le partage des précieux renseignements recueillis sur le terrain en collaboration avec des partenaires tels que l'ASFC, la Justice et d'autres parties intéressées.
Monsieur le président, mes huit minutes sont écoulées.
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Je vous souhaite le bonjour de Montréal. Je vais bien sûr essayer de m'en tenir au temps assigné, même si j'ai beaucoup de notes.
Mon exposé sera un peu différent parce que notre organisation insiste beaucoup sur la prévention. Nous avons un réseau qui offre actuellement des services et des activités à Montréal dans une quinzaine de langues. Ce réseau comprend deux centres de jour, un refuge et un service de diffusion communautaire. Nous ne nous occupons que de victimes de violence conjugale et familiale.
Je dirais que 85 % de nos clientes appartiennent à différents groupes ethnoculturels. L'année dernière, 62 % des pensionnaires du refuge étaient nées à l'extérieur du Canada et, en moyenne, nous nous occupons chaque année d'environ 700 cas dans les centres de jour et au refuge. C'est beaucoup.
Mon exposé portera sur les recommandations qui m'ont été transmises par les travailleuses sociales et nos intermédiaires culturelles. Ces intermédiaires sont des travailleuses communautaires qui ont reçu une formation sur la violence conjugale et qui s'occupent des problèmes qui surgissent dans les communautés. Elles font aussi de l'interprétation et nous renseignent sur les aspects culturels du fonctionnement des communautés.
Au sujet du parrainage et de ses liens avec notre travail quotidien auprès des victimes, et surtout des personnes vulnérables qui ont des difficultés linguistiques et autres, je dirai qu'environ 30 % des femmes qui sont passées dans notre refuge l'année dernière étaient dans une situation vulnérable et précaire par suite de leur statut de parrainage ou d'immigration. Plus de la moitié de ces femmes avaient de la difficulté à communiquer en anglais ou en français. Leur connaissance des renseignements de base et leur compréhension de leur statut d'immigration et de parrainage étaient donc extrêmement limitées.
Leur isolement était aussi très grand parce qu'elles avaient pris la décision de rompre des relations violentes ou avaient été sorties de leur domicile par la police, qui les avait ensuite renvoyées à nos services. Beaucoup ne pouvaient plus compter sur le soutien de leur famille ou de leur communauté et, bien sûr, tous ces facteurs aggravaient leur vulnérabilité. Elles étaient donc diminuées, sans emploi, sans recours et sans possibilité de choisir une ligne de conduite.
Dans le cadre de notre exercice actuel — je reviens sur cette question parce que les barrières linguistiques constituent pour nous un problème très, très important ici, au Québec —, 45 % des nouveaux cas à long terme que nous avons dans les centres connaissent de graves difficultés linguistiques, de sorte que nous ne pouvons intervenir que dans la langue maternelle des intéressées.
Une étude que nous avons réalisée de concert avec l'Université McGill sur les anciennes pensionnaires de notre refuge a révélé que, dans la plupart des cas où les femmes étaient parrainées, c'est le mari qui contrôlait intégralement le processus de parrainage et d'immigration. Par conséquent, nous croyons qu'il est important que la femme parrainée participe dès le départ au processus d'immigration. Nous recommandons donc, pour combattre l'isolement et fournir des renseignements de base sur les effets, obligations et conséquences du parrainage, que ces renseignements soient mis à la disposition des femmes dans leur propre langue dès le début du processus de parrainage ou d'immigration.
Après avoir consulté tant nos travailleuses sociales, qui desservent la clientèle, et nos intermédiaires culturelles, nous avons décidé de formuler les observations suivantes sur le moment et la façon de procéder à cette fin. Avant son arrivée au Canada, la femme devrait être renseignée sur le système juridique canadien, l'égalité des sexes, les délais de traitement de la demande de parrainage, son droit d'accéder à des organisations spécialisées — comme l'a dit à juste titre le témoin qui m'a précédée —, son droit d'obtenir des cours de langue gratuits et son droit de garder ses propres documents.
Au niveau communautaire, comme nous travaillons avec les victimes et les communautés, nous estimons que les mêmes renseignements devraient être largement diffusés et affichés d'une façon très visible dans la langue d'origine, dans les zones où les messages transmis peuvent avoir le plus d'effet.
Lorsque des immigrants arrivent au Canada, ils devraient tous recevoir une trousse de bienvenue dans leur langue comprenant les renseignements que nous venons de mentionner ainsi que d'autres, comme une définition de la « violence conjugale et familiale » et un aperçu des procédures policières, des lois canadiennes et des ressources disponibles. Une victime potentielle qui ne parle ni l'anglais ni le français ne comprendrait pas l'information présentée dans ces langues. Nous proposons donc que cette information soit facilement disponible dans différentes langues.
Les renseignements devraient également être diffusés dans les différents secteurs communautaires du Canada: secteurs religieux, centres communautaires et lieux fréquentés par les femmes et les membres de la communauté, y compris les cliniques parapubliques que nous avons ici au Québec et les Centres de santé et de services sociaux.
Une autre solution, particulièrement pour les femmes analphabètes, consisterait à présenter ces renseignements par des moyens audiovisuels dans le cadre de séances d'information sur l'immigration.
Si une travailleuse sociale observe un cas de violence conjugale ou familiale, elle devrait pouvoir renvoyer immédiatement la femme en cause aux services compétents et l'aider à se retrouver dans le système. Il faudrait agir ainsi pour différentes raisons: permettre à la femme de savoir à quoi s'attendre dans sa situation, apaiser ses craintes et lui donner des renseignements qu'elle ne connaît peut-être pas, comme le fait qu'elle a le droit de garder elle-même ses documents importants tels que passeport, visa, carte d'assurance-santé et autres papiers nécessaires.
Au cas où les papiers de parrainage seraient gardés par l'époux ou le partenaire, l'agent d'immigration devrait poser des questions à ce sujet s'il n'y a pas d'indices évidents de violence. L'agent peut alors poser des questions plus pertinentes. Nous recommandons fortement que les agents reçoivent une formation sur la violence conjugale et soient sensibilisés aux différences culturelles. Il est également important de noter que plusieurs types de violence, comme la violence psychologique et l'exploitation financière, peuvent ne pas être décelés immédiatement. C'est pour cette raison que les agents doivent recevoir une formation poussée. Ils peuvent également renvoyer les intéressés à des services compétents dotés d'agents et de travailleurs sociaux ayant l'expérience nécessaire pour déceler les indices de violence.
Comment pouvons-nous assurer une meilleure protection aux femmes vulnérables pour éviter qu'elles ne soient victimes d'un répondant violent? Bien sûr, la formation des agents est très importante et, encore une fois, les agents devraient pouvoir renvoyer les personnes en cause à des organisations multilingues et multiculturelles spécialisées dans ce genre de services.
Comment pouvons-nous habiliter les femmes?
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J'ai les chiffres. Ce ne sont peut-être pas les derniers, mais ils sont très récents puisqu'ils vont jusqu'en mars 2013. Ces chiffres font état d'augmentations considérables des délais pour les familles, les conjoints, les parents et grands-parents, mais ce n'est pas le principal sujet que je veux aborder.
Pour moi, le principal sujet, que Mme Mattoo a mentionné, c'est qu'il y a là un grand dilemme. Si une femme victime de violence, une femme qui souffre se plaint, elle risque d'être renvoyée dans son pays parce que sa plainte signifie que le mariage n'était pas authentique et constituait plutôt un mariage forcé ou un mariage de convenance, quelle que soit la terminologie utilisée.
J'aimerais que chacun de vous trois réponde. En premier, il y a la question juridique.
Si la femme peut prouver qu'elle est victime de violence, mais qu'au départ le mariage était authentique, je suppose qu'elle ne serait pas renvoyée dans son pays. Dans quelles circonstances y a-t-il un risque réel de renvoi en cas d'échec d'un mariage, pour quelque raison que ce soit?
Deuxièmement — et c'est encore plus important —, quel rôle le gouvernement peut-il jouer? Notre comité est censé formuler des recommandations. Par conséquent, la question capitale pour moi est de savoir ce que nous pouvons faire pour aider les femmes qui doivent affronter ce grand dilemme?
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Je ne voudrais pas qu'on confonde mariage forcé et violence conjugale. Ce sont deux catégories bien distinctes.
Dans le premier cas, le mariage est nul ou peut être annulé parce qu'il a eu lieu sans consentement. Il s'agit alors d'un cas pur et simple de mariage forcé. Le risque pour la femme qui se plaint en affirmant que le mariage est nul, c'est que l'agent saisi de l'affaire déclare que toute la procédure de parrainage doit être annulée.
Dans ce cas, la seule possibilité pour la femme consisterait à présenter une demande de révision pour considérations humanitaires, qui ne fait pas l'objet d'une évaluation des risques. Nous recommandons dans cette situation que le gouvernement évalue à ce stade les risques que courent les victimes ou survivantes d'un mariage forcé.
Si, au départ, le mariage était authentique, mais qu'il a fini par être dominé par la violence, la femme a actuellement la possibilité de se plaindre. Ce qui arrive le plus souvent, c'est qu'avant de déposer une plainte auprès de Citoyenneté et Immigration Canada, elle aura appelé le 911 ou se sera adressée d'une façon ou d'une autre à un organisme de service social, ce qui ferait ou non intervenir le système de justice, selon la situation. La femme pourrait alors être très honteuse. Sa communauté pourrait fort bien ne pas l'appuyer si elle fait appel à la police. Par conséquent, elle peut décider d'agir ou de ne pas agir.
Dans les deux cas, Citoyenneté et Immigration Canada produit un rapport aux termes du paragraphe 44(1) pour déterminer si la femme a abusé du système ou si elle a été parrainée en toute bonne foi. Comme je l'ai déjà dit, le fardeau de la preuve imposée à la femme est alors très lourd. Elle doit prouver beaucoup trop de choses au sujet de la violence dont elle a fait l'objet. Ce fardeau pourrait être allégé…
Je m'excuse de mon intervention de tout à l'heure. Quand j'entends des choses comme le recours à Internet pour informer les gens… Nous avons des clientes — et je suis sûre que la travailleuse sociale le confirmera — qui ne savent même pas comment utiliser les transports en commun parce que les barrières linguistiques et leur isolement sont tellement graves et que, très souvent, elles sont contrôlées non seulement par leur conjoint, mais aussi par les membres de la famille étendue qui vivent dans le même logement. Par conséquent, je doute sérieusement que l'accès à Internet améliore la situation.
En ce qui concerne les clientes auxquelles nous avons affaire, surtout au Québec, nous croyons que la prévention constitue la meilleure solution: la femme devrait participer au processus de parrainage dès les premiers stades. Elle devrait recevoir l'information nécessaire dans sa langue maternelle et devrait être suivie par la suite.
Grâce à nos intermédiaires culturelles, nous savons que, très souvent, l'entrevue n'a pas lieu à leur arrivée au Canada et que, dans le cas contraire, elle est superficielle. La femme devrait recevoir des renseignements plus complets, et cela doit faire partie intégrante du processus de parrainage. Ce n'est pas ainsi que les choses se passent actuellement.
Au sujet des mariages arrangés et forcés, nous devons dire que nous avons pu voir, grâce à nos intermédiaires culturelles, à quel point le parrainage frauduleux est courant dans certaines communautés. En effet, lorsque nous avons tenu nos séances d'information juridique, cette question, comme celle des mariages multiples, est très souvent revenue sur le tapis. Beaucoup de femmes, de jeunes filles sont envoyées dans leur pays d'origine pour y être mariées à des résidents canadiens. Elles rentrent ensuite dans le pays et découvrent que leur mari a une autre femme. Comment la femme est-elle admise au Canada? Comment la première épouse est-elle arrivée? À quel titre ont-elles été déclarées aux fins de la résidence permanente?