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Merci beaucoup, monsieur le président.
Comme vous l'avez indiqué, je m'appelle Robert Orr et je suis sous-ministre adjoint des Opérations à Citoyenneté et Immigration Canada.
Je suis accompagné aujourd'hui de David Manicom, directeur général de la Direction générale de l'immigration; d'Angela Gawel, directrice générale (Région internationale); et de Ryhan Mansour qui, comme il vient de vous le dire, était gestionnaire des politiques à la Direction générale de l'intégration.
[Français]
Mes collègues et moi-même sommes heureux de comparaître devant votre comité cet après-midi.
[Traduction]
Nous espérons que notre témoignage d'aujourd'hui sera utile pour votre étude sur le renforcement de la protection des femmes vulnérables dans le système d'immigration du Canada.
C'est un problème de société grave, dont la portée s'étend au-delà de la compétence de CIC et au-delà même du domaine de l'immigration. Il s'agit d'une question plus vaste et complexe qui englobe de nombreux aspects et facettes.
Cela étant dit, permettez-moi d'abord de souligner que CIC prend très au sérieux la question de la protection des droits des femmes immigrantes. Le ministère a pris plusieurs mesures, réglementaires ou autres, afin de lutter contre la violence familiale dans le contexte de l'immigration.
En premier lieu, les modifications réglementaires ont rendu le parrainage d'un membre de la catégorie du regroupement familial aux fins de l'immigration au Canada beaucoup plus difficile pour les personnes reconnues coupables de crimes causant des lésions corporelles contre des membres de leur famille ou d'autres infractions particulièrement violentes.
[Français]
La violence familiale n'est pas tolérée au Canada, et les personnes qui ne respectent pas la loi canadienne et qui commettent un crime grave, peu importe la victime, ne devraient pas bénéficier du privilège de parrainage.
[Traduction]
Auparavant, une demande de parrainage n'était pas approuvée si le répondant était reconnu coupable d'un crime causant des lésions corporelles à des personnes figurant sur une liste précise de membres de la famille ou de proches.
Cette liste a été rallongée afin d'assurer que les répondants potentiels reconnus coupables de crimes commis à l'encontre d'une liste élargie de personnes, ou de crimes particulièrement violents à l'encontre de qui que ce soit, ne soient généralement pas autorisés à parrainer la venue au Canada de membres de leur famille, et ce, pour une durée de cinq ans après la fin de leur peine.
Bien que ces changements soient entrés en vigueur en 2011, le tout remonte à une décision de 2008 de la Cour fédérale, qui a mis en évidence une lacune dans le Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés.
Dans le cadre de cette décision, un homme reconnu coupable d'avoir tué la femme de son frère a été autorisé à parrainer sa propre femme parce que sa belle-soeur ne répondait pas à la définition de membre de la famille ou de proche dans le règlement.
Les modifications réglementaires maintenant en vigueur comblent cette lacune mise au jour dans la décision de la Cour fédérale et facilitent la protection des personnes parrainées contre la violence familiale.
[Français]
Ces dernières années, CIC a également adopté de nouvelles mesures pour dissuader les étrangers de contracter des mariages de complaisance afin d'obtenir le statut de résident permanent au Canada, y compris le statut conditionnel de résident permanent de deux ans pour certains conjoints parrainés.
CIC est conscient des préoccupations relatives au fait que la mesure de résidence permanente conditionnelle pourrait accroître la vulnérabilité des conjoints qui se trouvent dans une relation de violence. Pour cette raison, il existe une exonération à cette mesure dans les cas où il existe des preuves de mauvais traitements, que ceux-ci soit de nature physique, sexuelle, psychologique ou financière. La dispense s'applique aussi dans les situations où il existe des preuves de négligence, comme dans les cas de défaut de fournir des choses nécessaires à l'existence.
[Traduction]
Les commentaires recueillis dans le cadre de consultations auprès de plusieurs groupes, y compris des organisations de femmes, ont éclairé CIC dans l'élaboration d'un processus pour permettre aux épouses nouvellement parrainées, qui sont touchées par la disposition relative à la résidence permanente conditionnelle et qui sont victimes de mauvais traitements ou de négligence, de se manifester sans craindre de faire l'objet de mesures d'exécution de la loi.
En outre, des lignes directrices et des cours ont aussi été élaborés pour aider les agents de CIC à traiter les demandes de dérogation fondées sur les mauvais traitements ou la négligence et à gérer les renseignements délicats connexes, y compris les preuves de mauvais traitements infligés par un tiers.
CIC publie également une brochure présentant des informations importantes pour les conjoints et les partenaires parrainés. Elle explique ce que signifie pour eux la résidence permanente conditionnelle et les ressources vers lesquelles ils peuvent se tourner pour obtenir de l'aide en cas de maltraitance ou de négligence de leur répondant ou de leur famille.
[Français]
La brochure précise clairement que la violence n'est pas tolérée au Canada, que les conjoints parrainés ne doivent pas rester dans une situation de violence, que demander de l'aide n'est pas honteux et qu'ils ont accès à de l'aide confidentielle par téléphone, en personne et en ligne.
[Traduction]
Monsieur le président, je comprends que l'objet principal de l'étude du comité porte sur les femmes qui immigrent au Canada dans le cadre du programme de parrainage de conjoints. Mais il est important de se rappeler que les femmes immigrantes viennent également au Canada par d'autres moyens.
En fait, en 2012, plus de deux fois plus de femmes sont venues au Canada comme immigrantes de la catégorie économique qu'au titre de la catégorie du regroupement familial. Bien que la plupart soient arrivées à titre d'épouses et de personnes à charge, plus de 27 500 étaient demanderesses principales, y compris 15 559 travailleuses qualifiées. En comparaison, un peu plus de 23 400 femmes sont venues au Canada en 2012 à titre d'épouses ou de conjointes.
L'immigration est donc aussi une force puissante et positive pour les femmes. Elle leur donne les moyens de réussir grâce à l'accès à l'éducation, à l'emploi et aux possibilités économiques au Canada, des possibilités parfois limitées ou inexistantes dans leur pays d'origine.
Cela dit, le système d'immigration n'est pas infaillible. Les agents de CIC sont formés pour évaluer la légitimité des relations à l'étape de la demande de visa, mais ils ne sont pas omniscients. Malgré tous nos efforts et nos meilleures intentions, certaines femmes immigrantes sont néanmoins victimes de violence ou de mauvais traitements après leur arrivée, comme peuvent l'être les femmes nées au Canada. Cela peut se produire que les femmes viennent au Canada dans le cadre du programme de parrainage de conjoints ou à titre d'immigrantes de la catégorie économique.
En vertu du Programme d'établissement, CIC fournit du financement à une variété d'organismes qui offrent des programmes et des services répondant aux besoins précis des résidents permanents, y compris les femmes immigrantes et leurs familles qui peuvent se trouver dans des situations de vulnérabilité.
[Français]
Les fournisseurs de services représentent souvent le premier point de contact des nouveaux arrivants après leur arrivée et ils fournissent un soutien adapté aux différences culturelles et des liens vers des services communautaires et sociaux.
CIC s'est engagé à promouvoir l'intégration rapide et réussie des nouveaux arrivants, tant sur le marché du travail que dans leurs nouvelles communautés. C'est pourquoi les services d'établissement de CIC sont souples et conçus pour répondre aux divers besoins des nouveaux arrivants, y compris les femmes, qui peuvent être confrontées à de multiples obstacles, comme de faibles niveaux de littératie, de la difficulté à trouver des services de garde et des moyens de transport limités.
[Traduction]
En 2012-2013, plus de 200 000 personnes ont utilisé les services d'établissement de CIC. Les femmes représentent plus de la moitié — soit environ 60 % — de ce nombre, et près de 70 % des personnes qui suivent des cours de formation linguistique financés par CIC.
Dans leur pays d'origine, les nouveaux arrivants peuvent accéder à des programmes qui les aident à comprendre leurs droits et leurs responsabilités une fois au Canada et qui donnent des informations détaillées sur le marché du travail afin qu'ils puissent prendre des décisions éclairées avant leur arrivée.
Une fois au Canada, les femmes ont également accès à une gamme de mesures de soutien liées à l'emploi qui les aident à perfectionner leurs compétences en vue d'accéder au marché du travail ou à faire progresser leur carrière.
De nombreuses organisations financées par CIC offrent des programmes ciblés conçus pour des groupes précis, notamment les femmes. Par exemple, on offre des cours de langue exclusifs aux femmes pour les immigrantes et réfugiées qui portent sur des questions touchant la violence familiale, la violence conjugale, les droits des femmes, les droits et les responsabilités juridiques et les soins de santé. Elles peuvent de là faire la transition ou être aiguillées vers d'autres services disponibles dans la collectivité.
Des services de consultation en cas de crise sont également offerts. Les organisations responsables prodiguent des conseils non cliniques à court terme à des femmes et peuvent les aiguiller vers diverses ressources locales, y compris la police, des maisons de refuge et des conseillers cliniciens, permettant de fournir une assistance immédiate aux personnes dans les situations violentes.
Enfin, en plus du guide d'étude pour la citoyenneté Découvrir le Canada, la dernière version du guide Bienvenue au Canada informe les nouveaux arrivants sur ce qui n'est pas acceptable au Canada. Pour la première fois, Bienvenue au Canada affirme que les mutilations génitales féminines, les crimes fondés sur l'honneur et les mariages forcés ne sont pas tolérés au pays.
Monsieur le président, le renforcement et l'amélioration de la protection des femmes immigrantes sont des questions sérieuses qui méritent l'attention de tous. Je tiens à remercier le comité d'avoir choisi de se pencher sur ce sujet et à le féliciter pour son travail à cet égard.
Bien que CIC ait pris plusieurs mesures au cours des dernières années, nous sommes ouverts à l'étude d'autres méthodes de lutte contre la violence familiale et de protection des femmes immigrantes vulnérables. Nous sommes impatients de recevoir les résultats de l'étude du comité, qui viendront renforcer nos efforts dans ce domaine.
[Français]
Je vous remercie, monsieur le président.
Mes collègues et moi-même seront heureux de parler plus en détail de tout aspect de notre allocution ou de toute autre question que les membres du comité aimeraient aborder à cet égard.
[Traduction]
Merci beaucoup.
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Monsieur le président, il y a différents éléments que je souhaiterais souligner. Il y a d'abord eu un certain nombre de modifications d'ordre législatif. Nous avons aussi mené différentes activités qui ont produit des résultats.
Si nous remontons au projet de loi qui a reçu la sanction royale le 13 mars 2012, le ministre de CIC a obtenu le pouvoir discrétionnaire d'ordonner à ses agents de ne pas émettre de permis de travail aux personnes dont la situation pourrait les rendre vulnérables à de mauvais traitements ou à de l'exploitation, y compris l'exploitation sexuelle et la traite de personnes. Ce fut pour nous un changement majeur que j'estime très positif.
Le projet de loi , Loi accélérant le renvoi de criminels étrangers, a limité le nombre de mécanismes de révision pour certains ressortissants étrangers pour des motifs de grande criminalité.
Le paragraphe 4(1) du Règlement a été modifié en 2010 pour accorder un plus grand pouvoir discrétionnaire aux agents dans les cas de relations de mauvaise foi. Ils ont ainsi une plus grande marge de manoeuvre quant aux motifs pouvant être invoqués pour refuser une demande. Auparavant, il fallait pour ce faire que le demandeur ait contracté un mariage à des fins d'immigration et que ce mariage ne soit pas authentique. Le niveau de preuve a donc changé.
Il y a aussi des mesures d'interdiction plus larges et plus rigoureuses à l'égard du parrainage d'un conjoint. J'y ai d'ailleurs fait allusion dans mes remarques préliminaires. Ainsi, toute personne reconnue coupable d'un acte criminel avec violence ne pourra participer au programme de parrainage.
En octobre 2012, on a instauré le statut de résidence permanente conditionnelle pour certains conjoints parrainés.
Voilà donc autant de changements d'importance.
De plus, nous avons accompli un travail considérable dans le cadre du Programme d'établissement et avons veillé à bien informer ceux qui interviennent auprès des nouveaux arrivants de manière à ce qu'ils soient mieux outillés pour composer avec les différentes situations pouvant se présenter. De vastes efforts de sensibilisation ont aussi été déployés. À ce titre, je vous ai déjà parlé des guides Bienvenue au Canada et Découvrez le Canada. Ces guides largement utilisés regorgent de détails sur quelques-uns des enjeux en cause.
Nous offrons de l'aide aux victimes de la traite des personnes et prenons des mesures spéciales pour composer avec de telles situations. Nous avons en outre des programmes spécialement destinés aux réfugiés, et notamment aux femmes à risque dans ce contexte. Nous avons de plus multiplié nos activités de formation de telle sorte que nos employés soient sensibilisés à ces questions et mieux préparés à composer avec ces situations.
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Je vais prendre la parole en premier, et M. Orr aura peut-être quelque chose à ajouter.
Il est très difficile de calculer le nombre de mariages forcés. Les cas connus dans le système d'immigration sont peu nombreux, et ils ont tendance à relever de l'anecdote. Chose certaine, nous voulons maintenant examiner de manière plus systématique les cas probables.
Il n'arrive pas souvent qu'un mariage forcé soit porté à l'attention d'un agent des visas. En général, la victime ne le signale pas, car elle craint d'être mise en danger s'il fallait qu'on apprenne qu'elle a parlé à un représentant du gouvernement.
Il y a certains indicateurs numériques. Les services consulaires du MAECI ont traité environ 100 cas de mariages forcés au cours des dernières années. Bob a mentionné que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié reçoit parfois des demandes qui s'expliquent en partie par ce genre de mariage. Des études ont été faites. Un des centres d'aide juridique pour les gens originaires de l'Asie du Sud de l'Ontario a publié certains chiffres. Je ne les ai pas avec moi, mais je crois qu'ils disaient être intervenus dans 200 cas émanant de la communauté sud-asiatique de l'Ontario. Il ne faut pas oublier que les personnes impliquées ne sont pas toujours des immigrants, car il s'agit parfois d'enfants d'immigrants.
Il est très difficile de quantifier les mariages forcés, car on ne veut normalement pas que ça se sache. Nous savons cependant qu'ils ont lieu. Notre collaboration étroite avec d'autres pays nous indique qu'ils sont aux prises avec le même problème. Il arrive également qu'un mariage forcé soit porté à notre attention par quelqu'un qui nous prévient, par un message écrit, et les agents des visas peuvent ensuite mener une enquête. Dans un nombre restreint de cas, les agents constatent eux-mêmes la situation.
Ils doivent ensuite travailler en étroite collaboration avec les Affaires étrangères ou l'ASFC pour tenter de gérer le cas sans faire souffrir davantage la victime. Si nous envoyons une lettre de refus qui dit que la demande est refusée parce qu'il s'agit d'un mariage forcé, nous risquons de mettre la victime en danger, car celui qui a forcé le mariage comprendrait qu'elle a parlé à un représentant du gouvernement. Dans ce genre de situations, nous essayons surtout de protéger la victime pour éviter de la faire souffrir davantage.
Nous envisageons un certain nombre d'avenus pour travailler plus étroitement avec les Affaires étrangères et garantir un bon partage de l'information. Le Canada devrait-il examiner l'ensemble des pratiques des autres pays et vérifier s'ils ont une unité spécialisée en matière de mariages forcés? Ce sont toutes de bonnes questions. Nous étudions tous les moyens possibles pour prévenir les mariages forcés par l'entremise du système d'immigration.