CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 9 avril 2014
[Enregistrement électronique]
[Français]
Bienvenue à cette 21e séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration.
Nous commencerons par entendre trois témoins.
[Traduction]
Merci beaucoup à vous trois de votre présence aujourd’hui devant le comité dans le cadre de notre étude sur le renforcement de la protection des femmes dans notre système d’immigration.
Par vidéoconférence, de Vancouver, en Colombie-Britannique, nous recevons à titre personnel Kathryn Marshall, avocate. Merci d’être parmi nous, madame Marshall.
De Toronto, également par vidéoconférence et à titre personnel, nous recevons Audrey Macklin, professeure et titulaire de la Chaire en droits de la personne à la faculté de droit de l'Université de Toronto. Merci de votre présence, madame Macklin. Nous recevons également Elizabeth Long, avocate-procureure à Long Mangalji LLP. Désolée si je me suis trompée, mais merci beaucoup d’être parmi nous vous aussi.
Vous disposez toutes les trois de huit minutes chacune pour faire votre exposé.
Nous allons commencer par vous, madame Marshall. Allez-y je vous prie. La parole est à vous.
Tout d’abord, j’aimerais remercier le comité de m’avoir invitée à témoigner aujourd’hui sur les mesures qui peuvent être prises afin de mieux protéger les conjointes parrainées dans le système d’immigration.
Je me nomme Kathryn Marshall. Je pratique le droit ici, à Vancouver. J’ai un baccalauréat avec spécialisation en études de la condition féminine et en recherche féministe. Je suis également chroniqueuse pour un quotidien à Vancouver, et j’écris sur des questions touchant les femmes. Je m’intéresse particulièrement aux répercussions de notre système d’immigration et aux droits des femmes.
Immigrer au Canada en tant que conjointes parrainées peut être une expérience qui les isoleront beaucoup. Dans la plupart des cas, les conjoints parrainés sont des femmes, et c'est sur elle que je vais concentrer mon exposé aujourd’hui.
Les femmes qui immigrent au Canada à titre de conjointes parrainées se heurtent à des obstacles que ne rencontrent peut-être pas d’autres immigrantes. Le parrain, lui-même immigrant admis, maîtrise une langue officielle et travaille d'une manière ou d'une autre. Le réseau social qu'il s'est ainsi créé lui permet de mieux communiquer et de mieux s’intégrer à la société canadienne. Les enfants à sa charge parrainés au Canada sont intégrés au système d’éducation public, le meilleur réseau qui soit pour se faire des amis, apprendre les langues officielles et faire partie intégrante de la société. Puisque les conjointes parrainées se retrouvent ainsi souvent sans réseau de soutien à l'extérieur de la famille, il leur est difficile d'établir des liens amicaux ou d’apprendre une langue officielle.
Les femmes parrainées à titre de conjointes sont très dépendantes de leur parrain, ce qui peut les rendre vulnérables. En effet, il est beaucoup plus difficile pour les femmes de mettre un terme à une situation de maltraitance et de négligence lorsqu’elles n’ont aucun soutien hors de leur famille. C’est d’autant plus vrai lorsque les femmes doivent également prendre soin de leurs enfants. Il est également beaucoup plus difficile pour les femmes de mettre fin à la relation lorsqu’elles sont victimes de pratiques jugées inacceptables au Canada, notamment la polygamie, le mariage forcé, la mutilation génitale, la violence fondée sur l’honneur et l’oppression. Évidemment, c'est inacceptable.
Il faut agir dès maintenant pour protéger ces femmes et faire en sorte qu'elles puissent apprécier leur nouvelle vie au Canada en tant que membres égaux, libres et productifs de la société canadienne. Nous devons aider ces femmes à s’intégrer, à apprendre une langue officielle et à connaître leurs droits au Canada.
L’idée d’imposer des exigences linguistiques aux conjoints parrainés avant qu'ils n'immigrent au Canada a été envisagée. Or, selon des critiques, de telles exigences empêcheraient la réunification de nombreuses familles. L’idéal serait peut-être d’imposer des leçons d’anglais ou de français aux conjoints parrainés une fois qu'ils auraient immigré au Canada. L’obligation de suivre ces cours après l'arrivée au Canada pourrait faire partie des conditions de résidence à respecter par les conjoints parrainés, et ces cours pourraient être payés par le parrain.
La capacité de communiquer dans l'une ou l'autre langue officielle du Canada permettrait également aux femmes de se tourner vers des services importants tels que les centres de crise pour femmes et les fournisseurs de soins de santé. Des cours de langues obligatoires offriraient également l’avantage de favoriser la socialisation en donnant aux femmes une occasion de rencontrer des gens au cours des premiers mois suivant leur arrivée au Canada, qui sont cruciaux.
Ces cours pourraient également être l’occasion de fournir de l’information détaillée sur les droits des femmes dans notre pays. La connaissance de leurs droits et des options qui leur sont offertes aidera les femmes qui veulent quitter un conjoint qui les maltraite.
Les femmes doivent également savoir qu’elles n’ont pas à accepter des pratiques jugées inacceptables et illégales au Canada. Elles doivent également connaître leurs droits en matière de biens matrimoniaux, leurs droits conférés par la common law ainsi que leurs droits familiaux, notamment en ce qui concerne la garde d’enfant et les visites parentales.
En réalité, de nombreuses femmes immigrantes ont peur de quitter leur époux par crainte qu’on leur empêche de voir leurs enfants ou de leur rendre visite. Elles craignent peut-être également ce qu'il adviendra de leur statut juridique au Canada si elles quittent leur conjoint violent.
Le processus de demande devrait en partie faire explicitement en sorte que les conjointes et leur parrain soient conscients des droits des femmes dans notre pays. Pour s’en assurer, on pourrait notamment leur faire signer un document énumérant leurs droits dans la langue dans laquelle ils sont le plus familiers. Ce document préciserait entre autres que les femmes sont égales aux hommes, ont le droit de mettre un terme à une relation et ont des droits parentaux. Il indiquerait également que la violence conjugale est illégale tout comme la polygamie, les mariages forcés et la violence fondée sur l’honneur.
Il faudrait également informer les conjointes parrainées, dès leur entrée au Canada, de la vaste gamme de ressources destinées aux femmes, dont les établissements de santé pour femmes, les centres de crise et les ressources éducatives, et leur expliquer comment y accéder. Il serait également utile de leur fournir davantage d’information qu'un simple dépliant à leur arrivée. Les organismes communautaires seraient peut-être disposés à organiser bénévolement des séminaires ou des ateliers pour les femmes.
Je sais que l’étude est axée sur la situation des conjointes, mais je veux maintenant porter à l’attention du comité le fait que les conjointes ne sont pas les seules femmes immigrantes à avoir besoin de notre aide. Les conjointes ne sont pas les seules femmes à risque. Il s’est produit au Canada des situations tragiques où des jeunes filles ont été victimes de violence fondée sur l’honneur par leur famille. Notre pays doit mieux protéger les jeunes filles de cette forme de violence.
Aqsa Parvez, une adolescente de Mississauga victime d’un crime d’honneur tragique aux mains de sa propre famille, avait cherché de l’aide auprès d'un refuge qui, malheureusement, n’a pas su reconnaître les signes et l’a renvoyée chez ses agresseurs. Les filles Shafia, brutalement assassinées à Ottawa, se seraient adressées aux policiers et à des travailleurs sociaux. Elles sont malheureusement tombées entre les mailles du filet.
Nous devons mieux former les enseignants, les travailleurs sociaux, les membres du personnel des refuges pour femmes, les agents de police et les agents de la société de protection de l’enfance afin de les aider à déceler les signes chez des jeunes filles en danger, et, s’il y a lieu, à intervenir. La portée de l’étude devrait être étendue de façon à tenir compte de la situation des jeunes filles. Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour veiller à ce que toutes les femmes et toutes les jeunes filles soient libres et égales au Canada.
En résumé, l’éducation est le meilleur moyen de protéger les femmes arrivées au Canada à titre de conjointes parrainées et de les aider à briser l’isolement et à mieux s’intégrer dans leur milieu. Nous pourrons atteindre cet objectif si nous faisons en sorte que les conjointes parrainées apprennent une langue officielle, connaissent tous leurs droits en tant que femmes et soient informées des ressources à leur disposition et des façons d’y accéder. Je vous remercie de m’avoir permis de m’exprimer sur cette importante question et de vous donner quelques conseils pratiques.
Madame Marshall, je vous remercie pour votre exposé.
C’est maintenant au tour de madame Macklin de faire son exposé. La parole est à vous.
Merci beaucoup de me permettre de témoigner devant votre comité.
Tout d’abord, j’aimerais féliciter le ministre Chris Alexander d’avoir déclaré officiellement hier au Parlement que le gouvernement n’a aucunement l’intention d’imposer des exigences linguistiques aux conjoints avant le parrainage ni d’imposer des exigences relatives au revenu minimal aux parrains. À mon avis, ces deux déclarations sont louables, en partie parce que, vu l'étendue dans laquelle de telles mesures ont été appliquées en Europe, on a pu constater que, en plus de ne pas favoriser l'intégration des conjoints parrainés, elles n'avaient que pour effet de réduire la migration familiale, donc d'empêcher et de retarder la réunification des familles, ce qui était prévisible. Puisque le gouvernement et tous les Canadiens attachent une grande importance à l'unité des familles, il serait certainement regrettable que le gouvernement mette en oeuvre des politiques qui auraient exactement l'effet inverse sur les familles immigrantes.
Durant le temps dont je dispose, j'aimerais aborder des aspects que le comité peut étudier puisqu'ils ont trait aux conséquences précises des lois sur l'immigration et la citoyenneté sur la vulnérabilité des femmes immigrantes. Je vais commencer par le statut d'immigrant.
Actuellement, le Canada impose bien sûr aux conjoints un statut conditionnel durant une période de deux ans. Ainsi, un conjoint parrainé doit cohabiter avec son partenaire pendant une période d'au moins deux ans avant que son statut de résident permanent ne soit confirmé. Le fait de ne pas vivre ensemble durant cette période est interprété comme une preuve que la relation n'est pas authentique, et le conjoint risque de perdre son statut et d'être renvoyé du Canada.
En quoi une telle règle rend-elle les femmes immigrantes vulnérables? Elle donne aux parrains un autre moyen de rendre les conjointes vulnérables ou de les exploiter. De quelle façon? Eh bien, le parrain peut menacer sa conjointe de la renvoyer du Canada en retirant sa demande de parrainage. Il peut bien entendu laisser planer une telle menace pour l'intimider, la mettre dans une situation de vulnérabilité et la terroriser de faire quoi que ce soit qui risquerait de compromettre son statut d'immigrante.
Le lien entre cette règle et le risque de maltraitance tient au fait que, si la conjointe parrainée est victime de violence, elle peut légitimement craindre de mettre un terme à la relation puisque le parrain pourrait prétendre que c'est elle qui l'exploite et qui l'a épousé par convenance. La conjointe risque alors le renvoi.
En vertu de nos règles actuelles sur le parrainage des conjoints, la conjointe peut, même si elle met un terme à la relation, demander à ne pas être renvoyée au cours de la période de deux ans pour des motifs d'ordre humanitaire. Or, cette disposition est assortie d'un certain nombre de contraintes.
Premièrement, la conjointe doit quitter physiquement la maison. Elle doit donc déjà amorcer la séparation — ce qui pourrait mener à son renvoi du Canada — sans, bien entendu, avoir l'assurance qu'on croira qu'elle est victime de maltraitance.
Deuxièmement, les critères pour prouver à la satisfaction d'un agent du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration que la femme est effectivement victime de maltraitance sont très stricts et semblent reposer largement sur des formes de preuves documentaires qui peuvent être difficiles à obtenir. Je vais en citer quelques-unes: documents judiciaires, ordonnances préventives, ordonnance de cautionnement, lettres de refuges ou de cliniques familiales, déclarations rédigées par des médecins ou des professionnels de la santé, déclarations sous serment sous forme d'affidavits, des rapports de police ou d'incident, des photos de la victime et de ses blessures, des courriels, des affidavits, notamment.
Or, une femme peut se trouver dans une situation extrêmement difficile, mais être incapable d'obtenir et d'accumuler le genre de preuves exigées par un agent de Citoyenneté et Immigration. Si elle ne fournit pas les preuves demandées, elle risque de ne pas être crue et d'être renvoyée du Canada au lieu d'avoir la protection dont elle a besoin.
Voilà, notamment, comment les lois relatives à l'immigration ne diminuent pas, mais exacerbent la vulnérabilité des femmes victimes de violence conjugale.
Il pourrait donc être utile que le comité étudie les pratiques des autres pays en la matière et se pose deux questions. Premièrement, dans quelle mesure cette politique de parrainage de conjoints conditionnel permet-elle de résoudre le problème posé par les mariages frauduleux, ou les mariages de complaisance? Est-ce que des preuves montrent que le statut conditionnel permet bel et bien d'atteindre cet objectif? Deuxièmement, quelles sont les répercussions de cette politique sur la vulnérabilité des femmes qui sont victimes de violence conjugale?
J'aimerais maintenant parler brièvement d'un autre aspect des politiques en matière de citoyenneté et d'immigration, soit la politique en matière de citoyenneté.
Nous constatons depuis peu que les exigences en matière de citoyenneté sont de plus en plus rigoureuses, plus particulièrement en ce qui concerne la langue. Je suis convaincue qu'il s'agit d'une évidence et que tout le monde sait que la citoyenneté est une forme de sécurité très importante dont les gens jouissent. Ainsi, toute personne qui obtient la citoyenneté a la certitude que son statut au Canada est stable. L'accès à la citoyenneté est donc une façon de garantir la sécurité, et en empêchant des gens d'y avoir accès ou en rendant le processus plus difficile, on accroît leur vulnérabilité.
Par ailleurs, les changements apportés aux exigences linguistiques et à l'évaluation de celles-ci pourraient avoir des répercussions sur l'accès des femmes à la citoyenneté. Une étude menée en 2010 par la professeure Tracey Derwing, de l'Université de l'Alberta, pour le compte de Citoyenneté et Immigration Canada a révélé que la modification des critères linguistiques et les examens plus rigoureux auront probablement des répercussions négatives sur deux groupes figurant parmi les populations les plus vulnérables, en l'occurrence les réfugiés et les femmes parrainées de l'Asie de l'Est et de l'Asie du Sud-Est, et que ces mesures pourraient les empêcher d'avoir accès à la citoyenneté. Le comité voudra peut-être examiner en quoi le resserrement des exigences relatives à l'accès à la citoyenneté aura des répercussions sur la vulnérabilité des femmes.
Pour terminer, j'aimerais rappeler au comité qu'étant donné que le Canada accorde une grande importance à la famille, toute politique qui vise à empêcher, à entraver ou à retarder la réunification des familles a non seulement des conséquences sociales néfastes, mais aussi, au bout du compte, des conséquences économiques dommageables.
J'inviterais le comité à étudier ces deux aspects dans le cadre de ses délibérations.
Merci beaucoup.
Merci beaucoup, madame Macklin.
Madame Long, vous avez maintenant la parole. C'est à votre tour de faire votre déclaration préliminaire.
Je vous remercie de tout coeur de m'avoir invitée ici aujourd'hui.
Je suis avocate et je pratique uniquement le droit de l'immigration. Je suis également accréditée en droit de la citoyenneté et de l'immigration par le Barreau.
Plusieurs de mes clientes viennent des centres d'hébergement ou des cliniques juridiques, comme la clinique Barbra Schlifer, qui aident les femmes victimes de mauvais traitements. J'aimerais offrir quelques conseils et vous faire part de certaines de mes expériences avec des clientes qui ont été maltraitées dans le cadre du système de parrainage de conjoints.
Ce qui est très regrettable pour bon nombre de femmes qui viennent me voir, c'est que le système d'immigration actuel m'oblige à leur dire que je ne peux rien faire pour elle, sauf leur conseiller de rester avec leur agresseur. Tout d'abord, avant qu'elles puissent obtenir leur résidence permanente, elles sont confrontées à un problème qui touche le système de parrainage d'un conjoint en tant que tel. En effet, ce système est fondé sur le fait que les membres de la famille demeurent ensemble. Si une femme quitte son mari, elle ne peut plus obtenir sa résidence permanente.
Cette situation fait en sorte que l'agresseur jouit parfois d'un pouvoir immense, qui est amplifié par ce système. Ce pouvoir s'étend aussi aux capacités linguistiques, à l'éducation et à l'argent. Les femmes qui sont parrainées par leur conjoint sont vulnérables et elles peuvent être facilement exploitées par leur agresseur dans de telles situations.
J'ai constaté que les agresseurs refusent bien souvent de remplir les formulaires ou menacent de retirer leur demande de parrainage. Même lorsque les femmes obtiennent leur résidence permanente, les agresseurs les menacent de les dénoncer à l'immigration et d'envoyer des lettres empoisonnées, et bien souvent, c'est ce qu'ils font. Même si les femmes ont un véritable lien affectif avec ces hommes et qu'elles ont des enfants avec eux, elles se font maltraiter et elles souhaitent partir. Les agresseurs ont une emprise très importante sur leurs femmes.
Qu'arrive-t-il aux femmes et aux enfants qui se trouvent dans cette situation? Bien souvent, les femmes perdent leur statut. Leur situation devient alors précaire. Elles sont parfois détenues. Il arrive aussi que les enfants soient détenus, ou alors, ils sont séparés de leur mère et c'est l'agresseur qui en obtient la garde. Ils sont séparés. C'est une peur bien réelle et malheureusement, je dois dire aux femmes qu'elles doivent s'attendre à de telles conséquences si elles quittent leur mari, leur parrain.
Tout cela se produit avant le parrainage. Cela se produit aussi une fois qu'elles ont obtenu la résidence permanente conditionnelle dans le cadre du programme de parrainage. Ce programme de parrainage conditionnel fait en sorte qu'il est très difficile pour une femme victime de mauvais traitements, par exemple, de prouver à un tribunal que son agresseur la maltraite. Nous le savons tous. Je dois maintenant dire à mes clientes qu'elles doivent prouver à un agent qu'elles ont été victimes de mauvais traitements, et que si l'agent ne les croit pas, elles devront se présenter à une autre audience pour prouver qu'elles ont bel et bien été maltraitées.
Les mauvais traitements peuvent prendre plusieurs formes. Il arrive parfois que la violence physique ne laisse aucune trace. En outre, comment une femme peut-elle prouver qu'elle est victime de violence psychologique? De cruauté mentale? Qui la croira?
Il s'agit bien souvent de facteurs dissuasifs que je dois communiquer aux femmes lorsque je les conseille et qu'elles me demandent ce qui leur arrivera lorsqu'elles quitteront leur mari. Elles veulent savoir comment elles se débrouilleront et ce que le système leur réserve si elles quittent leur mari. Je dois leur dire que ce sont des conséquences possibles. Le système actuel ouvre la porte aux mauvais traitements et les favorise.
J'aimerais terminer en formulant quelques recommandations fondées sur mon expérience pour tenter de remédier à de telles situations.
Ma première recommandation est liée au parrainage conditionnel. Compte tenu du pouvoir que ces hommes exercent sur les femmes, le jeu n'en vaut pas la chandelle. Nous devons éliminer cette exigence. Pourquoi leur demanderait-on de prouver qu'elles subissent de mauvais traitements? Cette condition les décourage de quitter leur agresseur, car si elles le quittent, elles risquent de perdre certaines choses qui leur sont très chères. Elles ont beaucoup à perdre si elles le quittent, et donc, pour elles, le jeu n'en vaut pas la chandelle.
J'aimerais également formuler une deuxième recommandation. À mon avis, nous devons mettre en oeuvre des politiques qui permettront aux femmes de rester temporairement au pays si elles quittent leur mari et font une demande pour considérations d'ordre humanitaire. Les permis de résidence temporaire pourraient être utilisés pour leur permettre de rester temporairement au pays et de bénéficier d'un statut temporaire pour leur permettre d'obtenir leur résidence permanente par leurs propres moyens, dans la catégorie de l'expérience canadienne, par exemple. Il doit s'agir d'une directive claire communiquée aux agents afin qu'ils donnent aux femmes la possibilité d'avoir accès à ces recours.
Nous devons aussi pouvoir compter sur les services d'agents spécialement formés dans le domaine de la maltraitance. Les mauvais traitements peuvent prendre de nombreuses formes. Ce n'est pas parce qu'une personne ne s'adresse pas à la police qu'elle n'est pas maltraitée. Il faut que les agents soient spécialement formés dans le domaine de la maltraitance pour pouvoir s'occuper de tels cas.
Enfin, nous devrions établir une politique qui consiste à ne pas poser de questions et à ne rien dire en ce qui concerne les services politiques. En droit criminel, on demande aux victimes de témoigner contre leur agresseur; il ne devrait pas y avoir de lien entre le droit criminel et le droit de l'immigration. Nous ne pouvons pas accepter que le système soumette les victimes à de nouvelles souffrances, encore et encore.
Merci beaucoup.
Merci, madame Long.
Nous allons maintenant amorcer la première série de questions en commençant par M. Menegakis.
Vous disposez de sept minutes.
Merci, madame la présidente. Je tiens aussi à remercier les témoins qui comparaissent devant nous aujourd'hui. J'ai trouvé que vos témoignages étaient très intéressants et utiles. Je vous remercie de nous avoir fait part de votre expérience.
Il s'agit d'une étude très importante pour nous. Pendant presque tout le mois de janvier, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, l'honorable Chris Alexander, a organisé des consultations à l'échelle du pays sur le sujet, et en toute franchise, il a entendu des propos très similaires à ceux que vous avez tenus aujourd'hui. Nous avons suffisamment de statistiques et de renseignements pour savoir que des personnes font l'objet de mauvais traitements dans le cadre du programme de parrainage d'un conjoint et le comité a l'intention d'étudier cette question. C'est pour cette raison que nous nous y attardons. Dans le cadre de nos délibérations, nous avons déterminé qu'il serait prudent d'effectuer une étude approfondie afin de déterminer comment nous pouvons améliorer le système de façon à pouvoir coincer ceux qui sont violents, plus particulièrement envers les femmes.
Dans le cadre de vos témoignages, il a été brièvement question des mariages frauduleux et des mariages de complaisance. Nous ne disposons pas de beaucoup de statistiques à ce sujet. Cependant, je peux vous dire que dans le système global de gestion des cas — je pense que Mme Macklin en a parlé —, les données d'une année complète ne sont disponibles que pour 2013. En 2013, environ 2 200 demandes de parrainage dans le cadre du programme de parrainage d'un conjoint ont été refusées parce qu'il s'agissait de relations de mauvaise foi. Donc, de toute évidence, nous souhaitons empêcher ou même éliminer complètement, si nous le pouvons, les mariages frauduleux et de complaisance.
Par contre, cela n'enlève rien au fait que des femmes sont maltraitées et qu'elles doivent avoir des recours. Elles doivent pouvoir obtenir de l'aide. De toute évidence, la résidence permanente conditionnelle, d'une durée de deux ans, n'avait pas pour objectif de compliquer la vie de ces femmes, même si je comprends tout à fait ce que vous voulez dire, madame Macklin, et ce que les autres témoins qui ont comparu devant nous veulent dire elles aussi.
Il y a aussi un autre aspect dont nous devons tenir compte. Certaines femmes parrainent des hommes pour qu'ils viennent au Canada et ces derniers peuvent être violents. Cela est arrivé ici, à Ottawa, récemment. Cette situation a été très médiatisée et il en a été question dans les journaux. Dès son arrivée au pays, l'homme qui avait été parrainé a commencé à maltraiter sa femme. Dans ce cas bien précis, il a utilisé le système à son avantage et il est encore ici, même si c'est lui l'agresseur. Nous voulons éviter que de telles choses se produisent.
Je vais commencer par vous, madame Marshall, car je crois que comme les autres témoins, vous avez mentionné qu'il faut informer les gens de leurs droits au Canada avant leur arrivée ici. Je crois que vous avez dit qu'il faudrait leur faire signer un document attestant qu'ils sont au courant de leurs droits. C'est un aspect très important. Je me demandais si vous pourriez nous en dire un peu plus à ce sujet, madame Marshall.
Oui, bien sûr. Je crois que lorsque les gens reçoivent de l'information... Même si c'est une bonne idée de leur remettre une brochure ou un dépliant, à mon avis, en procédant ainsi, on leur communique l'information de façon passive. Rien ne garantit que la personne a bel et bien lu les renseignements et qu'elle comprend vraiment ses droits. Je crois donc qu'il serait important d'inclure ces renseignements dans la demande pour les gens qui parrainent un conjoint et dans les formulaires que le conjoint parrainé doit signer.
Il faudrait inclure un document expliquant les droits accordés au Canada en ce qui concerne l'égalité des femmes, les libertés et l'accès aux enfants, de même que les droits prévus par le droit de la famille et les droits relatifs à la propriété prévus par la common law, et exiger que ce document soit lu. Il devrait être indiqué de façon très claire et explicite que la polygamie, la violence conjugale, la violence familiale, la mutilation des organes génitaux féminins et toutes les formes de violence liées à l'honneur sont illégales au Canada. Ce ne sont pas des pratiques acceptables. Les personnes devraient être tenues de signer un document attestant qu'elles ont lu et compris ces droits. Peut-être que ce document pourrait être rédigé dans la langue qu'elles comprennent le mieux.
Je crois qu'il est très important que les gens comprennent leurs droits. Je ne parle pas seulement des conjoints qui viennent au Canada dans le cadre du programme de parrainage, mais aussi de ceux qui font la demande de parrainage.
Merci.
Je vais maintenant poser une autre question. J'aimerais que Mme Long et Mme Macklin y répondent afin qu'elles puissent elles aussi nous faire part de leurs commentaires.
Ma question porte sur les mariages à distance. Comme vous le savez, ce type de mariage est légal à l'heure actuelle. Ainsi, un couple qui se marie par téléphone ou même, malheureusement, par télécopieur, peut participer au programme de parrainage d'un conjoint. J'ai l'impression que cela peut donner lieu à un plus grand nombre de mariages forcés, à un accroissement de l'utilisation abusive du système et à une augmentation de la violence conjugale. J'aimerais que Mme Macklin ou Mme Long me dise si, à son avis, nous devrions mettre fin à cette pratique.
Je peux seulement dire que je ne suis pas très bien renseignée au sujet des mariages à distance. Je sais qu'il y a beaucoup de mariages de ce type en Israël. Il est fréquent que les couples se marient à distance là-bas, car les lois ne visent que les mariages religieux. Je ne sais pas s'il y a eu un problème particulier en Israël à cause des mariages à distance, mais cela m'amène à vous proposer d'étudier la situation des autres pays où ce type de mariage est permis pour déterminer s'il y a un lien et, le cas échéant, de déterminer ensuite la meilleure politique à adopter en la matière.
À ma connaissance — mais je n'ai pas étudié la question —, cela ne pose pas de problème particulièrement grave du point de vue de la fréquence des mariages forcés, mais cela dit, je dois avouer que je n'ai pas étudié la question de près.
Je n'ai pas été témoin de beaucoup de mariages par procuration, mais selon moi, ça ne change rien à l'affaire. Que le mariage se fasse au téléphone ou en personne dans une église ou une mosquée, ça revient au même. D'après mon expérience, s'il est pour y avoir de l'abus, il va y en avoir quel que soit le type de mariage. Mais c'est mon opinion.
J'aimerais ajouter quelque chose. Le comité devrait peut-être penser aux obstacles que doivent surmonter ceux qui veulent venir au Canada pour y épouser leur conjoint ou conjointe. Les visas sont souvent difficiles à obtenir. Ce que vous décrivez peut constituer une solution de rechange intéressante, alors avant de conclure que les mariages par procuration posent problème, il serait peut-être bon de revoir les politiques canadiennes sur l'octroi de visas aux personnes qui souhaitent venir se marier au Canada.
Merci, madame la présidente.
Merci aussi à tous nos témoins de s'être déplacées aujourd'hui.
J'aimerais commencer par vous, madame Long, parce que, dans votre première recommandation, vous dites qu'il faut abolir le parrainage conditionnel. Quand vous parlez de parrainage conditionnel, j'imagine que vous voulez parler de la résidence permanente conditionnelle pour les conjoints, n'est-ce pas?
En effet. Je m'explique: si un mariage est effectivement frauduleux, les lois actuelles permettent déjà de retirer la résidence permanente aux personnes visées pour cause de fausse représentation. Bref, il y a déjà des lois qui permettent de sanctionner les mariages frauduleux.
Parce que, dans les faits, ce que j'appelle le parrainage conditionnel cause du tort aux femmes maltraitées. Je crois donc que cette disposition n'a pas de raison d'être.
Je vous remercie.
Madame Macklin, vouliez-vous parler vous aussi de la résidence permanente conditionnelle pour les conjoints?
Je crois que c'est vrai. Je n'ai pas grand-chose à ajouter. Je crois cependant qu'il faut choisir entre deux priorités: les mariages frauduleux ou les femmes maltraitées.
Si vous accordez plus d'importance aux mariages frauduleux, une question se pose alors: le parrainage conditionnel que vous proposez va-t-il vraiment être plus efficace que la révocation de la résidence permanente pour cause de fausse représentation? À mon avis, rien ne prouve que ce sera le cas. Dans ce cas-là, pourquoi instaurer une règle qu'on sait néfaste mais dont les vertus sont incertaines?
Une dernière chose: les demandes de parrainage de conjoints sont déjà scrutées à la loupe dans les missions canadiennes à l'étranger. Et comme le disait M. Karygiannis, de nombreuses personnes voient leur demande refusée avant même d'arriver ici. Bref, nous disposons déjà d'un mécanisme permettant de lutter contre ce problème.
Pour ce qui est des demandes refusées au Canada dont M. Karygiannis parlait aussi...
Une voix: C'est Menegakis.
Mme Audrey Macklin: Je crois qu'on devrait davantage se fier aux résultats des appels devant la Section d'appel de l'immigration qu'aux simples taux de rejet.
Cinq minutes? Excellent.
Madame Long, vous avez parlé d'obstacles systémiques, et j'aimerais en savoir plus.
De nombreux témoins ont dit au comité que la langue et les obstacles économiques empêchent souvent les personnes maltraitées de dénoncer leur conjoint. Je suis convaincue que, dans le cadre de votre travail, vous avez eu connaissance d'autres obstacles qui empêchent les femmes de porter plainte. Vous avez mentionné quelques-uns des obstacles systémiques.
J'aimerais d'abord que vous nous parliez des autres obstacles qui empêchent les femmes de signaler les mauvais traitements dont elles sont victimes. J'aimerais aussi que vous nous disiez ce que le gouvernement du Canada — et plus précisément Citoyenneté et Immigration, qui est le ministère que nous supervisons — pourrait faire pour faire tomber quelques-uns de ces obstacles. Que pouvons-nous faire pour que les femmes qui dénoncent leur conjoint soient mieux protégées?
Hier, des témoins néo-zélandais nous ont expliqué comment ça marche dans leur pays. Ils nous ont dit que, là-bas, les gens attendent très peu avant de dénoncer la violence conjugale. Il suffit parfois qu'une infirmière produise un rapport pour qu'une femme souhaitant quitter un conjoint violent puisse demander elle-même la résidence permanente. Tout ça parce que les autorités tiennent à ce que les femmes soient moins vulnérables, qu'elles soient en sécurité et qu'elles puissent s'en sortir sans trop de difficultés.
J'ai posé beaucoup de questions, alors je vais laisser les témoins répondre à quelques-unes d'entre elles.
Commençons par Mme Long, puis Mme Macklin et Mme Marshall, si elle le souhaite.
Merci.
Merci à vous.
Je crois que l'exemple néo-zélandais est très important. C'est une question de priorités. Si nous trouvons important que les femmes maltraitées et leurs enfants aient les moyens de laisser leur conjoint violent, il est alors essentiel qu'elles puissent se confier à une infirmière, qui va ensuite rédiger un rapport, et il est important que les exigences en matière de preuves ne soient pas trop élevées, car c'est très difficile pour une femme de prouver qu'elle est maltraitée.
Si on leur accordait un certain statut... En fait, le statut permettrait d'égaliser les forces en présence. Autrement, même si une femme a de l'argent, même si elle parle français ou anglais et même si elle est instruite, sans statut, elle n'aura d'autre choix que de partir.
J'aimerais revenir à ce que nous disions au sujet des demandes qui sont scrutées à la loupe par les missions à l'étranger, supposément pour empêcher ce qu'on appelle les mariages de complaisance. Pourquoi tout recommencer une fois ici, avec tous les frais et les difficultés que cela suppose, en imposant un parrainage conditionnel?
À moins que les autorités aient l'intention d'éliminer — ou de diminuer substantiellement — les contrôles à l'étranger, je ne vois pas pourquoi on imposerait un parrainage conditionnel de deux ans. Sans cette disposition, nous ne pourrons pas répondre à la question que vous posez, à savoir: que va-t-il arriver aux femmes qu'on ne croit pas?
Si le Canada imposait un statut conditionnel de deux ans, il rejoindrait alors de nombreux autres pays. Le Royaume-Uni, l'Australie et les États-Unis imposent tous une forme ou une autre de statut conditionnel. Ce moyen est vraiment efficace contre les mariages frauduleux.
Honnêtement, je crois qu'en luttant contre les mariages frauduleux, on protège mieux les femmes. Il est important d'assurer l'intégrité de notre système d'immigration, et le statut conditionnel est assorti de mécanismes afin de protéger les femmes qui sont maltraitées.
Je crois que c'est bon pour...
Excusez-moi, madame Marshall.
Les deux autres témoins nous ont dit que la loi prévoit déjà toutes sortes de moyens pour déceler et sanctionner les mariages frauduleux. Devons-nous vraiment ajouter une disposition qui rendrait les conjoints parrainés — et surtout les femmes — plus vulnérables alors que leur arrivée dans un nouveau pays contribue déjà à les rendre vulnérables?
Je suis désolée, mais il ne reste plus de temps.
Nous allons céder la parole à M. McCallum, pour cinq minutes.
Merci, madame la présidente.
Je vous remercie tous d'être des nôtres aujourd'hui.
J'ai mené un petit sondage auprès de nos témoins pour savoir s'ils sont en faveur ou non du statut conditionnel de deux ans. Il est clair que Mmes Long et Macklin s'y opposent.
Je pense, d'après ce que vous avez dit, madame Marshall, que vous êtes peut-être en faveur de ce statut, mais pouvez-vous confirmer si vous aimeriez conserver ou éliminer ce statut conditionnel de deux ans? Répondez uniquement par « oui » ou « non ».
J'aimerais le conserver, et je crois que nous pouvons renforcer les mécanismes afin de permettre aux femmes qui sont maltraitées d'obtenir de l'aide.
D'accord, merci.
D'après les résultats de mon sondage, 15 de nos témoins s'opposent au statut, deux sont en faveur et un n'a pas d'opinion à ce sujet. Ce sont les positions de nos témoins. Quant à moi, je suis totalement en faveur de l'élimination de ce statut.
Pour répondre à la professeure Macklin, qui parlait d'autres pays, d'excellents témoins de la Nouvelle-Zélande ont comparu devant le comité. La Nouvelle-Zélande a un statut conditionnel d'un an mais, au moins, les femmes maltraitées disposent d'un moyen rapide, expéditif et peu coûteux d'obtenir leur résidence permanente. Cela prend moins d'un an. Les femmes doivent débourser 800 $, et elles reçoivent automatiquement un permis de travail. Ce système est bien meilleur que le nôtre. Cependant, il est tout de même inadéquat parce que ce moyen ne serait pas nécessaire si le statut conditionnel n'existait pas.
Maintenant, j'aimerais poser une question à chacune d'entre vous. Je commencerai peut-être par Mme Macklin. Je crains que les conservateurs ne voudront pas se débarrasser de ce statut si vous ne pouvez pas démontrer qu'il ne contribue pas à réduire le nombre de mariages de complaisance ou qu'il existe d'autres façons de s'attaquer à ce problème. Mme Long a mentionné la révocation pour cause de fausse représentation. Est-ce que l'une d'entre vous peut fournir des preuves que cette méthode fonctionne ou ne fonctionne pas? Plus important encore, pouvez-vous nous proposer des moyens de résoudre le problème des mariages de complaisance autres que de forcer les personnes à vivre ensemble pendant deux ans, ce qui peut donner lieu à des actes de violence conjugale? Y a-t-il d'autres façons, à part l'examen des pratiques d'autres pays, ce que nous faisons déjà, de réduire le nombre de mariages de complaisance?
J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet, madame Macklin.
D'après mon interprétation des pratiques d'autres pays, Mme Marshall a complètement raison quand elle affirme que beaucoup d'autres pays possèdent une certaine forme de statut conditionnel. Cependant, cela n'a pas permis d'apaiser les craintes relatives aux mariages de complaisance et aux mariages frauduleux dans ces pays. Personne n'a affirmé que ce statut avait réduit ou éliminé le problème. Cela laisse donc entendre que cette solution ne fonctionne pas mais que, au contraire, elle augmente l'exposition à la violence.
L'ampleur du problème n'a jamais été claire. Il y a très peu de données fiables sur l'ampleur du problème des mariages de complaisance. Même si c'est une pratique déplorable, dans quelle mesure notre politique publique devrait-elle être axée sur la résolution de ce problème plutôt que sur, disons, la résolution des longs retards dans la réunification des familles? Alors, avant de décider que cette question fasse l'objet d'une politique, je crois qu'il vaudrait la peine que le comité examine non seulement si d'autres pays ont recours à ce statut, mais aussi si ce statut donne des résultats efficaces. Si ce n'est pas le cas, pourquoi devrions-nous suivre leur exemple? Il ne sert à rien d'emprunter de mauvaises politiques.
Beaucoup de parrains sont venus me parler pour me dire qu'ils avaient été amenés par la ruse à se marier. Le problème dans ces situations n'est pas que le couple n'est pas resté ensemble, mais que les agents n'ont rien fait. Ils étaient légalement autorisés à dire aux personnes parrainées qu'ils leur enlevaient leur statut et qu'elles feraient l'objet d'une enquête de la SAI, mais ils n'ont rien fait parce qu'on ne leur avait pas donné ce mandat.
Il y a également des mariages de complaisance où les deux parties étaient complices. Dans de tels cas, qui peut savoir si ces personnes restent vraiment ensemble pendant deux ans? Il n'y a aucune façon de le savoir. C'est donc absolument...
Je m'excuse de vous interrompre. Je vous remercie de votre intervention, mais nous disposons de très peu de temps.
Madame Marshall, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
Je pense que le statut conditionnel n'est pas vraiment ce qui est en cause. La véritable question semble être l'accès des femmes maltraitées à l'aide et aux ressources nécessaires. Un des principaux obstacles que doivent surmonter les femmes dans ces situations est leur incapacité de parler une des langues officielles. En effet, il est très difficile d'accéder à des services de soutien de première ligne quand on n'est pas en mesure de communiquer, quand on ne connaît pas ses droits et quand on n'est pas certain de son statut juridique au pays. Je pense que certaines des recommandations que j'ai faites à cet égard pourraient permettre de soulager quelques-unes de ces inquiétudes.
Merci beaucoup. Le temps est maintenant écoulé.
Monsieur Leung, vous avez la parole pour sept minutes.
Merci, madame la présidente.
Merci aux témoins d'être parmi nous.
Il me semble que nous pourrions mieux déterminer les mariages qui sont véritables et déceler les mariages blancs ou frauduleux si nous améliorions les entrevues ou les évaluations préalables à l'arrivée ou si nous gérions tout simplement les risques de notre système d'immigration.
Vous avez affirmé que nous pouvons diminuer ou atténuer bon nombre de ces risques si les conjoints parrainés qui viennent au Canada répondent, dans une grande mesure, à toutes les exigences que doivent respecter les personnes qui immigrent au Canada.
Par exemple, nous pourrions déterminer si la personne dispose de certaines ressources, si elle répond à des exigences minimales en ce qui concerne la maîtrise d'une langue officielle, si elle possède une certaine instruction, si elle est d'âge mur, ou si elle a atteint l'âge du consentement. Nous pourrions même, si nous voulons aller jusque là, examiner son appartenance religieuse.
Ma question est donc la suivante: quel est le meilleur outil pour évaluer les risques avant l'arrivée?
Madame Marshall, voulez-vous répondre en premier?
Ce n'est pas vraiment mon domaine d'expertise. Cependant, je crois qu'il serait vraiment important d'assurer un très bon processus de sélection, ainsi que peut-être d'avoir un processus d'entrevue complet et solide. Cependant, je veux revenir de nouveau à la question fondamentale, à savoir comment protéger les femmes qui sont vulnérables et qui risquent de se retrouver isolées quand elles viendront au Canada en tant que conjointes parrainées.
Comment pouvons-nous favoriser leur intégration pour assurer leur réussite, ainsi que leur permettre de rencontrer des gens, de recevoir de soins de santé, et d'avoir accès à des employés de refuges, de centres pour femmes et d'établissements d'enseignement? Comment pouvons-nous y parvenir?
Je pense que c'est vraiment au moyen de l'éducation. Nous devons veiller à ce que les femmes qui viennent au Canada en tant que conjointes parrainées aient des exigences linguistiques à respecter, qu'elles connaissent pleinement leurs droits, et que les personnes qui les parrainent soient elles aussi pleinement conscientes de leurs droits, ainsi que du fait qu'infliger des mauvais traitements aux femmes n'est pas toléré au Canada.
Je pense que c'est là où nous devons mettre l'accent et apporter des améliorations.
Puis-je en conclure qu'il est possible qu'une personne qui est parrainée en tant que conjointe... Premièrement, le parrain devrait disposer des ressources nécessaires pour la soutenir adéquatement. Deuxièmement, la femme — en supposant qu'il s'agit bien d'une femme qui vient au pays — devrait avoir une compréhension minimale d'une de nos langues officielles, ou peut-être un certain niveau de compréhension, être d'âge mur et avoir atteint l'âge du consentement, si elle ne veut pas être complètement vulnérable à l'égard de son parrain.
Il faut s'assurer que la femme a atteint l'âge du consentement. Je sais que cet âge est maintenant fixé à 16 ans, mais je crois qu'il devrait être porté à 18 ans. je pense qu'il est important de veiller à ce que le parrain possède un minimum de ressources. Il prend déjà un engagement important pour soutenir financièrement la conjointe qu'il parraine. Il devrait être en mesure de le faire sans manquer à cet engagement.
Cependant, en ce qui a trait aux exigences en matière d'éducation, je pense que mettre en application ces exigences à l'arrivée de la personne parrainée au Canada pourrait réduire les craintes que les exigences linguistiques soient un obstacle à la réunification des familles.
Merci.
Madame Macklin ou madame Long, est-ce que vous auriez quelque chose à dire dans le temps qui nous reste?
Je pense que le gouvernement ne devrait pas se mêler des questions d'amour. Nous ne pouvons pas tenter de réglementer les sentiments amoureux des personnes et faire obstacle à la réunification des familles. Ce n'est pas une question d'ordre économique, mais de réunification des familles. L'objectif visé est différent.
Si vous avez une famille, ce n'est pas parce qu'une femme ne parle pas l'une des langues officielles ou ne possède pas un certain niveau d'instruction qu'elle sera maltraitée. C'est une mauvaise façon de raisonner. J'ai vu des femmes qui parlent un anglais parfait, qui détiennent des doctorats et qui sont maltraitées. Ce n'est pas une bonne analyse de la violence conjugale.
Je croyais que le ministre avait déclaré catégoriquement au Parlement qu'il n'envisageait pas les politiques que vous mentionnez. Cependant, si c'est ce vous faites tous les deux, j'aimerais ajouter que si vous voulez limiter la réunification des familles et garder les familles séparées, ce sont d'excellents moyens d'y parvenir.
Toutefois, si vous voulez empêcher les femmes d'être victimes de violence ou favoriser l'intégration, ce ne sont pas les moyens de procéder.
Je suggérais seulement une façon de gérer les risques et d'évaluer la possibilité qu'une femme ait été maltraitée avant son arrivée au Canada.
Madame Long, vous avez affirmé que le gouvernement ne devrait pas se mêler des questions d'amour. Cela contredit l'argument selon lequel il y a des mariages arrangés dans certaines cultures, et j'imagine que, dans ce type de mariages, les femmes n'ont pas de choix. On ne peut pas vraiment parler d'amour dans une telle situation, n'est-ce pas?
Je m'excuse, mais je ne suis pas d'accord. Deux personnes dans un mariage arrangé peuvent tomber amoureuses l'une de l'autre. Cependant, ce n'est pas à nous de décider si des gens peuvent être ensemble en fonction de leurs connaissances linguistiques ou générales.
Qu'arrive-t-il si le couple a un enfant? Que se passerait-il si la personne ne possède pas un revenu minimum? Souvent la personne parrainée est le soutien de famille. Vous ne pouvez donc pas décider qu'une famille se retrouvera aux crochets de l'aide sociale juste parce que son soutien ne possède pas le revenu minimum requis. Il y a déjà des moyens d'empêcher cela. De toute façon, la personne parrainée ne peut pas recevoir de l'aide sociale.
Merci beaucoup. Je dois vous interrompre ici. Je suis désolée, mais votre temps est écoulé.
M. Sandhu aura maintenant la parole pour cinq minutes.
Merci. J'aimerais demander à Audrey Macklin de définir ce qu'est un mariage arrangé et un mariage forcé.
Je ne crois pas que ce soient de véritables termes techniques juridiques. Je ne vais donc pas prétendre qu'ils le sont. Cependant, je pense que la South Asian Legal Clinic of Ontario, clinique juridique de l’Ontario pour les gens originaires de l’Asie du Sud, a déployé des efforts considérables pour sensibiliser la population à ces questions, et je l'en félicite.
Je pense qu'elle établit une distinction entre les mariages forcés et les mariages arrangés. Dans les mariages arrangés, les deux parties donnent leur plein et libre consentement, alors que, dans le cas des mariages forcés, un des conjoints ou les deux ne donnent pas leur consentement. Des gens de toutes les origines culturelles ont été victimes de mariages forcés. Au Canada, ces mariages forcés se produisent parfois au sein des groupes de nouveaux arrivants, et les représentants de la clinique considèrent ce type de mariages comme une forme de violence familiale. Ils établissent certainement une distinction entre les mariages forcés et les mariages arrangés. Je pense qu'ils le font pour ne pas laisser le spectre des mariages forcés être utilisé comme excuse ou moyen pour limiter ou empêcher la réunification des familles provenant de cultures où il y a des mariages arrangés.
Nous avons entendu de nombreux témoins, y compris lors de l'audience d'hier, dire qu'ils craignaient que les femmes deviennent isolées. Quand une femme est maltraitée, le fait d'être isolée a une incidence sur les possibilités qu'elle signale ces mauvais traitements aux autorités pertinentes. Croyez-vous que ce soit un obstacle et, si c'est le cas, pourrait-il être éliminé? Je pense surtout ici aux femmes qui sont isolées de leur famille.
Je pense que l'isolement est une caractéristique courante de la violence conjugale, peu importe les origines culturelles et linguistiques de la personne. Nos refuges sont remplis de femmes anglophones et francophones qui peuvent parler de la façon dont leur agresseur les avait isolées. Je ne crois donc pas que c'est une situation propre à un groupe culturel ou linguistique particulier.
Est-ce que cela aiderait les femmes si les membres de leur famille immédiate étaient là pour réduire leur sentiment d'isolement?
Absolument. Le soutien familial peut aider la personne maltraitée à chercher l'aide et l'appui dont elle a besoin, et je pense que c'est le cas généralement. Il existe de nombreuses sources possibles de soutien, et la famille est certainement l'une d'entre elles.
Actuellement, sous le gouvernement conservateur, nous avons observé de longs délais pour la réunification des familles. En effet, cela prend au moins huit ou neuf ans pour être réuni avec les membres de sa famille et son conjoint. Est-ce que vous croyez que cela empêche une personne de signaler...que cela n'aide pas la personne maltraitée?
Tout retard dans la réunification familiale est nuisible à tous. Il est nuisible aux Canadiens qui attendent d'être réunis avec leur être cher. Il est nuisible à la personne à l'étranger qui attend d'être réunie avec son être cher, parfois un enfant. Il est nuisible à l'économie, car l'unité économique est fragmentée. Il est nuisible sur le plan psychologique, car plus les enfants attendent longtemps pour arriver au Canada, plus il leur faudra de temps pour s'adapter au système scolaire canadien qui, comme l'a fait remarquer Mme Marshall à raison, est un merveilleux outil d'intégration.
Les retards dans la réunification familiale nuisent plus qu'aux particuliers intéressés. Ils nuisent au Canada en empêchant les Canadiens de tirer profit au maximum des avantages de l'immigration. Pour toutes ces raisons, y compris celles que vous avez soulignées, les retards constituent un véritable problème.
Il convient de signaler que le nouveau programme de parrainage conditionnel retarde encore davantage la réunification familiale. Nous n'avons pas éliminé l'étape de la présélection à l'étranger, nous avons simplement ajouté une étape de plus qui ralentira encore davantage le processus.
Merci.
Y a-t-il d'autres obstacles qui empêchent les femmes de signaler les mauvais traitements, et avez-vous des recommandations à faire au comité?
Non; j'aimerais, si vous me le permettez, m'éloigner légèrement de la question en revenant à ce qui a été plus tôt au sujet de l'importance pour les femmes d'apprendre l'anglais ou le français, ce qui est toujours une bonne chose. Je pense qu'il serait utile pour votre comité de se pencher sur les obstacles à cet apprentissage. Sont-ils liés à la garde des enfants? Les raisons sont-elles économiques? Pour quelles raisons les femmes n'ont pas accès à la formation linguistique, si c'est vrai qu'elles n'y ont pas accès? Il pourrait être utile de s'intéresser à cette question en préparation de l'élaboration de politiques visant à régler le problème.
Merci encore à tous d'avoir accepté pour la deuxième fois de comparaître devant notre comité.
[Français]
Vous avez dû retourner chez vous à cause de changements d'horaires qui étaient hors du pouvoir des députés de ce comité. Nous nous excusons sincèrement pour les désagréments que cela ait pu vous causer et nous sommes très contents que vous ayez pu revenir devant ce comité, et que nous ayons pu avoir une heure complète à vous consacrer et à vous écouter dans le cadre de cette étude.
Encore une fois, merci beaucoup.
Je vais maintenant suspendre la séance et inviter les prochains témoins à prendre place à la table.
Nous reprenons maintenant la 21e séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration.
Merci à nos trois témoins d'être avec nous cet après-midi.
Nous sommes heureux de vous accueillir.
Pour cette deuxième moitié de la séance, nous recevons:
[Traduction]
Poran Poregbal est la fondatrice et directrice exécutive du Greater Vancouver Counselling and Education Society for Families, où elle est également thérapeute. Bienvenue.
Laila Fakhri est conseillère en services d'intervention d'urgence à la Herizon House Women's Shelter. Bienvenue.
Souhaitons également la bienvenue à Adeena Niazi, directrice exécutive de la Afghan Women's Organization. Merci beaucoup.
Je répète que je regrette que nous ayons dû vous inviter une deuxième fois, et nous sommes ravis que vous ayez accepté notre invitation.
Commençons par les mots d'ouverture de huit minutes.
Madame Poregbal, veuillez commencer s'il vous plaît. Vous avez la parole.
Bonjour mesdames et messieurs. Merci beaucoup de m'avoir invitée à comparaître devant vous. C'est un plaisir d'être ici.
Je suis thérapeute avec une formation en travail social. Depuis 1994, j'exerce les fonctions de travailleuse sociale, travailleuse en réadaptation et travailleuse de l'aide aux victimes, et maintenant, depuis 2009, j'offre mon expertise clinique dans la communauté. En cette qualité, j'ai travaillé avec un grand nombre de femmes dont parle le comité dans sa présente étude.
Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il y a toutes sortes de réalités culturelles qui ont amené les femmes parrainées à venir ici, à accepter de venir. J'ai travaillé avec une centaine de femmes qui m'ont toutes dit, tour à tour, que si elles avaient su que l'information que leur mari leur a donnée le premier jour était fausse et exagérée, elles ne seraient pas venues. Si elles avaient pu reconnaître les signes et les symptômes d'abus, ou de troubles de la santé mentale dont leur mari est atteint, elles ne seraient pas venues.
La plupart des femmes qui viennent ici sont passées par des moments très difficiles; il faut traiter les problèmes de santé mentale et les traumatismes psychologiques auxquels la situation les a exposées.
Premièrement, depuis 2009, mon organisation offre de nombreux programmes à toute une gamme de familles, dont la plupart parlent farsi — elles viennent d'Iran, d'Afghanistan, du Turkménistan, de l'Ouzbékistan, bref, de tous les pays où l'on parle farsi. Vous vous demandez peut-être pourquoi l'accent sur le farsi. En fait, c'est à cause de moi; je viens d'Iran. J'ai quitté l'Iran il y a 27 ans. Comme beaucoup de mes collègues qui ont quitté l'Iran à cette époque, je sais d'expérience que des gens se font traumatiser et qu'ils continuent de se faire traumatiser.
Vous connaissez la situation des droits de la personne en Iran. Le mieux que nous puissions faire, c'est leur offrir notre expertise clinique. Qu'est-ce que ça veut dire? Nous aidons les gens à comprendre l'importance des relations saines, de la gestion de la colère, des relations interpersonnelles, de la compréhension de l'effet des traumatismes sur leur esprit, des bonnes compétences parentales. Voilà ce que nous offrons dans le cadre de nos programmes.
Quand l'agence a commencé, elle comptait sept conseillers. Nous sommes maintenant 22, et nous offrons encore nos programmes cliniques à même une poignée de petites subventions. Nous pouvons néanmoins offrir toutes sortes de programmes, notamment en rapports matrimoniaux et en compétences parentales.
Dans l'exécution de ces programmes, nous en apprenons au sujet de l'effet de la migration sur les hommes et sur les femmes. En tant que parents, que particuliers, à quels obstacles ont-ils été confrontés durant leur installation et leur intégration? Ils ont des problèmes liés à la perte d'identité, aux limites, aux droits des victimes, aux responsabilités parentales, aux troubles de la santé mentale. Ce sont de graves problèmes peu signalés qui sont stigmatisés. Nous expliquons aux gens les fondements de relations saines ainsi que les facteurs de stress psychologiques que nous éprouvons dans notre communauté. Les habitants de pays comme l'Iran et l'Afghanistan n'ont jamais été habitués à la migration. Si nous nous retrouvons dans de telles situations, c'est parce que la situation des droits de la personne se détériore dans notre pays d'origine.
Les gens emportent avec eux les stress psychologiques de leur pays d'origine. Nous arrivons avec nos valises et nos traumatismes. Il est très important de comprendre ces traumatismes afin de comprendre les hommes qui sont violents et les femmes battues. J'ai également travaillé avec ces hommes-là.
J'ai demandé à beaucoup d'entre eux d'expliquer leur comportement. Que se passe-t-il? Je les ai visités en prison, dans des hôpitaux, dans des établissements de santé mentale, et j'en passe. Ils me disent tous, dès qu'ils sont à l'aise de parler et savent qu'on les comprend, après l'établissement d'une relation thérapeutique, qu'ils n'auraient jamais agi de la sorte s'ils avaient su que c'était mal. Ces hommes ont été abusés et maltraités dans leur enfance. Comme je travaille avec des survivants d'abus sexuels au sein d'un autre organisme, je connais les deux côtés de l'histoire.
La situation est attribuable à une stigmatisation répétée, exacerbée par la dénégation, le reproche, la culpabilité et la honte — la honte collective. On en vient à comprendre que si beaucoup de femmes qui viennent ici ne signalent aucun mauvais traitement et ne cherchent pas à s'enfuir le plus rapidement possible, ce n'est pas seulement parce qu'elles craignent la police ou les autorités, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration ou l'expulsion, mais aussi parce qu'elles craignent ce qu'on dirait d'elles dans leur pays d'origine.
Le fait est que beaucoup de ces femmes sont forcées de rester dans un couple parce que leur famille leur demande de le faire. On leur recommande de rester un peu plus longtemps et d'attendre que leurs enfants soient grands et se soient trouvé un emploi, qu'ils se soient fait des amis. De telles situations reviennent sans cesse dans mon travail. Ces femmes sont très traumatisées.
Il est même important de le savoir afin de comprendre les hommes. Chaque année, mon organisation fait un sondage pour évaluer le niveau de violence et de mauvais traitements, car personne n'en parle.
Notre programme d'éducation parentale accueille de nouveaux participants tout le temps, des gens qui viennent d'arriver il y a une, deux ou trois semaines. Ils ont entendu parler de notre programme sur Internet, dans les médias sociaux, à la radio qu'ils écoutent tous les jours, ou simplement de bouche à oreille. Ils viennent ensuite y participer. Le programme se veut un programme d'éducation parentale, mais on touche à beaucoup d'autres choses. Quand les participantes arrivent, elles peuvent décompresser un peu et commencer à nous parler des difficultés qu'elles ont vécues. Ces femmes sont capables de nous entendre...
Désolée, madame Poregbal, mais je vais devoir vous demander de conclure. Il vous reste seulement quelques secondes.
Je ne veux surtout pas oublier de parler du sondage que nous avons effectué. Des 500 ou 600 questionnaires que nous avons demandé aux gens de remplir, 67 nous ont été soumis remplis, anonymement, bien évidemment. Tout le monde affirme: « Oui, il y a de l'abus. La violence perdure dans nos communautés et nous devons faire quelque chose. »
Merci beaucoup. C'est un si grand plaisir d'être ici.
C'est un grand honneur pour moi d'avoir la chance de donner une voix aux femmes avec qui j'ai travaillé et de raconter leurs histoires. J'écoute les femmes en ma qualité de conseillère. J'en suis venue à bien comprendre bon nombre de questions et de difficultés associées à l'expérience des immigrantes victimes de violence familiale au Canada.
Je tiens à personnellement remercier l'honorable Chris Alexander, ministre de l'Immigration, et ceux qui participent à l'étude du comité de nous avoir invité à comparaître.
J'aimerais tout d'abord affirmer que j'espère que le principe de Harvard des leçons retenues évitera à d'autres de connaître le sort qu'ont connues les quatre femmes de la famille Shafia de Kingston, en Ontario, en 2009, de Mme Nasira Fazli d'Ajax, en Ontario, en 2013 ou d'innombrables autres femmes qui demeurent aux prises avec la violence familiale.
J'ai appris que la violence familiale associée aux immigrantes a de nombreuses causes, dont certaines sont peu connues, voire inconnues. J'aimerais souligner certains des grands facteurs qui amènent les immigrantes à être prédisposées à la violence familiale.
Premièrement, ces femmes sont dans une union forcée découlant d'un mariage arrangé.
Deuxièmement, les femmes ne connaissent ni leurs droits, ni les normes culturelles canadiennes.
Troisièmement, les femmes dépendent financièrement de leur agresseur — ou devrais-je dire, de leur mari.
Je devrais préciser que le premier point est considéré comme étant le plus compliqué et celui qui risque le plus d'exacerber la violence familiale à l'endroit des immigrantes. Les femmes élevées au Canada sont souvent encouragées par les membres de leur famille à accepter un mariage arrangé. Les femmes qui nous racontent leur histoire affirment accepter un mariage arrangé pour respecter le souhait de leurs parents.
La perception veut que cette pratique culturelle préserve la lignée culturelle et ancestrale malgré la guerre et la diaspora. Si ce genre de mariage est accepté par la famille et la communauté, c'est également parce qu'on s'imagine que le parrain est entièrement motivé par altruisme, qu'il souhaite donner à la personne une chance d'une vie meilleure. Malheureusement, ces mariages arrangés se transforment souvent en mariages forcés car les femmes comprennent mal la véritable nature de l'union. Bien qu'il existe toutes sortes de scénarios, j'aimerais citer un exemple particulier d'une femme qui parraine un homme.
Lorsque c'est une femme qui parraine un homme vivant dans le pays d'origine, après le mariage arrangé, il arrive au Canada et trouve une femme bien établie et financièrement indépendante qui s'est entièrement intégrée à la société canadienne. Le mari éprouvera un certain degré de choque culturel car il connaît mal les différences dans les valeurs culturelles entre lui et sa nouvelle épouse. Bien qu'il puisse maintenir les apparences, sa façon de penser est toujours très influencée par ses propres croyances culturelles patriarcales.
Ce qui suscite certaines questions. L'homme a-t-il été éduqué, préparé et assimilé culturellement? Est-il disposé à s'adapter au style de vie au Canada? Est-il disposé à accepter que sa femmes pourra conduire, travailler et être entièrement indépendante, sans lui demander la permission pour quoi que ce soit?
Je propose les recommandations suivantes pour répondre à certains des problèmes cités ci-dessus.
Premièrement, il faudrait distribuer à tous les participants au programme de parrainage un livret d'information sur les droits et libertés fondamentaux, notamment les droits des femmes, en tant qu'exigence obligatoire avant d'approuver leur arrivée au Canada. On pourrait profiter de l'interview dans le cadre du programme de parrainage pour évaluer la connaissance des principes énoncés dans le livret, qui devrait être offert dans plusieurs langues. J'aimerais personnellement contribuer à l'élaboration de ce livret.
Deuxièmement, les immigrantes qui ne sont pas suffisamment autonomes peuvent être dangereusement dépendantes de leur époux financièrement. Les répercussions d'une telle dépendance financière pour la femme peuvent inclure une faible confiance en soi, l'isolement ainsi que des problèmes de santé psychologique, mentale et sociale.
En ce qui a trait à l'aspect financier, je crois que lorsqu'une femme est parrainée par son époux pour venir au Canada, elle doit recevoir une forme d'aide financière mensuelle dans son propre compte, que l'argent vienne de la personne qui la parraine ou du gouvernement, car d'après mon expérience avec les femmes auprès de qui je travaille, une femme peut demeurer au Canada deux ou trois ans et ne pas savoir comment se servir du transport en commun ni n'avoir de compte bancaire à son nom. Cela aggrave son isolement et l'oblige à demander quotidiennement 5 $ à son époux pour pouvoir aller faire quelque chose.
Si la femme recevait une aide financière, ou s'il devenait obligatoire pour la personne qui la parraine de déposer dans un fidéicommis ou un compte bancaire canadien, pour une période de deux ans, un montant à tout le moins équivalent à ce que paient les services sociaux pour ses besoins essentiels et que l'argent allait directement dans son compte personnel, cela l'aiderait à avoir à tout le moins une certaine indépendance.
La troisième recommandation est de rendre obligatoires les cours de langue une fois que la femme arrive au Canada, de sorte que sa famille ou son époux ne puissent pas l'empêcher d'y participer.
Quatrièmement, nous devons soutenir la femme dans son intégration à son arrivée au Canada et l'aiguiller vers des services d'établissement.
Certaines de ces mesures sont déjà en place; toutefois, il faut faire plus. Idéalement, il faut organiser des rendez-vous avec les travailleurs des services d'établissement où l'époux ne sera pas présent, et il est préférable que le travailleur soit une femme. Je crois que la femme devrait avoir l'obligation de communiquer régulièrement avec un organisme d'aide à l'établissement pour une période de deux ans.
Si nous croyons que le Canada est chef de file mondial en matière de promotion et de protection des droits de la femme et de l'égalité entre les sexes, que devons-nous faire pour joindre le geste à la parole?
Nous devons offrir des possibilités aux immigrantes en créant un système pour protéger les droits de la femme et l'égalité entre les sexes. Pour ce faire, nous devons remédier aux lacunes actuelles, car celles-ci constituent des obstacles à l'exercice, par les femmes, des droits fondamentaux de la personne. En favorisant l'autonomie de la femme, nous donnons à celle-ci la possibilité d'accéder pleinement au pouvoir, à l'autorité et à l'influence personnels, et d'utiliser cette force dans ses échanges avec des membres de la famille qui font pression sur elle.
Merci. J'aimerais exprimer toute ma gratitude envers vous. Merci de votre temps et d'être ici avec nous. Je crois en l'espoir. Je crois au changement. Ensemble, nous pouvons faire notre part pour modifier les politiques de manière à freiner la violence contre les femmes.
Merci.
Madame la présidente, chers députés, merci de me donner l'occasion d'être ici aujourd'hui.
Mon exposé portera principalement sur le parrainage d'un époux et la réunification des époux, ainsi que sur la violence faite aux femmes et aux filles. Mon exposé se fonde sur plus de 24 ans d'expérience de travail auprès d'une clientèle composée essentiellement de réfugiés et de nouveaux arrivants qui ont vécu la guerre et la violence, principalement d'Afghanistan, d'Asie centrale et du Moyen-Orient.
Pour commencer, j'aimerais souligner qu'il est très important de renforcer le système d'immigration pour les immigrants et les réfugiés, car j'estime que le Canada est un chef de file mondial au chapitre de l'établissement des réfugiés et de sa compassion pour eux.
L'une des préoccupations concernant le programme de parrainage d'un époux est le long délai de traitement. Souvent, l'attente de 32 mois a une incidence sur la relation. L'époux parrainé et sa famille ont souvent l'impression que le mariage n'est pas sincère. Certains agents qui connaissent mal le contexte culturel et les réalités de la vie des époux parrainés refusent de véritables époux à leur première entrevue. Le rejet crée des difficultés supplémentaires, tout comme le lourd fardeau financier du parrain, qui doit en appeler de la décision.
Nous recommandons que les agents des visas reçoivent une formation complète sur les conditions de vie et la réalité culturelle des époux parrainés.
Pour la réfugiée qui présente une demande au Canada, laissant ses enfants et son époux derrière, le délai d'attente normal pour réunir sa famille est de quatre à six ans. Cette longue séparation entraîne parfois une rupture de la cellule familiale. De nombreuses femmes développent une dépression et de l'anxiété parce qu'elles sont séparées de leur famille, ce qui se répercute ensuite sur la santé de la femme, son processus d'établissement et sa capacité à contribuer à la société.
Nous recommandons d'accélérer la réunification des époux et des familles dès l'approbation du statut de réfugié au sens de la Convention du demandeur d'asile.
Par ailleurs, les époux parrainés vivent de nombreuses difficultés après leur arrivée au Canada.
Je crois que le critère de résidence temporaire a déjà été mentionné, et je suis d'accord avec Mme Long à son égard. Je veux simplement ajouter que, bien qu'une exemption soit prévue dans les cas où il est question d'abus, certaines femmes ne connaissent peut-être pas leurs droits si elles n'ont pas accès à des services. Elles doivent donc être mieux informées.
Dans certains cas, la femme parraine son époux pour qu'il vienne au Canada, puis celui-ci la laisse et en abuse. Il présente une demande d'aide sociale, ce qui, en vertu de l'accord de parrainage, oblige l'épouse qui le parraine à continuer de payer pour lui. Cette situation doit également être corrigée. Si l'époux parrainé décide de laisser son épouse pour des raisons autres que de l'abus, il doit subvenir à ses propres besoins.
Nous recommandons que Citoyenneté et Immigration Canada discute de violence familiale et des droits des femmes à la séance d'orientation, habituellement tenue au bureau des visas, ou du moins avant l'arrivée au Canada. Il faut donner l'information avant l'arrivée au Canada. Il faut également accroître le nombre de programmes de sensibilisation et de soutien à l'intention des nouvelles arrivantes sur le terrain.
Les récentes réductions du financement des services d'aide à l'établissement ont créé des arriérés et un nombre de cas énorme, ce qui complique la surveillance des femmes vulnérables. Il est également important que Citoyenneté et Immigration Canada tienne compte des besoins spéciaux des femmes distinctement de ceux des hommes. Il doit également tenir compte de la grande diversité des femmes et de la façon dont cela influe sur leurs besoins de différents services.
L'Afghan Women's Organization a constaté des problèmes récurrents dans le programme de parrainage qui prouvent la nécessité de tenir compte de la complexité des pratiques socioculturelles ainsi que des difficultés inhérentes aux relations internationales.
Par exemple, dans la plupart des pays musulmans, et il a été mentionné que cela se produit également en Israël, les mariages par procuration sont une façon culturellement et légalement acceptable, pour un couple, de s'unir. Ces pratiques sont des plus courantes dans les pays touchés par la guerre. Ces mariages sont légaux, exécutoires et effectués avec le consentement des deux parties. Nous avons observé de nombreux mariages réussis arrangés par procuration où le parrain fournit une aide inconditionnelle.
Je tiens également à mentionner que les aptitudes et attributs des parrains, leur niveau de scolarité, leur langue et leur statut social ne doivent pas être considérés comme un facteur de prévention de cas d'abus. Une personne peut être abusée ou abusive quels que soient son niveau de scolarité, son statut social, sa religion, son ethnicité ou sa connaissance de la langue. Cela est plus courant chez les femmes isolées, qui connaissent peu leurs droits et ne parviennent pas à accéder aux services qui leurs sont offerts. Le Canada doit maintenir les valeurs familiales par la réunification des époux pour les couples, de manière égale et équitable.
Les nouvelles arrivantes réfugiées pourraient mieux s'assumer si on les renseignait et mettait sur pied des programmes ciblant des groupes en particulier, par exemple cours de langue pour femmes seulement, où l'on aborde des sujets tels que la violence familiale, l'abus du conjoint, les droits des femmes, les droits et responsabilités juridiques, et l'aiguillage vers d'autres programmes communautaires. Les histoires sont nombreuses, mais je crois que mon temps est écoulé...
Je veux seulement conclure en disant que, même si l'économie est importante pour notre pays, il doit y avoir un équilibre entre les intérêts financiers et l'assurance que les droits de la personne et la dignité sont accessibles à tous.
Merci.
Merci à toutes d'être ici. Vous êtes sans contredit d'excellents modèles et de grandes femmes dans votre collectivité. J'ai eu le plaisir de travailler avec Adeena par le passé. Je vous souhaite la bienvenue.
D'abord, je crois que nous nous attendons à ce que la plupart des gens qui tentent de venir ici aient un bon mariage solide où les femmes s'intègrent, où on leur donne la liberté d'apprendre la langue, d'obtenir un emploi, de se faire des amis, de créer un groupe social et de travailler au sein de communautés culturelles, car le Canada est une nation de diasporas. Nous avons tous notre communauté culturelle et nous y tenons. C'est très bien ainsi. Par contre, à mon avis, il n'y a absolument aucune raison pour un homme de battre une femme. Les crimes d'honneur n'ont rien d'honorable. Il s'agit tout simplement d'un acte criminel.
Madame Poregbal, je comprends ce que vous dites. Certaines personnes disent « si seulement j'avais su ». Lorsqu'on vient d'un pays aussi austère que l'Iran ou l'Afghanistan et qu'on arrive au Canada, on finit par s'acclimater après un bout de temps aux différences de la loi. Nous avons « Discover Canada », le guide de la citoyenneté qui brosse le tableau de la situation.
Je comprends qu'il y a beaucoup d'avenues éclairantes que nous pouvons emprunter pour renforcer comment les femmes, avant d'arriver ici, quel que soit le genre d'entente conclue, mais elles viennent ici pour être avec leur époux, se joindre à un syndicat et entamer une nouvelle vie... Vous suggérez de leur donner l'information dans leur langue natale pour qu'elles sachent pertinemment ce à quoi elles s'engagent. Un témoin précédent a également suggéré de leur faire signer un document confirmant qu'elles comprennent. Croyez-vous que c'est la voie à suivre, une voie qui, soit dit en passant, s'appliquerait également pour les hommes?
Je suis tout à fait d'accord. À mon avis, avant de venir au Canada, elles doivent comprendre quels sont leurs droits et responsabilités au Canada, mais aussi comprendre les valeurs canadiennes, ce en quoi elles consistent, et indiquer si elles les approuvent. Au lieu d'un système de points d'appréciation du niveau de scolarité, nous devrions avoir un système de points d'appréciation de la compréhension des valeurs canadiennes, c'est-à-dire les droits des femmes, l'égalité, les droits de la personne et le respect mutuel.
Je suggère certainement que nous envisagions divers programmes d'éducation au-delà de ce en quoi consiste le programme actuel d'aide à l'établissement. Avec tout le respect que j'ai pour le travail effectué et l'intérêt ou l'attention porté par le gouvernement canadien, le programme d'aide à l'établissement doit être évalué et doit être incorporé aux programmes examinant les problèmes de santé mentale des gens qui arrivent au pays. Il est important que les hommes comme les femmes suivent le programme — il devrait être obligatoire — et parlent des attentes par rapport à ce qui peut être fait.
Je passe maintenant à Adeena, car je ne dispose que de sept minutes.
Dans la même veine, comment collaborez-vous avec la collectivité pour sensibiliser le public à ces questions?Quel genre d'outils utilisez-vous et qu'aimeriez-vous voir mis en oeuvre?
D'accord.
Premièrement, nous cherchons surtout et avant tout à contacter les femmes les plus isolées de la communauté. Nous n'attendons pas qu'elles viennent à nous. Nous essayons de savoir où elles se trouvent et nous envoyons nos travailleurs. Parfois, dans un premier temps, nous leur fournissons les services dans le confort de leur foyer.
De plus, nous avons des programmes adaptés aux origines culturelles des femmes. Les femmes autochtones sont différentes; ce n'est pas homogène. Nous avons des cours de langue destinés aux femmes. Notre organisme sert de pont entre les femmes et la société.
Mon expérience avec les femmes venues au Canada dans le cadre d'un mariage arrangé diffère de celle de Mme Laila. Nous travaillons avec 15 000 clientes par année et nous avons des statistiques. Certaines femmes ne connaissaient pas leur mari avant d'arriver ici, mais nous ne pouvons pas généraliser. En effet, il arrive également que des jeunes femmes qui ont grandi au Canada, qui rencontrent leur mari à l'université et qui se marient avec lui, disent, après le mariage, qu'elles ne se seraient pas mariées si elles avaient vu son vrai visage. Cela arrive et nous ne pouvons pas uniquement pointer du doigt les personnes issues de certaines communautés. Aucune communauté n'est à l'abri.
Nous avons également des programmes spéciaux pour les femmes. Lorsque nous travaillons avec des femmes, nous faisons participer toute la famille. Il est important de faire participer les hommes, ainsi que les groupes confessionnels, parce qu'ils se tournent parfois vers ces derniers. Pour prévenir la violence, on ne peut pas travailler exclusivement avec les femmes, surtout dans les communautés dans lesquelles je travaille. Nous travaillons également avec les Iraniens, les gens du Moyen-Orient et les Afghans. Nous travaillons avec eux.
Nous avons des programmes de formation au rôle de parent qui leur sont destinés. Je ne dis pas qu'ils ne savent pas comment assumer leur rôle de parent, mais leur style est différent. Voilà pourquoi nous leur offrons ces programmes. Nous parlons beaucoup des droits des femmes, de la violence faite aux femmes, des moyens pour se protéger et des lois du Canada. Voilà ce que nous faisons.
D'accord, il me reste une minute. Je passe donc directement à ma question.
En l'absence de preuves de mauvais traitements, si les femmes ont besoin de parler à quelqu'un, ont besoin de communiquer, de se protéger, quel genre de preuve peuvent-elles présenter? De quelles preuves avez-vous besoin? Avez-vous des exemples à donner ou des recommandations à faire quant aux preuves — ou autre chose de plus efficace — à présenter?
Je travaille en tant que conseillère en services d'intervention d'urgence et je réponds aux appels d'urgence. Nous n'avons pas besoin de preuves solides; il suffit que la femme appelle. Malheureusement, dans leur esprit, les mauvais traitements se résument aux sévices corporels graves.
Elles disent toutes la même chose: « Je traverse une période difficile. Mon mari ne rentre pas ou il rentre à la maison soûl, mais il ne me bat jamais. Il ne me bat jamais. » Cependant, lorsque je pose des questions plus poussées, je constate qu'elles sont victimes d'autres formes de mauvais traitement qui, dans l'esprit des immigrants, ne constituent généralement pas des mauvais traitements.
Comme l'a mentionné l'un des intervenants précédents, elles ne tiennent pas compte de la violence verbale, de la violence émotive et de la violence psychologique. Toutefois, lorsqu'on leur pose plus de questions au sujet de leur quotidien, on constate qu'elles en sont victimes.
Merci.
Je remercie les témoins d'être présentes cet après-midi.
Madame Poregbal, vous avez déclaré, dans votre témoignage, que les femmes ont, dans certains cas, peur de dénoncer la violence et les mauvais traitements à la police, peut-être parce que le système policier dans leur pays d'origine diffère de celui du Canada.
Vous avez également déclaré qu'elles ont peur de Citoyenneté et Immigration Canada. Pouvez-vous expliquer plus en détail pourquoi les femmes victimes de mauvais traitements et de violence ont peur de Citoyenneté et Immigration Canada?
Bien sûr.
Il est important de comprendre qu'elles ont peur de Citoyenneté et Immigration Canada, parce qu'elles ont peur d'être déportées. C'est une menace que les hommes font planer sur leur tête dès le premier jour.
Il est très important de comprendre qu'il y a un déséquilibre du pouvoir. Les femmes disent oui à un mariage, même si elles ne connaissent pas leur partenaire. Généralement, ce mariage a lieu parce que quelqu'un leur dit que le prétendant est issu d'une bonne famille. Généralement, lorsque je leur demande ce qu'elles savaient au sujet de leur mari, les femmes disent qu'elles ne le connaissaient pas. C'est une tante ou quelqu'un d'autre qui leur a dit que c'est une bonne famille et que l'homme occupe un bon emploi stable au Canada.
Êtes-vous en train de dire que la résidence conditionnelle de deux ans met en danger les femmes qui sont dans ces situations?
Oui, il ne fait aucun doute que cela les met en danger. Il est également important de comprendre que beaucoup de femmes qui n'ont pas peur de Citoyenneté et Immigration Canada restent parce que leur famille suscite en elles la honte et la culpabilité.
Madame Niazi, êtes-vous d'accord que la résidence conditionnelle de deux ans met en danger les femmes?
Êtes-vous d'accord, madame Fakhri, que nous devrions abolir la résidence conditionnelle de deux ans?
Mme Laila Fakhri: Oui.
M. Jasbir Sandhu: Les trois témoins sont d'accord.
Je crois que ce n'est pas la seule façon de mettre un terme à la fraude.
M. Jasbir Sandhu: Tout à fait.
Mme Adeena Niazi: Il pourrait quand même y avoir de la fraude.
Merci.
Madame Fakhri, je vous ai vue acquiescer, mais j'aimerais vous entendre dire si vous pensez que la résidence permanente conditionnelle de deux ans augmente la vulnérabilité des femmes victimes de mauvais traitements.
Il faudrait peut-être apporter des modifications, parce qu'on ne peut pas se contenter d'imposer des conditions aux femmes; il faut travailler davantage avec l'homme, l'auteur des agressions.
Très bien. Merci.
Madame Fakhri, dans votre déclaration, vous avez beaucoup parlé des mariages arrangés et vous avez répété plusieurs fois que les gens sont forcés d'accepter ces mariages. Je vous demanderais de clarifier vos propos.
Madame Niazi, dans votre déclaration, vous avez parlé de mariages arrangés et de mariages par procuration. Pourriez-vous nous expliquer la différence entre un mariage arrangé, un mariage forcé et un mariage par procuration?
Je pense que la distinction entre un mariage arrangé et un mariage forcé est très subtile. D'ordinaire, dans le cas des mariages forcés, les femmes ne donnent pas leur consentement; on les force à s'unir avec un homme. Dans le cas des mariages arrangés, les familles trouvent un partenaire avec le consentement de la mariée et du marié. Les familles discutent entre elles et trouvent un accord. Ensuite, le mariage est arrangé.
À mon avis, cela ressemble aux services matrimoniaux que nous avons ici. Une personne s'est adressée à notre organisme et nous a demandé d'organiser les entrevues de mariage. Ce sont les membres de la famille qui arrangent ces entrevues. Bien sûr, je ne dis pas que ces mariages ont un taux de réussite de 100 %. Il y a eu beaucoup de succès, mais également quelques échecs. Il y a eu des erreurs, comme c'est le cas avec les mariages d'amour.
J'ai également parlé des mariages par procuration. Ces derniers sont surtout contractés par des réfugiés qui ne peuvent pas retourner dans leur pays ou qui ne peuvent pas... Au début, cela m'inquiétait un peu, mais j'ai vu que beaucoup de mariages par procuration sont couronnés de succès. Les parrains fournissent un soutien inconditionnel à leur épouse qu'ils parrainent au Canada. La plupart de ces mariages fonctionnent, parce que les époux se connaissent. Ils n'apprennent pas à se connaître par par téléphone ou par... qu'on soit assis à la même table ou qu'on le fasse par téléphone, cela ne fait aucune différence.
Merci.
Donc, dans le cas des mariages arrangés, les deux parties consentent à l'union, tandis que dans le cas des mariages forcés, l'une des parties n'y consent pas.
Donc, madame Fakhri, dans certains exemples que vous avez donnés, il s'agissait de mariages forcés et on les avez appelés « mariages arrangés » par erreur.
Madame Fakhri, vous avez dit, dans votre témoignage, qu'il faudrait transférer de l'argent directement à la personne parrainée, dans un compte à son nom. C'est une très bonne idée. Bien sûr, en cas de parrainage, le parrain est responsable de la personne, donc le gouvernement ne serait pas en mesure de le faire. Je pense qu'il faudrait envisager la possibilité d'intégrer cette idée au processus de parrainage; cela réduirait la vulnérabilité de la personne parrainée et augmenterait son indépendance financière. Merci de cette proposition.
Je ne me rappelle plus qui d'entre vous a parlé de la langue et de l'éducation.
C'était également vous, madame Fakhri.
Je ne suis pas d'accord avec vous, en raison de mon expérience personnelle. J'ai grandi à...
À mon avis, le fait de parler ou non l'anglais ou le français...
Mme Laila Fakhri: Désolée, ce n'est pas de cela que je parle.
Mme Rathika Sitsabaiesan: ... n'a rien à voir avec le fait d'être une victime ou non de violence. Parler ou ne pas parler l'anglais ou le français au Canada ne protégera pas une femme contre les mauvais traitements. J'ai grandi au Canada, je parle très bien anglais, je pense, j'ai une maîtrise et j'ai quand même été victime de violence. Je pense qu'on ne peut pas dire que le fait de parler la langue nous protège.
Je sais que vous vouliez ajouter quelque chose, alors je vous laisse les quelque 20 secondes restantes.
Ce que j'ai dit, c'est qu'il faudrait obliger les femmes, à leur arrivée au Canada, à suivre des cours d'anglais. De cette façon, sa famille ou son mari ne peuvent pas l'empêcher de suivre ces cours.
Merci beaucoup.
Je vous remercie également de votre présence.
J'avais préparé plusieurs questions, mais je crois que le NPD m'a devancé. Chacun des 18 témoins... Lorsqu'on leur a demandé si elles étaient ou pas en faveur du programme de résidence conditionnelle de deux ans, les trois témoins ont dit non, je crois. Donc, nous en sommes à 18 contre et 2 pour. Si le gouvernement tient compte de cette statistique, la résidence conditionnelle sera abolie bientôt. C'est un gros « si ».
Madame Fakhri, je vous ai peut-être mal comprise. Je crois que vous avez déclaré que la violence conjugale est plus présente dans les mariages arrangés. Est-ce ce que vous avez dit?
J'ai dit que lorsque les mariages arrangés se transforment en mariages forcés..., ce qui arrive souvent, surtout avec les filles plus jeunes. Les mariages arrangés sont conclus sur encouragement de la famille. Après quelque temps, si la fille n'est plus d'accord et que la famille exerce des pressions sur elle, le mariage arrangé se transforme en mariage forcé.
Je parlais de la violence. Avez-vous déclaré que la violence conjugale est plus présente dans les mariages arrangés, comparativement à d'autres types de mariages?
Les mauvais traitements de la part de l'époux ou des parents qui les obligent à accepter le mariage.
Je parle des mariages arrangés, pas des mariages forcés. Dans le cas des mariages arrangés, les deux parties sont d'accord.
Compte tenu de cette définition de mariage arrangé, avez-vous des preuves concrètes attestant que la violence est plus présente dans les mariages arrangés que les autres types de mariages?
Je dirais que oui, car lorsqu'ils se marient, le mariage, dans la plupart des cas, n'est pas fondé sur l'amour et les époux ne se connaissent pas personnellement. Le but est de faire venir le conjoint de l'étranger.
C'est un argument philosophique.
Avez-vous des preuves concrètes? En examinant tous les mariages conclus au Canada, la violence est-elle plus présente dans les mariages arrangés que dans les autres mariages? Est-ce un fait? Avez-vous des preuves?
Mes dires sont fondés sur mon expérience et mon travail des 12 dernières années auprès des femmes victimes de violence et de leurs enfants.
Si j'insiste un peu, c'est qu'il existe beaucoup de mariages arrangés et je ne pense pas forcément qu'il s'agit de mauvais mariages. C'est une culture différente. Doit-on nécessairement présumer que la violence est plus présente dans un mariage arrangé?
Non. En réalité, nous sommes tout à fait contre les mariages forcés, mais pas contre les mariages arrangés. Dans la plupart des cas que nous avons vus, le mariage est heureux. Une très jeune personne peut tomber amoureuse, mais, parfois, l'amour est aveugle. La violence conjugale peut survenir tant dans un mariage d'amour que dans un mariage arrangé. Pourvu que le mariage ne soit pas forcé ou imposé... Nous avons vu des exemples de relations très réussies.
Je dirais que toutes les formes de mariages et de relations conjugales peuvent être accompagnées de violence et de mauvais traitements. Peu importe qu'il s'agisse d'un mariage en bonne et due forme ou d'un autre type de relation, peu importe l'âge, le sexe, le groupe ethnique et tout le reste, la violence peut être présente. Elle est partout, présente chaque fois, tout le temps.
D'accord.
Ce n'est que mon opinion, mais je n'ai aucune donnée pour l'étayer. Je vous remercie beaucoup de vos observations.
Je vais en rester là, madame la présidente.
Merci, madame la présidente.
Je veux remercier les témoins, non seulement de leur présence ici, mais aussi de l'extraordinaire travail qu'elles accomplissent dans la situation, qui est loin d'être facile. Vous avez avancé certaines idées excellentes, que j'appuie sans réserve. Je crois que c'est Mme Fakhri qui a dit que des contacts fréquents avec les personnes victimes de mauvais traitements étaient utiles.
Bien que nous mettions actuellement l'accent sur les personnes qui arrivent au Canada et sont victimes de mauvais traitements, il faut dire que de nombreuses femmes réussissent très bien. Elles s'épanouissent dans notre pays, trouvent des emplois, s'intègrent et élèvent leurs enfants en leur transmettant les valeurs canadiennes.
Voici ma question: ne serait-il pas utile de demander à ces femmes d'agir comme mentors auprès de celles qui arrivent et qui sont victimes de violence, afin de les aider à mieux s'intégrer dans notre société?
Nous pourrions peut-être commencer par Mme Fakhri.
Assurément, c'est une bonne idée, et ces programmes de mentorat devraient être intégrés au programme d'établissement. Je vous renvoie au mémoire que j'ai transmis au comité, et à ses suggestions. Nous recommandons notamment d'envisager d'accorder le statut d'immigrant à de jeunes hommes et femmes de manière à prévenir les faux mariages dont vous parliez. La majorité du temps, malheureusement, c'est source de grande controverse, mais la loi canadienne l'emporte sur la loi du mari à qui la femme dit oui.
Je suis absolument d'accord. Nous faisons appel à des mentors, qui agissent auprès de femmes violentées et auprès de jeunes et de gens d'autres générations. C'est une approche que nous jugeons très fructueuse.
Je voudrais souligner l'importance de sensibiliser les jeunes qui grandissent ici dès l'enfance. Nous avons un programme, intitulé « Equality Rocks! », qui vise à enseigner, aux jeunes de neuf ans et plus, le concept d'égalité entre hommes et femmes. C'est un moyen très efficace de prévenir la violence à l'âge adulte.
D'accord.
Je passe à la prochaine question. La semaine dernière, divers organismes d'aide à l'établissement nous ont dit encourager la charia et la polygamie. Ces organismes jouent un rôle important. Les libéraux ont gelé leur financement il y a plus de 13 ans, mais notre gouvernement l'a triplé. Comment s'assurer que l'argent est utilisé à bon escient? Devrions-nous exercer une plus grande surveillance des activités de ces organismes?
Le programme d'établissement devrait aller au-delà de la simple diffusion d'information. Fournir des renseignements dans un dépliant, ou peu importe, ne fonctionne pas. De nombreuses femmes m'ont confié qu'à leur arrivée à l'aéroport, un agent leur a dit « Bienvenue au Canada », et c'est tout. Elles tombaient ensuite entre les mains d'un futur agresseur. Personne ne leur a dit qu'elles avaient tel ou tel recours, ou qu'elles pouvaient appeler la police. Les brochures que vous distribuez dans les aéroports, ces hommes les cachent, habituellement, ou bien ils n'y croient pas. Évidemment, ils savent qu'ici, les femmes ont des droits.
Vous savez, beaucoup d'hommes décrivent le Canada comme un pays de femmes. Ils reprochent aux femmes de venir ici, dans ce pays privilégiant les femmes, et de réclamer le respect de leurs droits, à l'instar des autres femmes. Au lieu de simplement transmettre de l'information, il convient de sensibiliser les femmes, de leur fournir des outils et des méthodes pour comprendre les enjeux. C'est la raison pour laquelle nos programmes donnent de si bons résultats. Nous outillons les femmes pour qu'elles comprennent les relations et l'intégration en fonction de leurs propres ressources et nous leur donnons les moyens de se renseigner davantage sur le Canada.
Bien. D'autres observations?
Je suis ingénieur de formation. Passer d'ingénieur à politicien est très intéressant. Un des principes en génie consiste à chercher la cause fondamentale d'un problème. Nous connaissons les symptômes du problème: les femmes victimes de mauvais traitements. Il ne fait aucun doute que la racine du problème, ce sont les hommes. Il faut donc veiller à inciter les hommes à traiter les femmes dans le respect de la loi. Comment garantir que les hommes qui parrainent des femmes vulnérables soient bien conscientisés et comprennent leurs rôles et leurs responsabilités ici, au Canada? Auriez-vous des suggestions quant aux moyens de leur faire comprendre les sanctions qui peuvent découler de leurs actes?
Je recommande, entre autres, qu'on donne à la personne qui s'en vient au Canada une brochure énonçant les droits de la personne, les droits des femmes. Les deux parties devraient la recevoir, tant la personne qui est ici que celle qui est à l'étranger. Au moins, elles sauraient quels sont leurs droits et leurs responsabilités.
Oui, comme je l'ai mentionné, il est important de travailler autant avec les hommes qu'avec les femmes. Nous faisons participer des hommes. Notre organisme fait habituellement appel à des bénévoles masculins, même si c'est au sein de groupes religieux, pour parler aux hommes susceptibles d'être violents, lorsque nous sommes en mesure de déceler le risque. Il est très important de les conscientiser et d'utiliser pour ce faire une personne qui parle leur langue et comprend leur culture, quelqu'un en qui ils peuvent avoir confiance et vers qui ils peuvent aller. Nous avons donc une liste de bénévoles masculins auxquels nous pouvons avoir recours au besoin.
Bien souvent, ces femmes viennent d'une culture où beaucoup de ces comportements sont acceptés. Comment vous y prenez-vous, dans le cadre de votre travail, pour les convaincre de modifier leurs croyances et d'embrasser les valeurs canadiennes?
Il va sans dire que bon nombre de ces femmes ont la croyance intériorisée que l'oppression et la violence sont normales. Une fois ici, elles prennent conscience que la réalité est différente. Elles savent que le Canada est un pays qui prône le respect des droits des femmes. Elles le savent et sont prêtes à apprendre. Elles craignent toutefois de laisser leur mari derrière elles, car elles savent que beaucoup de ces hommes harcèlent les femmes. Durant des années, elles doivent faire face à des situations incroyables et douloureuses.
On tâche d'expliquer les choses à ces femmes. Elles suivent des séances de thérapie afin de gérer leurs émotions. Elles comprennent qu'elles peuvent changer et adhérer à de nouvelles valeurs, et elles le font très rapidement. Je n'ai pas le rapport avec moi, mais, il y a longtemps, l'Université de Stockholm a réalisé une étude fort intéressante montrant que les femmes s'intègrent plus vite que les hommes. Je le dis, mais beaucoup d'hommes ne seraient pas d'accord. C'est pourtant la vérité.
En fait, c'est moi qui vais les prendre.
Merci encore une fois à vous tous.
J'aimerais simplement changer de sujet et parler de la réussite de ces femmes qui viennent au Canada.
Madame Fakhri, vous avez donné deux suggestions pour faire en sorte que les époux qui sont parrainés ici réussissent et deviennent autonomes et réduisent leur isolement. L'une était les cours de langue obligatoires une fois qu'ils arrivent au Canada. Ceci ne serait pas une condition au parrainage, mais une fois arrivés, ils suivraient des cours de langue obligatoires et seraient autonomes financièrement puisqu'ils auraient leur propre compte bancaire. Je m'interroge: Mesdames Niazi ou Poregbal, avez-vous des suggestions supplémentaires pour aider les femmes à réussir et à s'intégrer lorsqu'elles viennent au Canada.
Je suggère — et c'est aussi dans mon mémoire — les séances obligatoires. Si les ambassades à l'étranger pouvaient offrir aux femmes des séances d'information...
Alors vous suggérez qu'on leur apprenne les droits qu'elles auront au Canada avant qu'elles ne quittent leur pays d'origine...
Je crois qu'il est très important d'évaluer la femme, quels sont ses besoins — car chacun a ses propres besoins...
D'accord.
Maintenant, il faudrait répondre brièvement, car il ne nous reste que peu de temps.
Je veux parler de la reconnaissance des titres de compétence étrangers. Nombreuses sont les épouses qui sont médecins, avocates ou peu importe dans leur pays. Or, quand elles arrivent ici, elles ont du mal à trouver du travail. Avez-vous des suggestions quant à ce que nous pourrions faire relativement à la reconnaissance des titres de compétence étrangers pour aider les femmes à prospérer au Canada?
Ce n'est pas uniquement une question de titres de compétence. Cela dépend aussi de leurs valeurs, de la raison de leur venue au Canada, de leur capacité de s'intégrer, de leur compréhension des valeurs canadiennes.
Pensez-vous que le Canada devrait reconnaître leurs titres de compétence avant que ces personnes quittent leur pays d'origine, de sorte qu'elles puissent travailler dès leur arrivée?
Non. Le parrainage visant la réunification des familles diffère de l'immigration dans la catégorie économique, celle qui vise le travail. L'immigration dans la catégorie de la réunification des familles devrait avoir pour seul but le regroupement familial. Comme je l'ai mentionné, les compétences acquises pendant les études ne devraient pas être prises en compte.
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