Bonjour et merci de m'avoir donné l'occasion de m'adresser au comité au sujet des changements proposés à la Loi sur la citoyenneté au Canada. Vous trouverez nos huit recommandations dans notre mémoire, ainsi qu'un résumé à la deuxième page. Nous en avons des exemplaires supplémentaires, au besoin.
Dans mon exposé oral, je vais me concentrer sur le rallongement du critère de résidence et expliquer en quoi cela ne contribuera pas à renforcer la citoyenneté canadienne. Nicole Veitch vous parlera des obstacles auxquels se heurtent certains réfugiés et immigrants de la catégorie du regroupement familial et qui seront exacerbés si le projet de loi est adopté.
Permettez-moi de commencer par un exemple de forte citoyenneté canadienne. Lorsque les représentants de notre clinique juridique communutaire se sont réunis, la première fois, pour parler du projet de loi , une de nos collègues, Rosalinda, nous a dit combien il avait été important pour elle et sa famille de devenir citoyens canadiens. Elle avait 16 ans lorsqu'elle est arrivée au Canada, en 1975, accompagnée de ses parents et de ses six frères et soeurs. Ils venaient du Chili, en passant par l'Argentine, après le coup militaire de Pinochet. Son père avait été arrêté et torturé au Chili. À sa libération, la famille s'était enfuie en Argentine, où tous les membres ont été reconnus comme réfugiés par le HCR de l'ONU, puis acceptés par le Canada pour s'y réétablir.
Le père de Rosalinda avait auparavant travaillé comme tuyauteur dans une grande usine, au Chili. Il a obtenu un emploi à la fonderie Holmes, à Sarnia, puis à la centrale nucléaire de Bruce. Sa mère, qui n'avait auparavant jamais travaillé en dehors de la maison, a pris un emploi dans une usine de conserves de tomates, à Aylmer. Les parents ont encouragé Rosalinda, ainsi que ses frères et ses soeurs, à apprendre l'anglais et à apprendre tout sur le Canada. En 1978, trois ans après leur arrivée au Canada, le jour même où ils sont devenus admissibles à la citoyenneté, ils ont tous soumis leur dossier de demande. Huit mois plus tard, ils sont devenus citoyens.
Pour leur cérémonie de citoyenneté, la mère de Rosalinda a fabriqué à toutes ses filles un magnifique tailleur en velours rouge qu'elles ont porté avec un chemisier blanc. Après, le père de Rosalinda portait toujours son épinglette du drapeau canadien lorsqu'il s'habillait pour une occasion spéciale et c'est justement l'objet que vous avez devant vous. Rosalinda nous a confié que son père, qui est décédé l'an dernier, disait toujours qu'on les avait traités avec respect et avec prévenance, à l'ambassade canadienne en Argentine. Après leur arrivée au Canada, il n'ont connu que des gens aimables et bienveillants, tant au sein du gouvernement que de la population canadienne.
Elle nous a raconté que son père avait retrouvé sa dignité humaine. Il voulait devenir citoyen canadien pour ressentir un véritable sentiment d'appartenance et pour pouvoir participer pleinement à la vie canadienne, notamment en votant. Il a toujours été très fier d'être canadien et il a clairement indiqué à sa famille, durant sa dernière maladie, qu'il voulait être enterré au Canada.
Au cours des dernières années de sa vie, le père de Rosalinda a travaillé comme bénévole et comme parajuriste, et il faisait de la traduction et de l'interprétation pour les nouveaux réfugiés et immigrants, les aidant à s'établir. Il a inculqué à tous ses enfants un profond sentiment de dévouement et de loyauté envers le Canada.
Maintenant, je doute qu'il existe un plus grand degré d'amour, un plus grand sens de la loyauté et du dévouement envers le Canada que celui que ressentent les réfugiés qui ont été forcés de fuir leur pays en temps de guerre ou d'oppression politique et qui ont obtenu asile et protection au Canada.
Si je vous raconte cette anecdote, c'est que le Canada va perdre certains de ses citoyens les plus dévoués et les plus loyaux si les réfugiés qui ont été acceptés ici s'aperçoivent qu'ils ne peuvent pas obtenir la citoyenneté canadienne. Les réfugiés ont besoin de la citoyenneté encore plus que les autres immigrants, car dans la plupart des cas, ils sont juridiquement parlant ou à toutes fins pratiques apatrides.
Comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire, en vertu de l'article 34 de la Convention relative au statut des réfugiés, le Canada est également tenu de faciliter l'intégration et la naturalisation des réfugiés.
Avec le projet de loi , le rallongement de la période de résidence à quatre années sur six, sans reconnaître toute période déjà passée au Canada avant l'obtention de la résidence permanente, on ne fait rien pour renforcer la citoyenneté au Canada. En accroissant l'exigence du critère de résidence, on ne fait que retarder l'intégration et la naturalisation d'un grand nombre de réfugiés et d'immigrants et on décourage certaines personnes de demander la citoyenneté.
Nos recommandations visent ainsi à réduire les obstacles qui pourraient empêcher les réfugiés et autres nouveaux arrivants de devenir citoyens ou qui risqueraient de retarder l'obtention de leur citoyenneté. Nicole va vous parler des obstacles que nous avons observés pour vous aider à comprendre pourquoi nous avons formulé ces recommandations.
Merci.
Je vous remercie de l'occasion que vous m'offrez de prendre la parole, aujourd'hui. En faisant ressortir les obstacles que j'ai observés en tant que chargée de dossiers, j'espère vous montrer en quoi les amendements proposés à la Loi sur la citoyenneté négligent les besoins des résidents permanents souffrant d'un handicap, d'un état psychologique handicapant et de difficultés sociales.
Le paragraphe 5(3) de la Loi sur la citoyenneté confère au ministre le pouvoir de dispenser une personne des exigences linguistiques et du test de connaissances pour des raisons humanitaires. Bien que cette dispense discrétionnaire soit maintenue dans les amendements proposés, si l'on agrandit les groupes d'âge des personnes devant satisfaire aux exigences, cela entraînera une augmentation du nombre de demandes d'exemption. On peut faire en sorte que le processus soit beaucoup plus accessible. Nous recommandons de faciliter les demandes d'exemption en informant les gens de cette possibilité et en leur venant en aide, le cas échéant.
J'aimerais également préciser que j'ai constaté qu'il était très difficile d'obtenir suffisamment de preuves médicales pour bénéficier d'une dispense. Pour illustrer mon propos, l'été dernier, j'ai contacté 15 différentes agences, à Toronto, avant de pouvoir en trouver une qui veuille bien essayer d'évaluer mon client qui parlait le tibétain, qui n'avait suivi aucune scolarité et qui avait une difficulté d'apprentissage. Parallèlement, à PCLS, nous rencontrons fréquemment des réfugiés dont les traumatismes nuisent à leur capacité d'apprentissage, notamment le deuil, l'anxiété et les troubles de stress post-traumatique.
D'un point de vue réaliste, les résidents permanents qui sont confrontés à des obstacles à l'apprentissage et qui disposent d'un réseau de soutien riche et privilégié sont plus susceptibles d'obtenir une exemption. La citoyenneté ne saurait s'acheter. Nous avons besoin de lignes directrices claires pour demander aux juges de la citoyenneté d'être raisonnables par rapport aux preuves qu'ils exigent et de tenir compte des difficultés pour obtenir les documents médicaux confirmant les handicaps.
J'aimerais également ajouter qu'il est essentiel d'avoir le droit d'appel pour protéger les résidents permanents dont la demande de dispense a été rejetée par un juge de la citoyenneté. Lorsque mon client qui parle tibétain a finalement pu voir un spécialiste pour travailler avec lui, il a obtenu un rapport solide indiquant qu'il ne pourrait jamais apprendre l'anglais, même à un moindre niveau, en raison de son handicap. Malgré cela, lorsqu'il a été à son audience de citoyenneté, avec des lettres d'appui de son employeur, de ses enseignants d'anglais langue seconde, ou ESL, et de son médecin de famille, le juge lui a refusé de recommander une exemption. Cela a eu un effet dévastateur sur lui. Il se sent profondément honteux de ne pas pouvoir apprendre l'anglais malgré les cours d'ESL qu'il a suivis pendant des années, au cours de ses 11 ans passés au Canada. À l'heure actuelle, mon client a le droit d'en appeler de la décision devant la Cour fédérale, au motif selon lequel la preuve médicale n'a pas été considérée.
Nous vous implorons de ne pas révoquer le droit d'appel des gens dont la demande de citoyenneté a été rejetée. La décision d'accorder une demande d'autorisation de révision judiciaire est discrétionnaire et il s'agit par ailleurs d'un processus dispendieux et inaccessible pour les demandeurs à faible revenu.
Ces exemples sont uniques, car nos clients ont pu bénéficier des services d'une clinique d'aide juridique, avec des services de traduction et la capacité de leur venir en aide. Toutefois, les membres du comité ne doivent pas oublier que, dans bien des régions du Canada, ces services juridiques ne sont pas offerts. Il existe un grand nombre de résidents permanents, au Canada, qui appartiennent à la catégorie des réfugiés ou du regroupement familial et qui sont confrontés à ces obstacles pour obtenir leur citoyenneté...
:
Merci, madame la présidente.
C'est un plaisir pour moi de comparaître aujourd'hui au sujet du projet de loi .
[Traduction]
Permettez-moi de commencer par me faire l'écho du consensus au sujet de la nécessité de mettre à jour la Loi sur la citoyenneté et de remercier le gouvernement d'avoir pris l'initiative à cet égard.
[Français]
Nous avons bien hâte de voir les immigrants bénéficier des droits et responsabilités de la citoyenneté canadienne rapidement, efficacement et avec une plus grande intégrité, et cela, dans un cadre juridique réformé.
[Traduction]
La citoyenneté canadienne est l'un des biens les plus précieux et les plus respectés au monde, mais c'est loin d'être uniquement un statut prestigieux. Ici, la citoyenneté est un ensemble équilibré de droits et de responsabilités qui reposent sur un éventail de valeurs fondamentales et visant à garantir la dignité, la liberté et l'égalité pour tous.
[Français]
L'histoire du Canada est largement une histoire d'immigrants, une réalité que les communautés juives de partout au Canada connaissent bien.
[Traduction]
En dépit de la sombre période de la politique canadienne qui disait « aucun, c'est encore trop » pour les immigrés et des réfugiés juifs, nous avons pu venir ici, des quatre coins du monde, au cours des 200 et quelques dernières années, et contribuer de manière positive à l'histoire canadienne, à l'instar de nombreux autres groupes avec lesquels nous apprécions l'extraordinaire chance et le privilège que nous avons d'être Canadiens.
Au Canada, les immigrants sont une source de vitalité culturelle et une force économique. Bon nombre de ceux qui choisissent de venir au Canada adoptent nos valeurs, car ils connaissent la dure réalité de vivre sans ces valeurs.
[Français]
Les immigrants sont parmi les plus fiers patriotes et bâtisseurs de ce pays. En fait, la modernisation de la Loi sur la citoyenneté profitera à tous.
[Traduction]
La vaste majorité des citoyens canadiens apprécient le cadeau qu'ils ont reçu, mais il y en a malheureusement qui rejettent nos valeurs fondamentales et qui abusent de la confiance qui sous-tend notre contrat social. Nous saluons les mesures préconisées par le projet de loivisant à promouvoir le rapprochement avec le Canada et l'adhésion aux valeurs canadiennes fondamentales.
Nous accueillons favorablement l'introduction de critères plus rigoureux en matière de résidence, notamment la présence effective pour obtenir la citoyenneté.
[Français]
Cela, avec les exigences linguistiques et de savoir, facilitera l'intégration des immigrants et diminuera leur possible marginalisation.
[Traduction]
En outre, cela fera beaucoup pour prévenir l'importation de points de vue antisémites qui, même s'ils sont marginaux au Canada, sont encore endémiques dans certaines régions du monde.
Nous appuyons également les mesures proposées pour veiller à ce que les demandeurs de citoyenneté canadienne aient réellement l'intention de conserver des liens significatifs avec le Canada, après avoir prêté serment. Les dispositions concernant l'« intention de résider » jouent un rôle important à cet égard et pourraient avoir pour effet de diminuer considérablement le nombre de citoyens de convenance. Il y a le problème des personnes qui profitent de la citoyenneté canadienne, qui tirent parti de la générosité canadienne, mais qui n'ont absolument aucun lien réel avec ce pays, ni ne font rien pour lui. Leur citoyenneté est purement une question de convenance et elles n'ont pas réellement l'intention de résider au Canada.
Cela étant dit, nous reconnaissons que cette disposition risque de faire l'objet d'abus. Il ne semble pas y avoir de protection qui empêcherait un ministre d'entamer des procédures de révocation contre une personne ayant déclaré son intention de résider au Canada, mais qui serait partie à l'étranger pour étudier, travailler ou s'occuper d'un parent malade. Même s'il est peu probable que le ministre le fasse, cela demeure une possibilité.
À notre avis, on pourrait résoudre le problème d'abus éventuel en exigeant du ministre qu'il obtienne une déclaration du tribunal dans les cas de fausse déclaration sur l'intention de résider, comme on l'exige dans d'autres cas de fraude. En plus de l'intention de résider, le projet de loi permettra de simplifier le processus de révocation de la citoyenneté de ceux qui ont obtenu leur citoyenneté canadienne en ayant fait de fausses déclarations sur leur participation à des violations des droits de la personne ou des droits internationaux.
Étant donné qu'il a été très laborieux d'essayer de renvoyer les criminels de guerre nazis du Canada, renvois pour lesquels le Congrès juif canadien, une des organisations qui nous a précédés, s'est battu pendant si longtemps, il s'agit d'une mesure dont la communauté juive se réjouit tout particulièrement. Avec les changements proposés, le Conseil des ministres ne pourra plus renverser la décision du tribunal de renvoyer quelqu'un qui aura menti sur sa participation à de tels actes haineux, ce qui s'est d'ailleurs produit avec les criminels de guerre nazis. Le processus en sera renforcé pour veiller à ce que les criminels en question puissent être renvoyés du Canada dans des délais raisonnables.
Lors d'une réunion précédente de ce comité, quelqu'un a affirmé que, plutôt que de protéger davantage les Canadiens juifs, comme je l'ai laissé entendre, ce projet de loi allait en fait les rendre particulièrement vulnérables au risque de voir leur citoyenneté révoquée en raison de la Loi sur le retour d'Israël. Cela n'est pas le cas.
Aux termes de la Convention de l'ONU de 1954 relative au statut des apatrides, un apatride est toute personne qu'aucun État ne considère comme ressortissant par application de sa législation. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a précisé que la convention ne demandait pas si une personne devait ou pouvait être ressortissante d'un État particulier d'après sa législation, mais plutôt si la personne était ressortissante d'un autre État. Israël ne considère pas les Juifs du Canada comme étant des ressortissants de l'État et visés par la Loi sur le retour; ils ont plutôt le droit de se faire naturaliser et de devenir des citoyens israéliens, par le biais d'un processus d'immigration volontaire assujetti à certaines restrictions.
[Français]
Pour qu'un Juif canadien soit considéré comme citoyen israélien, il doit d'abord demeurer en Israël et être certifié en tant que nouvel immigrant.
[Traduction]
La possibilité de devenir citoyen israélien n’équivaut pas à la double nationalité pour les juifs canadiens, selon la Convention de l’ONU sur le statut des apatrides ou selon le projet de loi. Si le ministre demandait la révocation de la citoyenneté d’un Canadien d’origine juive, la personne menacée de révocation n’aurait qu’à prouver qu’elle n’est pas citoyenne d’un autre État – qu’il s’agisse d’Israël, du Royaume-Uni ou d’ailleurs – pour éviter la révocation, en raison des obligations internationales du Canada concernant l’apatridie. La situation est la même pour les juifs et tous les autres citoyens canadiens. Tant que les Canadiens d’origine juive n’ont pas la double citoyenneté et qu’ils ne commettent aucune infraction désignée, le ministre ne pourra pas révoquer leur citoyenneté.
Le projet de loi prévoit un recours pour révoquer la citoyenneté des Canadiens ayant la double citoyenneté et qui commettent certaines infractions, notamment des actes de trahison ou d’espionnage,ou qui prennent les armes contre les Forces canadiennes. Ces infractions sont essentiellement des actions contre l’institution de la citoyenneté et contre l’État lui-même. La révocation de la citoyenneté est une conséquence raisonnable de ces actions et il est surprenant que le Canada soit une des seules démocraties occidentales qui ne puisse pas révoquer la citoyenneté de ressortissants ayant la double nationalité dans de pareils cas.
Il existe d’autres crimes politiques qui sont de nature tellement haineuse qu’ils s’attaquent aux valeurs fondamentales sur lesquelles repose la citoyenneté canadienne. Les actes de terrorisme sont un exemple où le retrait de la citoyenneté est une conséquence raisonnable. Nous nous réjouissons de voir cela inscrit dans le cadre du projet de loi.
[Français]
Bien que nous appuyions le principe de la révocation de la citoyenneté comme conséquence du terrorisme, nous soulignons que cette disposition pourrait être mieux appliquée.
[Traduction]
Nous prenons au mot leministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et ses collaborateurs lorsqu’ils disent que les Canadiens possédant la double citoyenneté et condamnés à l’étranger pour terrorisme seront assujettis à une évaluation en deux temps pour déterminer si l’infraction de terrorisme commise à l’étranger est équivalente à une infraction de terrorisme aux termes du Code criminel, ici, au Canada, et pour s’assurer que le processus judiciaire de condamnation est juste, transparent et indépendant. Cette évaluation en deux étapes est cruciale et pourtant la seconde ne semble pas être explicitement prévue par le projet de loi, comme exigence préalable à toute révocation.
Par conséquent, il semble qu’un futur ministre pourrait fort bien renoncer à la seconde étape de ce processus primordial. Cela pourrait avoir comme conséquence imprévue de retirer la citoyenneté à des Canadiens possédant la double nationalité sur la base de fausses accusations, de chefs d’accusation fondés sur des motifs politiques et une procédure judiciaire devant un tribunal fantoche. Ainsi, nous estimons que le projet de loi devrait être modifié pour inscrire explicitement le recours à des normes équivalentes en matière de preuve et à un processus en bonne et due forme, dans le cas de condamnations à l’étranger, pour faire en sorte que le ministre puisse s’en servir comme motifs pour révoquer la citoyenneté des personnes concernées.
En outre, nous suggérons que les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les génocides soient également ajoutés à la liste des motifs de révocation de la citoyenneté. Comme avec le terrorisme, il s’agit de crimes politiques d’une nature tellement haineuse qu’ils s’attaquent aux valeurs fondamentales sur lesquelles la citoyenneté canadienne est basée.
[Français]
Le principe qui s'applique au terrorisme s'applique aussi à ces cas.
[Traduction]
De plus, tout comme un terroriste qui peut se servir de la citoyenneté canadienne pour jouir d’une plus grande mobilité en vue de perpétrer ses attaques et échapper à la justice, on devrait également priver les auteurs de ces crimes de l’utilité de la citoyenneté canadienne. Nous trouvons aberrant que l’on puisse révoquer la citoyenneté aux Canadiens disposant de la double nationalité qui ont menti sur leur participation à des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou des génocides, avant de devenir citoyens, mais qu’on ne puisse pas le faire pour les personnes ayant commis ces actes en brandissant le passeport canadien. La communauté juive a trop souvent été victime de tragiques attentats terroristes, de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide.
[Français]
Je vous remercie de l'attention portée à notre perspective sur ces enjeux importants.
:
Merci, madame la présidente.
Je tiens à dire un très gros merci à nos témoins qui ont comparu aujourd’hui.
Monsieur Fogel, je tiens à vous remercier tout particulièrement d’être venu témoigner, en cette journée de l’indépendance du grand État d’Israël. Je suis convaincu que vous avez une journée très chargée, avec vos collègues. Nous sommes tout à fait conscients de l’excellent travail que fait le CCRJI.
Voici donc mes questions. J’aimerais aborder la question de la révocation, pendant quelques instants. Le projet de loi prévoit la révocation pour les personnes qui ont la double nationalité et qui ont commis un acte de trahison ou de terrorisme contre les Forces armées canadiennes ou contre notre pays, le Canada. Il s’agit de personnes qui ont la double citoyenneté. Elles perdront leur citoyenneté si elles commettent un de ces deux actes.
Nous avons entendu les détracteurs du projet de loi. En réalité, nous avons entendu le manque de compassion, ici, pour les victimes d'actes de terrorisme, de ceux qui ont parlé de révocation, par rapport à ce projet de loi.
Nous avons été témoins d'actes de terreur dans d'autres pays qui ont entraîné la mort d'innocents, de mères, de pères, de filles, de fils, d'amis et d'être chers. Nous pensons que le projet de loi envoie un signal fort, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez. À votre avis, quel signal envoie-t-on aux victimes de ces criminels si l'on ne prend pas les actes de ces criminels au sérieux et s'ils continuent de jouir des mêmes droits et du même accès que la vaste majorité des citoyens canadiens qui défendent fièrement les valeurs canadiennes, ainsi que les droits et les responsabilités?
J'aimerais remercier tous nos témoins pour leur présence.
Je suis certainement d'accord avec une grande partie -- pas tout, mais une grande partie -- des propos de M. Fogel, notamment en ce qui concerne nos pauvres valeurs canadiennes. Par votre entremise, madame la présidente, je dirais également aux conservateurs que je n'ai pas plus de patience ni de tolérance qu'eux pour les terroristes ou ceux qui commettent des crimes haineux.
Mais en même temps, en tant que Canadien, je m'inquiète également du droit à un processus en bonne et due forme, de l'équité et du respect de la Charte des droits et libertés. Quant à savoir si nous sommes d'accord ou pas sur le fait que les vrais terroristes devraient être expulsés, c'est une autre question que je préfère mettre de côté.
Ma question porte davantage sur le processus qui permet de décider si quelqu'un est un véritable terroriste ou un véritable criminel et si cette personne a droit à une application en bonne et due forme de la loi, en toute justice. Permettez-moi de vous lire ce qu'une avocate du nom de Robin Seligman nous a dit, mercredi dernier. Je la cite:
...si vous recevez une contravention de stationnement à Toronto ou sans doute n'importe où au Canada, vous aurez davantage droit à un procès équitable et un droit d'appel qu'en vertu de [cette] Loi sur la citoyenneté.... Votre contravention de stationnement vous donne droit à un procès équitable. La Loi sur la citoyenneté proposée ne vous y donne pas droit. C'est au ministre qu'il revient de décider si vous y aurez droit ou non. Cela peut prendre une dimension très politique et il faudrait certainement enlever ce genre de décisions au ministre.
Bien que nous nous entendions sur le fait que les terroristes sont des êtres horribles, je ne veux pas que quelqu'un soit traité comme un terroriste s'il n'en est pas un.
Est-ce que vous vous inquiétez de l'absence d'un processus d'application de la loi en bonne et due forme et juste?
:
Merci, madame la présidente.
J'aimerais revenir à M. Fogel sur un ou deux points.
Tout d'abord, je souhaite rappeler que nous avons discuté de la révocation de la citoyenneté et je tiens à souligner que cette mesure vise des individus reconnus coupables et non, tout simplement, des accusés. Je crois que cela est très clair aux yeux du ministre. J'espère que cette interprétation est également claire dans la loi.
Monsieur Fogel, j'aimerais que vous élaboriez sur une autre question, celle-là plus théorique sans doute, et je veux parler de l'intention de résider. Dans votre témoignage, vous avez parlé d'attachement au Canada, vous avez expliqué pourquoi la question de l'attachement était si importante.
Permettez-moi de vous citer un exemple. Des membres de ma famille sont venus au Canada, y ont étudié et acquis la citoyenneté. Puis ils ont dû partir travailler à l'étranger, mais en bout de ligne, ils ont fini par travailler pour des sociétés canadiennes établies là-bas, apportant ainsi une contribution nette au Canada. Maintenant, je dirais 20 ans plus tard, ils ont pleins droits de citoyenneté. Ils n'ont jamais commis d'acte illégal. Ils ont certainement contribué à bâtir ce pays et à accroître son rayonnement international en finance et en commerce.
Ce sont des citoyens canadiens de bonne foi. Ils ont apporté leur contribution au Canada. Leur intention de résider n'est pas vraiment un problème car ils ont toujours un attachement au Canada. Comme l'a mentionné Mme Sadoway, le hasard a fait qu'ils ont épousé une personne de l'étranger.
Mais les grandes questions sont ailleurs. Je crois que l'intention de résider vise strictement les personnes qui souhaitent utiliser le passeport canadien en tant que document de complaisance pour commettre des crimes odieux ou des actes terroristes au Canada. Nous sommes tellement généreux et tellement attentionnés à cet égard! Par conséquent, je ne crois pas que dans des cas semblables, il y ait lieu d'imposer une limitation dans le temps. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
:
Merci, madame la présidente.
[Traduction]
Encore une fois, je remercie tout le monde pour sa présence ici aujourd'hui. La discussion a été très intéressante.
J'aimerais souligner le caractère inhabituel de nos audiences d'aujourd'hui. Nous sommes réunis en comité pour débattre de ces questions avant que ce projet de loi n'ait été présenté à la Chambre pour vote à la deuxième lecture, ce qui signifie qu'en fait, nous sommes en train de tenir une audience préliminaire. Selon moi, le fait que le gouvernement nous demande de nous pencher sur ces questions en dit long sur leur complexité. C'est une situation très rare. Je tiens à vous réitérer ma connaissance pour votre participation à ce processus inhabituel.
J'aimerais exprimer certaines préoccupations concernant le projet de loi. L'une de ces préoccupations découle des interventions de M. Leung. Quand vient le temps d'évaluer la qualité du demandeur de citoyenneté, l'un des éléments consiste à déterminer si ce dernier a déjà été reconnu coupable d'un crime. Mais c'est un terrain glissant car, comme nous l'avons mentionné — je crois, monsieur Fogel, que c'est vous qui avez soulevé ce point —, certains crimes perpétrés à l'étranger sont jugés selon des critères différents des nôtres. Des personnes aboutissent en prison pour avoir participé à des protestations politiques tout à fait légitimes, mais dans des pays où de telles activités sont définies comme étant illégales et interdites.
J'étais encore très jeune la première fois qu'il m'a été donné de comprendre ça. C'était pendant le Printemps de Prague. Mes parents avaient accueilli un ressortissant tchèque venu au Canada comme réfugié. Pour la première fois de ma vie, je me suis rendu compte qu'il existait des pays où les gens ont la vie autrement plus difficile que la nôtre.
Je voudrais qu'on fasse preuve de prudence et qu'on soit conscient des discriminations dont sont victimes certains demandeurs de la citoyenneté canadienne en raison de lois étrangères. Madame Sadoway, vous avez aussi effleuré la question de la discrimination attribuable aux lois de certains pays en matière de nationalité. Pourriez nous en dire un peu là-dessus?
Bon après-midi et merci de m'avoir invitée ici aujourd'hui.
Je veux souligner l'apport de mon ami Danny Eisen, de la Coalition canadienne contre la terreur, qui a formulé un grand nombre des idées que j'aborderai aujourd'hui. Je tenais simplement à mentionner son nom.
Mes observations porteront essentiellement sur les dispositions du projet de loi relatives à la révocation de la citoyenneté pour cause de trahison, de terrorisme et de conflit armé contre le Canada. Comme je l'ai signalé dans un témoignage précédent, appuie ces dispositions sur le plan théorique. Elles constituent une mise à jour du contrat social qui a toujours existé entre le Canada et ses citoyens. De façon générale, ce contrat commun à toutes les démocraties libérales désigne la compréhension que les citoyens consentent à respecter en s'acquittant de certaines obligations envers l'État, en échange d'autres privilèges. Le projet de loi C-24 laisse entendre que la citoyenneté canadienne, qu'elle soit acquise à la naissance ou octroyée par naturalisation, repose sur un engagement fondamental envers l'État: celui de s'abstenir de commettre une infraction considérée comme allant à l'encontre des intérêts du Canada en matière de sécurité nationale.
Tout acte de trahison et tout conflit armé contre le Canada visent clairement à porter atteinte au pays en tant qu'entité nationale et que collectivité politique. Il est donc tout à fait pertinent que la conséquence de tels crimes soit la perte de la citoyenneté du pays auquel le contrevenant a cherché à porter préjudice.
Qu'en est-il du terrorisme? On pourrait invoquer l'argument convaincant que le terrorisme, en tant que crime unique — ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les tribunaux du Canada qui qualifient le terrorisme de crime unique — est tellement contraire aux valeurs canadiennes que celui qui choisit de recourir à une telle violence fait carrément preuve d'allégeance contraire aux intérêts de l'État.
Quoi qu'il en soit, je recommanderais personnellement que le projet de loi énonce l'existence d'une relation plus étroite entre le crime et la conséquence associée à la perte de la citoyenneté. Plus précisément, je propose que toute infraction terroriste perpétrée au Canada ou contre une cible canadienne à l'étranger, ou toute association avec une entité inscrite sur la liste, suffise pour déclencher la révocation de la citoyenneté. Ces entités inscrites que le Canada a désignées publiquement comme des organisations terroristes sont devenues les ennemies publiques de l'État. Collaborer avec une entité inscrite pour commettre un acte terroriste, c'est prêter allégeance à des forces qui s'emploient à porter préjudice au Canada.
Le projet de loi prévoit que la révocation peut découler non seulement d'une condamnation pour terrorisme national avec une sentence de cinq ans ou plus, mais aussi d'une condamnation à l'étranger. Lorsque cette condamnation est prononcée dans un pays dont les valeurs et les normes juridiques sont semblables aux nôtres, cela a du sens. Mais qu'en est-il d'un pays doté d'un système juridique auquel nous ne faisons pas confiance?
Si j'en juge d'après l'audience de la séance de la semaine dernière, le ministre Alexander entend user de sa discrétion ministérielle pour recourir à un processus en deux étapes. La première étape consisterait à examiner la nature de l'infraction commise à l'étranger et à déterminer si cette infraction a son équivalent parmi les actes terroristes prévus au Code criminel canadien. Cela est énoncé dans la législation. Mais la seconde étape de l'examen, qui a été décrite comme une étude de l'équité du processus ayant mené à la condamnation, n'est mentionnée nulle part dans le projet de loi. Je recommande un amendement à cet égard.
Une solution serait que l'analyse bipartite du ministre, qui a été décrite par son entourage la semaine dernière, soit codifiée dans la loi — autrement dit, qu'elle soit explicite — pour que, au moment de trancher dans un dossier de révocation de citoyenneté pour terrorisme, on puisse à la fois tenir compte de la nature de l'acte et de l'équité de la condamnation. Par ailleurs, lorsque la décision de révocation découle d'une condamnation prononcée à l'étranger, on pourrait recourir à un processus de recommandation ministérielle et d'approbation du tribunal afin de déterminer si la condamnation à l'étranger était motivée par des considérations politiques ou si le juge qui a prononcé la condamnation était vraiment indépendant.
Le fait est qu'une mesure aussi sévère que la révocation de la citoyenneté doit être soigneusement énoncée afin d'en assurer la conformité aux lois et aux valeurs du Canada et, bien entendu, à nos obligations internationales. En ce sens, je reconnais que le projet de loi respecte les exigences de la Convention sur la réduction des cas d'apatridie. Le projet de loi prévoit que si une personne n'a que la citoyenneté canadienne, elle ne peut voir cette citoyenneté révoquée, indépendamment du crime, parce que personne ne peut être apatride.
Cependant, cela ouvre la porte à un nouvel argument, à savoir que le projet de loi crée injustement deux catégories de citoyens: ceux possédant deux ou plusieurs nationalités, et qui risquent de se voir retirer de leur citoyenneté canadienne, et ceux n'ayant que la citoyenneté canadienne, et qui peuvent être punis de diverses manières, mais ne peuvent pas perdre leur citoyenneté.
En ce qui a trait aux personnes dont le statut de double citoyenneté est un choix, souvent pour des motifs de liens personnels ou pour profiter des avantages des deux citoyennetés, l'argument ne tient pas la route. La double citoyenneté ne leur a pas été imposée. Ces personnes ne font pas l'objet de discriminations en raison d'une quelconque condition inhérente. C'est un choix, de la même façon qu'elles peuvent choisir de renoncer à l'autre citoyenneté, de n'être que citoyen Canadien et ainsi, ne pas être assujetties aux dispositions de l'autre pays.
Mais qu'en est-il des pays qui interdisent la renonciation à la citoyenneté? Dans le cas d'un gouvernement qui hésite à maintenir le statut juridique d'une citoyenneté à laquelle une personne a, en vain, tenté de renoncer, on pourrait envisager la solution qui suit.
Lorsque l'auteur d'un acte de terrorisme, de trahison ou de conflit armé possède également la citoyenneté d'un pays qui interdit la renonciation, le ministre pourrait exercer son pouvoir discrétionnaire pour évaluer l'ampleur de ce que j'ai appelé la « relation active » à cette citoyenneté. Par exemple: la personne en question entretient-elle des liens étroits avec l'autre pays concerné? A-t-elle invoqué un des droits dérivant de cette citoyenneté? A-t-elle voyagé avec le passeport de ce pays ou exercé une fonction officielle réservée à ses seuls citoyens? Plus la relation à la citoyenneté est active, moins la prétention selon laquelle cette citoyenneté a été imposée est crédible.
Il faut souligner que même si la révocation de la citoyenneté est un outil à considérer dans les cas de personnes reconnues coupables de crimes graves contre le Canada, il importe avant tout que des mesures préventives ou correctives soient prises afin de prévenir toute situation susceptible de mener à la révocation. Les programmes de lutte contre la radicalisation sont essentiels, et je suis ravie d'apprendre que le gouvernement fédéral est sur le point d'annoncer la mise en place d'une tel programme.
Des contrôles de sortie plus stricts sont également une option. L'an dernier, je crois, Ray Boisvert, ancien directeur adjoint du renseignement au SCRS, a suggéré qu'il devrait y avoir
un moyen facile de déclencher le refus d'un passeport — ou la confiscation du passeport d'un citoyen — s'il existe suffisamment d'information pour démontrer que la personne est devenue fortement radicalisée, qu'elle a proféré des menaces ou a agi de façon à mettre la vie ou le bien-être des autres en danger.
Cette mesure pourrait s'appliquer aussi bien aux personnes à citoyenneté unique que double. Contrairement à la révocation, qui est une mesure réactive, la confiscation du passeport pourrait être un moyen efficace de dissuader les Canadiens de se livrer à des activités terroristes ou de participer à un conflit armé à l'étranger. Le système de gestion des cas de voyageurs à risque élevé, récemment déployé par la GRC et dont l'objectif est d'« empêcher de jeunes radicaux de partir vers des zones de conflit comme la Syrie, la Somalie et l'Afrique du Nord », semble recourir à un mécanisme semblable.
Les organismes occidentaux chargés de la sécurité craignent que leurs citoyens se rendent dans ces pays pour participer au djihad et acquérir les compétences et les mobiles qui les pousseront à perpétrer des actes similaires dans leur propre pays. Au moins une étude a démontré que les groupes terroristes formés à l'étranger sont de loin plus meurtriers, plus dangereux et plus sophistiqués que ne le sont les cellules terroristes intérieures. Si les dispositions du projet de loi relatives à la révocation de la citoyenneté aident à empêcher l'importation ou l'exportation de bains de sang, elles méritent toute l'attention parlementaire nécessaire.
J'ai un dernier commentaire à faire. Si ce projet de loi est adopté, il devrait peut-être s'accompagner d'une modification du processus de demande de passeport canadien. Toute personne âge de 16 ans et plus devrait être tenue de reconnaître par écrit les conditions liées à la citoyenneté. Le document en question préciserait au demandeur que tout acte de trahison, de terrorisme ou tout conflit armé est susceptible d'entraîner la révocation de la citoyenneté. Essentiellement, il s'agit d'un contrat: à défaut d'en respecter les conditions, des pénalités s'appliquent.
Merci.
Merci de l'invitation à fournir mon apport aux délibérations. Je m'adresse à vous en tant que veuve canadienne du 11 septembre et en tant que fondatrice de l'Alliance of Canadian Terror Victims.
Depuis les attentats du 11 septembre à New York, j'ai mené des campagnes de sensibilisation à la détresse des familles canadiennes qui perdent des êtres chers lors d'actes terroristes commis au Canada et ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, je tiens particulièrement à aborder la question de la révocation de la citoyenneté canadienne aux individus reconnus coupables de terrorisme, à la lumière de ce je considère constituer un ensemble de valeurs profondément canadiennes. En tant que nation, le Canada s'est taillé une réputation internationale de défenseur des droits de la personne et de la démocratie. Le Canada promeut et protège une forme de société qui permet à ses citoyens de vivre une vie productive et enrichissante.
Le Canada, selon moi, est un brillant exemple de tout ce que le monde occidental a d'admirable. Notre pays accueille de nombreux immigrants venus des quatre coins du monde à la recherche d'une vie meilleure. En contrepartie, le Canada leur demande de vivre dans le respect d'un ensemble minimal de normes. Notre politique d'appui au multiculturalisme permet aux immigrants de vivre en toute liberté le mode de vie qui était le leur avant leur arrivée. La majorité d'entre eux s'adaptent et deviennent des éléments productifs de la société canadienne en acceptant, dans leurs actes sinon dans leur esprit, les valeurs canadiennes.
Les actes terroristes se situent à l'extrême opposé de ces valeurs. En faisant d'innocentes victimes, les terroristes dénigrent et violent chaque principe des valeurs qui caractérisent l'identité canadienne. Or, si le Canada permet à un individu reconnu coupable de terrorisme de conserver sa citoyenneté, il admet que l'acte terroriste fait partie du tissu social canadien. Dans la mesure où la citoyenneté canadienne est un privilège, celle-ci devrait pouvoir être révoquée si son détenteur démontre, par la perpétration d'actes terroristes, qu'il n'a aucunement l'intention de respecter les normes minimales que le Canada s'attend à voir respecter. Le Canada doit affirmer clairement qu'il ne tolérera aucune activité terroriste de la part de quiconque.
La révocation de la citoyenneté est une façon claire et directe d'affirmer qu'en raison de vos actions, vous êtes déchu de votre citoyenneté canadienne. En fait, le Canada doit déclarer haut et fort que quiconque viole les valeurs canadiennes en accomplissant des actes terroristes se verra retirer le privilège d'être Canadien. La mise en place d'une politique de tolérance zéro à l'égard du maintien et de la protection des valeurs qui nous sont chères est la seule façon, pour le Canada, de demeurer une figure phare, un point de repère pour le monde entier. Permettre à des citoyens reconnus coupables d'actes terroristes de rester au Canada est, à mon avis, la pire des lâchetés en même temps qu'un affront envers tous les Canadiens qui respectent la loi.
Encore une fois, je vous remercie de m'avoir invitée à présenter mon point de vue.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir invitée à me joindre à vous aujourd'hui par vidéoconférence.
Je vais faire ma présentation en anglais.
[Traduction]
J'accepterai les questions aussi bien en anglais qu'en français et je serai heureuse de répondre aux questions du comité.
Je me contenterai d'aborder les dispositions relatives à la révocation et je me concentrerai plus précisément sur la légalité de ces dispositions.
J'aimerais d'abord clarifier les dispositions concernant la révocation pour fraude, fausse représentation ou dissimulation de faits importants.
Vous avez entendu le témoignage du selon lequel l'inclusion d'une condition obligeant un demandeur à signifier son intention de résider au Canada une fois sa citoyenneté obtenue est une disposition qui ne serait pas applicable après l'obtention de la citoyenneté. Peut-être est-ce une façon, pour le ministre, d'exprimer son désir ou son intention d'utiliser la loi proposée, mais j'aimerais préciser que ce n'est pas ainsi que la loi actuellement proposée est rédigée.
Le projet de loi se penche sur les conditions existantes pour l'obtention de la citoyenneté par naturalisation à savoir: résider au Canada depuis un certain temps, passer des tests de langue et de connaissances sur le Canada et avoir, dans l'ensemble, un dossier sans tache. La façon dont cela fonctionne, c'est que si ces conditions ne sont pas respectées ou si un demandeur dissimule des faits, fait de la fausse représentation ou commet une fraude en lien avec l'une de ces conditions, la citoyenneté ainsi obtenue peut lui être révoquée après coup.
À ces conditions, la loi proposée ajoute une exigence voulant que le demandeur affirme son intention de résider au Canada après avoir été naturalisé. La structure de cette disposition est telle que si le ministre considère qu'une personne a commis une fraude, une fausse représentation ou une dissimulation de faits dans son intention de résider au Canada une fois sa citoyenneté obtenue, le ministre pourrait, en principe, en demander la révocation pour un de ces motifs. Que le ministre choisisse ou non d'appliquer cette mesure, cela relève de sa discrétion, mais j'aimerais insister sur le fait que la loi, telle qu'elle est proposée actuellement, confère au ministre le pouvoir de demander l'annulation de la citoyenneté de toute personne qui, de l'avis du ministre, n'a pas exprimé en toute honnêteté son intention de résider au Canada une fois sa citoyenneté obtenue. Voilà donc un premier éclaircissement en ce qui concerne la législation et la légalité.
J'aimerais aussi me pencher sur la constitutionnalité des dispositions relatives à la révocation. Je vais commencer non pas avec la révocation fondée sur la fraude ou la fausse représentation, mais bien sur les dispositions abordées par nos deux témoins précédents: la révocation pour inconduite de la part d'un citoyen. En d'autres mots, le recours à la révocation de la citoyenneté en guise de punition.
Il est important de comprendre que la jurisprudence canadienne traite de la constitutionnalité de certaines formes de sanctions en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. Le dossier le plus pertinent pour ce qui nous intéresse aujourd'hui est le cas Sauvé. Dans l'affaire Sauvé, une loi refusait le droit de vote aux détenus qui purgeaient une peine de plus de deux ans dans une prison canadienne. Les détenus se voyaient donc refuser un droit prévu par la Constitution et garanti par l'article 2 de la Charte: celui de voter pendant qu'ils étaient en prison.
Cette loi a été invalidée par la Cour suprême du Canada parce qu'elle violait les dispositions de l'article 2 de la Charte d'une manière qui ne pouvait se justifier au sens de l'article premier de la Charte. J'aimerais mentionner deux parties de ce jugement qui s'avèrent particulièrement pertinentes dans l'examen de la révocation de la citoyenneté au titre de punition.
Peut-on dépouiller quelqu'un de sa citoyenneté dans le but de le punir pour ce que nous appelons des crimes contre la citoyenneté? Permettez-moi d'attirer votre attention sur les propos tenus par la Cour suprême du Canada et qui rejoignent directement ce qu'ont exprimé les orateurs précédents quant à la notion de contrat social, cette idée voulant qu'il existe un contrat social en vertu duquel certains types de crimes sont formellement condamnés et que la personne qui en commet, parce qu'elle est réputée avoir violé cette condition du contrat, est passible de révocation de citoyenneté.
Au sujet de cette approche, voici ce que la Cour suprême du Canada a affirmé:
Le contrat social engage le citoyen à respecter les lois issues du processus démocratique. Mais il ne s’ensuit pas qu’un défaut à cet égard annule l’appartenance permanente du citoyen à la cité. D’ailleurs, le recours à l’emprisonnement pour une période déterminée plutôt qu’à l’exil définitif est le signe de notre acceptation de l’appartenance permanente à l’ordre social.
En d'autres mots, la Cour suprême du Canada a fait savoir noir sur blanc que le fait de punir une personne en la privant de ses droits constitutionnels et en l'excluant du contrat social n'est pas conforme à la Constitution. Retirer à quelqu'un son droit de vote aux seules fins de lui infliger un châtiment n'est pas constitutionnel. Ce droit est garanti par la Charte. Il semble évident que la privation des droits constitutionnels, car c'est bien de cela qu'il s'agit quand on parle de révocation de la citoyenneté et d'expulsion hors du Canada, est aussi un acte anticonstitutionnel.
Il me semble que la lecture du cas Sauvé apporte une réponse relativement complète à la question de la constitutionnalité du bannissement comme forme de châtiment valide en vertu de la Charte des droits et libertés.
Il est clair qu'en poussant plus loin et en examinant d'autres aspects de la ratification de la citoyenneté prévus dans la Charte, on trouvera d'autres éléments qui, à premier abord, semblent inconstitutionnels. Par exemple, l'article 11 de la Charte stipule que lorsqu'un individu doit répondre de ses actes par une conséquence pénale — dans le cas qui nous occupe, le châtiment par dénaturalisation —, il est autorisé à exercer certains droits procéduraux.
Selon l'article 11 de la Charte, ces droits comprennent la présomption d'innocence. Or, dans la loi actuelle, la présomption d'innocence est violée de la façon suivante. Si le ministre croit qu'un individu détient une double citoyenneté — et, de ce fait, ce dernier risque d'être dénaturalisé en se voyant retirer sa citoyenneté —, c'est à lui que le ministre impose de démontrer qu'il est, ou n'est pas, également citoyen d'un autre pays. Autrement dit, la seule façon pour ce citoyen d'empêcher qu'on lui retire sa citoyenneté canadienne est de prouver hors de tout doute qu'il ne possède pas d'autre nationalité. Le renversement du fardeau de la preuve constitue une violation de l'article 11 de la Charte et a été reconnu inconstitutionnel. Le inclut une clause d'inversion du fardeau de la preuve.
La Charte stipule qu'avant qu'un accusé soit reconnu coupable d'un crime et condamné à une peine, sa culpabilité doit être établie hors de tout doute raisonnable. Or, ne prévoit pas de norme en matière de preuve de la culpabilité hors de tout doute raisonnable.
Selon notre Charte, la cause de tout individu devant faire l'objet d'une sanction doit être entendue dans le cadre d'un procès ouvert et équitable, devant un tribunal indépendant et impartial. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration n'est pas un tribunal indépendant et impartial. C'est un ministre du gouvernement, pas un juge.
:
Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins d'être venus exprimer leur points de vue devant le comité. Votre contribution nous aidera certainement dans notre étude du .
Je commencerai par Mme Basnicki.
Madame Basnicki, je sais que vous avez été touchée personnellement par le terrorisme et que vous en avez vécu toute l'horreur. Je peux vous assurer que personne parmi nous tous ici présents ne peut comprendre autant que vous ce qu'est le terrorisme et les conséquences qu'il peut avoir sur une vie. C'est très clair dans mon esprit.
Je parlerai également du volet du projet de loi qui porte sur la révocation de la citoyenneté. Quand on parle de révocation, on pense à ce groupe d'individus reconnus coupables de terrorisme, qui ont commis des actes odieux contre l'humanité. Pour ma part, quand on parle de passeports canadiens, quand on parle de citoyenneté canadienne, je dis toujours la même chose: je suis une immigrante.
C'est seulement en 1989 que j'a immigré au Canada. Je me suis toujours dit que celui qui a la chance de pouvoir venir vivre au Canada a frappé le gros lot. C'est ce que je pense. Et je crois qu'il faut tout faire pour protéger ces valeurs.
Tout le monde sait que le passeport canadien est très respecté partout dans le monde. Lorsque, avant d'atterrir quelque part, je remplis la déclaration de débarquement, et qu'à la question sur la citoyenneté j'inscris « canadienne », je me rappelle le jour où j'ai parlé aux agents de l'ASFC pour la première fois. C'est un jour que je n'oublierai jamais. Ce pays a toute ma reconnaissance, et je remercie Dieu aussi.
Quand on parle du Canada, on parle d'un pays qui a la réputation d'être sécuritaire, d'une nation qui respecte les lois. Mais de plus en plus de passeports canadiens sont utilisés pour « voler sous le radar » et commettre des actes terroristes à l'étranger.
Que pensez-vous du projet de loi et de ce qu'il propose pour lutter contre ce phénomène et contre des individus de cette espèce?
Je crois que j'ai fait état de la plupart des dispositions constitutionnelles affectées. Je ne vais en ajouter que deux ou trois. La première c'est l'article 12 de la Charte qui interdit les peines et les traitements cruels et inusités. Maintenant, suite à une série de cas constitutionnels qui ont connu leur apogée avec le cas Afroyim v. Rusk, les États-Unis on rendu anticonstitutionnel le fait de dépouiller un citoyen de États-Unis de sa nationalité. Dans certains de ces cas, il se sont appuyés sur l'équivalent américain de l'interdiction des peines et traitements cruels et inusités pour le faire. Voilà une disposition, encore une fois, voilà un aspect des violations à la Charte.
Il y a aussi l'interdiction des peines rétroactives. Nous considérons qu'il est injuste de punir quelqu'un pour un acte qui n'était pas interdit avant l'adoption de la loi. Donc dans ce cas, le projet de loi imposerait des peines rétroactives pour des gens qui sont reconnus coupables des actes criminels énumérés avant que l'article 24 ne prenne effet. Cela violerait donc également l'interdiction des peines rétroactives figurant dans la Charte.
En plus de cela, l'article 11 de la Charte garantit également le droit à ne pas être puni deux fois pour la même infraction, donc dans la liste des actes criminels énumérés, vous avez des condamnations pour terrorisme, trahison, etc., et des peines qui sont infligées dans un tribunal par un juge indépendant, comme par exemple empoisonnement, et puis se rajoute à cela, le pouvoir discrétionnaire du ministre qui peut ajouter une autre peine, en l'occurrence la révocation de la citoyenneté et en fin de compte l'expulsion.
Voilà donc encore des violations de la Charte qui sont imposées par les dispositions de ce projet de loi.
:
Merci, madame la présidente.
Je crois que les gens continueraient de penser le Canada pour ce qu'il est déjà, un paradis sur terre.
Madame Basnicki, merci beaucoup d'être parmi nous. De toute évidence vous incarnez la douleur et la tragédie de cet acte abominable du 11 septembre, et néanmoins vous vous êtes appliquée à aider les canadiens de nombreuses manières, et à vrai dire les gens dans le monde entier aussi, à comprendre ce qui s'est passé et à être vigilant pour ne pas que cela se reproduise. C'est clairement une des raisons pour lesquelles vous êtes ici, en train de parler devant un comité parlementaire, et j'approuve cela.
Madame Saperia, j'aime votre idée d'un avenant au formulaire de demande de passeport. Je trouve que c'est extrêmement pertinent, et je pense que nous allons y revenir.
Mes parents sont arrivés ici voici presque 70 ans, et ils ont eu beaucoup de difficultés à devenir des citoyens Canadiens. Ils avaient des contrats de deux ans. Ils ont du travailler dur. Ils ont élevé une famille, et je vais vous dire, 70 ans plus tard alors qu'ils ont dans les 90 ans, ils agitent le drapeau canadien aussi haut et aussi fièrement que n'importe qui d'autre.
Alors nous travaillons là-dessus, et nous ne demandons pas grand-chose aux gens qui viennent dans ce pays. Nous leur demandons d'obéir à la loi et cela inclue le terrorisme. Nous leur demandons de respecter leurs concitoyens, et de laisser les vieux préjudices et les anciennes pratiques dans leur ancien pays. Et de payer leurs impôts.
Je ne vois rien de cruel ou d'inusité dans le fait de se débarrasser de terroristes et de traîtres à mon pays. Surtout en tant qu'ancien soldat, je serais vraiment bouleversé si quelqu'un ayant commis un acte terroriste contre moi sur le champ d'opération conservait la nationalité canadienne.
Je vais vous donner quelques exemples de pays dans lesquels ils révoquent la nationalité avec raison. En Grande-Bretagne, la citoyenneté est révoquée si c'est jugé nécessaire à l'intérêt public, et il y en a eu plusieurs exemples. En Suisse, la citoyenneté peut être révoquée si une action porte un préjudice sérieux aux intérêts nationaux du pays. L'Australie le fait aussi, et aux États-Unis, la révocation peut-être prononcée pour haute trahison ou pour appartenance à une force armée en guerre contre les État-Unis. Ce sont toutes de bonnes raisons et de bons exemples de ces pays.
Madame Basnicki, je vais commencer par vous. Dans l'actuelle Loi sur la citoyenneté ceux qui sont condamnés ou inculpés pour un acte criminel au Canada se voient empêchés d'obtenir la citoyenneté. La première partie de ma question est: pensez-vous que cela aille assez loin?
Encore une fois, merci à tous d'être venus. Ça a été une session instructive.
Madame Macklin, je vous suis très reconnaissant d'avoir participé au pied levé, tout comme moi-même, et je crois comme M. McKay. Nous sommes suspendus à nos parachutes en essayant de comprendre ce que nous entendons ici.
Je voudrais commencer par souligner que mes ancêtres sont venus au Canada il y a fort longtemps et qu'ils étaient des huguenots. Selon les valeurs de l'époque, ils étaient des criminels. Ils étaient des traîtres. Ils étaient passibles des pires châtiments de l'époque, de brûler sur le bûcher. Même en ce temps-là le Canada était plutôt accueillant, et ils sont venus ici, se sont installés et sont devenus de bons et honnêtes citoyens. Mais selon les lois de l'époque, c'étaient des traîtres et des criminels.
Je suppose que les choses se sont améliorées depuis, mais je voudrais souligner qu'il y a eu des gens dans ce pays qui ont été déclarés traîtres, tel Louis Riel, et que nous avons par la suite décidé de pardonner. Je ne crois pas qu'il soit toujours possible de tracer une limite objective dans ce domaine.
Je vous rappelle que juste avant la Seconde Guerre mondiale, le Canada a refusé d'accueillir les réfugiés juifs qui fuyaient l'Allemagne. Nous n'en voulions pas ici. Le ministre était d'accord avec cela; notre gouvernement était d'accord avec cela. Les choses évoluent avec le temps. Qu'est-ce qui est conforme aux moeurs? Qu'est-ce qui est acceptable et qu'est-ce qui ne l'est pas?
Venons-en à ce qui se passe aujourd'hui, et je ne veux pas répéter ce qu'a dit M. McKay tout à l'heure et qui était en plein dans le mille. Parlons d'un Canadien qui est détenu en Égypte, et dont, je crois, Mme Macklin a rapidement parlé. Tous ces gens sont considérés comme étant des traîtres. Tous ces gens ont commis des crimes odieux selon les critères en vigueur là où ils se trouvent. Je crois que nous nous engageons sur une pente qui pourrait être dangereuse, surtout que ce projet de loi semble permettre de sérieux manquements à une procédure équitable.
Madame Macklin, vous avez évoqué l'article 11 de la Charte. Il nous faut des tribunaux indépendants et impartiaux pour examiner cela, pourtant selon les conditions du statut qui nous est proposé nous allons avoir le pouvoir discrétionnaire du ministre et l'autorisation de contrôle judiciaire sera le seul recours possible à une tierce partie pour quiconque se verra refuser la citoyenneté. Quelles sont les conditions du contrôle judiciaire? Qu'est-ce que cela veut dire, le contrôle judiciaire? Quelle est la probabilité qu'une cour accepte d'entendre un contrôle judiciaire?
Madame Macklin, pouvez-vous m'expliquer ce qu'est le contrôle judiciaire, et si c'est un recours suffisant en cas de révocation de la citoyenneté?