Passer au contenu

CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 043 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 31 mars 2015

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    C'est la 43e réunion du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Nous sommes le mardi 31 mars.
    Nous allons entreprendre l'étude du projet de loi S-7, qui modifie différentes lois. C'est la première réunion que nous consacrons au projet de loi.
    Nous accueillons ce matin l'honorable Chris Alexander, ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, et ses collaborateurs. Le ministre sera présent pendant la première heure de la réunion, mais ses collaborateurs resteront après son départ. La réunion est télévisée.
    Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue au comité de l'immigration. La parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président, merci, collègues.
    C'est avec plaisir que je m'adresse au comité pour parler du projet de loi S-7, Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares, qui contribuera à nous assurer qu'aucune jeune fille ou femme au Canada ne sera victime d'un mariage précoce ou forcé, de la polygamie, de la violence « fondée sur l'honneur », ou de toute autre forme de pratique culturelle barbare.

[Français]

     Comme vous le savez, les mesures contenues dans le projet de loi S-7 apporteraient des amendements à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés ainsi qu'à la Loi sur le mariage civil et au Code criminel, afin de protéger et d'appuyer les individus vulnérables, en particulier les filles et les femmes, mais aussi les garçons et les hommes.

[Traduction]

    Notre gouvernement a adopté une position ferme à l'égard de ces pratiques parce qu'elles ne sont pas acceptables. Il dirige aussi des efforts internationaux visant à les enrayer en tant que violations des droits fondamentaux de la personne.
    D'après l'ONG Girls Not Brides, quelque 15 millions de filles sont mariées avant l'âge de 18 ans dans des dizaines de pays de différentes cultures et religions. En fait, des centaines de millions d'hommes et de femmes, un peu partout dans le monde, connaissent aujourd'hui les conséquences du mariage forcé, après avoir été confrontés à ces circonstances sans aucune protection. Privées de leur enfance et de leur droit à la santé, à l'éducation et à la sécurité, ces personnes sont souvent victimes d'une violence permanente allant jusqu'à l'agression sexuelle. Dans le dernier discours du Trône, nous avons reconnu que des millions de femmes et de filles dans le monde entier continuent d'être brutalisées par des pratiques violentes, comprenant la pratique inhumaine du mariage précoce et forcé. Notre gouvernement s'est engagé à empêcher le recours aux pratiques culturelles barbares en sol canadien.

[Français]

    Le projet de loi S-7 remplit l'engagement que le gouvernement a pris dans le discours du Trône. Il envoie un message clair à tous ceux qui arrivent au Canada ainsi qu'à ceux qui y vivent déjà, à savoir que ces pratiques sont incompatibles avec les valeurs canadiennes et qu'elles ne seront pas tolérées ici.

[Traduction]

    Les modifications contenues dans le projet de loi S-7 renforceraient les dispositions de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, de la Loi sur le mariage civil et du Code criminel de façon à prévoir des protections additionnelles. Ces modifications permettraient d'améliorer la protection et le soutien des personnes vulnérables, en particulier les femmes et les filles, de plusieurs façons différentes.
    Premièrement, elles frapperaient d'interdiction de territoire les résidents permanents et temporaires qui pratiquent la polygamie au Canada.
    Deuxièmement, elles renforceraient les lois canadiennes sur le mariage en établissant à 16 ans, à l'échelle du Canada, l'âge minimum pour le mariage, en codifiant les dispositions existantes relatives au consentement libre et éclairé au mariage et en imposant de mettre fin à un mariage existant avant d'en contracter un nouveau. Elles criminaliseraient certains actes liés à des cérémonies de mariage précoce ou forcé, y compris le fait de faire passer un enfant à l'étranger pour lui imposer de telles cérémonies. Elles protégeraient les victimes potentielles de mariages précoces ou forcés, grâce à la création d'un engagement préventif à ne pas troubler l'ordre public, qui serait imposé par un tribunal dans les cas où il y a des motifs de craindre qu'une personne puisse commettre une infraction à cet égard. Elles invalideraient enfin la défense de provocation dans le cas des crimes « d'honneur » et dans de nombreux cas d'homicide sur la personne d'un conjoint.
    Permettez-moi de vous donner quelques précisions.
    Monsieur le président, la polygamie est contraire aux valeurs canadiennes et à notre compréhension du mariage. C'est pourquoi elle est illégale au Canada depuis 1890. Bien qu'il soit interdit par la loi canadienne de pratiquer la polygamie ou de contracter une union polygame, cela n'est pas le cas dans tous les pays du monde. Pour accroître notre capacité à prévenir la polygamie en sol canadien et pour veiller à ce que le système d'immigration ne facilite cette pratique d'aucune manière, le projet de loi S-7 créerait dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés un nouveau motif d'interdiction de territoire lié à la pratique de la polygamie. Il faut noter que les motifs d'interdiction de territoire codifiés dans la loi sont assez limités. Ils sont cependant importants pour notre système d'immigration. Jusqu'ici, ces motifs étaient liés à des considérations de sécurité nationale, à des menaces à la sécurité nationale, à la criminalité, à des condamnations prononcées à l'étranger ainsi qu'à des cas extrêmes de mauvaise santé où l'état de la personne en cause ne lui permettrait tout simplement pas de supporter les conditions de vie dans notre pays.
    La polygamie serait ajoutée à ce nombre très limité de motifs d'interdiction de territoire. Ainsi, les agents d'immigration disposeraient des outils nécessaires pour déclarer interdits de territoire les résidents temporaires et permanents qui pratiquent la polygamie. La nouvelle interdiction de territoire signifie que les personnes qui cherchent à entrer dans le pays sur une base temporaire et qui pratiquent la polygamie à l'étranger seraient uniquement autorisées à entrer seules.
(0850)
    La nouvelle règle signifie également que les résidents permanents qui pratiquent la polygamie au Canada pourront être renvoyés pour ce seul motif. Autrement dit, si quelqu'un présente une demande d'immigration et obtient la résidence permanente sans avoir informé les autorités du fait qu'il est polygame, il serait renvoyé. Il ne serait plus nécessaire d'obtenir une déclaration de culpabilité ou d'établir l'existence de fausses déclarations pour pouvoir entamer les procédures d'expulsion.
    Monsieur le président, le projet de loi S-7 modifierait également la Loi sur le mariage civil afin de s'attaquer au problème des mariages précoces et forcés. Je crois que c'est la partie du projet de loi qui s'appliquera le plus au Canada compte tenu de l'étendue du phénomène en cause.
    Au Canada, il n'existe pas d'âge minimum fixé à l'échelle nationale pour le mariage. Des dispositions législatives fédérales particulières, qui ne s'appliquent qu'au Québec, fixent l'âge minimum à 16 ans. Dans d'autres régions du Canada, c'est la common law qui s'applique. Il y a un certain flou juridique quant à l'âge minimal fixé par la common law, qui est parfois interprétée comme établissant l'âge minimal du mariage à 12 ans pour les filles et à 14 ans pour les garçons, bien qu'il y ait eu, dans le passé, des cas de mariage à 7 ans. Le fait d'établir, à l'échelle nationale, un âge minimum de 16 ans pour le mariage enverrait un message clair selon lequel le mariage précoce est inacceptable et ne sera pas toléré au Canada.
    D'autres modifications proposées dans le projet de loi S-7 permettraient de codifier l'obligation pour les personnes qui se marient de donner un consentement libre et éclairé à ce mariage, et de dissoudre tout mariage précédent. Autrement dit, la législation actuelle n'établit pas d'une façon parfaitement claire qu'il est interdit de contracter une autre union avant la dissolution de la précédente.
    Faisant fond sur les modifications proposées de la Loi sur le mariage civil, le projet de loi S-7 modifieraient également le Code criminel pour empêcher les mariages précoces ou forcés.

[Français]

     En conformité avec les amendements proposés à la Loi sur le mariage civil, le projet de loi S-7 contient des mesures qui amenderaient le Code criminel pour prévenir les mariages forcés et précoces.

[Traduction]

    Ces mesures permettraient de criminaliser la célébration d'un mariage forcé ou la participation à l'organisation d'un tel mariage: commettrait donc une infraction quiconque présiderait délibérément à un mariage précoce ou forcé, quiconque participerait délibérément à une cérémonie de mariage dans laquelle l'une des parties se marie contre son gré ou est âgée de moins de 16 ans, et quiconque ferait sortir un mineur du Canada aux fins de la célébration d'un mariage précoce ou forcé.
    D'autres modifications proposées créeraient un nouvel engagement à maintenir l'ordre public qui donnerait aux tribunaux le pouvoir d'imposer des conditions à une personne s'il existe des motifs raisonnables de craindre qu'un mariage forcé ou un mariage de personnes de moins de 16 ans pourrait autrement avoir lieu.
    Pourquoi cela est-il important, monsieur le président? C'est parce que dans les cas où les membres d'une famille sont touchés par un mariage précoce ou forcé, nous savons d'expérience que ses membres ne sont pas toujours disposés à porter des accusations au criminel. Un engagement leur permettrait de faire imposer par voie judiciaire des restrictions sur des membres de leur famille sans avoir à subir l'expérience difficile consistant à porter des accusations contre un proche. Un tel engagement pourrait être utilisé pour empêcher un mariage précoce ou forcé, en exigeant par exemple la remise d'un passeport aux autorités ou en empêchant la sortie d'un enfant du Canada. Il s'agit d'une option importante dans le cas d'une jeune fille qui, par exemple, veut empêcher les membres de sa famille de l'emmener à l'étranger pour un mariage forcé, mais qui ne souhaite pas porter d'accusations contre ses proches.
    Monsieur le président, certaines mesures du projet de loi modifieraient également le Code criminel de façon à s'attaquer aux meurtres dits « d'honneur ». La violence prétendument motivée par l'honneur s'exerce généralement contre des membres de la famille, le plus souvent des femmes et des filles, que l'on juge avoir apporté la honte ou le déshonneur sur la famille. Les crimes d'honneur sont habituellement prémédités et sont souvent commis avec l'approbation et parfois même la participation de membres de la famille ou de la communauté. Toutefois, il est allégué dans certains cas que ces crimes constituent des réactions spontanées à un comportement de la victime qui est perçu comme étant irrespectueux, insultant ou néfaste pour la réputation de la famille.
    En vertu du Code criminel, toute personne accusée et reconnue coupable de meurtre peut invoquer la défense de provocation afin d'obtenir que l'accusation soit réduite à l'infraction moins grave d'homicide involontaire. Autrement dit, l'accusé peut affirmer que le comportement de la victime l'a provoqué, entraînant un accès de colère qui l'a amené à commettre le meurtre. Effectivement, le manque de respect et le défi de l'autorité pourraient mener à une défense de provocation dans un cas de meurtre, ce qui pourrait donner lieu à une peine moindre.
    Une condamnation pour homicide involontaire plutôt que pour meurtre entraîne une stigmatisation considérablement moindre et — ce qui est plus important — permet au juge d'user de vastes pouvoirs discrétionnaires dans la détermination de la sentence. L'homicide involontaire est passible de la prison à perpétuité, mais n'est assujetti à aucune peine minimale, à moins d'avoir été commis au moyen d'une arme à feu, alors que pour un meurtre, la sentence est obligatoirement une condamnation à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle avant au moins 10 ans. Bien sûr, nous aurions renforcé les peines dans certains cas en vertu du projet de loi sur les peines de prison à vie purgées en entier dont le Parlement est actuellement saisi.
    Cette défense a été invoquée dans plusieurs cas de crimes dits d'honneur au Canada. Des individus accusés de meurtre ont affirmé qu'une infidélité conjugale, un manque de respect, une attitude de défi ou un comportement insultant à leur endroit de la part du conjoint ou d'une personne proche les avait suffisamment provoqués pour qu'ils tuent. En tant que société, nous devons envoyer un signal clair indiquant que les raisonnements et les actes de ce genre sont inacceptables et entraînent de sévères sanctions.
(0855)
    L'adoption du projet de loi S-7 transmettrait un message fort aux résidents du Canada et à ceux qui souhaitent venir dans notre pays leur indiquant que nous ne tolérerons pas des pratiques culturelles qui privent des êtres de leurs droits humains ou qui engendrent la violence.
    Si le comité souhaite avoir plus de détails sur un aspect quelconque du projet de loi, je serai heureux de les donner et de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie de votre exposé, monsieur le ministre.
    Les membres du comité auront certainement des questions à vous poser.
    Monsieur Eglinski.
    Je voudrais remercier tous les témoins présents au comité, et particulièrement M. Alexander.
    Je crois que ce projet de loi constitue un message clair indiquant aux gens qui souhaitent venir chez nous que les pratiques culturelles violentes sont inacceptables au Canada. Il y a cependant des critiques de l'opposition, représentant surtout le sud de la Colombie-Britannique, qui affirment que ces mesures sont inutiles et ne sont qu'une perte de temps.
    Monsieur Alexander, est-ce que vous-même ou des membres de votre ministère avez tenu des consultations sur le projet de loi? Qu'avez-vous entendu dire à cet égard?
    Beaucoup d'entre nous, autour de cette table, ont participé à des consultations dans toutes les grandes zones urbaines du Canada et ailleurs pendant l'élaboration du projet de loi. Je tiens à reconnaître particulièrement le travail de mon secrétaire parlementaire, Costas Menegakis.
    Le même point de vue a été exprimé partout dans le pays. Cela se produit au Canada, pas vraiment sur une grande échelle, mais en nombres assez importants qui n'ont cependant pas été pleinement documentés. Les rares études dont nous disposons, réalisées par des organisations d'aide à l'établissement et des chercheurs universitaires, nous donnent des raisons de croire que des centaines, voire des milliers de ces cas se produisent en l'espace de quelques années. Pour moi, un seul cas, c'est déjà trop.
    Nous avons découvert que les femmes et les filles surtout, mais aussi les défenseurs des droits qui cherchent à protéger les Canadiens contre toutes les formes de violence, souhaitent très fort que des mesures de ce genre soient adoptées. Ces gens ont mis le doigt sur des lacunes flagrantes du système de justice pénale qui ont empêché jusqu'ici les organismes d'application de la loi et les procureurs de prendre les mesures que nous jugeons nécessaires.
    Quant aux pratiques culturelles en cause, elles sont défendues dans des familles, des foyers et des communautés au nom des traditions, du caractère sacré de la famille et de la culture. Mais ces défenses ne marcheront plus.
    Nulle culture fondée sur la violence, nulle culture qui justifie la violence au Canada ne sera jugée acceptable pour les Canadiens. Ce sont les raisons pour lesquelles nous nous attaquons à ces pratiques dans le projet de loi.
    J'ai noté que vous avez mentionné la provocation à la fin de votre discours. Certains, dans l'opposition, voudraient qu'on maintienne cette défense. À titre d'ancien agent de police, j'ai toujours pensé au critère de la préméditation: l'accusé a-t-il préparé son meurtre ou bien a-t-il commis un acte dans des circonstances particulières?
    J'ai toujours considéré que les cas de provocation comportaient un élément de préméditation. Il s'agit de toute évidence d'un acte qu'on a préparé d'une manière très stratégique.
    Pouvez-vous nous donner des détails sur les cas que vous connaissez ou que connaît votre ministère?
    Comme agent de police expérimenté, vous possédez des éléments essentiels qui vous permettent de bien comprendre les choses. Vous avez parfaitement raison de dire que la défense de provocation est absurde dans de nombreux cas que nous avons vus où un homme tue sa femme. Je suis persuadé que la plupart des Canadiens trouvent répugnant un tel acte.
    Le projet de loi dit essentiellement que, si le prévenu est accusé de meurtre, aucune défense fondée sur ce que la victime a dit ne sera acceptée. Les propos de la victime ne seront jamais considérés comme une base de défense. La défense fondée sur la provocation demeurera, mais ne pourra être invoquée que si la victime a commis un acte criminel passible d'une peine d'emprisonnement de cinq ans ou plus. De plus, il doit s'agir d'un acte qui soit violent en soi.
    Bien sûr, en l'absence de témoins, il sera difficile de prouver ces choses. Nous laissons cela au système judiciaire. L'idée que quelqu'un puisse justifier un meurtre en disant que la victime a dit telle ou telle chose est absolument absurde. Le projet de loi mettra fin à ce genre de prétexte.
    L'affaire Shafia qui s'est terminée à Kingston, en Ontario, mais qui s'est déroulée dans plusieurs collectivités constitue l'exemple le plus connu. Elle mettait en cause la polygamie, le mariage forcé et le meurtre. Des condamnations ont été prononcées dans cette affaire. Est-ce que l'accusé, le meurtrier, estimait que l'honneur de la famille était en jeu? Oui. La défense fondée sur la provocation a-t-elle été utilisée ou a-t-elle réussi? Non. Il est cependant important pour nous de veiller à ce que cette défense ne soit jamais invoquée dans un cas de ce genre.
    Plus près de chez moi, il y a eu le meurtre de Mme Fazli à Ajax. L'affaire est encore en cours. Dans ce cas, un conjoint parrainé récemment arrivé d'Afghanistan est accusé d'avoir assassiné son parrain. C'est le seul suspect dans l'affaire.
    Voilà le genre de cas qui nous montrent qu'un seul cas de violence prenant la forme ultime du meurtre, c'est beaucoup trop. Nous devons protéger les femmes et les filles d'une façon générale dans notre système d'immigration et dans notre système de justice pénale. Nous devons les protéger encore plus que nous ne le faisons actuellement en vertu du régime relativement fort que nous avons déjà au Canada.
(0900)
    Je vous remercie.
    Très bien.
    Madame Blanchette-Lamothe.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
     Je remercie également les témoins d'être ici parmi nous aujourd'hui.
    J'aimerais revenir brièvement sur les commentaires de mon collègue, M. Eglinski. Il a dit que l'opposition trouvait qu'il s'agissait d'une perte de temps et que c'était inutile. Le NPD est convaincu que la violence contre les femmes et contre les enfants existe au Canada. Un cas de violence est un cas de trop. Il y a beaucoup de travail à faire à cet égard.
    Là où nos opinions divergent sans doute, c'est au sujet du projet de loi S-7 lui-même. Je ne suis pas certaine que le projet de loi S-7 constitue vraiment la réponse la plus appropriée à cet égard. D'ailleurs, j'aimerais poser des questions au ministre à ce sujet.
    Combien d'articles de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés le projet de loi S-7 modifie-t-il exactement?
    Le projet de loi S-7 modifie les articles de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés qui portent sur l'admissibilité. Il ajoute le principe d'inadmissibilité pour ceux et celles qui pratiquent la polygamie.
     Les modifications concernent également la Loi sur le mariage civil et le Code criminel.
    Plus exactement, le projet de loi S-7 ajoute deux paragraphes à un article de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. La plupart des modifications proposées par le projet de loi S-7 sont en fait des modifications apportées au Code criminel. Si je ne me trompe pas, on propose de modifier sept ou huit articles du Code criminel. Pourtant, à la Chambre, vous vous êtes levé le premier pour parler du projet de loi S-7 et le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration étudie le projet de loi S-7.
    Pourquoi l'étudier dans un cadre relatif à l'immigration plutôt que de l'étudier dans un cadre relatif au Code criminel? Pourquoi l'étude du projet de loi n'est-elle pas faite par le ministre de la Justice, par le Comité permanent de la sécurité publique et nationale ou par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne? La vaste majorité du projet de loi concerne le Code criminel.
     C'est une excellente question.
     En effet, c'est un véritable travail d'équipe. Ici, autour de la table, on retrouve des représentants de plusieurs ministères. C'est le fruit du travail conjoint de quatre ministres, sinon cinq, soit le ministre de la Justice, la ministre de la Santé, la ministre de la Condition féminine, le ministre des Affaires étrangères — à cause de la dimension internationale touchant surtout le mariage forcé et précoce — et moi-même, à titre de ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.
     Il fallait choisir entre tous les comités dont nous relevons. Je pense que l'application des dispositions sur le mariage forcé et précoce risque d'avoir l'impact potentiel le plus large au Canada.
     Pourquoi cela touche-t-il l'immigration alors que les changements sont apportés à la Loi sur le mariage civil et au Code criminel? C'est parce que le mariage forcé et précoce est une chose courante dans un très grand nombre de pays.
(0905)
    Et cela inclut le Canada.
    En effet, mais le taux de mariages forcés dans d'autres pays est de beaucoup supérieur à celui du Canada. La population canadienne est de 35 millions de personnes et il y a 7 milliards de personnes qui vivent ailleurs dans le monde. Il faut surveiller cette question dans nos programmes d'immigration pour faire en sorte que les gens ne s'imaginent pas que, en arrivant au Canada, ces pratiques sont permises. Il s'agit aussi d'éviter que les personnes, surtout les filles, soient expatriées pour subir un mariage forcé dans un autre pays.
    Je vous remercie. Je comprends bien ce que vous dites.
    Vous avez d'ailleurs répété que les questions les plus importantes au sujet de ce projet de loi concernaient le mariage forcé et précoce. Or plusieurs personnes qui ont témoigné devant le comité du Sénat se sont plaintes du fait que ce projet de loi — ou même l'approche générale de celui-ci — avait des connotations carrément racistes et discriminatoires. On peut le voir dans le titre, mais je pense qu'on le voit aussi du fait que c'est vous, et non le ministre de la Justice, qui vous faites le porte-parole de ce projet de loi.
     Bien sûr, les mariages forcés sont beaucoup plus nombreux dans d'autres pays qu'au Canada, mais nous ne voulons pas régler le problème des mariages forcés dans d'autres pays. Nous nous intéressons aux situations qui se produisent au Canada. Peu importe le lieu d'origine et le bagage culturel de ces gens, s'ils usent de violence contre les femmes, notamment au moyen de mariages forcés, ce qui compte, c'est le crime qu'ils commettent ainsi que la réaction provoquée par ce dernier.
    À ce sujet, Mme Yao-Yao Go, qui est directrice clinique de la Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic, a dit ce qui suit dans le cadre de sa comparution devant le comité du Sénat:
[...] comme l'indique même le titre qu'il porte et les diverses modifications d'ordre législatives qu'il cherche à instaurer, le projet de loi S-7 repose sur des stéréotypes racistes et il alimente la xénophobie à l'égard de certaines collectivités radicalisées.
     Par ailleurs, à la Chambre des communes, vous avez cité Mme Miville-Deschênes en disant qu'elle soutenait certains aspects de votre projet de loi. Toutefois, si vous accordez vraiment de l'importance et de la crédibilité à son témoignage, vous conviendrez qu'elle a aussi critiqué le titre que porte ce projet de loi. À ce sujet, elle a dit ce qui suit:
Le titre doit donc essentiellement être modifié, parce qu'il peut, de notre point de vue, amener ou encourager la xénophobie.
    Elle dit ceci un peu plus loin:
[...] pour faire de la prévention, il faut que les communautés soient avec nous et non contre nous, d'où la nécessité absolue de modifier le titre de cette loi.
    On parle ici de l'approche générale du projet de loi, qui passe aussi par le titre. Je ne veux pas que vous arrêtiez de parler du projet de loi S-7. Il est à l'étude en ce moment au Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Par contre, on peut s'assurer de ne pas faire du mariage forcé un enjeu « racialisé » et de le traiter plutôt comme un crime, un acte de violence contre les femmes, un point c'est tout.
    Compte tenu du fait que tous ces témoins ont critiqué le titre du projet de loi, croyez-vous qu'il serait pertinent de le modifier?
    Non, parce que le fait de s'attaquer à la violence n'est en aucune façon une « racialisation ». On ne sème pas la violence ou le crime. On s'y attaque. Ces crimes ne se concentrent pas dans une culture ou une partie du monde.
    Mais pourquoi ne changerait-on pas le titre?
    C'est parce que nous trouvons que la violence est quelque chose de barbare. Nous constatons que des gens, de toutes sortes d'origine et de toutes sortes de religion, la justifient parfois au nom de la culture, de la tradition ou de la famille. Des études qui ont été faites jusqu'à maintenant le démontrent. Pour notre part, nous voulons dire que la défense de la violence au nom de la culture n'est pas acceptable. Cette culture de la violence n'est pas acceptable.
    C'est donc dire que vous n'écoutez pas les témoins.
(0910)

[Traduction]

    C'est terminé. Je regrette, mais le temps de parole est largement dépassé.
    Monsieur McCallum.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie le ministre et ses collaborateurs de leur présence au comité.
    Nous appuyons le contenu du projet de loi, mais, comme on l'a dit, nous proposons de supprimer l'adjectif « culturelles » dans le titre abrégé. À notre avis, la culture n'a rien à voir avec cela parce que ces actes transcendent les cultures. Vous avez une définition différente du mot.
    Mon principal argument, c'est qu'indépendamment de nos divergences sémantiques, plusieurs communautés, et particulièrement la communauté musulmane, considèrent que l'adjectif « culturelles » est injurieux pour elles. Quel que soit le bien-fondé du débat sur le sens des mots, je vous demande de repenser cette affaire et d'envisager de supprimer le mot « culturelles », ce qui ne changerait rien au contenu du projet de loi, mais signalerait à la communauté musulmane et peut-être à d'autres communautés que le gouvernement n'essaie pas de s'en prendre à elles. Je suis persuadé que vous ne sacrifieriez rien sur le plan du contenu et que vous transmettriez un message positif.
    J'ai une seconde question que je préfère poser tout de suite de crainte de ne pas avoir le temps de le faire plus tard. Il s'agit de la provocation.
    Si nous acceptons le point de vue du gouvernement selon lequel l'existence de cette défense signifie que nous tolérons le crime, nous devrons examiner les répercussions possibles de cette modification. Le problème qu'elle pose, c'est que si elle est adoptée, un certain nombre d'infractions criminelles précises s'inscriront dans la définition, y compris le vol et le méfait puisque la peine maximale de cinq ans constitue le critère. Je me demande si le gouvernement est prêt à envisager d'autres options qui limiteraient la définition aux seuls actes violents.
    Bref, mes deux questions concernent, d'une part, l'utilisation et, je l'espère, la suppression du mot « culturelles » dans le titre abrégé et, de l'autre, un amendement possible au chapitre de la provocation.
    Monsieur le président, je suis heureux que ces questions soient posées, mais c'est avec confiance que j'y réponds. D'après l'ONG Girls Not Brides, il y a aujourd'hui dans le monde 720 millions de filles et de femmes qui ont été mariées ou qui ont accepté une union avant leur 18e anniversaire. Cela représente 10 % de la population mondiale.
    Pourquoi les gens veulent-ils immigrer au Canada? Pourquoi les femmes et les filles considèrent-elles que la vie au Canada est préférable à la vie presque n'importe où ailleurs? Pourquoi respectent-elles notre système de justice? C'est parce qu'elles s'attendent raisonnablement à ce que le mariage forcé ou précoce ne leur sera pas imposé ici. Pourtant, cela se produit encore, comme nous l'ont appris plusieurs organismes d'aide à l'établissement ainsi que quelques études d'universitaires. Par conséquent, nous devons assurer une protection contre les pratiques qui sont défendues au nom de la culture non par tous les Canadiens, non par la plupart des Canadiens, mais par de petits groupes de Canadiens. C'est exactement ce que fait le projet de loi. Sur une base très limitée, il y a au Canada une culture de défense du mariage forcé que nous devons éliminer. C'est ce que nous espérons faire grâce à ce projet de loi.
    Je suis persuadé que le Parti libéral finira par accepter le nouveau titre. Il y a quelques années, son chef s'était opposé à l'emploi du mot « barbare ». Aujourd'hui, les libéraux l'acceptent. Avec un peu plus de temps, et s'habitueront sans doute au mot « culturelles ». Apparemment, le Parti libéral du Canada a besoin d'un certain temps pour se faire à certaines idées.
    Quant à la défense fondée sur la provocation, nous sommes persuadés du bien-fondé de la modification proposée. Nous disons que seule une très grave violence de la part de la victime peut constituer une provocation admissible devant un tribunal. Les actes criminels passibles de cinq ans d'emprisonnement ou plus sont des actes violents. N'ai-je pas raison?
    Non, pas nécessairement.
    Quelles seraient les infractions non violentes?
    Les infractions contre les biens d'une valeur supérieure à 5 000 $…
(0915)
    Oui, exactement.
    … sont également passibles d'un maximum de 10 ans, de même que l'extorsion, quoique cette infraction implique en général un comportement menaçant. Il y a quelques infractions contre les biens pour lesquelles il resterait possible d'invoquer la provocation.
    C'est exactement l'argument que j'avançais.
    Je vous remercie.
    C'est une chose que nous pourrions examiner.
    Après réflexion et analyse, nous en sommes arrivés à la conclusion que cette défense est très peu susceptible d'être utilisée dans le cas d'infractions non violentes. En fait, aucun des cas que j'ai pu voir — et j'en ai examiné beaucoup — ne s'inscrivait dans cette catégorie. Dans la grande majorité des cas où la défense fondée sur la provocation a des chances quelconques d'être invoquée, ce qui n'arrive que très rarement, il s'agit d'infractions violentes.
    Merci, monsieur le ministre.
    Monsieur Aspin.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, je voudrais vous remercier, ainsi que vos collaborateurs, de votre présence au comité à l'occasion de l'étude d'un projet de loi de cette importance.
    Il faut noter que le projet de loi montre que notre gouvernement agit en faveur du renforcement de nos lois pour qu'aucune fille ou femme du Canada ne soit soumise à un mariage précoce ou forcé, à la polygamie, à la violence dite d'honneur ou à une autre forme quelconque de pratique culturelle nuisible.
    Monsieur le ministre, vous avez abordé la question de l'engagement à ne pas troubler l'ordre public. Pourriez-vous nous donner un peu plus de détails à ce sujet? Est-ce que cet engagement empêcherait les parents de voyager avec leurs enfants? Quel genre de preuves faut-il fournir pour imposer un tel engagement? Qui est habilité à s'adresser aux tribunaux dans ces cas?
    Je vous remercie de votre question.
    L'engagement à ne pas troubler l'ordre public est une mesure qui permettrait d'imposer des limites très réelles à une famille pour l'empêcher d'emmener un enfant ou une jeune fille à l'étranger en vue d'un mariage précoce ou forcé. Il permet essentiellement à un tribunal de fixer des limites au comportement de la famille en cause. Ces limites pourraient comprendre la suspension ou l'interdiction de l'accès à un titre de voyage, l'interdiction pure et simple de voyager ou encore un ordre imposant aux personnes en cause de se présenter devant le tribunal à intervalles réguliers pour qu'il puisse s'assurer que les promesses données sont tenues et que les appréhensions liées à un éventuel mariage précoce ou forcé ne se concrétisent pas.
    Autrement dit, il permet à un tribunal d'imposer des limites au comportement de la famille, notamment en matière de voyage, de façon à empêcher qu'un mariage précoce ou forcé n'ait lieu au Canada ou à l'étranger et cela, sans qu'il soit nécessaire que les membres de la famille s'accusent les uns les autres. C'est là que réside l'avantage.
    Nous savons tous — les agents de police en sont particulièrement conscients — que les membres d'une famille ne souhaitent pas ou ne peuvent pas porter des accusations les uns contre les autres. L'engagement à ne pas troubler l'ordre public est une autre solution dont les résultats sont avantageux pour empêcher un mariage précoce ou forcé.
    Très bien, monsieur. Quel genre de preuves faut-il produire pour obtenir un tel engagement?
    Je vais demander à mes collègues de vous donner un exemple.
    Dans les affaires criminelles, la preuve produite doit établir des faits hors de tout doute raisonnable. Or la demande d'un engagement à ne pas troubler l'ordre public se fonde sur la norme de preuve civile, qui est fondée sur la prépondérance des probabilités. Par conséquent, il faudrait établir qu'il est plus probable qu'improbable que le défendeur commette une infraction liée au mariage forcé. Sur cette base, la preuve que le procureur de la Couronne aurait à présenter au tribunal suffirait pour que le juge impose l'engagement.
    Merci beaucoup.
    Comme nous le savons, la polygamie est illégale au Canada depuis le XIXe siècle. Nous savons en même temps que, malheureusement, cette pratique barbare demeure une réalité au Canada.
    Monsieur le ministre, quelles répercussions le projet de loi aura-t-il sur les résidents permanents qui sont actuellement polygames?
    Tout d'abord, il est clair, compte tenu du fait que vous venez de mentionner, que la polygamie est depuis longtemps illégale au Canada, que ce phénomène se manifeste dans notre pays depuis un certain temps. Cela nous rappelle les événements de Bountiful, en Colombie-Britannique, et d'autres collectivités du pays. C'est la preuve absolue du fait que cette mesure n'a aucun aspect racial ou xénophobe. La polygamie est une pratique qu'on trouve au Canada, aussi bien parmi des gens qui sont nés dans le pays et qui y vivent depuis plusieurs générations que parmi des nouveaux venus.
    La polygamie est plus ou moins légale dans une soixantaine de pays du monde. On trouve des cas de polygamie parmi les chrétiens, les musulmans et les hindous. Quiconque, du côté de l'opposition, affirme que nous ciblons un groupe particulier au moyen de cette mesure se trompe du tout au tout. Toute communauté culturelle du Canada qui le prétendrait serait dans l'erreur. Nous savons, d'après nos consultations, que la plupart des communautés culturelles, et notamment les femmes, se félicitent autant de la protection contre la polygamie que de la protection contre le mariage précoce ou forcé. C'est la raison pour laquelle les membres de ces communautés sont venus au Canada.
     Que fera le projet de loi? Il dit essentiellement qu'au lieu de faire condamner une personne pour polygamie — nous savons qu'il y a eu neuf cas de ce genre en plus de 100 ans, même s'il y en a quelques-uns qui sont en cours aujourd'hui — ou d'établir qu'une personne a fait de fausses déclarations, ce qui impose un seuil très élevé en matière de preuve administrative dans notre système d'immigration, nous pourrons maintenant accepter la déclaration d'un agent d'immigration qui affirme qu'après examen de la preuve figurant au dossier, il est convaincu que le demandeur a pratiqué la polygamie. Cela en soi suffirait comme motif de renvoi, tout comme la découverte du fait qu'une personne, après avoir immigré au Canada, avait été condamnée pour meurtre dans son pays d'origine ou avait fait partie des génocidaires du Rwanda suffit comme motif de renvoi. Grâce au projet de loi, la polygamie constituera aussi un tel motif.
    En réponse à votre question concernant l'engagement à ne pas troubler l'ordre public, je voudrais ajouter que les tribunaux pourraient aussi prendre des ordonnances qui n'ont pas encore été mentionnées. Ainsi, ils pourraient ordonner à la famille de s'abstenir de faire des arrangements ou de conclure des ententes concernant le mariage. Ils pourraient en outre imposer la participation à un programme de counseling en violence familiale. Par conséquent, l'engagement comporte aussi quelques aspects préventifs.
(0920)
    Merci, monsieur Aspin.
    À vous, madame Mathyssen.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur le ministre.
    J'ai quelques questions à poser au sujet de toute cette affaire de polygamie. Il est très clair, dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, que les couples polygames sont interdits de territoire au Canada. Vous avez laissé entendre qu'ils réussissent quand même à entrer dans le pays. Je me demande dans quelle mesure cela se produit au Canada. D'après votre étude, combien de familles sont parvenues ainsi à se faire admettre?
    Nous n'avons évidemment pas de statistiques précises sur le nombre de personnes qui ont réussi à se faire admettre au Canada comme immigrants en dépit de leur polygamie ou à entrer dans le pays en compagnie de plusieurs épouses.
    Vous pouvez en parler à ceux qui travaillent dans le secteur, par exemple dans les organismes d'aide à l'établissement. Vous pouvez en parler à mes collègues. J'occupe mon poste depuis moins de deux ans, mais, ayant parcouru le pays, j'ai entendu parler de douzaines de cas avérés.
    Ces cas inquiètent non seulement ceux qui offrent des services aux gens qui se trouvent dans cette situation et aux victimes de la polygamie, mais aussi les communautés culturelles car ceux qui immigrent au Canada se conforment en très grande majorité aux règles, savent ce qui est illégal, s'abstiennent de pratiquer la polygamie et le mariage forcé et célèbrent les protections que nous avons dans notre pays. Lorsqu'ils constatent qu'un membre de leur communauté a réussi à faire entrer dans le pays deux ou trois femmes en faisant passer une pour son épouse, une autre pour sa soeur — comme on l'avait prétendu à l'époque — et une troisième pour une proche parrainée dans le cadre du programme des parents et des grands-parents, ils en sont scandalisés et seraient disposés à en témoigner officiellement s'ils pouvaient espérer que cela aurait des suites positives.
    Jusqu'ici, cet espoir n'existait pas. Une condamnation au criminel pour polygamie exige de satisfaire à des normes très élevées en matière de preuve. Comme les poursuites sont difficiles à entreprendre, il n'y en a pas eu récemment. Nous demandons en fait à ceux qui bénéficient du système d'immigration de nous aider à éliminer la polygamie. Grâce au projet de loi, ils seront en mesure de le faire.
(0925)
    Si des cas de polygamie sont découverts, est-ce que toutes les personnes en cause sont renvoyées du Canada?
    S'il est établi qu'un citoyen est polygame, nous ne pouvons évidemment pas le renvoyer puisque sa citoyenneté ne peut pas être révoquée. Il peut par contre faire l'objet de poursuites au criminel. Maintenant que des poursuites sont en cours à Bountiful et que la question retient beaucoup l'attention, il y aura davantage de poursuites et de condamnations touchant des Canadiens de naissance et des Canadiens naturalisés.
    Conformément aux changements proposés dans le projet de loi S-7, si un agent d'immigration découvre qu'un résident permanent vit en situation de polygamie, le résident sera interdit de territoire. Oui, il perdra son statut de résident permanent, sera invité à quitter le pays et sera expulsé s'il ne part pas, comme n'importe qui d'autre le serait s'il est interdit de territoire après avoir obtenu la résidence permanente.
    Ne craignez-vous pas les conséquences? D'après certains témoignages que nous avons entendus, il pourrait y avoir des effets pervers très négatifs. Par exemple, si une situation de polygamie est découverte, qu'arrive-t-il aux enfants nés au Canada? Que deviennent-ils dans ce cas?
    Nous avons un système d'immigration extrêmement généreux qui tient compte des circonstances familiales. Ces cas seraient examinés individuellement.
    Il y a des mécanismes de recours qui permettraient aux personnes en cause — femmes et enfants — de rester au Canada comme dans les cas de violence familiale. Nous avons fait beaucoup d'efforts pour nous assurer que les femmes victimes de violence puissent garder leur statut d'immigration au Canada même si le mari qui les a parrainées perd ce statut et doit quitter le pays. Il y a des dizaines de cas où des personnes ont eu recours à ces mécanismes ces dernières années, grâce aux changements apportés à cet égard par notre gouvernement.
    Je vous remercie.
    Monsieur Shory.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir présenté ces importantes mesures.
    Avant de poser mes questions, je tiens à noter que je représente une circonscription très diverse, Calgary-Nord-Est, qui compte en même temps des gens parmi les plus laborieux du pays. Je le sais.
    J'aimerais formuler une observation au sujet du titre du projet de loi. Quand j'entends dire qu'il est raciste… Tout d'abord, pas un seul de mes électeurs n'a trouvé le titre raciste. Pour ma part, je trouve barbares des pratiques telles que le mariage forcé et le mariage imposé à des enfants. Vous savez que je suis moi-même immigrant. Dans mon pays d'origine, les mariages d'enfants et, dans une certaine mesure, les mariages forcés étaient pratique courante. Quand j'ai choisi de vivre au Canada, je l'ai fait pour certaines raisons et notamment parce que je pensais que le système canadien était meilleur que ce que j'avais connu avant mon arrivée.
    J'ai une ou deux questions à vous poser. Quand vous avez envisagé de déposer ce projet de loi, quels renseignements aviez-vous sur la prévalence des mariages précoces et forcés au Canada? Le gouvernement offre-t-il des fonds aux organisations qui aident les victimes?
    Je vous remercie de votre question. Vous avez effectivement une circonscription très diverse qui constitue un exemple remarquable de la force de notre diversité et de notre système d'immigration.
    Comme dans le cas de la polygamie, nous n'avons évidemment pas des statistiques précises sur les mariages précoces et forcés. Ce sont des pratiques que les familles et les particuliers essaient de déguiser par tous les moyens. Toutefois, un organisme d'aide à l'établissement de Toronto, qui a déjà été mentionné aujourd'hui, a dénombré plus de 200 cas en Ontario dans une période de deux ans. Et ce n'est qu'un seul organisme.
    Depuis 2009, le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement a reçu de citoyens canadiens une centaine de demandes d'aide consulaire liées à des mariages forcés. Ce sont des gens qui ont pris la peine de demander de l'aide à un ministère fédéral.
    C'est un problème sérieux. Comme vous l'avez dit, il est très courant dans certaines régions du monde. J'attire l'attention de chacun sur le site Web et la documentation de l'ONG Girls Not Brides. Cet organisme est un important partenaire du Canada dans les efforts déployés à l'échelle mondiale pour lutter contre les mariages forcés. Sur le site Web de l'ONG, la carte montrant les mariages précoces par pays prouve qu'il s'agit d'un triste phénomène qui se manifeste dans tous les continents, mais, en chiffres absolus, les nombres les plus élevés se trouvent en Inde. Compte tenu de la population de ce pays, ce n'est peut-être pas très surprenant. Il faut dire cependant que l'Inde, comme d'autres pays, considère à juste titre ce phénomène comme un problème national parce qu'en très grande majorité, les femmes et les filles de l'Inde et d'ailleurs aimeraient vraiment beaucoup éviter ce sort.
(0930)
    Vous aurez remarqué, j'en suis sûr, que même en Inde, les gens sont beaucoup plus sensibilisés à ce problème et que de nombreux organismes s'en occupent. J'aimerais cependant que vous répondiez à ma question concernant le financement que le gouvernement offre aux organismes.
    D'accord. Je vous remercie.
    Je ne dispose pas de renseignements précis sur l'ensemble du financement offert par tous les ministères pour prévenir les mariages précoces et forcés, pour inciter les femmes et les filles à se faire entendre et à s'élever contre le phénomène de la violence familiale et de la violence contre les femmes et les filles. Disons simplement que, depuis que notre gouvernement est au pouvoir, le financement a considérablement augmenté.
    Par exemple, Condition féminine Canada a appuyé, de concert avec l'Agence de la santé publique du Canada, la Campagne du ruban blanc destinée à produire un dossier d'information incitant les hommes et les garçons à agir pour prévenir et réduire la violence contre les femmes. Il y a deux ans, Condition féminine Canada a lancé un nouveau site Web sur la violence faite aux femmes comprenant des sections sur la nature de la violence, les façons de la prévenir et les moyens d'obtenir de l'aide.
    Nous avons un certain nombre d'initiatives dotées de ressources suffisantes pour combattre la cyberintimidation. Je peux dire que le ministère de la Santé a fait encore plus. Le ministère de la Justice a évidemment un important programme lié aux changements que nous avons apportés au système de justice pénale pour appuyer les victimes. Tout cela se rattache aux problèmes de la violence contre les femmes et les filles, y compris les mariages précoces et forcés.
    Je vous remercie.
    Monsieur Leung.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais vous remercier, monsieur le ministre, de votre présence au comité.
    Le discours du Trône mentionne que le gouvernement a l'intention de renforcer la prévention de la violence contre les femmes et les enfants.
    J'aimerais mettre en évidence la distinction très nette qu'il convient de faire entre ce que nous appelons des pratiques culturelles barbares et les prétextes invoqués au nom de la liberté de religion. Vous voudrez peut-être nous donner des détails à ce sujet et nous faire part de vos réflexions sur la façon de faire la distinction entre ce que certains font sous prétexte de liberté religieuse et ce que nous appelons des pratiques culturelles barbares.
    Je crois que ce que nous cherchons à dire dans ce projet de loi, c'est que ces pratiques, qui font appel à la violence et constituent des crimes, ne peuvent être défendues sous aucun prétexte. On ne peut pas les défendre en prétendant qu'il s'agit de pratiques familiales. On ne peut pas les défendre en soutenant que « c'est ainsi que les choses se font traditionnellement dans ma communauté ». La communauté peut se trouver à Bountiful, en Colombie-Britannique, ailleurs au Canada ou à l'étranger. On ne peut pas défendre ces pratiques au nom de la culture, en disant: « Je ne vais pas respecter le Code criminel dans ce cas parce que ma culture m'en exempte. » On ne peut pas les défendre non plus au nom de la liberté de religion. La religion et la culture ne confèrent à personne le droit de commettre des crimes au Canada et de violer notre Code criminel.
    Tous les éminents dirigeants de nos communautés culturelles et religieuses comprennent que la primauté du droit constitue l'un des plus importants piliers de la qualité de vie dans notre pays. Nous la renforçons en nous attaquant aux pratiques barbares et aux pratiques violentes déguisées en pratiques culturellement ou même religieusement acceptables.
    Vous vous souvenez de quelques-unes des pratiques qui étaient tolérées au nom de la religion dans les derniers siècles, et même au XXe siècle, dans beaucoup de régions du monde. Ces pratiques étaient également barbares. Toutes les religions en ont eu. Nous sommes témoins des atrocités commises par le groupe État islamique au nom de l'Islam. Nous savons que ces actes n'ont rien à voir avec l'Islam. Nous savons qu'ils ne peuvent être justifiés par aucune religion. C'est simplement du terrorisme, une atroce criminalité qui ne devrait être tolérée nulle part.
    De tels actes, même dans les formes qu'ils revêtaient auparavant, ne seront certainement pas tolérés au Canada si nous adoptons ces mesures.
(0935)
    Il arrive très souvent chez moi, à Willowdale, où vivent des gens d'origines très diverses, que je pose la question: « Pourquoi êtes-vous venus au Canada? » La réponse, c'est que les gens viennent à cause de nos valeurs partagées fondées sur la liberté, l'égalité, la démocratie et le respect de la primauté du droit. Je crois que ces mesures en sont la preuve.
    Absolument. Mais il y a là un problème quasi universel auquel nous devons nous attaquer. Indépendamment des considérations de culture et de religion, les gens ont tendance, en cas de violence dans un groupe de personnes apparentées, à se dire: « Nous allons nous-mêmes régler le problème. Ce n'est pas un crime. C'est simplement un conflit que nous pouvons surmonter nous-mêmes. »
    Malheureusement, la violence contre les femmes et les filles — indépendamment des communautés d'immigrants et des phénomènes de polygamie et de mariage forcé — n'est encore que trop courante dans le pays. Le système de justice pénale doit encore régler beaucoup trop de cas d'agression sexuelle et de mariages précoces et forcés.
    Nous devons veiller à ce que les femmes et les filles soient suffisamment habilitées pour parler de leurs problèmes, pour ne pas être revictimisées, pour être protégées. Nous devons veiller à ce que les hommes, les garçons, les femmes et les filles se fassent entendre à ce sujet, obtiennent le soutien dont ils ont besoin dans la communauté. Nous devons veiller à ce qu'à l'avenir, le Canada soit de plus en plus réputé comme étant le pays du monde où la violence contre les femmes et les filles, y compris les pratiques barbares dont nous discutons aujourd'hui, a été éradiquée ou se situe au niveau le plus bas du monde.
    C'est notre but. Nous devons tous agir pour l'atteindre car chaque communauté connaît des cas de violence de ce genre qui demeurent impunis et ne font même pas l'objet d'une enquête, comme vous le savez bien, monsieur Eglinski. Il faut que chacun de nous s'en mêle.
    Merci, monsieur le ministre.
    Madame Blanchette-Lamothe.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    J'ai deux autres questions pour vous, monsieur le ministre.
    Tout d'abord, j'aimerais citer ce que vous avez dit à la Chambre des communes pendant les premières heures du débat au sujet du projet de loi S-7. Je cite vos propos:
[...] nous avons aussi élaboré ce projet de loi en fonction d'un rapport du comité fait au cours des années 2013 et 2014. Ce rapport portait sur la protection des femmes dans le cadre de nos programmes d'immigration [...]
    J'étais ici dès le début de cette étude. J'ai participé à la rédaction de ce rapport. Comme vous l'avez probablement constaté dans le rapport supplémentaire, la grande majorité des témoins — en fait, la presque totalité des témoins — se sont dits défavorables au statut de résidence permanente conditionnelle, en précisant que c'était un facteur important de vulnérabilité des femmes. Ils disaient qu'abolir un tel statut, ou au moins le changer, aiderait les femmes dans des situations de violence, comme par exemple dans des situations de mariage forcé.
    Si vous avez vraiment élaboré ce projet de loi en prenant en considération les témoignages au cours de cette étude et le rapport de ce comité, avez-vous l'intention d'apporter prochainement des modifications au statut de résidence permanente conditionnelle ou de l'abolir?
     La question n'a pas pour but de chercher à connaître votre opinion sur la résidence permanente conditionnelle. Avez-vous l'intention de l'abolir ou de la modifier prochainement?
(0940)
    On a déjà apporté des changements à cet aspect de notre système d'immigration.
    À quel moment l'avez-vous fait?
    On a fait en sorte que les femmes parrainées par des hommes et qui sont victimes de violence conjugale ou d'une autre forme de violence aient le droit de voir leur statut de résidence permanente protégé, et ce, même si le parrain est renvoyé.
    Comme je l'ai dit plus tôt pendant la réunion, nous sommes encouragés par le fait que dans des dizaines de cas — voire des centaines, car je sais qu'il y a plusieurs dizaines de cas —, des femmes ont bénéficié de cette mesure.
    Si on a besoin de...
    Avez-vous l'intention de la modifier à nouveau? Est-ce la seule modification que vous aurez apportée?
    Les témoignages ont été faits également après l'adoption de ces modifications. Les gens ont commenté ces modifications et ils veulent plus de changement.
    On les a renforcés depuis ce temps.
    À quel moment l'avez-vous fait?
    Le nombre de femmes qui ont recours à cette mesure est à la hausse. On fait énormément de choses pour protéger des femmes parrainées dans notre système d'immigration.
    Merci, monsieur le ministre, mais ma question ne porte pas sur les autres choses que vous faites.
    Si je comprends bien, vous n'apporterez pas d'autre modification, malgré les témoignages qui ont été faits.
    Oui, on en apportera, si cela peut avoir des effets bénéfiques.
     Ce n'est donc pas sur votre radar à l'heure actuelle.
    La protection des femmes est toujours sur notre radar.
    Ce n'est pas très convaincant. Malheureusement, je n'ai pas l'impression que vous avez entendu ces témoins. C'est bien, et à chacun ses priorités.
    J'ai une autre question pour vous. J'aimerais aborder...
    Votre priorité est de ne pas appuyer le projet de loi.
    Pardonnez-moi, monsieur le ministre
    Parlons de la délation. Un peu plus tôt, vous avez parlé de chiffres. Il est clair pour tout le monde que la délation est un problème. Il n'y a pas assez de gens qui sont au courant des mariages forcés ou de victimes dont les dénonciations ont la chance de franchir toutes les étapes des processus existants.
    Au Danemark, des mesures, comme celles contenues dans le projet de loi S-7 concernant les mariages forcés, ont été mises en place. Depuis la mise en place de ces mesures il y a environ six ans, la police n'a pas été en mesure d'accuser une seule personne et les tribunaux n'ont trouvé personne coupable. Beaucoup de témoins ont dit que les mesures contenues dans le projet de loi S-7 pourraient aggraver la situation et diminuer le nombre de délations.
    Qu'est-ce que vous leur répondez à ce sujet? Quels changements pourriez-vous suggérer au projet de loi S-7 pour répondre à ces craintes et vous assurer que les délations vont augmenter plutôt que de diminuer?
    Je pense que cela va augmenter le nombre de dénonciations et le taux de délation. En effet, il y a des façons de participer à des mariages forcés qui n'étaient pas criminalisées jusqu'à présent et qui le seront dorénavant.
    Vous pensez que cela va augmenter, mais qu'en pensent les gens sur le terrain? On a entendu quelqu'un du Royaume-Uni qui a vécu de tels changements et qui a parlé à des victimes. Il nous a dit que les victimes sont souvent des filles et des jeunes femmes qui veulent être protégées par les policiers, mais qui ne veulent pas poursuivre leurs parents ou leur famille étant donné qu'elles ne veulent pas qu'ils aillent en prison. Elles disent clairement que si après avoir parlé aux policiers ceux-ci déposent des accusations, elles les retireraient et refuseraient de coopérer.
    D'un côté, on a ce que vous pensez, mais de l'autre, on a ce que les intervenants entendent sur le terrain. Ces intervenants parlent à beaucoup plus de victimes que vous et moi réunis. Refuser d'entendre ces préoccupations est, selon moi, faire preuve de mauvaise foi. Si vous les avez entendues...

[Traduction]

    Excusez-moi, mais le temps de parole est écoulé. Je dois vous interrompre, à moins que vous ne puissiez répondre très rapidement.
    Monsieur le ministre, je voudrais vous remercier d'avoir pris le temps de venir au moment où le comité entreprenait l'étude de ce projet de loi. Nous avons beaucoup apprécié vos observations. Nous vous remercions de votre présence.
    Merci, monsieur le président.
    Nous allons maintenant suspendre la séance.
(0940)

(0945)
    La séance reprend.
    Pendant notre seconde heure, nous entendrons les représentants de deux ministères, Justice Canada et Citoyenneté et Immigration.
    Je voudrais souhaiter la bienvenue à Gillian Blackell, avocate-conseil à la Section de la famille, des enfants et des adolescents, à Joanne Klineberg, avocate-conseil à la Section de la politique en matière de droit pénal, et à Lisa Hitch, avocate-conseil à la Section de la famille, des enfants et des adolescents. Bonjour, mesdames.
    De Citoyenneté et Immigration, nous avons Maureen Tsai, directrice de la Direction générale de l'admissibilité, et Karen Clarke, directrice adjointe de la Direction générale de l'admissibilité. Paul Yurack, avocat-conseil, se joindra à nous sous peu.
    Nous avons déjà entendu le ministre. Je crois que mes collègues auront un certain nombre de questions techniques à poser.
    Monsieur Eglinski.
    Merci.
    Je vous remercie encore de votre présence au comité. Pendant les années où j'ai servi au sein de la GRC, j'ai passé beaucoup de temps dans des collectivités isolées. À l'époque, j'avais été surpris de constater, à l'occasion d'enquêtes, qu'il n'y avait pas d'âge minimum au Canada. J'avais découvert un certain nombre de cas où nous avions reçu des plaintes parce que des jeunes se mariaient à 14 ou 15 ans.
    Je vais revenir en arrière. Je crois qu'il s'agit surtout d'une pratique culturelle. Je parle de collectivités très éloignées et très isolées du Canada, où les gens n'avaient pas progressé au même rythme que nous. Ils sont très satisfaits de leur mode de vie et du fait qu'ils tirent leur subsistance de la terre. Leurs grands-parents et peut-être aussi leurs parents se mariaient probablement à 14 ou 15 ans et trouvaient cela acceptable. Aujourd'hui, par suite de l'accès qu'ont les jeunes aux ordinateurs et à Internet, nous avons sûrement besoin de dispositions législatives sur l'âge du mariage.
    J'aimerais demander à Joanne si elle peut nous expliquer la signification réelle des modifications apportées à la Loi sur le mariage civil dans le projet de loi S-7 et des exigences relatives à l'âge.
(0950)
    Je vais laisser ma collègue Lisa répondre à cette question particulière.
    Comme vous l'avez noté, il n'y a à l'heure actuelle aucune règle nationale régissant l'âge minimum du mariage. Pour beaucoup de gens, c'est un domaine très déroutant parce qu'ils supposent, comme vous l'avez dit, qu'il y a un âge minimum. Le Québec est la seule administration canadienne qui ait un âge minimum prévu par la loi. Il s'agit de mesures législatives fédérales. La Loi d'harmonisation no 1 du droit fédéral avec le droit civil fixe à 16 ans l'âge minimum du mariage.
    Dans les autres administrations du Canada, il y a de multiples âges de mariage. Les provinces prévoient que le consentement indépendant ne peut être donné qu'à l'âge de la majorité. Au-dessous de cet âge — par exemple, de 16 à 19 ans dans certaines administrations ou de 16 à 18 ans dans d'autres —, on peut se marier avec le consentement des parents. En l'absence de ce consentement, il est possible de recourir à une ordonnance judiciaire.
    Beaucoup d'administrations vont plus loin, fixant d'autres exigences en deçà de 16 ans, comme une ordonnance judiciaire ou, dans certaines administrations, une preuve de grossesse ou encore la preuve qu'une enfant est la mère d'un nouveau-né, avant que le mariage ne puisse avoir lieu.
    Il est un peu inquiétant de constater, si on pousse l'examen un peu plus loin, que la plupart des lois provinciales prévoient qu'en cas de mariage précoce, l'union ne peut pas être déclarée invalide si le mariage a été consommé ou s'il y a eu des relations sexuelles avant le mariage, ou encore si le couple a vécu en tant que mari et femme après le mariage. Même au-dessous de ces âges, un mariage ne peut pas être déclaré invalide. C'est parce qu'il appartient au gouvernement fédéral de prévoir un âge minimum absolu en deçà duquel aucun mariage ne serait valide. Comme la législation fédérale ne contient aucune disposition à cet égard, c'est la common law qui s'applique.
    La common law est extrêmement vieille dans ce domaine particulier. C'est la raison pour laquelle, comme le ministre l'a mentionné, il y a une certaine confusion. En général, on estime, conformément à la common law, que l'âge minimum est de 14 ans pour les garçons et de 12 ans pour les filles. On trouve dans la jurisprudence des cas où des mariages ont eu lieu à un âge moindre, mais, selon l'interprétation généralement acceptée, c'est 14 ans pour les garçons et 12 ans pour les filles.
    Je vous remercie.
    À votre connaissance, quel est l'âge le plus jeune où des mariages ont eu lieu au Canada? Vous parlez essentiellement de la common law, mais il y a certainement des cas réels qui vous viennent à l'esprit. Pouvez-vous nous en parler?
    Je vous remercie.
    Nous avons eu quelques discussions avec les provinces et les territoires à ce sujet. Ils ont consulté les registres d'état civil et ont cherché les âges de mariage inscrits au cours de la dernière dizaine d'années. Il y a certainement eu des mariages à moins de 16 ans, notamment de personnes ayant 15 ans. En Saskatchewan, deux mariages à l'âge de 14 ans ont été relevés. Il n'y en avait pas au-dessous de cet âge, mais 14 ans, c'est encore très jeune pour notre époque.
    J'ajouterai que l'âge minimum constitue une caractéristique qui accompagne l'enfant où qu'il aille. S'il vit ordinairement au Canada ou est citoyen canadien, l'âge minimum du mariage s'applique indépendamment de l'endroit du monde où le mariage a lieu.
    Il y a aussi des rapports anecdotiques selon lesquels des enfants canadiens ont été mariés à 12 ans dans le cas des filles et à 14 ans dans le cas des garçons, mais on n'a rien trouvé en deçà de ces âges prévus dans la common law dans les deux dernières décennies.
    Je vous remercie.
    En ce qui concerne ces mariages forcés, je crois qu'il y a une certaine confusion ici, comme vous l'avez dit, au sujet des personnes qui pourraient faire l'objet d'accusations. Le projet de loi dit que les personnes qui contractent un mariage forcé ou y sont mêlées peuvent être accusées. Certains pensent que même les invités à un tel mariage sont exposés. Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet pour que nous puissions savoir qui exactement est visé par ces dispositions?
(0955)
    Je peux répondre à cette question.
    Merci.
    Les actes mentionnés dans les nouvelles infractions — les verbes, si vous voulez — sont « célèbre », « aide » et « participe ». Célébrer, dans le contexte du mariage, s'applique aux formalités mêmes du mariage. Dans ce cadre particulier, en ce qui concerne une personne qui célèbre délibérément un mariage précoce ou forcé, on peut croire qu'il s'agit du responsable qui préside à la cérémonie elle-même. Ce serait donc une catégorie assez limitée de personnes.
    Les verbes « aider » et « participer » sont utilisés dans différents contextes dans le Code criminel. Ce ne serait donc pas la première fois que ces mots serviraient à décrire une conduite d'un certain genre. Par exemple, commet une infraction quiconque aide une personne à se suicider. La personne qui se suicide ne commet aucune infraction, mais celle qui l'aide en commet une.
     « Participer » est également utilisé pour les infractions liées au terrorisme et au crime organisé. Toute personne qui participe aux activités d'un groupe criminel organisé ou d'un groupe terroriste commet une infraction.
    Ce sont des principes bien établis du droit pénal. Une personne qui aide une autre à commettre une infraction peut être déclarée coupable de la même infraction.
    Merci, madame Klineberg.
    Mme Mathyssen a aussi quelques questions à poser.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Étant consciente de votre expertise, j'aimerais revenir à certaines des questions que j'ai posées au ministre afin d'avoir une meilleure idée de ce que le ministère fait. Le ministre a dit que le projet de loi est le résultat d'un intense travail d'équipe. J'aimerais savoir, compte tenu de cette affirmation et du fait que la polygamie, par exemple, est abordée dans la LIPR, dans quelle mesure vous avez trouvé des familles polygames au Canada. Le ministre a parlé de douzaines. Je me demande comment vous avez procédé pour le savoir et si vous disposez de chiffres concrets à cet égard.
    Je crois que le ministre a mentionné le fait que ces chiffres se fondent sur des données anecdotiques. Nous ne disposons pas d'études pouvant nous fournir le nombre de familles polygames, mais nous en avons une idée grâce à des consultations. Par exemple, le ministre a tenu des consultations pendant l'été. Il a organisé des tables rondes sur cette question à Montréal, Toronto et Vancouver et en a discuté avec les organismes intéressés qui travaillent avec les victimes des mariages précoces et forcés. La question de la polygamie a été soulevée en particulier et, une fois de plus, certains intervenants ont reconnu l'existence du problème sans être en mesure d'avancer des chiffres précis.
    Merci.
    Je voudrais revenir sur la question des effets pervers. Si un cas de polygamie est découvert et que des membres de la famille sont renvoyés, il y a des conséquences pour les enfants qui sont peut-être nés au Canada. Dans vos discussions, qu'avez-vous appris des organismes et des groupes intéressés au sujet des préjudices possibles que peut occasionner le renvoi de tous les membres de la famille ou de certains membres de la famille, si on permet à d'autres membres de rester?
    À ma connaissance, cette question particulière n'a pas été soulevée. C'est certainement un problème que les intervenants ont abordé au cours du processus législatif. Comme l'a indiqué notre ministre, le cadre de la LIPR établit des interdictions de territoire très précises, qui sont très claires. Toutefois, notre loi prévoit aussi des mécanismes de facilitation auxquels on peut avoir recours au cas par cas. Par exemple, nous pouvons tenir compte de considérations d'ordre humanitaire, sans compter que l'intérêt de l'enfant est intégré dans ces considérations elles-mêmes.
    Les situations en cause seraient évaluées sur une base individuelle. En général, les agents tiennent compte de l'avantage qu'il y a à permettre à quelqu'un de rester au Canada ainsi que des risques courus s'il demeure dans le pays.
(1000)
     D'accord. Vous parlez des dispositions existantes et non de celles qui figurent dans le projet de loi S-7.
    C'est exact.
    Cela signifie que les lois actuelles assurent déjà une protection.
    Certainement. Cela se situe dans le cadre élargi. Comme je l'ai dit, la polygamie constituerait un nouveau motif d'interdiction de territoire, mais les autres dispositions que nous avons déjà dans la loi peuvent être appliquées au cas par cas.
    Merci beaucoup.
    Le ministre a mentionné l'aide et le soutien à accorder à ceux qui sont lésés involontairement. Je m'interroge sur ce que les consultations des différents ministères ont permis de déterminer en ce qui concerne la fourniture de logements sûrs et abordables, la prestation de services de counseling et l'aide à apporter à des gens qui sont souvent très traumatisés pour leur permettre de se retrouver dans le système, particulièrement s'ils sont criminalisés. Y a-t-il eu des discussions? Dans quelle mesure le gouvernement envisage-t-il maintenant de fournir ces services?
    Je vous remercie de la question.
    Le ministère de la justice examine ces aspects depuis des années et a organisé sept tables rondes ou ateliers sectoriels avec des agents de police, des procureurs de la Couronne, des travailleurs des services d'aide aux victimes, des services de protection de l'enfance et des refuges ainsi qu'avec des universitaires pour discuter des lacunes, des défis et des pratiques prometteuses à mettre en oeuvre pour affronter cette vaste gamme de pratiques culturelles nuisibles, que les Nations Unies appellent parfois « pratiques coutumières ». Par suite de ces rencontres, nous avons aussi financé un certain nombre de projets.
    En 2013, nous avons envoyé une lettre d'intention traitant de projets destinés à réagir particulièrement aux mariages forcés, qui a donné lieu à un financement d'un demi-million de dollars sur trois ans pour quatre projets, y compris des travaux de sensibilisation, de formation et d'évaluation des risques confiés à l'organisme SALCO. Par conséquent, nous finançons quelques travaux des principaux fournisseurs de services dans le cadre de ce programme.
    Condition féminine Canada a également investi plus de 2,8 millions de dollars dans des projets communautaires sur le mariage précoce et forcé et sur la violence fondée sur l'honneur. Au niveau fédéral, nous ne pouvons pas financer directement certains de ces services, mais nous subventionnons des ONG et d'autres organisations communautaires qui les offrent. C'est une chose que nous faisons depuis quelques années et que nous continuerons à faire.
    Je vous remercie.
    Pouvez-vous nous parler des réalités concrètes? Vous avez évoqué des projets et des propositions. Y a-t-il quelque chose de concret? Par exemple, avons-nous de nouveaux logements ou bien des logements qui ont été aménagés à l'intention de ceux qui ont été involontairement lésés pour leur permettre de rester à un endroit sûr?
    Une réponse brève si possible, je vous prie. Le temps de parole est presque écoulé.
    Le logement n'est pas un domaine que notre ministère peut légalement financer. Nous avons un groupe de travail interministériel regroupant des représentants de 13 ministères et organismes fédéraux qui s'occupe des mariages précoces et forcés ainsi que de la violence connexe et des mutilations génitales imposées aux femmes. Nous avons des discussions régulières sur le financement et les moyens de trouver des sources de revenus par l'entremise du gouvernement fédéral. Nous avons eu des entretiens avec la Société canadienne d'hypothèques et de logement sur l'augmentation du financement des refuges. La plus grande partie de l'argent va directement aux provinces et aux territoires.
    Il est difficile, dans le système fédéral, de financer les services particuliers que vous avez mentionnés, mais nous avons des contacts directs avec les provinces et les territoires afin de les sensibiliser à l'importance de ces questions.
    Je regrette, nous devons poursuivre.
    À vous, monsieur McCallum.
    Je vous remercie.
    Je voudrais revenir sur le dernier point que j'avais évoqué au sujet de la peine d'emprisonnement de cinq ans, qui comprendrait, je crois, des crimes non violents comme le vol et le méfait. D'un point de vue juridique ou technique, y aurait-il un moyen de modifier la disposition en cause afin de la limiter aux actes violents? Je crois que c'était l'intention de ne pas inclure les infractions relativement mineures.
(1005)
    Il y a des moyens de rédiger beaucoup de choses.
    L'une des grandes difficultés, je crois, consiste à caractériser les infractions qu'on souhaite inclure dans une définition. On le fait soit en énumérant les infractions précises qui sont visées soit en donnant une description du genre « infraction faisant intervenir de la violence ».
    La difficulté, lorsqu'on se sert du mot « violence » est que le terme n'est pas utilisé dans les dispositions relatives aux infractions. Par exemple, l'infraction relative aux voies de fait est commise si une personne « d'une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement ». Par conséquent, même les voies de fait ne sont pas décrites, du point de vue de la justice pénale, en fonction de la violence.
    Il faudrait réfléchir très soigneusement à la façon de décrire les infractions que vous souhaitez inclure à l'exclusion des autres. Je crois qu'il y aurait des difficultés dans le cas de certaines infractions parce que les gens peuvent raisonnablement ne pas s'entendre sur la catégorie dans laquelle elles s'inscrivent.
    Une voix: Comme le harcèlement criminel…
    Me Joanne Klineberg: Le harcèlement criminel est un bon exemple d'infraction qui peut traumatiser et terrifier une personne sans application d'une force physique. La pornographie juvénile peut être considérée comme une infraction violente, mais peut tout aussi bien ne pas faire intervenir de violence. Bref, il peut être difficile de caractériser précisément les infractions.
    D'accord. Je vous remercie.
    Je vais passer à autre chose. À la Chambre, la ministre du Revenu national a dit que le ministre de la Justice travaille avec ses homologues provinciaux sur un cadre destiné à limiter le mariage des personnes âgées de 16 et 17 ans aux situations où l'union est approuvée par un tribunal. Je me demande si le gouvernement peut suspendre l'application des dispositions relatives aux mariages des personnes âgées de 16 et 17 ans jusqu'à ce qu'un gouvernement provincial mette en vigueur les règles que je viens de décrire.
    D'un point de vue constitutionnel, le Parlement fédéral n'a qualité pour se prononcer que sur l'âge minimum absolu en deçà duquel aucun mariage n'est permis. Par conséquent, il n'existe aucun moyen constitutionnel de faire ce que vous dites. Le gouvernement doit fixer l'âge soit à 16 soit à 18 ans. Dans les deux cas, aucun mariage ne serait permis au-dessous de cet âge. Il appartiendrait cependant aux provinces de déterminer ce qui se passe entre cet âge et celui de la majorité.
    Je vous remercie.
    Enfin, aux audiences que le Sénat a tenues sur le projet de loi S-7, les fonctionnaires ont mentionné une étude interne de la Justice sur la provocation. Je me demande s'il vous serait possible d'en envoyer un exemplaire au comité.
    Oui. Nous avions examiné les cas d'appel qui sont passés devant les tribunaux entre 1999 et 2014 et dans lesquels la défense de provocation avait été invoquée. Nous devrons en référer à nos superviseurs du ministère pour déterminer si nous pouvons transmettre cette étude. Si c'est possible, nous le ferons certainement.
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie.
    Monsieur Aspin.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais souhaiter encore une fois la bienvenue aux fonctionnaires. Je vous remercie de nous faire profiter de vos conseils sur cet important projet de loi.
    Je voudrais concentrer mes observations sur la pratique barbare du mariage forcé. J'ai quelques questions à poser, peut-être à Mme Tsai.
    Que savons-nous de la prévalence du mariage forcé et du mariage clandestin au Canada?
    Je vais répondre à la question, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
    M. Jay Aspin: Je vous en prie.
    Mme Gillian Blackell: Comme le ministre l'a mentionné, il y a certainement des aspects clandestins qui sont difficiles à cerner. Pour ce qui est des données concrètes, nous ne disposons pas à l'heure actuelle d'une catégorie distincte pour le mariage précoce ou forcé, de sorte que nous n'avons pas de statistiques fiables à cet égard. Toutefois, l'étude réalisée par la SALCO, ou South Asian Legal Clinic of Ontario, a permis de relever 219 cas en Ontario entre 2010 et 2012.
    Le ministère de la Justice examine aussi cette question depuis un certain nombre d'années et a financé deux études anecdotiques sur le mariage forcé au Canada afin de se faire une idée de l'ampleur du problème. La première avait été réalisée en 2008 par Naïma Bendriss, en collaboration avec l'organisme Droits et Démocratie. Fondée sur des entrevues avec des fournisseurs de services, elle visait à déterminer l'incidence du mariage forcé à Montréal et Toronto. L'étude a confirmé l'existence de ces mariages au Canada, de même que le fait que beaucoup de femmes ne connaissent pas leurs droits. De plus, elle a permis d'établir un lien entre le mariage forcé, la violence liée à l'honneur et la polygamie.
    La seconde étude avait été réalisée par Mme Zohra Husaini…
(1010)
    Très bien. J'ai quelques questions à poser dans une période de temps limitée.
    Est-ce que les familles organisent ordinairement ces mariages forcés à l'étranger?
    J'allais justement aborder cet aspect pour faire une mise en garde. Ces études ne font pas la distinction entre les mariages célébrés au Canada et à l'étranger. Il semble bien que beaucoup d'entre eux ont lieu à l'étranger. Par conséquent, oui, c'est une préoccupation.
    L'autre, bien sûr, c'est qu'il y a probablement aussi un certain nombre de mariages par téléphone et par procuration, dans lesquels l'une des parties resterait au Canada tandis que l'autre serait dans un autre pays.
    Merci beaucoup.
    Cela m'amène à ma question suivante. De quelle façon les modifications proposées empêcheront-elles des jeunes filles d'être emmenées à l'étranger pour un mariage forcé?
    Les modifications proposées du Code criminel concernant les infractions particulières liées aux mariages précoces et forcés permettraient d'étendre ces infractions au fait de faire passer un enfant à l'étranger dans le but d'y commettre une infraction criminelle. Ces dispositions s'appliquent actuellement à un certain nombre d'infractions sexuelles ainsi qu'à la mutilation des organes génitaux féminins. Nous pourrons maintenant étendre les dispositions au fait de faire passer un enfant à l'étranger en prévision d'un mariage précoce ou forcé.
    Cela permet de faire aussi le lien avec l'engagement spécial à maintenir l'ordre public, qui pourra être émis pour empêcher la célébration de ces mariages, pour empêcher les défendeurs de sortir un enfant du territoire d'une administration donnée, de voyager ou de prendre des dispositions en vue du mariage. Il y a donc des mesures particulières pour empêcher tout cela.
    Que pouvez-vous nous dire des crimes d'honneur? Disposez-vous de statistiques ou de preuve à cet égard?
    Comme dans le cas du mariage forcé, il n'y a pas de catégorie juridique spéciale pour les crimes d'honneur, de sorte que Statistique Canada ne produit pas de données permettant d'obtenir le pourcentage d'homicides attribuable à l'honneur.
    Toutefois, nous avons examiné les cas signalés et en avons relevé une douzaine qui paraissent liés à l'honneur. Ils ne mettent cependant pas tous en cause la défense de provocation. Il est évident que cette défense n'est pas toujours invoquée dans ces cas. Leur point commun, c'est que soit la défense soit l'accusation a mentionné l'honneur de la famille comme motif du crime.
    Compte tenu du projet de loi, des crimes d'honneur et des mariages forcés, est-ce que des données seront régulièrement recueillies à cet égard?
    Encore une fois, pour faire un suivi statistique des cas, il faut prévoir une catégorie particulière dans le Code criminel aux fins de la Déclaration uniforme de la criminalité. Il s'agit d'un système de repérage fondé sur les données de la police. Les données doivent s'inscrire dans une catégorie particulière. Ainsi, dès que nous aurons une infraction particulière portant sur le mariage forcé, nous serons en mesure d'avoir des statistiques.
    Je voudrais indiquer, parce que je ne l'ai pas mentionné dans mes notes, que depuis 1954, nous avons relevé au moins 20 cas de personnes condamnées pour meurtre au premier ou au deuxième degré au Canada et dont le dossier contient des indices reliant le crime à l'honneur de la famille.
(1015)
    Cela semble confirmer les renseignements dont je dispose, selon lesquels nous aurions eu près de 25 cas de violence criminelle liés à l'honneur de la famille depuis 1995, dont 21 se seraient produits au cours de la dernière décennie.
    Comme il n'y a pas de catégorie juridique particulière en ce moment et que « crime d'honneur » n'est pas considéré comme un terme juridique, tout dépend de la définition qu'on adopte et de la façon dont on examine la jurisprudence. Nous avons adopté une approche assez prudente en nous limitant aux cas où les termes « honneur de la famille » ou « honte » ont été directement mentionnés par l'accusation, par la défense ou encore dans les déclarations des victimes. Par souci de prudence, notre recherche a donc été assez étroite. Encore une fois, cela est très subjectif.
    Madame Blanchette-Lamothe.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, j'aimerais revenir sur quelque chose que Mme Tsai a dit un peu plus tôt.
     Madame Tsai, vous avez parlé des consultations qui ont eu lieu dans le cadre de l'élaboration du projet de loi S-7. Est-ce que n'importe qui assistant à ces consultations pouvait témoigner? Sinon, qui envoyait les invitations? Comment les gens pouvant participer à ces tables rondes ou à ces consultations étaient-ils sélectionnés?

[Traduction]

    Les consultations n'ont pas été ouvertes au public. Je crois que des invitations ont été envoyées aux organismes intéressés qui offraient des services liés aux mariages précoces ou forcés ainsi qu'à la polygamie.

[Français]

    Est-ce que tous ceux qui offraient de tels services ont été invités?
     J'ai vu la liste. Je crois qu'environ 20 représentants étaient invités lors de chaque réunion.
    Est-ce vous qui sélectionniez ces personnes?
    Je ne peux pas répondre à cette question.
    Il n'y a pas de problème. Je comprends cela.
    Les discussions dans le cadre de ces rencontres étaient-elles diffusées? Le contenu de ces discussions était-il accessible au public?
    Les discussions n'ont pas été diffusées. Je ne sais pas si nous avons maintenant l'autorisation de les diffuser.
    Merci beaucoup.
    Je sais que vous ne pouvez répondre que ce que vous permettent vos fonctions. Je veux simplement dire que ce comité a fait une étude où les témoins étaient sélectionnés par différents partis politiques et où le contenu était public. Même si plusieurs témoins ont recommandé d'abolir ou de modifier sérieusement la résidence permanente conditionnelle, cela n'a pas été pris en compte.
    Je me demande si le contenu de ces réunions a été sélectionné pour favoriser un programme politique ou s'il a été pris en considération dans son ensemble. Je sais ce n'est pas du tout à vous de faire des commentaires à cet égard. Je vous remercie de vos réponses.
    J'ai une autre question concernant ce qui a été fait dans d'autres pays. Je ne sais pas qui d'entre vous pourra me répondre.
     Les pratiques dans d'autres pays comme le Danemark ou le Royaume-Uni ont-elles été étudiées en vue de l'élaboration du projet de loi S-7?
    Je vous remercie de cette question.
    En ce qui concerne les mariages forcés, on a examiné les pratiques de plusieurs pays similaires au Canada. Comme vous le savez, au cours de la dernière décennie, au moins 10 pays européens ont créé des infractions relatives aux mariages forcés. La plupart d'entre eux prévoient des peines allant de deux à sept ans d'emprisonnement. On a examiné les pratiques au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Suède, en Australie, en France, en Suisse, en Allemagne, au Danemark, en Belgique, en Autriche et en Norvège. On a examiné ce que ces pratiques ont donné jusqu'à ce jour. Comme c'est quelque chose de récent dans plusieurs pays et on ne sait pas encore ce qui en a résulté.
    On a su qu'au Danemark, des accusations avaient été portées et qu'il y avait eu certaines arrestations. À ce moment-ci, on ne connaît pas la suite de ces arrestations. J'aimerais indiquer que le but des infractions pénales n'est pas seulement de pouvoir lancer des poursuites. Il faut vraiment savoir que le droit pénal a un rôle important à jouer sur le plan social. Il permet d'établir des limites quant aux comportements qui sont acceptables dans une société. Il faut indiquer où est la ligne qu'on ne peut pas dépasser.
    Cela a un effet dissuasif. Cela peut donner aux victimes le moyen de...
(1020)
    J'ai une question par rapport à cet aspect.
    Avez-vous des études démontrant que les peines minimales ont, par exemple, un effet dissuasif sur les actions?
    Ce projet de loi ne prévoit pas de peines minimales.
    Avez-vous des études démontrant que les peines, comme celles prévues dans le projet de loi S-7, ont un effet dissuasif et préventif?
    Vous parlez de peines maximales. L'important, c'est que les peines correspondent à la gravité des actes. Si on regarde...
    Mais ont-elles un effet dissuasif? Si vous avez des études à ce sujet, vous pourriez nous les faire parvenir.

[Traduction]

    Monsieur Shory.
    Merci, monsieur le président. Je remercie également nos témoins de leur présence.
    Je voudrais commencer par la disposition relative à la résidence permanente conditionnelle que l'opposition invoque tout le temps. On a l'impression que les députés d'opposition essaient de passer le message selon lequel les femmes maltraitées qui se trouvent dans cette situation sont trop craintives pour parler de leurs problèmes. Elles craindraient de perdre leur statut de résidentes permanentes si elles parlaient ouvertement du traitement qu'on leur fait subir.
    Bien sûr, c'est une question très délicate. Tous les partis et tous les députés s'entendent sur une chose: aucune violence familiale ne devrait être tolérée dans ces circonstances. Si j'ai bien compris, il y a maintenant des lignes directrices pour aider les agents à s'occuper des demandes de ce genre et à prévoir des exceptions fondées sur les abus ou la négligence. De plus, les agents peuvent traiter les renseignements délicats liés à ces situations. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
    Oui, bien sûr. Vous avez raison.
    Le ministère a élaboré des lignes directrices pour aider les agents à traiter les demandes d'exemption fondées sur les abus ou la négligence présentées par des résidents permanents conditionnels et à s'occuper aussi des renseignements délicats liés à ces cas. Cela permet essentiellement au conjoint maltraité de parler de son problème sans craindre de perdre son statut de résident permanent au Canada.
    Je vous remercie de ces précisions.
    Je voudrais aussi revenir à la Loi sur le mariage civil. Je crois que c'est vous qui répondrez à cette question. Je veux parler de la disposition relative au consentement libre et éclairé qui sera ajoutée à la loi. J'ai été surpris parce que je croyais que cette disposition était déjà là.
    Une fois cette disposition ajoutée à la Loi sur le mariage civil, de quelle façon la modification facilitera-t-elle la mise en vigueur de la loi? Quelles seraient les répercussions sur les personnes à qui on imposerait un mariage forcé?
    Je vous remercie de vos questions.
    Contrairement à d'autres pays, le Canada n'a pas une seule loi codifiant tous les aspects fédéraux du mariage parce que notre Constitution répartit la responsabilité du mariage entre le Parlement fédéral — qui a compétence sur la capacité juridique de se marier et sur les caractéristiques des personnes qui peuvent se marier entre elles — et les provinces et territoires, qui ont compétence en matière de célébration des mariages, de délivrance de permis de mariage, d'enregistrement, etc.
    La Loi sur le mariage civil avait à l'origine était adoptée dans un but particulier: donner aux partenaires de même sexe une possibilité égale d'accéder au mariage civil. Avec le temps, la loi s'est transformée en une codification de tous les aspects fédéraux du mariage. Les modifications ajouteraient deux aspects qui ne figurent actuellement dans la loi qu'à l'égard de la province de Québec. L'obligation de donner un consentement libre et éclairé existe dans la common law, de sorte qu'elle est parfaitement claire dans le reste du Canada, sauf qu'elle ne figure dans aucune loi qu'on puisse citer.
    L'inscription de cette disposition dans une loi facilitera les choses, comme l'expérience britannique l'a montré. L'inscription dans les lois du Royaume-Uni d'une disposition interdisant de forcer un enfant à se marier a permis aux enfants de dire à leurs parents: « Écoutez, la loi dit clairement que vous ne pouvez pas le faire. » Le projet de loi S-7 permettra aux enfants du Canada de dire la même chose.
(1025)
    Merci.
    Vous avez en fait couvert ma deuxième question concernant les pays partenaires. Je vous en remercie.
    Madame Tsai, j'ai une question à vous poser. Lorsque nous parlons de mariages précoces et forcés, je crois que l'éducation est très importante. Lorsque quelqu'un choisit de venir au Canada, il reçoit de la documentation. J'aimerais que vous nous disiez si les publications Bienvenue au Canada et Découvrir le Canada mentionnent cette pratique barbare qu'est le mariage précoce ou forcé afin d'y sensibiliser les nouveaux venus.
    Il n'y a pas de doute que tant notre guide d'étude de la citoyenneté, Découvrir le Canada, que notre guide d'orientation, Bienvenue au Canada, ont été mis à jour pour mettre en évidence le fait que l'ouverture et la générosité du Canada ne s'étendent pas aux pratiques culturelles préjudiciables telles que le mariage forcé ou d'autres formes de violence fondées sur le sexe.
    Nous avons aussi, sur le site Web de CIC, énormément d'information à l'intention des nouveaux venus pour les renseigner sur la vie au Canada, y compris la violence familiale, le droit de la famille et les droits de la personne.
    Je vous remercie.
    Monsieur Leung.
    Merci, monsieur le président.
    Ayant écouté la discussion, qui a surtout porté sur le mariage forcé, le mariage des enfants et d'autres aspects du mariage, j'aimerais maintenant avoir quelques précisions sur la Loi sur le mariage civil ainsi que sur les dispositions de la common law relatives au mariage. Pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps pour remédier au fait qu'à l'origine, l'âge de consentement au mariage était de 7 ans? Pourquoi avons-nous tant attendu pour mettre les choses au point?
    Ma seconde question porte sur un aspect du mariage qui n'est pas souvent abordé ou, du moins, qui n'a pas été mentionné dans le débat. Je veux parler des relations incestueuses. Jusqu'où allons-nous pour définir ce qu'est une telle relation?
    Très bien. Ce sont des questions très intéressantes.
    Pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps pour codifier la loi du mariage? Je ne le sais pas vraiment. Je peux m'aventurer dans les conjectures, mais c'est tout ce que je peux faire.
    Je sais que le gouvernement du Canada a conclu une entente prévoyant de codifier la question de l'âge minimum — je crois que c'était à la Conférence pour l'harmonisation des lois de 1973 — le plus tôt possible, compte tenu des priorités législatives de l'heure.
    Je ne crois pas que cette question fasse partie du projet de loi, à moins que vous n'ayez l'intention de proposer un amendement.
    Non, il n'y aura pas d'amendement. Je voulais juste obtenir une précision.
    C'est un sujet intéressant. L'inceste…
    Oui, j'imagine que ce serait intéressant, mais cela n'a rien à voir avec le projet de loi.
    D'accord.
    Vous voudrez peut-être nous parler du processus suivi pour actualiser notre législation sur le mariage afin d'y inclure les éléments du mariage forcé, etc. Quelles étaient les dispositions antérieures?
    Comme je l'ai déjà dit, l'une des raisons pour lesquelles ces modifications sont apportées maintenant, c'est que même si ces aspects figurent dans la common law, celle-ci n'est pas aussi accessible, particulièrement pour ceux qui n'ont pas une formation juridique, que les lois du Canada.
    L'idée était donc de codifier trois éléments: l'âge minimum, l'obligation de donner un consentement libre et éclairé et l'obligation de dissoudre tous les mariages antérieurs avant de se marier. À part l'âge minimum, ces éléments ne sont pas nouveaux. On voulait simplement qu'ils figurent clairement dans nos lois.
    Nous avons parlé tout à l'heure de l'engagement à ne pas troubler l'ordre public.
    Quelles méthodes, quelles procédures peut-on suivre pour intervenir auprès d'une famille afin de protéger un enfant au moyen d'un tel engagement, si on soupçonne la famille de vouloir faire passer l'enfant à l'étranger pour le marier contre son gré?
    Je vous remercie.
    Si l'enfant est à l'âge où les services de protection de l'enfance peuvent intervenir dans l'administration en cause, ces services prendraient la défense de l'enfant en demandant à un juge d'imposer l'engagement à ne pas troubler l'ordre public ou en intervenant d'une autre façon auprès de la famille afin de lui faire comprendre le préjudice qu'elle peut occasionner en forçant l'enfant à se marier.
    Ordinairement, ce serait le rôle des services de protection de l'enfance. Toutefois, si l'enfant a dépassé l'âge prescrit et s'est adressé à un travailleur des services d'aide aux victimes, celui-ci peut demander l'émission de l'engagement au nom de l'enfant. C'est la même chose si l'enfant s'adresse à la police, qui demandera aussi l'engagement en son nom.
(1030)
    Ainsi, les organismes responsables seraient les services sociaux, la police ou d'autres organismes d'application de la loi.
    Exactement. C'est ordinairement le cas, mais n'importe qui peut demander l'engagement au nom d'une victime s'il le croit nécessaire.
    Très bien.
    Monsieur Sandhu.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence au comité. La discussion a été très instructive.
    Je voudrais revenir sur la question de la défense de provocation. Vous avez mentionné qu'il y a eu près d'une douzaine de cas où la provocation a été mentionnée par le procureur, par la défense ou dans la déclaration de la victime. Est-ce exact?
    Oui.
    Il y a eu des cas pouvant être qualifiés de crimes d'honneur, mais la défense de provocation n'a pas été invoquée dans tous ces cas.
    Dans combien de cas a-t-elle été invoquée?
    Elle a été invoquée dans trois cas au moins. Les trois affaires ont été portées devant les cours d'appel provinciales respectives pour des motifs juridiques liés à la défense.
    Il y a d'abord eu l'affaire Nahar en Colombie-Britannique, qui a fait l'objet d'une décision de la cour d'appel en 2004. Dans ce cas, c'est l'accusé, un membre de la communauté sikh, qui a fait venir un témoin expert de sa communauté. La preuve produite devant la cour tendait à établir que la conduite provocatrice de sa femme, qu'il avait poignardée à mort, était assimilable à un comportement irrespectueux et plein de défi. Elle fumait des cigarettes, buvait de l'alcool et avait des conversations et des réunions avec des hommes qu'il n'appréciait pas. Il avait soulevé…
    Je ne souhaite pas connaître les détails.
    Il y a donc eu trois cas dans lesquels la provocation a été invoquée. Les décisions judiciaires rendues ont-elles été influencées par la défense présentée?
    Dans les trois cas, la défense de provocation a été invoquée, mais n'a pas été retenue.
    Nous n'avons donc aucun cas où cette défense a réussi au Canada?
    Jusqu'ici, elle n'a réussi dans aucun cas.
    Passons à la polygamie. D'après les notes que j'ai lues et les témoignages que j'ai entendus, la polygamie est illégale au Canada depuis plus de 100 ans. Est-ce bien le cas?
    Oui.
    Très bien. Dans ces 100 ans, aucune des poursuites intentées n'a abouti à une condamnation. Il y a un cas qui est actuellement en cours devant les tribunaux. Avec cette nouvelle loi, nous allons essentiellement créer deux ensembles de règles, un pour les immigrants et un autre pour les citoyens. Est-ce exact?
    Les dispositions du droit pénal s'appliquent exactement de la même façon à tout le monde au Canada. Les modifications apportées dans le projet de loi S-7 n'y changeront rien. Elles ne toucheront que les dispositions applicables dans un contexte d'immigration.
    D'une façon générale, n'importe qui au Canada peut faire l'objet de poursuites s'il commet une infraction criminelle. Je vais laisser mes collègues d'Immigration Canada parler des conséquences de la polygamie dans le contexte de l'immigration.
    Pourquoi ne jugeons-nous pas les immigrants d'après les lois existantes? Pourquoi avons-nous besoin d'une nouvelle loi?
    Le gouvernement fédéral élabore les lois, y compris le Code criminel et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. À ma connaissance, les poursuites intentées en vertu du Code criminel relèvent des provinces. Pour ce qui est de la législation de l'immigration, oui, Joanne a parfaitement raison, la LIPR ne s'appliquerait qu'aux ressortissants étrangers et aux résidents permanents.
(1035)
    Je ne comprends toujours pas. Si nous avons actuellement des lois pénales qui s'appliquent à tout le monde au Canada, pourquoi avons-nous besoin de mettre en vigueur des dispositions législatives supplémentaires par l'entremise de l'immigration? C'est très bien.
    Monsieur le président, me demandez-vous si j'ai d'autres questions?
    Je crois que M. Menegakis en a.
    Me reste-t-il…
    Je regrette, votre temps de parole est écoulé. Pardonnez-moi, j'avais mal interprété ce que vous avez dit.
    Monsieur Menegakis.
    Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins de leur présence au comité aujourd'hui.
    Beaucoup de questions ont été posées aujourd'hui au sujet de la raison d'être de ce projet de loi et des raisons pour lesquelles il est présenté maintenant. En réponse à ces questions, je crois que nous devrions souligner, pour la gouverne de tous les députés, qu'il y a eu au Canada quelque 25 cas criminels de violence, de meurtre et d'infractions non mortelles liés à « l'honneur de la famille » depuis 1995, dont 21 au cours des 10 dernières années. Cela ne fait qu'une vingtaine de cas de ce type de violence dans la dernière décennie, mais, de ce côté-ci, nous croyons qu'un seul de ces cas, c'est encore trop.
    Nous avons tenu des consultations partout dans le pays. Nous avons consulté des groupes et des organisations qui traitent avec des gens jour après jour et qui s'occupent de ce type particulier de problème. Dans la grande majorité des cas, on nous a dit qu'il fallait faire adopter des lois pour protéger les femmes et les filles contre ces pratiques culturelles barbares. Je le dis avec autant d'emphase que de passion. Cela fait partie de la culture de certains de croire que si leur enfant de 14 ans ne se conforme pas à une décision qu'ils ont prise le jour de sa naissance, ils doivent d'une façon ou d'une autre punir l'enfant en le tuant, en le lapidant, en le discréditant, en le jetant dehors ou en l'écartant. Pour ces gens, il s'agit d'une pratique culturelle.
    Cela ne s'applique à aucune communauté particulière. Nous avons au Canada des communautés multiculturelles d'un grand dynamisme. Nous avons des gens venus de tous les coins du monde. Nous parlons cependant en particulier de personnes capables de soumettre à des actes barbares des femmes, et particulièrement des jeunes femmes et des jeunes filles.
    De toute évidence, notre message est le suivant: nous ne tolérerons pas des violences conjugales de quelque sorte que ce soit, qu'il s'agisse de crimes d'honneur, de violence fondée sur le sexe ou d'autre chose. Nous prenons des mesures pour renforcer nos lois et veiller à ce qu'aucune femme ni fille du Canada ne devienne une victime du mariage précoce ou forcé, de la polygamie, de la violence prétendument fondée sur l'honneur ou de n'importe quelle autre forme de pratique culturelle nuisible. Ce n'est pas la façon de faire des Canadiens. Ce n'est pas ainsi que nous agissons au Canada. Nous devons mettre en place des lois pour nous assurer que ces femmes et ces filles ont le droit de parler et le droit d'être protégées.
    Cela étant dit, je voudrais vous demander, comme première question, de nous en dire davantage sur l'engagement à ne pas troubler l'ordre public et sur la façon dont cet engagement fonctionnera.
    Je vous remercie.
    Un engagement à ne pas troubler l'ordre public est une ordonnance préventive prise par un tribunal, même si elle est inscrite dans le Code criminel. Comme le ministre l'a dit plus tôt, si un tel engagement est demandé contre un défendeur, il ne constitue pas pour autant une accusation au criminel. Une fois l'engagement émis, le défendeur n'a pas un casier judiciaire. C'est seulement s'il viole les conditions de l'engagement que le défendeur fait l'objet d'une accusation et peut avoir un casier judiciaire. C'est donc une mesure préventive qui est extrêmement utile lorsqu'on craint qu'une infraction ne soit commise.
    Nous avons examiné les dispositions générales de l'engagement à ne pas troubler l'ordre public et avons conclu qu'elles ne suffisaient pas pour affronter ce problème particulier. En effet, il est très inhabituel qu'on veuille empêcher quelqu'un de préparer un mariage. Il fallait vraiment trouver un moyen d'empêcher ces gens d'organiser le mariage et de faire des préparatifs pour la cérémonie. Pour pouvoir le faire, nous avons dû nous concentrer sur la cérémonie elle-même.
    Créer une infraction fondée sur la cérémonie du mariage et axée sur le préjudice qu'elle peut occasionner puisqu'elle constitue en soi une atteinte au droit qu'a une personne de décider si elle veut se marier, quand et à qui, avec toute la violence potentielle et presque inévitable qui en découle... En nous concentrant sur cette manifestation particulière du préjudice, nous pouvons nous servir de l'engagement à ne pas troubler l'ordre public pour prévenir le préjudice.
    L'expérience acquise au Royaume-Uni avec les ordonnances de protection civile contre le mariage forcé montre que ces ordonnances sont très efficaces lorsqu'il s'agit d'empêcher les familles de forcer leur enfant à se marier. La plupart des familles le font en croyant agir au mieux des intérêts de l'enfant. Lorsqu'elles arrivent à comprendre, premièrement, qu'elles commettent un acte illégal et préjudiciable et, deuxièmement, qu'elles auront à subir la honte d'une condamnation au criminel si elles allaient de l'avant, elles se laissent souvent dissuader.
    L'engagement constitue l'équivalent fédéral canadien de l'ordonnance britannique de protection civile contre le mariage forcé car, dans le contexte canadien, les ordonnances de protection civile relèvent de la compétence des provinces et des territoires.
    Une fois la demande présentée, le défendeur est assujetti à un certain nombre de conditions pouvant comprendre le retrait du passeport et d'autres titres de voyage, la limitation des déplacements, l'interdiction de quitter le territoire de l'administration en cause, etc.
(1040)
    Quelles sont les sanctions? Si quelqu'un est au courant de ce qui se passe ou prête son concours à un acte barbare, que pouvons-nous faire au moyen d'un engagement à ne pas troubler l'ordre public afin de pénaliser ceux qui commettent ces actes ou qui y participent?
    Si un engagement à ne pas troubler l'ordre public est émis contre un défendeur et que celui-ci en viole les conditions, il est actuellement passible d'une peine maximale de deux ans de prison. Je crois que le projet de loi C-26 porterait cette peine maximale à quatre ans de prison.
    Pour ce qui est de la nouvelle infraction liée aux mariages forcés, la peine maximale est de cinq ans de prison. Encore une fois, c'est un maximum. Bien sûr, la peine est laissée à la discrétion du juge, qui décide en fonction des circonstances de chaque cas.
    Je vous remercie.
     Dans le discours du Trône de 2013 — nous en avons entendu parler un peu plus tôt —, le gouvernement a reconnu que, dans le monde, des millions de femmes et de filles continuent d'être brutalisées et soumises à la pratique inhumaine du mariage précoce ou forcé. Les modifications proposées dans le projet de loi S-7, Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares, nous permettront de veiller à ce que ces pratiques culturelles barbares n'aient plus cours au Canada.
    Dans les 20 secondes qui me restent, je voudrais exhorter tous les membres du comité à intervenir auprès de leur caucus et de leur chef pour assurer l'adoption rapide du projet de loi. En le faisant, monsieur le président, ils protégeront les femmes et les filles.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup, monsieur Menegakis.
    Je voudrais remercier les responsables du ministère de la Justice et du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration de nous avoir rendu visite aujourd'hui et de nous avoir aidés à entreprendre nos audiences sur ce projet de loi. Merci beaucoup de votre présence.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU