Monsieur le président, je suis heureux de présenter nos rapports du printemps 2015 qui ont été déposés à la Chambre des communes hier.
Je suis accompagné de Nancy Cheng, vérificatrice générale adjointe, de Joe Martire et de Frank Barrett, directeurs principaux, et d'André Côté, directeur.
Nous avons présenté sept vérifications que nous avons menées depuis l'automne dernier. Certaines des vérifications présentées dans mes rapports du printemps ont été dirigées par les vérificateurs généraux adjoints Ronnie Campbell et Wendy Loschiuk, tous deux partis à la retraite le mois dernier. J'aimerais profiter de cette occasion pour les remercier de leur contribution à notre bureau. J'aimerais également souligner la contribution de Neil Maxwell, vérificateur général adjoint, à la pratique de vérification de gestion; il prendra sa retraite en juin.
Comme vous pourrez le constater, certaines des vérifications dont nous parlons aujourd'hui font ressortir des secteurs d'activité gouvernementale qui ne livrent pas les résultats attendus pour les Canadiens, et dans lesquels les problèmes sous-jacents pourraient s'aggraver si on n'intervient pas rapidement.
Tout d'abord, examinons notre vérification de la résistance aux antimicrobiens. Des données indiquent une progression de certaines infections résistantes aux antibiotiques au Canada. Déjà, uniquement dans les hôpitaux, environ 18 000 Canadiens contractent chaque année des infections causées par des organismes résistants aux antimicrobiens. Nous avons constaté que Santé Canada et l'Agence de la santé publique du Canada n'ont pas déployé tous les efforts nécessaires pour aider à limiter la prolifération des organismes résistants aux médicaments. Santé Canada n'a pas pris certaines mesures importantes pour protéger l'efficacité des agents antimicrobiens utilisés pour traiter les infections graves chez les humains.
Même si le ministère exige une ordonnance pour l'utilisation de ces médicaments lorsqu'ils sont administrés aux humains, ces ordonnances ne sont pas nécessairement exigées dans le cas de leur utilisation chez les animaux destinés à l'alimentation. L'utilisation imprudente des antimicrobiens chez ces animaux peut introduire des organismes résistants aux médicaments dans la chaîne alimentaire. Santé Canada sait qu'il y a des lacunes dans les règlements, ce qui permet aux éleveurs d'importer des antimicrobiens non homologués et des ingrédients pharmaceutiques actifs pour leurs bêtes. Pourtant, le ministère n'a pas agi pour resserrer les contrôles sur l'importation de ces substances.
Nous avons également constaté que l'Agence de la santé publique du Canada ne recueille pas tous les renseignements de surveillance nécessaires pour comprendre l'étendue de la résistance aux antimicrobiens au Canada. En 1997, le gouvernement fédéral a affirmé pour la première fois la nécessité d'adopter une stratégie pancanadienne sur la résistance antimicrobienne. Ce besoin a été réitéré en 2009, et l'agence a reconnu qu'il était nécessaire d'avoir un leadership plus solide à cet égard. Toutefois, on n'a pas obtenu de consensus parmi les provinces ou les territoires quant au rôle que devrait jouer l'Agence de la santé publique du Canada. Il n'y a actuellement aucune stratégie nationale et, à notre avis, il n'y en aura pas avant de nombreuses années.
[Français]
Toujours dans le domaine de la santé, nous avons examiné ce que Santé Canada a fait pour appuyer l'accès des communautés éloignées des Premières nations aux services de santé.
Santé Canada a pour objectif de donner aux membres des Premières nations vivant dans des communautés éloignées un accès aux services de santé qui soit comparable à celui d'autres résidents de la province qui habitent aussi en région éloignée. Nous avons constaté que le ministère n'a pas atteint cet objectif.
Dans la plupart des cas, l'accès aux soins de santé dans ces communautés passe d'abord par des infirmières et des infirmiers déployés dans des postes de soins. Nous avons relevé des lacunes dans la gestion du personnel infirmier et des postes de soins. Par exemple, seulement une infirmière sur les 45 incluses dans notre échantillon avait suivi tous les cours de formation requis par Santé Canada.
[Traduction]
Nous avons également constaté que Santé Canada n'avait pas corrigé 26 des 30 cas de non-conformité avec les exigences de santé et de sécurité ou le Code du bâtiment qui avaient été relevés dans les huit postes de soins infirmiers que nous avons examinés. Les lacunes variaient de systèmes de chauffage et de climatisation défectueux aux escaliers, rampes et portes non sécuritaires. Des spécialistes de la santé ont annulé des visites dans une collectivité, car ils ne pouvaient pas occuper la résidence prévue pour eux en raison de problèmes avec l'installation septique qui persistaient depuis plus de deux ans.
Dans une autre vérification, nous avons vérifié si l'Agence des services frontaliers du Canada avait géré ses investissements dans les technologies de l'information pour que ses projets atteignent leurs objectifs. Le portefeuille actuel de l'agence regroupe 30 projets en technologies de l'information, avec un budget de plus d'un milliard de dollars.
En décembre 2013, l'Agence des services frontaliers du Canada a mis en place une approche par portefeuille pour renforcer la gestion de ses investissements dans les technologies de l'information. Nous avons constaté que cette approche était complète. Toutefois, notre examen de cinq projets relativement à ce nouveau cadre a montré que ce dernier n'avait pas été entièrement appliqué. Par exemple, l'information fournie aux comités supérieurs chargés de superviser le portefeuille des projets en technologies de l'information ne contenait pas de données financières exactes, d'information sur la progression des projets ou d'échéancier. Par conséquent, l'agence fait face à des défis importants en ce qui concerne la gestion de ces projets, ce qui cause parfois des chevauchements ou des retards dans leur exécution.
[Français]
Passons maintenant à notre audit des dépenses faites au moyen du système fiscal. La somme des dépenses faites au moyen du système fiscal totalise des milliards de dollars par année. Ces dépenses sont semblables aux dépenses de programmes directes, mais nous avons constaté que le Parlement reçoit moins d'information sur les premières que sur les dépenses directes du gouvernement.
Nous avons constaté que le ministère des Finances fait un bon travail pour analyser les nouvelles mesures fiscales et surveiller celles qui sont en place. Cependant, le ministère des Finances n'évalue pas systématiquement les dépenses faites au moyen du système fiscal pour s'assurer qu'elles continuent à donner les résultats attendus.
Nous croyons que le Parlement doit recevoir une information complète et consolidée au sujet des dépenses faites au moyen du système fiscal pour comprendre non seulement l'ensemble des dépenses de l'État, mais aussi les résultats concrets des dépenses faites au moyen du système fiscal.
Dans notre audit du Service correctionnel du Canada et de la préparation des détenus non autochtones de sexe masculin à la mise en liberté, nous avons constaté que les délinquants restent plus longtemps en établissement et qu'ils passent moins de temps sous surveillance dans la collectivité.
[Traduction]
En 2013-2014, environ 1 500 détenus d'établissements à sécurité moyenne ou maximale ont été libérés directement dans la collectivité, sans bénéficier pleinement d'une réinsertion graduelle dans la société. Quatre-vingt pour cent des détenus avaient été incarcérés au-delà de la date à laquelle ils étaient admissibles pour la première fois à la liberté conditionnelle, même si plusieurs d'entre eux étaient considérés comme présentant un faible risque de récidive. Nous avons également constaté que dans de nombreux cas, les détenus ne bénéficiaient pas de programmes correctionnels et de réadaptation avant de devenir admissibles à la libération. Un grand nombre de détenus n'étaient pas affectés à ces programmes, même s'ils présentaient des antécédents d'associations criminelles ou de toxicomanie.
[Français]
Passons maintenant à notre audit des rapports récurrents que le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, la Commission de la fonction publique ou la loi exige des organismes fédéraux. Nous avons constaté que, dans l'ensemble, les rapports destinés à appuyer la responsabilisation et la transparence servaient à ces fins. Cependant, à notre avis, l'efficacité et la valeur des rapports fédéraux devraient être améliorées.
Nous avons aussi constaté que le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada exige les mêmes rapports de toutes les organisations fédérales, indépendamment de leur taille ou de leur mandat. Par exemple, la Commission canadienne des affaires polaires, une petite organisation comptant 11 employés, est tenue de préparer 25 rapports annuels ou trimestriels.
Nous avons aussi constaté qu'environ la moitié des plans de sécurité ministériels qui étaient exigés pour juin 2012 n'était pas terminés au moment de notre audit.
Notre audit du Bureau de l'ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes a porté sur la période de février 2009 à août 2014, ce qui coïncidait avec les mandats de deux ombudsmans. Nous avons constaté que pendant le mandat du premier de ces deux ombudsmans, le bureau avait en place des contrôles inadéquats pour gérer ses finances, ses contrats et ses ressources humaines conformément aux règles et aux politiques du gouvernement.
De plus, les contrôles en place étaient souvent outrepassés par la direction.
Nous avons aussi constaté que le premier des deux ombudsmans et certains cadres supérieurs de son bureau n'avaient pas respecté le Code de valeurs et d'éthique. Ces manquements ont donné lieu à des griefs, à des plaintes ainsi qu'à des taux élevés de congés de maladie et de roulement de personnel. Ces problèmes, combinés à l'absence de pratiques établies, ont provoqué des retards dans les enquêtes. Après 2012, l'environnement de travail s'est stabilisé, et les efforts pour fermer les dossiers en retard ont porté leurs fruits.
[Traduction]
La Défense nationale n'a pas exercé une surveillance suffisante pour s'assurer que le Bureau de l'ombudsman suive les règles et les politiques du gouvernement. De plus, le ministère n'a pas entièrement répondu aux plaintes sur le milieu de travail déposées par des employés entre 2009 et 2013.
Étant donné que le Bureau de l'ombudsman mène ses enquêtes indépendamment du ministère de la Défense nationale, mais que son personnel et son budget relèvent du ministère, la relation organisationnelle avec la Défense nationale est une question complexe qui doit être tirée au clair pour s'assurer que la surveillance exercée est adéquate en tous points.
[Français]
En 2014, notre bureau a effectué des examens spéciaux de la Société immobilière du Canada limitée et de la Monnaie royale canadienne. Ce travail n'a pas relevé de défauts graves. Toutefois, nous avons souligné certaines préoccupations relatives aux pratiques contractuelles ainsi qu'à la gestion des frais de voyage et d'accueil de la Monnaie royale canadienne.
Parmi les sept audits que nous avons présentés, certains font ressortir des activités du gouvernement dont les résultats ne répondent pas aux attentes des Canadiens. En outre, les problèmes sous-jacents pourraient s'aggraver. Prenons l'exemple de la stratégie nationale pour la résistance aux antimicrobiens. Il y a presque 20 ans que le gouvernement a désigné la résistance aux antimicrobiens comme étant une priorité du programme de santé publique, mais il n'y a toujours pas de stratégie nationale.
Notre audit du Service correctionnel du Canada illustre le même problème, tandis que baisse le nombre de délinquants qui bénéficient pleinement d'une réinsertion sociale graduelle.
[Traduction]
Nous craignons qu'à défaut d'une intervention rapide, les problèmes que nous observons aujourd'hui s'aggravent s'ils ne sont pas résolus. Il est donc important que les ministères s'empressent de les régler pour éviter ces problèmes plus graves qui seront plus dispendieux à régler à long terme et qui nécessiteront plus d'efforts.
Monsieur le président, c'est ce qui conclut mon exposé.
[Français]
Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Merci.
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J'aimerais aborder deux ou trois points liés à votre question.
Il est certainement très important d'avoir un cadre de gestion de projets et un cadre de gestion du portefeuille de projets en place, afin de veiller à ce que les projets produisent les résultats attendus, à ce qu'on comprenne les avantages découlant des projets, à ce que ces projets soient réalisés en respectant le budget et à ce qu'ils soient réalisés à temps — ou qu'on puisse apporter les rajustements appropriés en cours de route.
Nous étions très satisfaits du cadre qui a été mis en place par l'agence et du fait qu'il était complet. Encore une fois, ce qui nous préoccupe, c'est qu'à ce moment-là, il n'était pas toujours appliqué à la gestion et à la surveillance des projets.
Vous avez mentionné qu'il faut parfois lire très attentivement ce type de vérification pour le comprendre. Je crois que cela s'applique à tout ce qui touche aux technologies de l'information. En effet, c'est un domaine complexe.
Vous savez, j'ai mentionné dans mon exposé l'importance de régler ces problèmes maintenant, afin qu'ils ne s'aggravent pas plus tard. Je crois que c'est un bon exemple. Ils ont un bon cadre. En ce moment, leurs projets semblent être prêts à être livrés. Ils doivent veiller à utiliser ce cadre, afin que nous ne revenions pas ici dans quatre ans pour parler de l'un de ces projets parce que nous avons trouvé un problème au cours de notre vérification. Le cadre est important.
Je comprends qu'il peut être difficile de mener une vérification comme celle-ci et de comprendre exactement sa nature. Il est très important que les organismes, surtout ceux qui, comme celui-ci, ont des projets de TI d'une valeur d'un milliard de dollars, fassent l'objet d'une bonne surveillance, afin de veiller à ce que tous ces projets soient livrés comme prévu.
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Je pense que si vous parcourez tous les rapports, en commençant par celui qui porte sur la résistance aux antimicrobiens, vous verrez que nous avons indiqué qu'il semble que l'Agence de santé publique du Canada n'aura pas la stratégie nationale dont elle dit avoir besoin avant bien des années.
Nous avons également fait remarquer que l'agence s'emploie depuis quelques années à corriger certaines lacunes relatives à l'importation de médicaments destinés aux animaux de ferme. Certaines mesures de contrôle doivent être resserrées. L'agence l'admet, mais elle n'a pas encore rectifié la situation.
En ce qui concerne les services de santé dans les communautés éloignées des Premières Nations, il y a des problèmes parce que les infirmières n'ont pas toute la formation nécessaire et les installations ne sont pas dans des conditions permettant de les utiliser adéquatement. Ici encore, ces problèmes doivent être réglés rapidement.
Il y a aussi les investissements de l'ASFC dans les technologies de l'information et des communications, dont j'ai traité plus tôt, soulignant le besoin d'appliquer un cadre pour s'assurer que ces systèmes sont mis en oeuvre adéquatement.
La préparation des contrevenants à leur remise en liberté constitue aussi un bon exemple. En purgeant une plus longue partie de leur peine à l'intérieur de l'institution, ils passent moins de temps sous supervision au sein de la communauté. Cela pourrait devenir un problème plus grave dans l'avenir.
Pour ce qui est du bureau de l'ombudsman de la Défense nationale, il importe de définir clairement les rôles et les responsabilités pour que ce bureau fasse l'objet d'une surveillance adéquate afin d'éviter que les problèmes qui se sont posés entre 2009 et 2012 ne surviennent de nouveau.
Je pense qu'en examinant un certain nombre de ces rapports, vous verrez qu'ils ont en commun des problèmes qu'ils faut résoudre maintenant pour éviter qu'ils ne se manifestent de nouveau dans quatre ou cinq ans.