RNNR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des ressources naturelles
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 6 mars 2014
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour à tous.
Nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur les avantages dans l'ensemble du Canada du développement de l'industrie pétrolière et gazière du secteur de l'énergie.
Nous accueillons tout d'abord Christopher Smillie, Département des métiers de la construction, FAT-CIO. Bienvenue à nouveau.
Je souhaite encore la bienvenue à Peter Boag, président et chef de la direction, Association canadienne des carburants.
Nous avons deux témoins par vidéoconférence. Bienvenue à Roland LeFort, président, Section locale 707A, Unifor.
Bienvenue à Trevor Harrison, professeur et directeur, Institut Parkland, Université de Lethbridge.
Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Nous avons seulement été avisés hier, à 16 h 15, des témoins que nous allions recevoir ce matin. Nous avons besoin d'au moins 24 heures d'avis pour bien nous préparer en vue de discuter avec les témoins qui donnent de leur temps.
C'est tout à fait juste, monsieur Julian. J'y travaille, et nous allons permettre aux membres du comité de bien se préparer. Des députés de mon parti ont fait le même commentaire. Il faut du temps pour se préparer en fonction des témoins. C'est noté, et des changements seront apportés. Merci.
D'accord, nous allons entendre les exposés des témoins selon l'ordre du jour. Nous allons commencer par Chris Smillie, conseiller principal, Relations gouvernementales et Affaires publiques, Département des métiers de la construction. Bienvenue à nouveau, monsieur Smillie.
Bonjour, membres du comité, monsieur le président, messieurs les témoins.
Je vois que M. Boag porte ses chaussettes vertes aujourd'hui. Quoique je fasse, je doute pouvoir faire mieux.
Une voix: Elles sont multicolores, pas seulement vertes, Chris.
M. Christopher Smillie: Désolé, elles sont rayées.
J'invoque le Règlement. Je pense qu'il est inapproprié de commenter la couleur des chaussettes d'un autre témoin à la table. Je serai indulgent cette fois-ci.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Allez-y, monsieur Smillie.
Merci.
Je représente ici aujourd'hui les métiers de la construction au Canada, qui comptent près de 600 000 hommes et femmes membres et qui constituent les fondements de toutes provinces et les villes du Canada. Nous représentons les charpentiers, les soudeurs, les monteurs de conduites de vapeur et tous les autres corps de métiers de la construction. Tout comme nos membres ont besoin de travail en construction pour gagner leur vie, le secteur du pétrole et du gaz a besoin de l'industrie de la construction. Les projets pétroliers et gaziers constituent des occasions d'emploi majeures pour nos membres en construction. Chaque année, près de 40 % de nos membres nationaux participent activement aux projets énergétiques, d'une manière ou d'une autre.
Dans le secteur du pétrole et du gaz, la construction concerne les nouvelles installations et la maintenance des immobilisations ou des installations existantes. En 2013, nos membres ont travaillé environ 21 millions d'heures pour construire de nouvelles installations de pétrole et de gaz en Alberta. En tout, l'industrie a travaillé environ 60 millions d'heures.
Durant cette même année, nos membres ont aussi consacré 30 millions d'heures à la maintenance, seulement pour les sables bitumineux en Alberta. C'est sans compter le travail effectué en Saskatchewan, à Terre-Neuve et au Nouveau-Brunswick et pour les pipelines ou les conduites résidentielles de gaz naturel dans la région du Grand Toronto. Ces données ne comprennent pas les heures que des milliers de travailleurs de partout en Ontario ont consacrées aux centrales de cogénération de la province, comme la centrale Goreway de Milton dans la région du Grand Toronto.
Je dois dire que 2012-2013 n'était pas une année faste pour la construction dans le secteur du pétrole et du gaz. Au plus fort de son essor en 2007-2008, nous avons travaillé plus de 40 millions d'heures en construction. La baisse des projets réduit le nombre d'emplois pour construire de nouvelles installations, mais aussi les occasions d'emploi à long terme.
La hausse des projets augmente le nombre d'emplois de construction, mais aussi les emplois de maintenance. C'est simple, chaque projet demande des travailleurs pour la construction, mais aussi pour la maintenance. Chaque dollar investi dans les nouvelles installations de pétrole et de gaz se traduit au bout du compte par 1,50 $ dépensé dans la maintenance. Donc, les emplois liés à la construction entraînent des emplois de maintenance du projet dans les années suivantes. Ces emplois en créent d'autres, qui ne se limitent pas au secteur du pétrole et du gaz. Le lien entre ces deux aspects signifie que la construction d'infrastructures et l'investissement dans les projets de construction génèrent énormément d'occasions d'emploi futures au Canada. N'oublions pas que les projets de pétrole et de gaz constituent en général de grandes entreprises, qui permettent à nombre de jeunes Canadiens et d'apprentis de travailler et à ceux qui exercent des métiers spécialisés d'obtenir de bons emplois à temps plein et des avantages sociaux.
En général, chaque milliard de dollars investi par une société de pétrole et de gaz dans la construction représente au moins 4 000 emplois directs, sans compter les occasions d'emploi dans les secteurs secondaire et tertiaire comme le génie, la fabrication, les services, etc.
En ce moment même, les gestionnaires de grands projets prévoient investir des centaines de milliards de dollars, qui pourraient se traduire par des dizaines de milliers d'emplois et des revenus qui permettent aux familles de la classe moyenne partout au Canada de subvenir à leurs besoins.
Au nom des corps de métiers de la construction au pays, je signale que la baisse dans le secteur du pétrole et du gaz nuirait à l'emploi et aux conditions de vie au Canada. Plus nous investissons dans l'exploitation des ressources et l'infrastructure, plus nous créons des emplois dans les métiers spécialisés. Ces investissements génèrent de bons chèques de paie qui profitent aux familles canadiennes, des dépenses de consommation, des retombées économiques et une excellente qualité de vie pour les Canadiens de la classe moyenne, qui constitue le moteur de notre économie.
J'espère que mon témoignage précédent vous a donné une bonne idée des heures-personnes que nos membres ont travaillées et qui sont en jeu. L'intérêt économique de nos membres dans les métiers de la construction est inextricablement lié à celui du Canada.
Par ailleurs, un sondage récent réalisé auprès de nos membres indique qu'au moins 45 % de la main-d'oeuvre de Fort McMurray viennent de l'extérieur. Présentement, 82 000 personnes vivent à temps plein dans des camps et viennent d'ailleurs au Canada.
Cela signifie que les salaires de ces travailleurs profitent à leurs collectivités et à leurs régions, comme Gander, Fredericton, Moncton, Hamilton, Burnaby, Laval, l'Abitibi et Halifax. Partout au Canada, ces projets entraînent d'immenses retombées économiques.
Si on prend l'avion pour voyager au Canada de nos jours, il se peut bien qu'au lieu d'un banquier ou d'un avocat, on côtoie quelqu'un qui s'en va pratiquer son métier dans un projet de pétrole et de gaz.
Notre industrie doit relever des défis, mais ils ne sont pas insurmontables s'il y a du travail. Les possibilités de formation, la mobilité et la disponibilité de la main-d'oeuvre sont accrues durant les périodes de pointe par rapport aux périodes creuses, lorsqu'il n'y a pas de travail à répartir.
L'industrie et les métiers de la construction sont à un tournant. Les gens qui ont étudié en science politique comme moi examinent l'âge moyen. Actuellement, la moyenne d'âge de nos membres est de 51 ans. C'est une des plus élevées parmi les industries au Canada.
Les métiers de la construction sont un des moteurs de notre économie. Nous avons besoin d'une main-d'oeuvre dynamique et vigoureuse. La disponibilité des emplois constitue la meilleure façon d'attirer les jeunes dans notre industrie. Le Canada doit repenser le système d'éducation de la maternelle au secondaire, qui encourage tous les élèves à entreprendre des études universitaires. Les gens sortent des universités et des collèges communautaires plus tard que jamais pour suivre des programmes d'apprentis. Après 10 ans d'études, ils ne se sont pratiquement pas rapprochés du marché du travail pour obtenir de bons emplois durables et gagner des revenus suffisants afin de subvenir aux besoins de leurs familles. C'est le genre d'emplois dont il est question ici.
J'ai déjà dit au comité que l'innovation dans les métiers spécialisés dépend de la disponibilité du travail, qui est selon nous le principal déterminant du succès économique. L'absence d'un secteur de la construction robuste entraîne des conséquences pour l'économie et les gens que Peter représente.
Le greffier pourrait joindre à mon témoignage le mémoire que j'ai présenté lors d'une séance précédente et qui contient de l'information pertinente. Je vais rester bref aujourd'hui pour nous permettre de discuter en détail de ces questions importantes.
Merci de l'invitation.
Merci beaucoup d'être revenu, monsieur Smillie. Nous allons nous pencher là-dessus.
Notre deuxième témoin aujourd'hui est Peter Boag, président et chef de la direction, Association canadienne des carburants.
Je vous souhaite à nouveau la bienvenue. Vous avez sept minutes pour présenter votre exposé.
Bonjour, monsieur le président, membres du comité. C'est avec plaisir que je témoigne de nouveau ici. Je vous remercie sincèrement d'avoir invité notre association à témoigner pour votre étude sur les avantages dans l'ensemble du Canada du développement du secteur du pétrole et du gaz.
Je présume que vous avez tous déjà consulté les documents que je vous ai remis, mais ils seront utiles aux discussions aujourd'hui.
Les membres de l'Association canadienne des carburants travaillent en aval de l'industrie du pétrole au Canada. Ils raffinent, distribuent et fournissent les carburants qui servent au transport et au chauffage et la charge d'alimentation utilisée pour une myriade de produits que les Canadiens utilisent tous les jours. Le feuillet d'information compris dans la documentation dresse la liste de nos membres actuels.
Le raffinage est une partie intégrante de la chaîne de valeur du pétrole et du gaz au Canada. Au fond, les raffineries sont les intermédiaires essentiels entre le pétrole brut qui est extrait et les produits raffinés que les Canadiens emploient au quotidien. Les 18 raffineries au Canada sont situées dans huit provinces et ont une capacité de raffinage globale d'environ deux millions de barils de pétrole brut par jour. Elles injectent environ 2,5 milliards de dollars dans le PIB direct et emploient environ 17 500 Canadiens dans des collectivités partout au Canada, autant à Come By Chance, à Terre-Neuve, qu'à Burnaby, en Colombie-Britannique.
Dans bien des collectivités telles que Come By Chance, Saint John, au Nouveau-Brunswick, Lévis, au Québec, Sarnia, Regina et Edmonton, les raffineries sont un des principaux piliers, sinon le principal pilier économique. Fait notable, le raffinage constitue la principale industrie au Canada atlantique et représente maintenant environ 10 % de sa capacité de production globale. Il importe aussi de savoir que les travailleurs dans les raffineries gagnent bien plus que les salaires moyens, soit deux tiers de plus que la moyenne canadienne et même 50 % de plus que les travailleurs du secteur de la fabrication. Près de 75 % des travailleurs dans les raffineries possèdent des diplômes d'études postsecondaires. Il s'agit de scientifiques, d'ingénieurs, de technologues et de techniciens très compétents, qui gagnent de bons salaires et qui contribuent bien sûr aux collectivités où ils habitent.
À l'heure actuelle, le pétrole raffiné au Canada provient à environ 60 % de l'Ouest canadien ou de nos puits dans l'Atlantique. La bonne nouvelle, c'est que la proportion augmente peu à peu. L'industrie veut augmenter considérablement son utilisation du brut de l'Ouest canadien, à l'aide de nouveaux investissements dans l'infrastructure, par exemple, en renversant le flux du pipeline 9 d'Enbridge entre Sarnia et Montréal. Nous espérons recevoir une décision favorable de l'Office national de l'énergie aujourd'hui. Bien sûr, TransCanada veut transformer une partie du pipeline de gaz naturel entre l'Alberta et Montréal et le prolonger dans l'Est jusqu'à Saint John, au Nouveau-Brunswick. Ces projets pourraient changer la donne pour les raffineries dans l'Est du Canada et y entraîner d'importantes retombées économiques.
Présentement, les raffineries dans l'Est n'ont pratiquement aucun accès au pétrole brut de l'Ouest. Le brut extrait au large des côtes dans l'Est est utilisé jusqu'à un certain point, mais les importations demeurent la source principale de brut. C'est paradoxal dans le contexte actuel que les producteurs dans l'Ouest canadien vendent le pétrole au rabais en raison d'un manque d'accès au marché, tandis que les raffineries dans l'Est importent du brut à prix fort, parce qu'elles n'ont pas accès à celui de l'Ouest. Les producteurs de l'Ouest et les raffineries de l'Est profiteraient tous des infrastructures de pétrole et de gaz, surtout les pipelines, permettant d'expédier le brut de l'Ouest vers l'Est. Les raffineries tireraient profit de la forte croissance de la production dans l'Ouest, et l'accès aux marchés de l'Est ferait bien sûr augmenter la valeur du brut produit dans l'Ouest.
Il importe avant tout de souligner que l'accès au brut de l'Ouest canadien s'avère être une importante occasion pour les raffineries de l'Est d'augmenter leur rentabilité et de rester concurrentielles, alors que la concurrence mondiale s'intensifie dans le raffinage du pétrole. La capacité de choisir le brut selon la disponibilité, le type et le prix serait grandement améliorée. Ces projets pourraient changer la donne pour les raffineries, qui disons-le, sont confrontées à une concurrence féroce sur le marché mondial des produits raffinés.
L'étude produite l'an dernier par l'Institut économique de Montréal documente bien les avantages de l'accès au brut de l'Ouest pour les raffineries de l'Est. Dans une note publiée en août dernier, l'Institut conclut qu'un tel accès aiderait à améliorer la rentabilité et la concurrence de ces raffineries. Selon lui, cela pourrait se traduire par des investissements considérables qui leur permettraient de raffiner du pétrole brut lourd, notamment du bitume de l'Alberta.
La société Suncor a confirmé en septembre dernier qu'elle envisagerait à nouveau de construire une unité pour cokéfier du brut lourd à sa raffinerie de Montréal, si le projet du pipeline 9 d'Enbridge reçoit le feu vert. Évidemment, nous espérons beaucoup que l'annonce sera faite aujourd'hui. Mais Steve Williams, le PDG de Suncor, a précisé que ce genre d'investissement dans un cokeur à Montréal exige d'avoir accès au pétrole de l'Ouest canadien par le pipeline 9. Le projet énergétique dans l'Est favorisera beaucoup la capacité d'expédier le pétrole de l'Ouest vers les raffineries canadiennes. Les pipelines qui achemineront le brut de l'Ouest vers les raffineries de l'Est vont aider à garantir leur avenir ainsi que celui des emplois et des collectivités qu'elles soutiennent. C'est un excellent exemple d'investissements dans l'infrastructure énergétique qui génèrent des retombées économiques partout au pays.
Je vais en rester là. Je suis impatient de répondre à vos questions.
Merci beaucoup de votre exposé et d'être ici de nouveau aujourd'hui, monsieur Boag.
Nous allons maintenant entendre Roland LeFort, président, Section locale 707A, Unifor, qui va témoigner par vidéoconférence depuis Fort McMurray.
Bienvenue, monsieur LeFort. Vous avez sept minutes pour présenter votre exposé.
Merci de l'occasion de témoigner devant le comité, monsieur le président.
Je m'appelle Roland LeFort et suis mineur ici, à Fort McMurray, où j'habite depuis une trentaine d'années. Je suis présentement président de la section locale 707A d'Unifor, qui représente plus de 4 000 travailleurs de Suncor Énergie. Je vous transmets les salutations de nos membres, du président national Jerry Dias et des plus de 300 000 membres d'Unifor.
Mon bref exposé aujourd'hui porte avant tout sur l'exploitation des sables bitumineux, parce que je crois que l'avenir du pétrole et du gaz se trouve ici même, à Fort McMurray.
Pour avoir lu un certain nombre de questions qui pourraient être posées aujourd'hui, je pense qu'il faudrait élargir un peu les discussions. Nous devons examiner les retombées à long terme que l'exploitation des sables bitumineux peut entraîner pour les collectivités, pas seulement les retombées immédiates. Selon moi, les discussions devraient être axées sur la durabilité. Il faut établir quels sont les avantages, mais aussi discuter du développement durable.
Je dois dire d'emblée que je crois aux changements climatiques et que les données scientifiques vont tout changer pour nous, sauf si nous travaillons de façon adéquate.
C'est clair que l'exploitation des sables bitumineux n'a pas apporté la prospérité et la croissance économique aux gens, aux collectivités et à notre pays, mais il ne faut pas oublier que l'effondrement des secteurs qui soutenaient certaines collectivités prospères a fait des ravages. Je pense aux nombreuses collectivités sur la côte Est lorsque les pêches ont pris fin. Partout au Canada, certaines collectivités étaient presque abandonnées après la fermeture des papeteries. Sudbury, Hamilton et d'autres cherchent aujourd'hui des solutions de remplacement, à cause de l'épuisement du secteur manufacturier. Le même sort est réservé aux collectivités comme Fort McMurray, si nous n'apportons pas des changements.
Nous croyons que le pays a besoin plus que jamais d'une stratégie énergétique. Nous avons beaucoup de ressources, mais nous semblons avoir du mal à trouver la meilleure façon d'en profiter.
Il semble n'y avoir que deux points de vue sur l'exploitation des sables bitumineux. L'industrie et le gouvernement veulent les exploiter sans trop d'intervention et en profiter pendant que les conditions sont favorables. Tandis que d'autres veulent arrêter l'exploitation et simplement laisser les ressources là.
Le problème, c'est que de plus en plus de gens semblent adopter le second point de vue, qui va sans doute l'emporter si nous ne nous rallions pas derrière une position commune pour favoriser le développement durable.
Nous cherchons à convaincre les Canadiens que les pipelines vers le Sud et l'Ouest sont la meilleure solution, mais nous n'avons pas pris la peine d'examiner la réaction de ces sociétés. De nos jours, les Américains s'opposent clairement au pipeline Keystone XL. Il faut aussi tenir compte de la réaction aux discussions sur l'accès au marché européen à partir de la côte Ouest. Pour avoir participé à la conférence sur les changements climatiques de Durban, en Afrique du Sud, je vous garantis que les sociétés de tous les pays vont réagir de la même façon.
De nos jours, nous semblons concentrer nos espoirs sur le marché asiatique, mais l'exposé du gouvernement chinois à cette conférence montre qu'il prend une direction très différente de celle que nous privilégions.
En fait, la Chine prévoit réduire les carburants fossiles et les gaz à effet de serre d'ici 2020. Elle veut tirer profit de l'énergie nucléaire et changer ses modes de transport. Puisque Pékin était paralysée par le smog la semaine dernière, je pense que le plan chinois sera mis en oeuvre avec vigueur.
Monsieur LeFort, je vous indique simplement qu'il vous reste un peu plus d'une minute. Veuillez entrer dans le vif de votre exposé, car nous allons passer au prochain témoin dans une minute.
Allez-y.
Merci.
Concernant la stratégie nationale, la durabilité exige de connaître nos besoins énergétiques, afin d'y répondre en priorité,et de réduire notre dépendance aux importations. Il faut développer nos propres infrastructures pour expédier nos ressources partout au pays. Ainsi, nous allons stimuler nos secteurs secondaire et tertiaire et faire du Canada notre meilleur client. Nous serions mieux placés pour amortir les fluctuations des marchés. Nous pouvons réellement changer la donne.
Nous ne pourrons pas y arriver sans reconnaître nos responsabilités internationales en matière de réduction des émissions. Pour élaborer la stratégie, nous devons établir le volume d'émissions que nous pouvons produire et le contrôler en veillant à ce que le développement n'excède pas nos cibles.
Merci beaucoup.
Nous devons passer au prochain témoin, mais je suis sûr que nous allons vous poser des questions.
Notre dernier témoin aujourd'hui est Trevor Harrison, directeur et professeur, Institut Parkland, Université de Lethbridge.
Veuillez présenter votre exposé, monsieur.
Bonjour, monsieur le président, membres du comité, autres témoins aujourd'hui.
Je remercie le président et le comité de m'entendre sur cette question très importante. Je pense que mon exposé complète, d'une certaine manière, les exposés des témoins précédents.
Un directeur d'entreprise ne va pas moderniser une usine sans réaliser une analyse de rentabilité. Nous devons aussi tenir compte des coûts, dans l'évaluation des retombées économiques du secteur du pétrole et du gaz au Canada. Les politiques publiques sont faites de compromis. En général, les discussions sur le secteur du pétrole et du gaz ou sur l'énergie sont un exemple classique.
La production de pétrole et de gaz concerne l'économie, mais aussi d'importantes questions comme le pouvoir politique, la souveraineté canadienne et même la démocratie, sans oublier l'environnement et les conséquences du secteur du pétrole et du gaz pour le réchauffement climatique.
Mais compte tenu de la nature des audiences et du temps limité, je vais mettre l'accent sur plusieurs questions importantes qui portent sur les retombées économiques. Les références à la fin de mon mémoire pourront servir au comité dans ses délibérations.
À l'état brut, le pétrole et le gaz sont ce que l'on appelle souvent des produits de base, comme la fourrure, les céréales et le poisson. Pendant une grande partie de son histoire, le Canada a été un producteur de matières premières pour d'autres pays. L'historien économique canadien Harold Innis a dit que la fondation du Canada en tant qu'arrière-pays producteur de marchandises exportées dans les marchés mondiaux a nui à son développement économique et politique normal. Contrairement à la théorie économique libérale courante, il laisse entendre que les pays comme le Canada auraient du mal à sortir de ce qu'il appelle le piège des produits de base. Même si ces produits sont souvent attirants et profitables à court terme, leurs prix sont instables et fluctuent de façon intrinsèque, car ils sont établis par les marchés mondiaux qui échappent au contrôle local ou national. M. Innis ajoute qu'une économie fondée uniquement sur les matières premières ne peut pas tisser de liens en amont et en aval et créer la structure sociale qui caractérisent une économie bien développée.
Compte tenu de son évolution, la production de pétrole et de gaz est bien plus complexe que les produits de base comme la fourrure, dont parle M. Innis. L'économie canadienne en général ne repose pas sur un seul secteur.
Cela dit, notre économie a subi un changement structurel ces dernières années. Pour citer Clarke et associés, les exportations se réduisent de plus en plus aux produits non ou à peine transformés, en grande partie le pétrole et le gaz. À lui seul, ce constat indique que les grands principes de la théorie des produits de base s'appliquent toujours, surtout concernant les coûts et avantages de la production de pétrole et de gaz.
Je veux parler d'un certain nombre de questions précises.
Il y a tout d'abord les coûts financiers. L'exploitation des ressources exige des investissements majeurs à long terme, surtout pour le pétrole, le gaz et les sables bitumineux en Alberta. Les énormes profits qui seraient réalisés à l'aide des investissements privés équivalent aux énormes pertes que des investissements infructueux pourraient entraîner. Le gouvernement garantit donc ces investissements et demande ultimement à la population d'assumer le risque.
Concernant l'emploi, le secteur du pétrole et du gaz verse directement d'importantes sommes à l'État par les redevances provinciales ou l'impôt sur les entreprises et, indirectement, par les salaires des employés. Comme nous l'avons entendu, une grande partie des emplois dans ce secteur sont toutefois indirects et liés à la construction, aux infrastructures ou aux services.
C'est le cas des projets de pipelines actuels, qui génèrent surtout des emplois au début de la construction. Clarke et associés signalent que les 16 500 emplois directs pour la plupart bien payés que l'industrie pétrolière a créés durant la décennie qui s'est terminée en 2011, surtout en lien avec l'exploitation du bitume, représentent moins d'un pour cent de tous les emplois créés dans l'économie canadienne au cours de cette période. Pour optimiser la création d'emploi liée au pétrole et au gaz, il faut accroître la production à valeur ajoutée.
À ce sujet, la fédération du travail de l'Alberta, l'Institut Parkland et d'autres groupes demandent de valoriser le bitume ici pour maintenir les emplois à valeur ajoutée au Canada, au lieu de l'exporter comme matière première aux États-Unis par le pipeline Keystone ou d'autres.
À l'inverse, les partisans des pipelines affirment qu'il serait trop coûteux de construire l'infrastructure de production au Canada et qu'il vaut mieux profiter des installations existantes dans le sud des États-Unis pour valoriser l'énorme volume de bitume canadien déjà disponible.
Le développement rapide entraîne nombre d'emplois en construction, mais aussi d'énormes dépenses publiques, des coûts liés à l'adaptation sociale dans bien des cas et la production accélérée d'une ressource non renouvelable. L'Institut Parkland a souligné à maintes reprises que l'exploitation plus lente du pétrole et du gaz présente des avantages plus importants à long terme pour l'Alberta et le Canada.
Concernant les compromis, tout développement économique demande des investissements concernant les terres, le capital et la main-d'oeuvre. Dans chaque cas, le niveau d'investissement requis dépend du type d'entreprise et de l'avancement du projet. Un investissement par une société de pétrole et de gaz risque de se faire au détriment d'investissements dans d'autres secteurs, comme les énergies de remplacement.
Concernant les retombées, les coûts liés aux investissements dans le pétrole et le gaz sont compensés en partie par les avantages en amont ou en aval. On parle parfois de l'effet multiplicateur. La fabrication et les services génèrent une importante activité économique au Canada, mais ce sont bien souvent les autres pays qui profitent des avantages indirects de la production de pétrole et de gaz. Les sociétés étrangères, appartenant surtout à des intérêts américains, représentent 71 % des sociétés de pétrole et de gaz en activité au Canada et font en général venir des travailleurs de leurs pays d'origine. Bref, au moins une partie des retombées et des profits de la production de pétrole et de gaz échappent à l'économie canadienne.
Les retombées économiques directes de la production de pétrole et de gaz peuvent être énormes si le prix du pétrole est élevé, mais comme toutes les matières premières, les prix du pétrole et du gaz sont reconnus pour fluctuer. Le prix du pétrole est passé de 17 $ en 1999 à 145 $ tout juste avant la dernière récession. Les fluctuations entraînent des conséquences politiques et sociales réelles pour les économies fondées sur les produits de base. L'Alberta le sait pertinemment. Mais cette volatilité a aussi des conséquences pour l'économie du pays et le dollar canadien.
Il est difficile de calculer et encore plus de prévoir les conséquences du prix du pétrole pour le dollar canadien. Dans son étude sur le projet Northern Gateway, Enbridge affirme que le dollar vaudra 85 ¢ d'ici 2016 et qu'il restera à ce niveau pendant 30 ans, mais l'étude de 2011 de l'Institut canadien de recherche énergétique prévoit qu'il va passer à 1,23 $ d'ici 2030 et à 2 $ d'ici 2044. La volatilité et l'imprévisibilité du dollar entraînent des conséquences négatives pour la production de pétrole et de gaz et toute l'économie canadienne.
Il faut tenir compte des externalités, les coûts qui ne font pas partie du prix de la marchandise ou du produit. La pensée économique actuelle laisse entendre que le prix final d'une activité économique doit refléter et internaliser ses coûts réels. L'environnement constitue souvent un coût exclu, mais il y a aussi la santé, l'éducation, le recyclage professionnel, l'infrastructure et d'autres coûts sociaux absorbés par les personnes, les familles et les collectivités qui participent à l'exploitation du pétrole et du gaz et à d'autres activités économiques.
Enfin, il faut se pencher sur l'inégalité des revenus. Les avantages et les coûts économiques d'une activité ne sont pas répartis uniformément entre les populations ou les régions. L'Alberta a le plus haut revenu moyen au Canada, mais l'enquête de 2012 de Statistique Canada montre que le revenu de 90 % des Albertains n'a pas vraiment augmenté depuis environ 30 ans. C'est en partie à cause de l'inflation, qui est en général supérieure si le développement rapide est axé sur les produits de base. Cette inflation réduit la valeur des revenus que les gens gagnent.
J'ai maintenant terminé mon exposé. C'est avec plaisir que je répondrai aux questions du comité.
Merci.
Je vous remercie de votre exposé, monsieur Harrison.
Nous allons passer directement aux questions et aux observations.
Pour le premier tour, celui de sept minutes, nous avons Mme Block, M. Julian et M. Regan.
Allez-y, madame Block. Vous disposez de sept minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
J’aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins et les remercier de leur témoignage.
Nous avons entrepris cette étude parce que nous avions le sentiment que les effets de l’exploitation de nos ressources pétrolières et gazières sur les autres secteurs — comme ceux de la fabrication, de l’agriculture et de la construction — et, par conséquent, sur les collectivités du Canada, sont très importants.
Monsieur Smillie, votre témoignage ce matin nous l’a certainement confirmé. Durant votre déclaration préliminaire, vous avez dit: « Ces emplois en créent d'autres, qui ne se limitent pas au secteur du pétrole et du gaz. »
Vous avez aussi mentionné, toutefois, un certain nombre de défis, comme la prestation de la formation, de même que la disponibilité et la mobilité de la main-d’œuvre. Dans le Plan d’action économique de 2014, il y a un certain nombre de mesures visant à soutenir les travailleurs de la construction, par exemple la Subvention canadienne pour l’emploi, le nouveau prêt canadien aux apprentis, le versement par l’employeur d’un complément aux prestations d’AE pour les apprentis et la formation technique, ainsi que le projet pilote Souplesse et innovation dans la formation technique des apprentis.
J’aimerais savoir quelle est l’importance de ces mesures pour la formation, en particulier dans votre industrie, tant maintenant que dans l’avenir.
La Subvention canadienne pour l’emploi est la première mesure prise par un gouvernement fédéral en matière de formation depuis longtemps. C’est un pas dans la bonne direction. Nous pourrons former davantage de gens dans nos centres de formation. Nous avons près de 300 centres de formation au Canada, mais actuellement, nous formons uniquement les membres. Mais grâce à la Subvention canadienne pour l’emploi, nous pourrons offrir également cette formation aux membres du public intéressés à suivre une formation dans l’un de nos métiers de la construction.
Ce qui nous plaît le plus à propos de la subvention pour l’emploi, c’est qu’elle est en phase avec ce que sont prêts à faire les employeurs. Elle les oblige à embaucher ces gens à la fin du programme de formation. Dans notre secteur, les employeurs sauront qu’ils ont besoin de 35 charpentiers à Kitimat entre mars et mai. Cela veut dire qu’entre septembre et janvier, ces charpentiers pourront se rendre dans un établissement de formation afin de suivre la formation nécessaire pour satisfaire aux exigences du gouvernement de la Colombie-Britannique relativement au métier de charpentier dans cette province. Cela veut aussi dire que l’entreprise de construction embauchera ces gens et les fera travailler. Il est parfois difficile de convaincre les entreprises d’accepter des apprentis, et la subvention pour l’emploi les encourage à le faire. Nous croyons comprendre, d’après ce que dit RHDCC, qu'on pourra utiliser la subvention pour la formation liée au programme d’études. C’est excellent.
La deuxième partie de votre question concernait le prêt d’études canadien. C’est vraiment ce que souhaitaient les apprentis de la construction depuis longtemps, car leurs cours sont de courte durée — huit ou neuf semaines. Auparavant, pour être admissible au prêt d’études canadien, il fallait suivre un programme de 18 semaines, je crois.
C’est un changement formidable. Cela veut dire que nos jeunes pourront obtenir un prêt pour suivre leur formation en classe à leur collège communautaire, ce qu’ils n’avaient jamais pu faire auparavant.
Je vais vous parler très rapidement du troisième point, car je sais que vous avez peu de temps. Je ne me souviens plus de l’acronyme. C’est le programme souple dans lequel il y aura un projet pilote visant à offrir de la formation d’une façon différente. Cela aidera à résoudre le problème du charpentier du Nouveau-Brunswick qui travaille en Alberta et qui reçoit une lettre du gouvernement néo-brunswickois lui disant qu’il doit retourner là-bas pour suivre sa formation par modules entre telle et telle date. Or, cet homme a un emploi qui lui rapporte 85 000 $ par année et il ne peut pas le quitter pour aller toucher des prestations d’AE et suivre la formation.
Cela permettra à cette personne, espérons-le, de suivre le programme d’études du Nouveau-Brunswick en Alberta au SAIT ou au NAIT. Ces instituts pourront être payés comme il se doit et pourront offrir le programme du Nouveau-Brunswick.
Nous espérons vraiment que cela va fonctionner.
Très bien. Merci.
Voici ma deuxième question. Nous savons que l’un des piliers de notre plan de développement responsable des ressources est l’amélioration des consultations auprès des collectivités autochtones. On y parle également des possibilités qui seraient offertes aux collectivités autochtones et aux Premières Nations.
Votre industrie travaille-t-elle de concert avec les groupes autochtones en vue de déterminer les possibilités d’emploi ou même d’améliorer la formation offerte aux Autochtones?
Je vous remercie de la question. Elle tombe à point.
Nous travaillons actuellement à une entente avec l’Association nationale des centres d’amitié, un organisme national oeuvrant dans les régions urbaines. Nous mettons en place un système afin que lorsque des candidats seront prêts à travailler dans notre industrie ou qu’ils auront seulement besoin de perfectionnement pour le faire, nous pourrons les repérer et leur offrir un accès prioritaire aux programmes d’apprentissage, un peu comme nous le faisons avec le programme Du régiment aux bâtiments, destiné aux militaires libérés des Forces armées. L’Association nationale des centres d’amitié est un organisme clé auquel nous nous associons pour accroître la présence de nos membres.
Au bout du compte, les entreprises doivent aussi s’engager à embaucher ces gens, et lorsque nous négocions avec elles, nous insistons vraiment sur cette activité, entre autres, afin de nous assurer qu’il y a également des besoins locaux en main-d’oeuvre.
Toujours à ce sujet, vous tentez de vous assurer que les entreprises avec lesquelles vous travaillez ont une stratégie pour l’embauche de travailleurs autochtones.
Nous avons constaté que la meilleure façon de procéder, c’est de nous adresser directement aux acheteurs de services de construction — Suncor, Shell, CNRL — et de leur demander, lorsqu’ils s’entendent avec leurs entrepreneurs, d’inclure dans l’obligation contractuelle entre la société énergétique et l'entreprise de construction une exigence voulant que l'entreprise doive faire telle et telle chose et avoir un plan d’embauche si elle fait affaire avec Suncor ou CNRL.
Nous nous efforçons de mettre en oeuvre ces changements sur les chantiers. Le processus est long, mais il y a de très bons exemples, et je pourrais en fournir au comité plus tard par écrit.
Merci, monsieur Smillie.
Merci, madame Block.
Monsieur Julian, vous avez la parole pour sept minutes.
Je tiens à remercier tous nos témoins. Vos témoignages sont très intéressants.
Je vais commencer par vous, monsieur LeFort, parce que vous avez livré un témoignage très convaincant à propos de la durabilité.
Comme vous le savez, je me suis rendu dans la région des sables bitumineux environ une demi-douzaine de fois au cours des 18 derniers mois, et les questions liées à la durabilité intéressent bien des gens de Fort McMurray et de la région. Après avoir quitté ses fonctions, l'ancien député conservateur Brian Jean a également parlé du rythme du développement, comme vous l’avez fait de façon très éloquente aujourd’hui. Je pense que l’on questionne de plus en plus la politique actuelle et l’approche du gouvernement à l’égard des sables bitumineux.
J’aimerais que vous nous parliez un peu plus de la durabilité. Vous avez parlé de la réaction des Américains et des Européens, et j’ai moi-même entendu que l’absence de réglementation en matière de pétrole et de gaz entache vraiment la réputation du Canada à l’échelle internationale et que la raison pour laquelle cela soulève autant d’opposition partout dans le monde, c’est que bien des gens considèrent le manque de responsabilité du gouvernement actuel en matière d’environnement comme totalement irresponsable.
Pourriez-vous nous parler de ce que nous devons faire pour assurer la durabilité dont vous avez parlé de façon si éloquente?
Certainement. Merci, Peter.
Je vis dans une collectivité qui est passée de 25 000 à plus de 100 000 habitants. Quand nous construisons de telles infrastructures, nous devons mettre les choses en contexte. Qu’arrivera-t-il si la société, comme nous le pensons, adopte un point de vue différent sur l’exploitation des sables bitumineux, ou les ressources pétrolières et gazières et les combustibles fossiles? Que ferons-nous d’une collectivité comme Fort McMurray si ce ralentissement se produit?
Quand nous parlons de durabilité, c’est de cela que nous voulons parler: faire avancer les choses afin d’optimiser notre capacité d’extraire les sables bitumineux et d'en tirer le maximum de valeur pour bâtir un pays meilleur. Nous pouvons exploiter la ressource pour l'expédier partout au pays, comme l’ont si bien dit les autres témoins, et bâtir notre pays, que ce soit par l’infrastructure...
Par exemple, les événements de Lac Mégantic ont été une vraie tragédie, comme le fait de transporter le produit sans une législation appropriée, sans que l’on se demande s’il s’agissait de l’infrastructure adéquate pour transporter cette ressource.
Le système ferroviaire est une excellente infrastructure, si nous la construisons à cette fin et à d’autres fins. On nous a parlé du secteur tertiaire, de l’agriculture, par exemple. Je doute que nous ayons actuellement les infrastructures ferroviaires requises pour approvisionner adéquatement ce secteur tertiaire.
Cela doit faire partie d’une stratégie qui signifie tout pour nous; cela veut dire que nous exploiterons cette ressource en sachant qu’à un moment donné, il y aura une fin, pour nous préparer à cette fin durant le processus de transition; cela veut dire que nous l'exploiterons en sachant que nous avons des responsabilités à l’égard du monde, que nous ne le faisons pas dans une mesure qui n’est pas durable, que notre stratégie englobe non seulement l’extraction de la ressource, mais aussi le raffinage et la commercialisation; et cela veut dire que nous acceptons la responsabilité des émissions et que nous proposons un objectif réalisable.
S’il y a une augmentation de nos émissions parce que nous exploitons la ressource, alors il nous faut trouver d’autres moyens de réduire l’ensemble de nos émissions, par exemple en misant sur les infrastructures adéquates pour le transport en commun ou le transport ferroviaire, car nous savons déjà que le transport...
[Note de la rédaction: difficultés techniques]
Je voulais poser ensuite une question à M. Harrison. Combien de temps faudra-t-il pour rétablir la communication?
Il faudra peut-être un certain temps; on ne sait jamais. Si vous voulez poser des questions aux personnes qui témoignent par vidéoconférence, alors pourquoi ne pas utiliser les deux minutes et quelques secondes qu’il vous reste au moment où la communication sera rétablie?
Monsieur Regan, vouliez-vous poser des questions aux témoins qui sont ici? Pourrions-nous laisser M. Regan utiliser son temps de parole, puis revenir à vous lorsque les témoins qui comparaissent par vidéoconférence seront de nouveau avec nous? Qu’en pensez-vous?
Monsieur Regan, vous avez la parole pour sept minutes.
Monsieur Boag, vous avez entendu M. Harrison parler de la valeur ajoutée; je crois que la plupart des Canadiens aimeraient qu'elle s'applique à toutes sortes de produits primaires pour créer de bons emplois au pays. M. Smillie a parlé de nombreux bons emplois dans l’industrie.
Selon M. Harrison, le courant de pensée au sein de l’industrie veut qu'étant donné les grandes quantités de bitume dont nous disposons, la meilleure option consiste à les expédier vers le sud ou vers la côte. De toute évidence, on se préoccupe beaucoup de l’écart entre les prix du WTI et les prix en Alberta — ce qu’on obtient pour notre pétrole, en quelque sorte — et on croit fermement qu’il faut transporter le pétrole jusqu'aux ports de mer afin de pouvoir le vendre au prix du marché mondial et l’expédier partout dans le monde.
À votre avis, qu’est-ce qui fait obstacle à cette valeur ajoutée au Canada?
L’économie du raffinage est très complexe. Comme vous le savez, c’est une industrie très capitalistique. Lorsqu'on parle d’établir une nouvelle capacité de raffinage, pour une raffinerie de taille modeste capable de raffiner les quantités croissantes de pétrole brut lourd, il s'agit d’un investissement de 8, 10 ou 15 milliards de dollars, et bien sûr, la période de récupération pour ce genre d’investissement est de 25 à 30 ans ou plus.
Il faut tenir compte d’un ensemble complexe de variables qui permettent de déterminer s’il s’agit d’un investissement intelligent et s'il y a lieu de régler toutes les questions associées au risque commercial, économique, technique ou réglementaire. La décision d’investir 10 milliards de dollars dans une nouvelle capacité de raffinage n'est pas facile. De plus, il faut évidemment examiner l’offre et la demande au sein d’un marché où les raffineries canadiennes se font concurrence.
Bien sûr, en Amérique du Nord, nos entreprises sont confrontées au défi d'un marché en déclin, étant donné la démographie et la maturité de nos systèmes de transport. D’importantes nouvelles exigences réglementaires entraîneront une économie de carburant substantielle, ce qui diminuera la demande de carburant de notre parc de véhicules. Bien entendu, il faut aussi tenir compte de la diversification des carburants de transport et de l’utilisation accrue des biocarburants, de l’électricité et du gaz naturel.
Tous ces facteurs entrent en jeu et créent un marché stagnant ou en déclin, du moins dans le contexte nord-américain, où les raffineries sont traditionnellement des participants au marché. La situation n’est pas propre au Canada ou à l'Amérique du Nord. C’est essentiellement le cas dans tous les pays développés de l’OCDE.
La capacité de raffinage du Canada est suffisante pour répondre à notre propre demande, et plus. Nous sommes un exportateur net de carburants, et nous en exportons de grandes quantités aux États-Unis et ailleurs. Le défi au sein du marché actuel, c’est que la capacité est déjà supérieure à la demande. Par conséquent, malheureusement, certaines raffineries ferment leurs portes, surtout dans ce qu’on appelle le bassin de l'Atlantique; nous avons une surcapacité.
Malheureusement, on a assisté à la fermeture de certaines raffineries du Canada, dont une tout près de votre circonscription — la raffinerie de la Pétrolière Impériale de Dartmouth — et une autre à Montréal. Il y a 10 ans, une raffinerie d’Oakville a fermé ses portes, et d’autres aux États-Unis, dans les Caraïbes et en Europe ont connu le même sort. Cette situation est le reflet de la dynamique de l’offre et de la demande dans un contexte de surcapacité. C’est donc un énorme défi lorsque vient le temps d’investir 10 ou 15 milliards de dollars dans une nouvelle capacité de raffinage.
Pour être franc, nos membres ont de la difficulté à maintenir des raffineries durables, concurrentielles et ouvertes, surtout dans l’est du Canada. Le bassin de l'Atlantique représente l’un des marchés les plus difficiles à l’heure actuelle, étant donné le déséquilibre entre la capacité et l’offre.
Alors, c'est certain que l'accès au pétrole brut de l'Ouest et la capacité d'avoir accès à un pétrole brut plus diversifié et de faire des choix en fonction des écarts de prix sont des facteurs importants pour assurer la compétitivité des raffineries existantes. En fin de compte, les investisseurs détermineront si ces facteurs ont suffisamment d'incidence sur la dynamique de la concurrence pour justifier un nouvel investissement.
Les investissements pour trouver des débouchés à l'extérieur du Canada sont très difficiles. D'importants investissements se font déjà dans les raffineries sur la côte du golfe aux États-Unis, ainsi qu'en Asie. Il faut se demander si la dynamique de l'offre et de la demande au sein des marchés nord-américains traditionnels et aussi dans le monde entier permet d'atténuer de façon satisfaisante les risques économiques, commerciaux, techniques et réglementaires pour justifier un tel investissement.
Bref, c'est la complexité de... Ce serait bien de dire qu'on peut tout simplement raffiner le pétrole produit ici au Canada, et vendre des produits raffinés. Il faudrait toutefois que le marché s'y prête; il faut pouvoir mettre en marché ces produits et obtenir un rendement du capital investi raisonnable. Voilà les enjeux auxquels sont confrontés les investisseurs d'aujourd'hui.
Outre la question de l'offre et de la demande en Amérique du Nord, pouvez-vous parler d'autres facteurs économiques qui sont pris en compte pour déterminer si la transformation s'effectuera à proximité du lieu de production, du marché ou de la population?
Je crois d'abord que c'est beaucoup plus facile, plus efficace et moins coûteux d'exporter et d'importer le pétrole brut plutôt que les produits raffinés. Le coût du transport des produits raffinés est beaucoup plus élevé que celui du transport du pétrole brut en raison des normes de qualité qu'on doit maintenir. En ce qui a trait à la capacité de répondre plus rapidement à l'évolution de la demande, qu'il s'agisse de tendances saisonnières ou à long terme, c'est plus facile lorsqu'on approvisionne un marché à proximité.
Aujourd'hui, la dynamique est en pleine mutation. La proximité du marché n'est plus aussi importante qu'avant. Elle l'est toujours, mais ce n'est pas un facteur dominant comme c'était le cas avant. Je crois que c'est en partie attribuable à la taille de plus en plus importante des raffineries. Les raffineries qui ont accès aux ports de mer peuvent habituellement recourir à de très grands transporteurs de brut ou même à d'ultragros porteurs de brut pour expédier les produits à un prix concurrentiel sur le marché. Par conséquent, du point de vue canadien, nos concurrents au sein du marché national ne sont plus uniquement les Américains, mais aussi les Asiatiques. La construction d'imposantes raffineries, la présence d'une main-d'oeuvre moins coûteuse et l'application de normes environnementales moins strictes sont autant de facteurs qui pourraient contribuer à la réduction du fardeau financier de nos rivaux asiatiques. La capacité d'expédier de grandes quantités à un coût relativement faible les rend concurrentiels au sein du marché nord-américain. La proximité du marché n'est donc plus le seul facteur qui entre en ligne de compte.
Merci.
Merci, monsieur Regan.
Nous avons eu des problèmes techniques avec la vidéoconférence et nous avons perdu la connexion avec les témoins pendant un certain temps. Le problème est réglé; nous allons donc revenir à M. Julian, qui pourra reprendre ses questions.
Monsieur Julian, il vous reste deux minutes et demie.
Merci, monsieur le président.
Nous sommes heureux de vous revoir, messieurs Harrison et LeFort.
Au sujet de la valeur ajoutée, nous avons entendu le témoignage de l'Alberta Federation of Labour au début de la semaine. Les témoins ont parlé des conséquences des pipelines d'exportation qui permettent d'exporter le bitume brut ou dilué, comme M. Calkins se plaît à l'appeler, et des milliers d'emplois transférés vers nos voisins du Sud. Vous avez tous deux fait référence à la valeur ajoutée.
Quel est le coût de l'exportation du bitume, des billes de bois ou des minéraux à l'état brut par opposition à une production à valeur ajoutée au Canada?
Monsieur Harrison, vous pouvez répondre en premier.
Je n'ai pas de chiffre exact, mais d'après certains témoignages précédents, on comprend que le produit fini a une plus grande valeur. J'ai parlé tout à l'heure des produits de base. Bien sûr, ces projets exigent beaucoup d'investissements. Les actionnaires demandent un rendement du capital investi, ce qui est un inconvénient. Souvent, dans les économies fondées sur les produits de base, la nécessité de payer les actionnaires nous pousse à produire de plus grandes quantités de produits, aux dépens de la valeur ajoutée. On tente de faire plus d'argent en augmentant le volume de production, au lieu de le restreindre pour y ajouter de la valeur.
Étant donné la pression relative à l'exportation du bitume, on investit beaucoup plus d'argent dans le développement des sables bitumineux en vue d'accroître le volume des produits; pour rembourser ces investissements, il faut trouver des façons d'exporter le produit. Nous n'avons pas la capacité de le transformer, mais nous continuons d'en expédier des quantités de plus en plus importantes, dans l'espoir que ce sera payant sur le plan du rendement brut. Je crois que c'est la dynamique actuelle.
Je crois que la situation est très claire lorsqu'on regarde les autres industries, comme la foresterie. La transition vers l'exportation de produits bruts nuit à l'emploi au Canada. Nous avons vu — et nous voyons encore — des collectivités autrefois vivantes qui sont maintenant désertes. À défaut de se concentrer sur l'industrie secondaire, si on peut l'appeler ainsi — c'est-à-dire les usines de papier et les industries qui appuient ces collectivités —, on s'expose à des conséquences catastrophiques: fermetures, postes à pourvoir, villes fantômes, etc.
Je ne crois pas que nous devions nous soumettre à cela. Je crois que nous pouvons faire mieux. Nous pouvons établir des plans non seulement pour l'immédiat, mais aussi pour l'avenir. Je crois qu'il est irresponsable de nous développer sans savoir où nous allons. Comme l'ont dit les autres témoins, nous avons une surproduction et nous sommes pris dans un système qui nous dit que la seule façon de nous en sortir, c'est d'expédier nos produits vers d'autres marchés. C'est ce qui arrive quand on n'établit pas de stratégie. Qu'arrivera-t-il lorsque ce marché ne sera plus là?
Merci, messieurs LeFort et Julian. Nous passons maintenant à la série de questions de cinq minutes. M. Leef prendra la parole en premier, suivi de M. Calkins et de Mme Duncan.
Allez-y, monsieur Leef. Vous avez cinq minutes.
Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins d'aujourd'hui.
Monsieur Boag, je lisais ce document, et certaines statistiques sur les kilomètres de routes et le volume de déplacement des passagers partout au pays sont assez impressionnantes.
Lorsqu'on aborde le sujet de l'énergie pétrolière et gazière, on parle de consommation, mais on ne dit jamais que le pétrole et le gaz ne représentent pas nécessairement l'utilisation finale, dans la plupart des cas. Ils servent plutôt à accomplir d'autres activités, à atteindre d'autres objectifs. Par exemple, ils permettent de déplacer les biens, les fournitures, les services et les personnes. Ils permettent aux gens de se rendre au travail et d'expédier certains produits comme les fournitures médicales essentielles dans tout le pays. Ils facilitent la circulation de tout à l'échelle nationale, mais je crois qu'on n'y pense pas vraiment et qu'on ne reconnaît pas pleinement que la consommation de ces produits n'est pas l'option finale pour nous.
De quelle façon les pipelines facilitent-ils la circulation des personnes et des biens au pays?
D'abord, vous avez tout à fait raison: l'énergie sert, au bout du compte, à offrir un service. Elle n'est pas une fin en soi. Le produit livrable final, c'est le service que les gens s'attendent à recevoir. Qu'il s'agisse de la mobilité des personnes ou des biens ou encore du chauffage et de l'électricité dans les maisons, les Canadiens s'attendent à recevoir ces services; en fait, ils les exigent. Ces produits sont à la base de notre économie et de notre niveau de vie. C'est très bien que vous le reconnaissiez.
Au sujet des pipelines, le lieu d'origine et de production du pétrole n'est pas nécessairement l'endroit où on en a besoin. Nous devons établir une infrastructure énergétique pour extraire et transporter ce produit énergétique brut — dans notre industrie, il s'agit du pétrole brut sous ses diverses formes — vers des installations qui peuvent le transformer en un produit utile dont les gens ont besoin. Dans notre industrie, ce sont principalement les carburants de transport qui permettent ces déplacements, et vous en avez bien souligné l'importance.
Pour nous, les pipelines sont un élément essentiel de la chaîne de valeur pétrolière et gazière, car ils établissent les liens nécessaires entre l'endroit où se trouve la matière première, l'installation de transformation et les autres installations. La plupart des gens ne savent pas qu'un important réseau de pipelines — surtout ici dans l'est du Canada, en Ontario et au Québec — transporte les produits finis jusqu'au marché. L'essence ou le carburant diesel que vous achetez à votre station-service à Ottawa est probablement transporté par pipeline à partir de Montréal. Le terminal se trouve dans la partie sud-ouest de la ville. C'est un grand terminal, à partir duquel on transporte les produits par camion jusqu'aux installations.
Les pipelines font partie intégrante de la chaîne de valeur pétrolière et gazière. On les appelle souvent la composante intermédiaire de l'industrie, et ils permettent d'établir un lien entre l'amont et l'aval. Dans le contexte des pipelines de produits, ils permettent aussi de transporter le produit directement jusqu'au consommateur, ou presque.
Les pipelines occupent une place importante dans notre industrie. À mesure que nous augmentons notre production de pétrole brut, nous sommes confrontés aux limites de l'infrastructure existante. De toute évidence, l'infrastructure dont j'ai parlé dans ma déclaration préliminaire — qui permettra le transport du pétrole brut de l'Ouest canadien jusqu'à Montréal et aux raffineries du Québec, et même du Canada atlantique — est un élément clé qui nous aidera à rester concurrentiels et à continuer de fournir les carburants essentiels à la mobilité des Canadiens.
C’est très gentil de votre part. Vous êtes un brave homme, nous le savons tous.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Je crois que vous êtes le meilleur député du Yukon, monsieur Leef; vous êtes le seul, oui, mais vous seriez le meilleur de toute façon.
Monsieur Calkins, vous avez cinq minutes. Allez-y.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence aujourd’hui.
Monsieur Smillie, vous avez dit que 82 000 travailleurs de l'Alberta provenaient d’autres régions. Vous avez dit que ce nombre représentait 45 % des travailleurs des camps, je crois. Ils y sont de façon transitoire. La plupart des travailleurs que vous représentez sont bien sûr dans la construction. De nature, les emplois en construction sont temporaires. Les travailleurs passent d’un endroit à l’autre. Pourriez-vous nous dire d’où proviennent ces 82 000 travailleurs? Avez-vous ces renseignements? Est-ce que votre organisation consigne de tels renseignements sur la province d’origine des travailleurs?
Ils viennent de toutes les provinces. Nous avons un système de cartes de voyage; lorsque les travailleurs n’ont plus de travail dans leur province ou décident de travailler dans l’Ouest, ils peuvent se déplacer vers un nouveau lieu de travail.
Nous pourrions essayer de décortiquer ce nombre pour vous. Les travailleurs viennent principalement de l’Ontario, de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan, du Manitoba, du Québec, du Nouveau-Brunswick, de l’Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse. Ils viennent de partout.
Je dirais que 95 % des travailleurs qui vivent dans les camps sont des Canadiens et que 5 % viennent des États-Unis ou du Royaume-Uni, s'ils sont des travailleurs de la construction.
D’accord. Très bien.
Vous dites que ces emplois créent de l’emploi — je suis d’accord — et que la diminution du nombre de projets a une incidence sur les emplois dans la construction. Certaines personnes autour de la table ont fait valoir qu’il fallait peut-être changer le rythme. Je ne dis pas qu’ils ont raison ou tort; je dis simplement que c’est ce qu'elles ont fait valoir.
Pourriez-vous nous en parler un peu et peut-être expliquer aux membres du comité et aux témoins les délais d’approbation associés à certains de ces projets? Croyez-vous avoir l’effectif nécessaire pour les réaliser?
Je vais vous parler un peu de Kitimat, puisqu'il s'agit du principal projet à l’heure actuelle. C’est un terminal de gaz naturel liquéfié en Colombie-Britannique. Nous planifions actuellement l’effectif qui sera affecté au projet, en collaboration avec une importante entreprise de construction et une grande société pétrolière. Certaines d’entre elles sont partenaires du projet. Nous planifions actuellement l’effectif qui commencera les travaux bientôt.
En règle générale, une entreprise énergétique décide d’entreprendre un projet d’expansion et lance un processus de demande de propositions qui permet aux entreprises de construction de présenter une soumission dans le cadre du projet. Ce processus est habituellement lancé deux ans avant le début des travaux. Il se passe environ deux ans entre le moment où Suncor, Exxon ou Imperial décide de construire une installation et le moment où les travailleurs commencent les travaux. Au cours de cette période, il y a le processus de soumission, l’ingénierie et toutes sortes d’autres activités. Dans le cas du pipeline du Mackenzie, on attend toujours, donc…
Des voix: Oh, oh!
M. Christopher Smillie: J’essaie de vous faire rire un peu.
Oui.
En fin de compte, ces projets ne sont pas acceptés du jour au lendemain. Dans le passé, il fallait habituellement compter cinq, six, sept ou même huit ans avant d'avoir réglé les questions réglementaires et d'entreprendre le travail sur le terrain.
Nous savons que la situation a changé. Nous savons que l'ONE a maintenant établi des périodes d'examen maximales, ce que nous encourageons. Nous voulons garantir un examen rigoureux et approfondi. Nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire que deux administrations examinent les projets. Nous devrions appliquer les règles de la façon la plus rigoureuse possible et établir une période d'examen maximale.
Merci beaucoup. J'apprécie votre témoignage.
Monsieur Boag, j'aimerais vous entendre, rapidement. Vous avez dit que certaines personnes autour de cette table — je crois qu'il s'agit de M. LeFort — avaient fait valoir que nous dépendions de l'importation du pétrole. À mon avis, les pays qui sont des exportateurs nets d'un produit ne dépendent de rien. Ce sont uniquement les facteurs économiques qui déterminent la source du pétrole.
La canalisation 9 sera inversée, et j'espère que nous obtiendrons une réponse de l'ONE aujourd'hui. Espérons que la réponse soit positive. Je maintiens ma position: bien franchement, je trouve ridicule que l'ONE participe au processus d'audience publique ou au renversement du flux de la canalisation. Le CN ne demande pas la permission avant qu'un train ne fasse demi-tour et...
Je le sais.
De toute façon, quand la situation économique a-t-elle changé pour faire en sorte qu'il soit plus rentable de transporter le pétrole de l'ouest vers l'est du Canada? Si on va de l'avant avec la pleine mise en oeuvre de la canalisation 9, quelle en sera l'incidence sur le ratio, qui est actuellement de 60:40?
D'abord, la situation économique a probablement changé, surtout au cours des 10 dernières années. Je crois toutefois qu'il faut tenir compte du contexte: ce n'est pas la première fois que la situation économique change.
Ce pipeline a été construit dans les années 1970 et visait précisément le transport du pétrole de l'ouest vers l'est du Canada. C'était à l'époque de l'embargo pétrolier de l'OPEP et des perturbations au Moyen-Orient. L'économie a changé et dans les années 1990, ce pipeline a été inversé pour qu'on puisse acheminer le pétrole brut importé jusqu'à Sarnia.
La situation économique a une fois de plus changé, et nous avons maintenant l'occasion de transporter 300 000 barils de pétrole par jour. C'est la demande faite à l'ONE par Enbridge. Cette quantité suffirait à répondre à l'ensemble des besoins de la raffinerie Suncor de Montréal et à la moitié des besoins de la raffinerie Valero.
On pourrait réduire la quantité de barils importés dans l'est du Canada — soit 600 000 à 700 000 — de quelque 300 000 barils.
Merci.
Merci beaucoup. monsieur Calkins.
La parole est maintenant à M. Duncan, qui disposera de cinq minutes. Suivront ensuite Mme Crockatt et M. Giguère.
Monsieur Duncan, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les participants, surtout ceux de l'Alberta qui on dû se lever au petit matin pour témoigner. J'espère qu'on vous donne assez de café.
Monsieur Harrison, vous savez sûrement qu'il y a 10 ans, la province de l'Alberta et le gouvernement fédéral, je crois, on participé à un examen exhaustif des sables bitumineux, de la rentabilité, etc. Beaucoup d'intervenants y ont participé, peut-être même vous. Plusieurs rapports ont été publiés par la suite. Le gouvernement de l'Alberta a engagé M. Radke, un ancien sous-ministre du gouvernement de l'Alberta, pour réaliser un examen des coûts et des avantages, et de l'état de la situation. Dans son rapport, M. Radke a fait la même recommandation que l'ancien premier ministre Lougheed, c'est-à-dire de contrôler le rythme de l'industrie.
L'augmentation des coûts comptait parmi les arguments importants présentés en ce sens. Nous avons entendu certains témoins. Le Conference Board du Canada a parlé des 100 milliards de dollars investis, mais ce montant vise uniquement à extraire le bitume du sol. Si tous les fonds y sont consacrés, il ne reste plus rien pour le secteur de M. Boag: les raffineries.
Monsieur Harrison, pourriez-vous nous parler des conséquences pour les autres secteurs — surtout le secteur de la construction municipale —, de la concurrence pour les travailleurs et des coûts élevés associés à cette industrie frénétique en pleine croissance dans le nord de l'Alberta?
Tous ceux qui y sont allés savent que Fort McMurray est un endroit assez unique, à de nombreux égards. C'est une petite économie unique au sein de la province de l'Alberta.
L'un des problèmes des autres municipalités — du gouvernement provincial et de l'ensemble des Albertains —, c'est que ce secteur tend à fausser les paramètres économiques de la province. Par exemple, le taux salarial est très élevé à Fort McMurray; il est donc parfois très difficile de convaincre les gens de travailler dans d'autres régions de l'Alberta. On se retrouve avec un taux d'inflation très singulier établi par Fort McMurray, mais qui infiltre le reste de la province, ce qui entraîne toutes sortes d'autres problèmes dans la province.
Vous avez parlé des gros investissements en capital pour un projet en particulier. Ce genre d'investissements tend à fausser les paramètres économiques de toutes sortes de façons — les salaires et tout le reste — et à favoriser la production de produits bruts par opposition à la valeur ajoutée.
Jusqu'à sa mort, le regretté premier ministre Lougheed a encouragé le gouvernement de l'Alberta à trouver un meilleur rythme de développement. Selon lui, c'était trop rapide.
Ces grands investissements dans une seule ressource me font penser aux propos de M. LeFort. Tout au long de l'histoire du Canada, nous avons vu des villes industrielles connaître un essor fulgurant pour ensuite disparaître soudainement. Que faire alors de tout l'argent, de toutes les ressources et de toute l'activité humaine investis?
J'aimerais parler rapidement de mon expérience personnelle. J'ai travaillé à Fort McMurray pendant plusieurs années, dans les années 1980. En fait, ma fille y est née. Je me souviens très clairement du matin de la fermeture d'Uranium City, et ce n'est pas la seule de l'histoire du genre au Canada. À de nombreuses reprises au cours de l'histoire, on a investi d'énormes sommes d'argent dans des villes industrielles puis, pour une raison ou une autre — parfois des innovations techniques, de nouvelles tendances ou de nouvelles modes d'ailleurs —, l'économie ne fonctionnait tout simplement plus et les villes fermaient soudainement.
Lorsqu'on parle de rythme, pour bien faire les choses, il ne faut pas seulement penser à court terme, mais aussi à la façon de renforcer l'économie, les collectivités et le pays à long terme plutôt que de faire des investissements massifs dans une seule ressource. C'est ce qui me semble être le problème.
Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec moi, mais comment peut-on s'y prendre pour bien faire les choses?
Merci.
Il me reste quelques secondes. J'aimerais poser une courte question à M. Smillie.
Est-il juste de dire que la majorité des travailleurs de la construction n'ont pas de préférence quant au travail, mais aimeraient avoir un emploi payant? En d'autres termes, les travailleurs de la construction ne veulent-ils pas simplement un emploi payant, qu'il soit dans le domaine des infrastructures municipales ou des pipelines?
Merci, madame Duncan.
Nous passons maintenant à Mme Crockatt, puis à M. Giguère et à M. Trost.
Madame Crockatt, vous avez la parole.
Merci beaucoup.
Je souhaite la bienvenue à tous les témoins.
Monsieur Smillie, je tiens tout à bord à souligner que lors de votre dernier témoignage devant le comité, vous représentiez 550 000 travailleurs; aujourd'hui, vous en représentez 600 000.
Avez-vous déjà vu une telle augmentation du nombre d'emplois? Est-ce que cette augmentation depuis le mois d'avril est surtout attribuable au secteur pétrolier et gazier?
L'augmentation est attribuable à deux facteurs: d'abord, les travaux relatifs aux infrastructures municipales en Ontario dont a parlé Mme Duncan, et aussi les diverses fermetures en Alberta en raison des cycles d'entretien.
Le portrait à un moment précis dépend de la situation. Toutefois, une variation de 5 à 8 % du nombre de membres n'est pas inhabituelle. Parfois, dans certains marchés, nous n'arrivons pas à répartir les travailleurs sur les sites; ils trouvent donc un emploi ailleurs.
Nous avons assurément constaté une augmentation des activités dans le secteur des nouvelles constructions. En 2012, par exemple, seulement 5 millions d'heures avaient été consacrées aux nouvelles constructions des sables bitumineux; en 2013, c'était près de 21 millions d'heures. Les activités dans le secteur des nouvelles constructions ont certainement augmenté d'année en année en Alberta.
Je crois que M. Boag a expliqué très clairement les défis auxquels sont confrontées les raffineries aujourd'hui, pour demeurer rentables et poursuivre leurs activités.
Monsieur Boag, quel serait le meilleur moyen pour le Canada d'aider les raffineries à cet égard?
Il faut veiller à ce que l'environnement économique... il faut tenir compte de plusieurs variables. D'abord l'infrastructure — nous en avons parlé un peu aujourd'hui — et l'importance de l'accès des raffineries canadiennes à un approvisionnement varié de produits bruts leur permettant de faire des choix en fonction de la disponibilité, de la qualité et du prix. Les choix sont beaucoup plus restreints dans l'est du Canada à l'heure actuelle; voilà certainement un facteur.
L'autre facteur, dont nous n'avons pas parlé, c'est notre environnement réglementaire. Nous subissons des pressions réglementaires. Je ne veux pas dire que les exigences de plus en plus strictes en matière de rendement environnemental ne sont pas une bonne chose. Nous nous améliorons continuellement notre rendement environnemental.
On peut examiner la façon dont le Canada, à l'échelon provincial ou fédéral, impose de nouvelles exigences réglementaires à notre secteur du raffinage. Nous voulons une approche fondée sur une analyse solide des coûts-avantages et veiller à ce que nos investissements permettent d'optimiser la valeur des produits, d'accroître la qualité de l'environnement et d'améliorer la santé des Canadiens. Nous devons prendre une bouchée à la fois, établir les priorités et maintenir un certain rythme pour permettre à l'industrie de digérer les nouvelles exigences réglementaires.
Il ne faut pas oublier que nous livrons concurrence dans un milieu où les exigences environnementales des diverses administrations ne sont pas les mêmes. Dans la plupart des cas, nous devons tenir compte de l'harmonisation. Le Canada et la plupart des provinces ont très bien réussi à harmoniser en grande partie la substance et le rythme de notre réglementation sur l'environnement avec celle de notre grand concurrent: les États-Unis.
Le gouvernement peut certainement prendre des mesures pour favoriser la création d'un environnement économique, réglementaire et infrastructurel qui assure la viabilité et la compétitivité du secteur du raffinage canadien.
D'accord.
Permettez-moi de préciser ma question. Je crois que nos deux témoins ont indiqué que les collectivités peuvent être grandement bouleversées par le développement de l'industrie gazière et pétrolière.
Croyez-vous qu'il est possible de garder ouvertes des raffineries de second plan ou des raffineries commercialement précaires, ou de permettre la réouverture ou l'agrandissement de certaines raffineries grâce au développement de l'industrie gazière et pétrolière?
Ma question s'adresse à vous deux. Si vous pensez que c'est possible, où croyez-vous que cela pourrait arriver, et pouvez-vous me donner des exemples?
Bien sûr.
Nous avons parlé des problèmes du secteur du raffinage. Nous avons souligné qu'il y a eu des fermetures dernièrement, mais quelques autres installations ont connu une certaine croissance. Au nord d'Edmonton, il se construit actuellement la première nouvelle raffinerie à voir le jour au Canada depuis 30 ans.
Le secteur ne connaît pas que des problèmes et des replis. Nous avons assurément vu...
Oui. Une coopérative de raffinage de Regina s'est considérablement développée ces dernières années, et sa capacité est passée de 100 000 à 145 000 barils par jour... Il y a le projet d'unité de valorisation et de raffinage de North West Redwater, au nord d'Edmonton, dont la première partie est en construction et dont la capacité initiale sera de 50 000 barils par jour... Nous avons vu une croissance chez Irving; nous avons vu une croissance pour les raffineries de Petro-Canada.
Merci, madame Crockatt. Votre temps est écoulé.
La parole est maintenant à M. Giguère. Il sera suivi de M. Trost et de M. Julian.
Monsieur Giguère, allez-y, s'il vous plaît.
[Français]
Je remercie les témoins d'être venus nous rencontrer. Pour ce faire, certains d'entre eux ont dû se lever très tôt ce matin. J'apprécie le fait qu'en participant à ce comité, ils contribuent à améliorer le rendement économique que le Canada peut tirer de l'exploitation de ses ressources naturelles.
J'ai entendu le représentant du gouvernement dire que l'Office national de l'énergie serait exclus du dossier concernant l'approbation de la construction des pipelines et que ce serait confié directement à la compagnie Enbridge.
Est-ce à dire que l'industrie pétrolière demande officiellement au comité de recommander l'abolition de l'Office canadienne de l'énergie?
[Traduction]
Absolument pas. Je ne comprends pas exactement pourquoi on peut penser que nous aurions demandé une telle chose.
[Français]
J'apprécie beaucoup cette réponse. On peut donc compter sur le fait que le gouvernement ne confiera pas ce pouvoir réglementaire à une compagnie privée.
Ma prochaine question, qui porte sur la valeur ajoutée, s'adresse plus particulièrement à M. Harrison.
Au Canada, nous allons exporter du pétrole issu des sables bitumineux. Or ces derniers demandent déjà un traitement spécifique en matière de raffinage et de craquage.
Avant d'exporter cette ressource naturelle à partir d'un endroit comme le Port de Gros-Cacouna, ne pourrait-on pas déjà développer sur place un premier traitement qui accroîtrait la valeur ajoutée et faciliterait l'exportation de ce produit à l'échelle mondiale?
[Traduction]
Je crois que l'une des choses que l'on entend — et que je répète et qu'un certain nombre de personnes soutiennent aussi —, c'est que l'exécution du raffinage en sol canadien se traduit par de bons emplois, lesquels seront perdus si nous laissons effectivement d'autres s'en occuper. L'une des façons de protéger les travailleurs canadiens, leurs collectivités et l'économie canadienne dans son ensemble est de raffiner le produit brut ici autant que faire se peut et, toujours dans une optique d'étalement du développement, d'envisager la possibilité de réduire les quantités exportées, mais en augmentant la valeur ajoutée du produit plutôt que d'exporter la plus grande quantité de produit brut d'un seul coup.
[Français]
Merci.
Dans un document, on nous indique qu'au Canada, la capacité de raffinage est de 1 973 000 barils par jour. Or il s'agit là d'une capacité maximale optimisée. Si je ne m'abuse, Statistique Canada a indiqué que cette capacité se situait davantage autour de 1 600 000 barils par jour et que notre consommation représentait en réalité 1 800 000 barils. Le Canada est donc un importateur net d'essence.
Ne trouvez-vous pas un peu bizarre que le Canada, un pays qui croule sous le pétrole, doive importer de l'essence?
[Traduction]
En ce qui concerne l'essence, le Canada n'est pas un importateur net mais bien un exportateur net. Nous exportons d'importantes quantités d'essence dans le nord-est des États-Unis. La capacité de raffinage actuelle du Canada est d'environ 2 millions de barils par jour tandis que la production réelle se rapproche plutôt de 1,6 ou 1,7 million de barils par jour. L'utilisation actuelle de la capacité de notre secteur du raffinage est donc d'un peu plus de 80 %, ce qui signifie, dans une certaine mesure, qu'il y a sous-utilisation des capacités existantes. En dépit de cela, nous sommes un exportateur net, et notre principal client est les États-Unis.
[Français]
À Montréal, il y avait une raffinerie de la compagnie Shell, qui a fermé ses portes essentiellement parce que Shell importe maintenant son essence d'une raffinerie située dans l'État de New York. Si jamais vous vouliez réintroduire une raffinerie de Shell à Montréal, je vous assure que vous seriez le bienvenu. Nous préférerions de beaucoup consommer de l'essence produite dans une raffinerie du Québec que d'en importer de l'État de New York.
On nous a aussi parlé de valeur ajoutée. On va faire venir des pétroliers dans le golfe du Saint-Laurent pour exporter notre pétrole. Pourquoi ces pétroliers, à l'image de ce qui se fait en Alaska, ne seraient-ils pas canadiens? Pourquoi ne seraient-ils pas dotés d'un équipage canadien...
[Traduction]
Monsieur Giguère, votre temps est écoulé. Vous n'aurez pas assez de temps pour poser une question, alors je crois que nous allons considérer votre intervention comme une observation.
Passons maintenant à M. Trost. Ce sera ensuite le tour de M. Julian, puis de M. Calkins.
Monsieur Trost, allez-y. Vous avez cinq minutes.
Oui, merci, monsieur le président.
Comme le dit le titre de notre étude, nous examinons les avantages de l'industrie pétrolière et gazière dans l'ensemble du Canada. Au cours des derniers jours, j'ai souvent interrogé les témoins au sujet des avantages dans certains domaines auxquels on ne penserait pas d'emblée. L'un de nos témoins, ou quelques-uns d'entre eux ont parlé des avantages pour certaines régions du Canada atlantique que l'on ne perçoit pas comme importantes dans l'industrie. Par exemple, le Nouveau-Brunswick a évoqué la possibilité de se développer suffisamment pour arrêter d'être un bénéficiaire de la péréquation et devenir une province nantie.
Monsieur Smillie, si les provinces comme le Nouveau-Brunswick et le Québec devaient connaître un développement substantiel — avec, par exemple, une percée dans l'exploitation du pétrole de schiste de réservoirs étanches —, dans quelle mesure vos membres seraient-ils en mesure de fournir de la main-d'oeuvre pour appuyer ce développement? Vous avez dit que la moyenne d'âge de vos membres est de 51 ans. Auriez-vous suffisamment de travailleurs pour appuyer un bond soudain de la croissance au Québec et au Nouveau-Brunswick? Que ferez-vous si cela arrive?
La main-d'oeuvre disponible pour ces projets est utilisée à sa pleine capacité. Nous en sommes au point où il nous faudra former des dizaines de milliers de jeunes travailleurs pour répondre à l'énorme demande qu'on nous annonce.
Issu de l'ancien Conseil sectoriel de la construction, ConstruForce Canada est un groupe de travail dirigé par l'industrie. L'organisme vient de publier ses statistiques sur la main-d'oeuvre, et je crois que l'on prévoit qu'il faudra jusqu'à 200 000 nouveaux travailleurs pour pourvoir les postes vacants à compter de 2018. Nous devons modifier l'orientation de notre système d'enseignement et veiller à ce que les jeunes soient au courant des possibilités d'emploi futures, voire des possibilités d'emploi actuelles. Si la croissance du Nouveau-Brunswick et du Québec explose et que celle de l'exploitation extracôtière à Terre-Neuve double ou triple, l'industrie de la construction aura besoin de milliers de nouveaux travailleurs.
Si je comprends bien, le développement de l'industrie gazière et pétrolière dans l'est du pays se traduira par des emplois payants pour les jeunes. Au lieu des taux de chômage élevés, nous pourrions très bien nous retrouver avec des pénuries de main-d'oeuvre partout au pays.
Cela ne serait pas étonnant. Tout d'abord, les gens des provinces de l'Est retourneraient chez eux. Ils n'auraient plus à travailler dans l'Ouest canadien ou en Colombie-Britannique. On assisterait à une redistribution de la main-d'oeuvre. Je crois qu'ils chercheront à se rapprocher de leur foyer et à travailler près de leurs familles. Il y aura aussi la possibilité de former la main-d'oeuvre locale dans le cadre des projets qui verront le jour dans ces provinces, pour peu que nous arrivions à bien maîtriser la question de la formation et que nous nous assurions d'informer les jeunes au sujet des occasions d'emploi qui s'offrent à eux.
Monsieur Boag, vous avez aussi indiqué que votre industrie — ou les raffineries et certains pans de votre industrie — est plus concentrée dans l'Est du Canada, encore une fois à des endroits où l'on n'aurait pas soupçonné voir les avantages s'accumuler pour cette industrie.
Un développement accru de l'industrie au Nouveau-Brunswick, au Québec, etc., générerait-il des retombées positives directes pour les raffineries? Dans ces régions, il est surtout question de gaz, mais la présence de grands fournisseurs de gaz naturel a tendance à favoriser le développement de l'industrie pétrochimique. Y aurait-il plus d'avantages pour votre secteur particulier?
Il m'est difficile de me prononcer pour notre secteur de l'industrie. Je ne suis pas un spécialiste du gaz naturel, et je ne suis pas un spécialiste de cette composante du secteur, mais toute activité positive de la sorte procurera des retombées avantageuses qui risquent d'avoir une incidence sur nos membres.
En ce qui concerne le gaz naturel, il importe de mentionner que c'est le carburant de prédilection pour faire fonctionner les raffineries. Or, l'un des désavantages qu'ont les raffineries de l'Est du Canada, et notamment celles de Terre-Neuve, c'est l'absence de gaz naturel en tant que carburant, ce qui les force à recourir à des carburants beaucoup plus chers. Dans cette optique, l'accès au gaz naturel sera assurément un facteur important pour améliorer la compétitivité des raffineries de l'Est du Canada.
Alors, le développement du gaz naturel ferait baisser les coûts de production, s'il devenait une source locale de carburant bon marché...?
Désolé, monsieur Trost, mais votre temps de parole est écoulé.
Nous passons maintenant à M. Julian, pour cinq minutes. M. Calkins suivra.
À vous, monsieur Julian.
Merci beaucoup.
J'aimerais revenir sur une observation que vous avez faite, monsieur Harrison, au sujet des pertes de contrôle aux intérêts étrangers, de la prépondérance des compagnies étrangères qui travaillent dans les sables bitumineux. C'est quelque chose que j'ai pu constater de visu à Calgary lorsque le gouvernement a approuvé la prise de contrôle de Nexen par CNOOC. Les habitants de Calgary étaient très préoccupés. Je me suis rendu sur place trois ou quatre fois et j'ai parlé avec des personnes qui travaillaient dans l'industrie du gaz et du pétrole et, bien sûr, avec d'autres au sein d'organisations évoluant à l'extérieur du secteur, mais qui avaient bénéficié du soutien de Nexen. Je pense que cette transaction qui a été approuvée en bonne et due forme fournit un exemple consternant de ce que vous avez dit craindre des pertes de contrôle.
L'Alberta Federation of Labour a aussi témoigné — même s'il s'agit d'une compétence provinciale — au sujet du faible taux de redevances que la province reçoit pour l'exploitation de ses ressources, c'est-à-dire moins que ce que reçoit un pays du tiers monde comme l'Angola. Plus tôt cette semaine, nous avons aussi eu des témoignages sur l'absence de fonds souverain. Des pays comme la Norvège ont mis en place un mécanisme de soutien permanent très robuste afin que la viabilité dont parlait M. LeFort... La constitution par l'État norvégien d'un solide fonds souverain au fil des ans permet d'assurer la viabilité et la prospérité à long terme du pays.
Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez des pertes de contrôle, ce que vous pensez de toutes ces décisions profondément irresponsables et largement inspirées par le gouvernement fédéral qui font que les Albertains et l'ensemble des Canadiens ne retirent pas autant d'avantages de l'exploitation de leurs ressources que si nous avions des politiques sensées nous permettant de stopper les pertes de contrôle et de nous assurer que les avantages découlant des ressources sont bel et bien partagés par les Albertains et les Canadiens?
Oui, bien sûr.
Tout au long de son histoire, le Canada a essayé de devenir un pays indépendant, ce qui, vous en conviendrez, est un objectif très difficile à atteindre sur un continent comme l'Amérique du Nord. Nous nous sommes toujours posé la question: sommes-nous une simple succursale d'un autre pays, et surtout, des États-Unis? Alors je crois que, pour bien des gens, l'une des préoccupations au sujet du pétrole et du gaz... Comme je l'ai dit, 71 % des entreprises qui évoluent au Canada appartiennent à des intérêts étrangers et surtout à des intérêts américains. Ces intérêts ont donc un contrôle énorme quant à l'orientation de l'économie et de la politique.
Vous avez parlé du fonds de la Norvège. Le fonds de la Norvège s'est en fait inspiré du modèle de l'Alberta Heritage Savings Trust Fund que le premier ministre Peter Lougheed avait proposé. Le fonds de la Norvège a en fait été créé 20 ans après celui de l'Alberta. À titre de comparaison, je crois que le fonds albertain s'élève aujourd'hui à 14 milliards de dollars, et il est au même point depuis des années. Aux dernières nouvelles, je crois que le fonds souverain de la Norvège s'élevait à environ 770 milliards de dollars. Comme ce sont les Norvégiens qui contrôlent le fonds, ils placent cet argent dans un fonds d'investissement, mais ils investissent aussi à l'extérieur du pays. Cela leur permet entre autres de contrôler l'inflation. Comme je l'ai dit, l'une des choses qui minent vraiment les revenus réels des Albertains est la présence constante de l'inflation.
Tout se résume donc au contrôle politique et à la volonté d'utiliser les ressources pour assurer le développement de la société et du pays dans le sens souhaité. Il ne fait aucun doute que le pétrole — qui a, dans une certaine mesure, été la denrée de base la plus importante du XXe siècle — continuera d'occuper une place très importante au XXIe siècle et que son seul rival sérieux sera probablement l'eau, bien qu'il pourrait y avoir des bouleversements à ce chapitre. Les innovations et les changements technologiques pourraient bien venir tout changer.
Certains parlent même d'un avenir postcarbone. Si ce devait être le cas, nous devons réfléchir à la façon de constituer une capacité à partir de nos ressources actuelles afin que les Albertains et les Canadiens en général puissent se projeter de façon responsable dans l'avenir. Nous devons utiliser cette formidable ressource dans une optique de durabilité de manière à ce qu'elle profite aux générations futures et éviter de nous laisser séduire par le chant des sirènes.
Merci.
Monsieur LeFort, j'aimerais vous poser la même question. Vous avez soulevé la question du rythme du développement, mais aussi celle de la façon dont le gouvernement fédéral structure le développement des ressources et qui fait en sorte que les Canadiens en retirent beaucoup moins que ce qu'ils devraient en retirer, tant au chapitre des emplois à valeur ajoutée — vous en avez parlé — que des revenus de l'État.
Comment se fait-il que le Canada se débrouille si mal comparativement à d'autres pays à l'échelle internationale?
Malheureusement, monsieur LeFort, vous n'aurez pas le temps de répondre. Le temps de parole de M. Julian est écoulé.
Nous laissons maintenant la parole à M. Calkins, qui sera suivi par M. Leef.
Merci, monsieur le président. Je vais essayer de poser ma question avant que ne commence la ruée des Albertains vers l'Angola.
J'aimerais parler encore un peu à M. Smillie. Lorsque nous avons abordé la question de l'enseignement, j'ai remarqué que vous avez mentionné des établissements comme le Northern Alberta Institute of Technology et le Southern Alberta Institute of Technology. J'étais membre du corps professoral du Collège de Red Deer College. J'y ai enseigné la technologie des systèmes informatiques pendant quelques années. Depuis le moment où j'ai commencé à enseigner là-bas, en 2000, les volets du programme du College de Red Deer ont changé du tout au tout. Le volet commerce connaît un essor phénoménal. L'établissement n'arrive pas à trouver assez d'enseignants, car ils doivent eux-mêmes évoluer dans le domaine pour pouvoir enseigner. C'est un problème récurrent. De nombreuses ressources ont été réorientées pour modifier le mode de prestation, mais le collège n'arrive toujours pas à suivre la cadence.
L'Alberta n'arrive toujours pas à répondre à la demande pour des travailleurs spécialisés. La venue en Alberta de quelque 80 000 personnes de partout au Canada — et maintenant en Saskatchewan — me réjouit, et je ne peux qu'être reconnaissant à cet égard. J'ai bon espoir que le Canada atlantique aura lui aussi l'occasion d'exploiter ses ressources. Cette nouvelle donne ne fera qu'augmenter la concurrence à l'échelle du pays, ce qui permettra d'améliorer les conditions de travail et ainsi de suite.
Mais je voulais parler de la question de l'enseignement. Dans une de mes collectivités, l'agglomération de Breton, où les gens travaillent dans les champs pétrolifères et vivent à l'endroit même où le pétrole est extrait, un groupe de citoyens concernés — même des membres du conseil scolaire, des enseignants de la région, et ainsi de suite — essaie d'exploiter la souplesse du programme d'enseignement de l'Alberta pour préparer les jeunes qui finissent leur cours secondaire à aller travailler tout de suite dans le secteur du pétrole et du gaz, car ils savent que c'est un domaine des plus prometteurs pour eux.
Pouvez-vous nous expliquer ce que votre organisme pourrait faire en ce sens? Croyez-vous qu'il pourrait s'associer avec ces collèges et ces instituts techniques — par le biais de l'Alberta Teachers' Association ou d'une autre façon — pour inciter le gouvernement provincial à adapter son programme et à préparer les gens en fonction de cette demande?
Nous travaillons en partenariat avec les collèges communautaires et les instituts techniques dans l'ensemble du Canada. Nous travaillons en collaboration pour offrir le programme. Par exemple, il arrive qu'un établissement n'offre pas le cours de soudure de troisième année, alors nous veillons dans ces cas-là à offrir cette partie du programme à sa place, ce qui peut aussi arriver lorsque la demande de l'industrie se fait particulièrement pressante. J'aime votre exemple de Breton, où les personnes concernées s'adressent aux étudiants du niveau secondaire. Il n'y a pas longtemps, j'ai parlé à un groupe d'étudiants de l'école technique d'Ottawa. Au fil des ans, le nombre d'inscriptions est passé de 3 000 à moins de 500. Alors, les instituts et collèges de formation sont importants, mais nous devons joindre les jeunes avant qu'ils n'arrivent là. Nous devons faire ce que font les gens de votre circonscription: aller parler aux étudiants des écoles secondaires.
À Oakville, là où j'ai grandi, mon école secondaire n'offrait même pas de formation professionnelle. Les gouvernements provinciaux doivent comprendre — et je dirais celui de l'Ontario en particulier puisqu'il s'agit de la province la plus populeuse — et remettre la formation technique au goût du jour dans les écoles secondaires et pousser les étudiants à la suivre.
La semaine prochaine, le ministre Kenney se rendra en Allemagne et au Royaume-Uni — j'espère que je ne suis pas en train de divulguer des secrets — pour étudier certains programmes d'apprentissage, et nous avons été invités à l'accompagner afin de voir ce qui se fait en Allemagne et d'évaluer si de tels modèles pourraient être instaurés au Canada.
Bref, nous devons parler aux étudiants plus tôt et plus fréquemment.
Très bien. Savez-vous s'il y a des études sur ce qu'il en coûte, dans les faits, de former quelqu'un?
Soyons francs: un ouvrier spécialisé bénéficie d'une formation en milieu de travail et doit suivre les étapes de l'apprenti à travers tout ça. La formation d'un plombier ou d'un autre ouvrier spécialisé coûte quelque chose aux contribuables, puisque le Canada a un très généreux système d'éducation postsecondaire financé à même les deniers publics et que ces diplômés sont rémunérés. Avez-vous quelque information que ce soit sur ce qu'il en coûte pour former ces personnes comparativement à celles qui visent un diplôme universitaire ou quelque chose de ce genre, et sur l'argent qu'elles touchent pendant leur formation?
À vrai dire, le gouvernement ne donne pas d'argent pour la formation de ceux qui suivent un programme d'apprenti. C'est la personne elle-même qui doit en assumer les coûts. Elle devra payer pour sa formation technique, à moins que les métiers du bâtiment ou l'industrie elle-même aient décidé de payer pour elle.
Je n'ai pas entendu parler d'études qui ont examiné le rendement sur l'investissement, mais je sais que presque toute la formation dans la construction est à la charge du secteur privé. Il n'y a à peu près pas de financement public destiné à la formation de la main-d'oeuvre dans ce secteur. Or, nous aimerions vous informer que nous souhaitons changer cet état de fait. Nous aimerions un système où les coûts seraient mieux partagés. Je suis convaincu que certains des membres que M. Boag représente seront d'accord. Au final...
Merci, monsieur le président.
Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Smillie.
Je vais reprendre à partir de ce que M. Calkins vous demandait il y a un moment au sujet de la formation. Nous avons fait certains investissements dans le programme du Sceau rouge, afin de l'élever au niveau des programmes de reconnaissance universitaires ou collégiaux. Nous avons vu cela partout dans le nord. Je suis du Yukon. Le Collège du Yukon fait beaucoup de travail en ce qui concerne le Centre for Northern Innovation in Mining. Bon nombre de travailleurs de là-bas réalisent qu'il y a des occasions d'emploi à Fort McMurray et dans le nord de la Colombie-Britannique. Je sais que le bruit court voulant que, de nos jours, la personne assise à côté de vous dans l'avion est probablement un travailleur de métier qui s'en va chercher du travail, une situation qui n'est pas tellement rare au Yukon.
Je sais que nous en avons déjà parlé un peu, mais comment jaugez-vous l'adaptabilité de la main-d'oeuvre pour ce qui est de se prévaloir des formations données dans ces collèges et d'appliquer cet enseignement à une vaste gamme d'emplois? Quelle importance cette adaptabilité revêt-elle dans une économie qui, sans nécessairement exploser ou s'écraser, comme on l'a entendu, connaît assurément des fluctuations avec ses hauts et ses bas? Ces hauts et ces bas ne se produisent pas nécessairement sur des décennies, mais bien parfois sur une base saisonnière ou mensuelle. Pouvez-vous aussi nous dire un mot à ce sujet?
Bien sûr.
De façon générale, il y a un problème de reconnaissance des compétences dans l'industrie de la construction à l'échelle du Canada. Comme vous l'avez dit, nous avons le programme du Sceau rouge. C'est un programme qui fonctionne. Il y a la carte de qualification provinciale, la carte de qualification pour l'Ontario. Mais on peut aussi passer l'examen Sceau rouge, puis prendre le certificat Sceau rouge et travailler n'importe où au Canada.
Nous essayons de faire en sorte que le programme Sceau rouge couvre de plus en plus de métiers afin d'améliorer la mobilité de la main-d'oeuvre. Pour répondre à votre question, la main-d'oeuvre dans le secteur de la construction n'est pas du genre à rester à la maison en attendant qu'il y ait du travail. Si un travailleur ou une travailleuse n'arrive pas à se trouver du travail à Moncton, il ou elle peut toujours s'adresser à notre organisation et trouver un emploi n'importe où au Canada. Comment la personne se rendra là-bas, c'est une autre histoire. Habituellement, il incombe aux travailleurs de se rendre à l'endroit où ils seront embauchés, ce qui constitue selon nous un obstacle à la mobilité. Nous essayons d'y remédier. En général, nos gens ne sont pas de ceux qui tiennent à rester à la maison. Ils prennent l'avion et vont travailler. Ou ils grimpent dans leur camion ou leur voiture et conduisent de Hamilton à la centrale nucléaire de Bruce où le travail les attend.
Sur le plan des titres de compétences, nous sommes en avance sur d'autres secteurs de la construction. Nous avons le programme Sceau rouge depuis 50 ans. De façon générale, nous n'avons pas de différends au sujet des titres de compétences. En fait, nous procédons actuellement à une étude empirique avec le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences au sujet de l'Accord sur le commerce intérieur, notamment en ce qui concerne la mobilité de la main-d'oeuvre. Nous n'avons jamais eu un seul problème avec cet accord, ni avec les enjeux couverts au chapitre 7, lesquels dépassent le mandat de ce comité.
Je dirais que nous sommes la main-d'oeuvre la plus mobile qui soit. Cependant, l'un des problèmes que nous avons concerne les obstacles financiers qui font qu'une personne touchant l'assurance-emploi au Nouveau-Brunswick ne peut pas se payer un billet d'avion pour se rendre là où il y a du travail si son employeur éventuel — ou l'un des membres que Peter représente, fut-il Suncor ou une autre grande entreprise — n'est pas disposé à assumer ce coût, à payer pour ce billet d'avion.
Hormis ces obstacles financiers, la main-d'oeuvre est tout à fait mobile, les emplois sont toujours temporaires et les familles de ces travailleurs restent toujours à la maison.
Il serait intéressant d'avoir quelques chiffres sur la valeur de la mobilité, afin de savoir ce que nous pourrions faire. On dit probablement la même chose ailleurs au Canada que ce qu'on dit au Yukon: il faut des Yukonnais pour les emplois du Yukon. L'expression est invariablement reprise dans le Canada atlantique ainsi que dans d'autres régions, mais la mobilité a bel et bien une valeur elle aussi.
Pourriez-vous dire un mot sur cette dichotomie qui existe lorsque l'on cherche à conserver la main-d'oeuvre locale et à garder les gens chez eux tout en voulant qu'ils continuent à travailler? Pouvez-vous aussi dire quelque chose sur l'avantage pancanadien d'avoir une main-d'oeuvre mobile et sur ce que les industries retirent directement de cette main-d'oeuvre mobile qui est la nôtre?
À quelques reprises, nous avons fait des représentations pour que soit accordé un crédit d'impôt pour la mobilité de la main-d'oeuvre. Une bourse dans le cadre de l'assurance-emploi ou un allègement fiscal sur les dépenses engagées par les travailleurs pour se rendre là où il y a du travail ont été proposés il n'y a pas si longtemps à la Chambre des communes. C'était le projet de loi de Chris Charlton, mais il a été rejeté. C'était un peu décevant, car il y avait là une occasion de reconnaître la mobilité de la main-d'oeuvre en aidant les particuliers sur le plan fiscal. Nous espérons que le ministre Flaherty et les fonctionnaires du ministère des Finances reconnaîtront la valeur de la mobilité de la main-d'oeuvre. Nos représentations n'étaient peut-être pas appropriées, mais nous avons bon espoir que le ministère des Finances et le gouvernement verront l'importance d'encourager les gens à se déplacer là où il y a du travail.
Nous devons faire quelque chose. Au final, si les travailleurs ne sont pas sur l'assurance-emploi et qu'ils travaillent, c'est le Canada tout entier qui est gagnant. Nous devons avoir un système en bonne et due forme pour aider les gens à se rendre aux endroits où il y a du travail lorsqu'ils ne peuvent pas se le permettre et que les membres que Peter représente ne sont pas disposés à leur payer l'avion.
Merci.
Merci, monsieur Leef.
Madame Duncan, comme vous pouvez le voir, nous avons perdu les deux témoins qui étaient avec nous par vidéoconférence.
Souhaitez-vous poser des questions aux deux témoins qui sont ici avec nous?
Bien sûr. J'ai quelques questions à poser à M. Boag.
Le président: Alors, allez-y, madame Duncan. Vous avez cinq minutes.
Mme Linda Duncan: Merci.
Je suis déçue, car j'avais effectivement des questions à poser aux autres témoins.
Monsieur Boag, j'ai bien aimé votre exposé.
Plusieurs avant moi ont soulevé la question de l'accès aux matières premières et ainsi de suite. Je crois qu'il est tout à fait normal de vouloir réduire les coûts autant que faire se peut... Par exemple, en Alberta, on a dit que le charbon était une source d'énergie bon marché — même si nous le payons très cher —, car il se trouve juste à côté de l'usine. L'Aberta en a de toute évidence profité sur le plan de la transformation chimique et du raffinage, car la province a facilement accès à la matière première.
Un autre problème voit le jour lorsque vous comptabilisez la totalité des coûts et que vous analysez les risques par rapport aux avantages — et je ne parle même pas de l'analyse coûts-avantages. C'est la même chose que pour le transport des déchets dangereux. À titre d'exemple, si vous construisez un complexe de valorisation et de raffinage, vos risques seront réduits s'il y a moins de transport par pipeline, car le pipeline peut se fissurer et ainsi de suite.
Étant donné que nous disposons de la matière première en Alberta, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique, n'y aurait-il pas lieu de mettre en place une sorte de mesure incitative ou une sorte d'exigence? Par exemple, le gouvernement fédéral a le pouvoir d'exporter. Au moment d'évaluer les avantages publics ou l'incidence sur l'intérêt public, il est sans aucun doute important d'établir si la démarche créera des emplois ici, au Canada. Du reste, il sera beaucoup plus rentable de développer notre propre capacité de raffinage.
Je n'essaie pas de freiner ce qui se passe dans le Canada atlantique, ou même en Ontario ou au Québec. Mais sur le plan économique, cela a-t-il du bon sens? Étant donné la grande proximité de la matière brute et de la présence de la main-d'oeuvre, je ne comprends pas ces arguments qui disent que c'est trop coûteux. Ils investissent déjà 100 milliards de dollars pour extraire le produit brut.
M. Regan a posé une question semblable au sujet des facteurs qui ont une incidence sur le coût d'une raffinerie et, par la suite, sur sa rentabilité et sa viabilité.
Assurément, la proximité et l'accessibilité de la matière première est l'un de ces facteurs, mais ce n'est pas tout. Nous avons abordé la question. On avait l'habitude de dire que la proximité du marché était l'aspect le plus important. C'est bien sûr une donnée importante, mais les facteurs sont complexes. Vous aurez à tenir compte de problèmes concernant le brut — le type de brut, la facilité d'accès, la proximité —, les besoins énergétiques et l'accès aux sources d'énergie. Nous avons parlé de la question du gaz naturel dans le Canada atlantique et du désavantage pour au moins une raffinerie de ne pas y avoir accès, ce qui se répercute sur les coûts. Puis il y a toutes sortes de questions concernant la complexité, l'efficacité et la taille des usines, les différents aspects logistiques du transport et, bien entendu, la présence d'un cadre réglementaire.
C'est un ensemble complexe de variables. J'aimerais que cela soit aussi simple que...
... mais ce n'est pas le cas.
Bien sûr, les raffineries de la région d'Edmonton profitent d'un accès relativement facile au brut. Elles peuvent aussi tabler sur un marché assez robuste et en croissance. En fait, c'est le seul endroit au pays où nos raffineries fonctionnent en tout temps à leur pleine capacité, quand elles ne la dépassent pas...
Et il y a l'industrie pétrochimique.
M. Peter Boag: Oui, l'industrie pétrochimique connexe.
Nous avons dit la même chose au sujet de la région de Sarnia-Lambton, où nous avons des raffineries...
Mme Linda Duncan: Je vais devoir vous interrompre. Merci de votre réponse.
Oui, vous devrez effectivement l'interrompre, car la séance s'arrête ici. Les cloches ont sonné et je vois que certains députés commencent à s'impatienter.
Je remercie tous les témoins d'avoir comparu ici aujourd'hui et de nous avoir transmis de si précieux renseignements pour notre étude.
Tout d'abord, M. Smillie, conseiller principal aux relations gouvernementales et affaires publiques, du Département des métiers de la construction, FAT-CIO, merci beaucoup. De l'Association canadienne des carburants, M. Boag, président et chef de la direction, merci beaucoup, encore une fois.
Par vidéoconférence, de Fort McMurray, pour Unifor, M. Roland LeFort, président de la section locale 707A, merci. Par vidéoconférence de Lethbridge, en Alberta, nous avons pu voir et entendre M. Trevor Harrison, directeur du Parkland Institute et professeur à l'Université de Lethbridge. Merci à vous, monsieur.
Merci beaucoup à vous tous. Je vous reverrai après les semaines réservées au travail dans les circonscriptions.
La séance est levée.
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