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Bonjour et bienvenue à cette 53
e réunion du Comité permanent des ressources naturelles.
À l'ordre du jour aujourd'hui, nous avons le projet de loi
Au cours des deux prochaines heures, nous entendrons quatre témoins.
[Traduction]
Nous avons ici Martin Olszynski, de la faculté de droit de l’Université de Calgary. Nous avons aussi Ian Miron, avocat, mais qui est ici pour le compte d’Ecojustice Canada. Et nous avons Robert Blakely, officier d’opération du Canada pour le Syndicat des métiers de la construction du Canada.
Bienvenue à tous.
Par vidéoconférence, de Calgary, nous avons Jim Donihee, chef de la direction par intérim de l’Association canadienne des pipelines d’énergie.
Est-ce que vous nous entendez bien?
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Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
Je m’appelle Martin Olszynski. Je suis professeur adjoint à la faculté de droit de l’Université de Calgary. Mon exposé d’aujourd’hui portera sur ce qu’on appelle communément les dispositions du projet de loi C-46 relatives aux dommages environnementaux.
J’ai commencé à m’intéresser à la question des dommages environnementaux et à écrire des articles à ce sujet il y a une dizaine d’années, lorsque la Cour suprême du Canada a, pour la première fois, ouvert la possibilité pour les gouvernements d’intenter des poursuites en dommages-intérêts dans ce genre de situation. C’était l’affaire Colombie-Britannique c. Canadian Forest Products Ltd. J’ai depuis écrit plusieurs articles à ce sujet, dont un en collaboration avec l’un des principaux économistes canadiens spécialistes des ressources naturelles, le professeur Peter Boxall.
Je commencerai par expliquer rapidement la notion de dommages environnementaux. Je décrirai ensuite leur rôle et leur traitement dans le projet de loi. Enfin, je formulerai deux recommandations.
En termes simples, on peut dire que les dommages environnementaux sont la compensation financière de la perte ou de la détérioration d’un actif environnemental public et des services qu’il fournit, par exemple une forêt, comme dans le cas de Canadian Forest Products, ou une région côtière, comme dans le cas du déversement de l’Exxon Valdez ou celui qui s’est produit dans le golfe du Mexique après l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon.
Les économistes spécialistes de l’environnement et des ressources naturelles répartissent ces torts en perte de deux sortes de valeurs: la valeur d’usage et la valeur de non-usage. Le résumé législatif du projet de loi définit ces deux valeurs en renvoyant à une publication d'Environnement Canada:
Les valeurs d’usage sont associées à l’utilisation directe de l’environnement, comme la pêche et la baignage dans un lac et la marche en forêt, ou à des utilisations commerciales comme l’exploitation forestière ou l’agriculture. Les valeurs de non-usage sont liées à la conscience de la pérennité de l’environnement (…) ou à la nécessité de laisser des ressources environnementales aux générations futures.
Comme les membres du comité peuvent l’imaginer, l’évaluation des dommages environnementaux peut être une tâche difficile et complexe. Il faut d’abord faire appel à diverses disciplines scientifiques — l’écologie, la toxicologie, l’hydrologie — pour mesurer l’ampleur des torts, puis convertir ces données en termes financiers au moyen de notions économiques et de techniques d’évaluation environnementale.
Selon le projet de loi les dommages environnementaux jouent en fait deux rôles distincts: un rôle punitif et un rôle de responsabilité civile. Pour ce qui est du rôle punitif, si un exploitant commet une infraction à la Loi sur l’ONE, le nouvel article 132 (proposé à l’article 37 du projet de loi, page 35) prévoit que le juge qui prononce la peine tienne compte des « dommages ou (…) risque de dommages à l’environnement » causés par l’infraction. Cette notion est définie plus précisément au paragraphe 4 comme étant la « perte des valeurs d’usage et de non-usage ». Par cette modification, la Loi sur l’ONE rejoint les rangs d’au moins 10 autres lois environnementales fédérales comportant des dispositions punitifs semblables. Quoique peu détaillée, cette formulation est à la fois simple et exhaustive.
Les autres dispositions relatives aux dommages environnementaux, nettement plus opaques, s’inscrivent dans le contexte de la responsabilité civile. Selon le nouveau paragraphe 48.12(1) (proposé à l’article 16 du projet de loi, pages 6 et 7), il est question de trois types de dommages: à l’alinéa a), les « pertes ou dommages réels subis par toute personne (…) »; à l’alinéa b), les « frais (…) » de nettoyage; et à l’alinéa c), la « perte de la valeur de non-usage liée aux ressources publiques touchées » par le déversement.
Autrement dit, il n’est pas vraiment question de dommages environnementaux dans cette partie du projet de loi. Leur disponibilité, du moins en partie, est implicite par renvoi à l’alinéa c), où on parle de « perte de la valeur de non-usage liées aux ressources publiques ». On ne renvoie pas explicitement aux valeurs d’usage, bien que certaines d’entre elles soient couvertes par l’alinéa a), comme je l’expliquerai.
Il y a deux autres dispositions utiles dont je tiens à parler brièvement. Ce sont les nouveaux paragraphes 48.12(9) et 48.13(5). Le premier prévoit que seuls le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux peuvent intenter des poursuites pour la perte de valeurs de non-usage, tandis que le second prévoit que l’ONE n’est pas tenu de tenir compte de la perte éventuelle des valeurs de non-usage lorsqu’il calcule les ressources financières que les exploitants doivent réserver en cas de responsabilité absolue.
Ma première recommandation serait donc de modifier la troisième catégorie de perte, dans les dispositions relatives à la responsabilité civile, pour y mentionner simplement les dommages environnementaux. On pourrait par exemple parler des « dommages environnementaux découlant du rejet (…) » et y associer un paragraphe supplémentaire définissant les dommages environnementaux, comme c’est le cas dans les dispositions punitives. Ce sont les dispositions les plus simples et les plus exhaustives, et je propose de modifier les dispositions relatives à la responsabilité civile en fonction de ce modèle de simplicité et d’exhaustivité. Non seulement cela simplifierait cet article, mais cela ne paraît nécessaire pour corriger ce qui semble être une omission dans le projet de loi.
Comme le comité le sait probablement, ce texte législatif reproduit presque terme à terme le projet de loi , Loi sur la sûreté et la sécurité en matière énergétique, qui modifiait la LOPC dans le même esprit. On y trouvait déjà des dispositions sur les déversements et, plus précisément, une définition de l’expression « perte ou dommages réels ». Permettez que je la lise rapidement: « sont assimilées à une perte ou des dommages réels la perte d’un revenu, y compris un revenu futur, et, à l’égard des peuples autochtones du Canada, la perte de possibilités de chasse, de pêche ou de cueillette. »
Cette définition, qui couvre assurément une partie des valeurs d’usage dont je parlais plus tôt, n’a pas été intégrée au projet de loi. Et, même si elle l’était, j’estime qu’il y aurait encore une lacune dans le texte législatif. Si vous le souhaitez, je vous en donnerai des exemples après mon exposé.
Ma seconde recommandation serait que le gouverneur en conseil devrait être tenu, dans un certain délai, de prendre un règlement énonçant la procédure d’évaluation des dommages environnementaux ou qu’il y soit à tout le moins autorisé. Cette procédure donnerait lieu à une présomption de validité réfutable dans toute poursuite en dommages-intérêts de cette sorte, devant un tribunal judiciaire ou devant le tribunal d’indemnisation. Premièrement, comme je l’ai dit, l’évaluation des dommages environnementaux est un exercice difficile et complexe. La réglementation permettrait à toutes les parties de s’entendre et réduirait le risque de litiges inutiles. C’est pour cette raison que les lois américaines correspondantes, la CERCLA et la Oil Pollution Act, comportent des dispositions de ce genre et que des procédures sont prévues au titre de ce qu’on y appelle « l’évaluation des dommages causés aux ressources naturelles ». J’estime que cette règlementation représente la règle d’or dans ce contexte.
Ma deuxième raison renvoie à l’esprit de prévention du projet de loi. Il existe une dizaine de lois environnementales fédérales comportant des dispositions sur les dommages environnementaux, et ça fait 10 ans que la Cour suprême a permis aux gouvernements d’intenter ce genre de poursuites, mais, que je sache, la Couronne fédérale n’a jamais rien tenté de ce côté-là. Peut-être est-ce que des témoins du gouvernement qui viendront plus tard pourront l’expliquer. Quoi qu’il en soit, cette réalité compromet, à mon avis, l’effet dissuasif auquel un système de responsabilité imposée par la loi comme celui qui est proposé dans le projet de loi est censé donner lieu.
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Merci, monsieur le président, et merci à tous les membres du comité. Je suis heureux d’être ici aujourd’hui.
Comme vous le savez peut-être, je suis avocat et je représente ici Ecojustice, c’est-à-dire le plus important organisme canadien de droit environnemental voué à l’intérêt public. Ecojustice s’est intéressé de près aux questions relatives aux pipelines dans tout le pays, ainsi qu’aux systèmes de responsabilité imposée par la loi, plus généralement dans le secteur énergétique. Ce sera l’axe de mon exposé.
Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que le projet de loi C-46 est très nécessaire et, franchement, qu’il était grand temps. Cela dit, dans sa version actuelle, il comporte certaines lacunes importantes. Je vous parlerai de trois d’entre elles aujourd’hui.
Premièrement, le plafond de responsabilité absolue est tout à fait insuffisant. Deuxièmement, on a besoin de précisions sur l’évaluation et le calcul des dommages au titre de la valeur de non-usage de ressources publiques, ce que j’appellerai ici les « dommages environnementaux ». Troisièmement, le projet de loi offre quelques nouveaux instruments intéressants pour obtenir des indemnités et remboursements en cas de déversement, mais le recours à ces instruments est le plus souvent discrétionnaire et non pas obligatoire.
Dans sa version actuelle, le projet de loi traduit plutôt le principe selon lequel « le pollueur pourrait payer ». Il propose des améliorations modestes au système actuel, mais il ne concrétise pas complètement le principe du pollueur-payeur et il continue donc d’exposer les Canadiens à l’éventualité inadmissible de devoir assumer une partie des risques financiers associés à un déversement.
Concernant le plafond de responsabilité absolue, le fait que le projet de loi intègre le principe du pollueur-payeur dans la Loi sur l’Office national de l’énergie est une mesure positive. Mais il limite ensuite la responsabilité absolue à un milliard de dollars en cas de déversement dû à la rupture d’un grand oléoduc.
Le relèvement du plafond de responsabilité absolue à un milliard de dollars est certainement une amélioration par rapport au statu quo. Je dis « certainement » parce qu’il limite la responsabilité illimitée prévue dans la Loi sur les pêches au sujet de certains coûts d’intervention liés aux déversements. En cas de déversement majeur, un milliard de dollars ne suffit pas à couvrir les frais de nettoyage, sans parler de l’indemnisation des victimes au titre des dégâts provoqués ni de l’indemnisation des Canadiens en général au titre des dommages environnementaux. On a vu ce qui s’est passé au Michigan lorsque la ligne 6B d’Enbridge s’est rompue. Les frais de nettoyage s’élèvent jusqu’ici à 1,2 milliard de dollars. Et il y a encore du pétrole dans la rivière et encore du travail à faire.
Par conséquent, le chiffre apparemment arbitraire d’un milliard de dollars limite indûment le principe du pollueur-payeur et permet aux pollueurs de faire assumer aux Canadiens une partie des risques financiers associés à un déversement.
Passons rapidement à la question des dommages environnementaux. Je suis heureux de constater que le projet de loi prévoit une responsabilité au titre de la perte de valeur de non-usage. Il est absolument indispensable d’appliquer efficacement cette mesure, parce qu’un déversement de pétrole majeur ne peut jamais être complètement nettoyé et que la faune et la flore locales sont souvent tuées ou gravement endommagées avant même le début du nettoyage.
Le projet de loi prévoit l’indemnisation au titre de ces dommages environnementaux, mais il ne donne aucune précision sur le fonctionnement de ce système. À mon avis, un gouvernement hésitera à réclamer des indemnités en l’absence d’indications précises. On aurait besoin, à titre minimal, d’un pouvoir de réglementation permettant de produire des directives et de combler cette lacune. J’invite instamment le gouvernement à organiser une consultation publique au sujet de ces directives.
Passons aux nouveaux mécanismes de recouvrement: le projet de loi prévoit certains nouveaux instruments d’intervention et de recouvrement de dépenses ou d’indemnisation. Le recours à beaucoup de ces instruments est laissé à la discrétion de l’ONE. Beaucoup d’entre eux dépendent également de la désignation de l’entreprise par le Cabinet. La désignation est le produit d’une décision discrétionnaire qui permet au gouvernement, par exemple, de se charger des mesures d’intervention en cas de déversement ou de nommer un tribunal d’indemnisation spécialisé qui statuera sur les demandes de dommages-intérêts.
Un mot encore sur ce tribunal: je tiens à rappeler que les dommages-intérêts accordés par le tribunal semblent être prélevés directement ou indirectement sur les deniers publics, probablement pour garantir un dédommagement rapide des victimes.
Lorsque les deniers publics servent à indemniser les victimes d’un déversement, l’ONE a la possibilité d’essayer de récupérer le montant auprès du pollueur. Si celui-ci n’a pas assez d’argent, l’Office peut essayer de récupérer la somme auprès d’un sous-ensemble plus large d’entreprises du secteur pétrolier par le biais de frais et de droits. Mais, là encore, ces instruments sont discrétionnaires. L’ONE n’est pas tenu de les appliquer, et c’est inquiétant.
Dans l’esprit du principe pollueur-payeur, l’ONE devrait être tenu d’employer tous les moyens dont il dispose pour s’assurer que les contribuables ne soient pas les seuls à faire leur part dans les coûts associés à un déversement de pétrole. C’est plus particulièrement important ici puisque le projet de loi C-46 prévoit que des non-Canadiens pourraient s’adresser au tribunal d’indemnisation pour obtenir des indemnités. Il est évidemment inacceptable d’exposer les contribuables canadiens à ce genre de risque financier.
Pour résumer, le projet de loi représente un pas de plus vers le modèle éventuel de pollueur-payeur, mais ses lacunes continuent d’exposer les Canadiens à un risque financier inadmissible en cas de rupture de pipeline.
Je termine ici mes observations, sous réserve de questions de votre part. Je vous remercie de m’avoir permis de m’exprimer ici aujourd’hui.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de m’accueillir.
Je suppose que les raisons de ma présence ici sont évidentes. Nous construisons des pipelines. Nous voulons en construire. Mais l’univers des pipelines, c’est plus que le simple fait d’aligner des bouts de tuyaux dans le sol.
Un pipeline, c’est une infrastructure de liaison. C’est une sorte de service public, qui relie l’amont à l’aval, jusqu’à l’endroit où le produit extrait est traité. Pour nous, ça veut dire relier des milliers d’emploi très qualifiés et très bien payés, disons à Fort McMurray, et des milliers d’emplois très qualifiés et très bien payés, disons à Québec, si l’énergie va vers l’est, ou à Saint-John. Ce projet de loi nous intéresse vraiment.
Faute de nouveaux pipelines, les entreprises qui en dépendent ne peuvent pas s’épanouir. Sans pipeline, on ne peut pas accumuler de gaz naturel ou de pétrole ou quoi que ce soit d’autre dans l’espoir que quelqu’un trouvera le moyen de le commercialiser. Le pipeline est et reste le plus sûr moyen de transport des hydrocarbures.
Je n’ai pas en tête de vous suggérer d’en construire tout simplement parce que ça nous plairait beaucoup. La vérité, c’est que nous vivons ici. Les trains qui, à l’occasion, transportent du pétrole en passant par le centre de la plupart des villes de l’Ouest — je viens des Prairies — passent par le centre de nos collectivités. Ce sont nos emplois, mais nous ne sommes pas prêts à compromettre notre environnement pour quelques chèques de paye.
Quand j’ai lu le projet de loi, je l’ai fait comme j’aurais lu une convention collective. Quand on vote pour ou contre une convention collective, on vote pour ou contre un certain nombre de choses qui s’y trouvent. Il y a des choses que j’aime beaucoup, d’autres que je trouve correctes, et d’autres qui auraient peut-être besoin d’être clarifiées. Tout compte fait, ce qui est proposé ici est au moins un compromis raisonnable qui pourrait nous être utile à long terme.
Est-ce qu’on devrait clarifier certaines dispositions? Je ne suis pas avocat, alors j’adore lire ce genre de truc. Je ne vois pas vraiment de problème de principe entre les parties. Je crois que ce qu’il faut ici, c’est harmoniser, améliorer et examiner cette série de modifications, et essayer d’aller de l’avant.
J’ai quelques suggestions. D’abord, il y a un certain nombre de dispositions qui prévoient que l’Office national de l’énergie, s’il le juge utile, doit faire certaines choses. L’une d’elles est de toujours utiliser la meilleure technologie possible. Nous sommes d’accord. Il faut utiliser la meilleure technologie, mais l’Office ne devrait pas préciser la technologie à employer.
Nous sommes aussi d’accord avec l’idée que l’Office national de l’énergie devrait avoir suffisamment de ressources pour veiller à ce que les gens qui conviennent fassent ce qu’il faut au moment voulu.
Pour ce qui est des dispositions permettant à l’Office national de l’énergie de prendre les commandes en cas d’incident, ça m’a fait réfléchir un moment. Dans une autre vie, j’ai été officier de marine. C’est parfois difficile d’imaginer, quand on est assis à son bureau, très loin du gars qui se tient sur le pont avec de l’eau qui arrive de partout, combien c’est difficile de prendre la bonne décision pour les gens qui sont sur place.
Dans une certaine mesure, les exploitants de pipelines sont mieux placés que l’Office pour prendre des décisions. Cela dit, il devrait y avoir une disposition permettant à l’Office national de l’énergie d’intervenir si les gens ne règlent pas correctement les problèmes.
Concernant la question de la responsabilité absolue, le minimum d’un milliard de dollars, je n’y vois pas le retrait du droit découlant de la common law d’intenter des poursuites au-delà de la limite absolue pour faute ou autre chose.
Nous sommes d’accord avec le principe du pollueur-payeur, et peut-être que certains des aspects discrétionnaires du projet de loi sont appropriés dans les circonstances. On a parfois besoin de gens comme ceux de l’Office national de l’énergie pour prendre des décisions raisonnables et raisonnées, et il faut qu’ils aient une certaine marge de manœuvre. Quand on a des vêtements qui vous vont parfaitement et qu’on prend 10 livres, il faut bien les ajuster. Peut-être qu’on peut faire des ajustements à l’Office national de l’énergie pour ça.
Voilà ce que j’avais à vous dire. Je suis à votre disposition si vous avez des questions.
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Monsieur le président, je vous remercie de m'offrir cette occasion de vous faire part de quelques remarques.
[Traduction]
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie.
Je m’appelle Jim Donihee. Je suis chef de la direction par intérim de l’Association canadienne de pipelines d’énergie. Je vous remercie de me permettre de vous faire part de quelques observations.
Permettez que je commence par vous donner un contexte. Les membres de l’ACPE exploitent 115 000 kilomètres de pipelines au Canada, dont une grande partie relève de la compétence de l’Office national de l’énergie. Nos membres transportent environ 97 % de tout le gaz naturel et le pétrole brut produit dans des exploitations terrestres, et nous en assurons le transport vers les marchés de consommation de façon très sûre depuis une soixantaine d’années. Par exemple, en 2014, nous avons collectivement transporté plus de cinq billions de pieds cubes de gaz naturel et 1,2 milliard de barils de produits pétroliers liquides. Ça représente environ 23 % des échanges commerciaux du Canada, et c’est donc une contribution extrêmement importante au tissu social de notre pays.
De 2002 à 2013, nous avons enregistré un taux de sécurité opérationnel de 99,9995 %, et c’est vraiment exceptionnel, mais nous savons que ce n’est pas suffisant pour autant. Ce n’est pas assez. Nos chefs d’entreprise se sont engagés à une tolérance zéro aux incidents de pipeline, et nous y travaillons très fort.
Le projet de loi C-46 tel qu’il est proposé fait écho aux convictions de notre secteur à l’égard du principe du pollueur-payeur, de l’excellence des mesures d’intervention en cas d’urgence, de la sécurité des pipelines et de la protection de l’environnement. C’est pour cette raison et pour convaincre les Canadiens que notre secteur est intégralement voué au transport sûr et socialement responsable de l’énergie par pipelines que l’ACPE appuie la réglementation proposée.
Nos membres se soucient d’abord et avant tout de la sûreté des pipelines et de la prévention des incidents tout au long de leur cycle de vie. Ce souci s’est traduit par un investissement de plus de 1,4 milliard de dollars dans la seule année 2013 pour garantir la sûreté de ces pipelines. Nous prenons des mesures vigoureuses dans le cadre du programme de l’ACPE intitulé Integrity First, mode de gestion tenant compte de priorités cruciales dans l’exploitation des pipelines, à commencer par leur intégrité et le fonctionnement de la salle de contrôle. Le programme Integrity First, inspiré de l’initiative Gestion responsable de l’industrie chimique, donnera d’excellents résultats dans l’ensemble de notre secteur en raison de notre désir sincère de dépasser les exigences de la réglementation.
Cette année aussi, l’ACPE fera encore un pas important en s’engageant à procéder à une enquête sur la culture de la sécurité parmi tous ses membres afin de s’assurer que nous nous intéressons à la dynamique humaine, tout aussi cruciale pour obtenir un rendement excellent.
Nous participons activement à l’élaboration de normes, et ces normes, qui sont principalement établies par l’Association canadienne de normalisation, s’appliquent à nos activités, de la conception à la mise à la casse, en passant par la construction et l’exploitation des pipelines dont nous le privilège d’avoir la responsabilité.
La meilleure technologie disponible est absolument indispensable à la façon dont nos entreprises fonctionnent. Grâce à des initiatives comme le Canadian Pipeline Technology Collaborative, dernière en date, nous cherchons à tirer parti des nouvelles technologiques par l’intermédiaire des établissements d’enseignement et par le biais d’une collaboration avec de nombreux partenaires gouvernementaux.
Je crois qu’il est important de se faire une idée des engagements pris dernièrement par notre secteur d’activité. Il y a d’abord, par exemple, l’entente d’assistance mutuelle en cas d’urgence, mise en œuvre pour la première fois en 2014 et qui atteste que, de nos jours, chaque incident touchant un pipeline est la responsabilité de tous. Cette entente vise à tirer parti, et elle tire parti, des ressources de tous nos membres pour réagir de la façon la plus efficace et immédiate à tout incident éventuel.
Outre cette entente, les membres de l’ACPE ont adopté un système de commandement des interventions commun à tous. Il traduit et améliore l’interopérabilité entre tous nos membres.
La transparence est un élément absolument indispensable si l’on veut gagner et conserver la confiance des Canadiens. C’est pourquoi nous avons décidé de former un groupe de travail chargé du modèle commun qui permettra à tous les Canadiens d’avoir accès à toute l’information que nous pouvons fournir afin de gagner leur confiance, tout en protégeant les renseignements qui relèvent de la vie privée ou de la protection de l’infrastructure nationale. Ces renseignements sont toujours mis à la disposition des tous les intervenants d’urgence.
Nous avons entendu les observations de M. Blakely au sujet de l’ONE et nous sommes convaincus que la surveillance exercée par un organisme de réglementation compétent est crucial pour les intérêts nationaux du Canada. Nous avons la chance d’avoir un organisme de réglementation solide, capable, dans les délais nécessaires, d’analyser nos projets en fonction d’éléments factuels et scientifiques.
Cela dit et compte tenu, surtout, des nouveaux pouvoirs conférés par le projet de loi à l’ONE, nous pensons qu’il est extrêmement important que l’Office soit doté des ressources dont il a besoin et de la souplesse voulue pour utiliser les fonds nécessaires au recrutement des spécialistes dont il a besoin pour réaliser son mandat.
Les entreprises membres de l’Association affichent des antécédents remarquables et une très faible fréquence d’incidents. Elles croient fermement dans le principe du pollueur-payeur et elles ont toujours veillé au rétablissement de l’environnement sans que la population en porte le fardeau financier, y compris les coûts relatifs à la perte de jouissance. Les membres de l’ACPE sont voués au respect de cette obligation et c’est pourquoi ils ont des plans d’urgence et d’intervention. Elles veilleront à remplir leurs obligations telles qu’elles sont énoncées dans le projet de loi.
Nonobstant notre stricte adhésion au principe du pollueur-payeur et nos solides mesures d’urgence, nous sommes favorables au projet de loi, qui énonce les exigences applicables aux entreprises d’exploitation du pétrole brut en matière de responsabilité et d’indemnisation.
Pour conclure, monsieur le président, j’aimerais proposer les recommandations suivantes concernant cette étape très positive.
Les exigences découlant du projet de loi en matière de réglementation devraient être fonction des risques et tenir compte des antécédents avérés du secteur du transport par pipeline en matière de sécurité.
Le gouvernement fédéral devrait continuer d’envisager les moyens de soutenir des initiatives multisectorielles, comme le CPTC, qui permettront de trouver, d’élaborer et de mettre en œuvre des connaissances scientifiques et des technologies de pointe. L’Association canadienne de normalisation reste un organisme très efficace pour l’élaboration de normes. Nous collaborons régulièrement avec elle et nous pressons le mouvement pour élaborer ces normes.
Nous respectons énormément le rôle de l’ONE et nous estimons qu’il est vital pour le bon fonctionnement d’un secteur d’activité très responsable au nom des Canadiens. Nous sommes convaincus que l’ONE doit obtenir les fonds dont elle a besoin et jouir de la souplesse nécessaire pour s’en servir à remplir les obligations que vous lui imposerez en approuvant ce projet de loi.
Voilà qui termine mes observations, monsieur le président. Je vous remercie de m’avoir permis de vous les présenter. Le secteur canadien des pipelines affiche des antécédents dont les Canadiens peuvent être fiers. Nous serons heureux de contribuer à contribuer au succès de notre pays dans les années à venir.
Merci.
J’aimerais vous remercier tous les quatre d’être ici avec nous. Je sais que vous êtes des gens très occupés, et c’est toujours un plaisir de rencontrer M. Blakely dans l’avion entre Edmonton et Ottawa.
Je reviens sur votre observation, monsieur Blakely, au sujet de la clarification de l’exercice du pouvoir discrétionnaire. Je pense que c’est une excellente remarque générale et je l’ai appréciée, dans certaines limites, bien entendu.
Monsieur Miron, si je vous ai bien compris, vous êtes inquiet du nouveau paragraphe 48.12(5). Il prévoit plus d’un milliard de dollars d’indemnité si ce montant est prévu par règlement. Je me demande si vous pensez que le critère d’une extension au-delà de ce seuil devrait être précisé dans la réglementation et que la procédure devrait être ouverte, transparente et inclusive.
Seriez-vous d’accord pour dire que, faute de réglementation en ce sens, nous n’aurions pas de certitude juridique quant aux conditions et circonstances dans lesquelles l’indemnité pourrait dépasser un milliard de dollars?
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À la première question, la réponse est oui, c’est ce que je propose, que, dans le nouvel alinéa 48.12(1)c) on indique plutôt « dommages environnementaux ».
Comme j’ai essayé de l’expliquer dans mes observations, les dommages environnementaux pourraient constituer le budget le plus important. Ensuite, il y a deux catégories: la valeur d’usage et la valeur de non-usage. C’est l’univers des dommages environnementaux.
Quant à la raison pour laquelle je renvoyais aux dispositions relatives à la détermination des sanctions, exactement, eh bien, il y a en fait dix textes législatifs fédéraux sur l’environnement où il est question de dommages environnementaux et où sont définies les notions de valeur d’usage et de valeur de non-usage. En fait, actuellement, la Loi sur l’ONE modifiée par le projet de loi comporterait cette définition, mais elle ne fonctionne que dans le contexte des dispositions relatives à la détermination des sanctions.
Je crois que la raison pour laquelle c’est rédigé comme ça, dans le contexte des dispositions relatives à la responsabilité civile, est cette idée que, peut-être, les valeurs d’usage sont suffisamment traitées au nouvel alinéa 48.12(1)a), où l’on parle de « pertes ou dommages réels ». Je tiens à préciser que certains de ces dommages, probablement certaines valeurs d’usage, entrent probablement dans cette catégorie, mais certainement pas toutes. Il s’agit donc de s’assurer que c’est complet.
Là encore, il faut se rappeler la restriction dont on a parlé tout à l’heure. Les dommages dont il est question au nouvel alinéa 48.12(1)c), là où je propose de parler de dommages environnementaux, ne concernent que les gouvernements. C’est conforme à la réglementation homologue d’autres pays. Cela garantirait essentiellement que ces dommages couvrent toute la série des dommages environnementaux, mais qu’il n’y aurait pas pour autant de double comptabilisation ou quelque chose comme ça.
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Je vais plutôt répondre à la question de savoir qui le fait actuellement. Le « qui devrait » est un peu plus compliqué.
Dans d’autres pays, les États-Unis par exemple, ce pouvoir est généralement réservé aux gouvernements, c’est-à-dire au gouvernement fédéral et aux gouvernements d’État. C’est un peu plus vaste aux États-Unis parce que les administrations tribales sont également autorisées à intenter des poursuites. Dans la réglementation américaine, aux termes de la CERCLA et de l’OPA, il est question des fiduciaires, c’est-à-dire le gouvernement fédéral, les gouvernements d’État et les administrations tribales.
J’ai déjà, en bloguant au sujet du projet de loi C-22 ou d’ESSA, suggéré qu’on pourrait élargir la catégorie pour reconnaître les administrations autochtones, les bandes indiennes, etc., au titre de ce genre de dommages sur leurs territoires. On pourrait aussi y inclure les municipalités. La catastrophe de Lac-Mégantic a provoqué, outre de tragiques pertes humaines, un désastre environnemental massif. Il me semble, franchement, que la municipalité devrait être habilitée à titre de représentante de la population.
Essentiellement, pour essayer de revenir aux choses simples, je dirais que les gouvernements, aux différents paliers, sont les parties qui devraient pouvoir intenter des poursuites en dommages-intérêts.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je sais que la semaine dernière, j’ai dit, dans une séance à huis clos, que vous faisiez un excellent travail à la présidence de notre comité, et je veux que ce soit enregistré aujourd’hui. Je pense que vous faites un très bon travail aujourd’hui aussi.
Je voudrais remercier nos témoins d’être venus nous voir. Leurs observations sont très intéressantes, et j’apprécie les recommandations qu’ils ont faites.
Mes questions s’adressent à MM. Blakely et Donihee.
Je vous entends bien quand vous dites qu’un pipeline est une « infrastructure de liaison », monsieur Blakely, et que la non-construction d’un pipeline impose des restrictions aux secteurs d’activité qui en dépendent.
J’aimerais que vous nous parliez un peu plus ou que vous décriviez les sortes d’emplois qui sont créés dans le cadre de la construction et de l’entretien d’un pipeline, et peut-être nous dire à combien d’emplois on pourrait s’attendre compte tenu de certaines des propositions qui se trouvent devant nous en ce moment.
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Le pipeline proprement dit est fabriqué par les membres de quatre métiers: les tuyauteurs, qui s’occupent du soudage et des raccords, et qui travaillent dans les stations de pompage et les installations; les opérateurs-ingénieurs, c’est-à-dire les gars qu’on voit sur les pose-tubes, les grues et les pelles rétrocaveuses, qui manipulent de l’équipement lourd; les camionneurs, qui conduisent les gros camions poseurs de sections de tuyau; et les ouvriers, qui s’occupent de poser les berceaux et qui sont vraiment les hommes à tout faire, du gars qu’on surnomme « band-aid » et qui s’occupe des premiers soins jusqu’aux petits boss, etc. Il y a un autre groupe qui s’occupe des rayons X ou ce qu’on appelle aujourd’hui système à commande de phase intégrée… peu importe. C’est devenu beaucoup plus compliqué que dans mon temps.
Pour fabriquer un pipeline moyen de 300 kilomètres, il faut probablement prévoir deux ou trois étapes sur deux saisons et l’emploi d’environ 6 000 personnes. S’il s’agit d’un oléoduc, on aura des milliers de gens employés dans toutes sortes de métiers, des plombiers, des chaudronniers, des mécaniciens de chantier, des ferronniers, des tôliers, des spécialistes des isolants, des ouvriers, des monteurs d’échafaudages, des charpentiers, et, à l’occasion, le constructeur d’ascenseurs. Je devrais avoir une liste de tous mes collaborateurs, n’est-ce pas? On parle d’une soixantaine de métiers.
Un pipeline transportant un million de barils, comme l’Énergie Est, a besoin d’une infrastructure qui coûte, disons, 10 milliards de dollars à construire. En gros, ces dix milliards se traduisent en 65 millions d’heures de travail de construction. Reprenons l’hypothèse des 6 000 employés, qui n’est pas une mauvaise estimation, ces 65 millions d’heures produiront des centaines d’emplois à temps plein, dont 40 % seront des métiers, pour le maintien du fonctionnement.
Tous les deux ans, ou peut-être tous les ans selon l’endroit, environ 3 500 personnes se rendent sur place pendant 42 jours, essentiellement pour le reconstruire, et elles disparaissent ensuite.
Pour nous, ces emplois ne sont pas négligeables. Ce sont des occasions en or. C’est l’occasion de former la prochaine génération de gens de métiers. Actuellement, au Canada, la main-d’œuvre du secteur de la construction est essentiellement composée de baby-boomers. Personne ne pensait qu’ils allaient un jour prendre leur retraite. Erreur. On va tous quelque part autour du 16 juin 2016. Il est question de remplacer, disons, 350 000 personnes et 40 % de nos cadres moyens et supérieurs d’ici sept ans. On a besoin de travail pour former la prochaine génération.
Je suis en train de faire la morale, maintenant, mais c’est que ça me tient à cœur. Quand on y pense, les emplois associés au pipeline ne sont qu’un pâle reflet du nombre d’emplois créés en amont et en aval.
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J’aimerais également donner suite à la question du système de commandement et de contrôle si on a le temps à la fin de cet échange.
Je dois dire que, pour l’instant, nous attendons d’autres consultations préalables à l’adoption du projet de loi, mais que diverses entreprises s’interrogent sur les mécanismes financiers qui permettront de garantir une réserve d’un milliard de dollars ou du montant qui sera prévu considéré comme immédiatement nécessaire. En fin de compte, nous avons besoin de précisions pour le savoir.
Ce que je peux dire, c’est que tous les membres de l’Association canadienne de pipelines d’énergie sont d’une telle envergure et ont des antécédents financiers qui remontent si loin — avec de solides bilans et des actifs comme les pipelines proprement dit, qui valent des milliards de dollars — qu’ils en seront capables. Mais pour ce qui est des conséquences financières précises, on n’a pas encore assez d’information pour déterminer le genre de mécanismes qu’il faudra mettre en place pour garantir à l’Office national de l’énergie qu’il y aura des réserves suffisantes.
Si je peux me permettre de faire une brève remarque au sujet du système de commandement et de contrôle dont parlait M. Blakely, je dirai comme lui que je rends hommage à mes antécédents. J’ai servi 28 ans dans l’armée de l’air. Je pense qu’il est extrêmement important de comprendre que le coût de préparation est très élevé. Notre entreprise a déjà l’obligation d’être préparée, et on peut le constater à voir les quelque 300 exercices d’intervention d’urgence effectués l’année dernière, et personne ne connaît leurs systèmes comme eux. Je crois, en fin de compte, que vous voulez être sûrs que les entreprises ont ce qu’il faut pour exercer commandement et contrôle sur ce dont elles sont responsables. Ce qu’on veut dire, je crois, c’est qu’on ne voudrait pas que l’ONE intervienne trop vite. Mais, si une entreprise est jugée irresponsable, elle doit intervenir immédiatement.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Miron, j’ai quelques questions pour vous. Je reviens sur votre idée que le « pollueur pourrait payer »: ça me parle. Vous avez dit que, quand on dépasse le milliard de dollars, les coûts de nettoyage et d’indemnisation incombent aux Canadiens.
Pour moi, tout ça fait partie du contexte d’une ou deux choses différentes.
Le premier contexte, pour moi, c’est le rapport publié en 2011 par le commissaire à l’environnement. Le commissaire s’est intéressé au transport de matières dangereuses par pipeline et a conclu qu’il y avait peu de preuves que l’Office national de l’énergie veille à ce que les entreprises s’occupent effectivement de corriger les lacunes de leurs pratiques et que, pire encore, l’ONE ne vérifie pas si les entreprises ont effectivement des manuels de procédures d’urgence. Ça me fait donc penser à Enbridge et à Kalamazoo et au fait que les organismes de réglementation américains ont associé la réaction au déversement de Kalamazoo aux Keystone Kops.
Je pense que les deux se recoupent. Si on n’a pas vraiment de manuel de procédures d’urgence, qu’est-ce qui se passe et qu’est-ce qu’on va faire? Plus les mesures d’urgence tardent à venir, plus les dommages environnementaux sont importants et plus les coûts de nettoyage, et éventuellement d’indemnisation, augmentent.
Ma question concerne le projet de loi C-46 et le fait de tirer parti de l’expérience des cas de déversement connus. Combien ont-ils coûté en frais de nettoyage? Quelles sortes de dommages ont-ils causées? Dans quelles proportions les entreprises et les contribuables, par le biais du gouvernement, ont-ils assumé ces coûts? Combien de demandes d’indemnité sont restées sans solution? Pouvez-vous nous aider à inscrire le projet de loi C-46 dans le contexte de ce que nous savons des déversements?
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D'accord. Je vous remercie.
Je vais répondre en anglais puisque, de cette façon, ce sera plus rapide.
[Traduction]
J’en resterais à mes deux modifications. Je pense que, en un sens, elles simplifieraient le projet de loi. Je crois qu’elles concrétisent essentiellement le même objectif.
La première sert simplement à clarifier le vocabulaire relatif aux dommages environnementaux.
La deuxième recommandation, qui exigerait ou du moins permettrait de prendre un règlement prescrivant la procédure d’évaluation des dommages environnementaux, est très importante à mon avis. En fait, la réglementation actuelle, si elle fait quelque chose, ce projet de loi interdit au gouverneur en conseil de prendre ce genre de règlement à l’égard du tribunal d’indemnisation. Je n’en vois pas bien la raison: pourquoi le tribunal d’indemnisation serait-il empêché d’accorder des indemnités pour ces dommages? Je pense que cette partie devrait être supprimée. Je parle du nouveau paragraphe 48.48(2). Et, là encore, c’est un règlement qui devrait établir une procédure profitant au secteur privé, au gouvernement à toutes les parties, dans l’esprit du modèle américain.
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Mes questions s'adresse à M. Donihee.
Vous jugez raisonnable, je suppose, que la sûreté des pipelines ne soit qu'un des facteurs de confiance du public envers les pipelines existants ou nouveaux. Il est bon que nous proposions une loi qui, espérons-le, garantira une augmentation et une amélioration des inspections et de la sûreté, mais aussi des réponses et des indemnisations plus rapides.
Cependant, je suis certaine que vous et votre association, de même que vos entreprises membres, avez pris note du rapport du groupe de travail qui vient de sortir et qui recommande de donner davantage la parole aux Premières Nations pour tous les projets liés aux ressources, y compris les pipelines, et de leur accorder une plus grande part des bénéfices. Cela fait écho au rapport Eyford qui a identifié l'échec du gouvernement à résoudre la question des revendications territoriales des Premières Nations comme étant l'un des obstacles clés à l'approbation des futurs pipelines.
J'aimerais entendre votre avis là-dessus, et savoir comment se situe selon vous la législation sur la sûreté des pipelines par rapport aux autres enjeux majeurs auxquels sont confrontées vos entreprises.
J'ai déjà abordé avec le comité et le gouvernement les questions liées à l'incident dont je vais vous parler.
Il y a plusieurs années, il s'est produit une importante rupture sur un pipeline d'Enbridge à Wrigley, dans les Territoires du Nord-Ouest. Cet incident a été découvert par un trappeur. En fait, il avait été alerté par un ours très agité.
Il est clair que, dans cette affaire, ni l'entreprise ni l'ONE n'avaient repéré la fuite, tant et si bien que le pétrole a continué de se déverser. La Première nation a été très choquée parce que personne ne l'a contactée pour qu'elle participe de façon constructive au processus.
Je voudrais savoir quels enseignements vous avez tiré de ce déversement et de la réponse apportée, si vous allez mettre en place de meilleurs processus de repérage des déversements et de meilleurs mécanismes d'intervention, et si vous travaillerez avec les communautés touchées.
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Merci beaucoup monsieur le président.
Je vais reprendre là où je me suis arrêtée après ma dernière question.
Mais je voudrais d'abord répéter que j'ai apprécié une remarque qu'a faite M. Blakely quand il a dit: « La vérité, c'est que nous habitons ici ».
Que nous soyons législateurs, régulateurs ou actionnaires d'une entreprise, de ceux qui construisent les pipelines ou qui travaillent pour ces entreprises, nous habitons tous ici et nous désirons tous nous assurer que les projets ne soient approuvés que s'ils sont sûrs pour les Canadiens et sûrs pour l'environnement.
Avant cette loi, notre gouvernement avait imposé de nouvelles amendes pour les entreprises enfreignant nos lois environnementales. Ces amendes se voulaient autant d'outils que l'ONE pourrait utiliser pour s'assurer que les entreprises soient pénalisées en cas de non-respect des réglementations ou des ordres de l'ONE.
Les mesures prévues dans cette loi s'appuient sur ces dispositions existantes en les améliorant et en les clarifiant. Par exemple, les entreprises qui exploitent de gros oléoducs de brut seront pleinement responsables jusqu'à un milliard de dollars. Je voudrais souligner que, si une entreprise devait être déclarée négligente ou fautive, sa responsabilité serait également illimitée. Cela devrait éliminer toute incertitude résiduelle quant à savoir qui est responsable des coûts de nettoyage et des préjudices si un incident se produit.
Monsieur Donihee, quelle est votre expérience de l'industrie, des membres de votre organisation? Avez-vous constaté que les entreprises sont prêtes à nettoyer et à restaurer l'environnement après un déversement, qu'elles sont prêtes à en assumer les coûts?
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Merci, monsieur le président.
De tout ce qui a retenu mon attention dans des témoignages précédents, il y a eu le débat sur le droit de poursuivre en common law. Il y a quelques avocats de ce côté salle et très peu au comité, alors je voudrais qu'on me dise quelle est la norme dans ce type de situation au Canada.
Nous avons eu un bon exemple avec l'Exxon Valdez qui nous a montré que les choses peuvent prendre 20 ans. Donner un exemple américain à un groupe de Canadiens profanes ne veut pas dire grand-chose, car nous savons que les Américains ont un système qui est parfois un peu étrange, même si nous avons la common law en commun.
Imaginons que quelque chose se produise après l'adoption de cette loi et que l'incident soit passible d'une action en justice. Quel type d'activité pourrait-on poursuivre en vertu de cette nouvelle loi? Je sais que ce ne sont que des suppositions, mais cela permettrait de donner aux profanes qui composent ce comité une idée de la durée et de la nature du processus dans lequel nous nous engagerions le cas échéant.
On nous demande de voter une loi assortie de procédures juridiques. Je suis géophysicien et nous disposons de diverses autres compétences autour de cette table; donc pour être tout à fait franc je ne saisis pas complètement toutes les implications.
Beaucoup semblent se dire: « Nous pouvons enseigner quelque chose à ce monsieur. » — alors, qui veut commencer à parfaire mon éducation juridique?
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Sans aller jusque-là, je ferais de mon mieux pour répondre à votre question.
Pour le moment il n'y a pas beaucoup de contentieux dans ce cadre. Il s'est produit un déversement en Alberta récemment, le déversement de la société Plains Midstream, il y a eu, dans ce cadre, une application réglementaire, mais il n'y a pas eu de poursuites en vertu de la common law pour dommages environnementaux.
Comme je l'ai dit dans mes remarques, bien que la Cour suprême du Canada ait ouvert la porte pour que le gouvernement puisse engager des poursuites afin d'obtenir réparation pour des préjudices environnementaux dans des cas comme le Mont Polley, Plains Midstream ou Lac-Mégantic; les gouvernements successifs ne l'ont jamais fait au Canada.
Dans les cas de préjudices privés, ce qui est le plus fréquent, les particuliers ont la possibilité — avec ou sans cette loi — d'engager des poursuites pour préjudices subis. La loi ne change rien.
Je suis d'accord avec M. Miron pour dire qu'il s'agit essentiellement d'une codification du régime de common law et nous n'avons pas vu de cas dans lesquels des organismes gouvernementaux fédéraux ou provinciaux engagent des poursuites judiciaires pour des dommages environnementaux. Ces dommages environnementaux deviennent donc, avant tout, des externalités. C'est principalement nous, nos collectivités et nos générations futures qui assumons le coût.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie le témoin de sa présence et de son témoignage.
J'ai manqué la première heure de séance, alors veuillez m'excuser si je répète certaines choses.
Je proviens du Québec où les gens sont très préoccupés par les projets de pipelines. Présentement, il y a un projet de pipeline de TransCanada et l'inversion de la Ligne 9. Au Québec, les gens sont directement visés par ces projets.
On entend souvent dire qu'il semble les gens ont de la difficulté à s'exprimer. Les gens touchés par le projet disent qu'il est difficile de s'exprimer.
Le projet de loi contient bien sûr des éléments intéressants. Toutefois, il semble qu'il manque quelques points. Par exemple, on parle du droit de consulter au plan environnemental. Il y a des droits environnementaux liés à la consultation, comme ceux par rapport aux Premières Nations. Je pense que c'est aussi le cas par rapport à la population en général.
Le projet de loi répond-il aux besoins liés à la consultation? La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale a été amendée, ce qui fait en sorte que les consultations au sujet des évaluations environnementales sont plus difficiles.
Messieurs Olszynski et Miron, pouvez-vous nous en dire davantage quant au respect de ce droit touchant les consultations? Quelles sont les difficultés à cet égard?
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Monsieur Choquette, je vous remercie de la question.
[Traduction]
Tout d'abord, pour avoir eu, dans une précédente vie, le privilège de travailler à l'Office national de l'énergie en tant que directeur d'exploitation, je dirais que l'ONE est un employeur indépendant. Il a un certain niveau d'indépendance.
Les financements qu'il reçoit pour ses opérations proviennent à 90 % de coûts remboursés par le secteur industriel, donc on peut dire que ce secteur, comme je l'ai dit dans mon témoignage, reconnaît clairement le bénéfice qu'il y a à avoir un régulateur fort et à quel point c'est essentiel.
Là ou l'ONE est à la peine, très franchement, c'est quand il se voit imposer des niveaux de rémunération qui sont courants dans la fonction publique, mais qui n'aident pas tellement l'ONE qui est installé à Calgary et qui est en concurrence pour employer des personnes ayant des compétences techniques de très haut niveau. Il a des difficultés à être compétitif, en ce qui concerne ses pratiques en matière d'embauche et de rémunération, pour recruter des personnes compétentes et pour les conserver.
Je crois que l'une des principales recommandations que je pourrais faire, soit garantir l'existence d'un Office national de l'énergie fort, bien financé et souple, en mesure de fournir le travail de qualité en matière de supervision, de capacité et de compétence que les Canadiens attendent.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins qui sont ici aujourd'hui ainsi que le témoin qui participe à la réunion par l'entremise de la vidéoconférence.
[Traduction]
Je voudrais notamment soulever la question du financement de l'ONE, car, selon le Budget principal de 2015-2016, le financement de l'ONE pour la réglementation des pipelines, des lignes électrique, du développement énergétique et ainsi de suite, a baissé, passant de 81,7 millions de dollars en 2013-2014 à 76.8 millions de dollars pour 2015-2016. Soit une baisse de 4.9 millions de dollars et d'environ 6 %.
Étant donné que le projet de loi confère un certain nombre de responsabilités supplémentaires à l'ONE et davantage d'autorité, ne trouvez-vous pas étrange que son budget diminue au lieu d'augmenter? Quel effet cela aura-t-il sur la confiance qu'a le public dans la capacité de l'ONE de faire en sorte que nos pipelines soient les plus sûrs au monde?
Monsieur Donihee, voulez-vous commencer?
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Cette question a été souvent soulevée par tous les témoins. J'ai particulièrement apprécié votre témoignage. Ce projet de loi prévoit la promulgation d'un grand nombre de règlements. Sans eux, il y encore de nombreuses incertitudes légales sur la nature exacte de ce que sera le régime.
Je demande au gouvernement et à l'Office national de l'énergie si oui ou non ils ont déjà discuté entre eux, et avec le secteur de l'énergie. Cela semblerait logique au début de la rédaction des dispositions réglementaires. J'ai l'impression que, quand j'étais sous-ministre adjoint, lorsqu'on proposait un régime législatif entièrement nouveau, on réfléchissait aussi à la réglementation à mettre en place pour donner corps au projet de loi, mais aussi au genre de recrutement et de formation dont on allait avoir besoin pour mettre en oeuvre ce nouveau régime d'une façon efficace et constructive.
J'aimerais avoir votre avis là-dessus; n'importe lequel d'entre-vous. J'ai apprécié les remarques de M. Donihee qui ont été très honnêtes. C'est bien de savoir que vous avez autrefois travaillé pour l'ONE, vous connaissez les besoins.
Je voudrais juste savoir si vous êtes d'accord et si vous partagez mes préoccupations. Je ne peux me baser que sur ce que le gouvernement et l'ONE nous ont dit, à savoir que rien n'a été fait pour le moment au sujet de cette réglementation. N'est-il pas logique d'accélérer la promulgation des règlements nécessaires, dans le cadre d'un processus consultatif, en sorte que nous sachions enfin ce que sera ce nouveau régime réglementaire?