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RNNR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources naturelles


NUMÉRO 059 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 14 mai 2015

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Nous entamons aujourd'hui la dernière séance avec témoins de notre étude sur le renouveau de l'industrie forestière canadienne. Les séances précédentes ont toutes été très instructives, les témoins étaient très efficaces et les membres du comité ont participé activement aux travaux.
    Avant de commencer la séance d'aujourd'hui, j'aimerais vous lire un bref message qui m'a été envoyé. Je ne fais pas ça souvent, mais je crois que ça vaut la peine. Le message en question nous vient de l'un de nos témoins, M. Derek Gray.
    J'ai bien aimé qu'il prenne le temps de reconnaître la valeur du comité. Voici ce qu'il dit:
    J'ai comparu hier devant le Comité permanent des ressources naturelles, et je tenais à vous dire que j'ai beaucoup aimé mon expérience! J'étais rempli d'appréhensions, et je me suis aperçu que c'est très difficile de résumer des questions complexes en quelques minutes, mais j'ai bien aimé la manière simple et directe dont vous avez dirigé les travaux...
    — ce n'est pas pour ça que je vous lis son message —
... et l'intérêt sincère que dénotaient les questions posées par les membres du comité m'a beaucoup encouragé.
    Ce n'est pas tout, mais c'est quand même gentil de recevoir des fleurs, et je tenais à féliciter tout le monde ici présent pour la manière dont vous vous comportez durant les séances. C'est très productif, et les gens s'en aperçoivent.
    Aujourd'hui, nous recevons le directeur de la Recherche et du Développement pour le Secteur des pâtes et papier de Domtar inc, M. Bruno Marcoccia; le directeur de l'Accès aux marchés de l'Association canadienne des granules de bois, M. John Arsenault. Bienvenue à vous deux. Nous entendrons aussi le témoignage à titre personnel de M. Patrice Mangin, qui est professeur au Centre de recherche sur les matériaux lignocellulosiques de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Soyez le bienvenu. Enfin, le doyen de la faculté de foresterie, de géographie et de géomatique de l'Université Laval, M. Robert Beauregard, témoignera par vidéoconférence à partir de Montréal. Bienvenue, monsieur Beauregard. Merci à vous tous d'être avec nous aujourd'hui.
    Les exposés liminaires auront lieu dans le même ordre que sur l'ordre du jour. Nous allons donc commencer par M. Bruno Marcoccia, de Domtar inc. Vous disposez de sept minutes, monsieur Marcoccia, on vous écoute.
    Merci à vous, monsieur le président, ainsi qu'à vous, mesdames et messieurs les députés.
    Comme vous le savez peut-être, Domtar est une société cotée en bourse qui est présente partout dans le monde, qui fournit de l'emploi à environ 10 000 personnes et dont les recettes annuelles dépassent 5 milliards de dollars. Nos activités se répartissent entre deux divisions, liées toutes les deux à l'industrie des produits forestiers: d'une part les soins personnels, et d'autre part les pâtes et papiers. Je représente la division des pâtes et papiers.
    Notre division dispose d'un réseau de fabrication primaire situé entièrement en Amérique du Nord et comptant 13 usines de pâtes et papiers un peu partout au Canada et aux États-Unis. Quatre de ces usines sont situées au Canada, et les neuf autres sont aux États-Unis. Annuellement, notre réseau nord-américain produit plus 4,5 millions de tonnes de pâte et plus de 3,5 millions de tonnes de pâte à papier d'usage courant et de spécialité. Domtar est le plus important fournisseur nord-américain de papiers fins non couchés et l'un des principaux fournisseurs de pâte à papier commerciale.
    Comme vous le savez peut-être aussi, Domtar est une entreprise typiquement canadienne qui a été fondée au XIXe siècle et qui demeure profondément attachée au Canada. En tout et pour tout, environ le quart des activités de production de Domtar ont présentement lieu au Canada. Le secteur canadien des pâtes et papiers donne de l'emploi à plus de 2 500 personnes et produit et met en marché plus de 1,4 million de tonnes de pâte et plus de 750 000 tonnes de papier chaque année.
    J'aimerais parler des raisons pour lesquelles Domtar s'intéresse de si près au renouveau de l'industrie forestière. Deux grands facteurs macroéconomiques ont influé sur l'ensemble de l'industrie des produits forestiers et plus particulièrement sur les entreprises qui produisent du papier de communication. Primo, la baisse progressive de la demande touchant les produits de base, et secundo, la concurrence internationale. En Amérique du Nord, mais tout spécialement au Canada, notre industrie doit composer avec un désavantage structurel côté coûts. C'est particulièrement vrai dans le secteur de la pâte à papier commerciale produite à partir de feuillus, et encore plus dès qu'il est question de papier fin ou de papier non couché.
    En ce qui concerne le papier non couché, notre produit de base décline de 2 à 3 % par année depuis 10 ans. Malgré un bon rendement opérationnel depuis la création du nouveau Domtar en 2006, ce déclin progressif se fait bel et bien sentir. Sans aller trop dans les détails, disons que, collectivement, ces facteurs macroéconomiques ont provoqué un important exercice de diminution des capacités et de réorientation dans l'ensemble de l'industrie. Plusieurs usines ont carrément été contraintes de fermer leurs portes. Domtar n'y a pas échappé, puisque nous avons dû fermer plusieurs installations au Canada et aux États-Unis et que nous nous affairons à en réorienter de nombreuses autres vers la production d'autres types de pâtes.
    Ceux qui, comme nous, s'intéressent aussi à la recherche-développement ont également constaté que cette baisse des capacités de fabrication était accompagnée d'un déclin des activités internes de R-D dans l'ensemble de l'industrie. Malgré ces difficultés — pour ne pas dire ces écueils dans certains cas —, Domtar mise gros sur l'innovation pour se renouveler et s'engage à occuper une place de choix sur la scène mondiale de l'innovation appliquée à la fabrication du papier. Nous entendons pour cela tabler sur nos compétences fondamentales, nos atouts et notre gamme de produits afin d'élaborer tout un portefeuille de nouveaux produits du papier à valeur ajoutée.
    Quand je parle de compétences fondamentales, je veux parler de l'exploitation et de la gestion de notre chaîne d'approvisionnement forestière et de notre réseau de fabrication primaire, qui permet la conversion et la valorisation de plus de 12 millions de tonnes de bois sec par année. J'insiste d'ailleurs sur un fait important: même si nous faisons entrer 12 millions de tonnes de bois sec dans notre chaîne d'approvisionnement — je le précise, car il y aussi du bois humide —, nous traitons en réalité 24 millions de tonnes de bois par année.
    Moins de 40 % du bois massif sert à produire les pâtes et le papier que nous mettons en marché. Le reste — soit 55 % — est brûlé afin de servir de combustible interne. Il n'est donc pas gaspillé. Même si ce bois a peu de valeur, il en a quand même une. Par rapport aux produits que nous mettons en marché, la valeur du bois brûlé ou transformé en combustible est généralement de 5 à 10 %.
    Selon nous, le renouveau passe par le bioraffinage intégré. Dans ce cas-ci, le terme « intégré » désigne l'intégration à notre chaîne d'approvisionnement existante et à nos systèmes de conversion primaire, c'est-à-dire les usines de pâte à papier et les usines de papier. Le terme « bioraffinage », lui, désigne plutôt un procédé de fabrication capable de produire une vaste gamme de produits, et pas juste de la pâte et du papier — deux catégories qui sont malgré tout là pour durer à notre avis —, mais des produits qui permettent de maximiser la valeur globale de la matière première.
(1535)
    Avant de terminer, j'aimerais aborder quelques-uns des thèmes chers au comité, à savoir la diversification du secteur et du marché, y compris les plans, les stratégies et les pratiques exemplaires connexes.
    La diversification du secteur et du marché fait partie intégrante des activités de Domtar et des entreprises de fabrication en général. Chacune de nos 13 usines a fait l'objet d'un important exercice de réorientation depuis 10 ans. La transition vers des pâtes et des papiers de spécialité à valeur ajoutée à partir d'installations servant jusque-là à la fabrication de produits d'usage courant demeurera un thème très présent dans l'avenir.
    Dans l'ensemble de notre réseau, nous cherchons en outre à créer des coproduits à valeur ajoutée, à leur trouver une application et à les mettre en marché. Notre programme est axé sur cinq plateformes: les fibres de pointe et leurs dérivés; la lignine et ses dérivés; les saccharides transformables — le sucre, comme dit souvent —; les produits de conversion thermochimique, comme la pyrolyse et la gazéification, qui servent généralement de combustibles; et la plus petite des cinq, les produits volatiles et saponifiables de même que les matières extractibles et leurs dérivés.
    Les éléments clés de notre stratégie et de nos pratiques sont les suivants:
    Nous préconisons une approche axée sur l'innovation ouverte et cherchons activement à conclure des partenariats avec les utilisateurs finaux, les fournisseurs technologiques, les universités et les établissements de recherche, les organismes gouvernementaux et les commanditaires.
    Nous tâchons de nous positionner comme un catalyseur de choix afin d'attirer les partenaires les plus prometteurs et d'obtenir un avantage concurrentiel. La méthode est simple: nous agissons rapidement et n'hésitons pas à foncer; nous sommes ouverts aux discussions avec tous les types de fournisseurs technologiques, y compris les entreprises en démarrage; nous décidons rapidement de donner suite, ou non, à nos projets; et nous nous bâtissons une réputation de leaders dans le domaine de l'innovation et de la réalisation de projets.
    Il y a un autre élément qui joue en notre faveur: nous savons déceler les synergies particulières qui se dégagent avec notre base de fabrication et nous savons en tirer parti. Comme nous disposons d'un vaste réseau diversifié de fabrication et d'un vaste bassin de personnes de talent dans nos différentes installations, c'est plus facile de trouver la perle rare. Or, c'est souvent ce qu'il faut trouver pour que fonctionnent les projets de démonstration de technologies, c'est-à-dire en atténuer les risques, en diminuer les coûts et en assurer le succès.
    Enfin, nous n'hésitons pas à faire plusieurs petits paris, même si j'admets que le qualificatif « petits » dépend évidemment du point de vue où l'on se place. Essentiellement, il s'agit de mener des efforts en parallèle afin de limiter les risques et l'exposition, mais de bouger rapidement afin de créer des plateformes qui permettent de lancer de nouvelles initiatives d'envergure et de procéder par la suite de manière organique.
    J'aimerais vous donner deux exemples récents, car il s'agit à mon avis de projets transformateurs de classe mondiale.
    Commençons par l'usine-pilote de nanocellulose cristalline à nos installations de Windsor, au Québec. Première usine du genre au monde, elle a été construite et financée en partenariat avec FPInnovations, union qui a donné naissance à CelluForce JD. Ce projet a bénéficié du soutien sans faille du programme Investissements dans la transformation de l'industrie forestière, de Ressources naturelles Canada, et du gouvernement du Québec.
    L'autre exemple que j'aimerais vous donner est celui de notre projet d'extraction de la lignine mené à notre usine de Plymouth, en Caroline du Nord. Ce projet a reçu l'appui du département de l'Énergie et de l'initiative de recherche-développement sur la biomasse du département de l'Agriculture des États-Unis ainsi que d'une multitude de partenaires. En fait, si on calcule nos clients, nous pouvons compter sur plus d'une centaine de partenaires et de collaborateurs dans ce secteur.
    Parallèlement à l'innovation stratégique et à l'amélioration des produits existants, la réaffectation continue de nos actifs vers les nouveaux produits de pâtes et papier de spécialité va constituer un thème majeur dans l'avenir, comme je le soulignais tout à l'heure.
    Un bon exemple d'innovation stratégique qui a commencé par l'amélioration de produits existants serait la création récente d'une fibre de spécialité exclusive et potentiellement révolutionnaire. L'intégration verticale aux produits existants minimise les risques et accélère la commercialisation. Dans le cas qui nous intéresse, elle a permis d'ouvrir la voie à la mise en marché de cette technologie d'envergure et de créer du coup une plateforme où développer ce produit et en faire la démonstration sur les marchés externes, en l'occurrence celui des pâtes de spécialité. Ce projet, dont l'annonce aura lieu sous peu, est financé en partie par le programme Investissements dans la transformation de l'industrie forestière de Ressources naturelles Canada.
    L'élaboration de produits de grande valeur constitue un objectif fondamental de notre programme et l'une de nos préoccupations quotidiennes. Nous commençons par créer des produits de grande valeur à partir des fibres que nous produisons déjà, mais aussi à partir des autres composants de la matière première qui, comme je le disais plus tôt, est actuellement brûlée. Plus de la moitié de la biomasse forestière est brûlée afin d'en faire du combustible interne.
    Pensons aussi à l'extraction et à la purification de la lignine à partir de la liqueur noire. Il s'agit de la première d'une série d'étapes de valorisation, mais il s'agit surtout pour nous d'une plateforme idéale pour les futurs dérivés à valeur ajoutée de la lignine.
(1540)
    L'élaboration de dérivés de grande valeur et d'applications constitue notre objectif ultime et notre principal facteur de succès. Une bonne partie du succès dépend d'ailleurs de la collaboration efficace avec les fournisseurs technologiques et les utilisateurs de ces produits dérivés.
    Parmi les difficultés que nous rencontrons, nous devons trouver le bon mécanisme de transfert. Quand doit-on arrêter de perfectionner un produit et le remet-on entre les mains d'un client?
    En ce qui concerne l'utilisation optimale des résidus forestiers, dans la plupart des cas, les usines de pâte à papier les utilisent comme matière première ou comme biocombustible pour les chaudières. Au fur et à mesure que l'extraction et la valorisation de la lignine s'implanteront — nous entrevoyons un marché de plusieurs millions de tonnes par année d'ici 5 à 10 ans, selon la manière dont les choses évoluent —, il deviendra de plus en plus nécessaire de remplacer ce combustible interne par des biocombustibles de valeur relativement peu élevée, ce qu'on appelait les déchets ligneux. C'est la première façon de mieux utiliser ces résidus forestiers.
    Mais surtout, en ce qui concerne les saccharides — le sucre —, notre approche consistera à développer cette plateforme en prenant les résidus forestiers de faible qualité qui sont présentement inutilisables et en les utilisant pour fabriquer de la pâte. Nous pourrions par exemple commencer par les résidus que rejettent continuellement les usines de pâte à papier lors du processus de sélection des copeaux. Toutes les usines de pâte à papier du Canada — et du monde, quand on y pense — rejettent environ 5 % du bois qu'elles utilisent et le brûlent pour en faire du combustible bon marché.
    Le dernier thème dont je voudrais parler est celui du développement continu du système d'innovation. Il s'agit d'ailleurs d'un sujet qui me tient particulièrement à coeur.
    Je signale au passage que, même si un peu plus du quart des opérations de Domtar se font au Canada, de 50 à 75 % de nos efforts de développement technologique et d'innovation sont menés ici. La proportion de R-D, de démonstration commerciale et de mise en marché est donc nettement à l'avantage du Canada.
    Et ce n'est pas par sentimentalisme qu'il en est ainsi. C'est parce qu'à notre avis, quand elle est réalisée en territoire canadien, l'innovation stratégique nous donne un meilleur accès aux systèmes, aux ressources — y compris les ressources humaines et les établissements de recherche —, aux infrastructures, aux politiques publiques et aux programmes de subvention nécessaires pour innover. Domtar se prévaut et bénéficie d'un grand nombre de programmes fédéraux et provinciaux de soutien à l'innovation, de la recherche fondamentale à la présence universitaire en passant par la validation du principe de même que la démonstration et le développement commerciaux.
    Voici quelques exemples de programmes fédéraux dont nous avons reçu du financement: les subventions d'engagement partenarial et de recherche-développement coopérative du CRSNG, qui visent à favoriser et à financer la collaboration en milieu universitaire; les partenariats avec divers laboratoires fédéraux, comme le CNRC et CANMET; les partenariats avec des consortiums et des établissements de recherche financés par le fédéral, comme FPInnovations; les programmes de soutien au renouveau de l'industrie forestière, comme le Programme d'écologisation des pâtes et papiers et le programme Investissements dans la transformation de l'industrie forestière, de Ressources naturelles Canada.
    Permettez-moi de dire que, dans toute ma carrière, le Programme d'écologisation des pâtes et papiers constitue sans doute le meilleur programme et la politique la mieux mise en oeuvre que j'aie jamais vus, car il a su donner d'excellents résultats, et vite.
    Il y a aussi des programmes destinés à soutenir le développement de biotechnologies stratégiques, comme Technologies du développement durable Canada, ou le recrutement de professionnels de haut calibre, comme l'ancien programme de bourses postdoctorales du CRSNG, qui relève désormais de l'organisme Mitacs. Il faut absolument que les jeunes cerveaux s'intéressent à notre industrie. Il s'agit d'un des domaines où le Canada est très nettement avantagé par rapport aux États-Unis.
    Nous croyons que la tendance qui pousse Domtar à compter sur le Canada pour ses efforts d'innovation va se poursuivre au moins dans un avenir rapproché, puisque devraient être annoncés bientôt deux initiatives emballantes de démonstration commerciale, toutes deux financées par le programme Investissements dans la transformation de l'industrie forestière de Ressources naturelles. Il y a tout d'abord le projet de fabrication d'une pâte de spécialisée ultra performante à notre usine de Dryden, en Ontario. À Windsor, au Québec, nous convertirons la lignine isolée de manière à la rendre utilisable dans les pellicules thermoplastiques. Tout ça en partenariat avec Ressources naturelles Canada.
    Voilà, c'est ce qui conclut mon exposé.
(1545)
    Merci beaucoup de votre présentation, monsieur Marcoccia.
    Nous passons maintenant à John Arsenault, directeur de l'accès aux marchés de l'Association canadienne des granules de bois.
    Allez-y, s'il vous plaît, vous avez sept minutes pour faire votre présentation.
    Je représente l'Association canadienne des granules de bois et nous fabriquons des granules de bois. J'ai ici des échantillons que j'aimerais faire circuler pour que vous sachiez de quoi il s'agit. Je crois savoir que M. Regan connaît déjà cela.
    Cela me semble familier.
    S'agit-il du même produit dans les deux langues officielles?
    Des voix: Oh, oh!
    J'en suis certain, mais on les appelle pellets en anglais, wood pellets, pour être plus précis.
    Des exemplaires de ma présentation ont été distribués, alors vous les avez probablement en main. Je vais vous donner un bref cours sur les granules de bois, en commençant par ces échantillons, et je vous donnerai des renseignements sur les statistiques de production et les marchés d'exportation; la viabilité, qui est un enjeu majeur pour nos producteurs; certains débouchés canadiens dont nous aimerions parler; et aussi l'appui de RNCan, qui est indispensable à notre organisation à l'heure actuelle.
    Les granules de bois sont un carburant renouvelable. Elles sont fabriquées à partir de résidus forestiers, principalement de la sciure de bois provenant des scieries. La sciure peut être pressée et la lignine agglomère la fibre.
    Pour vous donner une idée de la pression que nous utilisons, nous comprimons le bois assez fort pour que, si vous imaginez que la fibre est une éponge... Quand vous essorez une éponge, l'eau en sort. Eh bien, c'est ce que nous faisons avec la fibre. Vous pouvez essayer de le faire avec le coin de votre table et vous verrez qu'il faut une grande pression pour extraire le jus d'un morceau de bois. C'est le genre de pression que nous utilisons.
    Aucun additif n'est nécessaire car la colle sort naturellement du bois et sert de liant.
    Nous utilisons principalement des résidus de scierie. Nous avons aussi accès à des résidus de coupe — c'est-à-dire les résidus forestiers dont il a été question plus tôt —, mais en ce moment, la plupart des marchés recherchent la fibre la plus propre possible et c'est pourquoi nous utilisons de la sciure de bois. Il y a une grande quantité de résidus de coupe disponibles et, au fil des ans, l'industrie des granules de bois est devenue complémentaire à l'industrie forestière, car elle utilise une partie des fibres qui sont traditionnellement abandonnées et celles qui sont malheureusement rendues disponibles par le léger recul de l'industrie papetière.
    Nous comprimons la fibre dans des moules et le produit en ressort chaud et comprimé, comme ce que vous voyez ici.
    Dans le monde, il y a deux grandes utilisations pour les granules. Premièrement, une grande proportion remplace le charbon pour produire de l'électricité. Dans les grandes chaudières industrielles, les granules de bois sont l'un des produits qui remplacent le plus facilement le charbon pour produire de l'électricité. Plusieurs établissements ont converti leur équipement à cette fin, d'abord en Europe, puis au Canada, où le phénomène commence à se manifester. Au cours des dernières années, dans le cadre de son élimination progressive de l'utilisation du charbon, l'Ontario a converti deux centrales électriques aux granules de bois: l'une à Atikokan, dans l'ouest de la province, et l'autre, plus récemment, à Thunder Bay.
    Deuxièmement, les granules de bois sont utilisées pour le chauffage, le refroidissement et l'eau chaude dans les résidences et les industries. C'est ce que fait M. Regan, il chauffe sa maison avec des granules. Il a un poêle à granules de bois qui remplace n'importe quelle sorte d'énergie pouvant servir à chauffer la maison.
    Cependant, produire de l'électricité au moyen de ce genre de produit n'est pas le moyen le plus efficace d'utiliser l'énergie. Pour la production d'électricité, l'efficacité est de 35 %, par rapport à 90 % pour le chauffage résidentiel. Idéalement, on fait les deux à la fois. C'est ce qu'on appelle des systèmes de cogénération. L'industrie papetière, par exemple, favorise ces systèmes depuis des années. L'électricité et la vapeur sont produites pour faire fonctionner l'installation, ce qui fait remonter l'efficacité à 90 % et fournit une forme d'énergie qui est plus rentable, en plus de l'électricité.
    La demande mondiale de granules de bois fera l'envie de l'industrie papetière. En effet, elle augmente pratiquement de 2 millions de tonnes par année. Il en est ainsi depuis les 10 dernières années et la demande continue de croître, stimulée par les deux marchés: le chauffage et la production d'électricité. Par exemple, nous avons constaté récemment que le Royaume-Uni a augmenté considérablement sa consommation de granules et que la Corée est elle aussi en train de devenir un joueur de premier plan.
    Nous pouvons desservir tous ces marchés en expédiant le produit à l'étranger. Comme vous pouvez le constater dans mon graphique, l'Europe demeure le plus gros joueur. Plus de la moitié de la production est consommée en Europe, dans les deux marchés à la fois.
    À l'heure actuelle, nous expédions beaucoup de granules de bois à l'étranger, principalement depuis la Colombie-Britannique. Elles sont aussi expédiées, dans une moindre mesure, depuis Halifax et Belledune, au Nouveau-Brunswick, et elles le seront sous peu depuis la ville de Québec et l'Ontario vers le Royaume-Uni, par le port de Québec. Cependant, traditionnellement, la majorité des granules exportées sont expédiées depuis la Colombie-Britannique vers l'Europe, en passant par le canal de Panama. Maintenant, l'intérêt commence à croître en Asie, et nous espérons que l'ouverture du marché asiatique permettra aux producteurs de l'Est du Canada d'exporter une partie leur production vers l'Europe.
(1550)
    La principale raison pour laquelle les producteurs de la Colombie-Britannique réussissent à expédier vers l'Europe une plus grande quantité de granules que les producteurs de l'Est, c'est le coût de la fibre. La fibre à faible coût abonde en Colombie-Britannique. Environ 25 % de toute l'activité de sciage a lieu dans la vallée de Prince George, où il y a peu d'acheteurs intéressés aux produits secondaires, comme la sciure de bois. L'industrie des granules de bois y a donc pris une grande importance. Chaque année, près de deux millions de tonnes de granules sont exportées depuis cette seule région.
    Dans l'Est, le marché de l'utilisation de la fibre secondaire est plus diversifié. La fibre sert à fabriquer du carton, à faire des panneaux qui entrent dans la fabrication de meubles, à chauffer les usines, à sécher le bois séché au four ou à faire fonctionner les usines de papier. La fibre coûte donc plus cher dans l'Est et, par conséquent, l'exportation vers l'étranger est moindre. Nous préférons desservir le marché local du chauffage dans cette région.
    À l'heure actuelle, les exportations sont destinées en majeure partie au Royaume-Uni, qui a mis en place un programme d'encouragement pour produire de l'électricité au moyen d'énergies renouvelables. Cela va des parcs éoliens à l'énergie solaire, en passant par la biomasse dans les centrales électriques. Le programme connaît un grand succès. Il y a cinq ans, le Royaume-Uni ne produisait ni n'importait aucune granule, mais il est devenu le plus important marché d'exportation pour les granules du Canada et du sud des États-Unis, lesquels desservent aussi ce marché.
    En revanche, l'exportation vers les Pays-Bas, qui était auparavant l'un des principaux marchés, a diminué en raison des changements apportés aux programmes d'aide à la conversion aux granules. En effet, pendant un certain temps, il n'y a eu aucun programme d'encouragement à l'utilisation des granules et nous avons constaté une diminution considérable de la quantité de produits importée par ce pays.
    Pour ce qui est du remplacement des combustibles fossiles par de la biomasse, l'un des principaux problèmes est lié à la viabilité. Bien des gens en sont venus à croire que brûler de la biomasse est pire que de brûler du charbon, par exemple, ce qui n'a aucun sens selon moi. Plusieurs grands utilisateurs de biomasse, ainsi que des producteurs et des associations comme la nôtre, se sont réunis pour établir des critères permettant d'évaluer la viabilité de la biomasse dans ce genre d'applications. Nous avons ainsi créé le Sustainable Biomass Partnership, en collaboration avec des partenaires européens.
    Il y a des occasions à saisir au Canada pour l'utilisation de granules comme combustible. Les granules servent principalement à remplacer le mazout. On sait que, pour le chauffage résidentiel, le gaz naturel détient presque la totalité du marché, contrairement aux granules qui en détiennent une toute petite part, qu'on peut à peine voir sur le graphique. Je suppose que cela fait partie d'un marché restreint et c'est peut-être la voie à suivre pour le moment.
    Toutefois, même si les granules coûtent moins cher que la plupart des autres sources d'énergie, mis à part le gaz naturel, dans la plupart des régions, nous n'arrivons toujours pas à pénétrer le marché autant que nous le souhaitons. Notre objectif est de multiplier par 10 la consommation de granules. Cela voudrait dire que vous utiliseriez tous des granules pour chauffer votre maison, au lieu d'un seul d'entre vous.
    Je devrais probablement dire que nous sommes deux, parce que je chauffe aux granules moi aussi.
    Cela créerait un marché énorme pour les producteurs, et grâce à de petits programmes d'encouragement comme ceux qui ont été instaurés aux États-Unis, qui subventionnent la conversion en accordant des réductions d'impôt pour les appareils à rendement élevé... Ces programmes remportent un succès considérable.
    De plus, on créerait ainsi toute une gamme d'activités économiques. Les producteurs de granules ne seraient pas les seuls à profiter de la situation, les installateurs et les fabricants d'équipement en bénéficieraient aussi. On pense aussi à l'entretien et à la conception d'équipement: c'est toute une chaîne d'activités qui serait soutenue si l'on encourageait cette énergie renouvelable. Il y en a de beaux exemples dans les Territoires du Nord-Ouest.
    Je pensais qu'il y avait un député du Yukon ici. Il n'est peut-être pas là aujourd'hui.
(1555)
    Il n'est pas là aujourd'hui.
    D'accord.
    Eh bien, les Territoires du Nord-Ouest ont commencé en remplaçant le système de chauffage d'une aile de la prison par un système de chauffage aux granules de bois, il y a cinq ans, et c'est maintenant à cet endroit qu'on utilise la plus grande quantité de granules de bois au Canada. En effet, les 40 000 habitants de ce territoire consomment environ 20 000 tonnes de granules par année. Ce produit a remplacé le mazout et un marché local s'est créé autour de celui-ci. La majorité des granules proviennent de l'Alberta, une province qui a bien du mal à trouver des marchés à l'heure actuelle.
    Ce produit a également des applications industrielles. Il permet de réduire les émissions de carbone, ce qui peut être avantageux pour l'industrie minière, l'extraction pétrolière...
    Il y a aussi un autre aspect qui n'attire pas nécessairement l'attention, et c'est le suivant: si l'industrie utilisait la biomasse au lieu du pétrole pour extraire du pétrole, le chauffer et le raffiner, elle lutterait un peu contre la pollution, et les gens seraient moins nombreux à dire que le pétrole de l'Ouest du pays est du « pétrole sale », par exemple.
    Les granules peuvent aussi remplacer le charbon. Nous l'avons constaté en Ontario. Il est possible de remplacer avec succès de grandes quantités de charbon par ce produit. Toute politique visant à appuyer cette transition contribuerait à soutenir notre industrie.
    En général, les perspectives sont bonnes pour notre industrie. L'Europe continuera de dominer pour ce qui est du chauffage et de l'électricité.
    En ce qui concerne l'homologation de l'exploitation forestière, nous obtenons beaucoup d'aide de la part des représentants du Canada à l'étranger, qui font savoir aux gens que le Canada est un partenaire fiable dans le domaine de la foresterie. Il est essentiel de développer ces marchés. Un vaste pan du marché national peut être développé, ce qui aidera l'ensemble de l'industrie. Ressources naturelles Canada nous aide à promouvoir cet aspect et à présenter des preuves à l'appui, en plus de participer à la diffusion de ces renseignements. Nous l'en remercions.
    Merci.
(1600)
    Merci beaucoup, monsieur Arsenault, de votre présentation.
    Nous allons maintenant passer à M. Patrice Mangin, qui est professeur au Centre de recherche sur les matériaux lignocellulosiques à l'Université du Québec à Trois-Rivières.
    Vous pouvez commencer votre présentation. Vous disposez de sept minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président. Honorables membres du Parlement, mesdames et messieurs, je vous remercie de l'invitation.
    J'aimerais commencer par livrer mon message principal: proposer que le gouvernement fédéral considère le potentiel de développer une filière de la biomasse forestière, notamment et plus particulièrement des résidus forestiers et des bois que l'on ne peut valoriser, touchés par des épidémies ou des feux de forêts, en mettant en place des politiques qui favoriseraient l'utilisation durable des ressources naturelles, notamment pour la production d'énergie renouvelable et de bioproduits.
     Une fois qu'on a dit ça, on peut voir le potentiel, d'ici 2035, de l'industrie des produits forestiers du Canada, qui peut devenir une source de prospérité collective, être économiquement plus performante qu'actuellement, innovante, attrayante, citoyenne, responsable et créatrice d'emplois stables, bien rémunérés, et avec un accent croissant sur la main-d'oeuvre qualifiée. Elle pourrait aussi devenir clé dans l'écologisation de l'économie canadienne et devenir un modèle de pratiques de développement durable avec un impact positif sur la réduction des gaz à effet de serre, sur les changements climatiques, sur la séquestration du carbone, sur les bassins aquifères et sur le bilan de l'eau en général.
    Cela étant dit, la mise en place ne se fera pas du jour au lendemain. Elle sera nécessairement progressive. D'ailleurs, on peut voir le développement de cette filière en quatre phases.
    On entend déjà parler d'une de celles-ci, l'unité de cogénération ou des projets comme ceux de Domtar, Cascades et autres, basés sur des installations de pâtes et papiers ou des installations forestières existantes. C'est d'ailleurs là-dessus que s'axe le principal de la recherche de FPInnovations. Il y a aussi les unités de granules. Toutefois, selon moi, elles favorisent pour l'instant essentiellement l'exportation.
     Sur un horizon un peu plus long, c'est-à-dire quand on regarde dans 10 ans, 15 ans, voire 20 ans, on commence à parler de la bioraffinerie, qui produirait des biocarburants, voire des biohuiles, qu'il s'agisse de diesel ou de pyrolyse, comme en Finlande; cela reste ouvert pour l'instant. Cela reste à mettre en place. Ultérieurement, dans 15 à 20 ans, les fameuses bioraffineries produiraient non seulement des biocarburants, qui sont des produits de commodité, mais aussi des molécules chimiques. On peut envisager environ 4 % de remplacement de la chimie du pétrole, entre autres le phénol.
    On peut faire ce genre de choses par la diversification, mais sur la base des créneaux traditionnels qui existent déjà et en développant de nouvelles filières industrielles basées sur les bioénergies et, éventuellement, les bioproduits et les nanotechnologies. Rappelez-vous que la nanotechnologie est une force. En nous positionnant comme chef de file mondial en recherche-développement et en innovation, sur la base des réseaux de chercheurs qui sont reconnus — il faudrait davantage valoriser les chaires — et sur des compétences transsectorielles et multidisciplinaires. Il faudrait développer davantage de coopération interprovinciale et internationale, notamment avec les États-Unis, nos voisins du Sud, et, surtout, avec l'Europe.
    Quant à mes propositions, j'aimerais présenter 10 points qui expliquent comment cela pourrait être fait.
     Premièrement, il faudrait établir un programme de recherche national qui tienne compte des spécificités provinciales ou régionales, avec l'implication des universités, des centres de recherche provinciaux et en incluant les centres de transferts technologiques — là où il y a un manque —, les industriels et le milieu économique et financier, ce que l'on n'a pas du tout actuellement.
    Deuxièmement, il faut garantir la pérennité à long terme de notre laboratoire national FPInnovations. Pour l'instant, le financement est semblable à ce qui se passe pour les budgets du gouvernement fédéral, c'est-à-dire qu'il est établi tous les deux ans. Il faut sécuriser ce financement et optimiser son lien avec les universités.
    Troisièmement, il faut un positionnement ad hoc desdites universités qui, en maintenant leur indépendance innovatrice, devraient être coordonnées avec FPInnovations par un lien officiel entre le réseau FIBRE, les associations papiers, FPInnovations et le nouveau Innovation Framework, où les universitaires brillent par leur absence.
    Le quatrième point est le suivant. Il faut garantir un financement approprié des projets de démonstration, qui restent critiques pour les validations « technico-économiques » en biotechnologie et en nanotechnologie mais dont les coûts sont souvent prohibitifs. Il s'agit de réévaluer les notions de gestion et de partage de risque entre les gouvernements et l'industrie. Ce serait donc quelque chose de progressif. On pourrait notamment penser à l'utilisation innovante des installations qui existent déjà, dans un contexte de décroissance des papiers de publication. Comment utiliser l'équipement des usines qui ferment?
    Cinquièmement, il faut établir des passerelles entre les différents secteurs agricoles, forestiers ou autres, même le secteur des pêches, notamment en ce qui a trait à la conversion de la biomasse en énergie et en bioproduits comme une partie intégrante de la bioéconomie. Je suppose qu'on a déjà défini cela au sein de ce comité.
    Le sixième point est de favoriser, par des programmes incitatifs, la coopération des provinces et des régions. Il devrait être spécifié que les régions doivent se regrouper pour bénéficier du financement.
    Le septième point est d'augmenter la coopération internationale, notamment en participant à des réseaux internationaux, en favorisant l'échange de chercheurs dans des domaines technologiques de pointe ou en retenant les chercheurs internationaux qui viennent chez nous pour faire un doctorat ou un postdoctorat.
(1605)
     Selon moi, c'est une façon d'optimiser nos ressources financières qui, à cet égard, sont limitées au Canada par rapport à celles des États-Unis, de la Chine ou de l'Europe. C'est un moyen de faire fructifier les choses.
    Le huitième point consiste à augmenter la vitesse de mise en marché des nouvelles technologies et des nouveaux produits, notamment en favorisant les liens entre les entreprises et les universités et en élargissant le modèle des centres de transfert technologique. Tous nos réseaux actuels ont de la difficulté à ce chapitre. On a des beaux projets, mais le transfert des résultats est très inadéquat. L'exemple de Transtech Innovations, au Québec, est extrêmement intéressant. C'est collégial, mais cela peut être avantageux.
    Le neuvième point est d'attirer les jeunes les plus prometteurs — comme l'a dit mon ami Bruno —, notamment en faisant la promotion de l'industrie forestière comme étant une industrie du futur et non du passé, utilisatrice de ressources naturelles renouvelables et de technologies de pointe, le tout dans des perspectives de développement durable avec un impact bénéfique notable sur le réchauffement climatique, et ce, à la fois au niveau du grand public qui n'est pas bien informé, et à l'international pour l'image du Canada.
    Finalement, le dixième point vise à développer l'utilisation durable des forêts dans le contexte d'un monde avide d'énergie renouvelable et de bioproduits, donc de biomasse — qui est de plus en plus rare —, notamment en s'assurant que la transformation des ressources forestières s'effectue autant que possible au Canada et qu'elles soient utilisées au Canada. De fait, c'est à l'échelle locale que l'énergie et la bioénergie présentent le plus fort retour sur investissement.
    En conclusion, ma proposition donne un aperçu de certains éléments nécessaires pour que le Canada se dote d'une stratégie et d'une politique qui favoriseraient le développement de cette fameuse filière industrielle. Cela aiderait beaucoup au redéploiement de l'industrie des produits forestiers et aurait un impact très favorable sur l'émission de gaz à effet de serre. Cela correspond aussi à la vision actuelle des gouvernements provinciaux et fédéral.
    Il y aurait encore beaucoup de choses à dire. Je n'ai pas voulu parler de chiffres, mais dans les discussions qui suivront, nous pourrons vous donner tous les chiffres que vous voulez, par exemple les coûts relatifs à la biomasse, à l'énergie, entre autres. En fin de compte, ce sont les ressources financières qui nous manquent actuellement pour pouvoir bâtir des projets à long terme.
    Je vous remercie de votre attention.

[Traduction]

    Je tiens à remercier sincèrement M. Manger, de l'Université du Québec à Trois-Rivières.
    Nous allons maintenant entendre, par vidéoconférence, M. Beauregard, le doyen de la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique de l'Université Laval, qui est à Montréal.
    Vous pouvez commencer votre présentation. Vous disposez de sept minutes.

[Français]

    L'Université Laval est la première université francophone en Amérique du Nord. Elle compte actuellement 48 000 étudiants dont 6 600 proviennent de l'étranger. La Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique forme notamment des professionnels, ingénieurs forestiers, dans les domaines de l'aménagement, de l'environnement forestier et des opérations forestières, ainsi que des ingénieurs du bois spécialisés dans la transformation mécanique et la mise en oeuvre du bois dans la construction.
    Nous formons également, aux cycles supérieurs, des chercheurs et du personnel hautement qualifié dans ces mêmes domaines, soit les sciences forestières et les sciences du bois. Nous sommes fiers d'exploiter la plus grande forêt d'enseignement et de recherche universitaire au monde, soit la forêt Montmorency, dont la superficie est de 412 000 hectares.
    La recherche, chez nous, se déploie de la génétique des arbres jusqu'à la construction écoresponsable en bois, en passant par la télédétection, l'hydrologie, l'écologie, la sylviculture, les opérations forestières, la transformation du bois et l'économie du bois. La recherche en partenariat est notre façon préférée de procéder et de faire de la recherche. Je compte vous en donner un aperçu au cours de ma présentation.
    Au Canada, le secteur forestier fait face à un double défi dont celui d'équilibrer le réseau de création de valeur dans l'industrie forestière. Il s'agit d'un défi à court terme qui est important sur le plan stratégique. Ce réseau est en train de perdre de façon permanente la composante des papiers d'impression, qui inclut le papier journal, dont nous sommes les premiers producteurs au monde. Ce produit est en fin de vie et il consomme actuellement une proportion importante de la fibre de bois que nous récoltons au Canada, en l'occurrence plus de 30 %. Si nous cessons de produire ce produit à haute valeur ajoutée, nous devrons le remplacer par des produits d'une valeur ajoutée au moins équivalente, de façon à assurer la survie des autres segments de notre secteur forestier, c'est-à-dire les industries de l'aménagement forestier. On parle ici de la planification, de la sylviculture, de la récolte et du transport du bois ainsi que des industries de transformation des produits du bois, notamment le sciage et les industries des panneaux.
     La forêt, le bois et les pâtes et papiers sont des segments hautement dépendants. Or celui du papier, notamment du papier d'impression, vit une crise structurelle qui met en péril l'ensemble du secteur. À terme, si nous n'arrivons pas à relever ce défi stratégique, 230 000 emplois directs seront menacés dans plus de 200 communautés au Canada, principalement dans les régions rurales où il y a peu de choix en matière d'emploi.
     Les ventes de cette industrie totalisent 58 milliards de dollars, soit une contribution de 19 milliards de dollars à la balance commerciale du Canada. Ce sont donc la survie de régions entières, notre capacité à occuper le territoire, un mode de vie et la santé économique du pays qui sont en jeu. Comme l'ont mentionné plus tôt mes collègues, les solutions à ce problème reposent sur le bioraffinage, la chimie verte et certains secteurs en émergence qui constitueront l'épine dorsale de l'économie verte du futur. Cela comportera évidemment une composante énergétique.
    Des exemples positifs de développement en ce sens sont l'usine de nanocristaux de cellulose de CelluForce, un partenariat de Domtar et de FPInnovations, à Windsor; l'usine de filaments de cellulose de Kruger, à Trois-Rivières, et la production de sucre à partir d'hémicelluloses, de Cascades, à Cabano. Le défi est de faire en sorte que le bioraffinage, à partir duquel nous produisons actuellement quelques dizaines ou milliers de tonnes de produits, en génère des centaines, voire des centaines de milliers ou des millions de tonnes, soit une production à l'échelle de notre industrie des papiers d'impression et du papier journal.
     À mesure que décroît le segment du papier journal, il faut accroître les segments du bioraffinage, de la chimie et de l'énergie à une vitesse et d'une façon qui permettront de maintenir la valeur ajoutée et d'assurer la survie de l'ensemble du secteur.
    Il nous faudra relever ce défi à court terme, soit au cours des 5 à 10 prochaines années, mais nous devrons aussi relever en même temps un défi d'importance stratégique à plus long terme, soit celui d'améliorer la compétitivité des entreprises forestières en forêt et en transformation primaire et développer des industries à valeur ajoutée, y compris une plus grande quantité de produits finis, notamment de seconde transformation du bois.
(1610)
     Même si nous réglons nos problèmes à court terme, les secteurs qui, en principe, ne sont pas en danger de mort ont toujours un problème de compétitivité. Nous devons, par conséquent, améliorer notre rendement en diminuant nos coûts d'approvisionnement, de transformation, en générant une meilleure valeur ajoutée et en diversifiant nos marchés.
    J'aimerais donner un exemple de succès qui, pour moi, est emblématique. C'est celui des Chantiers Chibougamau, dont la filiale est Nordic Bois d'ingénierie. Au cours des 15 dernières années, cette entreprise est passée de 300 à 600 employés dans la ville de Chibougamau, dans une région isolée du Québec, pendant que, durant la même période, l'industrie forestière dans la province perdait 30 000 emplois.
     Ces gens font certainement des choses de la bonne façon. Plutôt que de vendre du bois d'oeuvre résineux, ils ont développé et ils vendent désormais des solutions de structure de construction en bois clé en main, des solutions complètes. Ils ont amélioré le rendement matière dans leur usine de transformation primaire pour diminuer la production de sous-produits, notamment des copeaux, et pour produire plus de bois de très petite dimension qu'ils collent par la suite pour fabriquer des poutres de très grande dimension, suffisamment grandes pour fabriquer des stades de soccer intérieur. Ce faisant, ils ont simultanément amélioré la compétitivité de leur usine de première transformation, développé de façon spectaculaire la valeur ajoutée par l'entreprise et doublé le niveau d'emploi dans une ville de faible taille comme Chibougamau.
    Notre défi est de savoir comment développer de telles stratégies à l'échelle de l'ensemble du secteur forestier.
     Les universités canadiennes contribuent à relever ces défis. Par exemple, l'Université Laval a développé le consortium de recherche FORAC, qui oeuvre dans le domaine du génie industriel appliqué à la conception de réseaux de création de valeurs pour l'industrie forestière. Il conçoit des outils d'aide à la décision pour optimiser et rendre plus compétitive l'industrie, en contribuant à diminuer ses coûts, à améliorer ses revenus et à dégager de meilleures marges.
     Parmi les partenaires de FORAC figurent Domtar, Kruger, Résolu, les Industries Maibec, la Fédération québécoise des coopératives forestières, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec et FPInnovations. Le consortium reçoit un financement majeur du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le CRSNG. Actuellement, ce consortium forme 26 étudiants à la maîtrise et au doctorat. Il s'agit donc de futures personnes hautement qualifiées qui font de la recherche sur ces enjeux stratégiques avec nos partenaires industriels, du milieu institutionnel et de la recherche privés.
    L'existence de FORAC a permis la création du réseau pancanadien VCO, ou Value Chain Optimisation, un réseau pancanadien de chercheurs dans le même domaine de l'optimisation des procédés et des réseaux de création de valeurs qui regroupe 15 universités et qui forme en ce moment plus de 30 étudiants chercheurs à la maîtrise et au doctorat ainsi qu'au niveau postdoctoral. On parle donc de personnel hautement qualifié, encore une fois, dans ce domaine d'importance stratégique.
    Un autre exemple est celui de la Chaire industrielle de recherche du CRSNG sur la construction écoresponsable en bois qui mobilise des chercheurs en architecture, en génie du bois, en génie civil, en génie industriel et en administration des affaires pour développer des systèmes de constructions préfabriquées en bois à haute performance environnementale et économique. Ceci permet de constituer le réseau de création de valeurs de la construction en bois qui mobilise les partenaires industriels suivants: Kruger, Maibec, les Chantiers Chibougamau, FPInnovations, WoodPlus Coatings, mais aussi des firmes de génie-conseil comme Roche, des bureaux d'architectes comme Coarchitecture, Provencher Roy, l'entrepreneur général Pomerleau et des acteurs institutionnels comme le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec, la Société d'habitation du Québec et FPInnovations. Cette initiative forme en ce moment 15 étudiants en recherche sur ces questions qui sont également d'importance stratégique pour le développement de la valeur ajoutée du secteur forestier canadien.
(1615)
     Derrière cette chaire existe également un réseau pancanadien, NEWBuildS, soit un réseau regroupant des chercheurs de 12 universités et formant également en ce moment 30 étudiants diplômés en recherche dans le domaine de la construction écoresponsable en bois. Ces deux réseaux, VCO et NEWBuildS, font partie d'un réseau de sept réseaux que nous appelons FIBRE.
    FIBRE est le réseau des réseaux qui forment des étudiants diplômés et du personnel hautement qualifié dans sept enjeux stratégiques pour l'avenir du secteur forestier. Voici les sept réseaux qui compose FIBRE: VCO; NEWBuildS; ForêtValeur, qui étudie la relation entre la sylviculture, la qualité du bois et la valeur des produits tirés de la forêt; le Réseau stratégique du CRSNG sur la bioconversion, qui étudie la conversion de la matière lignocellulosique — le bois — en éthanol et en produits de la chimie verte; le réseau Lignoworks, qui étudie la conversion de la lignine, un des trois composants principaux du bois, en matériaux et produits de la chimie du futur; le Réseau stratégique du CRSNG sur les fibres vertes, qui étudie la modification des fibres de bois en matériaux et produits écoresponsables; et le Réseau Sentinel sur le papier bioactif, qui étudie la conception de nouveaux papiers bioactifs.
    Ces sept réseaux ont été créés dans le cadre de l'initiative du secteur forestier issue du budget fédéral de 2008. Ils ont été financés par le CRSNG et ils ont tous requis la participation active et la direction de FPInnovations. Nous remercions le CRSNG, FPInnovations et tous les partenaires industriels du soutien qu'ils ont apporté à cette initiative.
    Au cours des cinq dernières années, ces réseaux ont contribué à former plus de 450 étudiants en recherche dans les problèmes les plus stratégiques auxquels est confrontée l'industrie forestière canadienne. Il faut donc du personnel hautement qualifié pour faciliter cette évolution stratégique de l'industrie et relever les défis d'aujourd'hui.
    L'Association des produits forestiers du Canada — l'AFPC — et FPInnovations sont intervenus ces derniers mois pour appuyer l'idée que cet effort de constitution d'un réseau pancanadien dans plus de 30 universités devait se poursuivre dans le futur. Actuellement, nous faisons face à la fin du financement de ces sept réseaux. Les universités canadiennes sont désireuses de poursuivre la mobilisation pour relever les défis stratégiques auxquels est confronté le secteur forestier. Nous sommes désireux de contribuer avec vous à définir la suite des choses pour assurer un avenir au secteur forestier et aux régions forestières, et contribuer à l'avenir économique du Canada.
    Selon nous, les universités font partie des solutions pour assurer un avenir durable au secteur forestier, aux régions rurales et à l'emploi dans toutes les régions du Canada.
    Merci beaucoup.
(1620)

[Traduction]

    Je tiens à remercier le doyen de la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique, M. Beauregard.
    Je m'adresse maintenant aux membres du comité. Nous disposons de près de 45 minutes pour les questions. Nous allons suspendre la séance à 17 heures, et ensuite, nous disposerons d'une demi-heure pour discuter de notre rapport relatif à cette étude.
    Nous allons entreprendre le tour de sept minutes. Nous commencerons d'abord par Mme Crockatt, puis M. Aubin et M. Regan prendront ensuite la parole.
    Allez-y, madame Crockatt. Vous disposez de sept minutes.
    Je remercie tous les témoins. Nous avons presque terminé notre étude, et plus j'entends de témoignages de gens qui travaillent dans ce secteur, plus je suis enthousiaste. On dirait bien qu'il y a eu une relance très importante grâce à la technologie et à des gens innovateurs, comme ceux qui sont ici avec nous aujourd'hui. Ils transforment notre industrie forestière et fabriquent de nouveaux produits fort intéressants.
    J'aimerais savoir où nous nous situons maintenant dans ce processus par rapport au moment où la technologie a été développée en premier lieu.
    Ma première question s'adresse à M. Marcoccia.
    Est-ce que certains de ces produits sont déjà concurrentiels au plan économique? Je me demande quel est notre avantage concurrentiel et quels sont nos produits les plus concurrentiels à l'heure actuelle.
    Je sais que plusieurs témoins ont parlé de FPInnovations et ont dit qu'ils se réjouissent de la coordination et du financement offerts par le gouvernement. Nous aimerions savoir quelles sont les prochaines étapes.
    Pour ce qui est du processus de commercialisation de ces nouveaux produits et des produits à valeur ajoutée du secteur forestier, je dirais que cela dépend vraiment de la plateforme de produits ou de la nature du produit.
    On peut dire qu'à l'heure actuelle, ce sont les fibres et les produits à base de fibre qui sont les plus développés sur le plan commercial. Ce sont les produits qui ont la plus grande valeur ajoutée. Ensuite, il y a la lignine. Comme je l'ai mentionné plus tôt, je dirais que l'on pourra probablement constater l'utilisation d'un volume important de lignine, la valeur ajoutée de ce produit et ses applications d'ici deux à huit ans.
    En ce qui concerne les produits que nous appelons les saccharides convertibles, ou encore la plateforme des glucides — la cellulose du bois est décomposée en acides organiques ou en matériaux qui peuvent être fermentés —, on va encore plus loin. Cela pose également plus de difficultés sur le plan économique, car dans ce cas, on fait concurrence au dextrose. C'est plus particulièrement vrai aux États-Unis, où l'on accorde des subventions pour la production de dextrose tiré du maïs. Il est extrêmement difficile d'essayer de faire une percée dans ce domaine, surtout parce que c'est une approche qui exige beaucoup de capitaux.
     Les produits d'extraction du bois, les produits saponifiables ainsi que les produits volatils ne représentent qu'une proportion relativement faible de l'industrie. Ce sont des produits très perfectionnés, mais leur poids n'est pas suffisamment important pour faire une véritable différence, pour ainsi dire.
    L'une de nos philosophies, c'est qu'il faut profiter des avantages uniques et concurrentiels que nous offrent nos différentes plateformes. En ce qui concerne nos forêts, ce qui est véritablement unique, c'est l'ultrastructure et la fonctionnalité des fibres, et donc, il est logique que ce soit la plateforme la plus développée. Nous profitons aussi d'un avantage concurrentiel pour ce qui est des produits polyaromatiques et des propriétés écologiques de la lignine. Par contre, la plateforme des glucides, elle, constitue un défi un peu plus ardu. Cela dit, le problème, c'est que tous ces éléments sont réunis dans le bois. Tous ces éléments se retrouvent ensemble. Pour réussir, il faut être en mesure de valoriser tous ces éléments selon le vrai concept de l'affinerie.
    En terminant, j'aimerais souligner, comme je l'ai mentionné plus tôt, qu'il y a des désavantages structurels sur le plan des coûts en Amérique du Nord en général et au Canada en particulier. Lorsqu'un pays doit composer avec un désavantage de ce type, la seule façon pour lui de réussir et de maintenir sa viabilité, c'est d'avoir un avantage concurrentiel, un meilleur produit. En fait, si on examine les usines qui sont toujours en activité, on constate que c'est exactement ce qu'elles offrent. Elles offrent une fibre de qualité supérieure qui leur permet de compenser les autres désavantages sur le plan des coûts.
    Pour que nous puissions continuer de mettre l'accent sur un meilleur rendement, nous devons innover, et pour innover, nous devons d'abord subventionner la recherche fondamentale, puis le processus de commercialisation.
(1625)
    J'aimerais maintenant poser une question à M. Arsenault. Comme je viens de l'Alberta, je suis intéressée à entendre vos observations au sujet de l'Alberta.
    Vous pensez que les granules de bois vont devenir une source d'électricité pour le chauffage et la climatisation dans l'industrie des sables pétrolifères. Est-ce que c'est ce que vous avez laissé entendre?
    Oui, cela pourrait être possible. Cette industrie consomme énormément d'énergie fossile uniquement pour l'extraction. Je crois savoir qu'elle doit produire de la vapeur pour extraire les sables bitumineux. Elle pourrait fort bien le faire avec de la biomasse. Il y a une grande quantité de biomasse disponible en Alberta, et je crois qu'il y en a aussi beaucoup à l'endroit où ces sables sont extraits. En fait, il y a quelques entreprises qui produisent des granules en Alberta, et elles ont de la difficulté à trouver un marché pour celles-ci.
    Je vais vous poser à peu près la même question. En quoi ce produit se compare-t-il à d'autres formes de biomasse qui sont mises à l'essai à l'heure actuelle? Est-ce que ce produit deviendra bientôt une source de combustible concurrentielle sur le plan économique?
    À l'heure actuelle, la biomasse forestière, qui est utilisée comme forme d'énergie, représente 7 % des sources d'énergie utilisées au Canada. Elle est donc déjà utilisée.
    Cela dit, plusieurs marchés sont différents. L'industrie papetière a très bien réussi à utiliser ses déchets de bois comme source d'énergie.
    Vous avez raison, mais je m'interroge au sujet de certains défis. À l'heure actuelle, est-il économique d'utiliser des granules de bois? Ou est-ce que cela dépend de la distance qu'il faut parcourir pour les transporter? Je constate que ce produit est beaucoup plus facile à transporter que d'autres combustibles.
    Oui. C'est l'avantage des granules. Ce produit est plus facile à distribuer et à entreposer. Nous les transportons à l'étranger. Cela dépend du marché.
    Bien entendu, le Canada a la chance de pouvoir compter sur d'autres formes d'énergie relativement peu coûteuses, et nous avons bien du mal à concurrencer ces formes d'énergie, mais la plupart d'entre elles ne sont pas durables et produisent des émissions de carbone. Si nous voulons réduire les émissions de gaz à effet de serre et que nous voulons utiliser des produits renouvelables à l'échelle locale, les granules de bois représentent déjà un produit concurrentiel.
     Quelle est la meilleure façon dont Ressources naturelles Canada vous a aidés jusqu'à maintenant, et comment ce ministère pourrait-il vous aider à l'avenir?
    Ressources naturelles Canada nous a surtout aidés à développer nos marchés d'exportation, plus particulièrement à l'étranger, et à montrer aux gens là-bas que nos produits sont durables. Cela dit, il y a d'énormes possibilités de développement au Canada, et nous aimerions que le gouvernement mette en oeuvre des mesures incitatives en ce qui concerne l'utilisation de la biomasse à l'échelle locale, pour remplacer les combustibles fossiles.
    À l'heure actuelle, il est économique de remplacer le mazout, mais il y a des coûts associés à la conversion. Vous devez changer votre poêle ou votre chaudière. Il serait très utile pour l'industrie d'offrir un incitatif financier pour favoriser la conversion. Le gouvernement pourrait aussi donner l'exemple en utilisant plutôt la biomasse pour ses bureaux et en remplaçant l'huile dans les collectivités éloignées. Un grand nombre de collectivités du Nord utilisent en ce moment l'huile, et elles pourraient plutôt utiliser la biomasse si on les aidait à convertir leurs systèmes et à organiser le transport, par exemple.
(1630)
    Merci.
    Merci, madame Crockatt.
    Nous allons maintenant passer à M. Aubin et aux autres intervenants, car il nous reste un peu de temps.
    Allez-y.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je vais partager mon temps avec mon collègue.
    Je remercie les invités d'être parmi nous, particulièrement les représentants des deux universités qui, par hasard, sont celles où j'ai obtenu mes diplômes.
    Ma première question s'adresse à M. Mangin.
    Mon âge vénérable me permet de me rappeler mes premières promenades en forêt. À cette époque, les coupes forestières se faisaient d'une tout autre façon. On nous disait, au sujet des tonnes de résidus qui étaient laissés sur place, que cette façon de procéder favorisait la regénérescence des sols. Quand j'écoute les invités que nous recevons, j'ai l'impression que les résidus forestiers, aujourd'hui, c'est le Klondike.
     Est-ce que la biomasse permet de réaliser, de façon commerciale et rentable, l'ensemble des projets qui nous sont proposés? Je sais que vous en avez d'autres dans vos cartons et que vous n'en avez pas encore parlé.
    Je travaille actuellement à un gros projet consistant notamment à établir une bioraffinerie qui traitera 650 000 tonnes de résidus forestiers par année. C'est dans le Haut-Saint-Maurice, soit la région numéro 4. À mon avis, il faut d'abord préciser exactement ce qu'on entend par « résidus forestiers ». Par exemple, lorsque les papetiers parlent de résidus, il s'agit souvent de résidus de coupe, donc de copeaux qui se vendent très cher et qu'on ne peut pas utiliser pour transformer de la biomasse en énergie. Pour ma part, je parle ici de ce que vous avez vu en vous promenant, c'est-à-dire des résidus de coupe, qu'on peut exploiter. En Mauricie, par exemple, on parle de 650 000 tonnes par année. Il s'agit évidemment d'une biomasse humide.
    Vous parliez aussi d'arbres qui ne sont pas nécessairement économiquement rentables et de forêts brûlées.
    Quand il y a eu l'épidémie de dendroctone du pin, FPInnovations a fait des travaux pour valoriser le bois qui était récupérable. Le reste pouvait servir à autre chose, à faire de l'énergie.
    J'aimerais revenir à la question de départ, soit les coûts et les prix. Ces résidus forestiers provenant des coupes commencent à être sur les marchés. Selon l'indice FOEX, que j'ai consulté encore une fois hier, le coût pour les résidus forestiers — et ces données proviennent de la Finlande — est de 7,6 $ le gigajoule. On utilise cette mesure à cause de l'humidité. Il n'y a plus d'eau dans ces résidus. Si on adoptait les règlements appropriés, on serait en mesure d'établir à 4,7 $ ou 5 $ le gigajoule le prix de ces résidus forestiers au Canada, entre autres au Québec. On dit souvent en effet que c'est dans cette province que la fibre est la plus chère.
    Nous serions alors extrêmement compétitifs et, du coup, nous pourrions envisager d'établir ces fameuses bioraffineries.
    Dans ces conditions, faut-il faire des choix par territoire? Si votre projet se réalisait en Mauricie, on oublierait la possibilité d'y fabriquer des granules de bois, ce qui n'exclut pas que cela se fasse ailleurs.
    La question est très judicieuse. Les fibres utilisées pour les granules de bois ne sont pas nécessairement les mêmes que celles employées pour la bioénergie. Pour l'instant, je ne pense pas que les membres de l'association de M. Arsenault ramassent ces résidus forestiers en forêt. Ceux-ci sont en train de se dégrader et de créer du méthane et du CO2, point à la ligne. Ils ne sont pas utilisés.
    Est-ce qu'il existe une autorité pouvant coordonner ces divers besoins ou ces différentes possibilités?
    Oui. Cela est très régional. C'est pourquoi j'ai autant parlé de régions. Les études doivent être réalisées région par région. On ne doit pas déshabiller Paul pour habiller Pierre. Si de la biomasse est utilisée pour des granules dans une région, il s'agit des étapes 1 et 2 du développement de la bioraffinerie. Laissons cela se développer. Il reste que, pour moi, c'est une étape transitoire.
     Je suis désolé pour M. Arsenault, mais en exportant des granules vers l'Angleterre, il risque d'avoir Greenpeace sur le dos. L'acceptabilité sociale ne sera pas au rendez-vous. Comme je l'ai dit plus tôt, pour se créer une image et intéresser les jeunes au développement durable, il faudrait utiliser les granules localement. Bref, oui aux programmes d'incitation à l'utilisation locale, mais non à l'exportation à grand volume vers l'Angleterre. C'est ce que Greenpeace vous dirait.
     Merci.
    Malheureusement, je suis obligé de vous arrêtez ici. On se reprendra plus tard.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Beauregard, vous avez dit avoir à coeur l'avenir durable de la foresterie en milieu rural. Je viens du Saguenay-Lac-Saint-Jean. J'ai écouté votre discours, et la première chose qui m'est venue à l'esprit pour assurer la pérennité de la foresterie dans mon coin de pays, ce sont les revendications autochtones, la protection du caribou forestier et la perte de la certification FSC de certaines entreprises.
    À en juger par votre feuille de route, vous connaissez beaucoup le dossier de la foresterie. Quelles pistes de solution voyez-vous aux trois problèmes qui touchent ma région?
(1635)
    C'est un problème complexe, mais je pense qu'il est possible de concilier la promotion des usages traditionnels des Premières Nations et la protection du caribou forestier, quoique cette protection soit extrêmement complexe. S'il y a une bonne concertation, il est possible de concilier la production forestière, à un coût beaucoup plus raisonnable que le coût actuel d'approvisionnement des usines, et la poursuite d'objectifs de conservation de la nature et de promotion de la participation des Premières Nations à leur développement socioéconomique par leur contribution aux activités forestières.
    C'est très complexe et cela demande beaucoup de collaboration. Sur le terrain, c'est difficile, mais je suis convaincu que c'est possible. Il faut beaucoup de bonne volonté pour maintenir le dialogue entre toutes les parties, soit les Premières Nations, les groupes environnementaux et l'industrie. Selon moi, il est possible de concilier la poursuite de ces objectifs multiples et des approches d'aménagement intégré et économique de notre ressource pour le développement de l'ensemble de la société.
    Monsieur Beauregard, quel conseil donneriez-vous au gouvernement fédéral? Quel est le rôle du gouvernement fédéral dans cet enjeu?
    Le gouvernement fédéral peut beaucoup aider à cet égard. D'une part, le gouvernement fédéral est l'instance qui joue le rôle le plus important relativement aux Premières Nations. Le gouvernement fédéral pourrait donc mettre des programmes sur pied pour assister les Premières Nations à développer leur capacité de formation, notamment dans les domaines forestier et de l'entrepreneuriat, afin que les communautés soient impliquées dans le développement économique et dans leurs relations avec l'ensemble de la société. À ce titre, le gouvernement fédéral peut certainement jouer un rôle.
    D'autre part, le gouvernement fédéral joue également un rôle dans la certification des produits forestiers. Comme on le sait, il y a trois grands systèmes de certification au Canada. Il y en a un qui relève du gouvernement fédéral. De façon générale, ces trois systèmes de certification jouent un rôle important pour rassurer les marchés et le public quant au fait que nous faisons une gestion responsable et durable de la ressource forestière.
    Selon moi, la plus grande richesse de cette ressource naturelle particulière est qu'elle est totalement renouvelable. Si on le fait bien, on peut créer beaucoup de valeur ajoutée et beaucoup de développement socioéconomique, tout en gardant un équilibre dans la relation entre la société et la nature, ce qui est aussi un objectif que nous devons poursuivre à long terme, pour nous et pour nos enfants.

[Traduction]

    Merci, monsieur Morin.
    Monsieur Regan, vous disposez de sept minutes. Vous avez la parole.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie également les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Monsieur Arsenault, je sais que la poussière combustible a causé quelques détonations dans les usines de production de granules de bois au cours des récentes années. Vous faites de la recherche sur la diminution de la poussière fine dans la combustion des granules de bois.
    À votre avis, quelles mesures seraient nécessaires pour que les granules de bois soient un combustible plus sécuritaire comparativement au gaz naturel ou au charbon? Comment le gouvernement peut-il aider à faciliter ces changements?
    Je ne suis pas certain qu'on puisse dire que les granules sont moins sécuritaires que le gaz naturel ou le charbon. Ce sont les mêmes normes qui s'appliquent. C'est un combustible et on doit l'utiliser avec précaution. Il y a aussi des explosions dans les systèmes au gaz. Il faut certainement faire attention à la manutention des granules de bois.
    En ce qui a trait aux applications résidentielles, il n'y a pas eu d'explosion. Il peut y avoir un problème de feu dans la cheminée. De bonnes pratiques d'installation sont nécessaires et il faut régir les codes d'installation en conséquence. L'utilisation des granules de bois dans les résidences a un très bon bilan au chapitre de la sécurité. Quant aux applications industrielles lourdes, au même titre que le charbon, il faut prendre des précautions et se protéger des explosions possibles ou des problèmes occasionnés par l'utilisation des granules en raison d'émanation de gaz dans les espaces clos. C'est la même technologie qui est utilisée, en fait.
(1640)

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Marcoccia, tout d'abord, je vous remercie d'avoir mentionné que plus de 50 % de vos activités de recherche et de développement sont menées ici, au Canada. C'est fantastique. C'est très encourageant, car ce sont bien sûr des emplois importants, et des travaux importants sont réalisés.
    Selon votre site Web, environ 79 % de votre papier est produit aux États-Unis, même si votre siège social se trouve au Canada. C'est intéressant. Vous avez beaucoup plus d'usines aux États-Unis qu'ici. Qu'est-ce qui a motivé Domtar à accroître sa production en étendant ses activités aux États-Unis? Quelles recommandations feriez-vous au gouvernement du Canada pour qu'il puisse convaincre des entreprises comme la vôtre de poursuivre la production au pays ou qu'il leur facilite la tâche à cet égard?
    Les statistiques relatives à l'industrie papetière peuvent être un peu trompeuses. Nous fabriquons deux produits principaux: la fibre de pâte à papier, qui est utilisée dans la pâte commercialisée, et le papier, qui est la conversion primaire de la pâte à papier en un produit à plus grande valeur ajoutée.
     L'industrie papetière est une industrie intéressante. En effet, il existe en quelque sorte un fossé pour ce qui est des coûts de transport, car depuis toujours, le papier ne se transporte pas très bien. Donc, si nous avons établi autant d'usines de papier et de machines à papier aux États-Unis, c'est parce qu'elles sont situées plus près du marché. Parallèlement, si beaucoup d'usines de papier ont fermé leurs portes au Canada, c'est parce qu'elles étaient situées trop loin du marché. Il s'agit là de l'un des désavantages structurels sur le plan des côtés, dont j'ai parlé plus tôt.
    Je vais vous donner quelques exemples. Domtar a dû fermer son usine de Prince Alberta, entre autres, ainsi que les machines à papier à Dryden, et transformer l'usine de Dryden en usine de pâte à papier.
    Chacune de ces décisions est surtout prise en fonction d'une évaluation propre à chaque usine. Lorsqu'on est aux prises avec une diminution constante, il faut d'abord sacrifier les producteurs dont le coût est élevé, et ensuite, il faut couper dans le gras. Nous en sommes maintenant au point où nous devons réduire les activités au strict minimum. En fait, nous fermons des machines à papier rentables et des usines aux États-Unis, simplement pour que notre production corresponde à la demande des consommateurs.
    En ce qui concerne les mesures qui peuvent être prises pour éviter que les entreprises choisissent plutôt les États-Unis comme lieu de production — ou un autre pays, car je pense qu'il y a des concurrents encore plus féroces que les États-Unis, comme les pays d'Amérique du Sud et d'Asie —, je vais revenir sur le fait que si un pays est aux prises avec des désavantages structurels sur le plan des coûts, comme le Canada... La réalité, c'est que dans les climats nordiques, les arbres poussent plus lentement, le territoire est très étendu, et le transport et l'accès sont très coûteux. C'est un facteur clé.
    J'aimerais également que le comité tienne compte du fait qu'il n'y a pas eu de modernisation importante des immobilisations de l'industrie canadienne depuis plus de 20 ans. La plus récente usine utilisant des combustibles verts au Canada date d'il y a 20 ans. Par conséquent, une telle situation ne donne pas seulement lieu à des coûts de transport plus élevés et à un coût plus élevé de commercialisation au Canada; elle fait également en sorte qu'il n'est pas possible de faire des économies d'échelle. C'est parce que nous n'avons rien construit au Canada et parce qu'on ne peut simplement pas fournir assez de bois à une usine pour qu'elle puisse faire les mêmes économies d'échelle qu'une usine située là où les arbres poussent plus vite.
    Encore une fois, je tiens à souligner que pour se sortir de cette situation, il faut créer des propositions à valeur ajoutée et se concentrer sur celles-ci. Je pense que l'observation formulée par M. Mangin, qui a parlé de l'aspect local — du fait qu'il faut avoir une économie de nature locale —, représente une bonne solution. Prenons par exemple l'utilisation de la biomasse comme combustible solide. Chaque année, Domtar brûle deux millions de tonnes de biomasse dans ses systèmes combinés de chauffage et d'électricité. C'est un combustible que nous utilisons pour des raisons de commodité. Comme le député l'a mentionné, puisqu'il existe, nous l'utilisons.
    Cela dit, s'il y a une chose qui peut mettre un terme à un grand nombre de projets, c'est bien le faible coût du gaz naturel. Le faible coût du gaz naturel mettra un terme à tous ces projets. Par exemple, la technologie existe dans toutes nos usines, et il a été prouvé qu'une usine de pâtes et papiers peut fonctionner entièrement sans combustibles fossiles. Une usine peut utiliser seulement des combustibles d'origine biologiques et produire de l'électricité, mais nous ne le faisons pas à cause du coût du combustible. Ça n'en vaut pas la peine lorsqu'on peut obtenir du gaz naturel à un coût de 5 $ le million de BTU.
(1645)
    J'aimerais vous poser une question sur...
    Merci, monsieur Regan.
    L'hon. Geoff Regan: Oh, d'accord. Merci.
    Le président: Nous allons maintenant passer au tour de cinq minutes. Nous allons commencer par M. Trost, puis passer à Mme Perkins et ensuite à M. Caron.
    Merci, monsieur le président.
    L'un des premiers dossiers dont je me suis occupé lorsque je suis devenu membre du Comité de l'industrie des ressources naturelles, il y a environ 10 ans, c'est la façon d'utiliser l'argent servant à financer les travaux scientifiques. Je suppose que quelques personnes se porteront volontaires pour répondre à cette question.
    Pour ce qui est de la façon dont nous avons géré nos programmes de foresterie, avons-nous réussi à établir un équilibre entre la recherche de base et la recherche appliquée, de manière à couvrir tous les secteurs de recherche? Je sais qu'il y a ici des ingénieurs et des scientifiques purs, ce qui signifie qu'il y aura peut être une certaine différence de culture pour ce qui est de l'approche à adopter. Cela dit, en ce qui concerne la façon dont le gouvernement a utilisé l'argent servant à financer les travaux scientifiques dans le domaine de la foresterie au cours des dernières années, qu'il soit question de la recherche de base ou de la recherche appliquée, à votre avis — je m'adresse à ceux qui veulent bien répondre à la question —, avons-nous établi un juste équilibre? Le cas échéant, devrions-nous mettre davantage l'accent sur un aspect en particulier? Que pensez-vous que nous devrions faire?
     Je vois que quelqu'un souhaite répondre à la question. Après cela, je suppose que j'obtiendrai diverses opinions sur le sujet.
    Monsieur Mangin, qu'en pensez-vous?
    Je vais essayer de répondre brièvement à la question, car c'est un aspect dont nous pourrions parler pendant longtemps.
    Je suis de retour au Canada depuis maintenant 10 ans — avant, j'étais en Europe — et j'ai l'impression qu'il ne se fait pas suffisamment de bonnes recherches fondamentales à l'heure actuelle. Lorsque je parle de recherches fondamentales, je ne parle pas de la recherche universitaire, de la recherche pure; je parle plutôt de recherches qui sont axées sur l'innovation.
    J'en ai assez d'entendre parler d'innovation. En effet, si on omet l'aspect recherche, la recherche fondamentale effectuée dans les universités, on constate qu'il y a alors un lien manquant. On rate aussi la cible. C'est pour cette raison que j'ai mentionné, dans mon intervention, qu'il faut un très bon lien et qu'il faut aussi conserver la vision indépendante des universités en ce qui concerne la recherche fondamentale, grâce à FPInnovations. Ce sont des gens novateurs, qui s'adresseront essentiellement à nous et nous diront qu'il faut que ces aspects fondamentaux soient connus et qu'il faut aller de l'avant, car en ce moment, nous ne savons pas ce qu'il en est. À l'heure actuelle, la recherche fondamentale est effectuée uniquement en milieu universitaire, ou par un professeur, qui se penche sur la question dans son bureau. Il n'y a pas de lien avec la réalité. Ce qui se fait est très bien. Par contre, est-ce utile? C'est difficile à dire.
    Nous ne connaissons pas la valeur réelle en dollars de la recherche fondamentale qui est effectuée à l'heure actuelle. J'ai parlé du cadre d'innovation. Le directeur de FIBRE, le plus important réseau, est invité de temps à autre, selon le bon vouloir des membres. Ce n'est pas une bonne chose. Pour que nous puissions savoir ce que l'industrie peut offrir pour ce qui est de la recherche fondamentale, il devrait être là.
    Soit dit en passant, le directeur, M. Theo van de Ven, fait de l'excellent travail de recherche fondamentale.
    Maintenant que j'ai obtenu le point de vue d'une personne du milieu universitaire, je vais me tourner vers les représentants de l'industrie. Je soupçonne que les ingénieurs de l'industrie ont peut-être un point de vue un peu différent, mais peut-être que je me trompe.
    Vous avez raison. Vous pourriez être surpris, car en fait, j'ai été formé par l'un des meilleurs scientifiques effectuant de la recherche fondamentale dans le domaine de la chimie du bois.
    Personnellement, je suis d'avis que le rôle des universités consiste à former les gens et que le travail qui y est accompli, les connaissances qui y sont créées, servent à former les gens, et que la technologie elle-même est presque secondaire. Comme je l'ai mentionné plus tôt, ce dont nous avons besoin, ce sont des gens hautement qualifiés sur le plan technique, et à mon avis, le Canada dispose d'un avantage à cet égard par rapport aux États-Unis, par exemple.
    Cela dit, pour ce qui est de la recherche fondamentale, en fait, je n'ai pas l'impression que nous avons réussi à établir un juste équilibre au Canada. Je connais bien les programmes auxquels je participe. J'aime pouvoir travailler directement avec les universités pour mener des recherches fondamentales et bénéficier de l'appui du gouvernement fédéral et des organismes provinciaux.
    Je vais peut-être scier la branche sur laquelle je suis assis en disant cela, mais l'une des choses que nous avons constatées au cours des cinq à dix dernières années, compte tenu de l'intérêt accru manifesté à l'égard des bioraffineries, c'est que bien souvent, on essaie de mettre la charrue devant les boeufs. Ces technologies ne sont tout simplement pas prêtes à être mises en oeuvre. Il y a trop d'aspects inconnus. Cela crée des risques, et les marges de profit sont trop minces.
    Je ne préconiserai jamais qu'on renonce à la recherche fondamentale. Je crois que les gens qu'on forme sont le plus important produit qu'on puisse avoir. Les connaissances fondamentales nous permettront toujours de créer de la valeur.
(1650)
    Donc, ce que vous dites, c'est qu'il est très, très difficile d'établir un équilibre à cet égard, et que si on forme les gens comme il se doit, au bout du compte, on obtiendra un produit de qualité?
    Oui, c'est mon opinion personnelle.
    Monsieur le président, s'il ne me reste que 10 secondes, je vais céder la parole à quelqu'un d'autre.
    Merci, monsieur Trost.
    Nous allons maintenant passer à Mme Perkins, qui dispose de cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    Je pense que je vais continuer de poser des questions à M. Marcoccia.
    En ce qui concerne les trois secteurs fondamentaux, vous avez parlé des pâtes de spécialité, des fibres de spécialité exclusives ainsi que des nouveaux produits qui arriveront sur le marché. Vous avez parlé de la recherche et du développement portant sur les innovations. Je pense que vous avez dit que moins de 5 % de la production a lieu ici, mais que plus de 50 % de l'innovation se déroule ici.
    En fait, 25 % de la fabrication...
    Donc, on parle de 25 %?
    ... et de 50 % à 75 % de toutes nos activités d'innovation se déroulent au Canada.
    D'accord, merci. J'essayais de vous suivre, mais de toute évidence, je n'y suis pas vraiment parvenue.
    Je suis désolé.
    Quoi qu'il en soit, cette différence existe. Elle est assez importante, et d'une certaine façon, cela est bon pour nous.
    Ensuite, vous avez parlé du Programme d’écologisation des pâtes et papiers, le PEPP. Je tiens vraiment à savoir ce que c'est, parce que vous sembliez emballé par ce programme et penser que c'est l'un des meilleurs que nous avons proposé.
    Pouvez-vous nous parler de ces trois aspects?
    Oui, bien sûr, si je peux me souvenir de chacun des aspects.
    Le premier, ce sont les raisons pour lesquelles une très grande partie de nos recherches et de nos efforts se déroulent au Canada. Je dirais que si on regarde ce qui se fait à tous les échelons à partir du sommet, non seulement par les organismes gouvernementaux fédéraux et provinciaux, mais aussi par les universités, on constate qu'il est plus facile de traiter avec les organismes, les établissements et les chercheurs eux-mêmes. Personnellement, j'estime que sur le plan social — et c'est ce qu'on constate au sein du gouvernement —, on accorde plus de valeur à l'industrie forestière au Canada qu'aux États-Unis.
    Par exemple, je me souviens d'un débat dans le cadre duquel nous avions dit que les États-Unis consacrent chaque année 1 milliard de dollars à la recherche sur les nanoparticules. Aux États-Unis, l'industrie des produits forestiers représente 7 % du PIB, et donc, elle devrait pouvoir obtenir de 50 à 100 millions de dollars par année à l'appui de la recherche sur la cellulose nanocristalline et les nanoparticules provenant de la forêt, un domaine dans lequel nous profitons d'un avantage énorme, mais elle ne peut pas obtenir cet argent, car là-bas, on aime mieux consacrer cet argent à d'autres fins.
    Je crois que le Canada est un meilleur endroit où travailler en raison de l'importance que le gouvernement, la société et les professeurs du milieu universitaire accordent à l'industrie forestière.
    Le PEPP est le Programme d'écologisation des pâtes et papiers. C'était un programme à court terme, d'une durée de deux ans je crois. À cause de certaines politiques absurdes adoptées par les États-Unis, le Canada a dû prendre des mesures pour uniformiser les règles du jeu. Essentiellement, ce programme est un bon exemple de mesures de soutien très ciblées visant à apporter des améliorations qui n'avaient pas nécessairement pour objectif de transformer l'industrie en lui permettant, par exemple, de proposer une toute nouvelle gamme de produits et de faire en sorte qu'elle soit au diapason du nouveau siècle. Il prévoyait des mesures simples visant à faire obstacle à certaines situations et à les régler, et il était axé sur les améliorations énergétiques et l'amélioration du rendement environnemental. Le financement était très ciblé.
    Le programme a donné lieu à d'importants investissements de capitaux, et un excellent suivi a aussi été effectué par la suite; ainsi, les avantages découlant des investissements ayant été appuyés par le programme ont été examinés de près. Grâce à ce programme, les entreprises ont pu mener d'excellents projets qu'elles n'auraient pas pu mener autrement, même s'ils étaient nécessaires.
    La morale de cette histoire, c'est que même si nous souhaitons tous vivement développer des applications et des produits entièrement nouveaux et progresser dans la chaîne de valeur, il est absolument essentiel qu'un aspect de ce travail consiste à étudier les éléments les plus fondamentaux qui sont partie intégrante de notre travail, c'est-à-dire la thermodynamique, l'efficacité énergétique et la fiabilité. Ce sont des éléments réellement fondamentaux.
    Nous revenons donc aux éléments fondamentaux, d'une part, et au financement des projets, d'autre part.
(1655)
    D'accord, et le...
    Merci, madame Perkins.
    Nous allons maintenant passer à M. Caron.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins, car à mon avis, ce fut l'une des séances les plus informatives et intéressantes de notre étude sur l'industrie forestière.
    Tout d'abord, j'aimerais revenir à l'échange qu'il y a eu entre MM. Mangin et Arsenault à la suite de la question posée par mon collègue M. Aubin. Il était question des exportations par rapport à la consommation au pays de la granule.
    Monsieur Arsenault, j'ai été surpris que votre présentation n'ait pas fait de cas de la subvention américaine de 45 $ la tonne. Les Américains commencent à nous concurrencer directement sur notre territoire. Cette subvention a été mise en oeuvre en 2009 et elle a été reconduite en 2010. Jusqu'à maintenant, il y a eu 235 millions de dollars en subventions.
    Cela nous empêche-t-il d'accéder de façon adéquate au marché américain et d'être concurrentiels dans nos propres marchés, étant donné que les Américains commencent à exporter vers l'Est du Canada en particulier?
     Le programme auquel vous faites référence est le Biomass Crop Assistance Program. Ce programme a été mis en place pour soutenir la filière lignocellulosique afin de faire de l'éthanol. En ce qui a trait aux granules, il y a eu très peu d'impact. Quelques projets en ont bénéficié. Je vous dirais que des 235 millions de dollars, environ 5 millions de dollars ont été investis dans l'industrie de la granule américaine. Cela n'a pratiquement aucun impact sur le plan du commerce pour nous deux.
    Toutefois, si on parle de la discussion avec M. Mangin, j'aimerais revenir sur son commentaire sur l'exportation. On a une étude — il s'agit d'analyses de cycle de vie — qui a démontré que le transport de granules, même outre-mer, n'a pas d'impact majeur sur le plan de la perte de cycle de vie. J'ai moi-même fait de l'exportation. Pour vous donner un ordre de grandeur, un bateau de 35 000 tonnes de granules va consommer 350 tonnes de combustible pour traverser l'Atlantique, ce qui représente 1 %. Il y a donc une perte de carbone quand on traverse l'Atlantique, mais ce n'est pas comme si on consommait la moitié du cargo pour cette traversée, on consomme 1 %.
    La question de M. Mangin est quand même pertinente: pourquoi n'en consomme-t-on pas davantage au pays?
    C'est à cause du coût actuel des autres énergies, dont le gaz naturel. Le coût de l'électricité au Québec n'est pas cher, on réussit à déplacer l'huile à chauffage de façon significative, tout comme le propane. On a plus de difficulté sur le plan économique avec les autres formes d'énergie. Il y a aussi les coûts de conversion. La granule coûte la moitié du prix de l'énergie, mais il faut investir des milliers de dollars dans les systèmes de chauffage.
    Je pense notamment aux grands projets. Dans mon comté, qui est dans le Témiscouata, il y a des érablières. Il commence à y avoir des chaudières chauffées à la biomasse. Je pense à l'ensemble des infrastructures, les églises par exemple, ou les écoles. Dans ma circonscription, dans ma région, je vois des communautés qui entreprennent la conversion, mais il semble que cela ne va pas assez vite, assez loin.
    Si on parle de la consommation ou de l'exportation, je peux voir un autre problème. En effet, beaucoup de joueurs européens viennent maintenant ici pour recueillir la matière. Ils la transforment et après ils l'envoient. Une compagnie belge va venir s'implanter à Saint-Jean-de-Dieu et à Causapscal dans le Bas-Saint-Laurent, ce qui est une bonne nouvelle. En effet, cela va créer des emplois. Elle va prendre la ressource, créer la granule torréfiée et la renvoyer par la suite en Belgique. C'est donc pour consommation seulement là-bas. Pourquoi n'est-il pas envisageable pour des compagnies québécoises de faire la même chose, de profiter de ces marchés européens de la même manière qu'une compagnie qui vient ici?
    Beaucoup de projets ont été annoncés. Il y a là beaucoup de potentiel pour l'exportation vers l'Europe, mais aucun de ces projets ne s'est encore concrétisé. Cependant, lorsqu'il va y avoir d'autres annonces de fermeture de papetières, une entreprise — indépendante probablement — va probablement choisir de prendre ses copeaux et d'en faire des granules pour l'exportation.
    Selon moi, il est impossible pour quelqu'un de l'extérieur de venir chercher de la fibre et réussir économiquement sans être intégré de quelque façon que ce soit.
    Pourriez-vous en dire un peu plus là-dessus?
    Comme le disait M. Mangin, aller chercher la biomasse dans la forêt pour l'apporter à une usine et la transformer implique des coûts qui sont trop élevés par rapport à ce que le marché paie actuellement. Toutefois, on peut voir une progression intéressante.
    M. Regan mentionnait qu'il payait son sac de granules 2 $ il y a 10 ans. Il le paie maintenant 6 ou 7 $. Le prix de la tonne de fibres a augmenté considérablement, il a été probablement multiplié par trois depuis 10 ans. On n'est pas loin d'atteindre des seuils où on va pouvoir concurrencer les autres formes d'énergie relativement facilement. M. Beauregard a raison, il faut optimiser la chaîne d'approvisionnement et réduire les coûts d'approvisionnement.
(1700)
    Merci, monsieur Caron.

[Traduction]

    Enfin, madame Block, nous avons quelques minutes. Vous pouvez donc poser une ou deux questions si vous le désirez.
    Je vais laisser Pat poser sa dernière question.
    Allez-y très rapidement, s'il vous plaît, madame Perkins.
    Merci beaucoup.
    Ma question portait sur les fibres de spécialité exclusives, les pâtes de spécialité ainsi que les nouveaux programmes que vous êtes en train d'annoncer, comparativement à ce qui se fait avec le bambou à l'autre bout du monde, à la façon dont ces fibres plus courtes sont produites et aux produits qu'elles servent à fabriquer, du tissu, par exemple.
     Je ne peux pas dire que je suis un spécialiste du bambou, mais pour ce qui est des fibres de spécialité et de la progression dans la chaîne de valeur, en fait, il y a eu une explosion des activités dans ce domaine à l'échelle mondiale, au sein du milieu de la recherche. Nous pouvons commencer, par exemple, par la cellulose nanofibrillée et la cellulose nanocristalline — ce sont de toutes petites particules —, puis passer à la cellulose microcristalline. Il y a une échelle des différents types de fibres modifiées et de fibres de spécialité. Il y a eu beaucoup de développement et d'activités dans ce domaine. Nous sommes très emballés par le fait qu'il y a eu une augmentation très marquée de la commercialisation de cette technologie, qui a été développée au Canada et aux États-Unis. Nous entreprendrons la commercialisation intégrale de ce produit à l'usine de Dryden dans le cadre de ce projet parrainé.
    Nous verrons où cela nous amènera, mais nous pensons que nous serons en mesure de produire de la pâte encore meilleure que celle que nous produisons à Dryden à l'heure actuelle, une pâte qui pourrait être utilisée à des fins non traditionnelles, que ce soit pour fabriquer des matériaux à base de fibre renforcée ou pour accroître la fonctionnalité de notre pâte kraft blanchie de résineux de l'hémisphère nord, qui est sans doute la meilleure fibre du monde à l'heure actuelle. Voilà un exemple du premier thème, qui consiste à améliorer un produit existant, le meilleur du monde, ce qui nous donne un avantage concurrentiel. Nous l'améliorons encore, puis nous l'utilisons comme plateforme, et nous chercherons de nouveaux marchés où nous pourrions utiliser ce nouveau matériau.
    Je tiens à remercier sincèrement tous les témoins qui étaient ici avec nous aujourd'hui. Ils nous ont fourni des renseignements qui nous seront très utiles dans le cadre de notre étude.
     Je remercie chaleureusement M. Marcoccia, M. Arsenault, M. Mangin et M. Beauregard.
    Nous allons suspendre la séance pendant quelques instants et la poursuivre à huis clos, puis nous reprendrons ensuite les discussions sur notre rapport.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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