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Bonjour. Je m'appelle Joe Hanlon, et je suis chef de projet. J'aimerais, au nom de la chef Theresa Nelson, de la Première Nation Animbiigoo Zaagi'igan Anishinaabek; de la chef Laura Airns, de la Première Nation Bingwi Neyaashi Anishinaabek; de leurs collectivités; du conseil d'administration du Wawasum Group LP et en mon nom personnel, remercier le Comité permanent des ressources naturelles de nous donner l'occasion de témoigner aujourd'hui.
Animbiigoo Zaagi'igan Anishinaabek, ou AZA, et Bingwi Neyaashi Anishinaabek, ou BNA, sont deux collectivités des Premières Nations qui ont une assise territoriale dans le nord de l'Ontario, mais qui n'ont pas les infrastructures nécessaires à leurs membres. Les collectivités ont établi un partenariat et ont créé le Wawasum Group LP dans le but de construire et d'exploiter une usine de fabrication de granulé de bois. Pour tirer parti de la demande actuelle pour des produits neutres en carbone et respectueux de l'environnement, l'AZA et la BNA ont présenté une demande dans le cadre du Processus de compétition pour l'approvisionnement en bois en Ontario lancé par le ministère des Richesses naturelles de l'Ontario et ont reçu une offre d'approvisionnement annuel de 113 000 mètres cubes de bois franc.
Notre objectif est de faire livrer la fibre de bois à notre usine de fabrication de granulés de bois pour la transformer et ainsi obtenir une production annuelle de 60 000 tonnes de granulés de bois. Selon notre plan d'affaires, ce projet pourrait entraîner la création d'environ 45 nouveaux emplois à notre usine de production, notre cour à bois et dans notre secteur de l'exploitation forestière.
La décision du Wawasum Group LP de se lancer dans l'industrie du granulé de bois est principalement fondée sur la croissance phénoménale que l'on observe dans beaucoup de régions du monde, comme l'Europe, l'Asie et l'Amérique du Nord. Un article paru en 2012 dans la revue Canadian Biomass révélait qu'on prévoit une croissance importante des marchés du granulé de bois à l'échelle mondiale au cours des huit prochaines années; la demande viendrait toujours principalement d'Europe, mais il y aurait une croissance des marchés émergents d'Asie. On prévoit également que la croissance de la production en Amérique du Nord se poursuivra. Toutefois, de nouveaux acteurs font leur entrée sur le marché de la production de la fibre de bois à l'échelle mondiale.
On prévoit que le marché mondial des granules de biomasse, que l'on estime actuellement à environ 16 millions de tonnes par année, augmentera à 46 millions de tonnes d'ici 2020, ce qui représente une valeur marchande totale de 8 milliards de dollars américains.
Dans une bonne partie du monde, l'adoption des pastilles de biocombustible est favorisée par les politiques et les incitatifs financiers, et cela se poursuivra. Le Wawasum Group LP veut être un fournisseur dans ce marché émergent. Nous sommes d'avis que ce ne sera pas seulement rentable, mais que ce sera également une ressource renouvelable plus écologique, contrairement au charbon ou au gaz naturel. Voilà pourquoi nous voulons poursuivre la mise en oeuvre de notre projet. Cela ne s'est pas fait sans heurts.
Aujourd'hui, nous sommes ici pour attirer l'attention du comité sur des idées qui pourraient nous aider à atteindre notre objectif et qui pourraient aussi être avantageuses à d'autres collectivités autochtones à l'avenir.
En ce qui concerne la stabilité du financement du gouvernement fédéral, nous estimons qu'il faut revoir le régime actuel de financement des entreprises autochtones en démarrage qui souhaitent créer des possibilités de développement économique dans le secteur forestier. Le commentaire qui suit ne diminue en rien l'importance de l'appui et du financement que nous avons reçu du gouvernement fédéral et du gouvernement de l'Ontario. Sans leur appui, nous ne serions pas ici aujourd'hui.
Nous proposons que le gouvernement fédéral crée un programme qui garantit un financement stable de façon à ce que les entreprises en démarrage puissent étudier l'ensemble des exigences préalables à la construction et y satisfaire.
Lorsqu'une collectivité entreprend la préparation d'une demande de projet, elle doit faire preuve d'une grande minutie pour présenter une analyse réfléchie du projet. Après la présentation et l'approbation, le projet est lancé, des progrès sont réalisés et la collectivité est encouragée. Malheureusement, l'absence d'une certitude quant à la réalisation du projet peut entraîner des retards injustifiés, voir l'abandon du projet. C'est pourquoi il est important de créer un programme pour favoriser le maintien et l'intensification de cet élan.
Ce genre de structure éviterait aux entreprises autochtones en démarrage d'avoir à déterminer quels programmes pourraient être offerts, à préparer des demandes, à traiter avec des gens qui ne connaissent pas le projet, à réembaucher du personnel ou à engager de nouveaux employés, à attendre les approbations et à composer avec les questions et les inquiétudes des membres de la collectivité. La garantie d'un financement stable nous permettrait de progresser de façon plus productive et plus rentable. Nous pourrions alors nous concentrer sur la présentation d'états financiers annuels et de rapports d'étape à l'organisme de financement. Cela nous permettrait de rendre compte des progrès que nous avons accomplis, puis de poursuivre le projet.
Financer le début d'un projet pour ensuite constater qu'il ne sera pas mené à terme n'est pas avantageux pour nos collectivités ni pour les contribuables canadiens.
En ce qui concerne les garanties d'emprunt, nous avons besoin des emplois dans l'industrie forestière pour favoriser la croissance des collectivités des Premières Nations et la création d'emplois valorisants.
Beaucoup de réserves se trouvent dans des lieux éloignés entourés de forêts renouvelables. Les Premières Nations peuvent gérer la forêt et établir un équilibre avec les activités traditionnelles de chasse, de pêche et de piégeage tout en offrant à leurs membres des occasions de développement économique. Le granulé de bois est un produit à forte demande, tant au pays qu'à l'échelle nationale internationale. À titre d'exemple, les scieries connaissent un regain; des activités de récolte seront créées et seront en croissance. Toutefois, ces projets nécessitent d'importants investissements en capital, et nous avons besoin de l'appui du gouvernement fédéral pour créer des possibilités économiques pour nos collectivités.
Nous croyons que cela peut se faire notamment en offrant des garanties d'emprunt aux entreprises autochtones du secteur de la foresterie. Collaborer à la création d'un mécanisme de garanties d'emprunt témoigne d'un engagement à l'égard des peuples des Premières Nations et indique au secteur financier que le gouvernement canadien appuie fortement la création d'entreprises autochtones prospères.
En terminant, nous sommes convaincus que l'appui du gouvernement fédéral et sa collaboration avec les collectivités et les entreprises des Premières Nations lanceront à l'industrie forestière mondiale un message positif selon lequel le Canada et ses partenaires des Premières Nations collaborent afin d'offrir, à faible coût, des produits forestiers renouvelables et durables qui sont essentiels sur la scène économique mondiale.
Un financement constant, des garanties d'emprunt et d'autres programmes communs axés sur la croissance seront avantageux pour les collectivités des Premières Nations. Le Canada, les provinces et les collectivités situées à proximité des projets profiteront également des retombées économiques, et ce, tant pendant la construction des installations qu'après leur mise en service. Ce genre de vision et de message de la part du gouvernement fédéral peut entraîner une amélioration importante de la vie des peuples des Premières Nations et au sein des collectivités. Ce n'est que grâce à l'éducation, l'autonomisation, l'emploi, l'infrastructure, l'engagement, le financement et l'appui au secteur forestier que nous pourrons participer à de réels progrès.
Grâce à l'appui continu des chefs, de leurs conseils respectifs et des collectivités d'AZA et de BNA, la société Wawasum est déterminée à mener à bien la construction d'une usine de production de bois. Cette usine serait avantageuse pour la collectivité et a des effets positifs sur ses besoins à long terme. L'appui du comité et de tous les partis politiques favorisera la réalisation de notre projet, mais si nous travaillons ensemble, nous pouvons améliorer la situation économique et sociale de l'ensemble des peuples autochtones du pays.
Meegwetch. Au nom du conseil d'administration de Wawasum, des collectivités d'Animbiigoo Zaagi'igan Anishinaabek et de Bingwi Neyaashi Anishinaabek et en mon nom personnel, merci.
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Bonjour à vous, mesdames et messieurs, membres du comité permanent, et merci de me donner l’occasion de présenter un exposé ici aujourd’hui.
Dans le nord-ouest de l’Ontario, où je vis, l’amélioration constante du secteur des produits forestiers est devenue l’un des grands moteurs de la reprise économique de notre région. Nous créons des emplois dans différentes localités: Kenora, Ear Falls, Ignace, Longlac, White River, Terrace Bay et même Thunder Bay. Ces emplois ajoutent de l’élan à un secteur déjà prospère en Ontario.
Chez nous, à Atikokan, l’industrie forestière est notre moteur économique depuis de nombreuses années. Il y a eu à Atikokan une scierie et une usine de panneaux de particules, mais lorsque la crise des prêts hypothécaires à risque a frappé les États-Unis, en 2008, toutes deux ont fermé leurs portes et fait 400 chômeurs.
Les effets ont été dévastateurs pour Atikokan; les travailleurs qui assuraient le soutien de leur famille ont été nombreux à devoir se tourner vers le nord de l’Alberta ou le sud de la Saskatchewan pour obtenir du travail. Dans les années qui ont suivi, des familles sont parties, mais la plupart ont poursuivi leur vie ici et sont actifs aujourd’hui dans la communauté.
La reprise du secteur forestier a été une très bonne chose pour Atikokan. La vieille usine de panneaux de particules en est au dernier stade de sa reconversion en usine d’agglomérés; elle emploiera 40 personnes. Une toute nouvelle scierie à la fine pointe de la technologie est en construction sur le site de l’ancienne scierie et emploiera environ 100 personnes. Son ouverture est prévue pour mai ou juin de cette année; ce sera la plus récente scierie au Canada. Outre les travailleurs de la scierie, de 200 à 300 personnes seront employées par l’industrie de l’exploitation forestière et du transport, sans compter tous les emplois indirects et induits. En outre, notre ancienne centrale au charbon a été convertie en centrale biomasse à granules de bois, créant d’autres emplois dans la région. Il est clair que l’industrie forestière continuera d’occuper une place essentielle dans l’économie d’Atikokan.
Bien d’autres collectivités ontariennes et du Canada vivent le même scénario. La reprise économique profite également à de nombreuses collectivités des Premières Nations du nord-ouest de l’Ontario qui collaborent étroitement avec nous, les municipalités et l’industrie de façon à tirer avantage de cette reprise.
Par exemple, six collectivités des Premières Nations voisines d’Atikokan ont récemment signé un protocole d’entente avec les Produits forestiers Résolu. Grâce à ce protocole, des contrats évalués à 100 millions de dollars ont été conclus avec des entreprises autochtones de la région.
Ce genre d’entente est de plus en plus commun, ce qui rend nos partenaires des Premières Nations de jour en jour plus forts et plus présents dans l’économie régionale.
Le Canada compte près de 350 millions d’hectares de forêt: il est le quatrième exportateur mondial de produits forestiers et fait travailler plus de 200 000 Canadiens dans le secteur forestier. Le nombre d’emplois continue de croître grâce à la reprise économique mondiale, particulièrement à celle des États-Unis.
En Ontario seulement, les emplois dans le domaine forestier ont augmenté de près de 4 % de 2011 à 2012, et l’Association des produits forestiers du Canada prévoit que 60 000 autres Canadiens pourraient être recrutés par le secteur forestier d’ici la fin de la décennie. Le 4 septembre 2014, le Globe and Mail a publié un article indiquant que les étudiants en foresterie bénéficiaient d’un taux de placement de 100 %, soit un meilleur taux que celui des étudiants en informatique, en mathématiques et en science physique.
Pour nous, les résidants d'Atikokan et du nord-ouest de l'Ontario, ces statistiques sont bien concrètes. Nous voyons les prévisions en matière d’emploi se réaliser dans nos collectivités, où les investissements et la création d’emploi sont à la hausse. Et les effets vont au-delà du secteur forestier: la reprise a un effet boule de neige dans tous les secteurs.
J'aimerais cependant prendre quelques minutes pour vous parler de quelques enjeux qui se pointent à l'horizon. Le secteur forestier repose sur deux moteurs importants: l'accès à un approvisionnement fiable, prévisible et abordable de fibre ligneuse pour la manufacture de produits; l'accès aux marchés pour écouler ses produits. J'aimerais discuter brièvement de ces deux moteurs opérationnels, qui font tous deux l'objet de pressions.
Premièrement, en ce qui concerne l’accès à la fibre ligneuse, nous craignons de plus en plus l’adoption d’une politique publique, du moins en Ontario, qui réduira inutilement l’accès à la fibre sans tenir compte des répercussions socioéconomiques.
Prenons, par exemple, les politiques sur la gestion du caribou élaborées conformément à la législation provinciale et fédérale sur les espèces en péril. Tant à l’échelle fédérale que provinciale, on envisage l’adoption de politiques et de règlements fondés sur des données scientifiques pourtant restreintes ou incomplètes. Il pourrait en découler des répercussions dévastatrices sur l’approvisionnement en fibre ligneuse, précisément au moment où nos collectivités ont besoin du secteur forestier pour stabiliser leur économie. Dans les collectivités comme Atikokan, on estime que si les gouvernements poursuivent dans cette voie, cela créera de l’incertitude qui risque de stopper les investissements et de mettre fin à notre bel élan.
En ce qui concerne l'accès aux marchés maintenant, nous nous inquiétons des campagnes orchestrées par des groupes environnementaux radicaux qui trompent les consommateurs sur les pratiques forestières de l'Ontario et du Canada. Sans consommateurs, aucune prospérité n'est possible. Nous devons collectivement soutenir l'industrie forestière, corriger l'information trompeuse véhiculée et mieux en promouvoir les activités ici et ailleurs. C'est très important. Nos pratiques forestières sont parmi les meilleures au monde; nos produits forestiers devraient figurer au premier plan des choix des consommateurs.
Nous n'accusons pas ici les gouvernements d'avoir négligé de soutenir la reprise de notre secteur. Les programmes du gouvernement fédéral visant à soutenir les projets d'énergie verte, à favoriser l'expansion sur les marchés émergents et à soutenir la science et l'innovation nous ont été essentiels et doivent demeurer en place. Les gouvernements provinciaux ont effectué des investissements similaires. Cependant, ces efforts consentis n'aboutiront toutefois à rien si nous ne pouvons pas compter sur un approvisionnement prévisible et abordable et si aucune stratégie n'est mise en place pour rétablir les faits nous concernant.
En résumé, la reprise du secteur forestier est concrète, et nous en voyons les avantages directs dans toutes nos collectivités, notamment dans les collectivités des Premières Nations avoisinantes. Des investissements sont faits, des emplois sont créés et la croissance est palpable dans la région. Le secteur forestier est durable, renouvelable et écologique. Les arbres se renouvellent, et les produits issus de la forêt améliorent notre qualité de vie.
Il nous faut soutenir cette reprise et fournir au secteur forestier l'appui nécessaire. Il faut aussi que les politiques publiques tiennent compte de façon équilibrée des aspects sociaux, économiques et environnementaux de la durabilité. Enfin, il faut promouvoir nos pratiques forestières et corriger l'information trompeuse véhiculée par des intérêts mal avisés. Tous les ordres de gouvernement, fédéral, provincial et municipal, doivent défendre avec plus de vigueur les intérêts sociaux et économiques des collectivités, des entreprises et des familles qui dépendent de l'industrie forestière.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie également tous les députés qui sont membres du Comité permanent des ressources naturelles.
La Fédération québécoise des coopératives forestières se réjouit d’avoir l’occasion de vous rencontrer pour vous faire part de ses commentaires. Elle apprécie la teneur des questions proposées pour contribuer au renouveau forestier.
La fédération regroupe principalement des coopératives forestières de travailleurs. Depuis peu, elle regroupe également des coopératives de producteurs. Quelques coopératives de notre réseau sont actives dans le secteur de la transformation, mais la grande majorité font plutôt des travaux en forêt. Nous sommes présents dans tous les segments de la foresterie, soit de la production de plants à la sylviculture en passant par la voirie, la récolte, le transport du bois et, maintenant, la récolte de biomasse et la vente d'énergie.
La perspective de la fédération dans la présentation d'aujourd'hui est celle d'un réseau actif dans le premier segment de la chaîne de valeur des produits forestiers, c'est-à-dire l'aménagement forestier.
Je vais aborder quatre sujets: le renouvellement de l'Accord sur le bois d'oeuvre résineux et son importance; une stratégie de production de bois comprenant un virage industriel; la filière de la biomasse forestière pour la chauffe — qui un sujet auquel je consacrerai le plus de temps; et, finalement, la reconnaissance du segment de l'aménagement forestier dans les politiques s'adressant au secteur forestier canadien.
En ce qui a trait à la nécessité de renouveler l'Accord sur le bois d'oeuvre résineux, la fédération ne fait pas partie des négociations. Cependant, elle est très bien placée pour constater son importance. Quand nos clients ont des conflits, cela perturbe beaucoup nos activités.
Nous considérons que l'Accord sur le bois d'oeuvre résineux ne respecte pas l'esprit du traité de libre-échange conclu entre le Canada et les États-Unis. Plusieurs raisons démontrent que les barrières imposées à l'industrie canadienne tendent plutôt à protéger des intérêts particuliers américains, et ce, au détriment de tous les acteurs de l'industrie forestière canadienne et de tous les consommateurs de bois d'oeuvre de l'autre côté de la frontière. Cependant, les coopératives forestières sont bien conscientes que l'absence d'accord aurait été encore plus préjudiciable. Pour cette raison, la fédération comprend et appuie le rôle qu'a joué le gouvernement canadien dans la signature de l'accord.
Nous recommandons au gouvernement canadien de contribuer à renouveler l'accord qui viendra bientôt à échéance. Si nous n'avons pas un nouvel accord le 12 octobre 2016, toute l'industrie forestière canadienne en souffrira beaucoup puisque que l'on prévoit que les marchés seront très actifs à ce moment-là. Par contre, si l'accord est reconduit sur la base de celui qui a cours actuellement, la fédération souhaite que son article 12 soit abordé afin qu'un comité se mette en place afin d'évaluer la pertinence de considérer l'exemption du Québec puisque son nouveau régime forestier est maintenant beaucoup plus basé sur le libre marché.
Je vais maintenant parler de la stratégie de production de bois et du virage industriel.
Récemment, le ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec, Laurent Lessard, a reçu un rapport préparé par le doyen de la Faculté de foresterie de l'Université Laval, M. Robert Beauregard, sur la stratégie de production de bois. Nous ne connaissons pas les détails de ce rapport, mais nous savons qu'en plus d'un virage sylvicole pour ajouter de la valeur à notre fibre, le doyen milite aussi pour que l'État accompagne la conversion industrielle. Ce virage permettrait d'augmenter significativement les retombées économiques et les emplois totaux du secteur forestier. En l'absence de conversion, on risque aussi de perdre des emplois à moyen terme au sein de notre industrie.
Dans la mouvance de la bioéconomie, qui devrait prendre de plus en plus de place dans l'économie canadienne, il faudrait développer les biomatériaux, les produits de construction écoresponsables, la chimie verte et la bioénergie. La fédération souhaite que le gouvernement canadien s'implique dans cette conversion, notamment en favorisant les investissements afin d'aider l’industrie à se positionner dans ces nouveaux créneaux.
Je suis heureux que tout le monde parle aujourd'hui du potentiel de la biomasse forestière pour la chauffe. Depuis 2007, nous travaillons à développer la filière de la biomasse, mais avec une consommation interne pour la chauffe et les bâtiments industriels, commerciaux et institutionnels. Déjà, des coopératives ont mis en place six centres de transformation et de conditionnement de la biomasse pour approvisionner nos clients, et ce, avec des partenaires institutionnels dont la Caisse de dépôt et placement du Québec, Fondaction et quelques ministères. La fédération a effectué plusieurs études économiques qui démontrent la viabilité de cette filière. Si jamais cela vous intéresse, nous pourrions vous les faire parvenir.
Seulement au Québec, à l'extérieur de l'agglomération de Montréal, il serait possible de valoriser un million de tonnes de biomasse résiduelle, ce qui assurerait des retombées économiques majeures dans toutes les régions. Ce développement permettrait d'éviter l'émission d'un million de tonnes métriques d'équivalent CO2 par la substitution de mazout, de propane et d'autres combustibles fossiles. Cette filière pourrait créer jusqu'à 16 000 emplois, dont le quart serait récurrent, et elle améliorerait la balance commerciale de 225 millions de dollars.
Le coût de l'énergie de la biomasse forestière est très compétitif. Il se situe à 6,57 $ le gigajoule pour les plaquettes et à 10,26 $ pour les granules, comparativement à 22,89 $ pour le mazout et à 26,36 $ pour le propane. Sur le plan du coût de l'énergie, c'est très compétitif.
Malgré ses énormes bénéfices potentiels sur les plans économique, social et environnemental, la biomasse tarde à se développer pour les principales raisons suivantes, à savoir le manque de connaissances de cette filière par les utilisateurs potentiels, la sécurité d'approvisionnement en combustible de qualité ainsi que le coût important des équipements et infrastructures nécessaires pour chauffer la biomasse.
Le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle pour améliorer le troisième aspect en offrant une aide financière à l'acquisition des équipements afin de réduire les périodes de retour sur les investissements et les coûts de financement.
Depuis le budget du 29 mars 2012, le gouvernement canadien a élargi la catégorie 43.2 de l'annexe II du Règlement de l'impôt sur le revenu pour y inclure le matériel de production d'énergie thermique alimenté aux combustibles résiduaires. Le budget fédéral du 21 mars 2013 permet aux entreprises du secteur de bénéficier des mesures applicables jusqu'au 31 décembre 2015. C'est très bientôt.
Le gouvernement du Québec s'est aligné sur ces mesures, ce qui a pour conséquence de rendre les projets des entreprises produisant de l'énergie thermique admissibles aux crédits d'impôt relatifs au matériel de fabrication ou de transformation.
Le gouvernement fédéral devrait reconduire cette mesure bien au-delà du 31 décembre, et ce, au moins pour cinq ans. De plus, il pourrait donner une impulsion plus importante à la filière. La mesure actuelle permettant des déductions pour amortissement accéléré des investissements nécessaires à la production d'énergie thermique est mal adaptée à cette filière puisque les marges bénéficiaires sont très faibles au cours des premières années.
La mise en place d'un crédit d'impôt à hauteur de 20 % relatif au matériel de production d'énergie thermique alimenté aux combustibles résiduaires pour l'ensemble des régions contribuerait grandement au développement de la filière et générerait d'importantes retombées.
Je vais maintenant aborder le dernier point, à savoir la reconnaissance du segment de l'aménagement forestier.
Au Canada et au Québec, la foresterie s'est construite selon le paradigme que la richesse se crée à partir de l'usine et que tout ce qui se trouve en amont est considéré comme des coûts qu'on doit comprimer. Dans d'autres secteurs industriels au Canada, on a une vision beaucoup plus intégrée de la chaîne de valeur où l'on associe toutes les étapes. L'industrie forestière en est encore à l'époque où l'on met les fournisseurs en concurrence pour obtenir le coût d'approvisionnement le plus bas.
L'aménagement forestier et l'approvisionnement sont généralement sous-traités avec le meilleur transfert de risque possible, c'est-à-dire le travail à forfait et la propriété des équipements aux entrepreneurs. Tout cela fait en sorte qu'il est difficile d'innover en foresterie et qu'il devient de plus en plus difficile de valoriser les métiers forestiers.
La fédération travaille avec ses partenaires industriels pour améliorer ses relations d'affaires et investit beaucoup en matière d'innovation. Nous tenons d'ailleurs à remercier le gouvernement fédéral qui offre plusieurs programmes facilitant cette façon de faire.
Plusieurs de nos coopératives sont membres de FPInnovations, qui travaille étroitement avec nous pour ce qui est du volet forestier. Depuis un an et demi, notre fédération est également membre de FORAC — de la forêt au client —, qui est un consortium de recherche de l'Université Laval.
Nous recevons un financement important du Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie du Canada. Enfin, notre fédération bénéficie d'une aide directe de Ressources naturelles Canada pour un projet de recherche sur les procédés de récolte et de conditionnement de la biomasse forestière.
Notre fédération souhaite que le gouvernement poursuive ses engagements en faveur de la recherche en foresterie parce que le renouveau forestier a besoin d'un segment d'aménagement forestier aussi fort que le reste de la chaîne. Elle souhaite également que les entrepreneurs forestiers deviennent admissibles au financement, notamment pour assurer le renouvellement des équipements forestiers.
C'est ce qui conclut ma présentation.
Je vous remercie.
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Ce sera plus facile si me m'exprime en anglais.
Je remercie le comité permanent de m'avoir invité à présenter un exposé.
Je porte quatre chapeaux. Je suis président-directeur général du Bureau de promotion des produits du bois du Québec. Je suis aussi vice-président et fondateur de Canada Wood, qui représente l'ensemble de l'industrie canadienne du bois et qui s'emploie à développer les marchés d'exportation. Je représente également l'Association canadienne des granules de bois, car nous avons au Québec des producteurs de granules de bois. Nous nous sommes joints à l'association canadienne l'année dernière. Je représente également le Canada au comité des Nations Unies sur les forêts et l'industrie forestière.
Je vais présenter des diapositives, que vous avez reçues en français et en anglais et qui vous aideront à comprendre ce dont je vais parler. Je vais présenter certains faits, certaines tendances et proposer une vision pour l'avenir qui vise la diversification de l'industrie canadienne du bois.
La première diapositive porte sur les exportations canadiennes de produits du bois. On peut voir que les exportations de bois résineux aux États-Unis ont augmenté au cours des cinq dernières années. On peut constater aussi qu'il y a une diversification puisque nous exportons du bois résineux outre-mer. Au cours des cinq dernières années, nous avons très bien réussi à développer de nouveaux marchés, notamment celui de la Chine. Cette diapositive vous donne aussi un portrait des exportations aux États-Unis et à l'étranger d'autres produits du bois, principalement des produits à valeur ajoutée, comme des composants structuraux, des revêtements de sol et du bois dur.
La deuxième diapositive montre une chose qui m'inquiète un peu. Elle porte sur les exportations et importations entre le Canada et les États-Unis de maisons usinées et de composants structuraux. Il s'agit de l'industrie des produits du bois à valeur ajoutée. Depuis 2010, notre balance nette est négative. Ce qui signifie que nous importons davantage de composants structuraux que nous en exportons. Il y a donc un problème.
La diapositive suivante fournit une explication à ce problème en comparant la productivité de l'industrie de la construction à celle du secteur des entreprises au Canada. Depuis 1982, la productivité du secteur des entreprises a progressé de 47 % tandis que celle de l'industrie de la construction est au mieux demeurée stable, ce qui signifie que notre productivité est faible.
Pour ce qui est des tendances, on observe une industrialisation de la construction dans le monde puisqu'on a davantage recours à la préfabrication.
La diapositive suivante nous montre qu'il y a également une augmentation de la construction de bâtiments verts. L'industrie de la construction souhaite diminuer son empreinte énergétique et carbonique dans tous les pays industrialisés et en développement.
La prochaine diapositive montre ce que nous avons fait en Chine. Nous avons décroché récemment un important contrat de construction de logements en Chine. Nous avons obtenu le contrat parce que nous avons démontré dans quelle mesure on peut réduire la consommation d'énergie et les émissions de carbone en construisant une maison modulaire au Québec qu'on exporte en Chine par rapport à la construction d'une maison de campagne en Chine. La réduction est très importante. En effet, au lieu d'émettre 114 tonnes de carbone, on en émet 30 tonnes. Nous avons obtenu le contrat parce que nous avons présenté cette comparaison.
Pour ce qui est des marchés de l'avenir, je dois dire que nous devons diversifier nos marchés, car nous savons qu'il y aura bientôt un cinquième accord avec les États-Unis sur le bois d'oeuvre. Nous avons accompli du bon travail à cet égard au cours des cinq dernières années. La prochaine étape consiste à diversifier nos produits. Nous devons ajouter de la valeur à notre industrie du bois.
La diapositive suivante montre l'évolution de la classe moyenne mondiale, qui est notre marché cible dans le domaine de la construction. Les petits cercles représentent la classe moyenne en 2009, et les grands cercles, la classe moyenne en 2013. Je n'ai pas besoin de vous dire quel marché nous viserons au cours des 10 prochaines années.
La prochaine diapositive porte sur les principaux marchés mondiaux des bâtiments préfabriqués en bois. La situation est la même. On voit que de 2008 à 2017, la croissance en Chine est phénoménale par rapport à celle d'autres marchés, comme les États-Unis, l'Allemagne et la Suède. La Chine sera un important marché cible pour les matériaux bruts et les produits à valeur ajoutée.
Je vais maintenant parler de la vision.
Je pense que nous devons changer notre façon de penser si nous voulons ajouter de la valeur à ce que nous produisons. Je vais vous présenter la vision du Québec, élaborée avec le gouvernement de la province, qui pourrait devenir, comme je le souhaite, la vision du Canada. L'objectif est d'exporter des systèmes de construction préfabriqués pour une valeur de 3 milliards de dollars. Actuellement, nous exportons du bois pour une valeur de 3 milliards de dollars, mais j'aimerais que 1 milliard de cette somme devienne 3 milliards de dollars de produits à valeur ajoutée. Il s'agit d'une stratégie gouvernementale à laquelle doivent collaborer l'industrie, les centres de recherche et d'innovation et toutes les autres parties prenantes. Nous en sommes maintenant à l'étape de l'analyse stratégique, qui consiste à évaluer nos faiblesses, les possibilités et les tendances ainsi qu'à formuler des recommandations. Cette étape devrait être terminée d'ici la fin de l'année. Nous allons ensuite élaborer une stratégie concertée et la mettre en oeuvre. Pour ce faire, il faudra sortir des sentiers battus. L'industrie du bois a habituellement produit du bois, mais nous devons maintenant penser autrement et trouver de nouveaux alliés au sein de notre industrie.
La diapositive suivante vous montre les retombées pour le Canada. Les chiffres présentés ici concernent les retombées pour le Québec uniquement, car il est question de 3 milliards de dollars en exportations pour le Québec seulement. Dans ce tableau, on peut voir qu'en 2014, la valeur de nos exportations des systèmes de construction préfabriqués s'établissait à environ 250 millions de dollars. Ce chiffre se traduit par à peu près 2 000 emplois, 8,7 millions de dollars en recettes fiscales directes pour le gouvernement du Québec et 4,5 millions de dollars en revenus pour le gouvernement du Canada. Si nous atteignons notre objectif, qui figure dans la colonne 2030, la valeur des exportations s'établira à 3 milliards de dollars, 25 000 nouveaux emplois seront créés, les recettes fiscales du gouvernement du Québec s'élèveront à 100 millions de dollars et elles s'établiront à 52 millions de dollars pour le gouvernement du Canada, et très peu d'investissements auront été nécessaires. Nous devons donc diversifier notre marché et nos produits.
La dernière diapositive présente une photo prise lors de la signature d'un contrat en Chine en novembre dernier durant la mission dirigée par M. Couillard à Shanghai. Nous avons signé un contrat d'une valeur de 350 millions de dollars pour la construction de 500 maisons au cours des cinq prochaines années par Panexpert, une entreprise québécoise. C'est le premier résultat de nos efforts. Il y a aussi un contrat de 20 millions de dollars qui arrive à échéance, signé également avec la Chine, pour la construction de maisons préfabriquées par AmeriCan Structures, une petite entreprise du Québec. Les résultats sont déjà là. Le contrat de 500 maisons que nous avons signé à l'automne représente un nombre plus élevé que celui prévu pour 2018, alors les choses évoluent plus rapidement que je l'avais envisagé. J'encourage donc le Canada à élaborer une stratégie permettant non seulement de diversifier nos marchés, mais aussi d'ajouter de la valeur à notre industrie du bois.
Je vous remercie beaucoup.
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C'est une question délicate.
Si nous voulons parler brièvement de chiffres, les Américains consomment 53 milliards de pieds de bois résineux. Ils en produisent, je crois, environ 42 milliards de pieds. Ils ont donc besoin de 10 à 11 milliards de pieds de la part de notre pays. Le problème est que nous en produisons 13 ou 14. Si nous enlevions ces deux ou trois milliards de pieds de plus, ce serait plus équilibré.
Soulignons que le but de la coalition américaine est d'avoir des prix élevés pour que ses membres puissent survivre. De plus, les fonds de placement américains qui investissent beaucoup dans les terres forestières veulent de bons rendements. C'est pourquoi il faut des prix élevés. C'est donc une négociation entre un éléphant et une souris et c'est l'éléphant qui va gagner.
Selon moi, nous pouvons négocier et renouveler l'accord puisque n'importe quoi est préférable à se faire imposer des taxes élevées. Un renouvellement de l'accord serait préférable à une agression, une taxe ou un countervailing duty qui serait élevé.
Cela ne nous empêche pas de tenter de diversifier nos marchés et nos produits. On doit viser tout ce qui est à l'extérieur des États-Unis, mais aussi tout ce qui est en dehors de l'accord sur le bois d'oeuvre, à savoir des produits un peu transformés que nous pouvons vendre aux États-Unis et qui sont en dehors du système. Tout cela contribue à éviter le problème. Nous aurions dû y penser probablement il y a cinq ans, si nous avions été stratégiques.
L'accord arrive à échéance dans un an et je crois qu'il n'est pas trop tard pour commencer. En négociant, il s'agit d'enlever de la pression. Nous vendons maintenant 2 milliards de dollars de bois en Chine. On n'y vendait rien il y a 10 ans. Nous avons donc enlevé un peu de pression, mais le marché américain est redevenu rentable et tout le monde y est un peu revenu parce que les prix sont élevés.
D'ailleurs, nos prix ont baissé sous le prix plancher et sont soumis à une taxe depuis avant-hier. Ils ont baissé récemment. Franchement, je ne crois pas que notre pouvoir de négociation soit très élevé.
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Ma première question s'adresse plus précisément à M. Labbé.
Dans votre présentation, une information m'a hautement déplu. Ce n'est pas votre faute puisque ce sont les faits.
J'ai eu la chance de travailler pendant un certain temps au sein de l'entreprise Maisons Laprise. Dans mon comté à lui seul, on compte des PME comme Goscobec, les Maisons Ouellet, Art Massif et LINÉAIRE-ÉCO-CONSTRUCTION. L'expertise des gens de mon comté nous permettrait de construire aussi bien un petit chalet de 30 000$ qu'une maison luxueuse de 4 millions de dollars.
La plupart d'entre elles ont même des brevets. Nous parlions de valeur ajoutée. Or les maisons préusinées et modulaires en sont un superbe exemple. En ce qui concerne ces chiffres, je savais qu'il y avait eu une baisse importante durant les deux années suivant la crise de 2008. Quand les gens n'ont pas d'argent, il est rare qu'ils se fassent construire une maison.
On voit par contre qu'il y a une certaine relance. Or vos chiffres indiquent que, malgré la relance, nous faisons face à un déficit commercial, c'est-à-dire que depuis trois ans nous importons plus que nous exportons. Cette tendance semble marquée. Je ne comprends pas cette situation. Connaissant bien les gens du milieu, ayant travaillé pour les Maisons Laprise et étant ami avec les gens d'Art Massif et LINÉAIRE-ÉCO-CONSTRUCTION, je ne comprends pas ce qui se passe.
Pouvez-vous m'éclairer un peu et me dire ce qui explique cette tendance?
Par ailleurs, compte tenu de l'expertise et des ressources dont nous disposons chez nous, pouvons-nous faire quelque chose d'intelligent pour renverser cette tendance?