Ce matin, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions les défis en santé mentale auxquels sont confrontés les agriculteurs, éleveurs et producteurs canadiens.
Nous accueillons ce matin, par vidéoconférence, M. Nicholas Carleton, professeur au Département de psychologie, et Mme Amber Fletcher, professeure agrégée, du Département de sociologie, tous les deux de l'Université de Regina. Nous accueillons aussi Bob Guest, président, et Jonas Johnson, du Registre du conseil canadien des agriculteurs handicapés.
Merci à vous tous d'être là.
Nous allons commencer par les déclarations préliminaires. Vous avez jusqu'à sept minutes. Nous sommes un peu pressés, alors je vous le dirai, si jamais...
Monsieur Guest.
Notre objectif est d'aider les familles et les personnes qui retournent à la ferme ou dans un élevage après avoir souffert d'une incapacité à la suite d'une blessure ou d'une maladie. Nous fournissons un soutien aux personnes handicapées et à leur famille. La santé mentale des membres de la famille est une composante importante du défi. C'est la raison pour laquelle il est si important de s'occuper de toute la famille. Les répercussions sur une exploitation agricole familiale aux prises avec une incapacité sont profondes. L'impact de la santé mentale peut se faire sentir bien au-delà de la famille, jusque dans la collectivité locale.
Dans un cas, un agriculteur a perdu son bras. Il s'en est tiré assez bien à la suite de l'incident, mais son fils qui avait activé la tarière souffrait d'importants problèmes de santé mentale. Toute la famille a été déchirée par l'incident, et c'est le même fardeau qui survient lorsqu'une invalidité ou une maladie frappe une exploitation agricole. La famille en tant que telle ou la collectivité sont aussi touchées.
Sans invalidité, les défis quotidiens liés au fardeau pour la santé mentale associé à la gestion d'une ferme peuvent être lourds. Ajoutez à ça une incapacité, et les difficultés sont décuplées. Les défis peuvent être tellement importants, que nous avons récemment ressenti le besoin d'ajouter une ligne d'aide à l'intention des personnes suicidaires sur notre site Web.
Nous sommes la seule organisation nationale qui travaille auprès des agriculteurs et des éleveurs handicapés. Notre organisation est composée de bénévoles handicapés déterminés à aider d'autres agriculteurs handicapés eux aussi. Nos bénévoles ont eux-mêmes été confrontés à des défis, mais ils prennent le temps de travailler sans relâche auprès d'autres personnes.
Une famille peut être déchirée par des sentiments de culpabilité et de désespoir. Je ne peux pas vous dire le bonheur que nous ressentons et les changements que nous pouvons provoquer au sein d'une famille lorsque nous parlons à ces gens en tête-à-tête pour leur donner l'espoir qu'ils pourront conserver leur mode de vie agricole.
Pendant plusieurs années, l'organisation n'a reçu aucun financement, ce qui a grandement miné notre capacité d'aider les autres. Beaucoup de personnes dans le besoin ne reçoivent pas l'aide nécessaire, parce que nous n'avons pas les fonds qu'il faut pour joindre tout le monde. Nous avons entrepris un processus visant à obtenir de nouveaux fonds pour aider à rebâtir notre organisation et accroître notre portée dans le but d'aider plus de personnes.
Selon moi, c'est une grande perte pour la communauté agricole et des familles productives si nos membres ne peuvent pas continuer à faire le travail qu'ils adorent. Notre objectif, c'est d'aider nos membres à continuer à travailler à la ferme comme ils aiment le faire et à maintenir leur productivité dans le milieu agricole.
C'est essentiellement ce que nous faisons. Je ne vais pas accaparer plus des sept minutes, et je serai heureux de répondre à vos questions.
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Bonjour honorables membres du Comité. Merci beaucoup du temps que vous m'accordez aujourd'hui.
Je suis psychologue clinicien agréé en Saskatchewan et professeur de psychologie et chercheur à l'Université de Regina. J'ai de l'expérience dans le domaine de la santé mentale, particulièrement le stress aigu et chronique et notamment le trouble de stress post-traumatique, et je vais vous parler, ce matin, de certaines choses qui ont été publiées sur la santé mentale des agriculteurs.
Selon Statistique Canada, à tout moment, environ 10 % de la population canadienne respecte les critères liés à un ou plusieurs troubles de santé mentale. En 2005, un article lié à une analyse de la documentation parue dans des revues avec comité de lecture a montré que les agriculteurs affichent l'un des taux de suicide les plus élevés au sein de l'industrie, soulignant par ailleurs qu'ils n'affichaient peut-être pas des taux plus élevés de maladie mentale.
Plus récemment, en 2018, Klingelschmidt et ses collègues ont publié une analyse systématique de la littérature et une méta-analyse dans une revue avec comité de lecture. Les résultats révèlent une ampleur de l'effet combiné de 1,48 fois sur le risque de suicide parmi les travailleurs des milieux de l'agriculture, de la foresterie et des pêches. Ces résultats diffèrent de ceux d'une étude épidémiologique de 1999 réalisée auprès des agriculteurs canadiens qui avaient révélé, après le rajustement pour tenir compte des différences d'âge, que les taux de suicide provinciaux parmi les exploitants agricoles étaient généralement inférieurs ou équivalents à ceux observés dans les populations témoins d'hommes canadiens.
La différence tient peut-être en partie aux changements climatiques, comme on l'a récemment indiqué dans un article paru dans une revue avec comité de lecture qui a montré que les changements climatiques et la sécheresse peuvent avoir une incidence négative sur la santé mentale des Canadiens, particulièrement dans le cas des agriculteurs touchés par la sécheresse. Au cours des deux dernières décennies, les changements climatiques — qu'ils soient d'origine anthropique ou non — ainsi que l'importante fluctuation des conditions économiques et la tendance progressive à passer aux méga-exploitations agricoles ont tous entraîné d'importants niveaux d'incertitude associés aux composantes centrales des moyens de subsistance des agriculteurs.
Comme l'ont indiqué deux articles évalués par un comité de lecture de 2016, des niveaux plus élevés d'incertitude sont directement perçus comme une menace, particulièrement lorsqu'ils sont associés à la croyance que les risques peuvent se concrétiser. En outre, on a constaté une forte corrélation entre les difficultés découlant de l'incertitude et plusieurs troubles de santé mentale.
Un article de 2013 examiné par un comité de lecture donne aussi à penser que les agriculteurs de sexe masculin sont peut-être tout particulièrement réticents à avoir accès à des soins de santé mentale pour une diversité de raisons, y compris la stigmatisation et un accès limité à des soins fondés sur des données probantes. Cette stigmatisation a été révélée en partie dans un article de 2014 soumis à un comité de lecture où on indiquait qu'elle était associée à des notions possiblement toxiques de la masculinité qui peuvent interagir avec des perceptions selon lesquelles des agriculteurs de sexe masculin sont principalement responsables de la réussite ou de l'échec de leur ferme, même s'ils ont un contrôle relativement limité sur des choses comme les conditions météorologiques.
De plus, les agriculteurs sont souvent relativement isolés, ce qui signifie que leurs occasions de soutien social peuvent être limitées, situation qui est à même d'accroître les risques associés à la santé mentale. Les autres défis auxquels les agriculteurs sont confrontés incluent les perceptions liées à la masculinité, le travail instable, l'incertitude, les divers obstacles à l'accès aux soins et des réseaux limités de soutien social. Toutes ces choses sont susceptibles d'accroître la probabilité de troubles mentaux et de suicide.
Les facteurs de stress perçus quotidiens, qu'on appelle parfois les soucis quotidiens lorsqu'ils s'accompagnent d'un événement pouvant avoir une incidence extrêmement négative, comme une inondation ou une sécheresse, peuvent aussi exacerber les risques potentiels de maladie mentale.
Par conséquent, des services et des mesures de soutien adaptés en matière de santé mentale pourraient être très bénéfiques et favoriser la santé mentale des agriculteurs et de leur famille.
Merci.
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Bonjour, honorables membres du Comité. Merci de me donner l'occasion de discuter avec vous de ce sujet très important.
J'ai grandi dans une ferme céréalière de la Saskatchewan que ma famille continue d'exploiter. En tant que professeure et chercheuse, je réalise d'importantes recherches qualitatives auprès d'agriculteurs et d'éleveurs de la région des Prairies. Mes recherches portent sur la vulnérabilité sociale aux catastrophes climatiques comme les inondations et les sécheresses. S'appuyant sur des méthodes éprouvées d'évaluation de la vulnérabilité, mes recherches misent sur une approche inductive dans le cadre de laquelle les agriculteurs peuvent cerner les enjeux qui sont les plus pertinents pour eux et qui leur viennent à l'esprit. J'aimerais utiliser le temps qui m'est accordé aujourd'hui pour vous faire part des principaux résultats de plusieurs importants projets de recherche que j'ai réalisés au cours des six dernières années.
L'incertitude est, de loin, le facteur de stress le plus souvent mentionné par les agriculteurs. Contrairement à la relative stabilité d'un emploi salarié, les agriculteurs vivent et travaillent avec la menace constante de perdre leur moyen de subsistance. Les facteurs de stress économiques et environnementaux sont les causes les plus souvent mentionnées d'une telle incertitude. Les principaux facteurs de stress économique incluent le coût des intrants, l'importante variabilité des prix des marchandises et l'environnement général dans le milieu agricole contemporain selon lequel il faut grossir ou partir. Au cours des dernières années, les manchettes ont vanté la tendance à la hausse des revenus agricoles. Cependant, ma propre analyse du recensement des données agricoles sur les revenus nets à la ferme de 1981 à 2017 révèle que, depuis 2006, les revenus agricoles ont été extrêmement variables. Il s'agit d'une variabilité sans précédent durant la même période. Même si les tendances générales sont peut-être légèrement à la hausse, la variabilité, et l'incertitude connexe, n'ont jamais été aussi élevées.
Les agriculteurs parlent beaucoup de l'augmentation des coûts des intrants. Les analyses politiques et économiques actuelles, y compris mes propres recherches, ont souligné l'impératif mercantile croissant associé à la présence accrue des sociétés multinationales au sein de la chaîne alimentaire, de la mise au point des semences à la commercialisation et à l'exportation. Une analyse économique de base et le gros bon sens donnent à penser que l'impératif des sociétés en matière d'augmentation des profits réduit les possibilités de profit des agriculteurs.
Dans un tel contexte d'incertitude économique, les agriculteurs se sont adaptés en tentant de faire des économies d'échelle. Même si on présente la situation comme un signe de réussite agricole, selon les données de Statistique Canada de 2011 à 2017, l'explosion de la taille des fermes au cours des deux dernières décennies a en fait été rendue possible par une augmentation constante des niveaux de l'endettement agricole. Les répondants, dans le cadre de mes entrevues, parlent souvent de la façon dont l'augmentation de l'endettement agricole augmente leur vulnérabilité, particulièrement lorsque la récolte d'une année est perdue en raison d'une catastrophe climatique.
Même si de nouvelles variétés de semences promettent d'être résilientes aux facteurs climatiques, ces variétés sont onéreuses. Dans le cas de certaines catastrophes, l'utilisation de semences plus onéreuses signifie simplement que la récolte perdue aura été plus coûteuse. Dans le contexte des changements climatiques futurs, ce serait une erreur de s'appuyer uniquement sur la technologie agricole ou l'assurance pour assurer une adaptation aux changements climatiques. Il y a un besoin criant d'interventions socioéconomiques pour améliorer la résilience climatique.
Le soutien d'initiatives liées à la santé mentale axées sur les agriculteurs est crucial. Cependant, je suis d'avis, en tant que chercheuse, que les défis en matière de santé mentale auxquels sont confrontés les agriculteurs seront le mieux surmontés si on s'attaque à la cause profonde, soit en prenant des mesures pour accroître la certitude sur les marchés, pour stabiliser les revenus à la ferme et pour contrôler les coûts des intrants. De telles mesures sont fondées sur la compréhension — qui était chose courante dans les époques passées, mais qu'on semble maintenant avoir oublié — que l'agriculture n'est pas une industrie comme les autres. Des interventions sur le marché sont nécessaires pour assurer la réussite continue du secteur et le bien-être des Canadiens qui font ce travail très important.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Les témoignages ce matin ont été intéressants.
J'aimerais pour commencer m'adresser à M. Guest et M. Johnson.
Je suis un agriculteur, et bon nombre de mes voisins exploitent leur ferme en fauteuil roulant. Je sais qu'un de nos voisins a perdu une main durant la guerre de Corée. Cependant, comme mon père le disait toujours, il réussissait à en faire plus avec une main que la plupart des hommes qui en avaient deux. C'était une question de détermination, et c'était aussi lié à toutes les choses que les gens ont tellement à coeur.
Nous avons écouté certains experts, des gens de l'université et ainsi de suite, et un certain nombre de choses négatives ont été mentionnées: le changement climatique, la tendance aux mégafermes, la notion toxique de masculinité et les grandes multinationales, tout ça étant problématique.
Pour ceux d'entre nous qui exploitent des fermes, les situations qui se présentent ont un certain niveau de réalité, mais ce que nous avons entendu durant les témoignages au cours des dernières semaines, c'est que la connotation associée aux facteurs de stress qui viennent d'être mentionnés est tout aussi problématique pour les agriculteurs que le reste. Lorsque les gens disent que ce sont les grandes mégafermes qui causent les problèmes ou encore, les nouvelles technologies avec lesquelles les gens doivent composer, ce ne sont assurément pas des facteurs ayant une incidence à la ferme. On dirait peut-être que c'est le cas lorsqu'on regarde les choses de très haut, mais les semences les plus onéreuses sont les premières semences achetées, parce que ce sont elles qui ont le plus de potentiel.
Ce sont des choses que nous avons examinées, des problèmes et des préoccupations avec lesquels bon nombre d'entre nous composons. Je voulais le dire tout simplement parce que les agriculteurs sont la cible de tellement d'attaques différentes. On a entendu parler des attaques sur les médias sociaux, des groupes comme PETA, et il y a les autres qui ne veulent pas qu'on injecte des hormones dans le boeuf, parce que, selon eux, les résultats seront désastreux, alors qu'il y a plus d'estrogène dans le pain que dans la viande. C'est le genre de choses avec lesquelles les agriculteurs doivent composer, et ils savent qu'il y a des problèmes.
Pour ce qui est des coûts, lorsque nous parlons des changements climatiques, j'ai un tableau qui montre combien la taxe seule sur le carbone coûtera pour une ferme moyenne. En Alberta, où il y a une taxe sur le carbone, il en coûte près de 20 000 $ pour mon exploitation agricole seulement.
Lorsqu'on regarde tout ça de 10 000 pieds d'altitude et qu'on se dit que telle chose serait une bonne idée, et telle autre aussi, on est loin des réalités des agriculteurs.
Monsieur Guest, maintenant que j'ai pris la moitié du temps qui m'était accordé, j'aimerais savoir de quelle façon votre organisation essaie de composer à la fois avec les composantes psychologique et physique des invalidités.
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Notre principal problème, c'est que, lorsque nous entendons parler de l'accident, nous essayons de trouver une famille correspondante afin d'aider la personne. Nous tenterons de visiter la personne à l'hôpital le plus rapidement possible et de trouver une personne qui a un handicap similaire afin que le blessé puisse voir que la vie continue après l'accident. Puis, on tentera de trouver une famille qui a dû composer avec un problème similaire à celui de la famille de l'agriculteur blessé, de façon à ce que ces gens puissent se rendre à la ferme afin d'aider la famille à surmonter les problèmes de nature agricole.
Nous avons constaté que, très souvent, un des plus importants problèmes psychologiques... je vais utiliser l'exemple de l'homme dont on a parlé qui avait perdu son bras dans la tarière. C'est son fils qui, en fait, avait activé la tarière. Le père se portait extrêmement bien. Il voulait tout simplement recommencer à travailler. Il voulait savoir quand il allait pouvoir mettre sa prothèse et quand il pourrait retourner travailler. Cependant, pour le fils et la mère — et les blâmes perçus au sein de la famille quant à ce qu'ils auraient pu et ce qu'ils auraient dû faire —, du point de vue psychologique, lorsqu'ils ont pu aller parler à quelqu'un qui était passé par là, cela a fait un monde de différence.
La famille que nous avons envoyée là-bas a dit que rien ne pouvait être plus agréable que de les voir retourner au travail et être des membres productifs à la ferme, d'être à nouveau une unité, plutôt que de se déchirer.
C'est essentiellement ce que nous faisons. Personne d'autre ne le fait, parce que vous, ou peu importe qui, ne pouvez pas arriver là-bas avec le même point de vue que la famille qui vit avec l'invalidité, le même point de vue que ceux qui sont passés par là. C'est la raison pour laquelle il est si important que notre organisation puisse continuer à faire ce travail.
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Merci, monsieur le président.
Puisque je ne siège habituellement pas au sein du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion d'être ici. Je tiens à remercier tous nos invités, aussi, d'être là.
Avant de commencer, je tiens à remercier M. Guest et souligner tout le bon travail que fait son organisation. Merci beaucoup. J'ai déjà été membre de la FCA et, à l'époque, j'ai beaucoup participé aux travaux de l'ACSA, alors je reconnais l'importance de tout ce travail au sein du milieu agricole.
J'aimerais aussi aborder rapidement ce que M. Dreeshen a dit. Je suis d'accord avec ce qu'il a dit sur les facteurs de stress liés au rôle de producteur agricole et au fait de ne pas nécessairement avoir l'impression que les choses qui sont les plus importantes pour soi, notre famille et les gens qui travaillent pour nous au sein de notre organisation, sont représentées fidèlement dans les médias. On a alors l'impression d'être le vilain de l'histoire, en quelque sorte, plutôt qu'être le bon gars qui tente de faire ce qui est bien pour les familles canadiennes, qui ne se rendent pas nécessairement compte ou qui n'apprécient pas nécessairement à sa juste valeur le travail qu'on fait pour elles.
J'ai été un producteur agricole presque toute ma vie. J'ai grandi sur une ferme produisant des pommes de terre de semence et, plus tard, j'ai cultivé à grande échelle des pommes de terre de semence, de consommation et des pommes de terre transformées ainsi que des oeufs. J'ai vendu mon exploitation en 2011, puis j'ai vendu mon exploitation ovocole en 2017.
Je veux souligner deux ou trois choses avant de poser mes questions. J'espère avoir le temps de me rendre là. En tant qu'agriculteur qui a commencé alors que j'étais très jeune, qui a élevé une famille à la ferme et qui a quitté le domaine, j'aimerais mentionner certaines choses que j'ai à l'esprit.
Les conditions avec lesquelles j'ai dû composer lorsque j'étais agriculteur, avant de quitter le secteur, étaient l'incertitude financière, les conditions météorologiques, la variabilité au sein du marché et la culpabilité liée à l'équilibre entre ma vie professionnelle et ma vie personnelle avec ma famille et mes enfants. Le problème lié à l'équilibre entre ma vie professionnelle et ma vie personnelle n'a jamais été soulevé par mon épouse et mes enfants, et je me suis toujours senti négligent à cet égard, mais c'est quelque chose qui échappait à mon contrôle. Je ne pouvais pas changer la situation vu les contraintes financières de mon exploitation et le temps que je devais y consacrer et les exigences imposées aux gens qui m'aidaient à l'exploiter.
Lorsque j'ai décidé de tout vendre, en 2011 — ou peut-être à l'hiver 2010 —, j'ai pris la décision parce que j'avais des problèmes de santé. Je ne peux plus composer avec la poussière. Je ne peux pas être dans des endroits où il y a de la poussière, et j'ai donc été forcé en quelque sorte de quitter le domaine, ce n'est pas nécessairement quelque chose qui était entièrement de mon ressort. J'ai décidé de vendre ma ferme en passant par une grande société de vente aux enchères, ce qui a été une expérience merveilleuse. C'était une bonne façon de le faire, et j'ai ainsi pu faire une coupure nette et tout recommencer à l'âge de 29 ans.
Une fois sorti du domaine, j'ai ressenti une diversité d'émotions. On aurait pu croire que j'aurais eu l'impression d'avoir quitté l'industrie, de pouvoir tout recommencer à neuf, croire que la coupure aurait été facile et nette, mais les choses ne se sont pas passées ainsi. J'avais l'impression que le reste du monde continuait son chemin et était rendu ailleurs.
Je me rappelle le jour suivant la vente aux enchères, une fois tout l'équipement parti; j'étais là, debout, au milieu du terrain à me demander si j'avais pris la bonne décision, si c'était la bonne décision pour ma famille, si c'était la bonne décision pour moi. Je me demandais aussi ce que j'allais faire ensuite. Ça a été pour moi le début d'une période très difficile dans ma vie, et j'ai dû composer avec une grave dépression, ce qui a exercé un stress supplémentaire sur mon mariage et ma relation avec mes enfants, ma famille et les gens qui travaillaient auparavant pour moi. Il m'a fallu probablement deux ans de dur travail, de counseling et d'efforts pour essayer de surmonter tout ça, pour passer au travers.
Même aujourd'hui, à certaines périodes de l'année, je me demande vraiment si j'ai pris ou non la bonne décision, et c'est quelque chose qui s'est passé il y a quand même assez longtemps. Je crois vraiment que je vais toujours me sentir ainsi. C'était la carrière que je voulais poursuivre toute ma vie, et le fait qu'on m'ait retiré ça ou le fait d'avoir l'impression que je devais laisser ça derrière moi... Après avoir parlé avec des agriculteurs qui se sont trouvés dans des situations similaires ou qui avaient dû quitter le domaine pour des raisons financières ou des problèmes de santé liés au stress, je crois que c'est l'un des principaux défis avec lesquels l'industrie sera aux prises à l'avenir.
Je ne crois pas que c'est une question de taille. Ça n'a rien à voir avec la taille. Je vois des agriculteurs qui ont de petites exploitations agricoles familiales de 25 vaches laitières et qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale liés à l'agriculture. Je vois de grands exploitants qui cultivent 10 000 ou 15 000 acres et qui sont confrontés exactement aux mêmes défis. Je ne crois pas que ce soit quelque chose d'unique ou de lié à la taille et à la portée de l'exploitation agricole d'un producteur. C'est plutôt lié aux tâches précises que nous faisons. Je dirais que, plus que tout, c'est lié au désir de l'exploitant agricole d'avoir l'impression que sa participation à la société dans notre pays est, premièrement, reconnue, et deuxièmement, considérée comme importante et nécessaire aux Canadiens ordinaires.
Je ne connais pas beaucoup d'agriculteurs qui se lèvent le matin en se disant que la question de savoir si les Canadiens croient qu'ils sont de bonnes personnes ou non leur importe peu. Tous les agriculteurs que je connais veulent faire la bonne chose pour l'environnement, pour les gens pour lesquels ils produisent de la nourriture, et ils sont aussi très fiers de ce qu'ils font. Très souvent — M. Dreeshen a raison —, il s'agit d'un groupe très fermé. On passe tellement de temps à travailler seul dans notre exploitation sans être entouré par d'autres personnes qu'il peut être très difficile de trouver ces mesures de soutien et de contrôle, surtout lorsqu'on se trouve dans une telle situation à ce moment-là.
Par conséquent, rapidement, s'il me reste du temps, je vous inviterais...
Vous avez cerné l'aide financière comme étant un élément clé dans cette affaire. Il s'agit d'un bon point à inscrire dans le compte rendu.
L'un des témoins qui vous ont précédé, un couple en fait, représentait une organisation du Québec. L'une des choses que cette association a faites, c'est d'embaucher des travailleurs en santé mentale qui comprennent la nature du travail agricole et la culture qui y est associée. Ces travailleurs se rendaient sur les exploitations agricoles lors de visites improvisées, car nous avons eu vent de la culture de stoïcisme présente au sein de la collectivité agricole. Les agriculteurs vont rarement aller chercher de l'aide par eux-mêmes.
Les travailleurs rendaient visite, de façon improvisée, aux gens sur les exploitations agricoles, en comprenant la nature de l'endroit, simplement pour prendre des nouvelles d'une personne. Quel est votre avis sur ce genre d'approche?
Monsieur Carleton et madame Fletcher, il était très intéressant de vous entendre parler de votre recherche portant sur le changement climatique et ses effets négatifs sur la santé mentale. Je crois que nous savons tous que les agriculteurs, au fil du temps, ont certainement dû faire face à des catastrophes naturelles. Ils n'y peuvent rien. Cependant, nous avons maintenant la preuve que ces catastrophes naturelles s'aggravent. Elles surviennent de façon bien plus fréquente, et si nous nous fions aux quelque 6 000 scientifiques qui ont contribué au plus récent rapport du GIEC, nous n'avons plus beaucoup de temps à perdre.
Je trouve qu'il est très malheureux que les parlementaires n'arrivent pas à s'entendre pour mettre en place une taxe sur les émissions de carbone. Cependant, nous passons à côté de l'essentiel, c'est-à-dire que le changement climatique est en train de se produire, et que, jusqu'à présent, notre intervention est totalement inefficace. Un changement radical est nécessaire.
Comme ces catastrophes naturelles sont à la hausse et que cela sera la norme à moins que nous ne changions radicalement notre plan d'action, et comme cela aura des conséquences négatives sur la santé mentale des agriculteurs, votre recherche — ou n'importe quelle recherche que vous connaissez — a-t-elle permis de cerner une quelconque stratégie d'atténuation possible que nous pourrions mettre en place? Nous recherchons des recommandations, sachant que cela pourrait constituer la nouvelle norme à l'avenir.
Quelles stratégies pouvons-nous utiliser pour aider les agriculteurs à faire face aux effets accrus des catastrophes naturelles et aux conséquences que cela aura sur leur exploitation agricole?
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Mes recherches mettent plus l'accent sur l'adaptation que sur les mesures d'atténuation. Bien qu'il existe une variété d'options pour les mesures d'atténuation en matière de climat, j'ai davantage axé mes recherches sur les effets des catastrophes climatiques sur les familles d'agriculteurs.
L’une des recommandations les plus importantes que j'ai formulées découle de mes entrevues avec les agriculteurs, à savoir que l'adaptation comporte des dimensions sociales et économiques importantes. Nous avons constaté que la technologie était souvent mise au premier plan. La technologie est certainement importante. Nous avons vu, par exemple, que les agriculteurs des régions où j’ai mené mes recherches sont assez stressés à propos du dessaisissement des infrastructures des barrages. Les agriculteurs se préoccupent beaucoup, par exemple, des programmes qui ne leur permettent pas de réaliser des constructions si un pont ou un autre type d’infrastructure était endommagé par une catastrophe climatique. Ils manquent souvent de financement pour les constructions en hauteur. Ils sont souvent limités par ce qui existait avant, et cela ne prend pas en compte les répercussions des événements à venir. Je pense qu’il faudrait mettre l’accent sur la préparation et la planification en cas de catastrophe, mais en allant plus loin que tout ce que l’on peut imaginer, même à partir de la mémoire intergénérationnelle.
La technologie fait certainement partie de cela. Les infrastructures de barrage sont importantes. En même temps, il existe des dimensions sociales et économiques auxquelles nous pouvons réfléchir...
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je ne sais pas si c'est M. Carleton ou Mme Fletcher qui a mentionné que le métier d'agriculteur était particulier, que les gens étaient plutôt isolés et qu'il y avait peu de réseautage dans leur milieu de travail. Le réseau social étant très limité, il est peut-être plus difficile d'aller chercher de l'aide. Le temps qu'on peut consacrer à aller chercher cette aide ou pour assister à des consultations est très limité. Cela augmente évidemment le stress ou tous les facteurs liés à l'anxiété, et ce, pour les nombreuses raisons que vous avez énumérées.
Il y a quelques semaines, des experts sont venus ici nous parler de proactivité et des travailleurs de rang. Il s'agit de travailleurs sociaux ou de psychologues qui se rendent dans les fermes de façon sporadique. Leur organisme est situé au Québec. Je ne sais pas si vous avez déjà entendu parler de cette initiative ni s'il y a quelque chose de semblable chez vous, en Saskatchewan.
J'aimerais que vous me disiez si, à votre avis, cette initiative pourrait être propagée partout au Canada. En fait, j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
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Merci pour cette question.
L'initiative que je trouve particulièrement importante concerne le financement visant à soutenir les initiatives en santé mentale menées par les agriculteurs. Par exemple, ici en Saskatchewan, certains groupes d'agriculteurs réclament activement la mise en place des programmes de soutien de santé mentale entre agriculteurs.
Un des problèmes que nous constatons, c'est que les gens qui soutiennent les agriculteurs en matière de santé mentale ne sont pas toujours des agriculteurs. Ici en Saskatchewan, par exemple, la ligne antistress pour les agriculteurs est maintenant gérée par des travailleurs en intervention en cas de crise qui ne sont pas, généralement, des agriculteurs. Je pense qu'il peut-être très déconcertant et difficile pour des agriculteurs de parler à des gens qui, selon eux, n'ont aucun lien avec l'agriculture ou qui connaissent peu ce secteur.
De plus, comme je l'ai dit plus tôt dans mes déclarations, je pense qu'il est très important de nous attaquer aux causes profondes de la crise de la santé mentale, qui sont, bien sûr, l'incertitude économique et l'incertitude financière auxquelles les agriculteurs font face.
Je remercie les témoins d'être venus.
Monsieur Guest, merci d'être venu pour mettre un nom et un visage sur ce problème.
Il y a plusieurs années, deux jeunes étudiants travaillaient dans une entreprise locale. Ils fabriquaient des coffrages en béton. À la fin de la journée, l’un d’eux devait entrer dans la cuve pour la nettoyer. L’un des interrupteurs de sécurité était défectueux. Son meilleur ami a touché en passant l’interrupteur qui ne devait pas activer le tambour, mais l’a activé. Vous avez fait des commentaires sur les répercussions; le jeune homme qui a accidentellement touché l’interrupteur — qui bien sûr n'aurait pas dû activer le tambour — a souffert de préjudices psychologiques graves même s'il n’avait commis aucune faute.
Cela fait partie de ce dont vous parlez. Je pense que c’est très important. Lorsqu’il y a un accident, c'est le plus souvent lié à des événements familiaux. J’apprécie énormément le fait que vous marchez à leur côté et que vous donnez aux gens de l’espoir, car, selon moi, il s’agit réellement de cela. Merci.
Comme l'a dit mon collègue, nous devons trouver une manière d'aider ces gens. Ce sont des organismes de terrain qui auront autant, voire plus d'importance pour les familles que beaucoup de grands organismes intégrés. C'est comme le témoin du Québec, qui fait des visites. Ils sont sur la route. Nous parlerons plus tard des unités mobiles de la Saskatchewan.
Merci. Je n'ai pas vraiment de question, je voulais juste dire cela.
T.J., merci. Pour ceux d'entre nous qui sont dans le métier, qu'un de mes collègues vienne témoigner...
Nous avons déjà vécu cela. Je me souviens, des années 1980. Madame Fletcher, d'une certaine façon, il n'y a pas eu beaucoup de changements. Vraiment pas. Je remonte aux années 1980. Le taux d'intérêt a changé, il était de 23 %, pas de 4, ni de 6 %, mais le multiplicateur est resté le même.
L'un des problèmes que j'observe dans ma région, c'est qu'il n'y a pas de reconnaissance, mais plutôt une condamnation de que nous faisons. C'est peut-être un peu comme pour T.J. Je suis désolé; je n'ai peut-être pas beaucoup de questions, mais nous pouvons peut-être apprendre quelque chose. Nous avons l'un des secteurs les plus avancés au monde. Quand des activistes nous condamnent... J'ai des éleveurs de visons. Leur problème, ce n'est ni le marché ni le climat. Leur problème, c'est les gens qui viennent d'un peu partout pour abattre les clôtures pour entrer dans leur installation et relâcher les animaux; des animaux qui vont mourir. Dans ce cas, la préoccupation des éleveurs est la sécurité de leur famille.
Il y a un problème en matière de recherche. En fin de semaine, j’ai amené un jeune stagiaire à l’une de mes exploitations agricoles, où il y a des boeufs et des serres. Il a emporté des grains de maïs qui servaient autrefois à nourrir les bovins à une usine d’éthanol. Il a ramené la drêche de distillerie pour nourrir ses bovins. Il utilise maintenant le CO2, qui n’est d’ailleurs pas en passant un polluant; mais un engrais. Cette anecdote reflète une évolution touchant les changements climatiques, et il y a d'autres polluants que le CO2. Il prend cette chaleur et le CO2 pour cultiver des tomates. C’est le type de recherche dont je parle.
On nous condamne pour ce que nous faisons. Les gens disent: « Nous n'aimons pas ce que vous faites à ces animaux. Vous ne les transportez pas dans de bonnes conditions. » Je rencontre des éleveurs de porcs. Quand leurs camions sont sur la route, ils se font harceler par des gens aux feux de circulation. Les vrais facteurs de stress sont là, et non pas dans leur travail quotidien.
J'étais dans le secteur laitier. Nous avons la culture commerciale, et en ce moment nous nous luttons contre la vomitoxine et le temps pluvieux. Ce sont des problèmes que nous pouvons pourtant traiter. Ce sont les problèmes externes en plus qui discréditent tout ce que nous faisons.
Vous savez qu'on nous condamne parce que, semble-t-il, nous ne faisons rien par rapport à l'environnement. Cependant, le fait est que nous faisons partie des meilleurs pays du monde à ce chapitre. L'industrie agricole est l'un des puits de carbone les plus efficaces au monde. Nous devrions plutôt nous efforcer de montrer ce qu'il faut faire aux pays qui sont des grands pollueurs au lieu de condamner la soi-disant inaction de nos producteurs et de nos agriculteurs.
Madame Fletcher, je vous demande seulement ceci: êtes-vous d'accord pour dire que les avancées actuelles en matière de technologie, de recherche et de génétique avantagent toujours et l'industrie et l'environnement dans lequel nous vivons?
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Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup à vous tous de nous avoir présenté vos exposés ce matin.
Je vais m'adresser au Registre du conseil canadien des agriculteurs handicapés: vous avez dit qu'il y a un service de prévention du suicide sur votre site Web. J'ai visité votre site, et j'ai remarqué que vous avez des liens avec Financement agricole Canada. Des représentants de cette organisation sont déjà venus témoigner dans le cadre de notre étude.
Monsieur Guest, vous avez mentionné que vous receviez autrefois du financement. Je crois que le financement que vous receviez s'inscrivait dans le cadre d'un des programmes de financement de l'initiative Cultivons l'avenir 2. Du moins, sur votre site Web, on mentionnait un financement dans le cadre de Cultivons l'avenir 2. J'ai l'impression que le financement est l'une des grandes questions qui restent en suspens. Il y a une association de sécurité sur la route Pembina, à Winnipeg — je connais bien Winnipeg, alors je sais où vous êtes situé —, mais elle ne fait pas partie du gouvernement. Vous comptez sur des fonds publics pour arriver à faire ce que vous faites.
L'un d'entre vous pourrait-il nous parler des difficultés de votre organisation en matière de financement?
Madame Fletcher, les interventions sociales dans le contexte des changements climatiques m'intéressent beaucoup. D'un côté, il y a l'argument politique selon lequel la taxe sur le carbone est une mauvaise chose, parce qu'elle augmente les dépenses des exploitations agricoles. En même temps, les changements climatiques constituent aussi un facteur de stress.
Comment pouvons-nous évaluer ces deux facteurs de stress?
D'une part, nous devons essayer d'endiguer les effets des changements climatiques, et il faut que cela passe par des mesures économiques, parce que c'est ce qui est efficace. D'un autre côté, ces mesures nuisent aux agriculteurs. J'aimerais connaître votre opinion sur le sujet, dans les 20 secondes qui nous restent.
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Merci, monsieur Longfield.
C'est malheureusement tout le temps que nous avions.
Je tiens à remercier M. Carleton, Mme Fletcher, ainsi que M. Guest et M. Johnson.
Comme vous l'avez constaté, plus d'un agriculteur siège au Comité. Je suis moi-même agriculteur, et il y en a d'autres parmi nous. Nous comprenons très bien la situation, et c'est aussi une occasion pour nous de discuter de nos expériences personnelles. Je crois que c'est une très bonne chose, ce genre de diversité.
J'ai aussi oublié de souhaiter la bienvenue au Comité à M. Baylis. Vous êtes très discret.
Nous allons prendre une pause de deux minutes, le temps que les prochains témoins s'installent.
Merci.
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Reprenons. Nous en sommes à la deuxième heure de la séance. Nous poursuivons notre étude sur les défis en santé mentale auxquels sont confrontés les agriculteurs et les éleveurs.
Accueillons, par vidéoconférence, Mme Katy Kamkar, psychologue clinicienne et directrice, Badge for Life Canada, du Centre de toxicomanie et de santé mentale, et M. John McFadyen, directeur exécutif, Mobile Crisis Services.
Bienvenue. Commençons par les exposés. Vous avez sept minutes.
Voulez-vous commencer, monsieur McFadyen?
En 1989, le ministère de l'Agriculture a reconnu les divers problèmes auxquels sont confrontés les agriculteurs et les familles en région rurale ainsi que les bénéfices potentiels d'un service d'aide téléphonique pour les agriculteurs et les familles des régions rurales de la Saskatchewan. Le ministère de l'Agriculture de la Saskatchewan ainsi que l'Agriculture Knowledge Centre de Moose Jaw, en Saskatchewan ont créé la ligne antistress pour les agriculteurs, lui ont affecté des ressources et l'ont financée. Les intervenants offrent des consultations d'urgence et des services d'aiguillage.
En 2012, la ligne antistress a été confiée à Mobile Crisis Services, qui offre un numéro sans frais que les agriculteurs et leur famille en région rurale peuvent composer pour obtenir de façon confidentielle du soutien sous forme de counselling, de l’information et des services d’aiguillage en cas de crise.
Les interventions en situation de crise sont des soins psychologiques immédiats et à court terme qui ont pour but d’aider les personnes en situation de crise à retrouver un certain équilibre dans leur vie. On peut appeler la ligne antistress pour toutes sortes de situations de crises autodéclarées: problèmes de santé mentale, stress, dépression, idées suicidaires, conflits familiaux, conflits entre adolescents et parents, problèmes de santé chez les aînés, violence et négligence, problèmes relationnels, problèmes parentaux, dépendances, problèmes de jeu, alcoolisme et toxicomanie. On peut même appeler pour des problèmes relatifs à la garde des enfants, à la violence faite aux enfants, à la négligence envers les enfants et aux jeunes en situation de crise, que ce soit en raison de l’intimidation par les pairs, de conflits avec les parents ou de problèmes financiers.
Quand une personne téléphone à la ligne antistress, l’intervenant à l’autre bout du fil va lui offrir de l’aide, que la personne ait appelé pour elle-même ou pour quelqu’un d’autre. Le plus difficile, c'est de prendre le téléphone et de composer le numéro. Les travailleurs en intervention d’urgence vont écouter ce que vit la personne, ce qui la préoccupe; ils vont l’aider à raconter son histoire et à remettre de l’ordre dans les problèmes cernés. Ils vont demander de l’information à propos de la situation actuelle, d’incidents passés et des systèmes de soutien de la personne, autant actuels que passés, qu’il s’agisse de la famille, d’amis ou de professionnels. Ils vont évaluer ce qui a bien fonctionné et ce qui ne fonctionne pas. Ils vont aider la personne à faire le tri entre les problèmes qu’elle doit régler maintenant et ceux qu'elle peut remettre à plus tard. Ils vont l’aider à déterminer ce qu'elle peut régler et ce qui échappe à son contrôle. Ils vont l’aider à résoudre les problèmes et à trouver des solutions.
Depuis juin 2017, la santé mentale et le stress agricole sont devenus des sujets de conversation plus acceptables dans la communauté agricole de la Saskatchewan, à cause du suicide — c'est malheureux — d'un agriculteur en juin 2017. Le débat a été lancé par la Do More Agriculture Foundation, Bridges Health et la ligne antistress pour les agriculteurs. Les organisateurs de forums agricoles à Regina, à Saskatoon, à Weyburn et à Yorkton ont invité des experts pour discuter de la santé mentale dans le secteur agricole. Des organisations comme Financement agricole Canada et l'Agricultural Producers Association of Saskatchewan, qui travaillent avec et pour les agriculteurs, ont aussi fait la promotion de cette discussion.
Pendant une célébration à l'occasion de Noël, mon beau-frère m'a dit qu'il n'avait jamais réalisé tout le stress qu'il vivait avant de prendre sa retraite de l'agriculture.
La santé mentale est quelque chose qui nous concerne tous. Notre santé mentale est bonne quand nos pensées sont positives, que nous avons de bonnes relations et que notre état émotionnel est stable. Quand nos pensées sont négatives, nos émotions imprévisibles et nos relations tendues, notre santé mentale n'est pas bonne. Le stress perturbe notre capacité de réfléchir et de résoudre des problèmes; il nous distrait pendant l'exécution de nos tâches quotidiennes. Il y a toutes sortes de sources de stress: le matériel qui brise, la météo, les décisions à prendre par rapport aux récoltes, le budget, les problèmes de santé physique ou les problèmes liés aux travailleurs agricoles.
Le stress peut aussi être causé par des problèmes familiaux, les relations avec son conjoint ou sa conjointe, ses enfants, la famille élargie ou des proches qui ont des problèmes de santé, par des accidents ou des événements traumatiques comme le décès d'un membre de la famille. Quand les agriculteurs sont distraits et que leur niveau de stress est trop élevé, ils sont plus susceptibles de prendre des décisions mal avisées en matière d'agriculture ou d'être victimes d'accidents agricoles.
Cela fait quatre ans que Mobile Crisis Services s’occupe de la ligne antistress. Nous recevons environ entre 220 et 320 appels par année. Par exemple, certaines personnes appellent parce qu’elles ont de la difficulté à planifier la relève et que les décisions à prendre leur causent du stress et de l’insomnie. Une femme a téléphoné parce que son époux n'avait plus aucune réaction. Elle avait peur qu'il soit atteint de démence. Une femme qui ne s’est pas identifiée a appelé pour dire que, plus tôt, elle ne se sentait pas en sécurité et qu’elle avait l’intention d’avaler tous ses somnifères. Elle devait prendre une décision relativement à la location d’une section de terrain et cela lui causait du stress; elle avait en plus des problèmes conjugaux avec un ancien partenaire et avec son partenaire actuel. Un homme qui ne s’est pas identifié avait des problèmes persistants d’anxiété et de dépression, exacerbés par la pression que représentaient la rédaction de son testament et la planification de la relève. Une grand-mère nous a téléphoné parce qu’elle avait reçu la visite de ses petits-enfants pour la fin de semaine, et qu’un des enfants avait peur de retourner à la maison.
Je vais maintenant aborder les difficultés et les recommandations. Certaines difficultés sont dues au manque de visibilité des services offerts, à la peur d'être stigmatisé parce qu'on a demandé de l'aide, au problème d'accès aux services dans les régions rurales de la Saskatchewan...
Chers membres du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes, j'aimerais vous remercier de me donner l'occasion de parler des mesures de soutien en santé mentale à l'intention de nos agriculteurs, éleveurs et producteurs canadiens.
Je m'appelle Katy Kamkar. Je suis psychologue clinicienne dans le cadre du Programme travail, stress et santé au Centre de toxicomanie et de santé mentale. Je suis professeure adjointe au Département de psychiatrie de l'Université de Toronto et directrice de Badge of Life Canada, un organisme de bienfaisance dirigé par des pairs et destiné aux premiers intervenants de la police et des services correctionnels au Canada qui traitent les blessures psychologiques subies en service.
Je suis également membre du comité consultatif du Collaborative Centre for Justice and Safety et je siège au comité national sur la recherche policière de l'Institut canadien de recherche et de traitement en sécurité publique. Je fais également partie du comité consultatif scientifique au sein de l'Anxiety Disorders Association of British Columbia. Je suis membre fondateur et accrédité de l'Association canadienne des thérapies cognitives et comportementales et je siège au comité de rédaction du Journal of Community Safety and Well-Being.
Je fournis une évaluation psychologique et un traitement fondés sur des données probantes des troubles de l'humeur et de l'anxiété, des traumatismes et des troubles de stress post-traumatiques, des traumatismes liés au stress au travail chez les premiers intervenants et de la détresse psychologique au travail.
La prestation d'un soutien, de ressources et d'un traitement en matière de santé mentale aux agriculteurs, éleveurs et producteurs canadiens est de la plus haute importante. La sensibilisation du public visant à favoriser une meilleure compréhension des différents facteurs de stress qu'ils subissent peut également contribuer à la création de ressources supplémentaires liées à leurs besoins.
Nos agriculteurs, éleveurs et producteurs canadiens sont aux prises avec une gamme de facteurs de stress liés à leur profession qui ont une incidence sur leur vie personnelle. Ils font souvent face à des situations ou à des circonstances caractérisées par une incertitude accrue et un contrôle limité, ce qui les amène à se sentir démunis et impuissants et accroît leur anxiété. Par exemple, les mauvaises conditions météorologiques peuvent avoir une incidence importante sur la qualité de leur travail et sur leurs résultats financiers.
Parmi les autres facteurs de stress sur lesquels ils exercent un contrôle limité, mais qui peuvent avoir des répercussions importantes sur leur santé mentale et leur travail, mentionnons les catastrophes naturelles ou tout changement, par exemple, lié aux politiques ou aux règlements gouvernementaux. L'insatisfaction du public ou la couverture médiatique négative au sujet de leur travail peuvent également augmenter de manière significative les niveaux de stress et les sentiments de découragement. Les exigences de travail élevées, qui consistent à travailler de longues heures, souvent 24 heures sur 24, peuvent conduire à un épuisement mental, émotionnel, psychologique et physique.
Fait plus important encore, le travail acharné pourrait avoir des conséquences négatives et produire des gains financiers limités, dans la mesure où de nombreux facteurs échappent à leur contrôle, d'où le risque accru de problèmes de santé psychologiques, comme le fait de se sentir découragé, désespéré, démuni, stressé, anxieux et déprimé, entre autres, outre des symptômes psychologiques tels que des troubles du sommeil, des modifications de l'appétit ou du niveau d'énergie, des sentiments d'inutilité et une baisse de l'estime de soi et de la confiance en soi.
Le stress et les pressions liés aux finances et à la famille sont fréquents en raison des facteurs que je viens d'évoquer, ce qui accroît le risque de problèmes de santé psychologiques comme la dépression et l'anxiété.
Leurs tâches supposent également qu'ils travaillent en situation isolée, ont des contacts limités avec les personnes et reçoivent un soutien social limité. Avec le temps, cela peut se traduire par un sentiment de solitude, une souffrance dans l'isolement et un sentiment de repli sur soi, rendant plus difficile la demande d'aide en cas de besoin.
Il existe également une culture qui suscite beaucoup de stigmatisation face à la maladie mentale, et on perçoit une faiblesse et une dépendance si une personne souffre ou parle de problèmes de santé mentale. Des problèmes de santé physique et mentale concomitants sont également susceptibles de survenir étant donné la douleur et les ennuis de santé physique qui pourraient résulter des exigences physiques de la profession, exacerbant ainsi les difficultés psychologiques.
Un soutien et des interventions visant à sensibiliser les agriculteurs canadiens aux problèmes de santé mentale s'imposent. Ceux-ci incluent l'accès à l'éducation en santé mentale, la réduction de la stigmatisation, la promotion de la santé mentale et le renforcement des habiletés de résilience.
Il faut un accès à des ressources, à un soutien et à une psychothérapie. Compte tenu des longues distances, des difficultés d'accès aux thérapies dans les zones rurales et de la difficulté de quitter leur travail, il faudrait envisager une thérapie, en personne ou par d'autres moyens comme le traitement par téléphone ou par Internet. Une thérapie de groupe et une collectivité de soutien doivent également être envisagées. Il convient de poursuivre les recherches afin que l'on puisse mieux comprendre les facteurs de stress uniques auxquels sont confrontés les agriculteurs et mettre au point des interventions plus ciblées, fondées sur la recherche.
Chers membres du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire, je vous remercie encore une fois de m'avoir donné l'occasion de parler des mesures de soutien en matière de santé mentale pour nos agriculteurs, éleveurs et producteurs canadiens. Fournir un soutien, des ressources et des interventions à nos agriculteurs, éleveurs et producteurs canadiens, une fois de plus, revêt une importance capitale.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie nos deux témoins.
Je veux également remercier MM. Harvey, Dresshen et Shipley de leurs témoignages au cours de la première heure. C'est bien d'avoir des gens, autour de cette table, qui ont été eux-mêmes des fermiers et qui peuvent témoigner de leur expérience. Cela a été vraiment une heure très intéressante.
Depuis le début de cette étude, on parle beaucoup des agriculteurs en situation de crise, de ceux qui sont au bout du rouleau. C'est ce dont on parle le plus. Cependant, on n'a pas beaucoup abordé le volet de la prévention.
Madame Kamkar, vous travaillez avec plusieurs types de clients. Est-ce que ce sont nécessairement tous les agriculteurs, tous les fermiers, qui sont susceptibles de faire face à des problèmes de santé mentale, ou est-ce uniquement un certain genre de fermiers? C'est une question que nous n'avons pas vraiment abordée jusqu'à présent.
Pourriez-vous me donner votre opinion là-dessus?
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Merci beaucoup de cette question importante.
Bien sûr, il faut s'attendre à des facteurs de stress quotidiens. Cela devient problématique lorsque certains de ces facteurs deviennent chroniques. Nous savons que les facteurs de stress chroniques augmentent le risque de problèmes de santé physiques et psychologiques. Oui, en effet, certains facteurs de stress chroniques sont propres à nos agriculteurs canadiens — sans aucun doute, le fait de travailler de manière isolée. Nous savons qu'il y a également ce manque de contrôle et cette énorme incertitude qu'ils connaissent tous. Nous savons qu'en tant qu'êtres humains confrontés à l'incertitude, nous avons tous des difficultés. Nous savons tous ce que c'est, mais le degré d'incertitude auquel ils doivent faire face est presque chronique.
Le contrôle limité qu'ils exercent sur leur profession... Il pourrait s'agir du fait de travailler très dur. Comme nous le savons, beaucoup de tâches exigent d'effectuer un travail jour et nuit, mais il s'agit ici du fait de ne pas savoir ce qu'il adviendra. Je peux travailler d'arrache-pied, y mettre tout mon coeur et toute mon âme, mais en réalité, ne pas savoir quel sera le résultat... Nous savons que, si le résultat n'est pas positif, il aura des répercussions financières, ce qui affectera également la famille.
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Madame Kamkar, j'aimerais préciser davantage ma question.
Ces conditions existent pour l'ensemble des agriculteurs et des producteurs. Quel est l'élément déclencheur qui fait qu'un producteur va, un jour, éprouver un mal de vivre?
Qu'est-ce qui fait que certains agriculteurs sont capables d'exercer leur métier, d'endurer tous ces éléments de stress toute leur vie durant, sans jamais penser au suicide ou à d'autres solutions ultimes, alors que d'autres se retrouvent, à un certain moment, dans un entonnoir, dans un genre de trou où ils s'enfoncent sans cesse?
À quel moment pouvons-nous déceler cet élément déclencheur, et comment pouvons-nous intervenir avant que cela ne commence?
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C'est une bonne question.
Je pense que la réponse la plus sûre est que nous ne le savons pas. C'est pourquoi cette discussion devient très importante, car nous ne le savons tout simplement pas.
Cela a également à voir avec la stigmatisation accrue liée au fait de chercher de l'aide... tout garder pour soi, et cette perception d'être faible si nous nous manifestons. Les interventions sont limitées, bien sûr, avec l'isolement et tout ce qui se passe. Par ailleurs, la stigmatisation et l'autostigmatisation rendent plus difficile encore le fait de demander de l'aide. Il se peut que, lorsque quelqu'un tend la main pour obtenir de l'aide, il soit au stade d'un épuisement professionnel.
Si nous encourageons l'intervention précoce, la sensibilisation et la prévention, cela peut nous aider à mieux comprendre et à apporter une réponse respectueuse à cette question importante.
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Je vous remercie, monsieur le président. C'est très gentil. Je vais donc parler de la motion si vous le permettez. Ce ne sera pas très long, étant donné que des témoins sont présents et que nous devons les entendre. Je pense que c'est extrêmement important.
Il y a quelques instants, j'ai parlé à Mme Kamkar de la prévention et du moment où les crises pouvaient survenir. En effet, depuis le début de l'étude, nous parlons surtout des crises. Nous avons eu l'occasion d'entendre les témoignages de gens qui ont beaucoup d'expérience à l'égard du milieu agricole. Nous avons entendu MM. Harvey, Shipley et Dreeshen. En outre, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire est lui-même un producteur, un agriculteur. Il a donc lui aussi des connaissances dans ce domaine. Comme il est ministre, il a un rôle exceptionnel à jouer quant à la défense des agriculteurs et des fermiers.
Compte tenu des discussions qui ont eu lieu depuis le début de cette étude, il semble évident que nous devons accorder une priorité aux problèmes de santé mentale des fermiers et des agriculteurs. Je dis que cela semble évident parce que, lorsque nous avons demandé aux fonctionnaires quel était spécifiquement leur mandat en matière de santé mentale, nous avons pu constater qu'il n'y en avait pas. Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais c'était au tout début de la rencontre. Si nous nous rappelons bien les témoignages, nous savons qu'il n'y a pas comme tel de mandat en matière de santé mentale. Ce rôle n'existe pas. Je me souviens très bien que le sous-ministre nous a dit qu'ils agissaient parce qu'ils avaient la volonté d'aider les agriculteurs et les fermiers, mais que ce n'était écrit nulle part. Ce n'est ni dans la lettre de mandat du ministre ni dans les lettres de créance du ministère. Ce dernier n'a pas, comme tel, l'obligation de se pencher sur la santé mentale des agriculteurs.
Nous venons d'entendre dire qu'il y a bien des choses que nous ne connaissons pas. Je pense que le rôle du ministère de l'Agriculture est d'approfondir cette question. À mon avis, personne n'est mieux placé que le ministre de l'Agriculture pour nous expliquer la façon dont il voit les choses, et surtout ce qu'il pense de ce problème. Depuis que j'entends les témoignages dans le cadre de cette étude, je vois que la situation est beaucoup plus problématique que ce qu'une personne comme moi, qui ne suis pas fermier, pouvait penser au départ.
C'est pourquoi, monsieur le président, je vais demander une chose toute simple à mes collègues, soit d'ajouter le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire à la liste des témoins.
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Merci, monsieur le président.
Une occasion s'offre à nous, chers collègues. Nous avons entendu d'excellents témoignages. Nous arrivons en fait à la fin de l'étude, je pense. J'essayais simplement de trouver le nombre de réunions. Je pense que nous en arrivons à la fin, à moins que nous ne prolongions nos travaux sur le sujet. De toute évidence, il y a eu un certain mouvement de compréhension à l'égard de ce que nous devons faire entre pairs. Comment aidons-nous ceux qui sont sur le terrain?
Nous avons effectué beaucoup de recherches. Il existe une quantité incroyable de recherches. Dans les années 1980, certains d'entre nous ont vécu cette expérience. Les problèmes sont les mêmes. La seule différence... Nous n'en avons pas beaucoup débattu, mais cela se fera lors d'une autre réunion. Nous avons connu un certain abus de substances dans les années 1980, mais pas de drogues — pas dans les zones rurales, de toute façon.
Nous avons une occasion d'échanger avec le ministre qui, je pense que nous le savons tous très bien, possède cette expérience. Il est non seulement un leader à la table du Cabinet, mais également dans sa collectivité. Étant donné qu'il est issu de ce milieu, je pense qu'il pourrait vous dire qu'il a également traversé, dans les années 1980, des changements de culture et de vie liés au stress de cette époque. Je ne sais pas où cela mènera, en ce qui concerne le gouvernement, mais pour nous, les agriculteurs que nous représentons et les gens de l'industrie agricole... C'est beaucoup plus grand que les agriculteurs seuls. Nous avons une occasion de l'avoir comme témoin et qu'il nous parle de l'importance de cet enjeu.
Que pourrait-il accomplir grâce à cette étude importante afin que nous puissions comprendre? Je serai franc: au début, nous savions que c'était un problème. Honnêtement, je ne pense pas avoir compris — même si j'ai passé en revue certaines de ces choses-là — que c'était aussi énorme d'un bout à l'autre du pays. Ce n'est pas seulement parmi les producteurs de céréales. Cela concerne tous les producteurs, qu'ils soient ou non sous le régime de la gestion de l'offre.
J'encourage les gens d'en face, avec le gouvernement. Il s'agit de savoir ce que nous pouvons découvrir et comment nous pouvons le mieux aider les acteurs de notre industrie. Ce sont aussi ceux qui nous vendent les intrants. Ce sont aussi ceux qui nous vendent des produits et travaillent pour nous. Si nous sommes dans une situation de stress continuelle, nous devons interagir entre pairs. Honnêtement, j'insisterai sur un point: comment pouvons-nous trouver des gens de l'industrie qui, en fait, ont vécu l'expérience? Comment faire en sorte que ces personnes viennent à notre rencontre? Nous avons pu le faire avec M. Guest, en matinée. Je pense que cela a été exposé avec force.
Je ne prendrai pas davantage de temps. Je sais que la présente étude touche à sa fin. Je pense que, si nous n'avons pas la possibilité d'entendre un ministre responsable de notre industrie et qui vit une telle situation, qui a trouvé des solutions et qui — je suis presque certain, même si je ne lui en ai pas parlé, mais je ne veux pas être présomptueux — a connu ces circonstances dans les années 1980... Je vais en rester là, monsieur le président.
Merci beaucoup.
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Nous fournissons des services à un éventail de populations très précises, comme vous l'avez mentionné — les premiers intervenants et la police —, mais également à nos jeunes et à nos aînés. Nous avons toute une gamme de programmes qui portent sur les traumatismes, les troubles de l'humeur et de l'anxiété, la schizophrénie et, comme je l'ai mentionné, la toxicomanie, alors nous offrons toutes sortes de services.
Lorsqu'il s'agit de nos agriculteurs canadiens, bien entendu, chaque population est très unique, et c'est très important. Cela ne veut pas dire que des populations différentes n'ont pas des préoccupations et des facteurs stressants similaires. Ils ne sont pas différents, ce qui est une bonne chose parce que, lorsque nous parlons d'évaluation et de traitement, nous pouvons utiliser des compétences très similaires et ainsi de suite. Néanmoins, lorsque nous effectuons une évaluation et une intervention, nous devons cibler les besoins précis de la population. Nous devons être au courant, comme nous venons tout juste d'en parler, des facteurs stressants uniques auxquels les agriculteurs canadiens font face.
Un aspect est très important. Il y a eu des discussions courantes sur le moment où se déclenche une crise afin que nous puissions intervenir. C'est une question primordiale à laquelle nous devons répondre, ce qui est également vrai pour toute population. Encore une fois, vous avez mentionné la police. Nous voulons trouver la réponse pour nos premiers répondants et les autres. Également, nous voulons vraiment prendre ce virage maintenant pour la plupart des populations et des organisations. Comme l'enjeu est la santé mentale au travail, nous consacrons plus d'efforts à la prévention qu'à la gestion de crise. Il faut vraiment promouvoir la santé mentale et faire de la prévention, et il faut intervenir tôt.
Si nous ciblons la prévention au lieu de l'intervention en situation de crise, non pas seulement pour les agriculteurs, mais également pour notre société, c'est ce qui sera le plus avantageux pour l'ensemble du pays.
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La réduction de la stigmatisation est une expression très intéressante.
Je sais que, au sein de la communauté agricole — nombre de témoignages soutiennent cela —, il y a une stigmatisation associée au fait de parler ouvertement de problèmes de santé mentale.
Nous avons connu des réussites avec d'autres professions, notamment les Forces armées canadiennes, des groupes d'anciens combattants et des premiers répondants. Cependant, il y a également une stigmatisation découlant de la consommation de substances illicites — la stigmatisation associée à leur criminalité continue.
Je sais que des représentants du Centre de toxicomanie et de santé mentale ont parlé de décriminalisation. Si on encourage les gens à demander de l'aide pour leurs problèmes de toxicomanie, particulièrement lorsqu'il s'agit de substances illicites, croyez-vous que c'est peut-être une discussion que nous devrions entamer?
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En règle générale, je crois que toutes les discussions sur des questions de santé peuvent nous mener sur une bonne voie. Toutefois, il y a des hauts et des bas. Nous parlons de besoins humains, alors c'est absolument très important.
J'ai bien aimé vous entendre dire que nous avons constaté une réduction de la stigmatisation chez les premiers répondants, la police, les anciens combattants et les forces armées. Il a fallu énormément de travail. Nous avons remarqué cette différence au cours des cinq dernières années, plus particulièrement lors des deux dernières. La stigmatisation est encore importante, absolument, mais nous avons travaillé très dur pour changer la culture, ce qui est tout à fait nécessaire maintenant.
Nous appuyons nos agriculteurs canadiens, et c'est pourquoi ce que vous commencez maintenant... Nous vous exprimons toute notre gratitude pour ce que vous faites à l'heure actuelle parce que c'est vraiment de cette discussion et de ce dialogue que nous avons besoin. Nous espérons que les agriculteurs nous entendent également. Lorsque nous serons en mesure de changer leur mentalité et cette culture, nous pourrons également réduire la stigmatisation.
C'est intéressant parce que, si nous regardons également les similarités entre les populations, je ne vois pas beaucoup de différence. La mentalité est pratiquement la même. C'est la croyance voulant que, si on parle, cela veut donc dire qu'on est faible et dépendant. Ce n'est pas le cas. Il faut que les agriculteurs apprennent qu'ils peuvent faire le travail merveilleux qu'ils font — nous apprécions beaucoup ce travail — et qu'ils sont forts et puissants. En même temps, ils peuvent demander de l'aide; ils peuvent éprouver un besoin.
Ces deux questions ne s'excluent pas mutuellement et elles font partie de l'être humain. C'est à l'aide de ce même concept que, espérons-le, avec beaucoup de discussions continues comme celle que nous menons actuellement — des discussions, un dialogue et de l'éducation —, nous pourrons changer la culture.
Monsieur McFadyen, je vais m'adresser à vous pour les deux dernières minutes.
Vous vous trouvez à un carrefour, particulièrement en raison de l'information dont vous disposez qui provient des expériences qu'a vécues votre organisation relativement à ce qui fonctionne et à ce qui ne fonctionne pas. Vous avez vécu beaucoup d'expériences. Je crois qu'il s'agit d'une question très générale. Au bout du compte, en tant que comité, nous voulons formuler des recommandations et nous avons des analystes fantastiques qui recueillent et examinent tous les témoignages. Je veux vous donner l'occasion de vous exprimer avec la minute et demie qu'il me reste.
Selon vous, avec toute l'expertise que vous avez, quelles sont les forces du gouvernement fédéral face à ce problème, et à quoi le Comité devrait recommander au gouvernement fédéral d'accorder plus d'attention?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les deux témoins de leur présence. Nous sommes vraiment reconnaissants que vous ayez pris le temps et fait l'effort d'être présents ici aujourd'hui, et nous apprécions votre travail.
Je vais commencer par M. McFadyen.
Comme je suis un producteur agricole et que j'ai participé de façon active à ce secteur toute ma vie, que j'ai dû faire face à des difficultés personnellement, et que j'ai aussi été témoin des difficultés vécues par d'autres membres de ma famille qui sont aussi des producteurs, ce sujet me tient à coeur.
Je vais commencer par vous demander comment, d'après vous, le gouvernement fédéral pourrait faire un meilleur travail, ou quelles mesures il pourrait prendre pour aider à soutenir les agriculteurs à l'égard des troubles mentaux et des soins en santé mentale dans le cadre d'une stratégie à long terme. Selon vous, quelle serait la meilleure façon de procéder ou quelle mesure aurait un effet positif mesurable sur la communauté agricole? Comment le gouvernement fédéral pourrait-il aider à soutenir votre travail le plus rapidement possible tout en ayant le plus de répercussions possible?
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Je crois que l'accès aux services est l'élément clé. La réduction de la stigmatisation et l'éducation sont deux éléments qui vont de pair, et il s'agit de créer une stratégie de communication visant à faire connaître aux gens les services offerts.
Quand nous effectuons le triage des personnes à la suite d'une intervention en situation de crise, il faut que l'élément suivant soit en place, c'est-à-dire qu'il doit exister la possibilité de leur offrir certains services continus en temps opportun. Je crois que cette partie du continuum fait défaut actuellement. Il y a des listes d'attente pour recevoir du counseling familial et des services en santé mentale.
Je le sais personnellement. Mon fils a souffert d'un problème de santé mentale, et nous n'aurions pas pu prévoir cela. Il vivait à Toronto à l'époque et a reçu des services du CAMH, dont les intervenants ont été très réceptifs, et les soins reçus ont beaucoup changé les choses dans sa vie. En conséquence, il a trouvé un équilibre. On parle de population rurale et discute de moyens pour prédire qui sera touché par une crise en santé mentale; je peux affirmer que nous n'aurions jamais pu prévoir que cela arriverait à notre fils.
Si on examine qui a accès aux services d'intervention en situation de crise, il y a peut-être 10 % de l'ensemble de la population qui n'a pas accès à des réseaux sociaux pouvant leur fournir du soutien. Ils ne reçoivent pas de soutien professionnel. Parfois, ces personnes ne sont pas à l'aise de s'exprimer et de discuter des problèmes qu'elles éprouvent.
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Ce que vous dites est juste. Si on parle de la majorité, dans l'ensemble du Canada, une personne sur cinq souffre de troubles de santé mentale, ce qui n'est pas étonnant. C'est la même proportion pour les problèmes de santé physique. Il faut du temps pour trouver de meilleures façons de joindre la population et aussi de faire en sorte qu'on nous croie et qu'on nous fasse confiance. Nous devons faire preuve de persistance, de constance et de créativité. De toute évidence, quand nous mettons en place une activité, il peut toujours y avoir une période d'essai et d'erreur.
Par exemple, je ciblerais tous ces endroits à l'aide de différents messages qui pourraient être diffusés à la télévision, au moyen de publicités et par d'autres moyens dans les milieux de travail, dans le voisinage, à l'épicerie, et ainsi de suite; je placerais des publicités ici et là.
Comme il a été mentionné, l'accès aux services est une chose extrêmement importante, mais avant d'avoir recours aux services, les gens ressentent de la douleur et souffrent en silence. Toute conversation ou tout message figurant dans des dépliants pourrait nous permettre de changer la culture et de faire en sorte que les gens parlent de leurs difficultés; ces démarches sont intimement liées. C'est très normal. Faire en sorte que les messages soient soutenus pour que la population en prenne connaissance et que les gens commencent à en parler, voilà comment nous pourrons provoquer des changements. C'est aussi ce que nous avons remarqué dans le cas d'autres groupes sociaux.
Nous avons constaté aussi comment cela fonctionne dans d'autres populations. Quand une personne dans un groupe social — ce peut être un président, un dirigeant, ou une autre personne — parle de ses propres difficultés ou de ses problèmes et les rend en quelque sorte normaux, cela fait en sorte que d'autres personnes deviennent plus à l'aise de s'exprimer à ce sujet.