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Bonjour, tout le monde. Je vous souhaite la bienvenue.
Comme notre président est un peu en retard, j'ai décidé, avec l'accord de mes collègues de chacun des partis, de commencer la séance pour que nous puissions entendre les témoins. Nous avons très hâte de les entendre.
Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude sur les défis en santé mentale auxquels font face les agriculteurs, les éleveurs et les producteurs canadiens.
Nous avons aujourd'hui la chance de recevoir, à titre personnel, M. Stewart Skinner, directeur de l'agriculture chez Imani Farms, ainsi que Mme Maria Labrecque Duchesneau, fondatrice de l'organisme Au coeur des familles agricoles et du projet de travailleur de rang. Nous recevons aussi M. Patrick Smith, chef de la direction nationale de l'Association canadienne pour la santé mentale.
Merci beaucoup à tous les témoins d'être ici ce matin.
Nous commençons tout de suite par M. Stewart Skinner.
Pour votre déclaration d'ouverture, vous avez six minutes.
Bonjour. Je voudrais remercier le Comité d'entreprendre cette étude. Je lui suis reconnaissant de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui.
Le Comité a entendu des experts du milieu universitaire, comme Andria Jones-Bitton, et reçu des statistiques globales qui montrent qu'il faut s'attaquer à ce problème. Je veux utiliser l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour vous faire part de mon cheminement personnel dans l'espoir de conférer un visage à ces statistiques.
Je suis retourné à la ferme porcine de ma famille en 2010 après avoir obtenu ma maîtrise ès sciences en économie agricole. En 2012, j'ai planifié et réalisé une expansion de l'entreprise, mais le projet n'a pas bien été. Une combinaison de mauvais rendement et de conditions difficiles sur le marché a porté un dur coup à la situation financière familiale.
Le stress financier a déclenché une période de dépression. C'est un matin d'hiver de décembre 2012 que j'ai touché le fond. Fil de rallonge en main, j'arpentais la grange, cherchant à trouver où je pourrais me pendre. À ce moment le plus sombre, une voix a pris le dessus et m'a convaincu d'appeler mes parents à l'aide, et c'est ainsi que s'est amorcé mon parcours vers le rétablissement.
Mon traitement a été inhabituel. Rompant avec l'agriculture, j'ai voyagé au Kenya pour changer ma vision du monde. J'ai ensuite travaillé en politique, d'abord à titre de candidat aux élections provinciales de 2014 en Ontario, puis en qualité de conseiller politique auprès de l'honorable Jeff Leal à Queen's Park, au ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Affaires rurales de l'Ontario.
J'exploite aujourd'hui lmani Farms, une entreprise de production de porcs diversifiée où j'élève des porcs destinés aux marchés traditionnels et aux créneaux. Cette exploitation génère plus de 3,6 millions de dollars en activité économique directe, tout en appuyant environ 15 emplois équivalent temps plein grâce à l'emploi direct et à des ententes contractuelles de production.
Pour comprendre la santé mentale, il faut accepter qu'elle ne ressemble à aucun autre problème de santé en raison de la nature individuelle de chaque cas. Tant les éléments déclencheurs que les solutions varieront d'une situation à l'autre. Je voudrais cependant vous faire part de ce que je considère comme certains stresseurs communs dans le domaine de l'agriculture.
Les agriculteurs sont exposés à une multitude de vecteurs de risque incontrôlables. La maladie, la météo et les questions géopolitiques peuvent toutes avoir une incidence sur notre rentabilité, alors que les outils pouvant atténuer ces risques sont très limités.
Un autre stresseur est attribuable à ce que je qualifierais de pressions de l'héritage. Une de mes plus grandes sources de fierté vient du fait que je suis agriculteur de sixième génération; cependant, une des choses que je crains le plus, c'est d'être la génération responsable de la destruction de la ferme familiale et de devenir responsable de l'annihilation des années de labeur des générations antérieures en perdant la ferme. Cette question est complexe et va au-delà des simples considérations financières.
Il nous est enfin difficile de comprendre les consommateurs. Même si les sondages d'opinion publique semblent indiquer que la population nous appuie, l'augmentation rapide de la méfiance des gens à l'égard de la production moderne d'aliments a favorisé la prise de mauvaises décisions de politique publique et a forcé les agriculteurs à défendre les outils mêmes qui permettent aux Canadiens d'avoir accès à des aliments sains, abordables et sécuritaires.
Notre génération d'agriculteurs est la première à devoir se défendre de rendre les aliments moins chers. Cam Houle, qui exploite une ferme laitière en Saskatchewan, a bien résumé le paradoxe en indiquant que l'agriculture est l'art de perdre de l'argent tout en travaillant 400 heures par mois pour nourrir des gens qui pensent qu'on essaie de les tuer.
Outre le fait que la confusion règne au sein du grand public, il existe une petite minorité qui attaque mon intégrité et remet en question ma moralité parce que j'élève des animaux pour en faire de la nourriture. Nos ancêtres n'avaient à se soucier que de la météo et des prix, alors qu'aujourd'hui, les agriculteurs doivent en plus craindre d'être pris pour cible par un activiste extrême. Voilà qui a des répercussions considérables sur mon état mental.
Que pouvez-vous faire pour résoudre cette situation? À titre d'éleveur de bétail, je dirais que le gouvernement fédéral devrait d'abord accorder la priorité à l'élaboration d'un régime d'assurance du cheptel qui me protégerait en cas de maladies catastrophiques, comme le sont mes collègues qui cultivent la terre. La santé animale est ce qui menace le plus la stabilité financière de nos fermes, et les réductions imposées au programme Agri-stabilité par le gouvernement précédent ont réduit à néant la capacité de ce programme d'agir à titre de programme d'assurance pour les éleveurs de bétail. À défaut d'instaurer un régime d'assurance national, le rétablissement à 85 % des marges de référence du programme Agri-stabilité pourrait contribuer à atténuer certains problèmes.
J'admets que le gouvernement fédéral n'offre normalement pas de soins de santé directement aux Canadiens. Je proposerais toutefois de constituer un fonds de 25 millions de dollars géré par Agriculture et Agroalimentaire Canada pour instaurer un système d'intervention de première ligne destiné aux agriculteurs canadiens et à leur famille.
Ce fonds devrait viser à renforcer la capacité des communautés rurales et éloignées grâce à des plateformes accessibles aux agriculteurs, peu importe leur lieu de résidence, tout en faisant appel à des groupes qui s'occupent déjà de la question, même s'ils se trouvent à l'extérieur du système de prestation de soins de santé traditionnel.
Je tiens à vous remercier de m'avoir accordé du temps ce matin. Je répondrai à vos questions avec plaisir, et je serai à votre disposition après la séance si des membres du Comité ou du personnel souhaitent poursuivre la discussion.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour à tous. Merci de votre grand intérêt pour la détresse de nos familles agricoles canadiennes.
Cette détresse rurale, je la côtoie, et je l'ai côtoyée durant une partie de ma vie, venant moi-même du domaine de l'agriculture. Cela m'a menée à fonder, il y a 20 ans, l'organisme Au coeur des familles agricoles, l'ACFA, en y intégrant une approche novatrice, celle du travailleur de rang.
J'ai suivi avec attention les réunions précédentes, et je ne peux qu'approuver les propos qui ont été énoncés. Pour ma part, j'estime cependant que le temps n'est plus à la recherche. Il est urgent que des gestes concrets soient réalisés, afin de réduire le plus possible cette détresse qui cause la disparition des fermes, ce qui contribue à la dévitalisation de notre ruralité.
Comment en sommes-nous arrivés là?
L'agriculture est d'abord une profession que l'on exerce par passion, une profession qui contient son lot d'imprévus. Les entreprises agricoles doivent être performantes et répondre à de nombreuses exigences. Cette profession demande obligatoirement un oubli de soi, puisque le travail à la ferme doit avoir priorité sur tout pour être rentable. Tout ce quotidien qui pèse sur toute la famille contribue à instaurer une détresse certaine à un moment ou à un autre.
Bien que les familles agricoles fassent preuve d'une grande résilience face aux nombreuses épreuves, qu'il s'agisse du mauvais temps, de maladies qui touchent le troupeau, des fluctuations du marché ou encore des importations et exportations, certaines émotions comme l'incertitude, l'insécurité et le doute s'infiltrent lentement et sournoisement, ce qui cause des lésions profondes au fil du temps. En effet, il est difficile de garantir la rentabilité de la ferme lorsque les piliers de l'économie s'effondrent et que le gagne-pain familial, qui est aussi parfois le patrimoine ancestral, s'amoindrit à cause d'un endettement assuré. La capacité à gérer le stress peut avoir des limites, et l'agriculteur peut avoir besoin d'aide ou de soutien de la part d'une personne ressource qui comprend bien les réalités du milieu rural.
Le producteur agricole accorde la priorité à son entreprise et à ses activités au détriment de sa santé et de ses relations familiales. C'est pourquoi il faut mettre en avant le concept du travailleur de rang, lequel joue un rôle de première ligne en répondant à l'appel, en se rendant sur place et en adaptant son intervention selon chaque cas. Le travailleur de rang est avant tout un agent de changement. Du point de vue clinique, la composante principale de ses fonctions est le repérage de familles agricoles, leur accompagnement et leur soutien pour répondre à leurs besoins de santé et de bien-être.
Il arrive fréquemment que la personne ayant besoin d'aide n'en fasse pas elle-même la demande. Grâce à cette approche proactive, ce sont les gens du voisinage, les membres de la famille, les amis ou d'autres personnes qui verront à interpeller directement l'intervenant présent dans la communauté, c'est-à-dire le travailleur de rang.
La philosophie d'intervention du travailleur de rang repose sur une approche préventive proactive et sur une connaissance aiguisée du réseau propre aux entreprises agricoles. Le travailleur peut ainsi intervenir auprès d'un producteur agricole avant même qu'il ne fasse une demande d'aide. Il est essentiel que le travailleur de rang se fasse voir au sein du réseau agricole et le fréquente pour se faire connaître peu à peu des acteurs du milieu, lesquels en viendront à collaborer avec lui en toute confiance. Les interventions de soutien du travailleur de rang ont pour but ultime de garder les fermes en activité en influant sur le mieux-être des agriculteurs et des membres de sa famille, qui l'appuient dans ses efforts.
Garder l'agriculture en santé, c'est garder l'agriculture dans les affaires. La santé économique de la ferme contribue à la vitalité du rang et à celle de sa municipalité. Les répercussions de la santé économique de l'agriculture familiale se font sentir au-delà des frontières régionales et nationales.
Le travailleur de rang prend tout son sens dans la force de son réseau. Si le travailleur de rang est en mesure de détecter la plus grande cause de stress de l'agriculteur grâce au réseau en place, il pourra mieux répondre à la situation en lui suggérant des solutions ou des ressources appropriées. Si, par exemple, le problème de l'agriculteur est l'endettement, le travailleur de rang lui expliquera les bienfaits du service de médiation au fédéral. Il pourra même l'accompagner dans sa démarche. Ce service est gratuit, ce qui n'est pas négligeable. Si le problème est plutôt une dépendance à l'alcool ou à la drogue, le travailleur de rang accompagnera l'agriculteur et lui parlera des ressources disponibles. Pour le travailleur de rang, il existe autant de ressources qu'il y a de situations problématiques; il suffit de bien les connaître.
Présentement, vous, les membres du Comité, faites partie de ce réseau.
Or il manque à ce réseau un élément novateur, en matière de ressources, et c'est la création d'un poste d'ombudsman en agriculture pour les entreprises agricoles. Un grand nombre de producteurs m'ont fait part de leur frustration face à des litiges devenus lettre morte parce que les frais pour les services d'un avocat étaient beaucoup trop élevés et que le processus était beaucoup trop long. Vu cette absence de justice, les gens du monde des affaires agricoles savent parfaitement que les producteurs agricoles n'entameront aucun recours. Sans la présence d'un ombudsman en agriculture, qui agira comme négociateur, notre situation sera comme celle de David contre Goliath.
La connaissance du milieu agricole et l'engagement du travailleur de rang à répondre dans les meilleurs délais sont deux éléments essentiels qui donnent confiance aux membres de la famille agricole et qui les amènent à s'ouvrir pour parler de leurs problèmes. L'ouverture dont fait preuve le travailleur de rang au moment d'entrer en contact avec ces personnes est essentielle pour vaincre la méfiance. Je dis souvent qu'il y a trois caractéristiques chez un producteur: il est fier, orgueilleux et méfiant. Il est toujours dans les affaires. La connaissance du travail agricole est essentielle pour le travailleur de rang. En effet, celui-ci travaille en fonction de la situation de travail du producteur, en tenant compte de l'horaire de la ferme. Il doit donc savoir à quel moment s'effectuent les semis, la traite des animaux, le soin des animaux ou la coupe des foins, entre autres choses.
Je termine en vous invitant à consulter les documents que j'ai remis à votre analyste, de façon à vous faire une idée de ces 20 années de travail.
Je vous offre mon aide afin d'intégrer la pratique du travailleur de rang partout ailleurs au Canada, et je le fais bénévolement. Selon moi, l'argent n'est pas important quand on veut sauver des vies.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, mesdames et messieurs, et merci de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui. Je m'appelle Patrick Smith et je suis PDG de l'Association canadienne pour la santé mentale.
Cette dernière est une organisation pancanadienne qui compte des divisions dans chaque province, ainsi qu'au Yukon; elle en aura aussi une bientôt dans les Territoires du Nord-Ouest. Nous fournissons des services directs à plus de 1,3 million de Canadiens dans plus de 330 communautés du pays. Cette présence dans 330 communautés permet d'offrir des services bien au-delà des limites de ces agglomérations dans les régions rurales et éloignées au Canada.
Dans mon exposé d'aujourd'hui, je veux mettre l'accent sur les besoins en matière de santé mentale des gens qui nourrissent nos communautés: nos agriculteurs, nos éleveurs et nos producteurs agricoles.
Les agriculteurs canadiens affichent des taux élevés d'anxiété et de dépression. Selon un sondage réalisé en 2016 par l'Université de Guelph, 45 % des producteurs canadiens disent ressentir un stress élevé et souffrir d'épuisement émotionnel, alors que le tiers d'entre eux éprouvent de l'anxiété.
Si les problèmes de santé mentale sont si présents dans le secteur agricole, comme nous l'avons entendu dire, c'est en raison de l'instabilité. Les agriculteurs doivent composer non seulement avec les stresseurs physiques de l'environnement agricole, mais aussi avec les cadres de réglementation de la production, l'évolution des tendances commerciales et les fluctuations des marchés des marchandises, tout en gérant le lourd fardeau financier qui va de pair avec l'exploitation d'une ferme.
Les producteurs doivent également composer avec les pertes de cultures et d'animaux attribuables à la météo, aux ravageurs et aux maladies. Avec les changements climatiques, les événements météorologiques extrêmes sont de plus en plus courants. Il y a un peu plus d'un mois, à la fin septembre, la Saskatchewan a reçu de la neige, un fait psychologiquement stressant pour les agriculteurs de la région du Nord-Ouest, qui ont découvert, à leur réveil, que leurs champs non récoltés étaient couverts de neige. Même si les agriculteurs ont toujours composé avec les stresseurs attribuables à l'imprévisibilité de la température, la prévalence accrue de la météo extrême fait de l'agriculture une activité plus risquée, et ce risque accru se traduira probablement par une augmentation du stress psychologique.
Nous savons aussi que les agriculteurs canadiens hésitent à chercher de l'aide quand ils en ont besoin. Le sondage de l'Université de Guelph montre que 40 % d'entre eux craignent l'opprobre sociale associée à l'accès aux services et se sentiraient mal à l'aise de chercher de l'aide.
Le sexe est un facteur important à cet égard. Au Canada, les hommes sont plus susceptibles de se suicider et moins susceptibles de chercher des services, une situation probablement attribuable au fait que la société s'attend à ce que les hommes tiennent le coup. Étant moi-même d'une région agricole, je pense que cette idéologie est encore plus prononcée dans l'industrie et les communautés agricoles.
De plus, nous ne pouvons pas oublier certains des membres les plus vulnérables et les plus invisibles du secteur: les travailleurs agricoles migrants. Chaque année, environ 47 000 travailleurs viennent au Canada pour pallier les pénuries de main-d'oeuvre dans l'industrie agricole. Ces travailleurs migrants vivent souvent dans la pauvreté et ont peu d'emprise sur leurs conditions de travail. Ils sont exposés à des stresseurs professionnels, sociaux et environnementaux qui peuvent être préjudiciables à leur santé physique et mentale.
En plus des difficultés habituelles qui vont de pair avec le travail en région rurale, les travailleurs migrants sont également soumis, en raison de leur statut précaire de migrants, à des stresseurs comme l'isolement social, la crainte de l'expulsion, les obstacles linguistiques, l'éloignement familial, l'accès limité aux soins de santé et les conditions de travail restrictives qui empêchent leur intégration au sein de la communauté.
En septembre, l'ACSM a publié un document stratégique pour le gouvernement fédéral afin de proposer une loi sur la parité en matière de santé mentale, où nous proposons de mettre la santé mentale et le traitement des maladies mentales à égalité avec la maladie physique. Notre proposition vient du fait que de nombreux Canadiens n'ont pas accès aux services de santé mentale dont ils ont besoin. Même si notre système de soins de santé est considéré comme universel, la plupart des Canadiens n'ont pas accès aux soins de santé mentale de base fournis par les conseillers en matière de dépendance, les psychologues, les travailleurs sociaux et les spécialistes du soutien par les pairs.
D'autres pays font de ces disciplines — je suis moi-même psychologue clinicien — la pierre angulaire et le fondement de la prestation de soins de santé mentale. Au Canada, nous restons principalement en marge du système de santé publique. Collectivement, nous dépensons annuellement 950 millions de dollars en services de counseling, 30 % de cette somme sortant directement de la poche des Canadiens.
Les longues listes d'attente pour les services financés par l'État signifient que les Canadiens qui n'ont pas d'assurance privée et qui ne peuvent pas payer n'auront peut-être jamais accès aux soins en santé mentale dont ils ont besoin. Pour les Canadiens qui vivent en région rurale et éloignée, notamment nos agriculteurs, les défis liés à l'accès aux services sont encore plus importants. Un manque de service, une demande élevée, la nécessité de voyager pour recevoir des traitements et la stigmatisation sont souvent des obstacles importants. À titre d'organisme communautaire qui offre depuis longtemps, à l'échelon local, du soutien aux personnes qui ont des problèmes de santé mentale et de toxicomanie, l'ACSM sait d'expérience que le fait de fournir le soutien nécessaire tôt dans le processus de soins peut changer énormément la vie de ces gens.
Nous recommandons donc des investissements plus importants dans les services communautaires, car non seulement ils appuient les gens qui ont des besoins en matière de santé mentale, mais ils réduisent également leur recours aux soins plus dispendieux dispensés dans les hôpitaux et leur évitent de se retrouver dans le système de soins de courte durée, ce qui permet d'épargner de l'argent dans le système de santé.
L'ACSM offre une gamme de services dans la communauté, notamment un programme innovateur appelé Je ne me reconnais pas, qui est conçu pour favoriser la santé mentale en milieu de travail. Même si l'agriculture et l'élevage comportent souvent des activités extérieures menées dans ce que la plupart des Canadiens considèrent maintenant comme étant un environnement non traditionnel, ce sont des milieux de travail comme les autres. Ils doivent favoriser le bien-être psychologique, afin de permettre aux gens qui y travaillent d'accomplir leurs tâches. Les milieux de travail qui s'inscrivent au programme Je ne me reconnais pas reçoivent une trousse d'outils pour améliorer leur compréhension de la santé mentale en milieu de travail, réduire la stigmatisation et favoriser des cultures de travail axées sur la sécurité et le soutien.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci beaucoup aux témoins.
Je pense que nous entrons dans quelque chose de très concret.
Madame Labrecque Duchesneau, j'ai beaucoup aimé ce que vous avez dit tantôt. Nous savons déjà qu'il y a des problèmes. Au cours des séances où le Comité a étudié cette délicate question, nous avons entendu plusieurs témoignages comme celui de M. Skinner. On nous a beaucoup parlé du stress qu'engendre la transmission d'une ferme d'une génération à l'autre, du stress financier, de tout le stress lié à l'agriculture. Tout cela combiné fait qu'il y a des problèmes, et nous le savons. Vous nous dites aujourd'hui que ce n'est pas le temps de faire de nouvelles études, mais d'agir.
Qui finance les travailleurs de rang, au Québec?
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Je dis souvent que la ferme est attachée à l'artère principale du coeur. Ce n'est pas peu dire; c'est vrai.
Avant d'aborder le problème personnel de l'entrepreneur agricole, je m'informe de sa ferme, je visite son exploitation, je marche sur sa terre, je prends des renseignements, je lui explique combien c'est une belle entreprise. Après un certain temps, nous parlons de son problème. Nous n'abordons pas le problème en premier. Nous déterminons quels sont les facteurs de stress du fermier. Si un mal de genoux est la cause de son stress, étant donné qu'il doit plier les genoux deux fois pour traire chaque vache quatre fois par jour, que peut-on faire? Il peut recevoir des traitements pour ses genoux, mais on peut trouver d'autres moyens techniques d'améliorer sa façon de travailler, on peut trouver des gens qui seraient heureux de pouvoir l'aider.
Ainsi, j'ai créé la Maison de répit en agriculture. Pour que le fermier puisse prendre congé, je lui trouvais un remplaçant. J'ai donc beaucoup travaillé avec les écoles d'agriculture. Je demandais aux professeurs si un jeune étudiant était prêt à travailler quelques heures pour faire la traite afin de donner du repos au producteur. Cela a toujours fonctionné.
S'il y a une chose dont je suis persuadée, c'est que les producteurs agricoles sont des gens qui veulent malgré tout s'entraider. C'est un fait. Quand un producteur subit un incendie, tous les gens du rang se rendent à sa ferme pour lui donner un coup de main. Par exemple, quelqu'un peut prendre les vaches qu'il reste et les apporter chez lui. Bref, ce ne sont pas seulement des gens qui veulent acquérir les biens des autres agriculteurs, comme je l'ai dit tout à l'heure, mais des personnes qui désirent donner un coup de main. Il est possible qu'ils aient des idées préconçues, mais cela, je ne veux pas le savoir. Ce que j'aime le plus, c'est de constater qu'ils répondent toujours oui quand je leur demande de l'aide. D'ailleurs, dans le milieu agricole, on dit toujours qu'on ne répond jamais non à Maria. Cela aide le processus.
Pour aider les agriculteurs, tous les moyens sont bons. Je peux appeler les gens pour leur dire bonjour et leur demander s'ils peuvent m'aider. Il est possible qu'ils me disent non, mais je vais insister. C'est comme cela que je travaille.
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Je vous remercie de me donner l'occasion de répondre à cette question.
Tout d'abord, je faisais l'aller-retour entre le sud-ouest de l'Ontario et Toronto quelques fois par semaine, et c'est suffisant — c'est-à-dire me rendre à Toronto — pour rendre une personne malheureuse.
Plus sérieusement, ma femme et moi attendions notre premier enfant, et même si j'ai parlé des pressions de l'héritage, comme je les ai appelées dans mon exposé, je voulais être à la maison. Je voulais faire ce que les générations précédentes avaient fait dans l'espoir de pouvoir permettre à mes enfants de saisir cette occasion s'ils le voulaient. Ma famille a commencé à pratiquer l'agriculture au Canada avant que le Canada devienne un pays, et la volonté de pouvoir offrir cette occasion à mes enfants — ils ne sont pas obligés de l'accepter, mais je veux pouvoir leur offrir — est une chose qui m'a poussé à revenir.
Je tiens également à préciser que nous pensions que notre plan pouvait nous aider à bâtir une entreprise viable sur le plan financier. Au bout du compte, on peut avoir les meilleurs sentiments du monde, mais si on ne fait pas d'argent, cela ne fonctionnera pas. Nous avons eu l'occasion d'agrandir notre entreprise et de faire de la place pour moi, et cela cadre avec les objectifs de notre famille.
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J'ai écouté les témoignages, et tout est vrai. Dès qu'un petit pas est fait de côté, les producteurs deviennent inquiets. Ils s'inquiètent vraiment beaucoup. Leur inquiétude crée du stress, et ce stress mène à la détresse. Il faut les rassurer.
Ce qui se dit dans les réseaux sociaux, à la télévision et au sujet de toutes les négociations leur permet de se créer une image, et elle n'est pas positive. Ils se demandent ce qu'ils vont devenir et comment ils vont s'en sortir. Plus on en ajoute, plus ils ont l'impression d'en perdre. Il faut bien que les paiements se fassent. Ces gens se lèvent à 5 heures le matin et, quand ils traient les animaux, ils ont le temps de réfléchir. Ils pensent, et ce n'est pas toujours positif.
Oui, j'ai déjà vu un producteur essayer de se pendre au moyen d'une guirlande de lumières de Noël. Heureusement, ces guirlandes ne sont pas solides, et la sienne s'est brisée. Je comprends ce que vit M. Skinner. Je comprends l'insécurité que vivent les gens dans une ferme.
J'ai en tête l'exemple d'un agriculteur qui habite près de chez moi et que j'ai invité à venir prendre un café. Il est déçu et en colère, et moi, je suis là pour faire baisser la pression. Ce ne sont pas les agriculteurs qui prennent les décisions. C'est ailleurs qu'elles se prennent, comme vous le savez. Que fait-on, alors, de toute cette détresse que chacun vit isolément dans son rang?
Je vous donne l'exemple d'un fils qui a dit à son père qu'il ne lui restait plus qu'à se trouver une corde. Il l'a dit en riant, supposément. Sa mère m'a appelée, il y a deux semaines, pour me demander si je croyais que c'était vrai. Est-ce qu'on peut prendre un tel risque? J'ai donc appelé chez eux. Ce sont pratiquement mes voisins. Dans cette même famille, il y a 10 ans, le grand-père a écrasé son petit-fils. Chaque année, depuis 10 ans, je me rends chez le père et j'apporte deux bières. Ce sont les moyens que j'utilise. Je assois avec lui. Nous prenons notre bière sans dire grand-chose, nous nous embrassons et je rentre chez moi.
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C'est une très bonne question.
J'ai récemment eu l'occasion de me joindre à la délégation canadienne aux Nations unies et de participer à une réunion parallèle sur la santé mentale.
Nous pouvons examiner les autres pays qui ont quelque chose de semblable à l'échelon fédéral, provincial ou autre... il y a différentes structures. Le Royaume-Uni a adopté sa Loi sur la parité d'estime lorsque l'honorable Norman Lamb était ministre de la Santé. Le pays a adopté une loi qui pourrait appuyer... il ne s'agissait donc pas seulement de croiser les doigts et d'espérer que les provinces feraient ce qu'il fallait, car il s'agissait de fixer un seuil ou une norme que les provinces devaient respecter dans le financement de la santé mentale, afin que le financement corresponde au fardeau de la maladie.
Il est important que les Canadiens sachent que même si l' dirige l'Alliance des champions de la santé mentale et du bien-être, nous sommes toujours le pays du G7 qui dépense le moins dans ce domaine. En effet, le pourcentage de nos dépenses budgétaires en soins de santé affectées à la santé mentale est le plus faible de tous les pays développés. C'est très important. C'est notre plateforme. Cependant, le Royaume-Uni était récemment dans une situation similaire, et il y a plusieurs années, ce pays a adopté la Loi sur la parité d'estime. Un tel problème ne se règle pas du jour au lendemain. Les problèmes causés par des années de travail différé sur le dossier de la santé mentale ne seront pas réglés par un budget ou un seul gouvernement. Toutefois, cela peut servir à établir une norme, car l'absence de ces services de base nuit à chaque Canadien.
Il est important de mentionner que même si la prestation de services sur le terrain dans les provinces et les territoires relève des provinces et des territoires, ce que nous disons au gouvernement fédéral, au gouvernement canadien, c'est que chaque situation est unique, comme M. Skinner l'a dit. Il peut exister différentes solutions individuelles, mais dans un milieu de travail... Le gouvernement canadien a effectué quelques investissements dans les milieux de travail pour créer une culture et établir une norme. Nous demandons à ce que 5 millions de dollars soient investis dans une campagne Je ne me reconnais pas ciblée qui pourrait aider à établir cette norme et à modifier la culture dans le milieu de travail des agriculteurs, des éleveurs et des producteurs. Ces gens pourront ainsi demander de l'aide plus souvent et se sentir mieux appuyés dans la culture de leur milieu de travail.
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Oui. Il se rend aux encans, il se rend aux salons de l'agriculture, il se rend aux événements agricoles; il doit se faire connaître. Pourquoi aller aux encans? C'est parce qu'il se peut qu'un certain monsieur participe à l'encan malgré lui et qu'il n'aille pas bien.
Personnellement, je me promenais parmi les gens, je les saluais, je me faisais connaître. J'ai présenté énormément de conférences. Dans le domaine de l'agriculture, on a toujours besoin de conférenciers. Vous avez peut-être votre part là-dedans aussi. Cela dit, les conférenciers sont très en demande. J'étais souvent appelée à intervenir, et j'offrais mes services. Je recevais tellement de monde qu'en hiver, le vestiaire était rempli de manteaux. Les gens venaient me voir et je prenais rendez-vous avec eux. Je me rendais disponible quand j'allais dans une région.
Je vais vous donner l'exemple d'une conférence que j'ai prononcée dans la région de Chaudière-Appalaches. On m'a accueillie en me disant qu'un producteur s'était suicidé et en me demandant si je pouvais aller chez lui. Il pleuvait beaucoup. Je n'avais pas encore donné ma conférence. J'ai donc fait ma présentation, ensuite je suis allée voir la dame en question, dans le rang. Est-ce que j'avais le temps de le faire? Non, mais je m'y suis rendue. Il faut prendre le temps.
Le travailleur de rang doit se rendre disponible et se faire voir. Il doit donner des conférences et faire savoir qu'il est présent.
Personnellement, je vais même aux enterrements, parce qu'après qu'un producteur s'est pendu, il reste d'autres gens autour.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais encore une fois remercier nos témoins.
Je suis agriculteur. Actuellement, certaines parties de l'Alberta sont toujours recouvertes de neige. Des séchoirs à grains fonctionnent constamment. C'est déjà arrivé auparavant, et lorsque les gens disent que c'est en raison des changements qui se produisent, nous savons que c'est arrivé il y a 50 ans et 20 ans, et que cela continue d'arriver. Ironiquement, c'est l'un des stress supplémentaires auxquels les agriculteurs font face, car ils ont fait beaucoup de choses pour réduire le changement climatique, séquestrer le carbone, etc., mais ils ont l'impression qu'ils sont attaqués. Actuellement, en Alberta, une exploitation agricole moyenne paie probablement de 10 000 à 12 000 $ par année en taxes sur le carbone. Ce sont différents types de choses.
Dans le cadre de certaines décisions relatives à l'ARC prises par le gouvernement, on a essentiellement appelé les dirigeants des petites entreprises des fraudeurs fiscaux. Ce sont certaines choses qui se produisent.
Les gouvernements nous disent qu'ils peuvent aider les travailleurs agricoles, mais il y a une différence entre une personne que vous embauchez et l'exploitant-propriétaire qui tente de régler cela, et nous nous sentons souvent comme si nous étions perçus de façon négative.
En ce qui concerne le scénario dont on a parlé, les gens ne sont pas à l'aise de demander de l'aide, car si vous montrez des signes de faiblesse, il y a toujours des gens prêts à vous aider, mais il se peut qu'ils cherchent des terres à louer ou à acheter. Vous aident-ils de façon positive en vous faisant la meilleure offre possible ou attendent-ils que vous soyez dans un état où vous ne pouvez plus rien faire? Cela crée seulement un stress supplémentaire. C'est l'une des choses importantes.
Si un enfant décède dans une famille agricole, vous savez que les gens se mobiliseront pour vous aider avec les récoltes. Si vous souffrez d'un cancer ou d'une autre maladie, vous savez que vous aurez de l'aide, mais comment peut-on faire en sorte que les gens vous aident à court terme ou potentiellement à long terme? Il serait bien d'avoir quelqu'un comme Maria, à qui on ne peut pas dire non, mais comment formons-nous ce groupe de personnes qui peuvent vous parler sans aller demander à votre voisin quand commencer à acheter du nouvel équipement pour s'occuper de votre ferme? C'est la chose importante.
Maria, lorsque vous parlez de l'ombudsman de l'agriculture, cette notion est-elle analogue aux solutions en matière de santé mentale ou aux initiatives que vous avez observées et dont vous parliez? Est-ce ce à quoi vous vous attendez d'un ombudsman de l'agriculture ou s'agit-il simplement d'une autre initiative bureaucratique avec laquelle les agriculteurs devront composer, mais à laquelle ils ne feront pas confiance de toute façon?
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J'espère que ce ne sera pas trop bureaucratique.
Quand un vendeur montre une fiche technique à un producteur, ce dernier s'attend à ce qu'elle comporte les bons chiffres et qu'elle soit exacte. Si un agriculteur sème son champ et s'aperçoit que la fiche technique des semences ne correspond pas à ce qu'il voit, ou encore s'il a acheté un tracteur qui ne fonctionne pas et qu'on lui dit que la garantie ne s'applique pas, il ne fera pas appel à un avocat, parce que cela prendrait trop de temps pour arriver à un résultat. Le producteur ne veut pas se lancer dans une telle entreprise. J'ai passé 20 ans dans ce domaine et je peux dire que plusieurs producteurs ont laissé tomber de telles démarches parce que cela n'en valait pas la peine.
Je vais parler pour le Québec et je m'excuse de ne pas savoir ce qu'il en est dans le reste du Canada.
L'ombudsman au Québec est pour le secteur public. On peut passer par la Financière agricole du Québec ou faire quelque chose avec les fonctionnaires lorsqu'il s'agit d'affaires gouvernementales, mais cela ne s'applique pas quand il est question du secteur privé. Par exemple, un producteur pourrait avoir perdu 10 000 $ à la suite d'un incident. Dans un cas que j'ai vu, des hommes d'affaires ont dit à un producteur qu'il pouvait bien prendre un avocat, car ils savaient très bien qu'il ne le ferait pas. On lui a dit de prendre un avocat, mais qu'on l'aurait dans le détour.
C'est vraiment David contre Goliath. Un ombudsman est comme une espèce de garantie qui indique aux entreprises de faire attention à ce qu'ils vendent aux agriculteurs.
:
Bienvenue à notre deuxième groupe de témoins.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Paul Glenn, ancien président de la Table pancanadienne de la relève agricole.
Bienvenue, monsieur Glenn.
Nous accueillons également Mme Ginette Lafleur, du Centre de recherche et d'intervention sur le suicide, les enjeux éthiques et les pratiques de fin de vie.
[Français]
Mme Lafleur est doctorante en psychologie communautaire à l'Université du Québec à Montréal.
Bienvenue, madame Lafleur.
Nous accueillons aussi Mme Lucie Pelchat, du même organisme. Mme Pelchat est conseillère à la formation à l'Association québécoise de prévention du suicide.
Bienvenue, madame Pelchat.
[Traduction]
Monsieur Glenn, vous avez six minutes pour présenter votre déclaration liminaire.
Merci.
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Merci, monsieur le président, et merci au Comité de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui.
Mon nom est Paul Glenn, et je suis de la Table pancanadienne de la relève agricole, une organisation qui se consacre aux jeunes agriculteurs de 18 à 40 ans à l'échelle du Canada.
Les producteurs agricoles font face à des difficultés et des stress particuliers, à des contraintes de temps et à un horaire très chargé — surtout les jeunes agriculteurs —, car ils sont en train d'établir une entreprise et de créer une famille, et que c'est eux qui font le gros du travail dans les exploitations agricoles familiales.
Les agriculteurs, comme tout le monde, souhaitent leur propre réussite et celle de leur famille, mais l'échec est fréquent et souvent causé par des forces incontrôlables. Les agriculteurs ont aussi des soucis financiers et des difficultés sur lesquelles ils n'exercent aucun contrôle. Il peut s'agir de difficultés liées aux conditions météo ou de problèmes d'ordre politique, social, économique ou autre. La pression incessante et le stress incontrôlé que les jeunes agriculteurs subissent ne se limitent pas en durée à quelques jours ou à quelques semaines, mais cela peut s'étaler sur des mois et même des années, ce qui a des effets cumulatifs pouvant mener à des problèmes de santé physique et mentale.
Il y a trois ans, lors d'une consultation sous forme de discussion libre, nous avons demandé aux participants à cette tribune nationale de suggérer à la Table pancanadienne de la relève agricole des façons dont celle-ci pourrait les aider et de donner des idées de programmes dont ils estimaient avoir besoin. Un jeune homme s'est levé et a déclaré que l'industrie agricole devait offrir du soutien et de la formation sur la gestion du stress. Cela a été une leçon d'humilité, car les agriculteurs en général ne parlent pas ouvertement de ce qu'ils considèrent dans leur esprit comme étant un signe de faiblesse.
Depuis cette conférence, nous incluons dans notre conférence annuelle de la formation sur la gestion du stress et des présentations sur les façons de prendre soin de soi. Nous avons présenté quelques autres séances provinciales sur ces thèmes et avons découvert qu'il faut absolument prendre d'autres mesures.
La majorité des jeunes agriculteurs sont stressés. Ce que nous avons appris, c'est que nos membres sont prêts à s'ouvrir à leurs pairs pour alléger le fardeau de leur stress. Nous avons vu des producteurs éclater en sanglots pendant des exposés sur ce sujet, et nous avons appris que les producteurs souhaitent discuter de cette grave préoccupation croissante dans notre industrie. On pouvait aussi facilement voir que le stress est très fréquent chez les jeunes producteurs.
Comme vous le savez aussi, il y a beaucoup de données qui nous montrent clairement que la santé mentale est une préoccupation croissante dans notre industrie et qu'un nombre alarmant de personnes s'enlèvent la vie.
Le stress n'affecte pas que la santé mentale de nos producteurs, mais il se répercute aussi sur la santé physique d'un grand nombre d'entre eux. Les agriculteurs qui vivent dans les collectivités rurales ont un accès restreint aux fournisseurs et aux établissements de soins de santé qui pourraient les soutenir dans leur état actuel. Souvent, les services de soins de santé mentale sont des services que les particuliers doivent payer. La triste vérité, c'est que les agriculteurs vont rarement investir ailleurs que dans leur exploitation, alors ils ne vont certainement pas investir dans leur propre personne.
Les agriculteurs ne savent pas très bien quand il est temps de demander de l'aide, et c'est une autre difficulté. Il faut de l'éducation en matière de santé mentale et d'auto-identification, ainsi que de l'information sur le moment d'obtenir un traitement avant que la situation devienne urgente. Il faut de la formation sur les premiers soins en santé mentale, car il est difficile de savoir à quels signes on reconnaît un problème de santé mentale, et à quel moment il faut apporter de l'aide. Le stress fait partie du quotidien. Je peux voir le stress dans le visage de mes voisins, mais quelle est la ligne de conduite appropriée?
Pour de nombreux producteurs, les ressources sont limitées et variées d'une province à l'autre. Les producteurs ne savent pas où trouver de l'aide, outre leur médecin de famille. Il peut s'écouler des mois d'attente pour voir un spécialiste et obtenir un traitement, dans les situations non urgentes.
Prendre congé pour s'occuper de problèmes de santé est souvent très difficile pour les producteurs, qui doivent ensuite prendre des bouchées doubles pour reprendre le temps perdu. L'autre option serait d'essayer de trouver des employés pour pouvoir prendre congé. Imaginez simplement prendre rendez-vous à des heures de route de chez vous. Tout cela cause encore plus de stress.
Nous devons encourager les agriculteurs à prendre soin d'eux-mêmes, à mieux comprendre les signes et les symptômes et à en prendre conscience afin de savoir quand une intervention est requise. Il faut aussi qu'ils comprennent les types de problèmes de santé mentale, comme la dépression, l'anxiété, l'anxiété sociale.
Nous devons créer des espaces permettant plus d'interaction sociale et d'événements en personne, de sorte que les jeunes agriculteurs puissent parler de leurs vulnérabilités et de leurs expériences, et se soutenir mutuellement. Nous devons leur faire comprendre l'importance de ne pas s'isoler et nous devons consulter davantage les agriculteurs, par région, pour être au fait de leurs symptômes et du soutien qu'il leur faut par région, car cela varie d'une région à l'autre.
La Table pancanadienne de la relève agricole a l'intention d'apporter sa contribution en menant des consultations, notamment sous la forme de discussions libres, afin que les agriculteurs puissent lui faire part directement des problèmes auxquels ils font face et de leurs besoins; en tenant des présentations et des séances d'éducation partout au Canada afin de sensibiliser les agriculteurs, de les éduquer, de les aider à comprendre les signes et les symptômes et de les informer de ce qu'ils doivent faire, et à quel moment; en utilisant les médias sociaux pour mieux faire connaître les pratiques de ressourcement personnel et pour diffuser des articles et faire connaître les ressources afin que les agriculteurs sachent à qui s'adresser; et en collaborant avec d'autres organisations à la recherche de solutions.
En conclusion, je suis bien conscient de ne pas tout savoir sur la santé mentale, mais nous devons quand même trouver des façons de résoudre ce problème croissant. L'avenir de l'agriculture en dépend.
Merci.
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Un instant, je vais faire démarrer mon petit chronomètre, car j'ai tendance à dépasser mon temps de parole.
Merci de l'invitation.
Je me nomme Ginette Lafleur. Je suis doctorante en psychologie communautaire à l'UQAM. Ma thèse de doctorat porte sur les conduites suicidaires des agriculteurs.
Les défis en santé mentale auxquels font face les agriculteurs, les éleveurs et les producteurs canadiens sont grands. Je dirais qu'ils le sont davantage lors des périodes d'incertitude ou des crises économiques ou sectorielles. Les conséquences financières et d'ordre relationnel de tels bouleversements peuvent fragiliser la santé mentale et entraîner une hausse des décès par suicide, du moins chez les hommes.
L'apparition de problèmes financiers au quotidien, l'incapacité à rembourser des dettes ou encore des pertes financières peuvent entraîner des problèmes de santé mentale tels que l'anxiété ou la dépression. De surcroît, les difficultés financières peuvent contribuer à la détérioration des relations entre les conjoints ou les membres de la famille. Or, ces personnes jouent traditionnellement un rôle de protection lorsqu'il est question de santé mentale et des conduites suicidaires des hommes.
En outre, une crise sectorielle crée un contexte d'incertitude dans lequel les producteurs agricoles peuvent avoir de grandes décisions à prendre. Devraient-ils agrandir ou non l'exploitation? Devraient-ils la vendre ou non? Devraient-ils la transférer ou non? Devraient-ils entreprendre un changement de production? L'anticipation de tels changements peut être très anxiogène.
Comme je le disais, les défis sont grands.
Pour ce qui est de la prévention du suicide, il ressort de maintes études internationales que les exploitants agricoles de sexe masculin présentent un risque excessif de mourir par suicide, comparativement à d'autres groupes de travailleurs ou à la population générale.
Par ailleurs, des chercheurs canadiens ont constaté qu'au cours de la période de 1971 à 1987, le taux de suicide des agriculteurs québécois était le double de celui des hommes du même âge dans la population québécoise. En outre, leur taux de suicide était en hausse au cours de la période à l'étude, dont la fin correspondait à une récession économique.
Toutefois, nous ne connaissons pas l'ampleur actuelle du problème, ni au Québec ni dans le reste du Canada. Il serait pertinent que le Québec et le Canada se dotent de statistiques de mortalité par suicide par secteur d'emploi, comme cela est le cas en Écosse ou en France depuis que ces pays ont adopté un plan national de prévention du suicide. La France tient des statistiques notamment sur le suicide des agriculteurs depuis 2007.
Selon l'Organisation mondiale de la santé, les agriculteurs sont l'un des groupes professionnels les plus à risque de suicide, notamment en raison de leur environnement de travail stressant, de leur isolement et de leur accès à des moyens létaux. Leur réticence à exprimer leur désarroi et à demander de l'aide complexifie le travail de prévention.
Il faut savoir qu'en faisant le geste ultime, l'agriculteur veut avant tout mettre fin à une souffrance insupportable et perçue comme étant sans issue. Dans le suicide des agriculteurs, il est souvent question de pertes douloureuses. Il s'agit de personnes chères, comme une conjointe ou un père. Il est aussi question de difficultés financières et de toutes les pertes potentielles que cela peut représenter: la ferme, le patrimoine familial que l'on n'a pas su préserver, le rôle de pourvoyeur, l'estime de soi et même l'identité, car, pour certains, si on n'est plus agriculteur, on n'est plus rien. Les dossiers de suicide font aussi mention de pertes au chapitre de la santé mentale ou physique qui occasionnent des changements importants dans les rôles et les tâches à la ferme.
Les suicides des agriculteurs évoquent aussi de douloureux conflits familiaux, dont ceux père-fils. La famille est très importante dans le domaine de l'agriculture: on travaille et on vit en famille. On se soutient, mais on vit aussi des conflits extrêmement douloureux. Les rapports familiaux conflictuels ont un effet d'autant plus majeur dans le monde agricole que l'on y retrouve un enchevêtrement couple-famille-travail plus grand que dans d'autres secteurs d'activité.
Les défis sont donc grands en matière de prévention du suicide, mais également pour la prévention du stress.
Voici une statistique tirée des enquêtes que j'ai pu mener en 2006 ainsi qu'en 2010-2011 auprès de producteurs de lait québécois. En 2010-2011, 42 % d'entre eux considéraient que la plupart de leurs journées étaient assez ou extrêmement stressantes, comparativement à 20 % des autres hommes québécois.
Je voudrais citer un témoignage éloquent au sujet du degré de stress que peuvent vivre certains producteurs, que je tire de l'« Enquête sur la santé psychologique des producteurs agricoles du Québec », que j'ai menée en 2006:
Côté stress, parlez-moi en! Je serrais tellement les dents depuis quelques années qu'elles ont usé d'environ 3/8 de pouce. Je suis suivi actuellement par un dentiste qui a détecté un sérieux problème de déplacement de la mâchoire. Je suis suivi aussi par un physiothérapeute et un chiro pour des problèmes de tension extrême au cou et aux épaules.
Ce producteur a depuis quitté la production, parce que ce n'était plus vivable.
Je vois que mon temps de parole file.
Pour finir, je vous lis un autre commentaire sur le stress, que j'ai reçu d'un autre producteur:
La pression de l'environnement est lourde. La lourdeur administrative est accaparante [...] L'endettement des entreprises. La pression sur les rendements, la performance. Les changements climatiques. L'avenir incertain de la gestion de l'offre. Les médias pessimistes. [...] Tous ces éléments augmentent le stress en agriculture. Tout ce qu'un agriculteur désire, c'est vivre de son travail, faire vivre sa famille et transmettre son patrimoine à une autre génération. Tout simplement!
Toutefois, dans le contexte, c'est loin d'être simple.
Je veux laisser du temps à Mme Pelchat. Je dirai donc brièvement que les défis sont grands également pour la prévention de la détresse psychologique. Les chiffres sont aussi alarmants.
Par quels moyens peut-on faire face à ces défis? Pour vous répondre, j'ajoute à mon chapeau de chercheuse celui de deuxième vice-présidente d'Au coeur des familles agricoles: on peut surmonter ces défis en offrant des interventions adaptées à la population agricole.
Vous avez entendu les présentations de représentants d'Au coeur des familles agricoles sur les travailleurs de rang. J'y adhère totalement, et je pourrai vous donner plus de détails si vous avez d'autres questions à ce sujet. Au Québec, nous avons fait de bons progrès quant à l'établissement d'un filet de sécurité pour les agriculteurs.
Pour la dernière minute, je cède la parole à Mme Pelchat, qui abordera la question des sentinelles en milieu agricole.
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Quelqu'un a mentionné quelque chose, tout à l'heure... J'ai passé ma vie sur une ferme, moi aussi. J'ai vécu certains des problèmes et des préoccupations mentionnés, dans les années 1980. Je peux vous dire avec certitude que ce n'est pas le travail qui cause le stress. Quand vous changez les circonstances entourant le travail, c'est formidable. Vous allez de l'avant. Vous regardez vers l'avenir. Cela en fait partie. Nous voulons tous une part de stress dans notre entreprise. C'est ce qui nous motive.
Mais vient un temps où ce n'est pas le travail, mais les circonstances entourant le travail qui nous causent des distractions. Nous avons entendu des témoins fantastiques qui se sont ouverts à nous. Je crois que nous en apprenons tous énormément grâce à cela.
Paul, quand votre groupe, la Table pancanadienne de la relève agricole, est allé sur les réseaux sociaux, vous avez parlé des bienfaits, mais avez-vous aussi parlé de l'effet des commentaires négatifs et des histoires négatives qu'il y a également? Andrew Campbell est venu l'autre jour. Il a dit qu'on l'a traité de toutes sortes de noms, entre autres d'assassin, parce qu'il élève des bovins Holstein et qu'il est un producteur laitier. Ont-ils parlé de cela?
C'est une tribune. Nous avons besoin de suggestions. Nous avons besoin d'aide pour faire des recommandations qui viennent de la base.
Avez-vous des idées à ce sujet? Les autres aussi peuvent répondre.
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D'accord. J'aimerais des indications. Je pense que nous manquons peut-être une véritable occasion.
Précédemment, M. Skinner a mentionné que la clé est de miser sur la force de la communauté. Il y a eu des gens, et j'aimerais en fait parler de cela — vous avez formé des professionnels de tous genres pour venir aider et former les agriculteurs. Avec les investissements dans la communauté, je dois vous dire que la question de l'héritage est un énorme enjeu. Si vous avez hérité de l'exploitation et que vous craignez de la perdre, le fardeau et le stress que vous portez sont énormes. Les autres problèmes qui s'ajoutent viennent compliquer cela.
Je crois que les gouvernements... et vous avez mentionné le fardeau administratif. Les agriculteurs de ma région se préoccupent beaucoup des accords commerciaux. Nous avons la gestion de l'offre, en ce moment, qui a vraiment été éprouvée. Nous avons des taxes à venir. Il y a des choses qu'ils ne peuvent contrôler, mais ils doivent quand même faire des chèques, ou faire des déductions.
Avez-vous des recommandations à nous faire pour nous aider à savoir ce que nous devons faire comme gouvernement? Si vous n'en avez pas maintenant, envisagez de nous les envoyer ultérieurement. Nous parlons toujours de ce que le gouvernement peut faire pour aider, mais pouvez-vous nous aider réellement à déterminer ce que le gouvernement peut faire pour enlever aux familles et aux agriculteurs le stress qu'ils subissent? Est-ce quelque chose que vous pourriez faire?
En ce qui concerne le projet, j'aimerais ajouter que nous avons rédigé la déclinaison agricole pour les sentinelles en collaboration avec l'Union des producteurs agricoles en 2016. L'engouement à cet égard est très fort. En deux ans seulement, plus de 1 200 professionnels et producteurs agricoles ont été formés pour repérer la détresse chez les agriculteurs et pour savoir comment agir. C'est excellent. Par contre, il ne faut pas s'arrêter là. Plus de 10 000 professionnels travaillent auprès de nos producteurs agricoles. Nous devons donc poursuivre nos efforts de formation.
J'ai dit que nous formions des travailleurs et des professionnels, mais nous formons aussi des producteurs pour qu'ils puissent repérer la détresse chez leurs voisins et collègues. Il s'agit surtout d'agriculteurs qui s'engagent dans des comités ou des associations. Nos sentinelles sont formées pendant une journée complète de sept heures. Elles apprennent à repérer les signes, à poser des questions, à parler ouvertement du suicide. Elles apprennent aussi des trucs pour favoriser la demande d'aide. En effet, un producteur agricole peut invoquer mille et une raisons pour ne pas rencontrer un intervenant, que ce soit la distance à parcourir pour recevoir les services ou le temps nécessaire pour participer à une rencontre avec un professionnel. Nos sentinelles sont outillées pour diminuer ces résistances et pour faire le pont entre le producteur et une ressource d'aide.
Cependant, il ne doit pas s'agir de n'importe quelle ressource d'aide, mais bien d'un professionnel de la relation d'aide qui est en mesure d'adapter son intervention à un producteur agricole. Une sentinelle ne devient pas un intervenant professionnel de la relation d'aide. En aucun temps une sentinelle ne doit rester seule dans une situation où elle a repéré une personne qui pense au suicide. Elle doit toujours s'adresser à l'intervenant qu'on lui a désigné. La sentinelle a effectivement accès à un professionnel de la relation d'aide 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Elle peut alors discuter de la situation et s'assurer que le producteur agricole ne se suicide pas.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Glenn, la partie du Canada d'où M. Peschisolido et moi sommes originaires compte certaines des terres agricoles les plus chères de tout le pays: c'est le Lower Mainland et l'île de Vancouver. Nous avons la chance d'avoir une réserve de terres agricoles, mais les pressions immobilières exercées par les villes avoisinantes font grimper en flèche les prix des terres.
Nous avons entendu parler du stress qui vient avec l'héritage, mais il y a d'autres agriculteurs dont nous n'avons pas assez parlé, d'après moi, et ce sont ceux qui envisagent de se lancer en agriculture et de former ainsi la première génération. Ils sont dans la vingtaine. Ils ont la motivation, ils voient l'agriculture comme une façon viable de faire les choses, et ils veulent vraiment produire quelque chose de valable et travailler dur à cette fin.
Je me demande si ce genre de conversations a lieu — parler de se lancer en agriculture et d'acheter sa terre, d'assumer les coûts d'immobilisations énormes liés à l'achat d'équipement, de bâtir une grange et d'acheter son premier troupeau de vaches.
Comment se déroule cette conversation au sein de votre groupe, dans le contexte de l'étude sur la santé mentale que nous menons?
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L'une de nos séances a eu lieu à Vancouver, et c'était absolument un sujet brûlant.
La plupart des exploitants agricoles là-bas ont également des revenus hors ferme. Les jeunes agriculteurs qui se lancent travaillent également hors ferme. Ils démarrent des entreprises agricoles vraiment uniques, maintenant, parce qu'elles doivent être très petites, sur de petites terres, ce qui fait que ce sont des cultures à valeur élevée. Pour espérer réussir, ils utilisent même les médias sociaux pour faire de la promotion directe dans leur marché.
C'est très difficile, en particulier en Colombie-Britannique, à cause de la valeur très élevée des terres. C'est difficile, car vous voulez faire de l'agriculture, mais vous ne pouvez pas aller au Yukon pour en faire. Vous pouvez faire de l'agriculture au Yukon, mais c'est très difficile. Le gouvernement du Canada pourrait encourager cela, ou offrir des programmes d'attribution de terres aux jeunes agriculteurs.
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En ce qui concerne notre discussion relative aux agriculteurs par rapport aux militants, je ne crois pas qu'il suffise de l'écrire noir sur blanc. On sait qu'une très mauvaise exploitation agricole qui maltraite gravement ses animaux va donner mauvaise réputation à tous les autres agriculteurs, et je crois qu'il en va de même pour les militants. Certains utilisent des tactiques vraiment ignobles, mais je crois qu'en général, ils sont nombreux à essayer seulement de veiller à ce que la bonne santé des animaux soit assurée.
Je suis d'accord avec ce que vous avez dit, cependant: il faut mieux communiquer et faire valoir que pour les agriculteurs, ce n'est pas qu'un gagne-pain. C'est un mode de vie. C'est ce que vous faites. Subir ce genre d'attaques, parfois basées sur des allégations tout à fait infondées, cause énormément de stress.
Je crois qu'il serait possible d'inclure, dans les recommandations découlant de notre étude, une campagne visant à aider les agriculteurs à expliquer ce qu'ils font, les heures qu'ils consacrent à leur exploitation, les effets des changements climatiques qu'ils subissent souvent en premier, leurs efforts pour être les meilleurs gardiens des terres et le fait qu'il est dans leur intérêt financier de faire un bon élevage d'animaux en santé.
Comment le gouvernement fédéral peut-il vous aider à rehausser votre réputation? Est-ce que nous devons lancer une campagne nationale? Est-ce que nous devons créer sur les médias sociaux des plateformes qui vous permettront de vous exprimer?
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Merci, monsieur le président.
Je tiens également à remercier M. Glenn et Mmes Lafleur et Pelchat de leur présence aujourd'hui.
Je suppose que la position de chacun dépend de sa situation. Comme M. MacGregor l'indiquait, nous sommes tous les deux de la Colombie-Britannique, et les six ou sept derniers témoignages plutôt poignants que nous avons entendus n'ont pas manqué de me stupéfier de par le sentiment d'angoisse qui s'en dégageait. Voilà que nous discutons de fin de vie au comité de l'agriculture. Nous parlons de prévention du suicide.
Je veux poursuivre dans le sens de l'intervention de M. Shipley concernant la nécessité de mobiliser les gens. J'ai toujours trouvé vos témoignages devant notre comité des plus pertinents, monsieur Glenn. Je note particulièrement que vous avez affirmé que l'avenir de l'agriculture doit absolument passer par la collaboration.
Pour ce qui est de la problématique du stress, nous avons surtout discuté avec nos témoins jusqu'à maintenant d'éléments techniques comme les moyens à prendre pour avoir accès à des services. Ce sont là des aspects très importants et nous avons couvert beaucoup de terrain à ce sujet. Je me suis réjouis également d'entendre parler des approches novatrices utilisées au Québec. Il faut espérer que nous parviendrons à faire de même dans d'autres régions du pays.
Madame Pelchat, à la fin du temps qui m'est imparti, je vous laisserai l'occasion de nous en dire davantage, car j'ai l'impression que vous aviez encore quelques points à ajouter.
Monsieur Glenn, y a-t-il des changements structurels que nous pourrions apporter? Il semble que ce soit les questions financières qui posent problème. On dirait que la situation est difficile parce que tout le monde ne voit pas l'agriculture du même oeil. Certains peuvent percevoir comme du militantisme les actions d'un citoyen préoccupé qui sont peut-être fondées sur des considérations erronées.
Comment pensez-vous, à titre de représentant de la Table pancanadienne de la relève agricole, que nous pourrons rétablir cette connexion entre les gens, soit entre les agriculteurs et ceux qui consomment leurs produits?
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Je ne peux pas vous dire si mes statistiques s'appliquent au Canada, mais, en général, elles correspondent à la tendance démontrée par les études à l'échelle internationale.
Comme je le disais, j'ai un chapeau de doctorante, mais je suis aussi très impliquée sur le terrain. Il y a effectivement beaucoup de problèmes qui sont indépendants de la volonté des agriculteurs. Ces derniers sont souvent isolés et ils ne vont pas chercher de l'aide. Il faut donc être proactif. Si on attend que le téléphone sonne pour résoudre un problème de stress ou de détresse, on va attendre longtemps. Le Québec a donc décidé d'être proactif.
L'objectif des sentinelles est d'avoir des oreilles et des yeux un peu partout sur le terrain pour détecter les signaux de détresse. Toutefois, cela prend par la suite des gens pour prendre en charge les personnes concernées. C'est de là que vient le concept de travailleur de rang. Mme Labrecque Duchesneau en a parlé. Je crois également que vous avez entendu une autre présentation à ce sujet. Le concept de travailleur de rang s'inspire du principe du travailleur de rue et du travail de proximité. Nous allons à la rencontre des agriculteurs; nous n'attendons pas.
Par ailleurs, nous travaillons à éliminer la stigmatisation associée au fait de demander de l'aide. Progressivement, tout cela fait du chemin. Depuis 14 ans, on en parle beaucoup plus ouvertement. Il y a encore beaucoup de travail à faire, mais les choses avancent quand même.
Nous travaillons donc en amont afin d'aider les gens, d'abord par l'entremise des sentinelles, puis au moyen des travailleurs de rang. Nous nous dispersons sur le territoire. Seulement avec ces services de première ligne, nous répondons à énormément de besoins.
Le principal problème que nous avons en ce qui concerne les sentinelles et le réseau de travailleurs de rang qui a été implanté au Québec, c'est la précarité du financement. Pourtant, cette formule fonctionne. Les travailleurs de rang ont une formation en intervention, en plus d'avoir une connaissance de l'agriculture. Les deux vont de pair, car la connaissance de l'agriculture facilite énormément le lien de confiance avec les agriculteurs. Cette formule fonctionne et j'y crois, mais nous sommes toujours à la recherche de financement. C'est le nerf de la guerre. Au Québec, on met tout de même en place un filet de sécurité pour les agriculteurs.
Comme je le disais, nous n'avons pas de statistiques récentes sur le taux de suicide, alors on ne peut pas savoir si cela a une incidence réelle. Cependant, j'ose croire que toutes ces mesures que nous avons mises en place depuis 15 ans portent des fruits.
Dernièrement, après avoir rencontré plusieurs producteurs de lait à la suite des négociations de l'Accord États-Unis—Mexique—Canada, j'étais très inquiète, mais je me disais qu'on avait au moins des réseaux en place, fort heureusement, parce que...