:
Bonjour et bienvenue à tous. C'est notre première réunion.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous étudions le soutien aux Autochtones canadiens dans le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
[Traduction]
Je veux souhaiter la bienvenue à M. Tom Rosser, sous-ministre adjoint à la Direction générale des politiques stratégiques du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. Je vous remercie de comparaître à nouveau. Nous vous en sommes reconnaissants.
J'aimerais également souhaiter la bienvenue aux autres représentants du ministère: Mme Jane Taylor, sous-ministre adjointe à la Direction générale des programmes; M. Brian T. Gray, champion du Cercle de réseautage des employés autochtones et sous-ministre adjoint à la Direction générale des sciences et de la technologie; et M. Mervin Traverse, aîné du ministère.
Nous écouterons tout d'abord les déclarations préliminaires. Les témoins disposent de sept minutes chacun.
Je crois que c'est vous qui commencez, monsieur Rosser.
[Français]
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Bonjour. J'aimerais remercier le Comité d'offrir au ministère l'occasion de discuter du soutien aux Autochtones dans le secteur canadien de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Je tiens également à souligner le caractère opportun de cette étude étant donné que la participation des Autochtones dans le secteur gagne en importance et que cette question revient de plus en plus souvent dans les discussions fédérales-provinciales-territoriales.
Agriculture et Agroalimentaire Canada est déterminé à favoriser l'avancement des peuples autochtones dans le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire, ainsi que dans le processus fédéral de vérité et de réconciliation. Nous avons beaucoup appris des séances de sensibilisation avec nos partenaires autochtones, et le ministère commence à faire des progrès. Nous comprenons que nous avons du retard à rattraper et qu'il nous faut consolider nos partenariats et nos programmes. Nous espérons que les travaux du Comité amélioreront notre compréhension et notre capacité à favoriser la participation des peuples autochtones dans le secteur.
[Français]
Agriculture et Agroalimentaire Canada, ou AAC, a la ferme intention d'établir un dialogue constructif et de tisser des relations durables avec les Premières Nations, les Métis et les Inuits du Canada. Nous savons qu'il s'agit d'un engagement à long terme qui exigera des efforts considérables et un investissement soutenu. Nous sommes déterminés à faciliter le dialogue de nation à nation et l'élaboration conjointe de diverses initiatives. Il sera essentiel d'améliorer la communication, la responsabilisation et le soutien pour obtenir une plus grande représentation des Autochtones au ministère.
Nous sommes impatients de faire avancer ce dossier. Cependant, nous voulons nous assurer de faire les choses correctement et de prendre des mesures réfléchies. C'est pourquoi nous examinons actuellement les façons dont AAC peut mieux s'organiser pour soutenir ces efforts et faire en sorte que le ministère dispose des ressources adéquates.
[Traduction]
Je vais parler des efforts de mobilisation que nous avons menés à ce jour. Tout d'abord, deux séances de sensibilisation ont réuni environ 85 participants des Premières Nations en 2017. Les points de vue exprimés ont permis à AAC de mieux définir l'approche qu'il entend adopter pour promouvoir les questions autochtones. Par ailleurs, des consultations sur la politique alimentaire avec les peuples autochtones, qui ont également eu lieu en 2017, ont été menées par des organisations autochtones, notamment l'Assemblée des Premières Nations, l'Association des femmes autochtones du Canada et l'Inuit Tapiriit Kanatami.
Notre ministère a établi et financé des programmes pour mobiliser des partenaires autochtones. Avant d'aller plus loin, je tiens à souligner la présence parmi nous de ma collègue, Jane Taylor, sous-ministre adjointe à la Direction générale des programmes, qui pourra répondre à vos questions sur les programmes fédéraux.
Dans le cadre de Cultivons l'avenir 2, AAC a soutenu des initiatives dirigées par des Autochtones. À l'époque, Cultivons l'avenir 2 ne mettait pas l'accent sur l'élaboration de politiques visant à accroître la participation des peuples autochtones dans le secteur, et le ministère ne mesurait pas bien la participation autochtone non plus.
Pendant l'élaboration du Partenariat canadien pour l'agriculture, nous nous sommes efforcés de tirer des leçons de Cultivons l'avenir 2 et de créer des politiques et des programmes qui renforcent le caractère inclusif du secteur. Nous ferons également un meilleur travail pour mesurer les résultats et les répercussions de nos programmes.
Lorsque les partenaires fédéraux, provinciaux et territoriaux ont rédigé l'Accord-cadre multilatéral du Partenariat canadien pour l'agriculture avec les provinces et les territoires, ils ont tenu compte d'entrée de jeu des groupes sous-représentés, dont les peuples autochtones.
Des programmes fédéraux et à coûts partagés favorisent la participation autochtone par le Partenariat canadien pour l'agriculture. Bon nombre d'entre eux s'adressent spécifiquement aux collectivités autochtones et offrent des outils pour favoriser leur participation dans le secteur. Par exemple, la Colombie-Britannique a un programme de développement de l'agriculture autochtone financé par le Partenariat canadien pour l'agriculture. Les provinces et les territoires ont également des programmes qui ne relèvent pas de ce partenariat et nous collaborons avec nos partenaires provinciaux et territoriaux dans le but de mieux comprendre leurs programmes et leurs politiques.
Dans le cadre du Partenariat canadien pour l'agriculture, nous avons élaboré Agri-diversité, programme quinquennal de 5 millions de dollars pour financer directement la participation des groupes sous-représentés, y compris les peuples autochtones, dans le secteur. Le programme favorise le développement des compétences, du leadership et de l'esprit d'entreprise. À ce jour, deux projets dirigés par des Autochtones ont été approuvés. Le programme appuie des activités dirigées par le Conseil pour l'avancement des agents de développement autochtones et le Northern Farm Training lnstitute dans les Territoires du Nord-Ouest.
AAC fait maintenant davantage d'efforts pour mesurer ses progrès en matière de participation des peuples autochtones aux programmes exclusivement fédéraux du Partenariat canadien pour l'agriculture. Les demandes reçues jusqu'à maintenant vont de la prestation de services de planification d'entreprise et de gestion financière pour aider les peuples autochtones à démarrer ou à agrandir une exploitation agricole, à la réalisation de projets pilotes de culture d'aliments traditionnels en serre et dans des jardins communautaires, en passant par le transfert de connaissances aux femmes et aux collectivités autochtones.
Nous avons également mis sur pied l'Initiative sur les systèmes agricoles et alimentaires autochtones. Cette initiative quinquennale de 8,5 millions de dollars vise à augmenter les possibilités de développement économique pour les peuples autochtones en renforçant leur capacité à se tailler une place et à réussir dans le secteur agricole. Cette initiative est mise en oeuvre grâce au soutien financier et logistique d'AAC et de l'initiative des partenariats stratégiques du gouvernement fédéral dirigée par le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord du Canada.
Au cours de nos consultations, on nous a dit qu'il peut être difficile de parcourir les offres de programme d'AAC. Nous avons donc créé et lancé le service Explorateur pour les Autochtones en 2018. Il s'agit d'un service qui offre un soutien personnalisé et individuel pour aider les Autochtones et les organisations autochtones à créer des possibilités dans le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
Concernant les travaux à venir, le ministère collabore avec des partenaires métis pour élaborer une stratégie de sensibilisation à la culture des Métis. Nous continuerons de travailler avec l'Assemblée des Premières Nations et d'autres organisations autochtones nationales afin qu'elles puissent établir une stratégie agricole des Premières Nations. Nous continuerons d'examiner différents moyens de soutenir les initiatives sur la sécurité alimentaire dans le Nord. Nous travaillerons avec d'autres ministères pour mieux comprendre le contexte des programmes fédéraux. Nous établirons un dialogue fédéral-provincial-territorial sur les politiques et les programmes autochtones.
Je vous remercie de nouveau de me donner l'occasion de discuter de cette question avec vous aujourd'hui.
Je vais maintenant céder la parole à Brian Gray qui vous expliquera les programmes d'application interne.
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Merci, Tom. Merci, monsieur le président.
Avant de commencer, j'aimerais saluer l'aîné Mervin Traverse. Il est membre de la Première Nation ojibwée de Lake St. Martin et parle le saulteaux, une langue ancestrale. De plus, il agit à titre de premier aîné d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Il pourra répondre à vos questions sur son rôle.
Comme Tom l'a mentionné, notre ministère compte plusieurs directions générales qui appuient diverses initiatives axées sur les Autochtones. À la base de ce travail, on retrouve le besoin d'accroître la capacité de notre ministère de travailler efficacement avec les peuples autochtones, que ce soit à l'externe avec les partenaires autochtones ou à l'interne avec les collègues autochtones. En 2017, le Bureau d'aide et de sensibilisation aux Autochtones a été créé afin d'accroître notre capacité à mener à bien ce travail. Il a joué ce rôle en menant diverses activités, notamment, appuyer le recrutement et le maintien en poste d'employés autochtones au ministère; offrir des services aux aînés à temps plein; élaborer une série de séances de sensibilisation aux cultures autochtones adaptées au ministère; et appuyer les projets de recherche et les partenariats avec les communautés autochtones.
[Français]
Il faut déployer des efforts constants à long terme pour recruter et maintenir en poste des employés autochtones à AAC. Par conséquent, l'Initiative de recrutement d'étudiants autochtones a été lancée en février 2016 afin de permettre aux étudiants autochtones de découvrir les possibilités de carrières dans la fonction publique, d'encourager ces derniers à poursuivre leurs études et à faire carrière, plus particulièrement dans les domaines des sciences et des technologies où les Autochtones ont toujours été et continuent d'être sous-représentés.
Depuis son lancement, cette initiative a permis de recruter 103 étudiants. Un grand nombre d'entre eux ont continué de travailler à temps partiel pendant l'année scolaire, dans la mesure où le travail ne nuisait pas à leurs études.
[Traduction]
Notre ministère mène d'importantes activités de sensibilisation pour mieux faire connaître l'Initiative de recrutement d'étudiants autochtones au sein des collectivités autochtones, ce qui se fait de diverses façons: présentations aux centres d'amitié, présence aux salons de l'emploi, visites communautaires, etc. Grâce à ces efforts, environ 3 500 étudiants autochtones ont été consultés au sujet de notre initiative jusqu'à présent.
Une fois embauchés, les étudiants se voient offrir un soutien dans le cadre des nombreuses activités du Cercle de réseautage des employés autochtones du ministère, l'un des cinq réseaux sur la diversité des employés du ministère. Chaque réseau a un sous-ministre adjoint champion, et je suis le champion du Cercle de réseautage des employés autochtones.
Le Cercle de réseautage des employés autochtones est un service de réseautage et de soutien à l'intention des employés et des étudiants autochtones ainsi qu'une plateforme visant à mieux sensibiliser les gens aux peuples autochtones et à leurs cultures et à les faire connaître davantage. Le travail du Cercle se fait selon trois grandes priorités: mieux faire connaître les cultures des Premières Nations, des Métis et des Inuits; favoriser le recrutement, le maintien en poste et le perfectionnement professionnel des employés et étudiants autochtones; et organiser des activités culturelles pour tous les employés.
J'aimerais maintenant parler du rôle de l'aîné Traverse au sein du ministère.
AAC est le premier ministère fédéral à avoir un aîné à temps plein au sein de son personnel. Depuis que l'aîné Traverse s'est joint à nous, d'autres ministères envisagent de faire la même chose. M. Traverse a des racines dans la fonction publique, ayant travaillé pendant plus de 28 ans à l'Agence canadienne d'inspection des aliments avant de joindre nos rangs en septembre 2016.
Le rôle de l'aîné Traverse dans notre ministère comporte quatre grandes responsabilités: fournir une perspective autochtone au sein du ministère; assurer la liaison avec les Autochtones, c'est-à-dire contribuer à l'établissement de partenariats avec les collectivités et les entreprises autochtones; offrir un soutien culturel et émotionnel à tous les employés autochtones du ministère; et mieux sensibiliser les gens à la culture autochtone au sein du ministère dans le cadre de diverses séances de sensibilisation à la culture offertes à tous les employés.
La présence de l'aîné Traverse a grandement contribué aux efforts accrus que consent le ministère pour se réconcilier avec les peuples autochtones, et c'est l'une des principales raisons pour lesquelles le ministère a été reconnu par Mediacorp et le Globe and Mail comme l'un des meilleurs employeurs du Canada en matière de diversité au cours des deux dernières années.
[Français]
Le prochain sujet que j'aimerais aborder est l'élaboration d'une série de séances de sensibilisation aux cultures autochtones adaptées au ministère. Le catalyseur de cette initiative est l'appel à l'action no 57 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, qui demande à tous les gouvernements canadiens de fournir du perfectionnement professionnel et de la formation aux fonctionnaires sur l'histoire et les cultures des Premières Nations, des Métis et des Inuits.
Cette série comprendra des possibilités d'apprentissage officielles et informelles, notamment des ateliers, des cours, des vidéos, des livres, une série de conférences et des séances de sensibilisation aux cultures autochtones. Certaines de ces possibilités, comme la série de conférences et les séances de sensibilisation aux cultures, sont déjà offertes alors que d'autres sont en cours d'élaboration. La majeure partie des activités d'apprentissage sera axée sur l'agriculture et les besoins cernés au sein du ministère.
[Traduction]
Enfin, nous appuyons des projets de recherche et des partenariats avec les communautés autochtones. Le Bureau d'aide et de sensibilisation aux Autochtones travaille à élaborer du matériel d'apprentissage pour nos scientifiques qui prévoient collaborer avec des partenaires autochtones, et il organisera un atelier ce printemps pour la série de séances.
Une employée du ministère, Emily McAuley, biologiste et membre de la Première Nation du lac Manitoba, fait un excellent travail à titre de première scientifique de liaison autochtone d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Dans ce nouveau rôle, elle facilite la collaboration scientifique entre les partenaires autochtones, nos propres chercheurs de la Direction générale des sciences et de la technologie et les experts externes.
En 2018, la Direction générale des sciences et de la technologie a également ajouté une nouvelle priorité à un appel interne de propositions qui met en concurrence nos scientifiques. On les a mis au défi d'élaborer des propositions contribuant à comprendre et à soutenir les systèmes de culture des peuples autochtones. Notre direction générale mène également plusieurs projets auxquels participent des collaborateurs autochtones, notamment l'Initiative des laboratoires vivants et d'autres projets, comme ceux des trois soeurs, des airelles rouges et du thé du Labrador.
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Tout le monde peut consulter les chiffres. Dans un pays aussi riche que le Canada, le niveau d'insécurité alimentaire chez les populations autochtones est consternant.
Nous avons eu une réunion là-dessus. Nous avons entendu le témoignage de Jamie Hall, du Indian Agricultural Program de l'Ontario. Il a dit qu'au Canada, les gouvernements fédéral et provinciaux n'offrent pas vraiment de soutien direct aux agriculteurs autochtones du pays.
Je suis l'élaboration de la politique alimentaire. Je me rappelle de consultations menées dans ma propre circonscription en 2017 — nous sommes maintenant en 2019 —, et je me rends compte que la politique sera très complexe compte tenu de la diversité au pays et des nombreux aspects dont il faut tenir compte.
Pour ce qui est plus précisément de l'agriculture autochtone, compte tenu des chiffres graves que nous avons actuellement et des témoignages déjà entendus selon lesquels il n'y a pas beaucoup de soutiens d'ordre national, comment vous attendez-vous à ce que la politique oriente le ministère à l'avenir? Comment les programmes agricoles dont vous êtes responsables pourront-ils remédier rapidement à ce problème à l'aide d'étapes concrètes?
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Grâce à la politique alimentaire et à d'autres changements à nos programmes actuels, nous espérons être en mesure de mieux soutenir l'agriculture autochtone au Canada.
Depuis seulement un ou deux ans, nous commençons à mettre sur pied des programmes qui visent pour la première fois directement la participation autochtone en agriculture, ainsi qu'une participation accrue en agriculture et en agroalimentaire d'autres groupes sous-représentés.
Quand on parle de la politique alimentaire et de la sécurité alimentaire, particulièrement dans le contexte des collectivités nordiques et éloignées, on entend constamment une forte préférence pour une souveraineté et une sécurité alimentaires accrues dans les collectivités, plutôt que de simplement rendre les aliments de l'extérieur, du Sud, moins cher et plus facilement accessibles.
Brian peut peut-être en parler. Je sais que nous avons déjà des partenariats avec les collectivités autochtones en matière d'agriculture verticale, de congélateurs communautaires et ainsi de suite. Une fois de plus, dans les collectivités nordiques et éloignées, une souveraineté alimentaire accrue signifie souvent sans aucun doute un meilleur accès aux aliments traditionnels.
Nous prenons déjà des mesures à cette fin. Je m'attends à ce que nous les déployions davantage lors de la mise en oeuvre de la politique alimentaire, mais nous reconnaissons également que c'est un cheminement, pas une destination. Nous nous réjouissons d'une partie des progrès réalisés, mais nous sommes conscients que le cheminement sera long.
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J'ai mentionné dans mes observations liminaires notre appel de propositions pour travailler avec les collectivités autochtones. L'un des appels portait sur la production agricole durable dans le Nord, en se rendant dans les collectivités pour trouver de possibles moyens traditionnels de produire des aliments locaux. De plus, cette idée d'agriculture contenue, la serriculture dans le Nord, est encore en cours d'élaboration. Ce n'est pas répandu, et nous sommes donc en train de nous pencher là-dessus.
Nos scientifiques ont trouvé des collectivités intéressées par la mise au point conjointe de cette technologie. Nous sommes à l'étape de la lettre d'intention. Nous n'avons pas encore décerné les projets, mais nous avons quelques collectivités nordiques à cette fin.
Une technologie vise à allonger la saison de croissance. On peut penser à des variétés ou à des techniques utilisées à l'extérieur pour allonger la saison de croissance des aliments, des végétaux; et l'autre technologie serait l'idée d'agriculture contenue. Ce sera analogue à une serre, sans en être une. Ce serait tout simplement totalement contenu.
L'un des plus grands défis dans une collectivité non desservie par le réseau de distribution d'électricité est de trouver des technologies propres et durables à cette fin. Les réseaux universitaires en sont conscients, et nous cherchons également à former des partenariats avec eux.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence.
Je veux également remercier les analystes qui ont fait du bon travail en nous présentant un mémoire sur l'agriculture autochtone.
C'est un portrait que j'ai vu — cela ne m'a pas étonné, mais j'aimerais en apprendre davantage. Vous n'avez peut-être pas les réponses, mais je pense qu'il serait intéressant pour nous de comprendre. Cela se rapporte au revenu agricole des collectivités non autochtones, par rapport à celui des collectivités autochtones et métisses. Je sais, par exemple, que les agriculteurs non autochtones mettront surtout l'accent sur les oléagineux et le grain, tandis que les Premières Nations se concentreront surtout sur d'autres cultures, la sève d'érable et ainsi de suite.
Savons-nous, en fonction de ces chiffres, si d'autres cultures sont également axées sur l'exportation?
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Monsieur le président, je vais me tourner vers mes collègues. Je ne sais pas si je connais les chiffres auxquels le député fait allusion. Je serais certainement curieux de les voir.
Ce que nous savons sur l'agriculture autochtone, c'est que nous parlons de diverses choses. Au Canada, des Autochtones dirigent de très grandes exploitations agricoles sophistiquées qui seront axées sur les exportations. Cependant, dans bien des cas, l'agriculture autochtone se fait naturellement à plus petite échelle. Nous allons parfois être orientés vers un niveau communautaire accru de sécurité et de souveraineté alimentaires.
Nous parlons d'une gamme. Il existe sans aucun doute des exploitations agricoles autochtones très axées sur le secteur des exportations, mais beaucoup d'autres sont plus petites et servent davantage à répondre à la demande locale.
J'invite Jane, Brian ou Mervin à ajouter quelque chose, s'ils le souhaitent.
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Une fois de plus, la recherche et développement porte sur certains aspects.
L'un des projets en cours est le projet de l'airelle rouge. Ce qui ressemble le plus à l'airelle rouge, c'est la canneberge, mais l'airelle se trouve toutefois sur les hautes terres. On en trouve partout dans la forêt boréale, mais pour une raison ou une autre, l'airelle rouge du Nord du Manitoba semble avoir les meilleures qualités antioxydantes.
Des scientifiques se penchent là-dessus. Mervin a aidé à faciliter la participation communautaire au Nord de la province. Les collectivités cueillent ces airelles rouges pour déterminer lesquelles ont des propriétés hautement antioxydantes et s'il est possible de les cultiver. Si c'est le cas, certaines de ces collectivités nordiques auront une excellente occasion de créer un produit qui pourrait selon moi être hautement rentable à exporter.
Les scientifiques de notre centre à Saint-Hyacinthe se sont penchés avec une collectivité autochtone et une entreprise au Québec sur un projet de thé du Labrador. Encore une fois, ils ont étudié les valeurs médicinales de la plante pour établir le niveau de certification. On a créé une boisson concentrée en collaboration avec nos scientifiques. On en est maintenant aux dernières étapes précédant la mise en marché et on envisage l'exportation.
C'est davantage le genre de cultures traditionnelles sur lesquelles on se penche.
Il y a également le projet communautaire dont Tom a parlé. On crée du pemmican, qui est un aliment traditionnel. On sèche la viande, on la réduit en poudre et on la mélange avec d'autres choses pour créer le pemmican le plus sain qui soit. Si on donne suite au projet, il pourrait également être possible d'exporter le produit.
Je pense que la façon d'aborder la question est importante. J'ai mentionné d'entrée de jeu l'importance de travailler avec la collectivité. Cela signifie qu'il faut s'y rendre, en trouver une qui s'intéresse à ce genre de choses, s'asseoir avec les membres pour réfléchir et trouver exactement ce qu'ils cherchent. Est-ce l'autosuffisance alimentaire de leur collectivité ou l'exportation d'un produit dans le Sud ou à l'échelle internationale? Comme la plupart de ces collectivités n'ont pas de programme actif, il faut travailler avec leurs membres et notre équipe de recherche et développement pour voir si ces choses sont possibles, qu'il soit question de faire pousser quelque chose à l'intérieur ou à l'extérieur.
C'est ici que nos appels de propositions entrent en ligne de compte. Ils sont différents, car nos scientifiques disent qu'ils ont trouvé une collectivité disposée à travailler avec nous. Nous voulons nous y rendre et commencer les discussions sur le travail qui les intéresse.
En général, je pense que notre approche dans le Nord, que ce soit à la limite forestière ou avec les Inuits, consiste à se rendre dans une collectivité et de découvrir ce qu'elle veut et ce qu'il lui faut. Elles ne sont pas prêtes à faire de l'agriculture ou ne le souhaitent pas, mais en trouvant celles qui sont intéressées, nous apprenons en travaillant et nous pouvons ensuite espérer que cela se répande.
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Je m'occupe de ce dossier, non seulement à l'échelle municipale, mais également ici depuis 13 ans. Au niveau municipal, on s'est penché sur la question de la présence de Premières Nations dans le secteur de l'agriculture. La capacité d'amener les jeunes Autochtones à poursuivre leurs études a toujours posé problème.
Pouvez-vous me dire combien d'entre eux font des études collégiales ou universitaires en agriculture? Je serai franc avec vous: aujourd'hui, je n'ai rien entendu à ce sujet. J'ai surtout entendu parler de la création d'une structure gouvernementale. À mon avis, c'est plutôt inquiétant. Que font les conseils locaux, les aînés locaux et les membres des bandes pour encourager les jeunes et leur expliquer qu'il est nécessaire de s'instruire? Se faire dire quoi faire par les gens au sommet ne leur suffit pas. Nous devons miser sur ces jeunes, qui partent du bas, afin qu'ils donnent l'exemple aux autres.
Pouvez-vous me dire quels sont les résultats en agriculture? Car, à notre époque — peu importe le secteur d'activités —, l'importance de l'innovation, de la technologie et de la gestion d'entreprise sera essentielle à la réussite. Je crois que ce sera un élément clé.
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Je ne peux pas parler des chiffres au niveau national, mais je peux vous donner quelques exemples à l'échelle locale.
Nous avons un grand centre de recherche et de développement à Lethbridge, en Alberta. La Première Nation de la tribu des Blood se trouve juste à côté du centre. Dans le cadre de notre initiative de recrutement d'étudiants, nous avons examiné, entre autres, les endroits où il y a des centres de recherche tout près des Premières Nations. En raison de leur proximité à notre centre, les enfants de ces collectivités n'ont que de courtes distances à parcourir pour s'y rendre.
À Summerland, en Colombie-Britannique, près de Penticton, notre centre est littéralement entouré par la Bande indienne de Penticton. À Agassiz, la Première Nation de Seabird Island se trouve des deux côtés de notre ferme de recherche, et j'en reviens à la tribu des Blood. Quand nous avons lancé ce programme, il y a des activités agricoles au sein de ces trois Premières Nations. Nous n'avions aucun étudiant, et seul un très petit nombre de nos employés étaient membres de ces Premières Nations. Nous avons parlé avec les chefs et le conseil, et notre proposition les a intéressés. C'est ainsi que nous avons inclus des étudiants dans notre programme de recrutement. En tout cas, ce que vous avez dit au sujet de l'éducation est très important.
En recrutant des étudiants qui se trouvent déjà dans le système universitaire, nous atteignons un objectif facilement accessible. Il faut savoir comment amener les enfants de la collectivité à s'intéresser à l'agriculture ou, d'ailleurs, à n'importe quel domaine des sciences ou des technologies, et cela se fait par l'intermédiaire des étudiants qui font partie de notre programme — nous les appelons des ambassadeurs. Ils retournent dans leur collectivité et s'entretiennent avec les jeunes de leur âge. Comme nous sommes plus âgés qu'eux, ces jeunes sont plus susceptibles d'écouter quelqu'un qui a plus ou moins le même âge qu'eux. Nos étudiants se rendent donc dans la collectivité et parlent de ce merveilleux programme éducatif. Cela mène à des emplois.
:
Cela termine ce tour de questions, mais avant de continuer, je vais me permettre d'en poser quelques-unes.
[Traduction]
Nous venons d'établir que les Premières Nations possèdent beaucoup de terres sur leurs territoires. Je suis curieux: leur avons-nous demandé quelle sorte d'activités agricoles elles souhaitent y mener? Veulent-elles des activités agricoles de type commercial, comme celles qui existent en ce moment, la céréaliculture, l'élevage, etc.?
Par ailleurs, en ce qui a trait à l'éducation, avons-nous tenté de recueillir les connaissances traditionnelles et les méthodes traditionnelles de culture et de cueillette d'aliments? On parle de bison, de caribou, de plantes comme le thé du Labrador. Allons-nous dans cette direction? Je crois que c'est également très important.
:
Nous reprenons la séance.
[Français]
Au cours de la deuxième heure de notre réunion, nous accueillerons M. Vincent Lévesque, qui est le fondateur de la Société agroalimentaire des produits du terroir autochtone, et M. Michel Gros Louis, qui en est le directeur.
[Traduction]
Nous accueillons également Mme Jackie Milne, présidente du Northern Farm Training, qui se joint à nous par vidéoconférence.
Nous allons commencer par une déclaration préliminaire de sept minutes.
[Français]
Monsieur Gros Louis, vous avez la parole.
:
Kwe. Je m'appelle Michel Gros Louis et je suis un Huron-Wendat de Wendake.
Je vais vous présenter la Société agroalimentaire des produits du terroir autochtone, la SAPTA, qui est établie au Québec et qui a été fondée en 2014. Cependant, j'aimerais d'abord vous présenter rapidement mon parcours professionnel. J'ai travaillé pendant 30 ans en agroalimentaire, en science et en technologie au Centre de recherche et de développement de Saint-Hyacinthe. J'ai pris ma retraite en 2016. En 2018, j'ai été nommé directeur général. Au cours des dernières années, j'ai travaillé en tant que facilitateur dans le domaine de l'agroalimentaire autochtone au Québec. Un rapport a été publié en 2013 sur la production agricole et agroalimentaire autochtone au Québec. Ce document, qui a été distribué, décrivait la situation au Québec. Je ne peux pas parler pour les autres provinces.
Cela faisait suite à l'initiation à l'agriculture autochtone, qui avait lieu pendant ces années-là. Je me demandais pourquoi le Québec ne faisait pas partie de ce programme. Il y avait un projet en Colombie-Britannique, un autre en Ontario et un autre encore en Saskatchewan. J'ai été mis à contribution. En effet, on m'a demandé de faire un portrait de l'agriculture autochtone au Québec, pour autant que cela existait. Rappelons qu'en 1910 à Kahnawake il y avait 1000 agriculteurs, mais que 100 ans plus tard, soit en 2010, il n'y en avait que cinq ou six. C'est donc dire que la situation s'est détériorée au Québec. Il y a eu beaucoup de problèmes, mais pas le moindre appui.
Le but de la SAPTA est de valoriser les produits du terroir autochtone. Ces produits sont nombreux. En matière d'appui à la recherche scientifique et à l'innovation relatives aux produits du terroir autochtone, nous avons encouragé un projet avec les Mohawks qui porte sur le maïs lessivé et la soupe au maïs. Il y a aussi le thé du Labrador, bien entendu, qui a fait l'objet d'un projet de recherche et d'innovation mené au Centre de recherche et de développement. M. Vincent Lévesque en parlera plus longuement. Je m'intéresse beaucoup à l'eau de bouleau, qui a un potentiel énorme. Il y a aussi les petits fruits, la chicoutai. Il y a beaucoup de produits.
Il y a eu également le projet des « Trois Sœurs », qui s'est déroulé entre 2015 et 2018 et que la SAPTA a parrainé avec la Direction générale des sciences et de la technologie d'Agriculture Canada. Un rapport qui a été publié au printemps 2018 s'intitule « Three Sisters value-chain: characterization of attributes and functionalities of aboriginal corn, squash and bean varieties, preservation of genetic material and prefeasibility of new culture models ». J'ai aussi été engagé au cours des dernières années pour faire l'inventaire de la collecte des semences traditionnelles chez les Iroquois qui cultivaient les dernières espèces. Ce projet d'Agriculture Canada visait la protection des semences du patrimoine mondial dans le cadre de l'Accord de Paris.
Je vais maintenant aborder l'aide aux agriculteurs et à l'agroalimentaire autochtones en collaboration avec le gouvernement pour la création de programmes. La situation, pour ce qui est des programmes, est très difficile au Québec. Il n'y a pratiquement aucun soutien. Un cultivateur autochtone a perdu ses 2000 pommiers. Il avait 35 ans et 2 mois et l'âge limite pour être admissible à ce programme était de 35 ans. Beaucoup de problèmes auxquels nous faisons face sont soulevés dans le rapport. Les problèmes sont nombreux. Nous ne recevons aucune aide, peu importe le domaine. C'est également le cas des agriculteurs. Il y a eu beaucoup de pertes.
Pour ce qui est des membres fondateurs, il y a Charly Jacob, de Kahnawake. Il y a trois nations gardiennes des semences traditionnelles. Ces gens ont un projet qui porte sur le maïs traditionnel pour la soupe. Julie Landry, qui est Abénakise, veut fonder une ferme-école pour venir en aide à de jeunes Autochtones en faisant des cultures traditionnelles. Bien entendu, il y a Vincent Lévesque et les produits Terre de l'aigle, les plantes médicinales, les huiles essentielles, le thé du Labrador, et ainsi de suite.
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Kwe. Je vais poursuivre dans le même sens que M. Gros Louis.
Mon nom est Vincent Lévesque et je suis membre de la nation huronne-wendat. À la base, je suis un homme de communications qui a une formation en science politique de l'Université Laval. Je travaille maintenant en agroalimentaire, ce qui prouve qu'on ne sait jamais où on s'en va quand on étudie en science politique.
Je connais le secteur du développement économique et je crois au potentiel des Premières Nations. Parce que je crois en une vision de développement économique et de travail et pour inspirer de la fierté aux Premières Nations, j'ai créé sur une période de 20 ans des réseaux et un répertoire d'affaires des communautés autochtones du Québec, des Prairies et du Canada, que j'ai vendu en 2008.
En parallèle, j'ai mis sur pied une entreprise qui s'appelle Les produits autochtones Terre de l'aigle, qui développe des encens traditionnels et qui collabore avec des hommes de médecine traditionnels. Nous avons développé une expertise en production d'huiles essentielles et en macération de plantes et avons créé des synergies médicinales. Je travaille aussi en partenariat avec un homme de médecine innu de 74 ans, guérisseur de troisième génération, qui m'en apprend beaucoup. Dans mon entreprise Terre de l'aigle, j'ai fusionné le moderne avec la tradition, avec un laboratoire en bas et l'homme de médecine en haut, qui prescrit différentes plantes.
Comme exemple de synergie médicinale, je prends le thé du Labrador, avec lequel nous avons beaucoup de succès. Il sert environ à 70 utilisations et il est reconnu mondialement pour soigner l'hépatite et le cancer, en plus de stimuler le système immunitaire. J'ai créé un concentré liquide qui est encore plus puissant, et nous en avons fait une version en poudre avec l'aide du Centre de recherche et de développement de Saint-Hyacinthe. Notre entreprise est apparemment la première à faire appel à l'usine pilote du Centre de recherche. Je travaille à ce projet avec le Centre depuis sept ans et je remercie beaucoup Agriculture et Agroalimentaire Canada de m'avoir aidé.
C'est M. Gros Louis qui m'a mis en contact avec les personnes nécessaires, parce qu'il est assez compliqué pour un petit entrepreneur autochtone de faire avancer ses projets au sein d'une grande structure. On m'a aidé et mon projet a été accepté. Nous avons connu beaucoup de succès en laboratoire. En parallèle, j'avais pour objectif de créer un réseau de cueilleurs autochtones de thé du Labrador, partout au Canada au besoin. Nous voulions commencer par le Québec pour mieux faire connaître cette plante. J'ai donc rencontré des représentants de compagnies comme Oasis pour établir des cibles pour mon concentré liquide, qu'ils ont bien aimé. Par contre, ils m'ont demandé combien coûteraient 8 000 litres de ce concentré et je n'ai pas pu leur répondre parce que je n'étais pas encore capable d'en produire autant. Je me suis alors mis à travailler avec l'usine pilote du Centre de recherche et de développement de Saint-Hyacinthe, ce que je fais depuis sept ans.
En parallèle, nous avons fondé la Société agroalimentaire des produits du terroir autochtone, la SAPTA, pour établir une vision à long terme pour notre futur réseau et y inclure tous les gens nécessaires. C'est un peu complexe au Québec en raison des problèmes de langue et du fait que les communautés sont situées davantage sur des territoires forestiers. Elles ne pratiquent donc pas le même type d'agriculture que les Mohawks, qui ont plus de terres pour cultiver du maïs.
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Je tiens à vous remercier de m'avoir invitée à témoigner devant le Comité. Je vous parle depuis Hay River, dans les Territoires du Nord-Ouest. Je suis la fondatrice du Northern Farm Training Institute. Je suis une Métisse. Je suis mariée et mère de trois enfants. Mon parcours m'a permis de prendre conscience de la nécessité de bâtir des installations et de contribuer aux solutions afin de régler le problème d'insécurité alimentaire dans le Nord.
Ce qui aggrave la situation, c'est que nous n'avons pas de compétences locales en matière de production alimentaire locale, dont nous avons besoin pour compléter les systèmes de récolte d'espèces sauvages au sein de nos collectivités autochtones et isolées. À l'heure actuelle, nous avons un complexe agricole fonctionnel de 260 acres à Hay River, qui est la plus grande exploitation agricole dans les Territoires du Nord-Ouest. Nous avons réussi à former 250 membres des Premières Nations et d'autres personnes en provenance de 33 collectivités différentes.
Nos étudiants ont déjà commencé à construire des jardins dans leur collectivité, à créer de petites exploitations agricoles et à apprendre aux autres comment produire des aliments locaux.
Si notre programme a été couronné de succès, c'est grâce à sa structure unique et à notre expérience authentique en matière d'enseignement et de production d'aliments dans des endroits isolés. Ainsi, nous savons comment produire des légumes locaux durables qui sont adaptés au contexte du Nord, ainsi que des viandes locales, et nous comprenons comment favoriser l'autonomie des peuples autochtones du Nord. Cela aide à renforcer la confiance. Nous misons sur la formation pratique et l'apprentissage par l'expérience. Les gens doivent non seulement apprendre toute la gamme de méthodes pour cultiver des aliments, mais ils doivent aussi savoir comment créer une entreprise et accéder aux fonds nécessaires.
Notre complexe agricole est adapté aux besoins et comporte des systèmes pour nourrir 200 personnes dans le contexte des collectivités éloignées du Nord. Il s'agit d'une exploitation axée sur une gamme complète d'activités. À quoi cela ressemble-t-il?
Nous sommes aux prises avec une pénurie de producteurs et d'enseignants compétents au sein de nos collectivités isolées, mais il y a une façon rapide de remédier à cette situation. Nous devons donner aux gens locaux les moyens nécessaires pour rétablir leurs systèmes alimentaires en fonction de ce qu'ils veulent, en renforçant les capacités directes, et amener les Autochtones à diriger de nouveaux centres de formation et de soutien qui portent sur le thème de la nourriture. Il peut s'agir d'aliments cultivés localement ou d'aliments prélevés dans la nature. Nous avons besoin de ces deux systèmes pour qu'ils se complètent mutuellement.
Le Canada compte plus de 600 collectivités autochtones qui sont souvent gérées par des bandes. Nous avons mis l'accent sur les collectivités les plus vulnérables et les plus isolées, mais nous avons également une vision nationale. Nous croyons être en mesure d'assurer un système.
Nous nous sommes dit que nous pourrions bâtir 50 centres de formation qui seraient également des centres de production alimentaire, et nous les appellerions des centres d'apprentissage « de la terre ». Chaque centre aurait besoin d'une équipe de base de quatre à six personnes chargées de diriger l'installation, d'enseigner et de produire les aliments. Ces petits centres pourraient répondre aux besoins de 10 à 15 collectivités régionales avoisinantes.
D'après notre expérience, en raison de l'isolement, l'utilisation de systèmes peu mécanisés sur des fermes axées sur le jardinage biointensif permet de nourrir 10 personnes. Nous avons déjà fait le calcul. Au Canada, où il y a 1,6 million d'Autochtones, si notre objectif est d'atteindre 10 % de la population et de renforcer leurs compétences alimentaires — les compétences liées aux aliments prélevés dans la nature et celles liées aux aliments cultivés localement —, nous devons nous concentrer là-dessus. Ainsi, dans cinq ans, nous pourrions favoriser l'autonomie de 30 000 personnes dans l'ensemble des collectivités les plus vulnérables.
Il ne s'agit pas d'un programme d'études conventionnel. Nous pourrions accélérer la procédure parce qu'il y a lieu de réduire la durée des programmes et de donner des cours en fin de semaine. Nous pouvons accueillir des jeunes, des personnes âgées, des hommes, des familles, des femmes, et aborder un large éventail de sujets: jardinage, élevage, pêche, compétences liées à la récolte d'espèces sauvages. Une fois établis, ces centres de formation pourront même contribuer à leur propre stabilité financière parce qu'ils seront en mesure de vendre leurs produits. Les options sont nombreuses.
Nous avons calculé les scénarios financiers dont nous aurions besoin pour mettre en place ces centres de formation. Nous avons des suggestions même sur la façon d'accéder à du financement de Nutrition Nord afin d'investir dans l'infrastructure essentielle qui doit être construite pour gérer les systèmes alimentaires nationaux. Nous savons que nous vivons une grave situation de crise au Canada. Je vous parle depuis le Nord. Je me rends dans des collectivités éloignées. C'est un problème de taille qu'il nous faut régler immédiatement. Nous avons besoin de financement fédéral pour appuyer directement les solutions chez nous.
Malheureusement, les efforts sont dilués et inefficaces depuis des décennies à cause de la façon dont l'administration se fait par l'intermédiaire du gouvernement régional. Je suis certaine que nous pouvons remédier à la situation.
Nous avons un plan décennal pour rétablir la stabilité et l'autonomie alimentaires dans les communautés autochtones à la grandeur du Canada. Nous savons que nous pouvons le faire, mais nous avons seulement besoin de votre aide. Nous le faisons déjà. Nous estimons pouvoir construire des systèmes alimentaires complets qui auront des répercussions profondes et durables sur le bien-être, la santé et l'économie des Autochtones. Nous devons encourager les systèmes alimentaires gérés en autonomie à l'échelon local. Cette façon de faire fonctionne déjà. Je suis ici pour vous le dire. Je suis ici parce qu'ils fonctionnent.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
En effet, la passion chez nos témoins, aujourd'hui, est assez évidente. Je les remercie d'être ici et de témoigner devant nous. J'ai tant de questions à poser que je vais certainement manquer de temps.
Ce document est extraordinaire, monsieur Gros Louis.
Dans le rapport, va-t-on pouvoir tenir compte de ce qui est dans ce document? On me dit que oui.
Il aborde un très grand nombre de questions. Je vais tenter de vous poser mes questions rapidement et je vais vous demander de me donner des réponses courtes.
Monsieur Gros Louis, à la suite du dépôt de ce rapport, où en sommes-nous?
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Au Québec, la situation est vraiment particulière. D'abord, nous n'avons pas de traités comme ceux qui existent dans l'Ouest et qui incluent une forme d'aide à l'agriculture. Il y a la Convention de la Baie-James avec les Cris, mais les autres nations n'ont pas de traités. Nous travaillons donc avec le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, dont les conditions ne sont pas flexibles et très difficiles à réaliser pour les Amérindiens.
Pour ce qui est des terres, il y a beaucoup de revendications, c'est certain, et il y a énormément de terres. Comme je le disais tantôt, il y avait 1 000 agriculteurs en 1910 à Kahnawake. Aujourd'hui, il y en a cinq ou six. Il n'y a aucune aide, que ce soit du fédéral ou du provincial, et les critères sont inaccessibles.
Pour notre part, au Québec, nous parlons de démarrage et non de relève. Certaines personnes ont de petits jardins communautaires. On y découvre encore des cultures traditionnelles étonnantes, dont des variétés très anciennes. Or les gens vivent de peine et de misère. Aucun programme ne nous aide vraiment. Il y a au moins la SAPTA qui nous garde en vie et aide ces gens.
Je dirais que le Québec est le parent pauvre en matière d'agriculture autochtone au Canada.
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Je peux vous parler brièvement des obstacles que j'ai rencontrés.
Je suis passé de la recherche en laboratoire, au Centre de recherche, à l'application en usine, et je n'ai jamais eu accès à l'atomiseur. Cela fait quatre ans et je n'ai jamais eu accès à un appareil pour obtenir un concentré en poudre, où l'eau est extraite par un processus d'atomisation ou de lyophilisation. Je n'ai pas encore accès à ces appareils. Il y a un problème d'accessibilité.
Il manque aussi de main-d'oeuvre, car des employés ont pris un congé de maladie. L'usine est en rénovation et cela prendra un an. Je suis bloqué. Je ne suis pas capable de mettre au point mon produit en usine. Je m'organise donc seul, à la guerre comme à la guerre, comme d'habitude. Je vais le faire, mon produit, et je vais faire travailler des Autochtones.
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Au sujet du financement en milieu autochtone, je suis en train de mettre sur pied une usine et d'acheter de l'équipement, mais il y a des problèmes. Étant donné qu'on ne peut pas saisir les biens des Autochtones vivant dans une réserve, ces derniers ne peuvent pas obtenir de prêts. Quand nous voulons obtenir du financement, on nous dit souvent d'acheter ce qu'il nous faut et qu'on nous remboursera par la suite. C'est souvent ainsi que fonctionnent les programmes. Il faut donc demander un prêt, mais comme nos biens ne sont pas saisissables, la garantie du prêt pose problème. On veut que nous nous incorporions, mais nous perdrions alors tous nos droits. Il y a plusieurs problèmes à cet égard.
Il y aurait peut-être d'autres façons de faire les choses. Par exemple, nous pourrions faire des paiements directs aux fournisseurs en guise de garantie. Cela nous permettrait d'éviter de demander un prêt-relais, qui coûte encore de l'argent et qui est compliqué, car cela met en cause trois paliers de gouvernement: le provincial, le fédéral et le conseil de bande.
Cela n'en finit plus. Le temps que nous obtenions l'accord de tous ces paliers de gouvernement, le gouvernement aura changé entretemps, le financement sera épuisé et tout sera à recommencer. C'est compliqué et cela ne va pas vite, quand on est dans les affaires. Cela fait sept ans. Je suis patient, mais je ne suis plus capable d'attendre. Je vais crever à force d'attendre.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Gros Louis, je veux poursuivre sur le même sujet dont vous avez discuté avec M. Berthold. Vous parliez de certaines des variétés anciennes de maïs, de haricots et de courges traditionnels.
Lorsqu'on se rend dans les supermarchés d'aujourd'hui, on n'y trouve que le maïs jaune et la citrouille orangée. En cultivant tous ces produits pour usage agricole, nous avons réduit les options offertes à nombre de Canadiens. Vous avez parlé du rôle que les Premières Nations ont traditionnellement joué en essayant de préserver ces variétés individuelles.
Je suis curieux. Pouvez-vous parler davantage du rôle important que jouent les Premières Nations pour s'assurer que ces variétés anciennes existent toujours? Voyez-vous des possibilités d'essayer d'amener certaines de ces magnifiques variétés de maïs — j'ai vu une photo sur votre site Web de toutes les couleurs que vous avez — dans le marché grand public? Je pense que nous passons à côté de bien des choses lorsque nous ne voyons que du maïs jaune dans les principaux supermarchés alors que vous avez presque toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Vous avez parlé de la grande valeur nutritive de certaines de ces variétés anciennes.
Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet, je vous prie?
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C'est une question qui demande une longue réponse. Pour demeurer bref, cependant, il existe des gardiens de semences chez les peuples iroquoiens en Ontario et au Québec qui, secrètement, maintiennent leurs semences en vie. Il faut qu'ils les cultivent. Il y a un nombre énorme d'espèces. Seulement en Amérique du Nord, il est dit qu'il existe 3 500 variétés de haricots, dont moins de la moitié est inventoriée. C'était mon premier exemple.
Le projet d'Agriculture et Agroalimentaire Canada était de faire le tour des communautés, d'étudier l'ADN des espèces, d'en dresser les caractéristiques et de les protéger. C'est une entente qui découle de l'Accord de Paris sur le climat, qui a rallié tous les pays du monde. Chez les Iroquoiens, ces produits du terroir sont encore cultivés et utilisés dans leur alimentation. Beaucoup d'agriculteurs autochtones veulent cultiver ces produits, mais, comme je le mentionnais plus tôt, il y a des problèmes. S'ils investissent tout dans une récolte, mais qu'elle est détruite par une sécheresse l'été, ils peuvent tout perdre si l'assurance-récolte ne s'applique pas aux produits biologiques. Ce problème se réglera peut-être avec le nouveau Partenariat canadien pour l'agriculture.
Je ne suis pas au courant pour le reste du Canada, mais il y a beaucoup de problèmes concernant l'agriculture autochtone au Québec, notamment en matière de financement. Comme je le mentionnais tantôt, je prends l'exemple d'un agriculteur de la communauté de Kanesatake, âgé de 35 ans et 2 mois et qui est père de cinq garçons. Il récupère 2 000 pommiers dans le cadre d'une revendication territoriale et va demander une subvention au ministère québécois de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. C'est alors qu'il se faire dire qu'il est trop vieux de 2 mois. Il se décourage, décide de tenter sa chance auprès du gouvernement fédéral, mais reçoit à peu près la même réponse.
Ces programmes ne sont pas flexibles. Or, il y a un mot d'ordre qui recommande de faire montre de flexibilité dans les programmes à l'intention des Premières Nations. Nous sommes des familles étendues. Si l'un de nous cultive une terre, sa tante, ses frères et ses cousins vont eux aussi en profiter. Nous travaillons tous ensemble. Pourtant, nous sommes considérés comme des cultivateurs non autochtones et des entreprises privées, alors que nous sommes des entreprises familiales ou communautaires. Il faudrait tenir compte de ces facteurs. Souvent, c'est le démarrage.
Il existe des produits extraordinaires à mettre sur les marchés amérindien, canadien et international, mais les Autochtones doivent avoir la possibilité de les cultiver. Cependant, les conditions actuelles sont défavorables pour ces cultures. Je ne connais pas la situation en Ontario, mais je parle ici du Québec, ainsi que des Maritimes, que je connais aussi. Si je commençais à énumérer tous les problèmes, il y en aurait énormément.
Les programmes, qu'ils soient provinciaux ou autres...
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Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins d'être avec nous aujourd'hui. J'ai beaucoup à apprendre des peuples autochtones. Malheureusement, il n'y en a ni dans ma circonscription ni dans ma région.
Je trouve toutes ces questions très intéressantes et je vous remercie de venir alimenter notre réflexion.
Il y a quelque chose de fondamental que je ne comprends pas. Je regardais les dernières statistiques qui ont été publiées au sujet des revenus des agriculteurs. Si l'on se base sur ces renseignements, un agriculteur non autochtone gagnerait en moyenne 70 000 $ en revenus bruts par année, contre de 20 000 $ à 26 000 $ pour un agriculteur autochtone, qu'il soit Métis ou membre des Premières Nations. C'est une énorme différence, selon moi, du simple au triple.
Chacun à votre tour, pourriez-vous nous indiquer les raisons et les facteurs qui expliquent cette différence? Qu'est-ce que le gouvernement du Canada pourrait faire de plus pour travailler avec vous et remédier à cet écart assez important, ou au moins le réduire?
Commençons par vous, monsieur Gros Louis.
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Cela aussi, c'est une bonne question.
Il est certain que l'intérêt était là. C'est une question d'aide. L'agriculture autochtone a subi le contrecoup des écoles résidentielles, de l'acculturation et de l'oppression. Il n'y avait pas vraiment de porte-parole pour aller chercher de l'aide ou des programmes gouvernementaux. C'est certainement une question qui pourrait faire l'objet d'une étude.
Le fait suivant reste: en 1910, il y avait plus de 1 000 agriculteurs autochtones, et aujourd'hui, il n'y en a plus que cinq ou six. Ce n'est pas par manque d'intérêt, au contraire. Dernièrement, ils ont récupéré certaines terres traditionnelles, comme on les appelle. De jeunes familles ont un intérêt immense pour l'agriculture et ont squatté un terrain pour en faire, sans avoir d'entente avec le conseil de bande. C'est à une petite échelle et ils essaient de s'en sortir.
Il est problématique de déterminer si c'est de gouvernance indienne ou non indienne et ce qu'en pensent les gens concernés. Il y a un désir énorme, mais il est très difficile de répondre à cette réponse complexe en deux minutes.
Néanmoins, les faits sont là. Il n'est pas normal qu'à Odanak, sur la réserve des Abénakis, il y ait eu plus de 2 000 vaches au début du siècle dernier et qu'il n'y en ait plus aujourd'hui. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'intérêt pour l'agriculture. L'histoire est à peu près la même à Kanesatake et un peu partout.