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Merci beaucoup, monsieur le président. C'est un plaisir pour moi de témoigner devant le Comité des finances. Au fil des ans, j'ai comparu devant vous à plusieurs reprises, alors il est toujours agréable de vous revoir.
L'« aide sociale aux entreprises » est une expression chargée que la majorité des économistes qualifieraient simplement de subventions aux entreprises. Les incitatifs fiscaux peuvent également être inclus puisqu'ils sont simplement une méthode de rechange pour offrir une aide, mais avec des répercussions différentes.
Pourquoi les gouvernements offrent-ils des subventions à des entreprises ciblées? Trois arguments peuvent être invoqués.
Premièrement, les entreprises ont tendance à sous-investir dans l'innovation si elles ne peuvent pas démontrer tous les revenus tirés de leurs activités, même si elles assument la totalité des coûts. Bien que les brevets protègent une part importante des revenus puisque d'autres entreprises doivent obtenir un permis pour les connaissances, certaines innovations sont très répandues et peuvent être utilisées par d'autres entreprises sans qu'elles doivent en assumer les coûts. Pour optimiser l'innovation, les subventions et les crédits d'impôt sont justifiés. Ce qu'il faut déterminer, c'est dans quelle mesure on devrait soutenir l'innovation. De toute évidence, si des brevets sont disponibles, il faut moins de soutien.
Deuxièmement, on a fait valoir qu'on devrait subventionner les industries naissantes où l'approche pédagogique, la portée et le risque peuvent décourager l'investissement. On ne sait pas trop pourquoi le marché ne peut pas soutenir une industrie naissante. Les grandes entreprises peuvent facilement investir des capitaux dans de nouveaux projets et assumer les risques elles-mêmes, et les investisseurs de capitaux de risque peuvent soutenir les petites entreprises également.
Troisièmement, un appui peut être offert si les petites entreprises ont du mal à mobiliser des capitaux de risque. Cet argument repose sur les asymétries de l'information qui surviennent lorsque des investisseurs de l'extérieur ne peuvent pas faire la distinction entre des entreprises de bonne ou de piètre qualité. Le résultat est que de bonnes entreprises sous-investissent dans les capitaux, puisque le coût du capital est trop élevé. Bien que de bonnes entreprises puissent soutenir qu'elles ont certaines forces, notamment un faible ratio de levier, pour les séparer des mauvaises entreprises, cela n'éliminera pas le problème des frais de financement élevés en raison de l'asymétrie d'information. La solution économique consiste à offrir des subventions ou des crédits d'impôt qui avantagent des entreprises plus dynamiques plutôt que subventionner l'équité, puisque la dernière option encourage trop d'entreprises de piètre qualité à accéder à l'industrie.
Sur le plan politique, les gouvernements offrent souvent des subventions aux entreprises simplement pour privilégier les activités jugées importantes. Ces subventions génèrent plutôt trois coûts économiques.
Le premier est une mauvaise affectation des ressources, puisque les capitaux sont subventionnés pour soutenir des entreprises à faible productivité qui devraient naturellement péricliter plutôt que pour soutenir celles qui offrent de belles perspectives. Un trop grand nombre de projets économiques médiocres sont alors soutenus, ce qui donne lieu à un ralentissement de la croissance économique. Bien que l'analyse des répercussions économiques soit souvent réalisée pour appuyer certains programmes de subventions en mesurant les gains d'emplois directs et indirects, ces études sont fondées sur de mauvaises hypothèses économiques, puisqu'elles tiennent pour acquis que les emplois indirects proviennent de ressources inutilisées — autrement dit, les gens sur les bancs publics —, alors qu'en fait, ils proviennent de secteurs productifs de l'économie.
Le deuxième est que les subventions aux entreprises pourraient faire augmenter la demande d'intrants et, par conséquent, le prix des intrants. L'incidence de crédits d'impôts pour des investissements dans l'industrie de la pêche, par exemple, peut être neutralisée par un prix des bateaux plus élevé. Peu d'activités peuvent être générées, voire aucune, en tant que propriétaires fonciers, et les capitaux ou la main-d'œuvre pourraient tenir compte de la valeur de la subvention par l'entremise de loyers, profits et salaires plus élevés.
Le troisième est que les subventions aux entreprises constituent un coût dans les budgets du gouvernement. Un gouvernement peut être obligé d'augmenter les impôts. Cela représente un coût — l'impôt des sociétés et les droits de cession immobilière assument le fardeau économique le plus lourd, suivis par l'impôt sur le revenu des particuliers, les taxes de vente et les impôts fonciers — ou la subvention est payée en réduisant d'autres dépenses, telles que l'éducation et la formation, ce qui pourrait produire un meilleur rendement pour la société.
Dans une publication récente, Elizabeth Pringle d'EY Canada fournit un examen des initiatives gouvernementales pour des entreprises ciblées, tirées d'une base de données internationale, wavteq. L'examen n'inclut pas les subventions massives, telles que les crédits d'impôt pour la recherche et le développement, mais il surveille les diverses annonces faites par les gouvernements pour appuyer des entreprises précises. Les subventions incluent les garanties de prêts, les subventions, les allègements fiscaux, les subventions pour la formation, etc.
Je vais utiliser la devise américaine, car c'est la devise qui est utilisée dans la publication. De plus, le taux de change fait monter ou descendre les montants de toute façon.
De 2014 à 2018, les gouvernements provinciaux et fédéral canadiens ont versé 5,2 milliards de dollars américains — ou à l'heure actuelle, environ 7 milliards de dollars canadiens — en mesures incitatives pour contribuer aux 31,6 milliards de dollars américains en dépenses en capital. C'est un taux de subvention de 14,9 % des dépenses en capital pour ces entreprises qui bénéficient de ces subventions.
Les subventions les plus importantes ont été versées au secteur de l'automobile —834 millions de dollars —, ce qui est presque le cinquième, suivi par les biens de consommation, avec 465 millions de dollars, et l'énergie non renouvelable, avec 391 millions de dollars. Les taux de subvention les plus élevés comme pourcentage des dépenses en capital étaient dans les biens de consommation, à 30 %, les appareils électroniques, à 25 %, les services, à 21 %, et les biens industriels, à 19 %.
Les subventions les plus importantes sont versées aux entreprises en Ontario et au Québec, soit 2,5 milliards de dollars en Ontario et 1,8 milliard de dollars au Québec, ce qui représente 82 % de toutes les subventions versées au Canada. Cependant, les taux de subvention les plus élevés sont à Terre-Neuve-et-Labrador, 57 %, et en Saskatchewan, 50 %, tandis que l'Alberta et le Manitoba ont les taux les moins élevés, 5 %, comme pourcentages de leurs dépenses en capital, ou CapEx.
Par rapport à d'autres pays, le Canada a un taux de subvention plus faible pour des entreprises particulières que le Brésil ou la République tchèque, mais nous avons un taux de subvention plus élevé que les États-Unis, à 10 %, l'Australie, à 10 %, ou le Royaume-Uni, à 4 %. Nous sommes à 15 %, comme je l'ai mentionné plus tôt.
Je pense que nous devrions nous demander si nos programmes de soutien aux entreprises sont logiques. Contribuent-elles à stimuler l'économie ou réduisent-elles la productivité? De nombreuses subventions sont versées aux entreprises qui pourraient être en difficulté ou qui ont un faible rendement économique. Le cas échéant, il serait préférable de réduire les dépenses et d'allouer des fonds pour un allégement fiscal général ou les dépenses des programmes, ce qui est le plus important pour la productivité.
Permettez-moi simplement d'ajouter quelques petites choses.
J'ai rédigé récemment un article sur les incitatifs fiscaux axés sur les capitaux propres. Ces incitatifs incluent des mesures comme un crédit d'impôt sur capital de risque relatif à un fonds de travailleurs, le régime d'épargne-actions du Québec, le crédit d'impôt à l'investissement de la Colombie-Britannique et le crédit d'impôt à l'investissement de l'Alberta.
Les théories prédisent que vous vous retrouveriez avec un trop grand nombre de mauvais projets qui entrent dans l'industrie. Les investisseurs ne portent pas vraiment attention au rendement économique parce qu'ils ne considèrent que les avantages fiscaux qu'ils en tirent. De plus, ils peuvent tirer des avantages fiscaux très importants, non seulement des crédits mais aussi des déductions au titre d'un REER, des actions accréditatives, des crédits pour dons de charité, entre autres, ce qui joue un rôle.
Ce que chaque étude a montré, c'est que le rendement économique — lorsque vous enlevez les avantages fiscaux — est presque nul. C'est la raison pour laquelle je m'oppose vivement à bon nombre de ces mesures incitatives fondées sur les capitaux propres. En fait, j'appuierais davantage les mesures incitatives fondées sur l'investissement telles que les subventions, les crédits d'impôt à l'investissement et le crédit d'impôt à la recherche et au développement, ce qui peut avoir des répercussions positives, à mon avis.
Merci.
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Merci, et merci de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Je suis Sue Paish. Je suis la première dirigeante de la Supergrappe des technologies numériques du Canada.
Comme de nombreux Canadiens, vous vous demandez sans doute qui nous sommes, ce que nous faisons et comment nous procédons et pourquoi vous devriez vous en soucier.
Je vais répondre à ces questions dans un instant, mais je veux d'abord vous parler de la raison pour laquelle je fais partie de cet organisme.
Je suis la fière maman de trois jeunes femmes incroyables. Depuis les quelque 35 ans que j'œuvre dans le milieu des affaires, tout ce que je fais vise à bâtir un Canada meilleur pour mes enfants et tous leurs amis, ce qui, dans le monde connecté d'aujourd'hui, inclut vos enfants aussi, je l'espère.
En tant que présidente de la Chambre de commerce du Grand Vancouver en 2010 et, depuis deux ans, en tant que présidente du Business Council of British Columbia, j'ai vu des données sur l'affaiblissement de la compétitivité du Canada. Je me demandais si nous prenions suffisamment de mesures pour régler les questions urgentes de notre société, telles que les changements climatiques, les soins de santé durables, la compétitivité de notre économie et notre capacité de faire prendre de l'expansion aux entreprises de notre secteur des technologies dynamique et d'autres secteurs. Je n'avais pas l'impression que nous faisions ce qu'il fallait pour préparer le Canada à un monde de plus en plus complexe et concurrentiel.
La notion d'une approche à l'innovation complètement nouvelle a attiré mon attention. Plus j'y réfléchissais, plus je trouvais que c'est audacieux. J'ai décidé que j'allais voir ce que je pourrais faire pour mettre à l'essai ce programme et son potentiel, donc me voici, après 22 mois à occuper ce poste, et je peux vous affirmer que je vois le potentiel du programme.
Par exemple, la Supergrappe des industries des protéines, dans les Prairies, utilise les technologies pour faire du Canada une source principale de protéines végétales. La supergrappe de la fabrication de pointe en Ontario créera des capacités de fabrication en utilisant des technologies telles que la robotique avancée et l'impression 3D. L'entreprise d'intelligence artificielle regroupera les secteurs de la vente au détail, des transports et autres pour créer des chaînes d'approvisionnement intelligentes par l'entremise de l'intelligence artificielle et la robotique. La Supergrappe de l'économie océanique s'emploie à saisir les grandes possibilités qu'offrent nos océans.
Mais pour revenir à la Supergrappe des technologies numériques, qui sommes-nous? Nous sommes un organisme sans but lucratif qui compte plus de 450 organismes membres qui représentent certains des esprits les plus brillants du Canada dans les secteurs de la santé, des communications, du développement de la technologie, des ressources naturelles, de la recherche et de la fabrication industrielle. Nous réglons certains des plus gros problèmes de l'industrie et de la société par l'entremise d'un modèle d'innovation axé sur la collaboration d'une ampleur que le pays n'a jamais vu auparavant.
Voici quelques exemples.
Que se passerait-il si nous pouvions utiliser des données pour réduire le délai qu'il faut pour relever et localiser les phénomènes météorologiques comme les feux de forêt, et réduire leurs répercussions? Nous pourrions peut-être arriver au point où nous pouvons prédire où et quand ces phénomènes surviennent par l'entremise des données colligées par des satellites d'observation de la Terre construits par le Canada.
Que se passerait-il si nous pouvions mettre au point une plateforme de données intégrée pour obtenir, recueillir et exploiter des données sur la santé de nos ressources en eau douce et les utiliser pour mieux protéger la santé de nos lacs, rivières et cours d'eau? C'est quelque chose que nous ne faisons pas en ce moment dans un pays qui compte des dizaines de milliers de ces plans d'eau.
Que se passerait-il si nous pouvions réduire le délai requis pour poser un diagnostic de mélanome malin en le faisant passer de six mois à quelques jours? Un Canadien sur six contractera cette maladie au cours de sa vie. Votre taux de survie sur six mois passera de 85 à 15 %, mais il faut six mois avant d'avoir un rendez-vous pour consulter un dermatologue afin d'obtenir un diagnostic.
Il y a seulement trois des 21 exemples des problèmes que nous réglons par l'entremise des projets que nous avons sélectionnés jusqu'à présent.
Comment on y arrive? C'est là où les choses deviennent intéressantes.
Nous commençons par relever les gros problèmes, les problèmes qui doivent être réglés pour bâtir un Canada meilleur et renforcer la vigueur et la résilience de notre économie. Nous regroupons des organismes diversifiés pour discuter de solutions éventuelles. Ce n'est pas généralement la façon dont l'industrie canadienne règle les problèmes. Habituellement, s'il y a un problème, un organisme ou deux tentent de le résoudre. S'ils n'ont pas les talents ou les outils dont ils ont besoin, ils vont se les procurer. Ce n'est pas ce que nous faisons.
Nous regroupons des petites entreprises, des chercheurs, des grandes sociétés et des entreprises de taille moyenne, et nous les invitons à explorer des solutions éventuelles à ces problèmes. Dans le cadre de leurs démarches en ce sens, nous avons constaté que les solutions proposées sont différentes et meilleures que celles qui seraient proposées par un organisme unique. C'est une collaboration en matière d'innovation.
Il est emballant de voir ce niveau d'activité et les résultats que nous produisons en moins de deux ans. Nous avons reçu plus de 100 déclarations d'intérêt et avons invité 36 équipes à présenter des propositions officielles dans le cadre de trois appels d'offres pour des projets que nous avons lancés depuis l'été 2018. De nombreux autres projets sont en cours d'élaboration.
Ce qui est tout aussi emballant, c'est ce que nous n'avions pas prévu, à savoir les avantages qui découlent des idées que nous n'avions pas proposées et des interactions issues des travaux que cet organisme fait en regroupant différents organismes.
Pensez au Finger Food Advanced Technology Group à Port Coquitlam, en Colombie-Britannique. Si était ici, je lui en parlerais. L'organisme est établi près de sa circonscription.
Finger Food faisait partie d'une équipe qui a présenté une demande en 2018. Nous n'avons pas sélectionné cette proposition. Cependant, grâce à la relation qui a été nouée dans le cadre de l'élaboration de la proposition, il y a eu un effet d'entraînement, y compris un nouveau partenariat avec Enbridge, de même qu'avec d'autres entreprises. Cela a donné lieu à l'ouverture d'un bureau à Calgary pour le groupe Finger Food, où il prévoit embaucher 200 personnes d'ici 2023. Il est emballant de voir que ce que nous faisons devient un élément matériel et fondamental dans la création d'une nouvelle culture d'innovation qui offre de nouvelles façons aux organismes de petite et moyenne taille de prendre de l'expansion et de prospérer.
Il y a DNAstack de Toronto. Depuis que l'entreprise s'est jointe à la supergrappe, la taille de son bureau de Toronto a doublé, passant de 8 à 16 employés, avec une hausse prévue de 50 % des recettes pour l'année.
L'entreprise MetaOptima établie à Vancouver, qui a obtenu 8,6 millions de dollars en financement de série A en 2018, compte maintenant plus de 70 employés depuis qu'elle s'est jointe à la supergrappe.
Nous lançons des appels d'offres pour des projets environ tous les six mois. Notre quatrième appel d'offres pour des projets est prévu pour cet été, si bien que j'ai bien hâte de vous faire part des histoires de réussite lors de ma prochaine comparution.
Les projets sélectionnés jusqu'à présent ont des budgets totalisant 65 millions de dollars, dont 60 % proviennent de l'industrie et de partenaires. La moitié des investissements proviennent de petites et moyennes entreprises. Les PME représentent 52 % des participants à nos projets, et nous venons tout juste de commencer.
Nos succès et nos échecs dans le monde réel ont apaisé mon appréhension à l'égard de ce programme et de cette politique. Je peux voir le potentiel incroyable de toute l'initiative de la supergrappe d'innovation, et plus particulièrement ce que nous faisons dans notre supergrappe d'innovation en Colombie-Britannique.
J'ai commencé par vous dire que tout ce que je fais, c'est pour mes enfants, tous leurs amis et ma petite-fille. Je suis fière et déterminée de vous dire que cette initiative fait partie de l'obligation que j'ai envers mes enfants et les vôtres.
Merci. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Bon matin, bonsoir, bon après-midi, selon le cas.
Permettez-moi de m'excuser de ne pas être physiquement présent avec vous aujourd'hui, mais je pense avoir une très bonne raison.
Hier, j'ai rencontré l'Altesse Royale le prince Charles. On nous a demandé de lui faire un compte rendu sur la technologie que nous sommes en train de concevoir.
C'était l'une de plusieurs rencontres. Je me suis rendu au 10 Downing Street pour discuter avec les conseillers personnels du premier ministre. J'ai rencontré les représentants de chaque grand ministère britannique au cours des trois derniers jours.
C'est à la suite de travaux menés en 2019, lorsque nous avons fait la même chose aux États-Unis, où plusieurs des candidats à la présidence des États-Unis par l'entremise du Sénat et du Congrès et de nombreux sénateurs et ministères s'employaient à lutter contre les changements climatiques.
Nous faisons la même chose ici au Canada. Pourquoi? Comment une petite entreprise canadienne qui comptait moins de 50 personnes à l'époque a pu rencontrer ces personnes à ce niveau? La réponse est que le Canada a élaboré une technologie dans le cadre des travaux menés à Carbon Engineering qui peut avoir une incidence tangible et importante dans la lutte contre les changements climatiques.
Nous sommes l'une de trois entreprises dans le monde qui a mis au point une technologie pour retirer le CO2 directement de l'atmosphère.
Nous entendons beaucoup parler du contrôle des émissions. Comment peut-on empêcher le CO2 de s'élever dans l'air. C'est très difficile. C'est beaucoup plus facile si on peut faire descendre des molécules de CO2 en même temps. La technologie que nous avons élaborée ici au Canada vous permet de le faire à grande échelle de façon unique.
Lorsqu'on peut éliminer des émissions de CO2 n'importe où sur la Terre, n'importe quel type d'émissions et à n'importe quel moment, on a alors une façon de lutter contre les changements climatiques et une façon d'atteindre la cible de zéro émission nette sans causer d'énormes perturbations en interdisant les vols et en mettant en place toutes les autres diverses mesures qui auront une incidence importante sur notre mode de vie.
Là encore, comment une petite entreprise canadienne en arrive à pouvoir élaborer ce type de technologie? C'est grâce au soutien de nombreuses institutions gouvernementales canadiennes et à un examen très détaillé de notre technologie, plan d'affaires et proposition de valeur.
Il est très difficile de capter le CO2 dans l'atmosphère. C'est 400 parties par million. C'est comme essayer de retirer une goutte d'encre dans une piscine. C'est le même défi sur le plan technologique. Il nous a fallu 10 ans pour nous rendre là. Nous avons commencé la conception de cette technologie avant que quiconque ne parle de la nécessité d'atteindre une cible de zéro émission nette, avant que le GIEC rédige ses rapports dans lesquels il déclare qu'à moins que nous commencions à retirer du CO2 dans l'atmosphère, nous serons aux prises avec un énorme problème lié aux changements climatiques.
À qui vous adressez-vous lorsque vous concevez ce type de technologie, lorsque vous avez une longueur d'avance sur la tendance et n'avez pas encore réalisé de revenus?
Nous nous sommes adressés à divers ministères gouvernementaux, et au cours des 10 dernières années, nous avons reçu 14 millions de dollars de ministères canadiens. Nous avons largement dépassé ce montant en financement de contrepartie. Nous avons amassé plus de 113 millions de dollars en fonds privés. La majeure partie de ces fonds proviennent de sources à l'extérieur du pays et sont actuellement dépensés à Squamish, à Vancouver, à nos autres sites et chez nos partenaires de recherche au pays.
Cela n'a pas été un exercice banal. Nous avons perdu de nombreuses subventions également. Nous participions à des appels d'offres pour obtenir du travail auprès de TDDC, le CRSNG, le PARI et RNCan, et notre soumission n'a pas été retenue à maintes reprises.
L'essentiel, c'est que notre candidature a été retenue à quelques reprises. Ces contrats que nous avons obtenus au début, conjointement avec d'autres sources de financement, nous ont permis d'élaborer la technologie que le prince Charles, lors de ma rencontre avec lui, a qualifiée de technologie qui pourrait sauver le monde. Je ne vois pas ce financement comme une subvention. Je le vois comme un soutien stratégique pour des entreprises naissantes qui ont d'excellentes idées.
Quand il est extrêmement difficile de trouver des fonds de sources externes, l'appui du gouvernement est crucial. Nous avons bénéficié de cet appui à toutes les étapes. Nous sommes reconnaissants de cet appui et nous croyons que les contribuables canadiens en bénéficieront, bien plus que n'importe quel autre investissement que le gouvernement canadien a pu faire.
Nous pensons que l'un des aspects essentiels de tout gouvernement est d'appuyer l'élaboration d'idées essentielles et d'aider les entreprises à leurs débuts, mais seulement lorsqu'il y a des données probantes que ces idées sont logiques, lorsqu'elles servent l'intérêt public et lorsque d'autres personnes sont disposées à verser des fonds pour les aider.
En résumé, je pense que la structure du soutien à la R-D au Canada est solide. Sans ce soutien, nous ne serions pas ici en tant qu'entreprise qui a une technologie de pointe pouvant avoir d'énormes répercussions sur le principal problème auquel est confrontée la planète à l'heure actuelle.
J'exhorterais le Comité à bien réfléchir aux réussites qui sont survenues dans le secteur canadien de développement de technologies et dans d'autres secteurs également, grâce à l'appui des ministères du gouvernement canadien.
Merci.
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Monsieur le président et honorables membres du Comité, je vous remercie de votre invitation à comparaître aujourd'hui.
Je m'appelle Caroline Cormier. Je suis la directrice générale de Connexion Matawinie, un organisme sans but lucratif mandaté par la municipalité régionale de comté de Matawinie, situé dans la région de Lanaudière, au Québec. Notre mandat est de construire un réseau de fibre optique sur l'ensemble du territoire de la MRC de Matawinie afin d'assurer à tous les citoyens, commerces et industries l'accès à des services de télécommunication à large bande, c'est-à-dire l'Internet à haute vitesse.
La réalisation de ce projet nécessitera l'installation de 2 700 kilomètres de fibre optique dans 15 municipalités. Ce sont 42 500 résidences et commerces qui seront desservis sur l'ensemble du territoire municipalisé de la MRC de Matawinie, lequel est aussi étendu que la Belgique. Ces derniers auront ainsi la possibilité de bénéficier d'une connexion Internet pouvant aller jusqu'à 100 mégabits par seconde. À ma connaissance, notre projet est jusqu'ici le plus gros entrepris par une MRC au Québec.
Notre projet de construction d'un réseau de fibre optique est évalué à 60 millions de dollars. Malgré plusieurs études et l'incapacité de grands acteurs des services de télécommunication de fournir l'accès Internet à large bande demandé sur l'ensemble de notre territoire, notre projet a été refusé, car il était trop gros. Le conseil des maires de la MRC de Matawinie a donc décidé, en 2016, de procéder à une étude de faisabilité.
À l'heure actuelle, le ministère québécois des Affaires municipales et de l'Habitation a octroyé un prêt de 60 millions de dollars. Ce prêt doit être remboursé sur 25 ans et le sera en partie grâce aux redevances provenant des télécommunicateurs et aux taxes municipales versées par les citoyens de la région.
Il est inconcevable qu'en 2020, plusieurs régions comme la mienne n'aient pas accès à un service Internet fiable. La MRC de Matawinie est classée parmi les plus pauvres au Québec, si bien que sa vitalité économique est assez faible. Plus de 6 % de sa population vivait sous le seuil de la pauvreté en 2015.
Chaque semaine, des entrepreneurs et des citoyens de la région nous font part des problèmes que leur cause leur accès Internet. En voici quelques exemples. Un dessinateur graphique doit faire 45 minutes de voiture pour se rendre à Joliette, le centre urbain le plus près, afin d'envoyer des fichiers à un client. Une entrepreneuse spécialisée en marketing numérique n'est plus en mesure de travailler depuis qu'elle a décidé d'habiter à la campagne. Une entreprise manufacturière n'est pas en mesure de soumissionner à l'international pour la simple et bonne raison qu'il lui est impossible d'automatiser son usine. Certaines entreprises touristiques n'ont pas la possibilité d'accepter les paiements en ligne, diminuant ainsi l'accès touristique à notre région, laquelle est très jolie soit dit en passant.
Par ailleurs, l'évolution démographique de la région et l'exode des jeunes sont vécus comme une fatalité. Après l'école secondaire, ces jeunes quittent la région pour poursuivre leurs études, et seulement 5 % d'entre eux reviendront vivre en Matawinie. Nous sommes incapables d'attirer de nouveaux arrivants parce que nous n'avons pas d'accès Internet, ce qui complique la rétention de la main-d'œuvre. Nous sommes également incapables d'attirer les villégiateurs, même si notre région compte beaucoup de chalets et offre de nombreuses activités touristiques. En effet, ces gens ne pourraient pas rester à temps plein en Matawinie même s'ils le voulaient, et ce, à cause d'un accès Internet déficient.
Aujourd'hui, on parle beaucoup de la COVID-19. Plusieurs entreprises du Canada devront demander à leurs employés de travailler de leur maison. Malheureusement, le télétravail est pratiquement impossible en Matawinie, car très peu de gens ont cette possibilité dans la MRC.
L'avenir économique de la région passe par un accès à Internet à large bande, car cela signifiera un gain de productivité pour la région, pas seulement pour les entreprises, mais aussi pour les citoyens. Un meilleur accès Internet permettra de revitaliser l'économie de notre région, et permettra à nos jeunes de se former à distance et à nos citoyens de devenir plus instruits.
Malgré plusieurs embûches techniques que nous éprouvons avec les grands télécommunicateurs, nous avons besoin d'un soutien financier pour réaliser ce projet. Jusqu'à maintenant, les subventions proviennent du programme québécois Régions branchées et du Fonds pour la large bande. Nous sommes en compétition directe avec les grandes compagnies de télécommunication, or celles-ci n'offrent pas ce service à l'ensemble de la population de notre région.
Des fonds supplémentaires nous permettront d'alléger la charge financière de nos citoyens et d'améliorer la vitalité de notre région. Il ne faut pas oublier que la moyenne d'âge de nos citoyens est actuellement de 48 ans et que plus de 6 % de la population vit sur le seuil de la pauvreté.
Notre objectif est de permettre aux citoyens de la Matawinie d'avoir le monde au bout du clavier. Comme organisme sans but lucratif, cependant, nous sommes en compétition avec les grands télécommunicateurs, lesquels ont donc priorité sur le financement.
En conclusion, je vous remercie à nouveau de votre invitation. Je serai ravie de répondre à vos questions.
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Merci de me recevoir à nouveau.
Le gouvernement fédéral dépense actuellement au moins 18 milliards de dollars en subventions aux entreprises, même s'il ne publie pas des estimations facilement accessibles sur les montants qu'il alloue. C'est l'équivalent du tiers des recettes de l'impôt sur le revenu des sociétés de 52 milliards de dollars. Les plus grands programmes étaient administrés par Ressources naturelles Canada, EDSC, Industrie Canada, des organismes de développement régional et Patrimoine canadien.
Les subventions peuvent offrir un avantage à court terme aux entreprises et à des régions données. Toutefois, elles perturbent l'économie canadienne, encourageant les investissements dans des secteurs qui sont moins productifs. Les dépenses consacrées aux subventions sont financées par des hausses d'impôt qui nuisent à la concurrence des entreprises en position de prendre de l'expansion sur le marché.
Le fait de réduire un petit nombre de subventions et d'utiliser les économies pour abaisser l'imposition des sociétés rétablirait l'avantage fiscal qu'a le Canada sur les États-Unis, encourageant plus d'investissements au Canada.
De façon plus générale, le fait d'axer les politiques gouvernementales sur la création d'un climat favorable aux affaires pour favoriser la croissance et l'innovation au moyen d'une réduction des règlements gouvernementaux et des impôts encouragerait toutes les entreprises à mettre en place des stratégies de croissance en utilisant les compétences et les connaissances du Canada acquises au cours de décennies d'expérience.
Le développement économique du Canada a été guidé par des entrepreneurs qui comprenaient les occasions et les compétences façonnées par notre histoire et notre géographie, et non pas par les subventions fournies par le gouvernement. Le Canada a créé des entreprises mondiales dans les secteurs du gaz et du pétrole, des banques, des chemins de fer, de l'hydroélectricité, des pipelines, des communications et des mines en misant sur nos avantages naturels.
La liste des subventions versées à des entreprises infructueuses est longue: des fermes de concombres et une raffinerie de pétrole à Terre-Neuve, une usine d'eau lourde au cap Breton, des aciéries et des usines automobiles au Québec, l'usine d'autobus New Flyer au Manitoba et l'usine de fabrication d'avions Arrow. Le cimetière pour les entreprises de haute technologie qui ont reçu des subventions est encombré et comprend notamment des entreprises comme Consolidated Computers, Telidon et Dynalogic Hyperion.
Des milliards de dollars sont remis à des entreprises pour encourager la recherche et le développement et l'innovation, avec peu de preuves que ces activités se sont beaucoup améliorées grâce à ces fonds. Des milliards de dollars additionnels sont dépensés sur la diversification régionale. Ce qui a commencé comme étant un programme pour aider les régions les plus pauvres, telles que les provinces de l'Atlantique et le nord de l'Ontario, est maintenant étendu à l'échelle du pays, ce qui est à la fois coûteux et contre-productif pour le développement régional.
Ces programmes servent plutôt de caisses occultes pour permettre aux politiciens de récompenser des industries et des partisans qu'ils privilégient, avec peu de preuves qu'ils réduisent les tendances enracinées de l'inégalité régionale ou qu'ils stimulent la croissance économique globale. Le récent relèvement économique du Québec, alors que les dépenses et les impôts du gouvernement sont réduits, montre qu'une bonne gouvernance, et non pas des subventions aux entreprises, est la meilleure façon de réduire l'inégalité régionale.
Un soutien gouvernemental direct provisoire offert à des entreprises et à des secteurs particuliers a fait ses preuves. Durant l'effondrement des prix du pétrole de 1986, l'intervention du gouvernement fédéral a maintenu à flot le projet Hibernia, un investissement qui a donné d'excellents résultats pour les travailleurs, les gouvernements et d'autres membres du consortium. Lorsque la grande crise financière de 2009 a menacé la survie des fabricants d'automobiles et les fournisseurs de pièces, l'appui du gouvernement a aidé cette industrie à survivre et à se restructurer.
Cependant, les interventions comme Hibernia et le secteur automobile devraient être l'exception durant ces périodes de crise et ne sont pas un modèle de subventions gouvernementales courantes et récurrentes. Une relation trop étroite entre le gouvernement et une entreprise créent des conditions de pratiques corrompues. L'économiste réputé Dani Rodrik a dit, « La collaboration entre l'État et une entreprise n'est qu'un autre nom pour désigner la corruption ».
Les subventions ont un effet insidieux sur les priorités et les stratégies des entreprises. Au lieu de mettre l'accent sur l'innovation et l'efficacité, les entreprises exercent des pressions sur le gouvernement pour quémander de l'argent. En 1972, la National Association of Manufacturers a déménagé son siège social de New York à Washington, en faisant la déclaration suivante: « Nous sommes établis à New York depuis avant le tournant du siècle parce que nous considérions la ville comme étant le centre des affaires et de l'industrie. Mais ce qui nuit le plus aux affaires à l'heure actuelle, c'est le gouvernement. »
Il est triste d'entendre qu'une grande entreprise croit que le succès de ses membres dépend davantage de sa relation avec le gouvernement qu'avec ses fournisseurs ou ses clients. Jusqu'à récemment, une exception notable est les grandes entreprises de haute technologie très prospères, qui sont presque toutes situées sur la côte Ouest et qui mettent l'accent sur leur clientèle et l'expansion de leurs affaires, et non pas sur des activités de lobbying auprès de Washington.
Je dirais même que la relation entre le gouvernement et les entreprises est pire au Canada. Elle remonte au moins au moment où le gouvernement britannique a accordé le monopole à la Compagnie de la Baie d'Hudson. Elle a pris de l'expansion avec la construction des chemins de fer au XIXe siècle et la protection tarifaire pour les fabricants assujettis à la politique nationale. Le ministre de l'Industrie C.D. Howe a élargi la portée du gouvernement durant la guerre en introduisant des monopoles dans le secteur privé ou en créant des sociétés d'État.
Robin Broadway, de l'Université Queen's, a récemment écrit qu'il se développe en ce moment au Canada une économie de rentes. C'est ce qui se produit quand le gouvernement confère un avantage à une partie, mais pas à d'autres, habituellement en préservant cette partie de la concurrence. Si Statistique Canada avait, dans sa classification des industries, une catégorie pour la maximisation des rentes, ce serait probablement la catégorie la plus importante au Canada. Il y a trop d'efforts déployés pour les faveurs et les subventions des gouvernements au Canada, et pas assez d'efforts pour créer des entreprises novatrices et efficaces qui peuvent soutenir la concurrence sur la scène mondiale.
Le gouvernement exige une liste détaillée des contacts entre les lobbyistes et les fonctionnaires gouvernementaux, mais le but ultime d'une grande partie de cette communication — que ce soit pour le versement de subventions directes à des entreprises ou pour la protection contre la concurrence — demeure opaque. La création d'un relevé des résultats obtenus permettrait au public de connaître non seulement la fréquence, mais également la substance de ces communications étroites entre le milieu des affaires, les lobbyistes et le gouvernement.
Merci.
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L'un des problèmes, avec ce débat, c'est que les bénéficiaires de l'aide financière du gouvernement sont très visibles, mais que ceux qui paient les coûts sont dispersés et, par conséquent, invisibles. Nous avons l'aide visible, et les coûts invisibles.
Cela me fait penser à ce qui s'est passé il y a quatre ans environ, quand le gouvernement ontarien a donné une belle grosse subvention à un fabricant. L'entreprise a pris l'argent et a dit par la suite que la subvention ne se traduirait pas par la création d'emplois supplémentaires. Ils ont dit qu'ils allaient réaliser le projet dans lequel ils investissaient, avec ou sans subvention, mais qu'ils allaient prendre l'argent, étant donné qu'il leur tombait du ciel. On dit, dans le domaine de l'économie, que si quelqu'un lance de l'argent par les fenêtres, mieux vaut se tenir près de la fenêtre. On ne peut pas vraiment blâmer l'entreprise d'avoir fait la chose rationnelle à faire, bien qu'il soit irrationnel d'en faire payer le coût au contribuable. Ce coût est réel, et les seuls à avoir profité de cela sont les actionnaires de cette entreprise et les politiciens du gouvernement provincial qui ont pu s'y rendre, présenter un chèque et faire semblant d'être à la source d'un paquet d'emplois qui auraient été créés de toute façon.
Ma question s'adresse à M. Cross. Ces agences de développement économique et ces bureaucrates gouvernementaux vont régulièrement produire des rapports qui présentent une vision unilatérale et mettent en évidence les avantages de ces subventions. Ils diront que la subvention a permis la création de 10 emplois. Rien ne prouvera que ces 10 emplois n'auraient pas existé sans la subvention, alors que ce serait souvent le cas. Ils diront, par exemple, que la subvention a permis de récolter 5 $ pour chaque dollar versé par le contribuable, mais rien ne prouve que les 5 $ n'auraient pas été investis ailleurs, l'hypothèse étant que les investisseurs auraient tout simplement glissé les 5 $ sous leur matelas, sans la subvention.
Ils ne font aucun calcul des coûts que cela représente pour un compétiteur. Par exemple, dans ma circonscription, un type a créé une application pour téléphone intelligent, mais il a découvert ensuite qu'un concurrent qui a inventé la même application un an et demi plus tard a obtenu une subvention pour le faire. Maintenant, son concurrent accapare tout le marché parce que de l'argent supplémentaire lui est tombé du ciel et qu'il s'en sert pour faire sa commercialisation. Ils ne mesurent pas le coût que représente pour l'inventeur du produit la subvention qui est donnée à son concurrent.
Il y a tous les coûts invisibles, comme les coûts des occasions ratées, les coûts assumés par les contribuables et les coûts pour les concurrents. Tous ces coûts sont réels, mais ils ne sont calculés nulle part.
Monsieur Cross, vous êtes l'ancien analyste économique en chef de Statistique Canada. Vous devriez donc savoir plus que quiconque comment mesurer et calculer les choses. Comment pourriez-vous créer un modèle permettant de calculer convenablement le coût des subventions aux entreprises, de sorte que nous n'ayons plus les analyses unilatérales des ministères gouvernementaux, des lobbyistes et des autres initiés qui ne présentent que les supposés avantages?
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Regardons la liste des coûts.
Premièrement, disons que nous consacrons 7 milliards de dollars aux subventions aux entreprises. Ce sont 7 milliards de dollars qui ont dû être puisés dans l'économie pour commencer; ce sont les impôts prélevés auprès des entrepreneurs, des consommateurs et des travailleurs. Quel aurait été l'avantage de laisser cet argent dans l'économie pour commencer?
Deuxièmement, vous avez les coûts administratifs. Effectivement, nous avons des entreprises qui envoient de l'argent à l'ARC. Puis, l'argent passe de l'ARC au ministère de l'Industrie. Les entreprises doivent alors retenir les services d'un conseiller pour faire une demande de subvention et récupérer l'argent sous forme de subvention. Les bureaucrates du ministère de l'Industrie doivent ensuite examiner cette demande. Puis l'entreprise doit engager un lobbyiste pour essayer de récupérer une partie de l'argent. Après un certain temps, le gouvernement décide de verser la subvention, et l'entreprise récupère une partie de l'argent qu'il a payé en impôts pour commencer. Ces coûts administratifs sont entièrement implantés dans le système.
Puis, comme je l'ai dit précédemment, vous avez les coûts que le concurrent doit assumer, parce qu'il a payé les impôts qui font que son concurrent obtient une subvention du gouvernement.
Les politiciens ne parlent jamais de tous ces coûts dans leurs produits de communication, lors de la cérémonie de remise du chèque.
Monsieur Mintz, avez-vous une idée de la façon dont nous pourrions calculer ces coûts réels, de sorte que nous puissions réaliser une véritable analyse coûts-avantages?
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Eh bien, il y a des façons d'essayer d'estimer certains des coûts, mais pas tous les coûts auxquels vous pensez.
Par exemple, les coûts requis pour générer des recettes fiscales ont fait l'objet de beaucoup d'études. En fait, ma collègue Bev Dahlby, à l'Université de Calgary, qui est en réalité une des spécialistes internationales de ce domaine, a estimé le coût marginal de l'imposition.
On pourrait normalement penser que quand vous percevez un dollar en impôts, il en coûte un dollar, mais quand vous vous mettez à additionner les coûts économiques, ce qui se traduit, disons, par la dissuasion de l'effort de travail , de la prise de risque, des économies et des investissements, dépendant du type d'impôt que vous regardez, il est alors possible d'inclure ces coûts. Par exemple, habituellement, les impôts sur le revenu des sociétés sont les coûts les plus élevés, du point de vue des coûts économiques. Le coût marginal de financement, plutôt que d'être d'un dollar, serait d'au moins deux dollars avec l'impôt sur le revenu des sociétés.
Les droits de cession immobilière sont en fait vraiment élevés. Des études australiennes et d'autres études ont démontré que ces droits pourraient être presque aussi élevés que les impôts des sociétés, du point de vue de leurs répercussions, en particulier quand ils s'appliquent aux propriétés commerciales, à cause de toutes les distorsions qui sont imposées. Puis quand il est question des impôts fonciers, ce n'est pas si mal, en réalité, du point de vue des distorsions sur l'économie.
Comme vous pouvez le voir, il y a en ce moment des mesures qui peuvent être incluses.
L'autre gros problème, que Philip Cross a mentionné et que j'ai également mentionné dans mes notes, c'est toute la question du déplacement et du concurrent. Quand vous donnez une subvention à quelqu'un, il va normalement s'adresser à divers groupes qui vont faire une supposée analyse des répercussions économiques, et c'est franchement la plus grosse farce au monde quand il est question d'analyse économique.
Sur quoi se base cette analyse? La conclusion sera: « Voilà. Nous allons créer tellement d'emplois dans le secteur ». Encore là, c'est le point que vous avez soulevé. Il y a des façons d'essayer d'estimer l'augmentation nette du nombre d'emplois qui est possible, mais vous devez alors aussi tenir compte de l'existence d'un déplacement venant d'autres secteurs. L'analyse des répercussions économiques ne va jamais présumer qu'il y aura un déplacement, mais en fait, c'est le contraire: si vous créez plus d'emplois ici, il y aura un effet indirect, de sorte que l'industrie va acheter plus de produits d'une autre industrie, et ainsi de suite. Puis ils se mettent à additionner tout cela et à prétendre que cela va créer des emplois dans tous les autres secteurs également.
C'est de la foutaise pure et simple. Ce qui se produit en réalité, c'est qu'il y a un déplacement de la main-d'œuvre et du capital, dans le sens que si vous donnez une subvention à quelqu'un — quelqu'un qui fait concurrence à quelqu'un d'autre —, vous réduisez peut-être le chiffre d'affaires d'une autre personne ainsi que la demande de main-d'œuvre et de capital du concurrent.
Les économistes ont tenu compte de cela. C'est ce qu'on appelle habituellement « l'analyse de l'équilibre général », et il y a des manières d'intégrer cela, en fait, de sorte que vous puissiez tenir compte des contraintes dans l'économie.
Permettez-moi de vous donner mon exemple favori. Le Québec, à un moment donné…
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Merci, monsieur Fraser. Je vous remercie de cette question.
Parmi les choses que nous faisons dans notre organisation, il y en a une, je crois, qui est différente des efforts déployés antérieurement pour encourager le développement économique et l'innovation, et c'est que nous nous concentrons d'abord sur les problèmes.
J'ai mentionné une chose que nous avons faite et qui pourrait être utile dans d'autres contextes: s'adresser à des groupes variés de la société, qu'il s'agisse de familles ou de collectivités des régions rurales éloignées ou d'experts dans un domaine donné, et demander qu'on discute de ce que les gens perçoivent comme étant les plus gros problèmes. Je vous dirais que nous avons été très surpris quand nous avons abordé les enjeux de ce point de vue. Commencez par cerner le problème.
La deuxième chose est de résister à tout prix à l'étroitesse de vue. Je vais vous donner un exemple.
Quand nous construisons de nouveaux hôpitaux — et nous en faisons beaucoup en Colombie-Britannique en ce moment —, nous avons tendance à regarder les autres hôpitaux, ailleurs dans le monde, afin de voir comment ils sont construits. Et si vous regardiez comment sont produits les avions? Une grande partie de ce que vous faites est très semblable quand vous construisez un avion, du point de vue de la qualité, de l'efficacité et de la rapidité d'exécution. Vous avez au bout du compte un produit qui est meilleur que le produit de départ. Une fois que vous avez cerné le problème, évitez de n'avoir que des organisations de ce secteur ou de cette industrie qui se prononcent sur ce problème. Encouragez divers groupes à venir à la table.
Il y a deux résultats vraiment importants.
Le premier est que les gens se mettent à penser aux solutions d'une manière différente. Si nous pouvons encourager les gens à écouter plus qu'ils parlent — c'est une habileté qui s'acquiert —, ce qu'il est possible d'apprendre est formidable.
L'autre chose qui se produit, c'est que si les gens d'une organisation qui participe à la discussion n'ont pas de solution au problème donné, ils vont entendre ce que d'autres organisations font et aller dans le même sens. Ils se mettent à bâtir cet écosystème qui fait que les gens disent: « Je ne savais pas que vous vous intéressiez à cela. Je m'intéresse aussi à cela. » J'ai donné des exemples de cela dans certaines de mes observations, et j'ai d'autres exemples.
Je peux vous donner l'exemple d'une entreprise appelée Terramera. Certains d'entre vous la connaissent peut-être. Elle porte une grande partie de son attention sur l'agriculture de précision. À l'un des événements que nous avons organisés, un événement social visant à amener les gens à se mettre à s'écouter les uns les autres au sujet de certains aspects particuliers de notre industrie, l'agent scientifique en chef de Terramera est tombé par hasard sur un entrepreneur propriétaire d'une petite entreprise appelée Compression.ai, qui offre une technologie vraiment emballante. Son nom le dit: il s'agit de prendre des quantités massives de données provenant de l'IA et de comprimer les données de sorte qu'elles soient plus utilisables et beaucoup moins coûteuses à utiliser. Grâce à cette connexion qui a été établie entre deux personnes qui se sont écoutées, Compression.ai a maintenant son premier client pour l'application industrielle de cette technologie dans le cadre d'un projet de Terramera visant à améliorer la santé des cultures.
Ce que je dirais, c'est qu'il faut cerner les problèmes; inviter des organisations inhabituelles et disparates à discuter entre elles; enfin, éviter d'avoir des gens rudes qui pensent qu'ils ont toutes les solutions et leur demander d'écouter avant de parler.
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Il est très difficile de lancer une grande entreprise. Nous sommes juste au nord de Vancouver, à Squamish. Pour ce faire, il faut que votre technologie et ce que vous faites soient clairement reconnus. Nous avions une bonne idée — pas moi, mais les fondateurs de l'entreprise, mes employeurs, avaient une bonne idée. Pour mettre cela en lumière et convaincre les gens que c'était une façon pour eux d'améliorer beaucoup les choses sur le plan des changements climatiques, il fallait faire la démonstration de la technologie.
Carbon Engineering a véritablement vu le jour avec l'installation pilote que nous avons pu réaliser à Squamish, en Colombie-Britannique. À cette fin, nous avons obtenu des fonds de deux ou trois ministères différents du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial, et des deux gouvernements formés par les conservateurs et par les libéraux qui se sont succédé au fil du temps. Nous avons été en mesure de construire cette installation.
Depuis, nous avons obtenu 100 millions de dollars. De nombreux visiteurs sont venus à notre installation. Chacun veut voir la technologie à l'œuvre. Il importe peu que vous ayez une excellente idée. Si vous ne pouvez pas montrer qu'elle fonctionne effectivement et en montrer les résultats — dans notre cas, c'était quatre années de fonctionnement —, vous ne pouvez pas changer les choses. Maintenant, quand je me rends à ces réunions pour parler aux gens, j'ai des preuves à l'appui. Je ne suis pas là à présenter une « bonne idée » et à montrer une magnifique présentation PowerPoint; ce que je montre, c'est du travail véritable. Ce travail véritable a été réalisé grâce à des investissements privés et à des investissements du gouvernement.
Je souligne que les investissements n'ont pas été faciles à obtenir. Monsieur, ici, a parlé de la difficulté de l'évaluation des répercussions économiques. C'est un point très valable. Nous pouvons très difficilement prédire le nombre d'emplois que notre entreprise peut créer ou avoir dans 10 ans. Je sais combien nous en aurons l'année prochaine et l'année suivante, mais pas dans 10 ans. Combien d'emplois indirects? Tout cela est vraiment difficile à dire.
Ce qu'il faut préciser, c'est que si vous innovez dans un domaine d'intérêt public — comme les changements climatiques et les autres choses dont Mme Paish parle —, cette innovation mérite du soutien à condition qu'elle ait fait l'objet d'une évaluation approfondie, et du moment qu'il est démontré qu'elle a l'appui d'autres gens également.
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Monsieur Desilets, je vous remercie de votre question, qui est très pertinente.
Mercredi dernier, j'ai déposé un mémoire au CRTC qui décrit tous les obstacles auxquels nous faisons face en Matawinie en lien avec les géants des télécommunications comme Bell Canada. Ces problèmes sont vécus par les MRC que vous avez nommées, mais aussi par celle de Bécancour.
Bell allonge de beaucoup le processus que nous devons suivre et ralentit ainsi le processus d'obtention des permis. Avec un projet comme le nôtre, qui couvre une distance de 2 700 km dans la région de Matawinie, nous devons demander un permis de construction à Bell pour chacun des 55 000 poteaux de téléphone visés. Nous faisons plutôt des demandes qui regroupent 50 poteaux, mais vous pouvez calculer que le nombre de demandes que nous devons faire demeure énorme. Bell a trois mois pour nous répondre.
Le rythme d'obtention des permis n'est donc pas très rapide. Je vous dirais que ce qui ralentit le plus les projets n'est pas d'obtenir le soutien des gouvernements ni des députés, mais plutôt les difficultés que nous avons à nous brancher sur les poteaux de téléphone qui appartiennent à Bell Canada.
Je sais que Maskicom a fait une sortie dans les médias. Pour notre part, nous avons décidé de prendre une autre approche et de documenter nos problèmes dans un mémoire public que nous avons fait parvenir au CRTC et que n'importe qui peut lire. C'est un roman de 36 pages, avec photos et graphiques à l'appui. Depuis avril 2019, nous avons demandé plus de 600 permis à Bell, mais nous n'en avons reçu que 68.
Notre projet est donc ralenti par les géants des télécommunications, qui nous mettent des bâtons dans les roues.
Je pense qu'il faut d'abord tenir compte un peu de l'historique. Ce projet pourrait en soi être très rentable. Il ne fait aucun doute qu'on pourrait imposer un péage qui intéresserait beaucoup d'expéditeurs. Pourquoi? Parce qu'il nous donnerait les moyens de vendre notre pétrole à la Californie, qui a un grand besoin de pétrole lourd, ou à l'Asie, où les marges bénéficiaires paraissaient suffisantes. D'un strict point de vue financier, il n'était absolument pas nécessaire que le gouvernement subventionne le projet, parce que tant le promoteur de l'époque, Kinder Morgan, que les expéditeurs eux-mêmes auraient facilement pu absorber les coûts qui y étaient associés.
Comme nous le savons, nous avons toutefois un système de réglementation qui change constamment la donne lorsque vient le temps d'obtenir des approbations. Or, si les règles changent constamment et que les délais s'allongent sans cesse, entre autres, les coûts commencent à grimper. Les dirigeants de Kinder Morgan ont été très sages en disant qu'ils en avaient assez, qu'il y avait trop d'incertitude politique dans ce pays et qu'il ne valait pas la peine d'investir autant si les règles changent continuellement. Ils ont décidé d'abandonner le projet.
À ce moment-là, comme le gouvernement affirmait croire à l'exploitation responsable des ressources énergétiques, il a décidé d'appuyer ce projet, parce qu'il jugeait important de construire cette infrastructure pour favoriser l'exploitation responsable des ressources énergétiques. Le gouvernement a donc acheté cette infrastructure, qui est un actif. Il pourrait faire assez d'argent pour en absorber les coûts, mais il pourrait aussi encaisser une perte. Nous verrons bien.
Cependant, il y a une question plus grave qui se pose en ce qui concerne le régime réglementaire du Canada, qui étouffe complètement l'industrie énergétique en ce moment. Est-ce ce que nous voulons dans ce pays? C'est l'une de nos plus grandes richesses. Nous pourrions l'exploiter de manière responsable.
En fait, il y a toutes sortes d'analyses très intéressantes qui ont été réalisées sur le carbone. J'ai beaucoup aimé l'exposé que nous a présenté votre ami depuis le Royaume-Uni. Je sais qu'il y a une technologie à laquelle on songe pour lutter contre le changement climatique qui consiste à retirer le carbone, le CO2 de l'air. Ce pourrait être une bien meilleure solution que d'essayer d'effectuer une énorme transition énergétique, à un coût astronomique. Cela signifie par ailleurs que nous pourrions continuer d'exploiter nos ressources et d'en tirer d'immenses bénéfices pour le pays dans son ensemble.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous d'être ici. C'est une discussion très intéressante.
Monsieur Mintz, j'aimerais m'adresser d'abord à vous. Vous nous en avez déjà parlé un peu. Je suis retourné lire certaines observations que vous avez faites par le passé.
Je sais que vous avez déjà dit que ce genre de programme peut prêter le flanc à l'ingérence politique. Dans une entrevue que vous avez donnée, vous disiez que le FSI, soit le Fonds stratégique pour l'innovation, pouvait être mal utilisé. C'est ce qu'on peut lire dans un article paru en 2018 dans le National Post et signé Jesse Snyder.
Je m'excuse, je veux seulement vérifier mes notes.
Ce qui est intéressant du FSI — et nous en discutions justement l'autre jour —, c'est qu'il y a une grande disparité régionale dans l'attribution de fonds. Par exemple, ma province de résidence, le Manitoba, a reçu 30 millions de dollars, soit environ 22 $ per capita sur les plus de 2 milliards de dollars que représente ce fonds. L'Ontario a reçu bien au-delà de 60 $ par personne, tout comme le Québec et la Colombie-Britannique.
Si vous deviez nous conseiller ou si vous étiez embauché pour conseiller le gouvernement sur les mesures à prendre pour réduire la probabilité d'ingérence politique dans ce genre de situation, quelles solutions recommanderiez-vous au gouvernement pour rendre ce genre de programme plus indépendant et crédible aux yeux du public?
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Je pense que l'une des premières choses, c'est que les critères à respecter pour pouvoir recevoir de l'argent doivent être très clairs. Je sais qu'il y a eu un concours, mais il est incroyable de constater comment l'argent a été réparti parmi les différentes régions du Canada en fin de compte, ce qui nous amène à nous demander s'il y avait un facteur régional parmi les critères qui ont orienté la façon dont l'argent a été dépensé.
C'est nécessaire. Je pense que vous devriez aussi établir un comité ou une société d'État distincte, qui serait le moins influencé possible par le financement. La critique de l'APECA, l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, est toujours la même depuis des années: il y a beaucoup trop d'influence politique dans ce programme. En fait, un article rédigé par Michael Smart montre qu'une grande partie de l'argent a été accordée à des sociétés de circonscriptions occupées par des députés du parti au pouvoir. Elles reçoivent généralement plus d'argent. Évidemment, cela ne peut pas très bien fonctionner.
Encore une fois, l'APECA a vivement déploré que l'argent ne serve pas nécessairement à favoriser l'innovation. Il y a un argument selon lequel il faut faire partie d'un écosystème d'innovation pour faire ce genre de chose. Or, l'argent était plutôt utilisé pour financer telle ou telle petite entreprise qui, franchement, ne contribuerait pas beaucoup à la croissance économique du Canada atlantique.
Je pense que ces fonds stratégiques pourraient être administrés de manière à retirer les décisions des mains des politiciens. Si on ne le fait pas, ce sera toujours un problème. C'est ce que je recommanderais.
J'aimerais ajouter une chose. Nous parlons constamment autour de cette table de tout ce qui se fait de bien, comme nos collègues ici présents, mais il y a beaucoup de subventions qui ne fonctionnent pas, qui ne sont pas bonnes, et personne ici n'en parle.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai mentionné l'étude d'EY. Je pense qu'il vaudrait la peine que vous y jetiez un coup d'oeil, parce que vous devez prendre le temps de vous demander si nous devons vraiment financer tout ce que nous finançons, comme des réfrigérateurs chez Loblaws.
Cela ne veut pas dire que toutes les subventions versées aux entreprises sont mauvaises. Certaines se justifient, particulièrement lorsqu'elles génèrent beaucoup d'innovation, parce que c'est là un fort argument économique, mais il y a beaucoup de mauvaises subventions qui sont accordées. Ce sont celles-là qui peuvent nuire beaucoup à l'économie. Non seulement peuvent-elles nuire en elles-mêmes à l'économie, mais leur financement nuit à l'économie, parce qu'il passe par la taxation, qui a un coût économique, ou parce qu'il nous prive d'argent pour d'autres dépenses gouvernementales importantes qui pourraient avoir des avantages très importants.
C'est la raison pour laquelle je m'inquiète particulièrement de l'ampleur de toutes les subventions accordées aux entreprises. Je peux vous gager que M. Cross... Est-ce bien 18 milliards de dollars que vous avez mentionnés dans les chiffres tirés de vos estimations? C'est difficile à estimer. J'ai moi-même essayé de faire toutes sortes d'estimations, mais aucune ne me convainc. Je pourrais toutefois parier que si les subventions s'élèvent à 18 milliards de dollars, ce ne sont vraiment pas toutes qui valent la peine.
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Je vous remercie de cette question.
J'axerai ma réponse sur les technologies numériques. Je n'ai pas assez d'information pour vous répondre sur les autres supergrappes.
Quand on construit un écosystème d'innovation, on en observera les résultats qu'à moyen ou à long terme. Il n'apparaîtront pas du jour au lendemain. Je suis extrêmement fière de ce que nous sommes arrivés à faire grâce à notre organisation. Il y a actuellement 450 organisations qui participent à notre projet, des petites entreprises, comme des organismes de recherche et des sociétés nationales ou internationales.
Nous avons lancé trois appels de propositions. Nos appels aux manifestations d'intérêts sont concurrentiels. Il ne suffit pas de répondre aux critères, auxquels je reviendrai dans une minute, il faut être meilleur que tous les autres qui ont répondu à l'appel.
Nos critères comprennent une évaluation de la technologie. S'agit-il d'une technologie viable? Quel en est le niveau de maturité? Y a-t-il une application commerciale et l'entreprise a-t-elle un plan en ce sens? Nous ne sommes pas là pour investir dans un plan stratégique. Nous sommes là pour investir dans des technologies qui aideront le Canada à résoudre les grands problèmes de ce monde et à se tailler une place dans le monde.
Notre évaluation se fait en deux étapes. La première étape est la manifestation d'intérêt. Les candidats doivent nous soumettre une proposition écrite, et toute l'équipe doit participer à une présentation en personne.
La deuxième étape est celle de la proposition complète. Nous recevons les manifestations d'intérêts. Nous les évaluons, sur la base d'une présentation en personne et d'une proposition écrite, après quoi il y a la proposition complète. Les propositions complètes sont évaluées dans trois contextes. Nous faisons appel à des experts internationaux. Nous rassemblons plus de 50 experts de 11 pays dans leur domaine, donc si une entreprise propose de faire une mise en commun des données, de créer une plateforme numérique, nous soumettrons l'idée à nos experts internationaux. Au moins trois experts internationaux évalueront la proposition complète. L'équipe doit ensuite faire une nouvelle présentation complète en personne, à la phase deux, puis comparaître devant notre comité de sélection des projets, qui se compose d'experts internes et externes.
Nous évaluons le degré de maturité de la technologie, ses applications commerciales et comme nous parlons là d'entreprises, nous en évaluons les aspects commerciaux. Est-ce qu'une bonne équipe de gestion est en place? Est-ce qu'il y a un bon plan d'affaires? Nous voulons connaître le budget associé au projet et savoir qui fait quoi, parce que ce n'est pas nous qui nous en occuperons.
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Je vous remercie tous et toutes d'être ici aujourd'hui. Que c'est intéressant d'entendre tous les témoins s'exprimer sur cette question!
Le Canada a conçu ce programme de subventions qui touche beaucoup de ministères et beaucoup de disciplines. On parle ici d'entreprises en démarrage, d'innovation, de sociétés matures, de sociétés qui ont des liquidités, de tout. C'est une question importante.
Je m'adresse à M. Cross ou à M. Mintz.
Le gouvernement décrit ce programme comme un investissement. Pour moi, l'investissement vient toujours de l'extérieur, il s'agit d'entités privées ou de marchés de capitaux qui investissent dans des pays, dans des entreprises, dans des technologies. En revanche, on investit ici de l'argent emprunté, de l'argent des contribuables, selon une formule qui prive l'économie de sommes importantes, comme nous l'avons déjà entendu.
Y a-t-il un exemple de pays qui vous vienne à l'esprit, un pays qui aurait essayé une stratégie différente permettant d'abaisser le fardeau fiscal global? Y a-t-il des incitatifs qui ne seraient pas un programme en soi, qui abaisseraient le fardeau fiscal, mais permettraient d'attirer des entreprises et des investissements au pays, de manière à ce que ce ne soit pas le gouvernement qui prenne les décisions?
Nous pourrions peut-être entendre d'abord M. Mintz.
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Il y a deux exemples qui me viennent à l'esprit. Le premier est Hong Kong, qui a connu ses propres défis dernièrement, mais si l'on observe l'histoire de Hong Kong, elle a connu énormément de succès. En fait, elle s'est détournée de la fabrication, parce qu'une grande partie de l'industrie manufacturière s'est déplacée vers la Chine, pour devenir une grande puissance financière régionale à la place. En fait, les emplois dans le secteur manufacturier représentaient la moitié du PIB de Hong Kong dans les années 1950, alors qu'ils n'en représentaient plus que 5 % à partir de 1995-2000.
Hong Kong a opéré une excellente transformation pour ce faire. Elle s'est dotée d'une politique extrêmement stricte interdisant toute subvention aux entreprises, ne leur accordant aucun crédit d'impôt ni aucune concession spéciale, au lieu de quoi elle a gardé les taux très bas. En fait, elle imposait un taux d'imposition très bas aux entreprises; je pense qu'il était de 15 % quand j'y étais, au début des années 2000. Le taux d'imposition des particuliers y était aussi très bas. Il n'y avait aucune retenue d'impôt, et quiconque essayait de recommander un incitatif spécial se faisait clouer le bec. Le gouvernement avait le plein appui du public et affirmait clairement que ce n'était pas ainsi qu'il fonctionnait. Soit dit en passant, c'était là une stratégie très différente de celle de Singapour, un pays qui a connu une grande croissance aussi.
L'autre modèle qui y ressemble un peu est celui de l'Irlande. L'Irlande a commencé par offrir un taux d'imposition de 10 % au secteur manufacturier et à certains services financiers, après quoi elle a décidé d'élargir ce taux à tous, puis de fixer le taux d'imposition des entreprises à 12,5 %, un taux toujours en vigueur aujourd'hui. Il y avait toutefois certains crédits d'impôt pour la R-D, donc elle appuie un peu l'innovation de cette façon. Je ne sais pas trop ce qu'il en est des subventions; elle a peut-être offert quelques subventions.
De manière générale, l'Irlande avait pour philosophie de maintenir des taux d'imposition très bas. Son histoire est remarquable, parce que si l'on repense à l'Irlande dans les années 1960, c'était le cousin pauvre de l'Europe et elle connaissait un fort exil. Ses meilleurs éléments partaient pour les États-Unis ou la Grande-Bretagne. Sa croissance était très faible, mais elle a maintenu le cap sur cette stratégie fiscale et s'est mise à investir dans les infrastructures — l'autre volet important de sa stratégie — et l'éducation. Les Irlandais croyaient fermement qu'il fallait éduquer leur population, parce que les gens en général ne détenaient qu'un diplôme d'études secondaires. Alors non seulement le pays s'est-il assuré que sa population ait accès à des études supérieures, mais il s'est doté d'une politique à la Bernie Sanders et a rendu toutes les études universitaires et postsecondaires gratuites parce qu'il voulait que les gens acquièrent des compétences et les élargissent.
Bien sûr, on connaît la suite, l'Irlande s'est mise à connaître une croissance phénoménale. En fait, c'est devenu le pays à la croissance la plus rapide en Europe. Les entreprises se sont mises à affluer vers l'Irlande, en partie grâce à ces bonnes stratégies de planification fiscale, mais ce n'était pas tout. De nombreuses sociétés pharmaceutiques se sont établies en Irlande, toutes sortes d'autres entreprises ont fait de même, et cette stratégie a vraiment fonctionné. Son flux d'immigration s'est inversé. L'Irlande a connu une période très difficile et une crise financière, parce que les banques n'y étaient pas aussi bien réglementées qu'elles le sont au Canada, donc elle en a souffert, mais s'est relevée. Ce qui est intéressant, c'est que c'est toujours l'un des pays qui connaît la croissance la plus rapide depuis 2010 de l'Europe et de l'Amérique du Nord, parmi tous les pays de l'OCDE et bien d'autres.
Son histoire est remarquable et elle montre que de bonnes politiques macroéconomiques, une infrastructure et une éducation solides — et des dépenses en conséquence —, puis un régime fiscal judicieux peuvent contribuer beaucoup à construire une bien meilleure économie.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais revenir à M. Mintz et à M. Cross.
Nous entendons évidemment des histoires très valables qui montrent comment les mesures de soutien du gouvernement fédéral ont donné des résultats positifs et, pourtant, nous avons le projet Trans Mountain. Voilà, selon moi, un exemple assez flagrant de soutien pour quelque chose qui est tout simplement insensé sur le plan commercial, car cela fait peser des menaces pour les industries de la pêche et du tourisme en Colombie-Britannique.
Certes, il y a un désavantage économique. Par contre, du point de vue des changements climatiques, l'incidence environnementale est énorme. À cela s'ajoute la flambée des coûts de construction. Il est intéressant d'examiner l'évolution de l'opinion publique au sujet du projet Trans Mountain. Je crois qu'au début, les gens étaient davantage en faveur du projet, mais depuis que la montée rapide des coûts de construction a été portée à l'attention du public, des sondages plus récents ont révélé que la plupart des Canadiens — pas seulement en Colombie-Britannique, mais dans tout le pays — s'opposent maintenant au projet Trans Mountain.
Ma première question porte sur la perception du public à l'égard des subventions accordées aux entreprises sans réelle justification — comme dans le cas de Loblaws — ou de la renonciation au remboursement des prêts lorsqu'une société ferme son usine et met des travailleurs au chômage. N'y a-t-il pas un problème quand le gouvernement dépense sans discernement des sommes considérables de fonds publics, puisés à même les poches des contribuables, pour financer ce genre de projets — notamment le projet Trans Mountain, qui ne sera jamais rentable, qui fait déjà perdre de l'argent et qui n'a aucun fondement commercial?
Je vais commencer par vous, monsieur Cross.