:
Bienvenue à la 27
e réunion du Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Conformément à l'ordre de renvoi du mardi 24 mars, le Comité se réunit pour discuter de la réponse du gouvernement à la pandémie de la COVID-19.
La réunion d'aujourd'hui se déroule par vidéoconférence, et les délibérations seront rendues publiques sur le site Web de la Chambre des communes.
Il est inutile de passer en revue les détails techniques, puisqu'on l'a déjà fait à quelques reprises. Je soulignerais toutefois qu'il est fortement recommandé d'utiliser un casque d'écoute à microperche, ce qui facilite grandement la tâche des interprètes. Je demanderais aussi aux intervenants de parler aussi lentement et aussi clairement que possible.
Avant de donner la parole au témoin, le directeur parlementaire du budget, j'aimerais accorder une minute à M. Morantz pour qu'il dise un mot sur l'anniversaire qu'il m'a mentionné tout à l'heure, juste avant que je déclare la séance ouverte.
Monsieur Morantz, vous avez la parole.
:
Merci, monsieur le président, de m'accorder quelques instants.
Aujourd'hui, ma province, le Manitoba, célèbre son 150e anniversaire. C'est le 12 mai 1870 que le Manitoba est officiellement devenu une province, devenant ainsi la cinquième province à se joindre à la Confédération. La résilience qui caractérise les habitants des Prairies, dont plus de 1,3 million de Manitobains, est plus perceptible que jamais en ce moment. En effet, les Manitobains de tous les horizons unissent leurs efforts pour lutter contre la COVID-19.
Depuis 150 ans, les Manitobains font preuve de persévérance dans les périodes difficiles et ils ont l'esprit à la fête quand les choses vont bien. Aujourd'hui, comme tous les jours, je suis très fier d'être Manitobain.
Je souhaite donc un joyeux 150e anniversaire à tous mes concitoyens du Manitoba.
Merci, monsieur le président.
:
En effet, monsieur le président.
Monsieur le président, messieurs les vice-présidents, mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour. Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner devant vous aujourd'hui. C'est la première fois que je comparais virtuellement devant votre comité.
Nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui pour parler de notre récente analyse des questions économiques et financières liées à la COVID-19.
Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Xiaoyi Yan, qui, à mon bureau, est directrice de l'Analyse budgétaire.
Jusqu'ici, nous avons publié trois rapports d'analyse de scénario sur les répercussions des chocs dus à la pandémie de COVID-19 et à la chute des prix du pétrole. Ces rapports visent à aider les parlementaires à évaluer les répercussions éventuelles des chocs dus à la pandémie de COVID-19 et à la chute des prix du pétrole sur l’économie canadienne et les finances du gouvernement. Cette analyse fournit un scénario illustratif plausible. Il ne s'agit pas d'une prévision. L’analyse de scénario est mise à jour régulièrement, à mesure que nous prenons connaissance de données et de renseignements supplémentaires.
Publiée le 30 avril, notre plus récente mise à jour de l'analyse de scénario tient compte des nouvelles mesures fédérales annoncées jusqu'au 24 avril, inclusivement. Elle prévoit que, en 2020, le PIB réel du Canada connaîtra une baisse de 12 %. Il s'agirait ainsi de la croissance la plus faible jamais enregistrée depuis le début de la série, en 1961.
Selon ce scénario, le déficit budgétaire passerait à 252 milliards de dollars en 2020-2021. Par rapport à la taille de l'économie canadienne, un tel déficit représenterait 12,7 % du PIB. Le ratio de la dette fédérale par rapport au PIB passerait à 48,4 % en 2020-2021. Les plus récents résultats budgétaires tiennent compte des mesures budgétaires fédérales totalisant 146 milliards de dollars qui ont été annoncées en date du 24 avril et ils se fondent sur les évaluations de coûts de Finances Canada et du directeur parlementaire du budget. Ces chiffres ne prennent pas en considération les mesures annoncées après le 24 avril. Si on en tenait compte, ils ajouteraient quelques milliards de dollars au déficit fédéral.
Mon bureau a également produit des évaluations des coûts liés à certains éléments du Plan d'intervention économique du Canada pour répondre à la COVID-19, dont la Prestation canadienne d'urgence, la Subvention salariale d'urgence du Canada et le Compte d'urgence pour les entreprises canadiennes. Selon notre analyse, on estime que le coût de la Prestation canadienne d'urgence s'élèvera à 35 milliards de dollars, tandis que la Subvention salariale d'urgence du Canada et le Compte d'urgence pour les entreprises canadiennes devraient coûter 75 milliards de dollars et un peu plus de 9 milliards de dollars, respectivement.
Les mesures budgétaires annoncées jusqu'ici par le gouvernement sont censées être temporaires. Après l’expiration des mesures budgétaires et la reprise de l’économie, le ratio de la dette fédérale par rapport au PIB devrait se stabiliser. Toutefois, si certaines des mesures sont prolongées ou deviennent permanentes, le ratio de la dette fédérale pourrait continuer d’augmenter.
Xiaoyi et moi serions ravis de répondre à vos questions sur l'analyse des répercussions de la COVID-19 ou sur les autres travaux réalisés par le Bureau du directeur parlementaire du budget.
Merci, monsieur le président.
:
Merci beaucoup, monsieur Giroux. Je vous remercie du travail important que vous faites.
Je vais donner la parole à tour de rôle aux intervenants inscrits sur la liste, puis je reviendrai au premier nom.
Pour la première série de questions de six minutes, ce sera, dans l'ordre, M. Morantz, qui sera suivi par M. Fraser, M. Ste-Marie et M. Julian. Puis, au tour suivant, nous allons commencer par M. Poilievre.
Monsieur Morantz, vous avez la parole.
:
Ai-je assez de temps pour poser une dernière question, monsieur le président? Parfait, merci.
L'ancien gouverneur de la Banque du Canada avait, entre autres, fait valoir... En fait, c'était plutôt M. Kevin Milligan, un économiste qui a comparu devant le Comité. Pendant son témoignage, il a notamment dit que ce n'est pas les dépenses du gouvernement qui ont créé cette dette, mais bien le virus. Selon lui, il fallait déterminer comment répartir les coûts de la réponse au virus entre les particuliers, les entreprises, les municipalités, les provinces et le fédéral. J'ai trouvé que c'était un point de vue intéressant parce que l'inaction aurait évidemment aussi entraîné un énorme coût, qui aurait en grande partie été refilé aux particuliers, aux entreprises et aux autres ordres de gouvernement.
Je me demande si vous pouvez analyser le coût qu'une intervention réduite aurait eu pour l'ensemble du système économique du Canada.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Bonjour, monsieur Giroux. Je tiens d'abord à vous féliciter, vous et votre équipe, pour le travail exceptionnel que vous faites en ces temps de crise. À voir le nombre de vos publications et leur qualité, vous ne chômez pas, loin de là!
Je commence par un bref commentaire. Nous avons rappelé le ratio qui avait cours au milieu des années 1990 entre la dette et le produit intérieur brut. On se souviendra de la solution du gouvernement fédéral de l'époque, qui avait été de pelleter le problème dans la cour des provinces en réduisant les transferts, notamment ceux en santé. Nous souhaitons évidemment qu'il y ait une solution à brève échéance au déséquilibre fiscal.
Ma première question est en lien avec la comptabilisation des prêts et des garanties de prêts. Le gouvernement a débloqué près de 200 milliards de dollars en prêts et en garanties de prêts. Nous ne savons pas où il s'arrêtera puisque le compte du Canada semble maintenant illimité. Cependant, le Parlement ne vote que sur des dépenses. Or tous ces prêts et garanties ne deviendront une dépense que lorsqu'ils seront radiés dans 10 ans. Il sera alors trop tard pour exercer le moindre contrôle.
Selon vous et votre équipe, existe-t-il une façon d'avoir un meilleur contrôle sur ce qui se fait? Que suggérez-vous?
:
C'est une bonne question. Elle m'a été posée lors de la législature précédente concernant la pratique de tous les gouvernements d'octroyer des prêts pour ensuite radier certaines de ces créances en cas de faillite de l'emprunteur. Cela laisse en plan les parlementaires, qui ne votent jamais sur ces prêts.
Afin d'assurer aux parlementaires un certain contrôle sur le niveau d'endettement et sur ces prêts qui peuvent donner lieu à des radiations de créances et à des frais importants pour la Couronne, il y aurait probablement lieu de permettre aux parlementaires de voter sur les limites maximales de l'accroissement de la dette que les sociétés de la Couronne et les entités gouvernementales peuvent consentir.
Comme vous l'avez mentionné, la Couronne peut en tirer des bénéfices nets, quoique faibles, si les prêts sont octroyés à des taux commerciaux. Cependant, comme nous l'avons vu il y a deux ans dans le cas de Chrysler, la dette doit parfois être radiée. Cela occasionne des pertes importantes au Trésor, ce qui n'est pas formellement approuvé par les parlementaires.
Un mécanisme au moyen duquel les députés et les sénateurs voteraient sur les augmentations des limites de prêts serait probablement approprié. Cette question, par contre, relève évidemment des parlementaires.
:
Je vous remercie, monsieur Giroux.
On se souviendra que Chrysler avait reçu 2,5 milliards de dollars il y a deux ans. C'est inquiétant.
Dans le cadre de votre travail, vous évaluez le coût global des mesures, mais vous ne faites pas de suivi détaillé des dépenses. Par exemple, combien d'argent est réellement dépensé? Quel est le profil des entreprises qui bénéficient de la Subvention salariale d'urgence du Canada, ou encore du Crédit d'urgence pour les grands employeurs qui a été annoncé hier? Ce ne sont pas tant les détails qui m'intéressent que des agrégats permettant de voir si ce sont de petites ou moyennes entreprises ou de grandes sociétés qui reçoivent l'argent, ou encore les secteurs de l'économie qui en bénéficient le plus.
Selon vous, cela pourrait-il se faire? À l'heure actuelle, les parlementaires manquent d'outils pour exercer un contrôle réel sur les dépenses immenses qui ont cours et veiller à ce qu'elles servent les bonnes priorités économiques.
:
J'ai probablement deux réponses à cela.
La première est qu'il est très évident pour moi qu'il est plus que temps que le gouvernement dépose une mise à jour économique ou, à tout le moins, une mise à jour budgétaire. Il est clair qu'il est difficile d'avoir une mise à jour économique dans un climat de très haute incertitude, mais le gouvernement pourrait faire une mise à jour budgétaire au cours de laquelle il pourrait faire le point sur les revenus qu'il s'attend à recevoir et, surtout, sur ce qu'il a prévu comme dépenses depuis le début de la crise et qu'il prévoit au cours des prochains mois. Ce serait très important pour les parlementaires, mais aussi pour l'ensemble des Canadiens.
La deuxième réponse est un peu cynique. Si le gouvernement ne veut pas le faire, je serai heureux de le faire avec l'information limitée que j'ai. Cela me permettrait tout de même de tenir les parlementaires et les Canadiens informés. Le niveau d'information ne serait évidemment pas le même parce que je n'ai pas accès à l'information qui est discutée au Cabinet; mais je pourrais quand même vous tenir raisonnablement informés. L'absence de chiffres du gouvernement permet au travail de mon bureau d'avoir plus de visibilité. C'est en quelque sorte ma réponse opportuniste, si je puis dire.
:
Je vous remercie de votre réponse. Je pense que Bay Street va certainement exercer une certaine pression pour que l'on mette en place des modèles d'austérité. Nous constatons bien sûr que beaucoup de gens ont du mal à joindre les deux bouts, donc l'idée d'adopter un modèle d'austérité après la pandémie semble complètement insensée.
Avec votre rapport marquant de l'année dernière, votre appel lancé le dernier jour de la dernière législature, vous avez tracé un chemin possible pour l'après-pandémie. Le 21 juin dernier, vous avez présenté un rapport important intitulé Constatations préliminaires concernant la fiscalité internationale. Celui-ci traite de la portée des paradis fiscaux sur la fiscalité au Canada. Dans la conclusion, vous dites que, si l’on considère les transferts électroniques de fonds, cela représente « environ 164 milliards de dollars de revenus imposables, à savoir 25 milliards de dollars en perte de recettes fiscales ».
Depuis ce temps, y a-t-il d'autres chiffres qui se sont dégagés? À l'époque, le 21 juin, vous avez dit que c'était une estimation relativement prudente. Avez-vous une idée maintenant de la valeur que pourraient atteindre ces recettes fiscales, cet argent que nous avons en commun pour financer des programmes et des emplois, et de la part de cet argent qui ne fait pas partie de ce que le gouvernement fédéral devrait percevoir?
Au prochain tour, les intervenants disposeront de six minutes, car nous avons beaucoup de temps devant nous. Nous commencerons par M. Poilievre, puis nous passerons à M. Fragiskatos.
Cependant, avant de poursuivre, je veux dire que j'ai réfléchi à la préoccupation qui a été exprimée au cours du premier tour, en réponse aux questions de M. Morantz, mais qui a aussi été soulevée au Parlement et auprès du concernant la bureaucratie ou le fait que le gouvernement ne court pas après ceux qui ne devraient pas obtenir la Prestation canadienne d'urgence.
Je veux vraiment insister sur ce point: la fraude ne sera pas tolérée. C'est aussi simple que cela. À mon avis, les ministres n'ont pas été aussi clairs qu'ils auraient dû l'être aujourd'hui. Beaucoup de gens appellent à mon bureau pour dire qu'ils recevaient des prestations d'assurance-emploi, mais qu'ils sont retournés au travail. Cependant, ils se sont mis à recevoir la Prestation canadienne d'urgence de 2 000 $, et ce, sans en avoir fait la demande. Ils appellent à mon bureau pour savoir ce qu'ils doivent faire. Je leur dis de mettre l'argent de côté et de ne pas le dépenser. La situation sera réglée à la fin de la période de déclaration de revenus.
Les gens savent qu'ils n'auraient pas dû la recevoir. Il y en a sans doute qui utilisent la Prestation canadienne d'urgence alors qu'ils n'y sont pas admissibles. Cependant, le fait est qu'à la fin de l'exercice financier, l'Agence du revenu du Canada ou quelqu'un d'autre frappera à leur porte. Voilà pourquoi je tiens à souligner que la fraude ne sera pas tolérée. Je pense que les parlementaires vont certainement insister sur ce point. On y remédiera.
Monsieur Poilievre, vous disposez de six minutes.
Aujourd'hui, j'ai jeté un coup d'œil au bilan du gouvernement pour 2018-2019. J'ai pu constater que le gouvernement du Canada avait une situation nette déficitaire de 685 milliards de dollars, et ce, avant le coronavirus.
Monsieur le directeur parlementaire du budget, selon les mises à jour que vous avez fournies, la situation nette déficitaire s'élève maintenant à 968 milliards de dollars, à la fin de l'exercice. C'est ce que nous appelons la dette fédérale, mais il s'agit en fait des actifs moins les passifs, ce que nous appelons généralement la valeur nette. Comment est-il possible qu'une entité ait une situation nette déficitaire de 968 milliards de dollars, presque 1 billion? La réponse est que le principal actif du gouvernement fédéral ne figure pas dans son bilan; il s'agit du pouvoir d'imposition. Par conséquent, lorsque nous demandons si le gouvernement peut se permettre de payer ses factures, la principale question que nous devons nous poser est de savoir si la population peut se permettre de payer le gouvernement.
Voilà pourquoi je trouve que le ratio dette-PIB dont vous et d'autres fonctionnaires faites référence est si trompeur. Le ratio dette-PIB de cette année n'est pas de 48 %. Il est plus proche de 360 %, car le gouvernement fédéral n'a pas la mainmise sur la totalité de l'économie canadienne. L'économie doit supporter la dette des gouvernements fédéral et provinciaux, des administrations municipales, en plus des entreprises et des ménages. Si on considère l'ensemble de ces éléments, nous étions à 356 % du PIB en 2018, avant que le coronavirus ne frappe.
Vous avez dit que nous avons une grande marge de manœuvre avant d'atteindre les niveaux catastrophiques de 1995, mais quel était le rapport entre la dette totale de l'économie et le PIB en 1995 par rapport à celui d'aujourd'hui?
:
Oui, mais quand vous examinez le ratio dette-PIB d'autres pays, vous n'excluez pas les fédérations. Vous comparez le Canada à d'autres fédérations, ainsi qu'à des États unitaires, sans les exclure.
M. Yves Giroux: Oui.
M. Peter Fragiskatos: Parfait!
Je veux revenir sur une question que M. Fraser vous a posée à la fin de son intervention.
Supposons un instant que le Canada s'était contenté de faire le minimum et n'avait pas instauré la Prestation canadienne d'urgence, le Programme de subventions salariales, l'Aide d'urgence du Canada pour le loyer commercial à l'intention des entreprises ou le Compte d'urgence pour les entreprises canadiennes. Quelles auraient été les répercussions économiques? Je sais que vous n'avez pas effectué des modélisations là-dessus et que vos collaborateurs ne se sont pas penchés sur la question. Toutefois, vous avez bien dit qu'il serait intéressant de se livrer à ce genre de réflexion. Vous étudiez l'économie. C'est votre expertise. Que répondriez-vous si je vous posais cette question?
Si le Canada n'avait pas instauré ces programmes, quel aurait été l'effet net sur l'économie, en tenant compte d'une évidence même, à savoir que l'économie repose essentiellement sur les gens? Si les gens souffrent, je suppose que l'économie souffrirait certainement d'une manière sans précédent. Je ne prétends pas parler pour vous, mais auriez-vous quelque chose à ajouter?
En l'absence d'aide gouvernementale, comme des subventions salariales, des mesures de soutien du revenu et des prêts aux entreprises, il y aurait eu un nombre important de faillites de particuliers et d'entreprises.
Il y aurait eu encore plus de restaurants qui auraient décidé de ne pas rouvrir leurs portes. Il y aurait déjà eu de nombreuses faillites. En effet, il n'y a pas un grand nombre de personnes qui ont suffisamment d'économies pour subvenir à leurs besoins pendant des mois sans revenus. Il y aurait donc eu beaucoup de saisies de maisons à cause des prêts hypothécaires non remboursés et de saisies de véhicules à cause des prêts automobiles non remboursés. Comme je l'ai mentionné, des entreprises auraient fait faillite, et des soldes de carte de crédit n'auraient pas été remboursés. Il coûterait certes cher de ne rien faire. Au lieu d'être assumé par le gouvernement, ce coût devrait être assumé par des entreprises, des banques, des institutions financières ou tout prêteur d'argent. Ils devraient éponger des dettes très élevées, ce qui causerait beaucoup de détresse émotionnelle et de stress.
:
Oui, je pense que cela aurait pu se produire. Cependant, je crois que cela aurait seulement forcé le gouvernement à passer à l'action, sauf que les mesures qu'il aurait prises auraient probablement été encore plus coûteuses ou radicales que celles que le gouvernement a estimé devoir adopter.
Par exemple, comme je l'ai mentionné, l'absence de mesures de soutien du revenu ou de prêts provoquerait notamment une grande détresse économique et bon nombre de faillites. Dans un tel scénario catastrophique, on peut facilement imaginer les institutions financières canadiennes faire faillite les unes après les autres. Le gouvernement aurait dû renflouer les banques, ce qui ne coûterait probablement pas beaucoup moins cher, et ne serait certes pas moins coûteux que les mesures prises actuellement par le Canada pour venir en aide aux particuliers et aux entreprises.
Quant au coût de l'inaction, je ne pense pas qu'on peut vraiment l'envisager parce que le gouvernement aurait, de toute façon, été forcé de faire quelque chose. Au lieu de présenter des mesures en mars, il aurait dû le faire à la fin d'avril ou en mai, et le coût total aurait probablement été beaucoup plus élevé qu'il l'est actuellement. Toutefois, nous ne le saurons jamais avec certitude, car nous ne souhaitons pas mener une expérience sociale aussi terrible.
:
Selon ce scénario, les mesures de distanciation physique seraient graduellement allégées au cours du printemps, et resteraient en vigueur jusqu'à la fin de l'année civile. Certaines mesures resteraient en place toute l'année. Ainsi les provinces et le gouvernement fédéral continueraient de percevoir des recettes fiscales, mais celles-ci ne reviendraient sûrement pas, au cours de l’année, au niveau où elles étaient avant la pandémie. Nous devrons probablement attendre jusqu'après la fin de l’exercice avant de voir les recettes gouvernementales revenir à ce qu’elles étaient. Il faudra plusieurs mois, et peut-être même plusieurs années, avant que nous percevions de nouveau les recettes que nous avions en février.
Pour ce qui est du niveau de certitude que j'ai à l'égard du déficit, chiffré à 252 milliards de dollars, cela dépend de plusieurs choses. Pour qu'il tienne, il faut que les mesures de distanciation soient allégées graduellement d'ici la fin de 2020. Il faut aussi que le prix de l'essence demeure bas jusqu'à la fin de l'année. Il a fallu cesser de considérer certains facteurs après le 24 avril parce qu'il fallait publier des conclusions.
À mon avis, ce chiffre de 252 milliards de dollars est probablement une prévision optimiste. Si je devais gager, je dirais que ce sera probablement pire. Je pense que ce chiffre de 252 milliards est probablement très optimiste dans l’état actuel des choses, mais nous pourrions aussi avoir de bonnes surprises, comme je l’ai déjà dit. Un génie pourrait trouver le vaccin demain, et nous pourrions revenir à la vie normale avant septembre, mais pour le moment il ne faut pas compter là-dessus. Selon toute vraisemblance, le déficit dépassera les 252 milliards de dollars.
:
À mon humble avis, le plus tôt sera le mieux.
Il est toutefois un peu difficile de demander au gouvernement de présenter un tel plan maintenant, puisque les gouvernements — pas seulement le gouvernement fédéral, mais les gouvernements provinciaux et territoriaux également — font actuellement des pieds et des mains pour composer avec la pandémie et protéger les Canadiens.
Cependant, la fonction publique est capable de formuler des propositions et des options en vue d’un plan de relance. Ayant travaillé au ministère des Finances et au BCP, je suis sûr que des esprits brillants formulent déjà des avis aux ministres et au Cabinet en vue de la présentation d’un plan de redressement économique. À mon avis, le plus tôt ce plan sera présenté et rendu public, mieux ce sera pour inspirer aux Canadiens et aux entreprises ce sentiment de confiance dont vous avez parlé. Ainsi, une fois la pandémie maîtrisée, on pourra revenir à une situation économique favorable, il y aura des possibilités d’investissement et les gens qui ont perdu leur emploi pourront trouver du travail. Cette pandémie aura un revers plus sympathique.
À mon avis, plus ce plan sera dévoilé rapidement, mieux ce sera pour nous tous, collectivement.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie le directeur parlementaire du budget. C'est une discussion très intéressante que nous avons aujourd'hui.
Ma question s'adresse au directeur parlementaire du budget. Quand vous avez témoigné au Comité, au début de mars, je vous avais interrogé au sujet de la viabilité financière des gouvernements des territoires nordiques, dans le contexte qui est le leur.
Je ne peux m'empêcher de penser que votre prochain rapport montrera que la pandémie a grandement aggravé la situation. Compte tenu de notre assiette fiscale restreinte, des lacunes qui affligent nos services et notre infrastructure et des pouvoirs fiscaux limités des territoires par rapport à ceux des gouvernements de plus grande taille, diriez-vous que le Nord est dans une situation particulièrement précaire actuellement?
:
Au moment de la publication du dernier rapport sur la viabilité financière, en janvier, et du rapport précédent, en 2018, il était clair que le gouvernement fédéral avait des pratiques viables pour les 75 prochaines années et que ce n’était pas le cas pour l’ensemble des provinces et des territoires combinés. C’était peut-être naïf de ma part, mais je m’attendais à ce que la discussion au pays amène une modification des responsabilités ou du mode de partage des recettes entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Cela ne s’est pas produit, et la crise actuelle met probablement cette situation en lumière.
La discussion devra se poursuivre parce que, au bout du compte, ce sont les mêmes contribuables qui paient pour tous les ordres de gouvernement. Si un gouvernement est viable et que les autres ne le sont pas, il faut se dépêcher de mieux répartir l’assiette fiscale et de trouver comment générer des recettes qui seront distribuées plus avantageusement pour tous. La même chose est vraie pour la répartition des responsabilités.
Bref, j'entends par là que vos suggestions me semblent valables pour assurer une meilleure viabilité financière des territoires, mais il s’agit toujours d’une décision politique à savoir qui aura quoi dans une situation particulière. Rien de ce que vous avez dit ne m’a semblé inapproprié, et je n’aurais rien contre ces solutions, mis à part, peut-être, la hausse de la limite de la dette. Si un territoire ou toute administration n’est pas viable à long terme, ce n’est pas en lui permettant d’emprunter davantage qu’on l’aidera. Cela pourrait être une solution temporaire, mais ce n’est probablement pas la solution à long terme.
:
Excusez-moi, je taquinais Pierre.
Oh, vous vous asseyez, Pierre. Bien.
Je voudrais commencer par remercier Stephen Harper d'avoir créé le poste de directeur parlementaire du budget. Nous avons commencé à considérer son existence comme allant de soi.
Vous faites un travail excellent, monsieur Giroux et madame Yan. Nous vous devons beaucoup. Je vous en suis infiniment reconnaissante. Les habitants de ma circonscription me demandent en effet tout le temps ce que cela signifie pour notre avenir, quel niveau de déficit et d'endettement nous pouvons nous permettre. Je trouve que la clarté de vos rapports, pendant cette crise, est extrêmement utile.
J'aimerais revenir sur quelque chose que vous venez de dire. Vous avez dit espérer que les dépenses pour stimuler l'économie, après la pandémie, viseront à « stimuler la productivité ». Je me demande si vous auriez des suggestions à faire, par catégorie bien évidemment. Quel genre de dépenses répondrait à vos objectifs, c'est-à-dire profiter de cette crise, en fait, pour améliorer nos indicateurs économiques, en particulier en lien avec la productivité?
:
Merci d'avoir essayé de nous donner un début de réponse à une question très vaste.
Je vais passer à autre chose. Prendre part à ce comité est un privilège extraordinaire et je remercie mes collègues de m'avoir permis d'y participer. Nous avons eu le grand privilège d'entendre des gens comme vous, bien sûr. Le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, a témoigné et a parlé de ce qui est l'orthodoxie des banques centrales mondiales, à savoir que, à une époque comme celle que nous vivons, nous devons faire tout notre possible pour lutter contre la déflation et que nos politiques, comme la réduction des taux d'intérêt à un niveau proche de zéro ou l'assouplissement quantitatif, peuvent être inflationnistes.
Nous avons reçu un témoin aux tendances plutôt iconoclastes. Je ne sais pas si je peux vous demander votre opinion quant à savoir si nous devrions en fait revoir notre position là-dessus, mais un témoin appelé Jeffrey Booth, qui a écrit un livre intitulé The Price of Tomorrow, a affirmé que nous ne pouvons pas continuer à lutter contre la déflation. Le coût marginal de beaucoup de choses comme l'énergie renouvelable frise le zéro, les biens de consommation et l'intelligence artificielle...
Je ne sais pas si je peux vous demander votre avis, mais j'ai trouvé ce discours dissonant très frappant. C'était certainement un point de vue d'iconoclaste et je me demande ce que vous pensez de cela.
,
Bien. Je ne crois pas que le coût marginal de quoi que ce soit puisse friser le zéro sans qu'il y ait une demande infinie. Vous avez dit que, si le coût marginal de l'énergie frise le zéro, il n'y aura plus d'incitatif pour économiser l'énergie puisqu'elle ne coûtera quasiment rien. La demande répondra à l'offre et il y aura un coût à cela et les coûts ne reviendront jamais à zéro.
Vous pouvez penser que les coûts marginaux liés à la diffusion en ligne sont nuls, mais, en fait, quand tout le monde est connecté à Internet, comme on l'observe ces jours-ci dans nos quartiers, Internet commence à ralentir un peu et les fournisseurs de service Internet commencent à songer à augmenter leurs prix parce qu'ils vont devoir augmenter leur bande passante.
Je ne pense donc pas que ce soit inutile de lutter contre la déflation parce que si le coût marginal d'une chose atteint zéro, il y aura une demande infinie pour cette chose et son coût marginal ne baissera pas jusqu'à zéro. Il y a, bien sûr, des exceptions, mais, je ne pense pas, d'une manière générale, que nous ne pouvons pas « contrecarrer » la déflation.
Bonjour, monsieur Giroux.
Premièrement, je tiens à souligner, comme l'a fait tantôt mon collègue de , que vous ne devez pas chômer ces temps-ci. Bravo!
Vous avez parlé tout récemment de mesures qui viseraient à stimuler l'économie dans le cadre d'une éventuelle relance. La semaine passée, une question a été posée par M. Littler, qui comparaissait devant le Comité en tant que représentant du Conseil canadien du commerce de détail. M. Littler demande une mesure depuis des années — depuis plusieurs législatures, en fait. Nous avons posé la même question à M. Morneau, mais nous n'avons pas obtenu de réponse. C'était au sujet des frais d'interchange que doivent assumer les détaillants à chaque transaction. Comme on le sait, dans le contexte de la COVID-19, on utilise surtout les cartes de crédit, notamment. L'argent comptant n'est presque plus utilisé.
Je me demandais si nous devrions imiter l'Europe ou l'Australie en fixant le taux à 0,3 %, pour chaque transaction, plutôt qu'à 1,5 %, comme c'est le cas présentement. En réalité, le taux se situe autour de 2 % et atteint même parfois 2,5 % dans certaines situations. Or cela gruge directement les profits des commerçants. Le fait de fixer ces taux à 0,3 %, comme cela se fait ailleurs, ne favoriserait-il pas une relance de l'économie, entre autres? Cela ferait beaucoup d'argent dans les poches de ces commerçants, mais aussi plus d'impôt à payer puisqu'ils feraient plus de profit.
Selon vous, est-ce que cette mesure a déjà été étudiée par votre bureau? Cette demande date d'il y a longtemps. Est-ce qu'il serait avisé d'appliquer une telle mesure ici, au Québec et au Canada?
:
Je vous remercie, monsieur Brunelle-Duceppe.
Ce n'est pas une question que nous avons étudiée, du moins pas depuis que je suis directeur parlementaire du budget. Cela étant dit, elle mériterait probablement d'être considérée. Les frais d'interchange sont un quasi-monopole que détiennent les fournisseurs de services. Les marchands n'ont pas vraiment d'autre choix que d'offrir ce mode de paiement. On voit depuis deux mois que c'est très répandu. C'est la méthode de paiement que préfèrent beaucoup d'employés qui travaillent dans le domaine du commerce dedétail ou de l'alimentation. Les commerçants n'ont donc pratiquement pas d'autre choix que d'utiliser ces méthodes de paiement. Ils n'ont guère le choix non plus pour ce qui est des fournisseurs de services. Si ce n'est pas un monopole, c'est un oligopole.
En matière de politiques publiques, la réponse logique, quand on fait face à un monopole, consiste à le réglementer pour s'assurer que les prix sont raisonnables. Je ne suis pas un spécialiste du système de paiement. Les frais d'interchange sont-ils déraisonnables ou non?
Comme simple consommateur, si je vais à la pizzeria du coin et que je paie avec ma carte de crédit, je suis un peu peiné à l'idée que 2 ou 3 % du montant de la vente, voire davantage, doivent être remis aux divers intermédiaires financiers. Il y a probablement lieu d'étudier la question et, si les frais semblent abusifs, d'établir une réglementation. Comme je le disais, ce n'est pas mon domaine d'expertise, mais en tant que consommateur, je trouve cela préoccupant.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Giroux, je vous remercie de votre présence aujourd'hui.
On vient de parler des compressions ou des mesures d'austérité qu'il faudra prendre à la suite de la COVID-19. Bien sûr, il y a d'autres solutions.
On vient de parler de l'argent qui va dans les paradis fiscaux et qui échappe à nos investissements collectifs. Au sortir de la crise, on pourrait prendre des mesures à cet égard. Cela pourrait faire partie de la solution et améliorer la qualité de vie des Canadiens.
Comme M. Poilievre l'a dit — je ne suis pas souvent d'accord avec lui —, avec la dette des ménages résultant de toutes les compressions dans les services publics fédéraux, il faudra, après cette pandémie, que l'on consacre les ressources nécessaires pour améliorer la qualité de vie des gens.
J'ai deux questions à vous poser là-dessus.
Premièrement, il y a un secteur qui a beaucoup profité de cette crise: les géants du Web. Votre bureau a-t-il fait une analyse sur les sommes d'argent qui échappent au Canada du fait que ces géants du Web ne paient souvent pas d'impôts ni même de cotisations d'assurance-emploi pour leurs employés et ne contribuent pas au Régime de rentes du Québec et au Régime de pensions du Canada? Avez-vous déjà fait une étude sur ces aspects? Sinon, seriez-vous prêt à le faire?
Deuxièmement, une taxe sur la richesse est déjà en place dans d'autres pays. Je sais que vous avez fait une analyse de l'impact positif d'une telle taxe pendant la campagne électorale. Pouvez-vous nous dire quelles conclusions vous avez tirées de cette étude? Quel niveau d'investissement faudra-t-il faire pour le bien de tous les Canadiens?
:
À ma connaissance, nous n'avons pas considéré exactement combien d'argent échappait au gouvernement par le truchement des géants du Web. Par contre, nous avons considéré une taxe sur les revenus qui dépassent un certain seuil pour les entreprises de technologie, c'est-à-dire les géants du Web. On peut les nommer ou les passer sous silence, mais on sait qui ils sont.
Par exemple, nous avons considéré l'effet d'une taxe de 3 % visant les entreprises qui ont des revenus qui dépassent un certain seuil. Je ne me souviens pas exactement des revenus que cette taxe générerait, mais Mme Yan pourra peut-être vous le dire, une fois que j'aurai répondu au deuxième volet de votre question.
Nous avons aussi considéré combien d'argent pourrait être généré par une taxe sur la richesse. Malheureusement, je ne me souviens pas de ces montants non plus. Encore une fois, Mme Yan a peut-être une meilleure mémoire que moi. Toutefois, ce qui est important, ce sont les mesures de contrôle. Lorsque les gens voient une taxe sur la richesse poindre à l'horizon, on sait qu'ils vont se dépêcher de prendre des mesures pour éviter d'y être assujettis. Lorsqu'on veut imposer une taxe sur la richesse, ce qui est important, c'est la façon dont elle est conçue et la manière dont on s'y prend. Il faut bien penser aux exemptions qu'on a en tête et aussi avoir une bonne structure pour faire appliquer cette taxe.
Mme Yan pourrait peut-être compléter mes réponses en nous parlant des montants qui pourraient être générés par une taxe sur les géants du Web et une taxe sur la richesse.
,
Comme le directeur parlementaire du budget l'a dit très justement, alors que nous évaluions les coûts liés au programme électoral, nous nous sommes penchés sur la situation des géants du Web — et de leurs ventes potentielles au Canada. Si nous devions imposer cette part de revenus, à combien se monteraient les impôts qui pourraient être générés dans notre pays. Je n'ai pas les chiffres sous la main.
Nous nous sommes penchés sur différents enjeux, mais comme le directeur parlementaire du budget l'a dit, nous ne l'avons pas fait de manière systématique pour connaître le montant total qui n'atterrit pas dans les coffres de notre pays grâce à ces géants du Web.
En ce qui concerne la taxe sur la richesse, en calculant les coûts du programme électoral, nous avons aussi réfléchi à la taxe sur la richesse nette des personnes très fortunées. Nous n'avions pas beaucoup de temps. Nous savions pertinemment que la richesse des gens les plus fortunés était sous-estimée parce que nous n'avions pas de très bonnes données sur les gens les plus riches.
Le rapport récent dont M. Giroux a parlé se penche sur cette question de manière plus méthodique et systématique. Nous sommes très confiants, maintenant que nous avons conçu une technique de modélisation qui va nous permettre d'évaluer avec une plus grande précision la richesse nette concentrée entre les mains d'un très petit nombre de familles. Cela a aussi été mis en conformité avec les comptes du bilan national. Si je devais donner le chiffre une fois que toutes ces améliorations auront été apportées, c'est dans ce rapport que j'irais le chercher.
Merci.
:
Merci à M. Giroux de comparaître devant nous.
Avant de poser des questions à M. Giroux, je tiens à apporter une correction pour le compte rendu. Mon ami M. Fragiskatos a laissé entendre qu' préconisait la suppression de la Subvention canadienne d'urgence ou d'en retirer l'accès aux Canadiens. Ce n'est tout simplement pas le cas.
Monsieur Giroux, en réponse à une question posée par M. Cumming, vous avez fait remarquer que le déficit projeté actuellement de 252 milliards de dollars est une projection très optimiste. Il est tout à fait compréhensible que vous disiez cela étant donné que, le 9 avril, dans votre scénario budgétaire, votre bureau a estimé le déficit budgétaire pour l'exercice 2021 à 184,2 milliards de dollars. Trois semaines plus tard, il s'élève à 252,1 milliards de dollars, soit 70 milliards de dollars de plus en l'espade de trois semaines. Autrement dit, c'est plus de trois fois plus que le déficit estimé avant la COVID pour l'année fiscale 2021. Ce sont des chiffres vraiment stupéfiants quand on les regarde dans ce contexte.
Maintenant, votre chiffre de 252,1 milliards de dollars est une mesure fédérale du 24 avril. Alors, je suppose qu'il ne prend pas en compte l'Aide d'urgence du Canada pour le loyer commercial ni toute la série d'aides destinées aux étudiants, entre autres mesures.
Dans votre témoignage, vous avez déclaré que, si on prend en compte les mesures fédérales prises après le 24 avril, le déficit budgétaire devrait augmenter de quelques milliards de dollars. Êtes-vous en mesure de nous dire de combien précisément le déficit augmentera?
:
J'aimerais pouvoir approfondir cette question plus en détail, mais il nous manque des renseignements sur certaines de ces mesures, par exemple le nouveau Crédit d'urgence pour les grands employeurs, pour lequel je n'ai pas tous les détails. Je ne peux donc pas évaluer quel sera son coût. Il en va de même pour la prolongation de la Subvention salariale d'urgence au-delà du mois de juin. Je ne sais pas quelles seront la durée et les conditions de cette prolongation. L'Aide d'urgence du Canada pour le loyer commercial a été annoncée le 16 avril, mais les détails ont été diffusés après publication. Par conséquent, nous n'avons pas plus de précisions.
Je résumerai donc en affirmant qu'il est très difficile d'évaluer le montant réel du déficit parce que nous ne disposons pas de toutes les données sur certaines de ces mesures, qui, de toute évidence, pourraient s'avérer très coûteuses. Je ne remets pas en question l'importance de ces mesures, mais tout porte à croire que les chiffres seront très élevés. Je reviens donc à ce que j'ai mentionné précédemment, c'est-à-dire que le gouvernement doit faire une mise à jour économique pour donner aux contribuables un aperçu de l'ampleur du déficit anticipé. En effet, le gouvernement doit probablement avoir une bonne idée du montant qu'il veut dépenser sur l'ensemble des mesures éventuelles pour stimuler l'économie, mais nous n'avons pas cette information.
Encore une fois, c'est la raison pour laquelle la somme de 252 milliards de dollars est vraisemblablement un scénario très optimiste par rapport au montant réel du déficit à venir pour l'exercice en cours.
:
Je vous remercie, monsieur Giroux.
J'aimerais poser une question à propos du ratio de la dette fédérale par rapport au PIB. Je tiens à souligner le point soulevé par M. Poilievre à savoir que lorsqu'on additionne la dette publique et la dette privée, le ratio dette-PIB s'élevait à plus de 350 % avant la COVID. Cela plaçait le Canada au second rang de la plus haute dette par rapport au PIB parmi les autres pays membres du G7, juste derrière le Japon.
Néanmoins, dans votre rapport, vous indiquez à la page 14 que le ratio de la dette fédérale au PIB devrait se stabiliser, mais à condition que les mesures ne soient pas prolongées ni qu'elles ne deviennent permanentes.
Serait-il raisonnable d'affirmer que dans la mesure où vos projections d'un déficit de 252 milliards de dollars pour l'exercice 2021 sont très optimistes, ce serait également le cas pour vos projections de stabilisation du ratio dette-PIB?
:
Nous avons terminé la rédaction du rapport le 24 avril.
Ces temps-ci, une semaine peut sembler comme un mois — parfois même comme une année, selon les personnes avec qui vous vivez, parce que nous passons la majeure partie de notre temps à la maison.
Beaucoup de choses changent. En ce qui concerne la stabilisation du ratio dette-PIB lorsque l'économie se redressera, je dirais — et je le répète —, que cela dépendra en grande partie des actions du gouvernement, s'il revient au niveau de déficit prépandémie, par exemple, ce qui semble très peu probable, à court terme du moins, et peut-être même à moyen terme étant donné la situation économique. La stabilisation du ratio dette-PIB, ce sera seulement quand l'économie retournera à son taux de croissance d'avant la pandémie et que les déficits du gouvernement fédéral auront été réduits aux quelque 20 milliards de dollars qui étaient prévus avant la pandémie, ou mieux encore. Ce n'est pas pour l'année prochaine. J'en serais très, très surpris.
:
Merci monsieur Giroux et madame Yan de votre témoignage aujourd'hui.
Je suis stupéfaite d'entendre tous ces chiffres, et je suis certaine que mes collègues du Comité ici aujourd'hui le sont tout autant. Ce qui attire le plus mon attention, c'est de prendre conscience de la situation dans laquelle les Canadiens se trouveraient présentement si le gouvernement n'était pas intervenu en mettant en place ces mesures extrêmes et en persévérant dans sa démarche devant la crise. S'il ne l'avait pas fait, je frémis à m'imaginer où en seraient notre économie et les Canadiens à l'heure actuelle.
Je vais reprendre l'exemple de la Seconde Guerre mondiale, parce que c'est la première crise d'une ampleur comparable que nous traversons depuis cette guerre. À l'époque, nous avions mobilisé la nation tout entière ainsi que tous les secteurs de l'économie, et nous avions remporté la victoire. Cependant, nous avions connu des déficits qui correspondaient à approximativement 20 % du PIB durant cinq années. Après la guerre, l'économie a connu une croissance soutenue jusqu'à se retrouver avec des excédents budgétaires deux ans plus tard. Avez-vous une raison de croire que si, à court terme, les déficits de 15 % à 20 % du PIB persistent, il nous sera impossible de nous retrouver en meilleure posture après la pandémie de COVID-19?
:
C'est une question très intéressante. Je pense que la raison fondamentale qui fait que nous ne serons pas dans la même situation après la crise de la COVID-19 par rapport à notre situation après la Seconde Guerre mondiale est la structure démographique.
En effet, après la Seconde Guerre mondiale, la population était plus jeune et nous étions à l'aube du baby-boom, ce qui a mené à une longue période de croissance. Pour ce qui est de l'après-COVID-19, notre population est beaucoup plus âgée et elle compte un plus faible nombre de personnes en âge de travailler. Je ne suis pas convaincu que nous connaîtrons une explosion démographique. Peut-être que nous serons témoins d'une explosion des divorces, en fonction des personnes qui étaient en confinement sous le même toit. Cela dit, je ne m'attends certainement pas à un boum des naissances de la même ampleur que celui qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. C'est la raison pour laquelle je ne crois pas que nous devrions nous attendre aux mêmes niveaux d'excédents budgétaires qu'il y avait eu à cette époque.
Donc, est-ce que nous serons plus forts après cette crise? C'est certainement ce que je souhaite. J'ai bon espoir que cette expérience nous rendra plus forts. Bien que cela tombe hors de mon mandat de directeur parlementaire du budget, je crois toutefois que nous constaterons une plus grande cohésion sociale. Passer des mois à proximité de vos enfants et de votre partenaire contribue assurément à renforcer ces liens. Parfois, cela contribue à briser des liens pour toujours, mais pour la majorité des gens ce ne sera pas le cas. Certaines entreprises fermeront leurs portes, ce qui est très triste. Cependant, à l'image d'un incendie de forêt, certaines choses fleuriront après la catastrophe. Nous verrons apparaître de nouvelles entreprises après cette période très sombre sur les plans économique et social.
Je crois bien que dans quelques mois, peut-être dans quelques années, notre pays sera plus fort dans l'ensemble. Cependant, certaines personnes parmi nos collègues et concitoyens en paieront le prix, et il sera considérable.
Mme Koutrakis a parlé des déficits accumulés durant la Seconde Guerre mondiale, mais, votre rapport mentionne que, dans les années qui ont suivi, le gouvernement a affiché un excédent annuel équivalent à 5 % du PIB. En dollars d'aujourd'hui, cela correspondrait à des excédents de 115 milliards de dollars. Si nous avions d'énormes déficits avant même le début de la crise — et c'était le cas — il est difficile d'imaginer que le Canada aura un excédent de 115 milliards de dollars au prochain exercice ou même au suivant ou plus tard, d'ailleurs.
J'ai toutefois une question pour vous au sujet des années 1990. Vous avez signalé qu'au milieu des années 1990, nous étions pratiquement en faillite et que les gouvernements ont sabré massivement dans les dépenses. Le gouvernement libéral à Ottawa a réduit les dépenses de 10 % en termes absolus; les gouvernements de tout le pays en ont fait autant. Par la suite, l'économie a connu une énorme croissance économique. Le taux de chômage a chuté de pratiquement un tiers.
Trouvez-vous cela intéressant étant donné qu'on nous dit maintenant que la seule façon d'accélérer la croissance est de dépenser et d'accumuler encore plus de déficits?
Je tiens à vous remercier chaleureusement, monsieur Giroux, de votre présence ici aujourd'hui, de votre excellent travail et du service extraordinaire que vous rendez aux Canadiens.
En écoutant la discussion aujourd'hui, je me demandais ce que les résidants de ma circonscription — Davenport, dans l'ouest du centre-ville de Toronto — en penseraient. S'ils écoutaient et entendaient que le déficit pourrait dépasser 252 milliards de dollars et que la dette collective au Canada dépasserait 900 milliards de dollars, ils seraient très inquiets. Je pense, toutefois, que, si le Canadien moyen pense à ce qu'il en coûterait de ne rien faire ou d'être paralysé par la peur en raison de l'endettement, il conclurait que les coûts pour l'économie et les banques, en raison des faillites, et pour notre santé, comme il a été mentionné dans la discussion, auraient été encore plus élevés qu'ils le sont aujourd'hui.
Cela me réconforterait aussi de savoir que le Canada fait relativement bonne figure parmi les pays du G7. Par comparaison, nous étions en bonne posture avant la pandémie et nous nous comparons encore assez bien en ce moment. Je trouverais ensuite un certain réconfort à savoir que lorsqu'on a demandé au gouverneur Poloz, la dernière fois qu'il est venu ici, s'il pensait que le Canada serait capable de récupérer ses pertes ou de rétablir la croissance et de rattraper la perte de PIB de 4 % à 6 % engendrée par la pandémie, il a répondu que rien ne permettait de penser que nous ne retrouverions pas cette croissance ou que nous ne pourrions pas opérer des modifications structurelles positives.
Puis, la semaine dernière, lorsque les médias lui ont demandé comment il entrevoyait l'évolution de la situation économique et la façon de soutenir l'économie canadienne, le a parlé d'une forte volonté du gouvernement du Canada de la rebâtir en mieux. C'est donc là-dessus que nous nous concentrons. J'apprécie vraiment la façon dont vous encouragez le gouvernement à veiller à ce que tout type de plan de reprise soit présenté aux Canadiens dès que possible.
Monsieur Giroux, je vous pose la question suivante: beaucoup de possibilités s'offrent à nous pour bâtir en mieux. Nous avons une rare occasion de rebâtir en mieux à la fois l'économie et la société. Je me demande si vous auriez des idées sur la façon de nous y prendre pour rebâtir en mieux.
:
Merci pour le compliment et merci à vous tous de féliciter le bureau pour son travail.
Au sujet de la relance et du train de mesures pour stimuler l'économie, je pense avoir déjà répondu en m'adressant à Mme May, qui m'a posé une question semblable. Tant que les mesures visent à accroître la productivité, je pense qu'elles peuvent engendrer de la croissance à long terme. J'ai déjà parlé du financement pour faciliter le transport, le commerce ou les communications. La recherche est également un domaine qui favorise la productivité. Les résultats concrets ne sont pas toujours au rendez-vous, mais les progrès scientifiques qui arrivent parfois peuvent rapporter gros et justifier amplement les sommes dépensées pour la recherche.
Je ne suis pas expert là-dedans. Ce n'est pas à moi de donner des conseils sur les politiques à adopter, mais vous comprenez ce que je veux dire de manière générale. Les dépenses visant à accroître la productivité sont celles qui sont les plus bénéfiques, et elles favorisent la relance économique en plus.
Pour ce qui est de savoir s'il y a lieu de stimuler l'économie, disons qu'il est un peu trop tôt pour répondre à cette question. Tout dépendra de ce qui se passera lors de la reprise des activités. Néanmoins, s'il s'avère qu'il faut effectivement stimuler l'économie, les domaines que j'ai indiqués sont ceux auxquels il serait le plus logique de consacrer de l'argent pour favoriser la croissance.
Vous faites de l'excellent travail, monsieur Giroux.
Je voudrais vous poser seulement une question rapidement, avant de permettre à M. Julian et M. Morantz de poser une question chacun, puis à Mme May.
Pour aider les entreprises, stimuler l'économie et favoriser la création d'emplois par les entreprises, le gouvernement a adopté de nombreuses mesures qui consistent essentiellement à fournir des liquidités. Comment pensez-vous mesurer, je dirais, le coût de ces mesures au bout d'un certain temps pour pouvoir étudier la question et produire des rapports sur ce qu'aura fait le gouvernement? Comment calculerez-vous les risques et les coûts découlant des mesures d'injection de liquidités?
:
Nous faisons ce genre de calcul. Nous l'avons fait dans le cas du report de l'échéance pour payer l'impôt que le gouvernement a offert aux particuliers et aux entreprises. Il s'agit de calculer le coût des emprunts. L'État doit emprunter l'argent qu'il fournit aux entreprises pour les aider, du moins il doit emprunter davantage que d'habitude, ce qui représente un premier coût à calculer. Toutefois, les entreprises payent de l'intérêt à l'État sur les prêts qui leur sont consentis, ce qui réduit le coût pour l'État et lui permet parfois même de faire un gain net.
Une certaine proportion des prêts consentis lors des crises économiques et des situations difficiles qui se sont produites dans le passé, comme la crise de 2008-2009, n'ont pas été remboursés. Des entreprises finissent par ne pas pouvoir rembourser l'aide ou ne pas pouvoir la rembourser au complet. Par conséquent, il nous est possible de nous servir de la proportion de prêts non remboursés dans le passé pour estimer les pertes financières auxquelles nous devons nous attendre. Voilà comment nous pouvons estimer le coût des mesures prises.
Dans certains cas, il n'y a pas de coût net à prévoir parce que l'expérience passée nous enseigne que tous les prêts accordés sont remboursés ou qu'une petite somme n'est jamais remboursée, mais que les intérêts payés à l'État font plus que compenser ces pertes. Dans d'autres cas, il peut y avoir un coût net bien que celui-ci soit relativement petit par rapport à la somme des prêts accordés. Il y a un coût parce que le total des intérêts payés à l'État ne suffit pas pour compenser les pertes causées par la proportion des prêts que les entreprises ne peuvent pas rembourser.
C'est ainsi que nous estimons les coûts et, parfois, les gains.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur Giroux, permettez-moi en tout respect de revenir à certains de vos propos de tout à l'heure.
Premièrement, j'aimerais que nous parlions de l'augmentation de 252 milliards de dollars de la dette qui n'aurait aucune incidence sur les frais de service de la dette prévus dans le budget de fonctionnement. Or, à ce que je sache, la dette avant la pandémie de COVID-19 était déjà constituée d'emprunts à long terme à des taux d'intérêt fixes. Si la dette augmente, il va de soi que les frais de service de la dette inclus dans le budget de fonctionnement seront plus élevés, mais vous dites que ce ne serait paradoxalement pas le cas.
Je pense aussi vous avoir bien entendu nous dire que, selon vous, il est peu probable que les taux d'intérêt augmentent.
Cependant, il y a quelques semaines, j'ai eu l'occasion de poser des questions à ce sujet au gouverneur de la Banque du Canada, M. Poloz. Comme le compte rendu de la réunion le dit bien, M. Poloz nous a prévenus que les taux d'intérêt allaient très certainement augmenter une fois que nous serons sortis de la situation actuelle. Selon lui, l'inflation serait un beau problème du point de vue de la Banque du Canada, qui pourrait la combattre en haussant les taux d'intérêt. C'est bel et bien ce qu'il a dit, alors je ne pense pas que nous puissions tenir pour acquis les taux d'intérêt actuels. Une fois que nous serons sortis de la présente situation, les taux pourraient augmenter. Des billions de dollars sont consacrés à l'assouplissement quantitatif actuellement dans le monde.
Si la situation est telle que je viens de la décrire, les libéraux devront-ils adopter un programme d'austérité et commencer à réduire les budgets, comme ils l'ont fait en 1990? Devront-ils augmenter le fardeau fiscal? Leur faudra-t-il avoir recours à une combinaison de ces deux méthodes?
:
Je vais répondre à la deuxième partie de votre question, qui porte sur la hausse des taux d'intérêt.
Lorsque je dis que je ne prévois pas de hausse des taux d'intérêt, c'est dans le contexte du scénario que nous envisageons et qui se termine à la fin de 2020 ou de l'exercice actuel. Nous ne prévoyons pas de hausse des taux d'intérêt au cours de cette période, du moins pas une hausse importante.
Je suis d'accord avec le gouverneur pour dire qu'il est probable que les taux d'intérêt augmentent graduellement à mesure que nous sortirons de la période difficile de la pandémie de COVID-19. Une fois que la reprise économique sera amorcée, les taux d'intérêt ne pourront faire autre chose qu'augmenter. Ils ne peuvent pas baisser davantage. Ils sont tout près d'un creux historique, alors ils augmenteront probablement. Il s'agit maintenant de savoir quand. Est-ce que ce sera l'année prochaine? Au début de l'année prochaine, à la fin ou au milieu? Je ne sais pas.
Quant à la première partie de votre question, je vous répondrais que la dette comprend des emprunts qui ne sont pas arrivés à échéance. Toutefois, l'encours de la dette est au total de 600 milliards de dollars, et il y en a toujours une certaine fraction qui doit être refinancée.
La Banque du Canada émet régulièrement de nouveaux titres de créance, car les titres ne sont pas tous des bons arrivant à échéance dans 50 ans ou dans 100 ans. Il y a aussi des bons du Trésor qui arrivent à échéance au bout de 90 jours, six mois, neuf mois ou un an, ce qui fait que de nouveaux emprunts doivent constamment être faits. Voilà pourquoi, lorsque les taux d'intérêt baissent, les frais de service de la dette peuvent diminuer légèrement ou rester stables, même si la dette augmente.
:
Nous reprenons maintenant la séance.
Je souhaite la bienvenue au deuxième groupe de témoins à la réunion no 27 du Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Conformément à l'ordre de renvoi du mardi 24 mars, nous nous réunissons pour examiner la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID-19. Comme chacun le sait, la réunion se déroule par vidéoconférence et le compte rendu sera disponible sur le site Web de la Chambre des communes.
En ce qui concerne le deuxième groupe de témoins, nous sommes heureux d'accueillir les représentants suivants du Bureau du vérificateur général: M. Sylvain Ricard, vérificateur général du Canada par intérim, et M. Andrew Hayes, sous-vérificateur général et commissaire à l'environnement et au développement durable par intérim.
Bienvenue à tous. Je crois que nous disposons d'environ 90 minutes. Vous pouvez commencer par une déclaration préliminaire si vous le souhaitez et nous passerons ensuite aux tours de questions.
À titre d'information pour les membres du Comité, nous commencerons les tours par M. Poilievre, puis Mme Dzerowicz, M. Ste-Marie et M. Julian.
Monsieur Ricard, vous avez la parole.
:
Monsieur le président, je vous remercie de nous avoir invités à discuter du rôle que le vérificateur général sera appelé à jouer dans l'examen de la réponse du gouvernement à la pandémie de la COVID-19.
Je suis accompagné aujourd'hui du sous-vérificateur général et commissaire à l'environnement et au développement durable par intérim, M. Andrew Hayes.
Nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui. J'aimerais remercier les députés, leurs collaborateurs et tout le personnel de l'Administration de la Chambre, qui mettent tout en œuvre pour permettre aux comités permanents de poursuivre leurs travaux.
En ces temps difficiles, je veux féliciter les Canadiennes et les Canadiens, y compris les fonctionnaires fédéraux et les employés de mon bureau, de la mobilisation et de l'engagement dont ils font preuve pour lutter contre la pandémie.
Le Bureau du vérificateur général du Canada a reçu trois demandes d'audit de la part de la Chambre des communes depuis la rentrée parlementaire de janvier. Nous avons indiqué au que nous réaliserons ces trois audits.
Tout d'abord, le 29 janvier dernier, la Chambre des communes a adopté une motion demandant à mon bureau de procéder à un audit du plan gouvernemental « Investir dans le Canada », puis de déposer un rapport sur ses constatations à la Chambre au plus tard un an après l'adoption de la motion.
Ensuite, le 13 mars dernier, la Chambre a adopté une motion demandant à mon bureau d'entreprendre un audit des mandats spéciaux susceptibles d'être émis en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques, puis de déposer un rapport sur ses constations au plus tard le 1er juin 2021. Nous croyons comprendre qu'aucun mandat spécial n'a été émis à ce jour.
Enfin, le 11 avril dernier, la Chambre des communes a adopté une motion demandant à mon bureau de réaliser un audit des mesures d'urgence visant la COVID-19 prises par le gouvernement, et de déposer un rapport sur ses constatations au plus tard le 1er juin 2021.
Le 28 avril dernier, nous avons fait savoir au Président de la Chambre que nous accordions la priorité aux travaux d'audit visant la COVID-19 et le plan « Investir dans le Canada ». Nous lui avons aussi indiqué que nous présenterons nos constatations au Parlement dès que nous aurons terminé les travaux d'audit.
Pour ce qui est de l'audit visant la COVID-19, nous avons analysé les éléments précis de l'audit que la Chambre des communes nous a demandé de réaliser, notamment les dépenses engagées en vertu de la Loi sur les paiements relatifs aux événements de santé publique d'intérêt national, ainsi que l'application des dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques et de la Loi autorisant certains emprunts. Les dirigeants de nos pratiques d'audit de performance et d'audits d'états financiers collaborent en vue de cerner les secteurs qui devraient être examinés dans le cadre de cet audit.
Nous avons, bien sûr, surveillé les initiatives mises en œuvre par le gouvernement pour faire face à la pandémie. Dans le cadre de nos travaux de planification, nous avons analysé les dépenses relatives à la protection de la santé et de la sécurité, le soutien aux particuliers et aux entreprises et autres soutiens à la liquidité et l'allégement du capital.
Nous estimons, par ailleurs, qu'il est important d'examiner divers aspects liés au degré de préparation aux situations d'urgence et aux mesures d'intervention précoce. Cela nous permettrait, peut-être, de relever des pratiques exemplaires et des possibilités d'amélioration pour le cas où il y aurait une deuxième vague pandémique ou pour nous préparer en vue d'une autre pandémie à l'avenir.
[Traduction]
Nous serons heureux d’obtenir l’avis du Comité sur tout secteur que nous pourrions examiner dans le cadre de cet audit visant la COVID-19.
Depuis le début de la pandémie de COVID-19, nous avons constaté qu’un grand nombre de ministères et d’organismes travaillent sur la ligne de front et qu’ils consacrent beaucoup de temps et des ressources considérables à lutter contre la pandémie. Nous sommes conscients des réalités opérationnelles qui les concernent et voulons faire en sorte que nos travaux d’audit ne détournent pas leur attention des mesures d’aide et des services qu’ils doivent offrir à la population canadienne. Nous ferons preuve de jugement et nous efforcerons de nous adapter autant que possible lors de nos demandes pour des entretiens et des documents nécessaires à notre audit. Nous avons commencé à communiquer avec des cadres supérieurs de la fonction publique pour trouver des façons de réaliser nos travaux d’audit en réduisant au minimum leur incidence sur les activités des ministères et organismes. Nous sommes aussi conscients des difficultés posées par les mesures de distanciation sociale.
Pour en revenir à l’ordre du 11 avril dernier, j’aimerais dire quelques mots sur les ressources de mon bureau. La Chambre a demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de s’assurer que mon bureau dispose de suffisamment de ressources pour faire le travail demandé par la Chambre, ce qui comprend l’audit des mesures liées à la COVID-19 et l’audit du plan « Investir dans le Canada ».
Comme vous le savez sans doute, notre bureau fait face à des contraintes budgétaires depuis quelques années. En 2017, l’ancien vérificateur général, M. Michael Ferguson, avait sollicité des fonds supplémentaires permanents dans le cadre du processus budgétaire du gouvernement. Nous avions alors reçu une partie des fonds demandés dans le budget fédéral de 2018. Nous avons continué à demander des ressources supplémentaires dans le cycle budgétaire de 2019, sans toutefois obtenir de nouveau fonds. Lorsque nous avons témoigné devant le Comité permanent des comptes publics en mai et en juin 2019, et de nouveau en février 2020, nous avons indiqué au Comité que nous n’avions pas d’autre choix que de réduire le nombre de nos audits de performance, vu les ressources limitées à notre disposition. Il y a 10 ans, nous réalisions environ 27 audits de performance par année. Avec nos ressources actuelles, nous prévoyons pouvoir en présenter 14 chaque année.
Vu la nature et l’étendue des travaux que nous estimons devoir réaliser pour les audits du plan « Investir dans le Canada » et de la réponse à la COVID-19, et vu nos ressources qui sont limitées, nous avons dû revoir le calendrier des travaux d’audit de performance actuels et futurs et de présentation des rapports connexes. Nous avons donc informé le Président de la Chambre que nous devions retarder tous les autres travaux d’audit de performance qui n’étaient pas liés aux motions adoptées par la Chambre des communes.
Je veux être bien clair: la décision de reporter des travaux d’audit prévus n’est pas facile à prendre. Les sujets que nous sélectionnons dans le cadre de nos audits reportés sont importants pour les parlementaires et les citoyens canadiens. Vu que nos ressources sont limitées, nous n’avons pas la capacité de mener à bien certains des travaux importants que nous avons maintenant dû reporter. Nous ne savons pas quand nous pourrons réaliser ces travaux.
Nous sommes à la disposition des membres du Comité pour répondre à leurs questions.
Je vous remercie.
:
Je vais dire deux choses.
Premièrement, il s'agit d'un processus qui relève du Bureau du Conseil privé. Je ne sais pas où en est rendu le personnel et je ne connais pas l'état du dossier, de sorte que je ne peux pas me prononcer.
Je peux toutefois affirmer, comme je l'ai fait devant d'autres comités, et rassurer du même coup le Comité et les Canadiens qui sont à l'écoute, que je vais m'acquitter pleinement de ma tâche, que je sois nommé par intérim ou non. Je représente une institution importante, c'est-à-dire le Bureau du vérificateur général, et, encore une fois, que je sois nommé par intérim ou non, je vais assumer ma fonction de la même façon.
:
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier le vérificateur général. Je vous remercie, vous et votre équipe, de votre excellent travail et de votre présence aujourd'hui. Merci du service extraordinaire que vous rendez au pays. Nous sommes très reconnaissants de vous avoir, que ce soit par intérim ou autrement.
Tout d'abord, j'aimerais aborder brièvement la question des ressources. Selon mes notes, les conservateurs de Harper ont réduit le budget du Bureau du vérificateur général de 6,5 millions de dollars et éliminé 60 postes. Je sais que, depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement libéral s'est engagé à fournir plus de financement. Dans le budget de 2018, nous nous étions engagés à fournir un financement additionnel de plus de 41 millions de dollars au Bureau du vérificateur général, ce qui représentait une augmentation de 16 % par rapport à l'exercice 2015-2016. N'avez-vous pas reçu ce financement?
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Je vous salue, messieurs Ricard et Hayes.
Je commencerai par un commentaire qui s'adresse à monsieur le président, entre autres.
Monsieur Ricard, dans votre introduction, vous nous avez fait comprendre que votre bureau manquait de financement pour faire tout son travail. C'est extrêmement préoccupant.
Monsieur le président, à mon avis, les questions afférentes qu'a posées monsieur Poilievre sont directement liées à la COVID-19. On comprend que le Bureau du vérificateur général du Canada n'a pas les ressources nécessaires pour bien faire l'analyse en lien avec la présente crise. Sauf le respect que je vous dois, je crois que ses propos étaient tout à fait justifiés. Souhaitons, par le fait même, que le gouvernement donne au plus vite à M. Ricard le statut permanent de vérificateur général.
Ma première question, monsieur Ricard, concerne la Corporation de développement des investissements du Canada. C'est la Corporation qui va gérer le Crédit d'urgence pour les grands employeurs. Or, habituellement, cette corporation ne gère pas de programmes gouvernementaux puisqu'elle possède des actifs. On peut penser à Trans Mountain, à General Motors Canada lorsqu'elles ont été nationalisées, et ainsi de suite. En 2018, le vérificateur général a évalué la Corporation. Il a conclu à des défauts graves dans sa gouvernance à propos de possibles conflits d'intérêts au sein du conseil d'administration. Le vérificateur général constatait aussi des faiblesses quant à l'indépendance du conseil d'administration, l'identification, l'évaluation et l'atténuation des risques, la surveillance des risques et la communication de l'information.
La Corporation de développement des investissements du Canada est-elle, selon vous, un véhicule approprié pour gérer un programme gouvernemental, choisir qui va bénéficier de l'aide et poser des conditions pour que la société dans son ensemble en retire des bénéfices?
Est-ce conforme à son mandat, selon vous?
Je vous remercie.
Je m'adresse au Comité en disant que je trouve cela très préoccupant. C'est la société d'État qui semble démontrer le plus de problèmes et qui, maintenant, va gérer un important programme d'aide. Il y aura lieu de s'y intéresser de plus près.
Monsieur Ricard, le gouvernement a libéré environ 200 milliards de dollars en prêts et garanties de prêts. Nous ne savons pas trop où cela va s'arrêter. Le compte du Canada a maintenant un plafond illimité. Le Parlement ne vote que des dépenses, et tous ces prêts et garanties de prêts deviendront une dépense lorsqu'ils seront rayés, après quelques années. Il sera alors trop tard pour exercer le moindre contrôle.
Y aurait-il une façon d'avoir un meilleur contrôle sur ce qui se fait?
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Ricard, monsieur Hayes, merci beaucoup d'être ici aujourd'hui. Nous espérons que votre famille ainsi que toute l'équipe du Bureau du vérificateur général sont en santé et en sécurité.
À mon avis, la population canadienne constate très clairement, tout comme moi, que les blâmes fusent de toute part: les conservateurs pointent du doigt les libéraux et ces derniers font la même chose avec les conservateurs pour le sous-financement catastrophique des fonctions du vérificateur général. Ces fonctions sont extrêmement importantes, et le fait que vous avez dû réduire de moitié vos audits de performance révèle un vrai problème. Les deux gouvernements, soit le gouvernement conservateur précédent et le gouvernement libéral actuel, partagent le blâme à ce chapitre. Au lieu de chercher des coupables, ils devraient simplement reconnaître les erreurs commises en ne fournissant pas le soutien qui est si essentiel à votre bureau. Les Canadiens sont certainement de votre côté. Vous exercez une fonction extrêmement importante et, pour ce faire, vous devez être financé adéquatement. C'est dans l'intérêt de tous les Canadiens.
Ma première question porte sur les aides financières. En 2008, nous avons traversé une crise économique. De l'aide financière a été accordée. Par la suite, on a essentiellement radié beaucoup de ces prêts. Au début de l'année, on a radié un prêt de 200 millions de dollars accordé à une entreprise canadienne, et le gouvernement a refusé de divulguer son nom. Les libéraux ont déclaré qu'ils ne pouvaient pas divulguer son nom pour protéger le secret des affaires, mais que toutes les décisions prises par le Cabinet sont dans l'intérêt du Canada. Ainsi, 200 millions de dollars ont disparu en un instant. Comme nous l'avons vu précédemment, sous le gouvernement conservateur, des sommes semblables se sont aussi envolées.
Comment nous assurer que les fonds ou les cadeaux accordés aux entreprises pour les renflouer ne s'envolent pas quand une telle radiation de prêt n'est pas dans l'intérêt public? Quand votre bureau soulève ces préoccupations très légitimes à propos des aides financières sous forme de prêts qui deviennent des cadeaux, comment nous assurer que les contribuables canadiens ne se font pas flouer de la sorte, que chaque dollar investi est utilisé aux fins prévues et que les prêts accordés aux sociétés les plus rentables du Canada sont remboursés?
:
C'est quelque chose que vous demandez au gouvernement de faire. À mon avis, il serait important pour nous de suivre les recommandations formulées dans les rapports produits au fil des ans par des personnes très respectées, comme vous, qui indiquent aux Canadiens comment le gouvernement devrait être structuré. Au lieu des cachotteries et des ententes spéciales négociées derrière des portes closes, souvent en compagnie de lobbyistes, nous devons protéger le Trésor public et faire en sorte que chaque dollar compte.
Les aînés qui ont du mal à se nourrir, les familles qui ont du mal à se loger et les Canadiens qui ont du mal à conserver leur emploi devraient recevoir les informations les plus précises et les plus transparentes possible au sujet de chaque dollar qui est dépensé. Ce ne fut pas le cas sous le gouvernement précédent, et ce n'est pas le cas non plus sous le gouvernement actuel. La situation doit vraiment changer.
Je tiens à parler maintenant de l'utilisation du Compte du Canada. En particulier, on nous a dit au comité des finances que, après la crise de la COVID-19, après la pandémie, on engloutira des sommes énormes, soit environ 15 à 20 milliards de dollars, pour la construction de l'oléoduc Trans Mountain. Ce montant s'ajoute à l'achat de tous les actifs, qui a essentiellement été fait sans égard au Trésor public.
Je me demande à quel point cette utilisation scandaleuse du Compte du Canada vous préoccupe, où on a essentiellement contourné le Parlement pour dépenser éventuellement des dizaines de milliards de dollars, dans ce cas-ci, pour un projet que le secteur privé a abandonné parce qu'il n'a tout simplement aucune assise économique.
Êtes-vous préoccupé par cette utilisation secrète du Compte du Canada?
:
Merci, monsieur le président.
Merci d'être ici, monsieur Ricard.
Je précise que mes questions et mes observations ont pour but de voir à ce que le vérificateur général dispose de toutes les ressources dont il a besoin, surtout compte tenu du fait que, au cours des deux derniers mois, le gouvernement a dépensé plus d'argent que le Canada a dépensé au cours de la Seconde Guerre mondiale, en tenant compte de l'inflation. Dans le budget fédéral, une augmentation de 10,8 millions de dollars est une erreur d'arrondissement.
Monsieur Ricard, vous avez parlé de 10,8 millions de dollars. Cette demande s'inscrit dans le contexte où votre bureau venait de voir son mandat s'élargir. Autrement dit, c'était avant la crise de la COVID-19, et vous accomplissiez davantage de travail, sans pour autant disposer de ressources supplémentaires. N'est-ce pas?
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur Ricard, j'aimerais vous remercier du travail que vous faites.
Je suis nouveau au Parlement. J'ai passé ma carrière dans le secteur privé. Je pense qu'on comprend mal le rôle de vérificateur, surtout en ce qui concerne les audits de performance. Une entreprise aime utiliser ce type d'audit pour améliorer ses activités et devenir une meilleure entreprise. À mon avis, il devrait en être de même pour un gouvernement.
Ce qui me préoccupe, et que j'ai du mal à comprendre, est le fait qu'on engage des dépenses de programmes de cette ampleur sans avoir prévu des fonds suffisants pour permettre aux vérificateurs de faire leur travail et de s'assurer que l'argent des contribuables est dépensé judicieusement. Il y a de quoi se poser la question, surtout que vous parlez de s'assurer de mieux comprendre si ces programmes sont efficaces au cas où une situation du même genre se reproduirait.
Vous qui êtes un vérificateur professionnel, vous devez être frappé par... Comme quelqu'un l'a dit, c'est une erreur d'arrondissement. Je n'arrive absolument pas à comprendre. Oublions le passé; parlons d'aujourd'hui. Des dépenses de 200 milliards de dollars méritent sûrement des audits plus exhaustifs.
:
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci au vérificateur général et à M. Hayes d'être venus témoigner aujourd'hui.
Monsieur le président, vous serez peut-être surpris d'apprendre que je crois qu'on peut douter de la sincérité du nouvel intérêt soudain des conservateurs pour le travail du vérificateur général. Après tout, le gouvernement Harper avait fait des coupes de 6,5 millions de dollars dans le budget du vérificateur général et il avait amputé son bureau du vérificateur général de 60 employés.
Le gouvernement fédéral libéral actuel a rétabli les budgets, mais je crois qu'il était important de le rappeler, parce que si nous voulons vraiment témoigner de notre respect pour le travail accompli par le vérificateur général — soyons clairs, je crois qu'il s'agit d'un travail très important —, il faut être conscients de ce que les gouvernements antérieurs ont fait. À partir de là, nous pourrons juger de la sincérité de certaines questions, mais je ne veux pas trop m'éloigner de l'objet de notre réunion.
Monsieur Ricard, pourriez-vous nous donner une idée du travail effectué par le Bureau du vérificateur général dans la période qui a suivi la crise financière de 2008 et du genre d'études menées par le Bureau pendant cette période?
:
Effectivement, les travaux relatifs au plan d'action économique que nous avons menés en 2009 et 2010 seraient probablement les plus pertinents présentement.
Pour faire un bref historique, en mars 2009, la vérificatrice générale, Sheila Fraser, a écrit au secrétaire du Conseil du Trésor pour discuter des attentes du bureau, notamment en matière de coordination et d'intégration concernant la gestion efficace et le contrôle des dépenses, autant au niveau du gouvernement fédéral qu'au niveau des gouvernements provinciaux. Mme Fraser avait souligné l'importance de mettre sur pied un comité de surveillance de haut niveau, qui pourrait aider à orienter les programmes et à les adapter aux situations qui pourraient survenir.
Nous avons présenté notre premier rapport sur le plan d'action économique à l'automne 2010. J'imagine qu'on pourrait comparer cela à la situation actuelle, soit de la vérification en temps réel. À l'époque, nous avions vérifié si les programmes et les processus avaient été conçus et simplifiés de façon à permettre au gouvernement d'agir rapidement et d'acheminer les fonds là où étaient les besoins. Nous avions étudié les critères d'admissibilité, l'attention portée aux risques par les organismes centraux et leurs efforts pour atténuer ces risques, et l'atteinte des exigences relatives aux rapports trimestriels que s'était fixées le gouvernement.
Dans le deuxième rapport de vérification du plan d'action économique, présenté à l'automne 2011, nous avions abordé le suivi des progrès et des dépenses effectué par le gouvernement. Nous avions cerné certains points qui pouvaient être améliorés en matière de mesure du rendement et de production de rapports. Je crois que ce sont ces rapports qui pourraient être les plus utiles dans le contexte actuel...
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Ma question s'adresse à M. Hayes.
Dans le contexte de la COVID-19, nous savons qu'on délie présentement les cordons de la bourse pour mettre sur pied beaucoup de mesures, mais je trouve qu'il y a là quelque chose de paradoxal. J'aimerais entendre votre opinion à ce sujet.
En 2009, le Canada s'est engagé, avec d'autres pays du G20, à éliminer progressivement les investissements et les subventions inefficaces injectés dans le secteur des énergies fossiles, dont le pétrole sale de l'Alberta. Depuis, il semble que peu ait été fait, or le fédéral a investi des milliards de dollars dans l'industrie. Nous pensons à Trans Mountain, à l'achat de wagons pour le pétrole et aux subventions aux entreprises. Nous comprenons que l'industrie pétrolière vit des difficultés majeures. Cela est assez clair. Ne serait-ce pas là, justement, le signal qu'il faut arrêter d'investir plus d'argent gouvernemental dans ce secteur, et plutôt investir dans des éléments qui favorisent l'émergence d'une économie hors pétrole, notamment en Alberta?
:
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Ma question s'adresse à M. Ricard.
Quand je regarde des rapports que le Bureau du vérificateur général du Canada a présentés au fil des ans, j'y vois des mentions du manque de transparence de la part des géants du Web. Vous y avez parlé aussi, en partie, des paradis fiscaux.
On sait que des dizaines de milliards de dollars sortent effectivement du pays et devraient faire partie du bien commun des Canadiens.
Que pouvez-vous nous suggérer pour faire en sorte que nous ayons un régime d'impôt juste?
Les gens du Web — ce sont des gens ultra-riches — et les grandes entreprises qui font des profits énormes investissent dans les paradis fiscaux. Ils sortent donc leurs profits à l'extérieur du pays pour éviter de payer des impôts.
Comment peut-on, dans le contexte de la pandémie de la COVID-19, faire en sorte que cela n'arrive plus? Nous pourrions utiliser ces ressources pour investir dans la sortie de la pandémie et de la crise économique qui l'accompagne.
:
Je serais porté à commencer par vous dire qu'il y a une vérification très importante à faire simplement sur ce sujet.
Dans le cadre des vérifications que nous avons à faire présentement dans le contexte de la COVID-19 et de l'infrastructure, je ne suis pas certain à quel point nous pourrons nous pencher sur ce sujet. Ce sont manifestement des domaines où nous nous attendons à ce que l'Agence du revenu du Canada, entre autres, joue son rôle pour s'assurer que tout est fait en bonne et due forme.
Évidemment, cela doit se faire sur la base de la législation fiscale en place. Vous comprendrez que je ne peux pas la commenter, parce qu'il s'agit de décisions politiques. Cependant, comme il y a un cadre législatif visant la fiscalité au Canada, il faut absolument s'assurer que l'intégralité de l'assiette fiscale est protégée et que les acteurs qui doivent y participer jouent leur rôle.
Étant donné l'ampleur et la complexité du sujet, je ne peux pas m'engager maintenant à vérifier cela de façon approfondie dans le contexte présent, mais, de toute évidence, c'est important.
:
Merci, monsieur le président.
Cette discussion est fort intéressante. Monsieur Ricard, en tant que député, mais aussi en tant que citoyen canadien, je suis alarmé par ce que vous avez affirmé devant le Comité aujourd'hui. Il est très malheureux que vous deviez venir plaider devant le Comité simplement pour pouvoir être en mesure de faire votre travail; le gouvernement devrait en avoir honte. La fonction du vérificateur constitue un contrepoids fondamental du système canadien, et c'est encore plus vrai lorsqu'on se lance dans des programmes d'envergure comme ceux mis en place en réponse à la crise.
Je crois que mon préambule a donné des indices quant à l'orientation que prendra ma question. Pas plus tard qu'hier, une nouvelle dans le National Post indiquait — si elle s'avère — que des fonctionnaires ont reçu comme directive d'ignorer les cas de fraude potentielle et que 200 000 dossiers auraient éveillé des soupçons.
J'aimerais que vous nous disiez si vous êtes inquiet de la reddition de comptes relative à ces programmes. Je sais que vous deviez être l'un des contrepoids prévus pour ce programme, mais il semblerait que vous n'ayez pas les fonds nécessaires pour remplir votre rôle. Par conséquent, je voudrais que vous nous disiez si vous croyez que les contrepoids pour les programmes d'urgence présentement déployés sont adéquats.
:
Les données ont été un thème constant de notre travail d'audit au cours des dernières années. L'importance de bonnes données pour soutenir la prise de décision est primordiale et essentielle pour obtenir les meilleurs résultats pour les Canadiens, de notre point de vue en tout cas.
Nous reconnaissons évidemment — et le secrétaire du Conseil du Trésor a été clair avec les ministères — qu'il est important d'agir rapidement, mais aussi de s'assurer que les décisions et les justifications sont documentées. Nous commencerions par là, et nous espérons que les données seront saisies.
Je note, bien sûr, que d'autres types de données peuvent être collectées et que le commissaire à la protection de la vie privée peut avoir des avis sur cette collecte, cette utilisation et cette divulgation. Je pense en particulier aux informations sur la santé qui pourraient être collectées et ce genre de choses. Nous espérons que les informations personnelles qui devraient être protégées le sont dans la mesure du possible.
Je mentionnerai également que les informations évidemment secrètes, les informations confidentielles du Cabinet, constituent un défi dans l'environnement actuel. Les protocoles de sécurité sont toujours importants pour le traitement de ces données.
Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation et de nous avoir fourni de précieuses informations. Je sais que vous témoignez habituellement devant le comité des comptes publics.
À titre d'observation personnelle, les audits que vous menez et ceux que les autres vérificateurs généraux ont menés sont très instructifs. En ce qui vous concerne, vous résumez bien le déroulement des faits qui font l'objet de votre audit. Pour moi, personnellement — et je suis député depuis un certain temps —, je trouve cela très utile pour comprendre les différentes tâches qu'un ministère assume et les services qu'il fournit ou ne fournit pas aussi bien qu'il est censé le faire, selon le vérificateur général.
Je tiens à vous remercier tous les deux d'avoir témoigné devant le Comité aujourd'hui. Je pense que vous nous avez apporté un éclairage précieux. Nous apprécions votre analyse constructive.
Pour les membres du Comité, nous avons une réunion avec le ministre et les fonctionnaires jeudi. Nous avons maintenant été informés par les bureaux des whips que nous nous réunirons mardi et jeudi de la semaine prochaine. Nous aurons un groupe de témoins généraux mardi, ainsi que le PDG de la Société canadienne d'hypothèques et de logement. La a accepté de comparaître pendant une heure jeudi. C'est ce que vous aviez demandé, je crois, M. Marty. Nous aurons également un groupe de témoins généraux à cette occasion.
Je rappelle aux membres qu'il reste environ 74 témoins sur la liste des demandes de comparution. Les différents partis pourraient-ils faire parvenir leur liste de témoins au greffier au plus tard mercredi à 18 heures? C'est demain soir. Vous pouvez parcourir cette liste et la compléter si vous le souhaitez. Faites en sorte que vos témoins soient présentés au greffier d'ici demain à 18 heures afin que lui et son personnel puissent téléphoner pour faire le travail nécessaire et donner aux témoins suffisamment de temps.
Sur ce, je tiens à remercier à nouveau les témoins et les membres du Comité pour les travaux d'aujourd'hui.
La séance est levée.