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Nous poursuivons maintenant en public.
Je veux commencer par remercier Judy Geary et Cameron Mustard.
Je vous remercie tous les deux d'être venus comparaître devant le comité pour nous aider à comprendre les divers aspects de la Nouvelle Charte des anciens combattants. Comment la rehausser? Comment l'améliorer? En gros, nous attendons cette information de votre part. En tant que comité, nous vous savons gré d'être ici pour faire vos témoignages, puis pour répondre à nos questions.
Il se peut qu'on vous demande des renseignements à fournir ultérieurement par écrit. Si vous pensez à de l'information que vous pourriez nous donner plus tard sur papier, vous n'avez qu'à l'envoyer au greffier du comité. Nous en serions ravis.
Je tiens à vous signaler que notre président habituel, M. , ne se sent pas bien ces jours-ci. Je suis certain qu'il serait très heureux de vous accueillir.
Vous avez de 10 à 15 minutes. Vous pouvez y aller.
Judy, vous allez commencer?
Ça ne vous dérange pas que je vous appelle Judy?
Merci beaucoup. Oui, je peux commencer.
Je tiens d'abord à vous remercier de me donner l'occasion de comparaître devant le comité. J'ai acquis mon expérience à travailler auprès de personnes ayant subi des blessures au travail, et à mes yeux, les anciens combattants sont des personnes qui ont subi des blessures mentales ou physiques en travaillant pour le gouvernement fédéral, leur employeur, au nom des Canadiens. Je suis donc convaincue que mes propos seront pertinents.
Au cours des prochaines minutes, je vais tâcher de vous expliquer pourquoi il est important pour une personne handicapée de participer au marché du travail, même si cette personne touche des prestations d’invalidité. Je décrirai également certaines des principales caractéristiques de services et de programmes de réintégration professionnelle bien conçus.
Je suis convaincue que les anciens combattants canadiens qui sont atteints d’une déficience permanente doivent faire face à des difficultés particulières. Cependant, à l’échelle internationale, les chercheurs dans le domaine de la santé et du travail constatent que les invalidités d’origine professionnelle ont certaines conséquences communes, et ils ont cerné d’excellentes pratiques dans la conception de programmes de réintégration professionnelle.
De manière générale, il est bien établi dans l’ensemble des pays de l’OCDE que, parmi les personnes handicapées, le taux d’activité est moindre, les taux de chômage sont plus élevés et les revenus sont plus faibles qu’au sein de la population non handicapée. Le taux d’utilisation des programmes de soutien du revenu des personnes handicapées augmente, et le taux de sortie de ces programmes diminue. Les pays cherchent des moyens de réduire le coût de ces programmes en accroissant la participation au marché du travail, plutôt qu’en réduisant simplement les prestations et en laissant les gens sombrer dans la pauvreté.
Il y a à peine quelques jours, à son forum de Doha, l’Association internationale de la sécurité sociale a ratifié des lignes directrices sur le retour au travail. J'aimerais ajouter que ces lignes directrices se fondent sur une norme canadienne conçue par l'Institut national de recherche et de gestion de l'incapacité au travail, situé en Colombie-Britannique.
Les personnes handicapées, y compris celles dont la blessure ou la maladie est d’origine professionnelle, sont stigmatisées au travail et dans la collectivité, parfois même par leur assureur ou leurs fournisseurs de services. Chez celles dont l’absence du travail est de longue durée, les problèmes de dépression et de santé mentale sont plus répandus, de même que l’échec du mariage, l’éclatement de la famille, les difficultés financières et la dépendance à une substance. Elles éprouvent une douleur considérable, même quand elles prennent des antidouleurs. Il importe de noter que l’on constate également ces problèmes chez les bénéficiaires d’un remplacement du salaire, et qu’il n’existe pas nécessairement de lien direct avec la gravité ni la nature de la blessure.
Le travail est important pour le sentiment de bien-être. Il représente un élément majeur de l’identité et de l’estime de soi, et il contribue à la santé physique et mentale.
Alors, comment concevoir des programmes efficaces de soutien à la réintégration professionnelle? Tout d’abord, il est fondamental de placer le travail au coeur de la politique d’invalidité — de remplacer une approche passive consistant à verser des prestations et à surveiller les coûts par une approche visant à activer les aptitudes et capacités de la personne dans la mesure du possible. Il faut notamment mettre l’accent sur les résultats du point de vue du client, telle la réintégration professionnelle, et non sur la gestion des prestations. Grâce à l’établissement de buts et de cibles et à l’évaluation des résultats, l’employeur, l’assureur et les fournisseurs de services doivent rendre compte de l’obtention de résultats positifs pour la personne handicapée.
Il s’agit ensuite de mettre en place un programme solide de gestion de l’invalidité. Un tel programme serait élaboré en collaboration par l’employeur et les employés, au moyen d’un processus consensuel qui favorise la compréhension et l’adhésion de tous à l'échelle de l'organisation. Tous les membres de l’organisation doivent connaître le programme et être tenus d’y participer au besoin. Selon la jurisprudence en matière de droits de la personne, la participation au retour au travail doit être substantielle. Le personnel du programme doit comprendre des professionnels de la réintégration au marché du travail et de la santé.
De manière générale, dans une organisation comme l’administration fédérale, ou ses ministères, un programme commun pour l’ensemble des employés assure l’uniformité, l’équité et des occasions de placement accrues. Une gestion de cas bien réfléchie et exécutée avec compétence est indispensable. Aucune solution n’est universelle. Par conséquent, les méthodes de gestion des cas doivent être adaptées en fonction de la nature de l’invalidité et des besoins particuliers de la personne. Une gestion de cas efficace présente toutefois plusieurs caractéristiques communes.
L’intégration des efforts de rétablissement et de retour au travail est très utile, car le retour au travail fait partie du processus de réadaptation et favorise le rétablissement. Il n’est pas nécessaire que le rétablissement précède le retour au travail, même si une certaine période pour amorcer le processus de guérison est à prévoir. Il faut éviter à tout prix le retour à un travail dangereux.
Intervenir rapidement pour évaluer les circonstances et les besoins de la personne et du milieu de travail, et pour établir des communications favorables, donne des résultats supérieurs. Des soins de santé de haute qualité dispensés en temps opportun sont absolument essentiels. Il n’est pas rare qu’on organise la prestation accélérée de services de santé spéciaux. Il convient d’envisager des mesures d’adaptation ou un travail de transition, et la suppression des obstacles est une tâche de tous les instants dans le cadre de la coordination du retour au travail. La réévaluation à intervalles réguliers permet une gestion de cas éclairée à mesure que la santé du client s’améliore et que les circonstances évoluent.
Par « intervention précoce », j’entends dans les six à huit semaines suivant la blessure. Il est urgent de fixer les échéanciers de gestion de cas, et impérieux de les respecter. Après avoir été en arrêt de travail pendant six mois, seulement 50 % des travailleurs réintègrent un emploi à temps plein. Après deux ans, le retour au travail est rare.
Enfin, il y a lieu d’analyser les facteurs incitatifs et dissuasifs à l’oeuvre, tant pour l’intéressé que pour l’employeur, ou pour un nouvel employeur potentiel, et de faire les rajustements nécessaires pour favoriser la réintégration.
Entre autres mesures incitatives possibles — et il y a bien d'autres options — on peut permettre à la personne handicapée de conserver la totalité ou une partie de ses prestations pendant un certain temps; rajuster le niveau des prestations pour éviter la pauvreté tout en encourageant le travail; fournir des subventions salariales ou des crédits d’impôt aux employeurs, surtout si ces derniers fournissent une formation; offrir des services de placement, ainsi que des services d’accompagnement à l’intéressé et à l'employeur; faire connaître les coûts et les économies à l’employeur du travailleur blessé; et récompenser les gestionnaires de l’employeur d’avoir pris les mesures d'adaptation nécessaires ou d’avoir confié d’autres fonctions à l’employé handicapé.
J’espère que ces observations vous seront utiles dans le cadre de votre étude. Je crois qu’elles s’appliquent aux anciens combattants. La bonne nouvelle, c’est que ces moyens ont manifestement amélioré les résultats pour les personnes handicapées indemnisées au moyen de divers régimes, et ce, partout dans le monde.
Merci de votre aimable attention.
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Merci. Je suis ravi d'être ici avec vous.
Je suis président d'une organisation située à Toronto et appelée l’Institute for Work and Health. C'est un institut de recherche indépendant et sans but lucratif. Le nom de notre organisation dit bien ce que nous faisons. Nous nous intéressons aux façons dont le travail influe positivement ou négativement sur la santé des gens. Mais nous nous intéressons aussi aux façons dont la santé des gens entrave leur capacité de participer au marché du travail.
J’ai siégé au Comité consultatif scientifique sur la santé des anciens combattants relevant du ministre d’Anciens Combattants Canada — je pense que c'était en décembre 2012. Nous nous penchions sur les effets de l’uranium appauvri sur la santé humaine. Le Dr Pierre Morrisset était le président du comité, et je pense qu'il a parlé avec vous lors d'audiences, le printemps dernier. Ce fut un honneur pour moi de servir de cette façon les anciens combattants canadiens, et j'espère que nos travaux vous ont été utiles.
Je tiens à souligner, parce que Judy est une femme très humble, que vous avez devant vous aujourd'hui une administratrice publique très talentueuse dans le domaine général des mesures d'adaptation pour les personnes handicapées et des moyens de les encourager à participer au marché du travail. Au cours des 10 dernières années, elle a conçu et mis au point de grandes réformes du régime d'indemnisation des accidents du travail en Ontario. J'espère d'ailleurs que les membres du comité ont eu l'occasion de discuter de ces événements.
Je veux vous parler de trois ou quatre choses, aujourd'hui. Premièrement, si, dans la perspective de législateurs, nous revenons 40 ans en arrière, sur le plan des occasions offertes aux personnes handicapées, le progrès réalisé depuis ce temps est énorme. Nos rues et nos bâtiments sont plus accessibles. Nos systèmes d’éducation réussissent très bien à répondre aux besoins des personnes handicapées, qu'il s'agisse d'adultes, d'enfants ou de jeunes au collège. Et dans nos lieux de travail, on est de plus en plus conscient des mesures d'adaptation à prendre pour faire une place à des employés ayant des invalidités.
Comment en sommes-nous arrivés là en 40 ans? Ces progrès, nous les devons dans une grande mesure à vous et à vos prédécesseurs, les législateurs qui ont établi des normes, aussi bien à l'échelle provinciale que fédérale, en fonction de ce que nous souhaitions en tant que société. Aujourd'hui, nous pouvons tous penser à quelqu'un que nous connaissons, un membre de la famille, un collègue, un ami, qui a pu jouer un rôle social important en raison des progrès que nous avons faits en tant que société dans notre pays. Il y a aussi, dans mon esprit, la Nouvelle Charte des anciens combattants — une réforme qui a eu lieu il y a environ 10 ans après une assez longue période de réflexion, de pourparlers et de discussions. Je pense que la Nouvelle Charte des anciens combattants fait partie des réformes qui font progresser le pays, sur le plan de notre capacité de répondre aux besoins des gens et, dans ce cas, aux besoins des anciens combattants des Forces canadiennes qui sont handicapés.
Je vais encore une fois vous donner matière à réflexion. Je suis un chercheur. Je suis toujours impatient de prendre connaissance des programmes gouvernementaux importants et de vérifier si l'administration du programme consacre des ressources suffisantes, ce qui nous dirait, à vous, parlementaires, et à moi, en tant que citoyen, que les services vont effectivement avantager les bénéficiaires. Je dois dire que je suis impressionné par la façon dont Anciens Combattants Canada a consacré des ressources à mesurer les progrès de la Nouvelle Charte des anciens combattants. Je pense que certains des éléments de cela... par exemple, l’Étude sur la vie après le service militaire s'est révélée très utile, et elle demeurera très informative dans les années à venir quand il s'agira de guider Anciens Combattants Canada et de vous guider, concernant les façons d'améliorer les services liés à la charte.
Je n'ai que deux autres commentaires. Mon organisation a eu la possibilité de collaborer avec le directeur de recherche d'Affaires des anciens combattants, à Charlottetown. Ces 10 dernières années, nous avons été impressionnés par l'engagement et le talent de ce groupe.
Je vais revenir à quelque chose que Judy a souligné. C'est un peu paradoxal, mais, en tant qu'organisme de recherche, plus nous examinons cela, plus nous croyons que c'est vrai. Voilà. Il y a, je pense, une vérité indéniable, quand on dit que le travail est bon pour la santé, pour les gens qui ont un emploi rémunéré. La santé des personnes s'améliore quand elles reprennent le travail après une période d'invalidité, ou après une période sans travail. Cela peut sembler paradoxal.
Selon un stéréotype, le travail compte parmi les choses que nous n'aimons pas, ou qui nous empêchent de faire ce que nous aimons faire, mais il semble indéniable que la santé des gens s'améliore quand ils ont l'occasion de travailler. D'après nous, il est très possible de faire en sorte que cela se concrétise par la conception de programmes relevant de la Nouvelle Charte des anciens combattants et venant en aide au personnel des Forces canadiennes dans leur passage du service militaire à la vie civile.
Merci, monsieur Stoffer.
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Les taux d'indemnisation établis par les commissions des accidents du travail de partout au Canada ont évolué avec le temps. Par exemple, au cours des 30 dernières années, les taux ont varié.
Au milieu des années 1980, certains économistes de l'Université Harvard ont réalisé une grande analyse pour le compte du gouvernement de l'Ontario. Ils ont conclu à un équilibre très délicat entre ce qui tend à encourager une personne à reprendre le travail et ce qui représente un frein à cette reprise du travail, quand il est question du montant de remplacement du salaire que la personne obtient.
Ce qu'on a fait en Ontario et pas mal partout dans le reste du Canada, par la suite, c'est une analyse permettant de déterminer le montant de paye général d'une personne — les revenus nets après les retenues du RPC et de l'AE, et toutes les autres retenues — quand elle était au travail. On a ensuite calculé les autres coûts de l'emploi, comme le transport, les vêtements, etc., et on les a déduits.
Depuis, on cherche à compenser la perte de salaire, jusqu'à concurrence d'un montant équivalant essentiellement à ce que la personne pourrait mettre en banque ou rapporter à la maison pendant qu'elle occupe un emploi, sans toutefois le remplacer entièrement, car si vous le remplacez entièrement, selon la théorie, cela constitue un frein à la reprise du travail. Cela devient alors un régime de retraite généreux, plutôt qu'un montant raisonnable de remplacement du salaire.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci beaucoup aux témoins d'avoir accepté notre invitation.
J'aurais une question à vous poser. J'ai servi en Afghanistan, ce qui fait de moi un ancien combattant, mais ça ne fait pas une grande différence. Selon le principe de l'universalité des services, les membres de la force régulière doivent être aptes au déploiement, et ce, en tout temps et peu importe où se déroulent les opérations militaires. Si une incapacité quelconque les empêche d'être déployés avec leur unité, les membres doivent être considérés comme étant essentiels à la solidarité militaire.
Donc, en ce qui concerne les fonctionnaires... Par exemple, il y a la politique du Conseil du Trésor sur l'obligation de prendre des mesures d'adaptation pour les fonctionnaires de la fonction publique fédérale ayant une incapacité. Cette politique s'applique à tous les fonctionnaires de la fonction publique fédérale dont l'employeur est le Conseil du Trésor. Cette politique garantit que l'employeur prendra toutes les mesures nécessaires pour permettre à l'employé concerné de conserver son poste. Mais, elle ne s'applique pas aux membres de la force régulière, puisque cela entrerait en conflit avec le principe de l'universalité des services.
Selon vous, la différence entre ces deux principes devrait-elle se traduire par des programmes d'indemnisation et de soutien différents pour les personnes blessées? À votre avis, la Nouvelle Charte des anciens combattants traite-t-elle de cette question? Que recommanderiez-vous pour améliorer la Nouvelle Charte des anciens combattants?
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Vous mettez le doigt sur un enjeu vraiment important. Peut-être que notre pays pourrait tenter une expérience.
Imaginez qu'on libère deux militaires. Le premier est en parfaite santé, l'autre souffre d'un handicap visible. Ils se mettent à la recherche d'un emploi dans leur localité, St. Catharines, Chicoutimi ou Halifax. Ce sera malheureusement plus difficile pour la personne handicapée.
C'est comme rencontrer quelqu'un. Quand l'employeur recrute, il n'est pas censé faire de discrimination entre les candidats. C'est la loi. Mais des choix sont faits. Je suis convaincu que, parfois, des militaires souffrant de handicaps visibles auront plus de difficulté à trouver un emploi qu'un confrère non handicapé.
Une modeste subvention aux employeurs, pour une première entrevue, pourrait donner des résultats. N'est-ce pas? Ça pourrait marcher.
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Merci, monsieur le président.
Je constate notamment qu'on parle beaucoup de la commission des accidents du travail et qu'on essaie de la comparer à la Charte des anciens combattants. Il existe peut-être des similitudes, peut-être pas, mais, d'après mon expérience de travail dans la fabrication de pièces d'automobiles et mon expérience de syndicaliste, et, en fait, d'après mon expérience actuelle où je collabore avec les syndicats, pour aider les travailleurs à être justement traités par la commission, mon instinct me dit que la Nouvelle Charte des vétérans devrait s'efforcer de faire mieux qu'elle. Je ne critique pas la commission, mais nous devrions viser de meilleurs résultats qu'elle et le retour des personnes au travail quand elles sont prêtes. C'est l'un des sujets importants dont personne n'a parlé aujourd'hui.
Pour le gestionnaire de cas à la commission, la priorité est le retour de la personne au travail. Ne nous leurrons pas. Pour un ancien combattant, la probabilité de ne pas travailler en ce moment est peut-être de 99 %, et il est tout à fait probable, s'il souffre du syndrome de stress post-traumatique, par exemple, qu'on ne le laissera pas retourner au travail. C'est hors de question. On tient à ce qu'il soit traité et à ce qu'il reçoive la thérapie nécessaire pour recouvrer sa santé mentale avant de commencer à se recycler et avant même de songer à le faire retourner au travail.
Je pense que c'est l'une des différences fondamentales entre la commission et la Nouvelle Charte des anciens combattants. D'un côté, la commission, qui vise le retour au travail le plus rapide et, d'autre part, différer le retour au travail et favoriser le recouvrement de la santé mentale en vue d'un revenu satisfaisant. Je tenais à faire cette mise au point avant de poser ma question.
Après ces étapes, vous êtes mentalement et physiquement rétabli, et le fonctionnaire ou l'équipe des Anciens combattants qui s'occupe du cas a déterminé que vous êtes prêt pour le retour au travail. Je veux que vous expliquiez, monsieur Mustard ou madame Geary, l'importance du retour au travail, des points de vue mental, physique et émotif. En effet, la pension qu'on verse à quelqu'un laissé à lui-même n'est probablement pas ce qu'il y a de mieux pour cette personne. Lui redonner un emploi utile, à la mesure de ses capacités me semble... S'il vous plaît, expliquez ce que vous avez observé, au fil des ans, sur cette philosophie.
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Je suis convaincue que le fait de verser une pension à quelqu'un qu'on laisse à soi-même n'est pas utile. J'ai rencontré des gens qui reçoivent une pension ou des prestations de sécurité du revenu et qui ne travaillent pas, j'ai lu des travaux de recherche sur ces personnes et j'en ai commandé. En général, elles ne sont pas nécessairement heureuses. Ce n'est pas un choix qu'elles ont fait comme les personnes qui choisissent de prendre leur retraite quand le moment est arrivé.
Les études montrent que même si elles reçoivent une pension, elles peuvent continuer à vivre dans l'insécurité financière. Cette pension peut ne pas correspondre à leur mode de vie antérieur. Elles n'accumulent pas de pension de retraite, faute d'argent pour le faire. Leur sécurité financière à long terme continue de ne pas être assurée, même si elles peuvent recevoir suffisamment d'argent pour le loyer et ainsi de suite.
Elles sont nombreuses à ressentir des douleurs intenses. Prenons une personne dont la blessure a causé un degré d'invalidité permanente estimé de 20 % et qui ne travaille pas. La douleur qu'elle ressentira sera plus forte que celle d'une personne ayant exactement la même blessure et la même déficience, mais qui travaille. Il lui faudra plus de médicaments. Chez les personnes dans sa situation, le taux de divorce, le taux d'aliénation des enfants, des conjoints et de la parenté, le taux d'éclatement de la famille et le taux d'isolement social sont plus élevés. Elles ont tendance à couper les liens avec leur communauté et à s'isoler. Elles souffrent de taux élevés de dépression et d'autres problèmes de santé mentale, d'anxiété et ainsi de suite.
Même si elles ont le revenu nécessaire, leur vie n'est pas nécessairement enrichissante. Elles n'en tirent pas de réconfort. Globalement, leur vie n'est pas saine.
Bien sûr, je généralise, parce que, dans toute population, certains s'en tirent très bien, d'autres non. Mais, en général, d'après les études que j'ai lues et mes propres observations, le soutien du revenu n'est pas la réponse qu'il faut pour se faire une vie saine.
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Merci beaucoup, monsieur Lobb.
Je prends quatre minutes pour poser quelques questions.
M. Chisu en a parlé aussi, mais, dans votre mémoire, vous avez aussi parlé d'envisager des mesures d'adaptation. J'ai passé de nombreuses années dans l'industrie pétrolière, où les mesures d'adaptation étaient obligatoires. Il s'agissait de choses simples, comme la mise en place de leviers de bande pour épargner aux agents l'effort du transport des sacs. On a ainsi protégé le dos de beaucoup de personnes. L'entreprise a ainsi économisé beaucoup d'argent à court terme ainsi que le versement de prestations d'invalidité à long terme pour cause de douleur aux bras, aux épaules et au dos. Mais, dans le domaine militaire, il n'y a aucune obligation pour de telles mesures. M. Chisu a raison. La personne qui ne peut pas assurer l'universalité du service est plus ou moins condamnée. En moyenne, 200 jeunes hommes et jeunes femmes doivent quitter les forces armées prématurément, en raison de blessures et avant leur entrée en fonction. Et cette entrée en fonction est indispensable à leurs prestations futures.
C'est l'un de nos sujets de préoccupation. La GRC accorde cette protection, mais pas l'armée. Mais là n'est pas ma question.
La voici. C'est pour vous. Dans votre étude sur le placement professionnel, vous avez mentionné l'importance d'un travail utile et intéressant, qui, comme je dis toujours, fatigue tout en donnant l'impression d'avoir accompli quelque chose. Avez-vous fait une comparaison entre les hommes et les femmes? Avez-vous fait cette ventilation dans votre étude. J'aimerais savoir quelles comparaisons vous avez faites entre les femmes et les hommes qui ont servi dans les Forces et qu'on a libérés pour une raison ou une autre et quelle a été leur attitude par suite de ce changement de situation. Y avait-il une différence entre les hommes et les femmes?
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C'est une excellente question, mais je n'ai pas de réponse.
Voici une observation que je pourrais faire: ces 20 dernières années, notre société est devenue tout à fait accueillante à des handicaps physiques — du système musculosquelettique — et capable de s'y adapter et d'aider quelqu'un qui vient de revenir au travail avant d'être parfaitement rétabli de ses blessures. C'est un savoir que nous maîtrisons très bien.
La difficulté, en matière d'invalidité pour le travail, dans notre pays, provient des troubles de la santé mentale. En premier lieu, comment, si c'est possible, pouvons-nous faire de la prévention? Mais, pour revenir à votre exemple, dans lequel un diagnostic a été posé, comment faire retourner l'intéressé au travail? La question ne se pose pas seulement pour le syndrome de stress post-traumatique et l'intégration au travail, dont vous avez parlé. Elle se pose aussi pour la dépression, les troubles d'anxiété, et je pense que les employeurs de partout au pays cherchent vraiment de l'aide.
C'est une excellente question, mais je n'ai pas de réponse.
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Merci, monsieur le président.
Je souhaite aussi la bienvenue aux témoins. Merci d'être ici.
J'ai deux questions et je les poserai tout de suite parce que le temps nous manquera probablement. Dans ce cas, je pourrai peut-être demander aux témoins de répondre au greffier par courriel.
La première s'adresse à Judy.
Pouvez-vous dire combien de personnes, actuellement, accèdent à l'information et aux services de la commission des accidents du travail? Comme on le voit, sur le site Web, une application mobile permet l'accès aux services. Quel est le taux de popularité des nouvelles méthodes d'accès à l'information et d'obtention de services par rapport aux méthodes traditionnelles par téléphone ou en personne, au bureau?
Monsieur Mustard, dans votre étude de la mortalité chez les chômeurs au Canada, vous avez conclu que les hommes et les femmes [de cette cohorte] qui étaient chômeurs avaient un risque élevé de mortalité par accident et violence ainsi que par maladie chronique.
Pouvez-vous expliquer au comité comment vous êtes arrivé à ces conclusions? En plus, croyez-vous que cela pourrait toucher le groupe vulnérable des anciens combattants souffrant de blessures graves, par exemple?
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Merci d'être ici et de nous éclairer sur certains de nos sujets de préoccupation.
Le ministre a déposé un nouveau projet de loi, le projet de loi , qui donne la priorité d'emploi, dans la fonction publique, aux anciens combattants.
Comme il y a eu beaucoup de mises à pied, beaucoup de compressions, nous avons besoin de savoir à quel point c'est sérieux. Les anciens combattants qui souffrent du syndrome de stress post-traumatique ou d'autres maux...
Dans l'armée, on enseigne une compétence, celle de défendre son pays, d'être prêt à le défendre, et cette compétence peut être certainement suivie d'autres compétences, mais beaucoup de soldats pourraient avoir besoin de recyclage. Si aucun recyclage n'est offert, ce sera l'échec pour beaucoup d'entre eux quand ils accéderont à cet emploi. Ou bien ils ne pourront pas commencer. Le recyclage est indispensable. Devrions-nous aussi expliquer que s'il faut débourser de l'argent pour le recyclage du candidat retenu, on le fera?
N'est-ce pas que beaucoup de personnes blessées, beaucoup de chercheurs d'emploi ont besoin d'une sorte de recyclage?
Prenons un militaire de formation ayant une expérience sur le terrain, que ce soit au combat, au maintien de la paix ou autre; s'il ne peut avoir de formation, quelles seraient ses chances de garder un emploi de fonctionnaire, d'après vous? Autour de 20, 30, 40 ou 50 %?
Prenons le cas d'un caporal sur le terrain. Il transporte du matériel miliaire, répare peut-être des choses, fait son travail. Et soudain, le gouvernement fédéral l'informe qu'il doit quitter l'armée et qu'on lui donnera un emploi dans le civil. Mais, si ce soldat ne reçoit ni formation ni argent pour se reconvertir, dans quelle mesure sera-t-il capable de conserver son poste? En avez-vous une idée?
Comme je l'ai déjà dit, il n'y a pas de recette universelle. Qu'une personne reprenne du service parce qu'elle est jugée apte à le faire, et ce, en dépit peut-être de handicaps permanents, ou qu'elle s'oriente vers autre chose, à la fonction publique ou ailleurs, il faut évaluer la situation avec la personne et élaborer un plan individuel. Pour qu'il se concrétise, la personne doit bénéficier d'un appui.
S'il s'agit d'une mutation au sein du gouvernement, par exemple, le nouvel employeur doit aussi être aidé. Retourner au travail peut être très facile, mais c'est un processus humain. Il peut donc se passer beaucoup de choses, bonnes et mauvaises, et c'est un processus qui doit être mené et géré de manière appropriée.