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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à vous, mesdames et messieurs les membres de ce comité dont le travail revêt une importance capitale pour un si grand nombre de gens. Merci d'avoir la patience d'inviter un ancien combattant vieillissant, un général à la retraite à qui il arrive de travailler de l'autre côté de la Colline.
Je vais m'adresser à vous aujourd'hui surtout en ma qualité d'ancien combattant et de général à la retraite, mais aussi dans l'optique de mes fonctions de sénateur.
J'aimerais d'abord situer un peu les choses dans leur contexte. Je vais toutefois remonter un peu plus loin en arrière que peut le faire CNN lorsqu'il se penche sur les événements de la semaine précédente. Je soulignerai ensuite quelques éléments qui me tiennent particulièrement à coeur. J'ose espérer que mon allocution ne se prolongera pas indûment, mais je devrai faire un effort car les généraux à la retraite n'ont pas la réputation d'être brefs.
[Français]
Mesdames et messieurs, je comparais devant vous à titre de vétéran pour soulever des questions qui entourent la Nouvelle Charte des anciens combattants. Je vais vous présenter un peu d'histoire et mettre également en perspective cette charte que vous êtes en train d'étudier en détail.
Je vous félicite d'avoir entrepris cet examen et de prendre le temps d'écouter de nombreux témoins. Lors de sa visite devant votre comité, le ministre vous a donné pour directive, je crois, de ne pas vous rendre sur le terrain, de ne pas aller rencontrer les vétérans et leur famille dans leur milieu. Peut-être est-ce un élément qui aurait dû être reconsidéré, bien qu'on nous dise souvent que ce genre d'initiative coûte cher et prend du temps.
Comme on le dit, vétéran un jour, vétéran toujours. Pour nous, il ne s'agit pas d'un problème de temps, au contraire. La difficulté consiste à obtenir qu'on réponde à nos besoins.
[Traduction]
En guise d'introduction, j'aimerais vous glisser quelques mots sur les origines de cette charte. Pour avoir lu les comptes rendus de vos séances, je sais que le général Semianiw vous a déjà présenté un exposé exhaustif à ce sujet.
Vous me permettrez tout de même de souligner quelques points concernant la genèse de cette charte. Disons tout d'abord qu'elle n'a pas vu le jour à l'initiative d'un groupe de fonctionnaires qui auraient tout à coup décidé que c'était la solution à un problème. La charte a été créée en réponse à un besoin fondamental défini par un comité multidisciplinaire établi à l'origine par l'amiral Murray, qui était sous-ministre au tournant du siècle, soit aux environs de l'an 2000. Ce comité était présidé par M. Neary, celui-là même qui a rédigé un ouvrage détaillé sur la charte initiale qui remontait à 1943.
Le comité multidisciplinaire avait pour mandat de conseiller le sous-ministre et, par le fait même, le ministre relativement aux problèmes liés à l'application de la Loi sur les pensions à une nouvelle génération d'anciens combattants. Outre ces problèmes d'application, il y avait aussi le fait que l'on arrivait difficilement à répondre aux besoins de cette jeune clientèle qui se distinguait considérablement de celle des octogénaires que le ministère s'employait surtout à servir à ce moment-là.
Le ministère devait donc effectuer un virage radical pour s'adapter à une clientèle qu'il n'avait pas connue depuis les années 1940 ou 1950, une époque où la majorité des vétérans étaient âgés de 18 à 23 ans, ou à peu près. C'était en soi un choc considérable.
Cette équipe multidisciplinaire composée de représentants de plusieurs ministères et de différents autres intervenants a donc apporté une contribution significative qui s'est concrétisée en mars 2004 sous la forme d'un document que l'on a appelé le rapport Neary.
J'ai eu la chance de participer au processus à titre de représentant des anciens combattants des Forces canadiennes, le nom que nous nous étions donné depuis la fin de la guerre froide, et d'accompagner M. Neary lorsqu'il a présenté son rapport ici même en mars 2004 pour la gouverne du ministère et des anciens combattants dans le but d'appuyer la réforme.
Les effets du rapport Neary ne se sont pas limités à son seul contenu. Il y a eu en quelque sorte un amalgame de certains éléments du rapport et des importants efforts d'examen et de réorganisation déployés à l'interne par le ministère lui-même pour régler les problèmes existants et composer avec cet afflux d'une nouvelle génération d'anciens combattants depuis le début des années 1990.
Le résultat final a été, bien sûr, ce projet de loi. C'est moi qui ai piloté le projet de loi au Sénat. Je n'étais en poste que depuis trois semaines. C'est bien peu, mais c'est tout de même davantage que le temps que nous avons consacré à l'étude de ce projet de loi, soit à peine 24 heures. La Nouvelle Charte est donc un document essentiel pour les anciens combattants de notre époque, mais il y avait une réserve très importante à établir. Il devait s'agir d'un document évolutif, car nous ne connaissions pas tous les paramètres des besoins à combler chez cette nouvelle génération de vétérans ainsi qu'au sein de leurs familles, une considération fondamentale dans la production du rapport Neary. Ce n'était plus seulement les militaires eux-mêmes qui étaient déployés, mais leurs familles également pour ainsi dire.
À ce titre, je vous dirais qu'à mon retour du Rwanda il y a 20 ans, ma belle-mère, qui est décédée depuis, a déclaré qu'elle n'aurait jamais survécu à la Seconde Guerre mondiale si elle avait dû la vivre comme ma propre famille l'a fait. Mon beau-père commandait un régiment d'infanterie et le pays tout entier était en guerre. Les technologies de l'information étaient rudimentaires, sans compter la censure qui faisait en sorte que les gens savaient très peu de choses sur ce qui se passait dans les zones de conflit.
Avec la révolution des communications et la possibilité d'obtenir des rapports en temps réel, nous voyons maintenant les familles zapper sans cesse entre les différentes chaînes d'information pour savoir laquelle annoncera en premier qui a été tué, blessé ou fait prisonnier. Ainsi, au retour d'une mission, le militaire retrouve une famille qui a vécu sa mission en même temps que lui. Ce n'est plus un exercice que l'on fait chacun de son côté. C'est une alliance.
C'est une communion entre le militaire et sa famille, et toute politique qui ne tient pas compte de cette réalité est fondamentalement bancale en ce sens qu'on ne peut pas aider un militaire en laissant quelqu'un d'autre s'occuper de sa famille, alors qu'il faudrait en fait qu'on la soutienne en priorité. Cette dimension que l'on souhaitait inhérente à la loi projetée ne s'y retrouve pourtant pas. Il est bien difficile de trouver quelque référence que ce soit au concept de famille dans cette loi.
En revanche, cette loi a donné au gouvernement porté au pouvoir en janvier 2006 la capacité de mettre en oeuvre toute une génération de nouveaux outils qui devaient permettre de répondre aux besoins relevés. Soit dit en passant, M. Neary et moi-même nous sommes rendus à l'Île-du-Prince-Édouard trois mois avant le dépôt du projet de loi pour être informés des différents changements pouvant découler de cette mesure.
Plusieurs de ces changements n'avaient jamais été envisagés auparavant. Ainsi, la question du montant forfaitaire n'a jamais été soulevée dans les délibérations du comité multidisciplinaire qui conseillait le sous-ministre, et ce n'était que l'un des nombreux ajouts qui n'ont pas manqué de nous étonner. Nous n'avons toutefois pas eu la chance d'en débattre pour proposer des modifications, parce que le processus était trop avancé. Le tout a donc simplement été mis en oeuvre, mais reste quand même, comme je le disais tout à l'heure, que c'est un document évolutif et que le ministre aura toujours la possibilité d'apporter des ajustements.
Au cours des dernières années, il n'y a eu qu'une intervention d'importance, soit le projet de loi.
Si je parle d'intervention d'importance, c'est parce qu'il s'agit d'une loi et non parce que c'est une mesure d'envergure, car c'est bien peu par rapport aux besoins à combler. De plus, certaines mesures contenues dans ce projet de loi auraient pu être prises directement par le ministre, une fois ses collègues du Conseil du Trésor convaincus, sans passer par la voie législative. Mais il y a effectivement des mesures législatives qui ont leur importance, et c'est le second élément que je souhaiterais aborder concernant cette charte.
Nous avons recommandé vivement que la charte donne au ministre le pouvoir de modifier les programmes et les directives sans avoir les mains liées par une réglementation trop lourde exigeant des dispositions législatives. Comme la charte est un document évolutif, on voulait que le ministre, pour autant qu'il convainque ses camarades du Conseil du Trésor de lui octroyer les ressources financières nécessaires et qu'il ne contrevienne à aucune autre loi, puisse intervenir pour apporter les changements qui s'imposent afin de répondre rapidement aux besoins des militaires et de leurs familles. Cette loi ne lui procure pas une telle marge de manoeuvre. Au contraire, l'ampleur de la réglementation dont elle est assortie lui complique grandement la tâche, tant et si bien qu'il devient très difficile pour lui d'apporter certains des changements proposés par de nombreux comités.
Comme vous le savez, pas moins de cinq comités ont débattu de ces questions et formulé des centaines de recommandations. Je crois d'ailleurs que votre comité en a lui-même proposé un bon nombre il y a près de deux ans à la suite de son étude sur le syndrome de stress post-traumatique ou la santé mentale en général. Les recommandations de ces comités n'ont pas eu une résonance très large. J'ai bien peur que très peu d'entre elles, voire aucune, n'ait abouti sur le bureau d'un fonctionnaire. De fait, les cinq présidents de ces comités n'ont pas reçu de véritable réponse du ministère concernant leurs recommandations. Celles-ci sont en quelque sorte restées lettre morte.
Tout ça pour vous dire que j'essaie d'aborder ce document dans une perspective davantage stratégique en évitant, comme vous avez pu le constater, de m'arrêter aux détails d'un si large éventail de programmes, de projets et de directives. C'est dans cette perspective stratégique que je peux vous affirmer qu'il faut absolument que cette charte soit modifiée. Cela ne veut pas nécessairement dire une nouvelle charte ou des modifications à la Loi sur les pensions, mais il faut une charte qui réponde aux besoins qui ont évolué avec le temps, car il ne faut pas oublier, mesdames et messieurs, que notre mandat couvre maintenant 25 années de plus par rapport à 2005, lorsque la charte a été présentée... La nouvelle génération d'anciens combattants est apparue avec la fin de la guerre froide et la guerre du Golfe. D'ailleurs, la façon dont vous avez traité les victimes du syndrome de la guerre du Golfe montre on ne peut mieux que nous avons vraiment besoin de toute une gamme de nouveaux outils. Nous n'avons pas vraiment aidé ces militaires qui vivent encore avec les séquelles de cette guerre.
Notre travail ne se limite donc pas aux vétérans de l'Afghanistan, car c'est juste le point culminant de 25 années de campagne où nos militaires ont été présents sur différents théâtres d'opérations en espérant pouvoir rentrer de temps à autre à la maison pour panser leurs plaies. Nous avons besoin de cette loi pour prévoir toutes les mesures nécessaires afin de prendre bien soin de ces militaires qui rentrent au pays. Ce faisant, il faut considérer que les besoins vont continuer d'augmenter sans cesse; ils ne vont certes pas diminuer. Les anciens combattants de l'Afghanistan, de la Yougoslavie et de la Somalie ont maintenant 60, 65 ou 70 ans. La nouvelle charte ne prévoit rien de concret quant aux soins à long terme, si bien qu'il faut s'assurer de couvrir toutes les possibilités. Selon le pacte que nous avons proposé en 2004, nous prenons envers les militaires un engagement de loyauté mutuelle qui ne s'éteint pas lorsqu'ils cessent de porter l'uniforme. Comme nous avons changé la culture de ces personnes, nous demeurons responsables de leur sort toute leur vie durant.
Comme j'ai déjà parlé trop longtemps et que je voulais éviter d'entrer dans les détails, je suis maintenant disposé à répondre de mon mieux à toutes les questions des membres du comité, monsieur le président.
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Premièrement, la blessure apparaît alors qu'ils servent encore dans les forces. Une fois qu'ils sont blessés et qu'ils sont déclarés anciens combattants parce qu'ils ont servi au moins un an, on leur ouvre un dossier au ministère des Anciens Combattants.
Revenons rapidement sur la raison pour laquelle j'ai parlé d'un ministère. Le soldat qui sert activement dans les forces a aussi un dossier aux Anciens Combattants, qui fournit des ressources. Il y a parfois des frictions. Vous avez deux ministères qui s'occupent du même problème sans pour autant être coordonnés.
La portée, car c'est un aspect très important de la question... Le seul pays qui m'a envoyé de l'aide pendant le génocide, c'est ce pays, et c'était deux Hercules. Onze officiers étaient présents avec moi au Rwanda, et sur 12 personnes, 7 ont gravement souffert de TSPT. L'un de nous s'est suicidé 15 ans plus tard, et il était en traitement. Des familles ont éclaté à cause des tensions et des pressions sur la vie familiale. On sous-estime souvent l'importance des besoins, tant ceux des personnes blessées que ceux des personnes qui les entourent.
Pour ce qui est de la façon dont nous nous sommes occupés de cela, je pense que la sensibilisation et la formation qui précèdent le déploiement se sont traduites par un degré de capacité élevé. Les exigences dans le théâtre d'opérations — bien que j'ai été surpris d'apprendre, l'autre jour, qu'il n'y avait pas de services en français, mais j'aimerais bien savoir si des psychiatres seraient prêts à aller en zone de guerre... Quoi qu'il en soit, il faut donner ça à forfait.
Sur le terrain, nous avons constaté que les exigences ont eu un excellent effet — les troupes qui sont là, la façon dont les gens ont été entraînés pour s'occuper des leurs, plus la thérapie professionnelle. La transition lors du retour, avec les quatre ou cinq jours à Chypre ou ailleurs, pour décompresser, c'est essentiel. C'est une pression sur la famille, mais c'est essentiel.
Vous ne pouvez revenir d'un échange de feu et, en 24 heures, déambuler sur une rue du centre-ville. Nous savons ce qui s'est produit avec le Vietnam. Quand nous nous sommes adressés aux Américains pour avoir de l'aide, en 1997, parce que nous n'avions absolument aucune capacité, ils nous ont dit qu'ils ne voulaient pas que nous fassions ce qu'ils avaient eu à faire pour passer au travers. Ils ont dit avoir perdu 58 000 personnes environ, dont ils sont nombreux à être nommés sur le monument, à Washington. Mais en 1997, 22 ans après la fin de la guerre du Vietnam, ils étaient au fait de plus de 102 000 suicides directement liés au Vietnam.
Le suivi représente donc l'enjeu essentiel. Est-il aussi rigoureux, aussi complet qu'il le faudrait? Et je ne parle pas que des membres de la force régulière, que vous pouvez attraper par la peau du cou pour veiller à ce qu'ils aillent chercher de l'aide — même s'ils ne le font pas de leur plein gré, ils voient au moins un thérapeute qui peut les évaluer dans une certaine mesures —, mais aussi du réserviste à Matane, sans rien autour de lui, outre une unité de réserve sans moyens de l'aider, sans journées d'instruction spéciale, sans argent ou capacités locales pour changer la situation.
Je dirais que le suivi est toujours faible, et qu'il est principalement dominé par le psychiatre, ce qui ne fait pas problème, car c'est lui qui donne les pilules. J'en prends neuf par jour, et ça me permet d'être tel que je suis en ce moment: raisonnable. J'ai besoin de ça.
Cependant, ce qu'il me faut, c'est que le psychologue fasse en sorte que je vive ainsi et essaie de m'amener à un niveau où je serais fonctionnel. Je pense que c'est là que se situe la grande faiblesse du programme; c'est la raison pour laquelle nous continuons de voir les taux de pertes grimper, non seulement parmi les militaires, mais parmi leurs familles. Le suivi, qui exigerait qu'ils se soumettent à un examen rigoureux — chacun d'eux... On le fait avant de les déployer. Ils reviennent, et tout à coup, nous n'avons plus la même rigueur?
Quand j'étais au commandement de ma brigade, le dentiste avait plus de pouvoir que les commandants parce que, quand il se présentait, il avait une liste de ceux qui étaient marqués en rouge. Quiconque était marqué en rouge, en ce sens qu'il ne pouvait être déployé, pouvait être accusé de ne pas avoir respecté les règles s'il ne se prévalait pas de bons soins dentaires. Je ne vois rien de cela pour cette blessure. Je dirais qu'il faut se rendre jusqu'à ça.
Les thérapeutes m'ont dit: « Oui, mais ils doivent venir d'eux-mêmes. » Quelqu'un m'a même dit quelque chose de bien stupide: qu'ils se stigmatisent eux-mêmes. Je n'avais rien entendu d'aussi ridicule depuis des années. Vous ne vous stigmatisez pas vous-même; vous êtes blessé. C'est ce qui mène à l'isolement, et c'est donc une entité inexistante.
Si les gens ne vont pas d'eux-mêmes chercher de l'aide, c'est peut-être parce que les thérapeutes ne vont pas assez au-devant d'eux. Les gens n'aiment pas s'adresser à un thérapeute. Ils ne pensent pas tous, comme Woody Allen, que c'est « in » d'avoir un psychiatre ou un psychologue. C'est ce qui ressort dans ses films, mais vous ne voulez peut-être pas l'imiter sur d'autres aspects. Les thérapeutes doivent vendre leur produit, s'approcher le plus possible des unités et s'engager plus intimement.
Comment passer tout cela aux Anciens Combattants? Cela n'arrive pas si souvent. Vous devez presque tout recommencer du début. J'ai le même thérapeute depuis 13 ans. Si on venait me dire que je dois voir un autre thérapeute, je m'estimerais vraiment mal pris.
En réalité, dans le rapport Neary, nous utilisons l'expression « pacte social ». Il faut garder à l'esprit que ce n'était pas une entreprise éphémère et que cela a informé le SM et les SMA sur les réformes que nous estimions nécessaires. L'analyse bureaucratique du problème a essentiellement pris le pas sur le besoin réel.
Avant de parler de processus, permettez-moi de revenir sur ce que vous avez dit à propos de la charte qui répond bien à la majorité des besoins.
Quand j'étais le sous-ministre adjoint chargé du personnel, à la Défense nationale, nous avions 80 000 militaires, et j'avais aussi 31 000 civils. J'allais aux réunions du Conseil des Forces armées, où siégeaient des généraux trois étoiles qui prenaient toutes les décisions avec le CEMD, et au moins 75 % de l'ordre du jour portait sur des questions liées au personnel: la qualité de vie et Dieu sait quoi — les affectations, les promotions et tout le reste.
Je regardais comment tous les projets d'immobilisation étaient adoptés — achat de camions, de ceci, de cela — et comment ils étaient gérés, et je constatais que les problèmes du personnel étaient gérés de la même manière, comme si c'était semblable à l'achat de camions. On proposait une solution qui devait s'appliquer au personnel, une politique, et ils disaient: « C'est bon. C'est réglé. » Et c'est comme s'ils vous disaient de ne pas revenir avec ça avant 20 ans, parce que des camions, ça dure 20 ans, alors nous ne voulons pas entendre de nouveau parler de ce problème.
Mais quand il s'agissait de défendre des projets d'immobilisation, comme je l'ai fait pendant quatre ans, on pouvait être plutôt content d'un camion qui était efficace à 90 % sur la route. Cependant, quand j'ai plongé dans l'univers du personnel, il est devenu évident pour moi que le seul pourcentage acceptable, c'était 100 %, parce que chaque membre du personnel compte.
Si vous avez quelque chose qui fonctionne à 75 ou 80 % — le TACRA est excellent pour les statistiques et vous en obtiendrez toutes les statistiques que vous voulez —, sans atteindre 100 %, vous avez une lacune et un problème.
C'est le but de l'exercice que nous envisageons, je l'espère: la marge qui existe. Ils servent, ils sont blessés, ils ont des problèmes différents, ce qui peut être complexe et... Dieu sait dans quelle mesure ils tergiversent parfois, mais ils font tout autant partie de la vaste majorité dont il faut s'occuper.
Le système doit passer à ce niveau.
En ce qui concerne le processus relatif au pacte, que vous m'interrogiez à ce sujet me fait chaud au coeur.
D'un côté, il y a ceux qui disent ne pas vouloir un système paternaliste, ne pas vouloir que les gens soient dépendants. Ils veulent que les gens deviennent des civils normaux, qu'ils fassent ce qu'ils ont à faire et qu'ils reprennent le cours d'une vie civile.
Ça allait, après la Première Guerre mondiale, parce que les gens entraient dans les Forces pour la guerre, sans intention d'y rester après, parce qu'ils comptaient plutôt poursuivre leur vie, retourner à l'école, etc. Cependant, aujourd'hui, les gens sont là parce qu'ils ont la possibilité d'y faire carrière et que ça les intéresse. Ils viennent pour s'engager à long terme.
Quand votre programme ne montre pas que vous reconnaissez avoir voulu les garder 30 ou 35 ans, mais que vous les avez perdus parce qu'ils sont blessés, ce n'est pas simplement que vous leur tournez le dos; vous continuez de veiller à ce que cette personne se concentre sur la tâche de devenir un bon citoyen. Vous ne l'avez pas abandonné. Vous ne l'avez pas laissé tomber; vous le suivez continuellement. C'est le sentiment paternaliste qui demeure.
Ce qui différencie le pacte social du contrat social, c'est le cadre philosophique qu'il faut articuler. Ce n'est pas un programme d'immobilisation, ni un plan budgétaire; ce n'est pas une loi pour laquelle il faut prévoir des fonds, parce que ce n'est pas prévisible. Nous savons ce qui se passe en ce moment avec la poursuite en Colombie-Britannique. On essaie de regarder les chiffres et tout ça. Cela n'a rien à voir avec les chiffres; c'est un cadre philosophique portant sur les façons d'envisager ces personnes. Nous les avons engagées, et maintenant, nous devons aller les chercher.
Je pense qu'un cadre législatif qui est une philosophie de... Nous entendons souvent les gens parler de leurs valeurs: « Ce sont nos valeurs, nous voulons être éthiques et transparents », et ainsi de suite.
Dans ce cas, on légifère sur des valeurs, et je pense que c'est possible. Il est alors bien plus facile pour ceux qui ont le mandat de les mettre en oeuvre d'avoir au moins l'impression d'évoluer dans une approximation de manière responsable sans avoir à toujours se demander si on a assez ou pas assez coupé, etc. Ils sentent cette responsabilité.
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Merci, monsieur le président. Bonjour aux membres du comité et aux témoins.
J'ai préparé mon exposé sans connaître tous les groupes qui allaient témoigner ici, dont le général. Certaines questions pourraient donc se répéter. Toutefois, je vais donner le point de vue d'un survivant de la famille d'une ancienne combattante qui a rencontré des obstacles et qui a eu du mal à trouver de l'aide.
Merci de l'invitation. Je témoigne ici au nom de ma famille, mais aussi des familles d'autres anciens combattants qui ont éprouvé des problèmes, qui ont traversé des crises semblables dernièrement et qui sentent peut-être qu'elles n'ont pas voix au chapitre.
Vous savez sûrement tous que je suis le mari de la caporale des Forces canadiennes à la retraite Leona MacEachern, qui était une fière ancienne combattante avec 23 ans d'expérience. À Noël l'an dernier, il y a à peine quelques mois, Leona a foncé dans un camion avec sa voiture. Il était trop tard lorsque nous avons trouvé sa note, qui dressait la liste des problèmes constants qu'elle a rencontrés au fil des ans avec le ministère de la Défense nationale et Anciens Combattants Canada.
Je m'excuse si mes émotions prennent le dessus. Plusieurs questions ne sont toujours pas réglées et sont assez récentes pour nous tous.
Je représente aussi notre fille de neuf ans, ainsi que les six frères et soeurs survivants de Leona et leurs familles. La caporale MacEachern était la cadette dans sa famille. Je précise que trois de ses quatre soeurs étaient ou sont mariées à des anciens combattants des Forces canadiennes.
Depuis trois générations, je suis le seul homme de ma famille qui n'est pas militaire. Mes deux grands-pères ont combattu dans la Première Guerre mondiale. Mon père porte les cicatrices physiques et émotionnelles des derniers jours de la Seconde Guerre mondiale, lorsque les alliés sont entrés en Allemagne. Mon oncle Jack, le frère de ma mère, est mort à 18 ans durant le camp de formation de l'ARC, à Borden. Son nom figure dans un Livre du Souvenir. Son père Thomas, nom dont j'ai hérité, a travaillé comme commissionnaire ici même, à l'édifice du Centre, de la fin des années 1950 jusqu'à sa retraite.
Il semblait quelque peu particulier que j'épouse une soldate en 2001, moi qui n'avais pas poursuivi la tradition familiale. Cela dit, mes ancêtres vivaient bien sûr à une autre époque. Les gens combattaient et guérissaient ensemble en tant que société.
La caporale MacEachern était une agente de police militaire dans une armée d'hommes. Ceux qui l'accompagnaient durant ses deux déploiements de 1980 à 2007 l'appelaient Puggy, en référence à son nom de jeune fille Pudlak et à son nez plutôt proéminent, influence de ses origines polonaises et ukrainiennes.
L'histoire des parents de Leona est sans commune mesure et commence en Allemagne nazie en 1941. En gros, ses parents étaient des esclaves enlevés par les nazis en Ukraine. La mère de Leona n'a jamais revu sa mère après son enlèvement. Il a fallu près de 40 ans avant que Leona puisse la faire retourner dans son pays pour se réunir avec les survivants de sa famille.
Ce qui a retenu l'attention des médias partout au pays dans la première semaine de janvier 2014, ce n'est pas tant la longue lutte de Leona contre son trouble dépressif ou même la déclaration qu'il s'agissait d'un acte intentionnel, que la lettre qui est arrivée quelques jours après les funérailles à Calgary. Cette lettre offrait de simples condoléances et demandait de rembourser la partie inutilisée de son allocation temporaire pour perte de revenus pour la période du 26 au 31 décembre. Des feuilles de calcul méticuleux figuraient en pièces jointes et précisaient que le service de recouvrement prendrait bientôt contact avec nous.
Ce qui n'a pas été mentionné et qui est d'autant plus choquant, c'est que la lettre envoyée de Charlottetown était datée du 9 janvier. Nous l'avons reçu par la poste régulière à Calgary le matin du 10 janvier. Je soutiens fermement Postes Canada et la livraison à domicile, mais je doute que la lettre ait été acheminée en moins de 24 heures. Le fonctionnaire d'Anciens Combattants Canada, dont je vais taire le nom mais que je n'oublierai pas de sitôt, avait postdaté la lettre, qu'il a sans doute rédigée et envoyée le jour des funérailles.
Les faits révélés après le 8 janvier ont été corroborés par la famille immédiate de Leona durant les funérailles. La simple mention dans l'avis de décès qu'elle était une ancienne combattante a tout de suite alimenté la spéculation des médias, les appels et les courriels d'anciens combattants qui avaient compris le fond de l'histoire.
Au départ, nous voulions tirer un trait là-dessus, mais les anciens combattants et les militaires ont été très nombreux à me raconter leurs histoires personnelles et leurs anecdotes. C'était clair que le problème était bien plus grave que nous le pensions.
Une rumeur non confirmée qui court dans les Forces donne à penser que le nombre de suicides liés à l'ESPT et aux BSO depuis 12 ans excède le nombre de militaires tombés au combat en Afghanistan.
Comme vous vous en souvenez peut-être, il y a eu cinq suicides au cours du mois qui a précédé celui du caporal MacEachern, et il y en a eu au moins quatre depuis ce temps, à notre connaissance. Je souligne que la partie importante de cette phrase, ce sont les mots « à notre connaissance ». Il y a un manque de statistiques précises à ce sujet, du moins de statistiques publiées. De plus, même si nous entendons de nombreux récits non officiels rapportant comment certains membres des forces armées et anciens combattants ont trouvé la mort, les familles survivantes ont souvent simplement trop de peine ou sont trop terrassées pour divulguer ce qui s'est réellement passé.
Par conséquent, tout le monde sait qu'il y a un problème. Les soldats subissent des blessures physiques et mentales, et ce sera toujours le cas. Les familles subiront aussi toujours des pertes et, dans le cas des enfants, la souffrance peut empirer au fil du temps.
La question qui se pose maintenant, puisque nous semblons être à la croisée des chemins, c'est qu'allons-nous faire à ce sujet?
Depuis cet événement, j'ai été extrêmement touché par la sympathie et les paroles de réconfort que m'ont exprimées d'anciens confrères militaires et leurs familles — dont certaines sont également des victimes de suicides liés au stress post-traumatique et dont certaines personnes en souffrent elles-mêmes. Parfois, il s'agissait de parfaits étrangers qui sont sincèrement inquiets du fait qu'on semble s'attaquer au contrat social ou au pacte social, si vous voulez, qui a été conclu avec les militaires. Aujourd'hui, je réserverai mes commentaires sur la position du MDN, déclarée récemment par l'entremise de ses avocats, selon laquelle il n'existe aucun contrat social.
Au cours des derniers mois, j'ai parlé avec beaucoup de personnes qui travaillent activement à l'amélioration du sort des vétérans, des personnes comme Mike Critchley, de Can Praxis, en Alberta, qui offre des thérapies à l'aide de chevaux, et Mike Blais, du Groupe de défense des intérêts des anciens combattants. J'ai aussi rencontré le caporal Christian McEachern — aucun lien de parenté — un des premiers cas de TSPT à avoir été très médiatisé au Canada il y a environ 22 ans. Celui-ci a fait l'objet de poursuites criminelles pour des actes qu'il avait commis sous la contrainte. À l'époque, il s'était mis à consommer beaucoup d'alcool.
Vous pouvez dire et penser tout ce que vous voulez au sujet de certaines de ces personnes et de la douzaine d'autres qui suivent certains de leurs programmes et qui ajoutent leur voix au débat public, mais au moins elles font quelque chose. Je regrette de dire ceci, mais si nous traitions toujours les gens de la bonne manière, ces groupes de soutien aux vétérans n'auraient probablement aucune raison d'être.
Cependant, contrairement à ce qui se dit dans les médias, cela ne veut pas dire que je me compte parmi ceux qui politisent le débat ou qui atténuent les efforts de ceux qui font partie du système, y compris ce comité.
Récemment, j'ai été informé du fait que le CCG se livre à une analyse dans le but de faire tomber les barrières qui se dressent quand vient le temps de faire passer un soldat du statut actif à celui de vétéran. Il s'agit d'un pas important dans la bonne direction, tout comme le serait celui de donner aux vétérans, aux membres actifs, aux réservistes, à temps plein — donc à toute la gamme de militaires — l'accès aux services du MDN et aux cliniques de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel. Récemment, votre comité a entendu un groupe de vétérans de l'OTAN dire qu'il faudrait constituer des équipes d'intervention d'urgence. Ce serait un excellent pas dans la bonne direction.
Même si certaines choses auraient dû être faites différemment dans le cas du caporal MacEachern, on ne doit pas nécessairement prendre en défaut des personnes en particulier. Toutefois, mon objectif aujourd'hui, c'est de vous exhorter à tirer des leçons de ce qui est arrivé et à appliquer de véritables solutions pour améliorer le processus, et ce, aussi rapidement que possible. Certains d'entre nous aimerions mettre l'Afghanistan derrière nous... J'espère que je me trompe, mais si je me fie à ce qui est arrivé récemment à d'autres militaires en situation de crise, nous pourrions fort bien avoir un réveil brutal dans peu de temps.
Incidemment, j'aimerais vous faire part du commentaire d'une réserviste qui est récemment revenue de ce qu'elle a appelé le choc culturel de l'Afghanistan. Sur un ton désinvolte, mais résigné, celle-ci m'a dit qu'elle avait besoin d'aide parce qu'elle n'avait pas assez d'énergie pour se taper toutes ces crétineries.
Cela m'amène à parler des trois thèmes que le a désignés, lors de son passage au comité le 19 novembre 2013, comme étant les sujets pertinents à examiner. Premièrement, c'était les soins et le soutien offerts aux vétérans gravement blessés. Deuxièmement, c'était l'aide offerte aux familles. Troisièmement, c'était les améliorations qui doivent être apportées à la manière dont le ministère des Anciens Combattants exécute ses programmes et services et accorde les avantages, de manière à ce que ceux-ci correspondent à ce qui est énoncé dans la charte.
Il est évident que cet examen n'a pas été effectué assez rapidement, ni pour moi ni pour toutes les autres familles touchées par ces problèmes au cours des dernières années, et qui se demandent encore que diable s'est passé. Je soutiens que la Charte des anciens combattants a échoué sur ces trois fronts.
On ne nous offre ni renseignements pertinents ni service d'orientation ni soins spécialisés. Les problèmes et les démarches de mon épouse ont commencé plus d'un an avant son décès. En fait, dans le cadre de la procédure d'appel du Bureau de services juridiques des pensions des vétérans, un débat en cours cherche à déterminer quel diagnostic avait été posé, qu'est-ce qui avait causé son état et qui devrait en être responsable — cela parce que sa demande de pension avait été refusée. J'ai reçu un avis à ce sujet exactement un mois, jour pour jour, après les funérailles.
En ce qui concerne le soutien aux familles, le seul soutien immédiat que nous avons reçu a été offert par le Centre de ressources pour les familles des militaires de Calgary. Pour ceux qui ne le savent pas, il s'agit d'un organisme autonome et non gouvernemental qui est a comme principale tâche d'assister aux familles des membres de la force régulière et de ceux qui sont à contrat et dont le conjoint est affecté au loin ou qui ont besoin d'aide au pays.
Je tiens à souligner la réponse rapide et fort appréciée de la directrice, Marla Ferg, et de l'agent de liaison familiale, James Knox, à Calgary, lui-même un membre actif et un vétéran de l'Afghanistan.
Nous avons fini par téléphoner au et à la sous-ministre, et nous avons rencontré le ministre depuis ce temps à Calgary et cet après-midi, pour avoir des discussions similaires à celles que nous avons en ce moment. Or, avec tout le respect que je dois au ministère, si la population n'avait pas été aussi touchée par l'incident, je doute fort que ces communications auraient eu lieu ou que je me trouverais ici aujourd'hui, accompagné de ces estimés collègues, pour participer à cet appel à l'action.
Sur le plan du soutien, mis à part avoir été offert la possibilité de présenter une demande de pension à titre posthume, l'aide dont mon épouse bénéficiait en vertu du PAAC à été prolongée jusqu'à la fin de l'année. C'est très apprécié du fait que cet hiver est le plus long que nous ayons jamais vu — y compris sur le plan du pelletage de la neige.
Qu'est-ce qui s'est mal passé? Voici les choses qui se sont mal passées dans le cas de mon épouse sur une période d'environ 16 mois.
Je répète que nous ne devons pas tenir le ministère des Anciens Combattants entièrement responsable de ce qui est arrivé, mais je continue de soutenir qu'il aurait eu bien des occasions d'améliorer le sort de mon épouse et, peut-être, de sauver sa vie.
Les premiers problèmes d'anxiété de mon épouse ont été traités à la salle d'urgence de l'hôpital de Calgary. Elle a dit qu'elle était un vétéran, mais dès que les soignants ont appris qu'elle n'était pas dans une véritable zone de combat et qu'elle était à la retraite depuis quatre ans, ils ont présumé qu'ils pouvaient écarter l'hypothèse du TSPT. Pendant la première guerre du Golfe, elle a été soignée en Allemagne pour le stress et la fatigue. Bien qu'elle n'ait jamais connu le théâtre de la guerre en tant qu'agente de police militaire, elle avait assisté à des meurtres, à des suicides et à des accidents de voiture causant la mort.
Une visite subséquente à la salle d'urgence a abouti à un diagnostic plus intelligent, et on lui a prescrit des antidépresseurs. Toutefois, la demande de subvention pour l'ordonnance a été rejetée. Le médicament ne figurait pas sur la liste des produits acceptés.
Lors d'une conversation téléphonique avec l'agent du ministère chargé de son cas, mon épouse a souligné que son anxiété et deux autres problèmes médicaux l'empêchaient de trouver du travail. Le conseiller lui a alors dit ceci: « Pour l'amour du ciel, vous êtes encore jeune. Remettez-vous à la recherche d'un emploi. »
Elle a demandé de pouvoir bénéficier de soins psychologiques. Ceux-ci ont fini par lui être accordés, à la condition qu'ils visent à enrayer les symptômes — malgré le fait qu'on n'avait jamais officiellement reconnu qu'elle avait un problème. La psychologue du secteur privé agissant à titre de tierce partie à laquelle on l'avait envoyée a dit, après quelques rencontres, que le cas dépassait ses compétences. Mon épouse a donc été envoyée au seul hôpital de Calgary où il y avait de la place dans un pavillon de soins de santé mental. Elle a été placée avec des délinquants violents et ceux qui attendaient d'être hospitalisés de façon permanente. Son état s'est détérioré quand on lui a prescrit des médicaments, dont les effets secondaires comprenaient des migraines constantes, l'insomnie, la paranoïa et la claustrophobie.
À ce moment-là, elle a préparé une demande de pension en raison de stress post-traumatique, mais son état mental ne lui permettait certainement pas de bien faire la demande. Néanmoins, elle était convaincue qu'elle pouvait la faire seule, comme elle l'avait fait à maintes reprises pendant qu'elle était au ministère de la Défense nationale.
Le 12 décembre, elle a reçu une lettre d'excuses de la part de l'agent de ACC qui était chargé de son cas: pendant que celui-ci se rendait d'une réunion à une autre, apparemment, il aurait perdu son dossier personnel. Celui-ci a été trouvé dans un banc de neige par un membre du corps enseignant de l'Université de Calgary, qui a appelé les gens du ministère pour leur demander s'ils avaient perdu quelque chose. Nous n'avons pas déposé de plainte auprès de la commissaire à la protection de la vie privée, bien qu'on nous ait encouragé à le faire.
Le 18 décembre, après avoir attendu deux-mois, elle a enfin été admise à Ponoka, le seul établissement spécialisé en soins de santé mentale qui reste en Alberta, près d'Edmonton. Nous avions espéré qu'elle y recevrait enfin un diagnostic et un plan de traitement. Or, on lui a enlevé les médicaments qu'elle prenait depuis huit mois et, deux jours plus tard, on l'a renvoyée à la maison pour le congé de Noël.
Par conséquent, en tant que membre d'une famille ayant subi les conséquences de la Charte des anciens combattants et du processus, d'après tout ce que j'ai appris au sujet du processus au cours des épreuves de mon épouse et en me fiant aux conversations que j'ai eues avec beaucoup de gens depuis ce temps, je tiens à dire ce qui suit concernant l'aide qui devrait être offerte aux militaires souffrant de blessures mentales et physiques.
Je travaille dans l'industrie du tourisme. Dans le domaine des services à la clientèle, il faut régler les problèmes d'abord, et s'occuper des détails plus tard. S'agit-il d'un ministère dont la culture est axée sur la compassion et l'efficacité? On ne doit pas traiter les gens, surtout les gens blessés, en appliquant le même processus qu'on le ferait pour acheter des fournitures de bureau, ni passer son temps à réinventer des procédures qui exigent l'approbation de cinq niveaux hiérarchiques avant d'aller d'obtenir le feu vert pour une demande et de cinq niveaux hiérarchiques avant d'agir réellement. Tout à l'heure, le général Dallaire s'est plaint de la même chose: qu'il s'agisse de camions ou de dossiers de militaires, le ministère suit toujours la même procédure d'approvisionnement.
Il importe que les vétérans aient immédiatement accès à du personnel médical ou à des travailleurs sociaux compétents, qui ont de l'expérience dans le militaire ou qui sont au moins en mesure de tenir compte des aspects particuliers du service militaire, et qui, en situation de crise, peuvent faire le nécessaire pour mettre les vétérans en contact avec des gens qui peuvent les aider.
Les agents du ministère qui sont chargés de cas, doivent suivre une formation pour savoir comment et quand déterminer qu'il pourrait exister un problème plus important et comment aider la personne immédiatement. Encore une fois, ils doivent soigner le patient maintenant, et s'occuper du processus plus tard. À court terme au moins, ils doivent communiquer, au besoin, avec des groupes de soutien servant de tierces parties qui ont été approuvés pour travailler auprès des vétérans. Certaines des mesures dont je viens de parler sont prises en ce moment, d'autres pas.
Il faut trouver des endroits où ceux qui souffrent peuvent établir des liens entre eux et se rétablir ensemble grâce aux traitements. Le système de santé public est déjà aux prises avec assez de problèmes et, apparemment, les soignants du système n'ont pas la formation requise pour s'occuper de cas comme ceux-ci. Les médecins et les psychologues de première ligne ont besoin d'aide pour déceler les cas problèmes et savoir où les envoyer.
Dans les situations d'urgence, pourrions-nous simplifier et moderniser les moyens de communication? À l'heure actuelle, seuls des télécopies, des lettres et des appels téléphoniques sont permis. Pourrait-on avoir recours à des technologies de type Skype et à des courriels pour au moins faire certaines des enquêtes de routine quand une rencontre face-à-face ne peut être organisée? Après tout, nous sommes en 2014.
À mon avis, nous sommes tous d'accord pour dire que la culture du militaire, notamment son mode de vie, est différente de toutes les autres. Mon épouse aimait cette culture. C'était sa vie, son identifié. Malheureusement, en cours de route, les choses ont mal tourné, ses problèmes se sont aggravés et elle ne réussissait tout simplement pas à se remettre sur pied. Elle ne savait pas quoi faire dans la vie civile. Sa situation était différente de celle de beaucoup d'autres personnes. Dans son cas, les facteurs de stress étaient dus au fait qu'elle participait au processus militaire et non pas au fait qu'elle avait connu un théâtre de guerre. Or, cela peut paraître paradoxal, mais quand une personne est blessée sur le plan psychologique, les seuls à pouvoir l'aider sont ceux qui comprennent cette culture.
J'ai déjà utilisé l'analogie suivante, mais je vais le faire encore une fois aujourd'hui. Certaines personnes ont du mal à la comprendre, mais la plupart des gens à qui je l'ai présentée l'ont saisie immédiatement. La vie militaire, c'est presque comme faire partie d'une secte. Vous êtes formés. Vous êtes programmés. On vous dit que vous faites partie d'un tout qui est plus grand que vous et que vous devez faire ce qu'on vous dit de faire, coûte que coûte. On vous dit que, en retour, on vous nourrira, on deviendra votre famille: en gros, voilà votre vie.
Pourtant, les gens qui quittent les sectes doivent être soigneusement déprogrammés et, parfois, cela prend des mois. Comme nous l'avons entendu plus tôt aujourd'hui, quand les gens quittent le militaire, s'ils ont de la chance, ils reçoivent une pension au moment de partir. Après 23 années de service, le caporal MacEachern avait droit à 172,05 $ par mois.
Monsieur le président, messieurs les membres du comité, je vous remercie d'avoir pris le temps de m'écouter aujourd'hui. Je remercie également les autres groupes représentés ici aujourd'hui pour tout ce qu'ils apportent aux vétérans. Beaucoup de bons programmes sont exécutés directement au sein du ministère des Anciens Combattants et ils améliorent le sort des vétérans. Je vous ai parlé de ce qui a vraiment besoin d'être corrigé le plus rapidement possible.
Merci.
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Monsieur le président, honorables membres de ce comité essentiel, bon après-midi et merci de me donner l'occasion de venir vous exposer le point de vue de l'Association canadienne des vétérans pour le maintien de la paix, ou ACVMP en bref, sur l'amélioration de la Nouvelle Charte des anciens combattants. Je suis bien entendu accompagné de Joseph Gollner, notre parrain.
Fondée en 1991, l'ACVMP est un organisme national apolitique et sans but lucratif qui est entièrement constitué d'anciens combattants bénévoles et dont les sections régionales s'étendent de l'île de Vancouver à St. John's, à Terre-Neuve-et-Labrador. L’association n’est pas financée par le gouvernement. Sa mission consiste à tenir lieu de défenseur fort et éminent des droits de tous les anciens combattants et à favoriser la camaraderie entre ces derniers. L’ACVMP est ouverte à tous les anciens combattants et elle compte parmi ses membres des vétérans de la Deuxième Guerre mondiale, de la guerre de Corée, de missions de maintien de la paix, des campagnes dans les Balkans et en Afghanistan, ainsi que des membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, de la GRC et de services de police, d’autres anciens combattants, sans oublier des représentants de certains pays.
L’ACVMP joue un rôle important dans les dossiers qui touchent les anciens combattants, par exemple la mise en place du service d’aide téléphonique sans frais d’ACC, la création du poste d’ombudsman des vétérans, l’instauration de la Journée nationale des Casques bleus, le 9 août, et la création de la Médaille canadienne du maintien de la paix. De plus, l’ACVMP a collaboré activement aux travaux sur la Nouvelle Charte des anciens combattants et la Déclaration des droits des anciens combattants, de même qu’à la mise sur pied du Bureau de l’ombudsman des vétérans. Ses membres ont fait partie de divers comités liés à la Nouvelle Charte des anciens combattants et à d’autres comités d’ACC.
Les anciens combattants sont uniques au sein de la société canadienne pour une raison fondamentale: ils ont servi leur pays en vertu de la clause de responsabilité illimitée, selon laquelle ils doivent donner leur vie en tant que sacrifice ultime si cela se révèle nécessaire. De plus, ils ont servi en étant tenus d’obéir à tous les ordres légitimes, quelles qu’en soient les conséquences pour eux-mêmes. Le sens de cet engagement et de cette obligation échappe à la plupart des civils canadiens.
En reconnaissance de ce qu’ils ont donné, le Canada a le devoir d’offrir des soins appropriés aux anciens combattants blessés et malades, ainsi qu’aux membres de leurs familles, afin qu’ils puissent vivre dignement. ACC sert d’intermédiaire permettant à la population canadienne de s’acquitter de son obligation envers les anciens combattants et, dans une très grande mesure, le ministère accomplit un travail raisonnablement bon, bien que cela soit rarement reconnu. Pour rendre hommage aux employés remarquables d’ACC ou à leurs bureaux, l’ACVMP applique un programme de primes depuis plusieurs années à l'échelle nationale et provinciale. L'ombudsman des vétérans et son personnel sont les derniers à avoir reçu cette prime.
Nous n’ignorons pas que vous avez reçu de nombreuses présentations d’autres organismes d'anciens combattants. C’est pourquoi nous chercherons aujourd’hui à renforcer les thèmes clés ou principaux. Essentiellement, en tant que membre du Groupe de consultation d'anciens combattants, qui se compose d’une vingtaine d’organismes représentant des anciens combattants, l’ACVMP appuie sans réserve les trois priorités concernant la Nouvelle Charte qu’a relevées le groupe de consultation. Ces priorités ont été acceptées à l’unanimité par le groupe et ont été communiquées au en mai et en octobre 2013.
Les priorités sont les suivantes: il faut bonifier l’allocation pour perte de revenus de manière à fournir la totalité du revenu d’avant la libération et la verser à vie; augmenter le montant maximal de l’indemnité d’invalidité pour qu’elle corresponde au montant accordé aux travailleurs civils blessés ayant obtenu des dommages-intérêts devant les tribunaux; et mettre fin aux inégalités actuelles en ce qui a trait à l'APR pour les réservistes de classe A et de classe B, qui cumulent moins de 180 jours de service, relativement à une blessure attribuable au service.
Bien qu’il s’agisse des questions prioritaires clairement énoncées, et qui ont une incidence sur les vétérans les plus gravement blessés, l’ACVMP a beaucoup d’autres préoccupations concernant la Nouvelle Charte. L’ACVMP avait de sérieux doutes durant la période qui a précédé l’adoption de la Nouvelle Charte étant donné la teneur de celle-ci et le virage en faveur d’un principe fondé sur l’assurance. Elle a fait part de ses préoccupations au sujet de l’adoption hâtive de la Nouvelle Charte et de l’absence d’examen parlementaire qui aurait normalement été effectué avant son adoption.
Les Canadiens, en particulier les anciens combattants, ont reçu l’assurance qu’il s’agissait d’une charte en évolution. Cette assurance, réitérée plusieurs fois, nous a amenés à croire que les lacunes de la charte seraient comblées en temps voulu. Malheureusement, notre confiance était mal placée, puisqu'à part l’adoption du projet de loi en 2010, les nombreuses lacunes qu’avaient relevées le comité, l’ombudsman des vétérans et de nombreux organismes de vétérans persistent encore.
Les trois mesures correctives à apporter à la Nouvelle Charte en priorité sont les éléments les plus importants qui déboucheraient sur un niveau acceptable de prestations pour les anciens combattants les plus gravement blessés. Il y a cependant d’autres points qu’il faut également régler. Je vais vous en exposer trois.
Tout d'abord, il y a le pacte social. Le gouvernement du Canada doit clairement réaffirmer au public et aux vétérans, dans la Nouvelle Charte, qu’il a le devoir envers les anciens combattants et leurs familles de répondre à leurs besoins, notamment aux besoins de ceux qui ont été gravement blessés durant leur service.
En outre, pour que la Nouvelle Charte des anciens combattants soit vraiment un projet en évolution, il faut mettre en oeuvre un processus législatif comportant des examens critiques périodiques, effectués en vue d'apporter sans tarder les changements requis à la Charte.
Enfin, la confusion, le mécontentement et l’animosité qui règnent au sujet de la Nouvelle Charte dans le milieu des anciens combattants sont attribuables au fait que ces derniers ne comprennent pas la Charte, ainsi que ses règlements et ses politiques souvent compliqués. Il incombe à ACC de fournir aux anciens combattants et à leurs familles des renseignements qu’ils peuvent comprendre sur la Nouvelle Charte.
Trois questions principales dans la Nouvelle Charte méritent des mesures correctives immédiates afin que les anciens combattants les plus gravement blessés puissent vivre dans la dignité. Aujourd’hui, nous insistons de nouveau sur la nécessité de bonifier l’allocation pour perte de revenus, d’augmenter le montant maximal de l’indemnité et d’aplanir les inégalités qui touchent les réservistes. Il ressort clairement des exposés présentés par la plupart des organismes d'anciens combattants que les préoccupations exprimées aujourd’hui par l’ACVMP trouvent écho dans le milieu des anciens combattants. Forte de cet appui solide de la part des vétérans à l’égard des priorités, l’ACVMP recommande vivement au comité, à ACC et au gouvernement de donner suite à son appel.
De plus, on ne peut négliger ces trois questions interreliées — le devoir du Canada envers les anciens combattants, la Charte en évolution et les informations compréhensibles sur la Nouvelle Charte —, car elles constituent la base de l'application de la Charte et en assurent la pertinence.
L’ACVMP demande que le Comité permanent des anciens combattants, s’appuyant sur son mandat, sur sa compétence avérée et sur sa préoccupation réelle à l’égard du bien-être des anciens combattants du Canada, prenne fermement des mesures pour apporter à la Nouvelle Charte les changements qui s’imposent. Ces changements permettront au Canada de s’acquitter pleinement de son obligation de servir nos anciens combattants équitablement et de faire en sorte qu’ils puissent vivre dans la dignité, comme ils le méritent entièrement.
L’ACVMP est très reconnaissante de cette occasion qui lui a été offerte de présenter au comité ses points de vue sur la Nouvelle Charte. Elle remercie et félicite le comité pour tout le travail soucieux, dévoué, responsable, extrêmement important et précieux qu'il accomplit au nom des anciens combattants.
Merci.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs, membres du comité, j'aimerais vous remercier de me donner l'occasion de vous parler brièvement de la Nouvelle Charte des anciens combattants cet après-midi et de vous faire particulièrement part du point de vue du Fonds du Souvenir à cet égard.
Je m'adresse à vous à titre de président national du Fonds du Souvenir, dont je suis membre depuis 20 ans, tout d'abord comme directeur, puis comme président de la région du Québec. Membre de la haute direction nationale depuis quatre ans, je suis président national depuis deux ans.
Je compte 30 ans de carrière militaire, tant dans les forces régulières que dans la réserve. Je suis titulaire d'un diplôme de génie électrique du Collège militaire royal de Kingston. Je suis membre du Barreau du Québec depuis 1990 et j'ai une maîtrise en administration de l'Université McGill, à Montréal. J'ai été privilégié à tous ces égards au cours de ma carrière et de ma vie. D'autres ont par contre connu de grandes souffrances, comme nous l'avons entendu cet après-midi.
J'aimerais vous faire un bref historique du Fonds du Souvenir. C'est là un de nos nombreux défis; la plupart des Canadiens et même des militaires, malheureusement, ne savent pas exactement ce qu'est le Fonds du Souvenir et ce que nous faisons.
Permettez-moi de relater les origines du Fonds du Souvenir.
Notre histoire a commencé en décembre 1908 quand un homme inconscient a été trouvé dans la rue et conduit à l'Hôpital général de Montréal. Arthur Hair, préposé en chef à l'hôpital, a trouvé dans la poche du pauvre homme une enveloppe venant du ministère de la Guerre de Grande-Bretagne, dans laquelle se trouvait le certificat de libération honorable du soldat de cavalerie James Daly, qui avait servi l'Empire pendant 21 ans. Ce dernier souffrait d'hypothermie et de malnutrition, et il est mort plusieurs jours plus tard à l'âge de 53 ans. Ses restes devaient être envoyés à la morgue pour qu'on en dispose, mais M. Hair a recueilli des fonds auprès de particuliers pour offrir au soldat des funérailles dignes. Il a été inhumé au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, sur le mont Royal, à Montréal. C'est ainsi qu'ont commencé l'oeuvre et la mission du Fonds du Souvenir, qui consistent à offrir des funérailles et une inhumation dignes à tous les anciens combattants qui meurent dans la pauvreté.
Au début, l'oeuvre du Fonds du Souvenir était exclusivement financée par des dons de particuliers. Mais en 1921, quand il a été constitué en vertu d'une loi fédérale, il a commencé à recevoir un financement régulier du gouvernement. Nous considérons que cela allait de soi, mais comme vous le verrez dans quelques instants, le fonds a connu quelques revers au cours des dernière décennies.
En 1921, l'organisation a élargi ses activités à l'ensemble du pays. En 1995, on l'a chargée d'offrir le Programme de funérailles et l'inhumation tel que nous le connaissons aujourd'hui, lequel relève d'Anciens Combattants Canada. Nous avons une entente avec ce dernier pour offrir ce programme.
Depuis 1909, des centaines d'hommes et de femmes dévoués ont fait en sorte que les anciens combattants décédés reçoivent la reconnaissance respectueuse qu'ils ont méritée grâce à leurs services et à leurs sacrifices. Les anciens combattants pauvres sont certains d'avoir les funérailles dignes qu'ils méritent pleinement.
Conformément à son mandat, le Fonds du Souvenir est un organisme dans but lucratif fondé à Montréal en 1909, comme je l'ai indiqué. Au cours de son histoire, l'organisme a organisé des funérailles et, au besoin, offert une inhumation et une pierre tombale à plus de 150 000 anciens combattants du Canada, de Grande-Bretagne, d'Écosse, d'Irlande, d'Australie, de Belgique, de France, de Pologne, d'Afrique du Sud et d'autres pays alliés.
En plus de mettre en oeuvre le Programme de funérailles et d'inhumation au nom d'Ancien Combattants Canada, le Fonds du Souvenir appuie d'autres initiatives visant à préserver le souvenir des anciens combattants canadiens. Nous avons notamment notre propre cimetière militaire, un lieu magnifique situé à Pointe-Claire, au Québec. Je vous encouragerais à vous y arrêter si vous n'y êtes jamais allés. Le Champ d'honneur national de Pointe-Claire est devenu un lieu historique national il y a environ six ans. J'ai eu le privilège de préparer la demande à cette fin et de la présenter à Parcs Canada. Nous avons été enchantés que l'endroit soit reconnu comme le lieu historique national qu'il est vraiment. Ce cimetière existe depuis 1930 environ.
Les inhumations que nous offrons ont notamment lieu à notre propre cimetière militaire, à Pointe-Claire, où plus de 21 000 anciens combattants ont été inhumés depuis 1930. Le fonds soutient d'autres champs d'honneur locaux et est présent dans plus de 2 900 cimetières du pays. Le Fonds du Souvenir sait qu'il importe d'honorer ceux qui ont servi notre pays.
Chaque année, le premier dimanche de juin — c'est le 1er juin cette année —, le fonds tient des cérémonies commémoratives sur le fleuve Saint-Laurent en l'honneur des membres des Forces navales qui ont péri pendant la guerre, aux cimetières de Notre-Dame-des-Neiges et du mont Royal, à Montréal, et, en après-midi, au Champs d'honneur national de Pointe-Claire.
Nous offrons également le programme de pierres tombales, dans le cadre duquel le Fonds du Souvenir fournit des pierres tombales aux anciens combattants qui reposent dans des tombes anonymes. Nous travaillons également en collaboration avec le ministère de la Défense nationale pour fournir des pierres tombales aux membres des Forces canadiennes.
J'aimerais parler des améliorations apportées récemment au Programme de funérailles et d'inhumations. Il s'agit d'améliorations considérables faites depuis un an seulement environ.
Ces dernières années, Anciens Combattants Canada nous a demandé de réduire notre budget administratif de près d'un million de dollars parce que le nombre d'anciens combattants « traditionnels » de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée diminue. Le fait est qu'il y a plus de 600 000 anciens combattants de l'ère moderne, qui ne sont pas du tout couverts par le programme.
Environ 10 000 à 15 000 anciens combattants traditionnels disparaissent chaque année. Il en reste moins de 100 000 au Canada aujourd'hui. Cette diminution nous a obligés à réduire le budget du Programme de funérailles et d'inhumation — ce qui est en un sens logique — et à fermer de nombreux bureaux au pays. Nous sommes cependant présents dans chaque province.
Mais c'est une logique bancale, car 600 000 anciens combattants de l'ère moderne ne sont pas couverts depuis le début du programme. Selon les statistiques compilées par Anciens combattants Canada, plus de 400 de ces 600 000 anciens combattants de l'ère moderne meurent chaque année dans la pauvreté. Aucun d'eux n'était admissible au Programme de funérailles et d'inhumation.
En ces temps difficiles, nous avons continué de préconiser la modification du programme afin d'augmenter le montant maximal pouvant être versé aux maisons funéraires, lequel n'avait pas changé depuis des décennies. Ce montant était de 3 600 $, alors que le coût moyen des funérailles au Canada se situait entre 6 000 et 8 000 $. Heureusement, nos efforts ont porté fruit dans le plan d'action économique de 2013 du gouvernement fédéral. L'an dernier, le montant maximal pouvant être versé à une maison funéraire est passé à 7 376 $, ce qui correspond mieux aux coûts réels des funérailles. C'est là l'un des efforts les plus importants du Fonds du Souvenir, mais pas le plus grand.
Le gros problème, c'était l'admissibilité au Programme de funérailles et d'inhumation; nous voulions élargir ce dernier à tous les anciens combattants des Forces canadiennes en difficultés financières au moment de leur décès. C'est en 1921 que le gouvernement du Canada a pour la première fois admis qu'il lui incombait de fournir, au nom de tous les Canadiens, des funérailles et une inhumation dignes à tous les anciens combattants canadiens décédés avec peu ou pas de ressources financières. Cependant, depuis quelques décennies, les règlements régissant le Programme des funérailles et d'inhumation stipulaient que seuls les anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée et ceux qui reçoivent des prestations d'invalidité y seraient admissibles.
Ces dernières années, en raison de cette situation et du vieillissement des anciens combattants de l'ère moderne, le Fonds du Souvenir a fait savoir que sa mission inclut ces membres non admissibles. Au cours des deux dernières années, nous avons dépensé 98 000 $ des 120 000 $ recueillis en don — c'est tout ce que nous avons — pour inhumer 31 anciens combattants parce qu'ils n'étaient pas admissibles au programme. Nos fonds étaient pour ainsi dire épuisés et les dons se font rares. C'est pourquoi nous étions ravis quand le gouvernement au pouvoir a annoncé, dans son plan d'action économique de 2014, qu'il avait une responsabilité envers tous les Canadiens et qu'il rendait les anciens combattants de l'ère moderne admissibles au Programme de funérailles et d'inhumation. C'était un énorme soulagement pour le Fonds du Souvenir. Nous continuerons notre mission indéfiniment avec ces fonds afin de soutenir Anciens Combattants Canada et le programme.
Il reste encore un peu de travail à accomplir — et je dis « un peu » compte tenu de l'énorme avantage reçu dans le dernier budget —, mais ce n'est pas négligeable. En 1995, l'exemption à la succession pour l'admissibilité à ce programme était de 24 000 $. En raison des difficultés financières qu'il éprouvait à l'époque et des efforts qu'il a déployés pour éliminer le déficit dans le cadre de l'examen des programmes, le gouvernement fédéral a réduit ce montant à 12 000 $.
Brièvement, l'exemption pour la succession signifie que si un ancien combattant décède et que la valeur de sa succession est supérieure à cette somme, l'ancien combattant et sa famille ne sont pas admissibles au programme. Je tiens à préciser, pour être transparent, que l'admissibilité et le seuil excluent la maison, c'est-à-dire la résidence principale de l'ancien combattant, et sa voiture. Donc, si un ancien combattant avait à l'époque un actif de 24 000 $ ou plus, mises à part la maison et la voiture, il n'était pas admissible. Ce n'est pas énorme, surtout si on veut en laisser à ses enfants, etc.
Cette somme a été réduite à 12 000 $ en 1995 et elle n'a pas changé depuis. Aujourd'hui, si un ancien combattant meurt et qu'il possède plus de 12 000 $, lui et sa famille ne sont pas admissibles au programme. C'est scandaleux et ce n'est pas logique. Si la somme de 24 000 $ était adéquate en 1995, pourquoi ne l'est-elle pas encore aujourd'hui? Sans compter qu'aujourd'hui, selon la feuille de calcul de l'inflation de la Banque du Canada, ce montant devrait plutôt être 37 000 $. Le taux d'inflation a augmenté de 42 % depuis 1995, alors logiquement, la somme devrait être rajustée à 37 000 $. C'est le plus gros problème auquel nous sommes confrontés aujourd'hui, et cela signifie que bon nombre de nos anciens combattants qui décèdent et qui disposent de ressources financières assez limitées ne peuvent même pas bénéficier de ce programme. La famille de l'ancien combattant doit donc prendre entre 7 000 et 10 000 $ du peu qui reste de sa succession pour couvrir les frais de funérailles et d'inhumation. Je ne crois pas que ce soit juste.
D'une part, l'exemption pour la succession devrait être augmentée à 37 000 $ et, d'autre part, elle devrait être indexée, de sorte qu'on ne se retrouve pas avec le même problème dans plusieurs années, par exemple, avec une somme de 12 000 $ qui n'a pas changé depuis 1995. Quelle honte. Comment cela peut-il être acceptable? Quoiqu'il en soit, le gouvernement doit ramener le montant d'exemption à son niveau antérieur et l'indexer au coût de la vie. Un montant de 37 000 $ serait à la hauteur des coûts actuels.
Pour résumer, le Fonds du Souvenir souhaiterait que le Programme de funérailles et d'inhumation fasse partie de la Nouvelle Charte des anciens combattants. D'une certaine façon, sur les plans administratif ou bureaucratique, cela n'a pas vraiment d'importance que le programme figure dans la Nouvelle Charte des anciens combattants ou dans un projet de loi distinct, pourvu qu'il soit offert. Je considère qu'il s'inscrit dans les paramètres de la Nouvelle Charte des anciens combattants, au chapitre des avantages offerts aux anciens combattants et à leurs familles. Pour des raisons historiques que je ne comprends pas vraiment, le programme n'a pas été relégué aux oubliettes, mais a plutôt été intégré aux programmes de commémoration d'Anciens Combattants Canada, et c'est là où il se trouve aujourd'hui. J'estime qu'il s'agit d'un service à l'intention des anciens combattants et qu'il devrait faire partie de la Nouvelle Charte des anciens combattants, à titre d'avantage aux familles. C'est une question qui mérite d'être examinée par le comité.
Par ailleurs, l'exemption pour la succession, comme je l'ai mentionné, devrait être augmentée à 37 000 $, en date d'aujourd'hui, puis être indexée par la suite. On devrait en faire autant en ce qui concerne la somme de 7 600 $ dont j'ai parlé, pour les funérailles, de sorte qu'on n'y perde pas au change en raison de l'inflation.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui. Je félicite le comité pour son travail et je vais tenter de répondre du mieux que je peux à vos questions concernant le Fonds du Souvenir ou l'administration du Programme de funérailles et d'inhumation.
Merci, monsieur.
Je m'appelle Melynda Jarratt et je suis historienne pour l'organisme Canadian War Brides. Je fais beaucoup de recherche et j'écris au sujet de l'expérience des épouses de guerre canadiennes depuis plus de 25 ans. Je suis ici aujourd'hui pour discuter de la Charte des anciens combattants parce que je considère important que vous, les parlementaires, compreniez les similitudes entre les anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale et de la guerre de Corée et les anciens combattants de l'ère moderne. Bien qu'ils puissent sembler très différents, en réalité, ils se ressemblent beaucoup. Je fais ici référence aux anciens combattants qui ont servi en Afghanistan, en Bosnie, au Rwanda et en Somalie.
J'espère que la douleur dont ont souffert les anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale et les leçons qu'ils ont tirées à propos des pensions, des services et du soutien offerts à la suite de blessures physiques et mentales, y compris le syndrome de stress post-traumatique non diagnostiqué, seront prises en considération par le comité dans le cadre de son étude sur la Charte des anciens combattants et le projet de loi .
Je m'intéresse particulièrement au SSPT parce que c'est un trouble dont j'ai souvent entendu parler lors de mes recherches. Ce traumatisme est un phénomène très courant. Chaque fois que j'entends parler du SSPT, je pense immédiatement à une épouse de guerre que j'ai rencontrée il y a très longtemps — l'une des premières épouses de guerre que j'ai rencontrées dans le cadre de mes recherches — qui m'a raconté l'histoire de son arrivée au Canada en 1946. Son mari a d'abord servi en Angleterre, puis il a été déployé lors du débarquement en Normandie, en Belgique, en Hollande, puis en Allemagne. Il a été témoin d'horreurs indescriptibles qu'aucun humain ne devrait voir ou subir. Il a survécu et il est revenu au Canada.
On lui a prescrit des médicaments pour les nerfs et on s'attendait à ce qu'il retourne à la vie civile, qu'il occupe un emploi et qu'il prenne soin de sa famille. Son épouse est arrivée avec leur petit bébé. Au cours de la même année, il s'est enlevé la vie parce que la pression était trop forte. Il a laissé son épouse, qui n'avait pas de compétences professionnelles, seule avec leur jeune enfant. À l'époque, il était fréquent que les femmes ne travaillent pas. De plus, il n'y avait pas encore de régime d'aide sociale au Canada. Comme elle n'avait aucune famille ici, elle est retournée en Angleterre. Cette famille a été dévastée par l'héritage de la guerre. Les souffrances de l'ancien combattant étaient terminées, mais celles de son épouse ne faisait que commencer.
Elle fait partie des nombreuses femmes et des nombreux enfants que j'ai côtoyés au cours de mes 25 années au sein de Canadian War Brides.
D'autres anciens combattants canadiens de la Deuxième Guerre mondiale, leur épouse et leur familles ont souffert en silence pendant des années à cause d'un SSPT non diagnostiqué. À l'époque, ce traumatisme n'était pas reconnu cliniquement. Je sais que vous en avez déjà entendu parler. Lorsqu'un ancien combattant avait un trouble de santé mentale, on l'envoyait voir un psychiatre, par exemple, à l'Hôpital Lancaster à Saint John, qui est un hôpital pour les anciens combattants. On lui prescrivait des médicaments, puis on le renvoyait à la maison, après quoi il retournait à la Légion ou dans les bois pour boire avec ses copains afin d'engourdir le mal. Beaucoup d'enfants d'anciens combattants canadiens ont vécu la même histoire. Leur père, alcoolique, passait plus de temps à la Légion avec ses amis de l'armée qu'à la maison avec sa famille.
Une autre épouse de guerre m'a raconté le jour où son époux est revenu de l'étranger dans leur petit village, dans le nord du Nouveau-Brunswick, en juin 1945. Elle s'y était établie un an auparavant avec d'autres épouses de guerre. Ils avaient une petite fille de 18 mois. Son mari s'est vu décerner une Médaille de la bravoure; il a sauvé la vie d'un camarade en Italie. Après un séjour en Italie, il s'était rendu en Hollande, puis en Allemagne jusqu'à la fin de la guerre, pour ensuite revenir au Canada. Il était ravagé. Évidemment, elle n'en savait rien, étant donné qu'elle était ici, alors elle attendait impatiemment son retour.
En juin 1945, au jour de son retour, elle s'est rendue à l'arrêt d'autobus pour l'accueillir, mais il n'est jamais arrivé. Deux jours plus tard, il est rentré à la maison, ivre, débraillé et violent. Et c'est ainsi qu'elle a passé le reste de sa vie au Canada. Elle est toujours vivante aujourd'hui; elle est âgée de 92 ans. Son mari boit encore et son état s'est même aggravé. Il n'est pas du tout le même homme qu'elle a rencontré en Angleterre ni celui dont elle est tombée amoureuse.
Il a perdu son emploi. Il faisait des cauchemars, et il donnait des coups de pied durant son sommeil. Ils ne pouvaient plus dormir ensemble. Il la frappait, criait sans cesse et se battait avec ses amis à la Légion, où il se saoulait et finissait par se faire mettre à la porte. Il a finalement obtenu un emploi à temps partiel dans les bois. C'est le seul endroit où il se sentait bien. Comme il n'a jamais eu de travail à temps plein, son épouse a dû travailler elle aussi. Il ne s'est pas enlevé la vie, mais il a fait vivre un enfer à sa famille. Les blessures qu'il a subies se sont répercutées sur toute sa famille, à travers les générations, jusqu'à sa fille et à ses petits-enfants.
Des histoires comme celles-là, je pourrais vous en raconter pendant des heures.
Un autre homme, un ancien combattant de la Deuxième Guerre mondiale, a menacé de tuer ses enfants avec un fusil, alors qu'il était ivre. Il les a pourchassés sur une route de campagne en dehors de Fredericton et il leur tirait dessus. Il a maltraité son épouse. Il l'a poussée alors qu'elle était enceinte de sept mois. Il l'a frappée au visage et il lui a donné un coup de pied dans le ventre. Elle a dû accoucher prématurément. J'ai rencontré l'un des bébés qui a survécu à cette maltraitance. Elle a beaucoup pleuré, et moi aussi, parce qu'il s'agit d'une histoire terrible.
J'ai également entendu des histoires de femmes qui se cachaient de leur mari chez leurs amies et qui essayaient de dissimuler leur oeil au beurre noir sous des lunettes ou du maquillage. Il y a des femmes qui ont quitté la maison avec leurs enfants pour vivre dans la pauvreté au Nouveau-Brunswick, ou qui sont retournées en Grande-Bretagne, en Hollande ou en France, dans les différents pays d'où elles étaient originaires, parce qu'elles ne pouvaient plus endurer la maltraitance.
Ce sont des souvenirs qui perdurent. En fait, ils restent gravés à tout jamais dans la mémoire des personnes touchées.
Je suis ici aujourd'hui pour vous dire que 75 ans après le début de la Deuxième Guerre mondiale, que nous soulignons en grand, il y a des milliers de Canadiens dont le père a souffert d'un SSPT non diagnostiqué et a fait vivre à sa famille un véritable cauchemar. Ces enfants en subissent encore aujourd'hui les conséquences. C'est une souffrance qui est bien visible. On peut la mesurer. Ce n'est pas un mythe ni un prétexte pour mal se comporter. Ce traumatisme est bien réel et il est causé par les horreurs de la Deuxième Guerre mondiale.
C'est ce qui m'amène maintenant à parler des anciens combattants de l'ère moderne, qui ont servi en Afghanistan, en Bosnie, au Rwanda et en Somalie. Je vis à Fredericton, tout près de la base de Gagetown, qui est devenu le plus grand centre d'entraînement militaire au Canada. Les militaires font partie de la vie de Fredericton depuis près de 200 ans, et peut-être même plus. Je vois des soldats en uniforme partout, mais ceux qui m'inquiètent sont ceux que je ne vois pas, ceux qui ont disparu dans la pauvreté, qui ont trouvé refuge dans la drogue et l'alcool, ou pire encore, qui se sont enlevé la vie, laissant derrière eux un énorme vide.
Nous avons tous entendu parler des récents suicides au Nouveau-Brunswick. Chaque fois que j'entends qu'un autre soldat s'est suicidé, je pense aux épouses de guerre. Je me demande à quoi elles pensent lorsqu'elles apprennent ces histoires dans les médias. Je me demande comment ces femmes ont pu gérer autant de souffrance pendant 30, 40, 50, ou même 60 ans. Certes, c'était à une époque différente, avec une toute autre mentalité. Les gens avaient des valeurs traditionnelles et une attitude différente à l'égard du mariage: le divorce était inacceptable; les gens s'engageaient à la vie, à la mort. C'est ce que j'entendais souvent.
Les femmes d'aujourd'hui sont différentes. Elles ont une façon de penser moderne par rapport aux relations. Le divorce n'est pas quelque chose d'impensable. Grâce à l'Internet, elles peuvent maintenant explorer les diverses ressources qui sont à leur disposition. Elles ont maintenant accès à un réseau social, c'est-à-dire des services de soutien, des refuges où elles peuvent aller pour leur sécurité, ce que les épouses de guerre de la Seconde Guerre mondiale n'avaient pas. Notre société refuse désormais de fermer les yeux sur cette maltraitance et de faire taire les femmes, comme c'était le cas par le passé.
Avec tous ces suicides, on s'est intéressé davantage aux causes du SSPT. Les Canadiens ont maintenant une meilleure compréhension de ces troubles. Parlez à n'importe qui dans la rue et vous verrez qu'on éprouve beaucoup de compassion à l'égard des anciens combattants d'aujourd'hui. Les Canadiens ont fait le rapprochement entre le service militaire dans les zones de conflit et les blessures subies au combat comme le SSPT. Il sera peut-être trop tard pour les anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale et de la guerre de Corée, mais il n'est pas trop tard pour les anciens combattants de l'ère moderne. Ils ont besoin de notre soutien, tout comme leur femme et leurs enfants.
Les soldats canadiens de la Deuxième Guerre mondiale n'ont pas eu tout ce dont ils avaient besoin, surtout lorsqu'il s'agissait du SSPT non diagnostiqué, mais il y avait au moins une chose sur laquelle ils pouvaient compter: leur pension. J'ai rencontré récemment une épouse de guerre de 91 ans, dont le défunt mari a servi à l'étranger pendant près de six ans, de décembre 1939 — ce qui signifie qu'il faisait partie des premières troupes à débarquer le 17 décembre 1939 — à juin 1945, y compris deux ans comme prisonnier de guerre en Allemagne, et a souffert d'un SSPT non diagnostiqué tout au long de sa vie. Elle m'a dit qu'elle n'avait pas vraiment de quoi se plaindre sur le plan financier, et qu'elle considérait qu'on avait pris bien soin d'elle. Elle a dit — et laissez-moi vous dire que la sagesse de ces vieilles dames ne cesse de m'épater —, et je la cite: une veuve n'est aussi bonne que la pension de son mari, ce qui est précisément le problème.
Elle a sa pension; elle est garantie.
Elle a accès au PAAC, évidemment, ainsi qu'à des dispositifs d'aide comme une marchette ou un fauteuil roulant, et même à un éplucheur adapté si elle en a besoin, parce qu'il y a de nombreuses années, elle a présenté une demande à titre de veuve d'ancien combattant britannique, une aide qui était à l'époque offerte aux épouses de guerre canadiennes et, apparemment, aux hommes aussi qui étaient des anciens combattants britanniques. Les gens pouvaient donc obtenir les mêmes services que les anciens combattants canadiens, pas une pension, mais des services du PAAC. Elle a donc eu accès à ces services. Entre-temps, elle avait une voisine qui était également une épouse de guerre, qui a servi pendant la Deuxième Guerre mondiale à Kenley. Elle est âgée de 92 ans. Elle a fait partie du WAAF britannique. Elle a survécu aux bombardements de la base aérienne de Kenley en Angleterre, en 1941, durant la bataille de l'Angleterre. Elle n'a pas fait la demande de ces services avant qu'ils ne soient abolis et, par conséquent, elle n'y a pas droit aujourd'hui.
Ces deux femmes sont voisines. L'une a des avantages, l'autre pas. Je considère que c'est une injustice. Je suis certaine qu'il y a des centaines d'autres personnes dans la même situation. Selon moi, c'est un exemple de l'inégalité du système qui découle de dates limites arbitraires et de décisions prises par des politiciens et des bureaucrates anonymes qui n'ont aucune idée des répercussions sur la qualité de vie des gens, comme dans le cas de la Charte des anciens combattants. Tout comme le défenseur des anciens combattants, Michael Blais, qui a comparu la semaine dernière, je considère que les militaires canadiens, leur épouse et leurs enfants devraient avoir le choix entre un paiement forfaitaire ou une pension.
Ces épouses de guerre, qui sont aujourd'hui nonagénaires, dont la plupart ont survécu à leurs époux, sont une preuve vivante que les prestations qu'elles reçoivent, bien qu'elles soient inégales, leur permettent d'avoir une qualité de vie que les autres n'ont pas. Elles peuvent vivre de façon autonome dans leur maison. Elles peuvent même recevoir un peu d'aide pour entretenir la maison, pelleter la neige ou même tondre le gazon. C'est le genre d'aide qui améliore la qualité de vie de ces gens. La nouvelle génération dont nous parlons, les anciens combattants de l'ère moderne, sont jeunes et ont toute la vie devant eux, et je suppose que c'est ce qui inquiète le gouvernement. Il doit se dire: « Oh! mon Dieu, nous allons devoir prendre en charge ces gens pendant encore 75 ans. »
Mon amie, une épouse de guerre, et son mari, qui a été capturé en Sicile et qui a passé deux ans dans un camp de prisonniers, ont été jeunes aussi à une certaine époque. Eux aussi avaient toute la vie devant eux. Nous avons un engagement sacré, une obligation, à l'égard de ces militaires. Qu'est-ce qui est si différent entre les hommes et les femmes qui ont sacrifié leur jeunesse et leur vie il y a 75 ans et ceux qui joignent les rangs de l'armée aujourd'hui? Nous ne devons pas renier cet engagement, sinon à quoi bon tous les collants, les épinglettes et les drapeaux portant le slogan « Appuyons nos troupes »? Ils ne veulent rien dire du tout.
Les gens qui n'appuient pas nos troupes font preuve d'un manque de patriotisme et peuvent même être considérés comme des traîtres à la patrie. Toutefois, si vous parlez à ces anciens combattants aujourd'hui du traitement qu'on leur a accordé, ils vous diront qu'ils se sentent abandonnés. Ils n'ont pas l'impression que le gouvernement a à coeur le bien-être de ses troupes. Personne ne s'étonnera d'apprendre que le ministère des Anciens Combattants n'a pas toujours fait ce qu'il fallait, et cela lui vaut des réprimandes.
Je me souviens d'une histoire que m'a racontée la fille d'un ancien combattant qui a survécu à la torture, à la barbabie et à la malnutrition pendant quatre ans dans un camp de prisonniers japonais. Lorsqu'il est rentré au Canada pour retrouver son épouse, le seul emploi qu'il a pu obtenir — il n'avait pas d'éducation, étant donné qu'il était un simple soldat lorsqu'il a été capturé à Hong Kong —, c'était comme préposé aux soins dans un hôpital psychiatrique à Saint John, au Nouveau-Brunswick. Ce n'était pas un emploi facile pour une personne qui a passé quatre ans dans un camp de prisonniers de guerre. Il passait beaucoup de temps debout alors qu'il avait de la difficulté à marcher.
Toute cette souffrance découlait du fait que ses tortionnaires prenaient plaisir à lui frapper sur la plante des pieds. Lorsqu'il a fait une demande pour des orthèses, on lui a dit que ce n'était pas lié au service militaire. Il était furieux. Il a piqué une crise dans le bureau d'Anciens Combattants de Saint John. Il ne pouvait pas croire qu'on lui refuse une aide aussi ridicule.
Il n'a jamais obtenu ses orthèses. Selon sa fille, à partir de ce moment, il n'était plus le même homme. Il était devenu cynique.
Toute sa famille en a souffert. C'est une insulte qui résonne jusqu'à la troisième génération. Parlez d'Anciens Combattants Canada et c'est l'histoire que vous entendrez, près de 75 ans après le début de la Deuxième Guerre mondiale, au sujet du mauvais traitement qu'on lui a accordé. Ces enfants n'ont pas de bons souvenirs de la façon dont on a traité leur père. Lorsque sa fille m'a raconté cette histoire, j'ai pleuré, parce qu'elle pleurait aussi. C'était terrible.
Je ne veux plus pleurer pour les femmes et les enfants des anciens combattants. Je vous supplie de faire ce qu'il faut pour les anciens combattants et leur veuve et leur donner le choix entre un paiement forfaitaire ou une pension. C'est la bonne chose à faire, car cela permettra de rétablir la confiance des Canadiens dans le lien sacré qui unit les anciens combattants et le gouvernement. Comme le sénateur Dallaire l'a dit, un « cadre philosophique », un ensemble de valeurs qui guidera la façon dont nous traiterons les anciens combattants au cours des 75 prochaines années.
Merci beaucoup.