:
Bonsoir et bienvenue à la 52
e séance du Comité permanent des anciens combattants.
[Traduction]
Nous poursuivons ce soir notre étude de la section 17 de la partie 3 du projet de loi .
[Français]
La rencontre se terminera à 19 h 30.
J'aimerais d'abord remercier les membres de ce comité d'avoir accepté de se réunir, malgré un si court délai, afin d'entendre des témoins supplémentaires.
[Traduction]
Il était malheureusement impossible de tenir la séance la semaine prochaine puisque le Comité permanent des finances nous demande de lui présenter nos recommandations à 9 heures mardi prochain, soit le 2 juin.
Nous sommes heureux d'accueillir ce soir Robert Thibeau, président de Aboriginal Veterans Autochtones; les représentants de l'Alliance nationale de l'Association canadienne des vétérans et membres actifs autochtones: Richard Blackwolf, président national et chef de la direction, et Joseph Burke, agent national des services, à Ottawa; puis Jenny Migneault, qui témoigne à titre personnel.
[Français]
Chacune des trois entités présentes disposera d'un maximum de 10 minutes pour livrer sa présentation. Les députés seront ensuite invités à poser des questions aux témoins.
[Traduction]
Monsieur Thibeau, vous pouvez commencer. Je vous souhaite la bienvenue.
C'est encore une fois un grand plaisir de comparaître devant votre comité au nom de Aboriginal Veterans Autochtones et de son partenaire, les anciens combattants du Congrès des Peuples autochtones, de même qu'au nom des anciens combattants des Premières Nations du Canada.
Le comité m'a demandé de commenter plus particulièrement la section 17 de la partie 3 du projet de loi , qui modifie la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes pour:
a) y ajouter une disposition en énonçant l’objet;
b) améliorer le processus de transition à la vie civile des militaires et des vétérans des Forces canadiennes;
c) instaurer l’allocation de sécurité du revenu de retraite afin de permettre aux vétérans et survivants admissibles de bénéficier d’une aide financière continue après l’âge de 65 ans;
d) instaurer l’indemnité pour blessure grave afin de permettre aux militaires et vétérans des Forces canadiennes admissibles de bénéficier d’une indemnité forfaitaire pour une maladie aiguë ou une blessure traumatique, grave et soudaine liée au service, peu importe qu’elles entraînent ou non une invalidité permanente;
e) instaurer l’allocation pour relève d’un aidant familial afin de permettre aux vétérans admissibles ayant besoin de recevoir un niveau élevé de soins continus d’un aidant naturel d’obtenir une subvention annuelle pour reconnaître le soutien offert par ce dernier.
Aboriginal Veterans Autochtones est d'avis qu'il doit examiner de plus près le contenu de cette section du projet de loi se rapportant aux anciens combattants afin de déterminer ce que les dispositions couvrent vraiment. Nous croyons qu'il faut un engagement ferme et des mesures positives afin de prouver aux anciens combattants, à leur communauté et à leur famille que le gouvernement et le pays se soucient de ceux qui ont risqué leur vie.
Je vais maintenant saluer brièvement les particularités de la section 17 de la partie 3 et vous dire quelques mots là-dessus.
Aboriginal Veterans Autochtones et ses partenaires sont entièrement d'accord pour dire que les dispositions semblent être un pas dans la bonne direction pour le gouvernement canadien et Anciens Combattants Canada. Un plan de communication solide et efficace est nécessaire pour la transition des militaires et des anciens combattants des Forces canadiennes, de même que pour les services qui ont été mentionnés de façon générale. Il ne peut pas y avoir de malentendus sur les services offerts et les prestations d'Anciens Combattants Canada. Une communication efficace est donc essentielle.
Aboriginal Veterans Autochtones a déjà porté une question à l'attention de votre comité, à savoir justement l'efficacité de la communication dans les milieux autochtones ruraux et éloignés, du côté des Premières Nations, des Métis et des Inuits. Nous devons tenir compte des anciens combattants qui vivent dans ces régions éloignées et trouver des façons de lever les barrières attribuables à l'emplacement et possiblement au manque de ressources technologiques afin de mieux communiquer avec eux.
À ce stade-ci, nous ne pouvons pas discuter à fond de l'allocation de sécurité du revenu de retraite et de son instauration puisque nous devrons voir le contenu de la proposition. Nous ne pouvons qu'espérer que la proposition soit acceptable et réponde aux besoins des anciens combattants ayant besoin d'aide et de leur famille, pour éviter qu'ils aient du mal plus tard à obtenir les services offerts aux anciens combattants ou aux survivants.
L'instauration de l’indemnité pour blessure grave est une autre mesure prometteuse visant à répondre aux besoins de ceux qui souffrent de blessures graves ou traumatiques liées au service. Encore ici, nous devons veiller à ce que le contenu de la mesure réponde aux besoins des anciens combattants touchés.
J'ai récemment voyagé avec 28 anciens combattants de la campagne d'Italie — des héros canadiens —, et j'ai entendu des histoires épouvantables à propos des combats, des amis qui ont été perdus et de la douleur endurée. J'étais touché d'être avec ces gens. Les histoires que j'ai entendues n'avaient jamais été racontées. C'étaient des histoires d'événements tragiques, de moments heureux et du souvenir de bons amis. L'expérience m'a certainement permis de mieux comprendre qu'il faut s'occuper convenablement des anciens combattants, étant donné leurs contributions et sacrifices personnels, et leur capacité à tourner la page.
Certains de ces anciens combattants remarquables m'ont parlé d'amis qui se sont enlevé la vie, d'alcoolisme et de problèmes familiaux chez les anciens combattants de retour au pays.
J'ai aussi appris comment certains ont su combattre leurs démons et réussir tout ce qu'ils entreprenaient. Ces anciens combattants ont dit deux choses qui me sont restées à l'esprit.
D'une part, nos unités comptaient un certain nombre d'Autochtones, qui étaient tous de bons soldats. Nous avons toutefois perdu bon nombre d'entre eux. Il est regrettable que personne ne se soit occupé d'eux lorsqu'ils sont rentrés.
D'autre part, sans les anciens combattants de la mission en Afghanistan, nous n'aurions pas eu droit aux prestations qui nous ont été refusées il y a longtemps. Nous pouvons bel et bien constater des similitudes entre ce qu'ont vécu les anciens combattants des guerres précédentes et ce que vivent ceux d'aujourd'hui. Les anciens combattants actuels ont eux aussi souffert profondément lors des conflits récents, sur les plans physique et mental.
Les anciens combattants d'aujourd'hui n'ont d'autre choix que de dépendre du dévouement et de la détermination d'aidants familiaux. Il s'agit parfois de l'époux ou l'épouse qui, après avoir abandonné sa carrière et accepté une diminution de salaire, rencontre des problèmes financiers, ce qui peut mettre à rude épreuve la relation et aboutir à une rupture. Ces aidants familiaux veillent à ce que les meilleurs soins possible soient prodigués. Ce sont eux qui aident les militaires blessés et qui assurent la survie de nos héros. Personne ne peut tenir pour acquises ces personnes que j'appelle les défenseurs de première ligne de nos blessés.
L'indemnisation accordée aux aidants familiaux qui ont tout sacrifié afin d'assurer en grande partie le rétablissement de nos anciens combattants ne devrait pas être compromise. Leur altruisme doit être reconnu. S'il est nécessaire de poursuivre l'aide financière après l'âge de 65 ans, cela ne doit jamais être remis en question puisqu'il s'agit de personnes qui ont beaucoup sacrifié pour protéger les libertés dont jouissent les autres Canadiens.
Il faut également se rappeler que le Canada a envoyé ces militaires, ces marins et ces aviateurs dans des régions victimes de bouleversements, de conflits et d'horreurs. Cela dit, nous ne devrions jamais accepter que le pays se soustraie à sa responsabilité de s'occuper des militaires et des anciens combattants blessés des Forces canadiennes.
Pour terminer, j'abonde dans le même sens que l'ombudsman des anciens combattants et la Légion royale canadienne. La Nouvelle Charte des anciens combattants et la Charte des anciens combattants améliorée sont des documents évolutifs, ce qui signifie qu'ils doivent être révisés et adaptés afin de répondre aux besoins de leurs prestataires. Comme je l'ai déjà dit, la Nouvelle Charte des anciens combattants a été présentée à la Chambre, et tous les partis l'ont acceptée, de même que les Forces armées canadiennes et la grande majorité des groupes d'anciens combattants. La nouvelle charte pose un certain nombre de problèmes, mais il incombe à nos politiciens d'écouter les organisations qui donnent de bons conseils et proposent des solutions aux questions entourant les anciens combattants.
Notre organisation appuie la Légion royale canadienne et l'ombudsman, qui travaillent sans relâche pour faire bouger les choses au nom des anciens combattants. Aboriginal Veterans Autochtones a toujours choisi de ne soutenir que les organisations ou les groupes qui favorisaient des mesures positives ayant trait aux anciens combattants.
Voici une dernière remarque d'un de nos partenaires: les anciens combattants devraient probablement constituer la main-d'oeuvre d'Anciens Combattants Canada et être nommés au Tribunal des anciens combattants, révision et appel.
En mon nom et en celui de mes partenaires et de tous les anciens combattants canadiens, je vous remercie sincèrement de m'avoir invité à participer à la séance d'aujourd'hui.
Meegwetch.
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Bonsoir. Je m’appelle Richard Blackwolf, et je suis président national de l’Association canadienne des vétérans et membres actifs autochtones. Je suis honoré d’être accompagné ce soir de M. Joseph Burke, un représentant national de l’association qui est établi à Ottawa et qui, grâce à son service militaire, possède des connaissances médicales étendues.
Monsieur le président, chers membres du comité, je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant votre comité et à vous communiquer nos réflexions et nos points de vue sur les articles qui figurent à la section 17 de la partie 3 du projet de loi .
Nous croyons comprendre que le Canada est l’un des pays qui ne maintiennent pas d’importantes forces militaires permanentes. À la veille de l’attaque de la Crête de Vimy, sir Robert Borden, un premier ministre souvent cité, a prononcé un discours à l’intention du Corps canadien qui témoigne du pacte conclu entre le gouvernement du Canada et les citoyens canadiens qui se sont portés volontaires pour aller se battre en Europe.
La Nouvelle Charte des anciens combattants est un pacte conclu entre les citoyens canadiens et le gouvernement du Canada qui vise les volontaires actuellement au service des Forces armées canadiennes et les citoyens qui, dans les années à venir, répondront à un appel aux armes quand le Canada aura besoin de combattre des agressions. Par conséquent, nous avons tous le devoir de veiller à ce que la charte prenne soin de nos anciens combattants aussi bien que possible.
Notre présentation d’aujourd’hui est le résultat d’une analyse article par article de la section 17 de la partie 3 du projet de loi , une analyse effectuée en se référant aux trois questions que le comité a posées en mai dernier.
L’objectif de la loi est centré sur l’obligation de fournir des services, de l’aide et une rémunération aux vétérans et aux membres actifs des Forces canadiennes qui ont été blessés ou qui ont perdu la vie au cours de leur service, et d’étendre ces prestations à leur époux, leur conjoint de fait, leurs enfants ou leurs orphelins.
M. Burke vous présentera maintenant l’autre partie de notre exposé.
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Nous approuvons la modification du libellé de l’article 208 portant sur l’allocation pour perte de revenus, et l’ajout de l’alinéa c). Nous saluons également la prolongation de cette allocation après que le militaire a atteint l’âge de 65 ans.
Précédemment, nous nous préoccupions que l’allocation pour perte de revenus soit fixée à 100 % du revenu militaire net antérieur. Toutefois, dans le projet de loi, sa valeur est maintenue à 75 % du revenu en question, ce qui représente une perte de revenus de 25 % pour l’ancien combattant. Nous sommes d’avis que ce maintien de l’allocation à 75 % du revenu militaire net antérieur ne répond pas au critère d’équité. Nous craignons également qu’en raison du maintien de l’allocation à 75 % du revenu militaire net antérieur, les prestations de conjoint ne répondent pas non plus au critère d’équité.
Par ailleurs, nous accueillons favorablement les pouvoirs accordés au ministre à l’article 40.5 proposé, qui lui permettront de dispenser le vétéran de l’obligation de présenter une demande s’il est réputé avoir une invalidité.
Je vais maintenant passer à l’indemnité pour blessure grave, l’indemnité d’invalidité, l’indemnité de décès, l’indemnité vestimentaire et l’indemnité de captivité.
En ce qui concerne l’indemnité pour blessure grave, nous interprétons les mots « ou a souffert d’une maladie aiguë » qui figurent au paragraphe 44.1(1) proposé comme signifiant des maladies physiologiques. Nous demandons donc au comité d’appuyer la modification du paragraphe proposé, par substitution des mots « ou a souffert d’une maladie physiologique ou d’un trouble psychologique », qui constituent un emploi des termes médicaux appropriés.
En outre, nous nous réjouissons de l’allocation pour relève d’un aidant familial qui est prévue à l’alinéa 65.1(1) proposé. Toutefois, nous sommes consternés de découvrir qu’aucune disposition du projet de loi ne prévoit une allocation mensuelle pour aidant. Dans le mémoire que nous avons présenté précédemment au comité, nous proposions une allocation mensuelle d’au moins 1 600 $ après impôt, et une cotisation au RPC ou une indemnisation pour tous les soins prodigués quotidiennement à l’ancien combattant handicapé.
De plus, nous sommes extrêmement déçus de constater l’absence de dispositions relatives à une pension alimentaire pour enfants. Dans le mémoire que nous avons présenté précédemment au comité, nous suggérions une pension alimentaire pour enfants basée sur le barème des tribunaux de l’Ontario, afin de donner un exemple de l’aide financière requise par enfant.
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Je témoigne devant vous en ma qualité d’aidante familiale. Je m’exprime officiellement en mon propre nom, même si je sais qu’un grand nombre de vétérans, d’organisations d’anciens combattants et de politiciens reconnaissent le rôle crucial que je joue dans le processus de guérison et le rétablissement de mon époux, qui est un soldat blessé. J’ai le regret de vous dire qu’à mon avis, nous n’avons pas voix au chapitre comme nous devrions l’avoir en ce moment, car nous pouvons vous en dire long.
Je n’ai aucune idée du nombre de Jenny Migneault qui existe dans les communautés francophones, anglophones ou autochtones de l’ensemble du Canada. Même si j’ai conscience que ma situation est unique, permettez-moi de vous dire qu’elle ressemble à celle de chaque personne que je connais. La seule différence qui existe entre moi et mes soeurs d’armes, c’est que mon époux me permet de parler librement et ouvertement. Oui, il me permet de briser le mur du silence derrière lequel nous vivons. J’ai la permission de m’exprimer. Mon époux est peut-être votre héros, mais, dans mon univers, il fait figure de héros simplement en me permettant d’être ici aujourd’hui.
J’ai témoigné pour la première fois devant votre comité en novembre 2007. J’avais 35 ans, et nos trois enfants vivaient avec nous à la maison. J’avais du mal à conserver un emploi, à éviter la dépression et à faire face à nos difficultés tordues.
Voici les derniers mots que j’ai prononcés à cette époque:
Je tiens à vous dire que vivre avec quelqu'un atteint du syndrome de stress post-traumatique comporte son lot de conséquences pour tous les membres d’une famille.
J’ai ajouté également ceci:
Malgré tout, sans me vanter, je crois avoir réussi à minimiser les dommages. J'ai 35 ans et j'ai parfois l'impression d'en avoir 70. J'aurais vraiment apprécié recevoir l'aide du Centre Sainte-Anne avant cet été, pour Claude [mon époux], pour nous et nos enfants.
Je suppose que, dans mon esprit, je me croyais plus forte que 20 années de service. Eh bien, j’avais tort, car j’ai échoué lamentablement. Je n’ai plus de famille, plus d’argent, plus de dignité et très peu de liberté de mouvement maintenant. Je suis l’aidante d’un ancien combattant atteint du SSPT. Sans vouloir offenser qui que ce soit — sans vouloir offenser mon époux ou tous les vétérans du Canada —, j’ai le regret de vous dire qu’au moment où nous nous parlons, je sers moi aussi mon pays depuis ma forteresse, ma maison.
Mon unique mission humanitaire ne vise que les souffrances de mon époux. Les sacrifices que j’ai consentis ne sont peut-être pas d’une grande valeur. Je dois admettre qu’ils n’ont rien de glorieux. Je n’ai aucune médaille à vous présenter pour attester le nombre de coups que j’ai reçus pendant mon sommeil, pour montrer au monde entier les efforts que j’ai déployés pour tenter de mener une vie qui semblerait normale au reste de la planète, ou pour témoigner des pertes que notre famille a essuyées.
Je vous remercie infiniment de m’autoriser à témoigner devant vous ce soir, à vous révéler à quel point j’avais tort et à vous communiquer mon point de vue sur l’allocation pour relève d’un aidant familial. Ne vous attendez pas à ce que je parle des autres mesures. Bien que, depuis notre forteresse, je sois directement touchée par la notion de sécurité financière, je crois que les aidants doivent se prononcer sur les mesures qui les concernent directement. Suis-je la première personne à vous parler ce soir de l’allocation pour relève d’un aidant familial? J’espère que non.
Il est en fait étrange d’avoir l’occasion de témoigner presque une année, jour pour jour, après que ma vie a radicalement changé le 29 mai 2014, à l’instant où j’ai franchi la dernière le fil d’arrivée d’une course. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à parler de ma réalité. Mais, ce qui importe encore plus, c’est que je me suis rendu compte que j’étais loin d’être seule dans mon cas.
Et pourtant, me voilà de retour en mai 2015 afin de vous parler de l’allocation pour relève d’un aidant familial. Ma fatigue d’aidante est maintenant reconnue. Je considère cela non seulement comme une victoire politique, mais aussi comme une victoire sociale. Je vous remercie donc de reconnaître qui je suis.
Oui, mesdames et messieurs, je suis en train de sombrer dans ma propre fatigue. Toutefois, cette mesure n’est même pas une demi-mesure; c’est plutôt un quart de mesure. Je comprends que je pourrais offenser certains d’entre vous qui considèrent que cette mesure répond merveilleusement à ma réalité déchirante. Eh bien, savez-vous comment cette mesure pourrait s’appliquer dans mon foyer? À mon avis, elle ne pourrait pas s’appliquer du tout. Aucune personne de ma connaissance n’a déclaré qu’elle pensait pouvoir en tirer parti.
Premièrement, mon époux remplit les conditions requises en raison d’un pourcentage qui distingue les cas graves des cas très graves. Par conséquent, je ne suis pas certaine d’avoir droit à cette allocation. Mais, surtout, ce serait comme si vous me demandiez de dire à mon époux: « Mon chéri, j’ai besoin de me reposer de toi et de ton SSPT. J’ai besoin d’air. J’ai besoin de vivre ma vie sans toi pendant quelque temps. » Voilà ce que vous me demandez de dire à mon époux. Vous attendez-vous vraiment à ce qu’il réagisse positivement à cela? Non, et vous savez pourquoi? Parce qu’il souffre du SSPT. Au cas où vous aimeriez le savoir, je pense que, dans une telle situation, sa paranoïa le poussera à croire que je m’en vais prendre part à une petite fête au cours de laquelle je boirai de l’alcool et je coucherai avec les trois quarts des habitants de la ville. Voilà ce qui se produira. Voilà la réalité. L’anxiété de mon époux le poussera à m’appeler à de nombreuses reprises. Il n’est pas avec moi aujourd’hui, mais, si je ne lui réponds pas sur le bon ton, je peux vous assurer que j’en entendrai parler à mon retour à la maison. Voilà ma réalité.
Habituellement, quand je vous rencontre dans votre bureau, mon époux dort ou m’attend dans un parc de stationnement quelque part. Telle qu’elle est présentée, l’allocation ne s’applique pas à notre situation. En outre, il n’acceptera pas la présence d’un étranger dans notre maison. Il n’acceptera même pas que ses enfants viennent s’occuper de lui. Il a sa dignité lui aussi. Vous savez quoi? Il n’a confiance qu’en moi. Même s’il aimerait voir ses enfants, ils ne peuvent pas me remplacer. Mon époux finira par souffrir en silence pendant mon absence, et mes enfants ne sauront pas comment gérer la situation.
Cette mesure est probablement censée m’offrir un répit, mais, ce faisant, elle me place dans une situation où je risque de déclencher l’anxiété et le SSPT de mon époux. Lorsqu’il est anxieux ou lorsqu’on provoque son syndrome, il se met en colère. Dans ma forteresse, je vis avec un mari aimant, mais, lorsqu’il souffre, mon époux se comporte comme Rambo. Voilà comment est mon mari souffrant.
En ce qui concerne l’argent, tout le monde semble oublier que je suis sans le sou, que je n’ai aucune autonomie financière. Les cheveux roses et les ongles que vous voyez existent seulement parce qu’ils plaisent à mon époux et qu’il accepte d’assumer leurs coûts. Je pense qu’il croit que cela me donne une meilleure apparence. Voilà ma vie.
Est-il utile de vous dire que mon époux m’a probablement communiqué son SSPT? J’aimerais vous raconter comment je fais preuve d’une hypervigilance même lorsque je me rends au restaurant sans mon époux. Vous n’avez aucune idée de la mesure dans laquelle je peux choisir l’endroit, être consciente de la musique, des sons, du temps…
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Il est probable que je souffre également de paranoïa, étant donné que la paranoïa de mon époux m’a même fait croire que le Parti conservateur m’avait dans sa mire l’année dernière. Oui, les gens m’ont fait croire que j’étais perçue comme une menace nationale, et que mon nom figurait sur une liste d’un genre ou d’un autre. Ne pouvez-vous pas vous rendre compte du peu d’importance que j’ai? Est-il utile de vous mentionner très brièvement que, si mon époux demandait le divorce demain, je finirais par être littéralement sans abri? Je ne possède rien. Ma santé mentale est déficiente en ce moment, et j’ai 18 ans. Que ferais-je alors?
Comme je l’ai dit, mes sacrifices vous semblent peut-être sans valeur, mais mon isolement me fait envisager le suicide comme l’ultime solution, car mon sentiment de culpabilité ne me permettra pas de quitter mon mari. Par contre, je ne vois pas comment je pourrais continuer ainsi pendant de nombreuses années. J’ai complètement échoué à la tâche.
Récemment, une femme s’est séparée de son époux après 13 ans de mariage. Elle a tenté de communiquer avec le gestionnaire de cas de son mari, qui ne la rappelle plus, parce qu’ils sont maintenant séparés et que son époux est le membre actif. Elle ne compte plus maintenant. Elle et son fils ne bénéficient plus d’aucune aide. Qu’advient-il lorsque nous ne pouvons plus rester?
Je suis désolée. Il y a des façons de résoudre le problème de l’allocation pour relève d’un aidant...
[Français]
S'il vous plaît...
[Traduction]
Non, je n’ai pas besoin de cela pour le moment.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie également les témoins d'être parmi nous ce soir pour répondre à nos questions.
Madame Migneault, nous comprenons que vous soyez un peu déçue du montant prévu pour les aidants familiaux, qui est destiné à leur donner un répit. Il m'est venu spontanément à l'esprit une question, à savoir si vous auriez aimé que ce montant vous soit alloué dans le cadre du Programme pour l'autonomie des anciens combattants, auquel vous n'avez pas droit non plus. On parle ici de l'entretien de la maison, du gazon, par exemple, de ce qui donne un répit aux aidants familiaux.
Si ce montant avait été inclus dans l'indemnité, cela vous aurait-il aidé, étant donné que vous avez en plus des enfants assez jeunes à la maison?
:
Disons que c'est un rêve.
Ce serait un centre, un bâtiment, qui pourrait être fréquenté par des familles entières et par des couples. Tout le monde y aurait accès. Nous avons besoin de répit. Mais vous savez, les...
[Français]
Je vais poursuivre en français, si vous me le permettez. Ce sera plus facile.
Le fait de sortir de la maison est déjà un défi. On n'a plus d'amis, plus de famille. On n'a plus rien. On n'a pas d'argent pour sortir.
Il faudrait avoir un centre ou un Wounded Warriors dans un lieu physique, où les soldats blessés pourraient avoir accès à toutes les activités entre eux. De leur côté, les femmes font aussi du réseautage. Il pourrait y avoir des ateliers ponctuels, ce qui ferait une grande différence.
On ne peut pas juste se reposer, parce que quand on retourne à la maison, on se retrouve devant les mêmes problèmes. C'est la raison pour laquelle l'éducation est si importante. J'aimerais qu'il y ait un lieu physique où on pourrait faire venir, en alternance, des gens de la GRC et des gens de la Force aérienne, par exemple. Ainsi, on pourrait amener les gens à travailler ensemble et les éduquer sur le sujet.
C'est une sorte de solution de « deux dans un ». Cela serait utile pour traiter la fatigue de l'aidant et pour aider l'ancien combattant atteint du syndrome de stress post-traumatique. Je vis avec mon mari qui est atteint de ce syndrome, et cela nous aiderait tous les deux.
:
Madame, messieurs, merci d'être venus ce soir.
Madame Migneault, vous avez donné le témoignage le plus saisissant que le comité n'ait jamais recueilli, du moins depuis les 12 mois que je suis ici. Je ne crois pas que nous comprenions réellement la souffrance des aidants naturels.
À mon avis, c'est plutôt insultant d'offrir 7 238 $ par année à titre d'allocation de secours pour les aidants naturels en pensant que ce serait suffisant pour leur accorder un certain répit, la pause dont vous avez parlé.
J'aimerais vous poser deux questions.
Tout d'abord, je comprends que ce dont vous-même et d'autres personnes aviez réellement besoin, mis à part un endroit où vous pourriez vous retrouvez que vous avez décrit plus tôt, c'était le remplacement du revenu, parce que vous avez renoncé à votre carrière. Pouvez-vous nous en parler?
Deuxièmement, si l'on ne va pas remplacer le revenu, pouvez-vous me parler du montant de 7 238 $ par année, ce qui revient à 139 $ par semaine? Est-il suffisant? Est-ce suffisamment d'argent pour vous offrir un répit, si vous étiez en mesure de quitter le foyer?
Ce sont mes deux questions.
:
Ce n'est qu'avec le passage des années que l'on se rend compte des répercussions du fait d'être resté à la maison. Tout d'abord, il y a la perte de revenu, évidemment. On le constate déjà dans le frigo. Nous sommes trois à vivre de la pension de mon mari. Nous avons eu des dégâts d'eau, et la nuit passée j'ai failli dormir dans ma voiture pour pouvoir comparaître ici aujourd'hui, parce que, je ne vous le cacherai pas, il ne nous restait que 40 $ jusqu'à minuit. Voilà notre réalité.
Bien sûr, si je pouvais travailler, cela nous aiderait beaucoup. Le remplacement du revenu est nécessaire. J'ai des enfants d'un mariage précédent. Mon mari a payé autant pour eux que... mais ce ne sont pas ses enfants. Ma fille est au Japon maintenant. Je ne suis pas en mesure de l'aider avec ses études, avec quoi que ce soit.
Je suis désolée. Je suis très fatiguée.
Deuxièmement, en ce qui concerne le montant de 7 000 $, vous devez vous rappeler que je n'ai pas cet argent. Si vous vous attendez à ce que j'embauche quelqu'un ou que j'achète un billet d'avion... ou encore, comme quelqu'un me l'a proposé hier, que je fasse venir mes enfants de la Colombie-Britannique au Québec, il me faut de l'argent. Mais je n'en ai pas.
Je n'ai pas cet argent et donc il ne m'aide pas. Pas du tout.
Est-ce suffisant? Cet argent ne remplace pas mon revenu, c'est une allocation de secours. Si j'avais droit à un certain revenu, la situation serait différente.
:
Monsieur le président, avant de poser ma question, j'aimerais apporter une précision pour le compte rendu.
Le député libéral, avant qu'il ne pose sa question, a mentionné à quel point il était consterné et insulté par l'allocation de secours pour les aidants naturels proposée dans le projet de loi. J'aimerais lui rappeler que le gouvernement précédent, c'est-à-dire le gouvernement libéral de 1995, a apporté les coupes les plus profondes au budget des anciens combattants, leur enlevant des avantages pour lesquels il a fallu attendre 15 ans avant de pouvoir les rétablir. Nombreux sont les anciens combattants, dont ceux qui ont participé à la campagne en Italie, qui n'ont pas vécu suffisamment longtemps pour récupérer ces avantages. J'aimerais dire à mon collègue qu'il se retrouve à la Chambre avec les gens qui en sont les responsables. Je sais que nous ne sommes pas à la Chambre, mais ne dites pas que vous êtes consterné par une proposition qui offre une aide réelle. Ce n'est peut-être pas assez, mais vous savez, je suis consterné par la façon dont vous parlez, car c'est votre gouvernement qui a fait le plus de tort aux vétérans dans l'histoire de notre pays.
J'aimerais maintenant poser une question. Merci aux témoins qui sont venus ici aujourd'hui. Je vous remercie pour votre service, pour votre travail auprès des anciens combattants et pour votre service pour le compte du pays. J'ai une question. D'après vos interventions, j'ai compris que ce qui est proposé est un pas dans la bonne direction, mais ce n'est pas suffisant. Que conseillez-vous, à nous les députés? Devrions-nous adopter le projet de loi? C'est un pas dans la bonne direction. Il s'agit d'un changement graduel, mais est-ce que vous nous recommandez de voter pour la mesure aussi rapidement que possible, afin que les vétérans puissent toucher l'allocation proposée, et nous pourrions ensuite chercher à l'améliorer, ou préfériez-vous que nous l'abandonnions? Ma question s'adresse à vous deux.
:
Merci, monsieur le président.
Mes questions s'adressent à Mme Migneault. J'aimerais simplement savoir ce qu'elle pense de mon raisonnement.
Dans un cas comme celui de votre mari, que j'ai déjà rencontré, il me paraît évident que si quelqu'un vient vous remplacer à la maison, ce doit être un professionnel qualifié, car il faut savoir comment intervenir avec une personne qui a de tels problèmes.
Quand on parle de bâtir une relation de confiance, il m'apparaît évident qu'il faut que cette personne vous rencontre, votre mari et vous, à plusieurs reprises, plusieurs fois par semaine. Tranquillement, on commence par des périodes de 15 minutes, 20 minutes ou 30 minutes. Il faut beaucoup d'heures de travail pour faire en sorte que vous puissiez un jour quitter la maison pour quelques heures, voire même pour une journée, afin de visiter votre famille à l'extérieur.
Si on divise la somme de 7 238 $ par le salaire horaire d'une infirmière privée, ce n'est pas long qu'on dépasse le nombre d'heures, à mon avis. Trouvez-vous qu'il y a un problème et que, dans certains cas, ça peut ne pas être adapté?
J'ai essayé de faire le calcul. Si on a besoin de quelqu'un 24 heures sur 24, cela équivaut à six jours dans l'année pour une infirmière privée.
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Je ne suis pas certaine que toutes les épouses du Canada seront d'accord avec moi, mais je vous livrer mon opinion personnelle.
On parle du salaire d'une infirmière. Suis-je une infirmière? Est-ce que je deviendrais une intervenante? Il faudrait que sois formée. Vous pouvez me donner de l'argent, mais si vous ne m'éduquez pas... L'argent n'achète pas le bonheur. Oui, j'ai besoin d'une compensation financière. Si je gagnais auparavant 90 000 $, cela veut-il dire que le gouvernement devrait me donner 90 000 $? Je ne crois pas.
Si on avait un montant raisonnable, ce serait déjà un bon départ. Actuellement, on n'a rien, et je dirais même qu'on a moins que rien. Parfois, on doit partir ou on « se fait sacrer là » — car cela arrive souvent. En effet, une fois que les anciens combattants ont leur pension et leur argent, les bobos sont moins pires. Plusieurs décident de tourner la page, de s'acheter une moto et de déguerpir.
On n'a aucune sécurité. Il faudrait un point de départ. C'est une question de dignité, car la dignité, c'est mon combat.
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J'ai lu le même passage qui porte sur ce qui est fait pour les réservistes, et là encore, il me semble que c'est une excellente mesure et un pas vers l'avant.
Au cours des 38 ans de ma carrière, j'ai eu affaire à de nombreux réservistes, qu'ils aient servi dans une unité de réserve ou encore été rattachés à une unité de la Force régulière. Je connais donc leurs capacités et certaines de leurs expériences.
Quand j'écoute Jenny, je pense aux réservistes qui reviennent, ayant quitté leurs amis et leurs camarades à l'étranger et n'ayant absolument rien en perspective. Nous avons connu énormément de problèmes à cet égard. J'espère que c'est l'un des sujets que l'on examine.
Je suis d'accord avec Jenny à 100 %. Les gens qui sont le plus touchés par le stress post-traumatique ne sont pas seulement des anciens combattants, mais également les gens qui doivent s'en occuper maintenant, et il faut les inclure.
J'aimerais remercier nos témoins d'être venus ce soir. Je sais que certains d'entre vous sont venus hier soir également. Nous avons recueilli d'excellents témoignages. Comme je l'ai indiqué dans mes observations hier, ce dont nous sommes saisis ici, et ce qui retournera à la Chambre avec le projet de loi, sont des mesures concrètes qui visent à aider les anciens combattants. Une fois que ces mesures seront adoptées, les anciens combattants en bénéficieront.
Nous vous remercions de votre témoignage. Nous savons que le travail n'est pas terminé pour autant. En d'autres termes, ce n'est pas la fin. C'est un début, dans un sens, mais il s'agit de mesures concrètes.
La plupart des témoins ont indiqué qu'ils étaient en faveur des mesures telles qu'elles sont présentées. Ils auraient peut-être proposé certains changements, mais ils sont en faveur des dispositions contenues dans le projet de loi dont les anciens combattants bénéficieront réellement.
J'aimerais poser une question à M. Blackwolf. Êtes-vous d'accord pour dire que les propositions seraient avantageuses pour les anciens combattants et devraient être adoptées?