Je tiens à répéter que je suis très heureux de pouvoir m'adresser au comité, d'abord en tant que père d'un ancien combattant, et ensuite en tant que président de la Equitas Disabled Soldiers Funding Society — un organisme national, non partisan et bénévole.
Mon épouse Holly et moi sommes les parents d'un réserviste des Forces canadiennes, le bombardier-chef Daniel Christopher Scott du 15e Régiment d'artillerie, une unité de réserve de la Colombie-Britannique. Notre fils a été grièvement blessé en Afghanistan le 12 février 2010. Deuxième de nos trois enfants, Dan a effectué deux missions en Afghanistan, et il est rentré de la seconde gravement blessé.
Âgé de 24 ans, il servait le Canada. Mais en raison d'une explosion accidentelle qui a tué le caporal Josh Baker et blessé quatre autres soldats canadiens, mon fils a dû se faire enlever un rein ainsi que sa rate et une partie de son pancréas. Sa vie a été changée pour toujours. Pour ses graves blessures, Dan a reçu une indemnité forfaitaire de 41 500 $ en vertu de la Nouvelle Charte des anciens combattants. Il n’a reçu aucun autre avantage comme une formation de recyclage ou une allocation pour perte de revenus.
J’ai eu du mal à croire que les blessures potentiellement mortelles subies par mon fils étaient évaluées à si peu. J'ajoute que mon épouse travaille pour une compagnie d'assurances. Elle examine les dossiers litigieux pour déterminer la valeur des paiements forfaitaires. Elle s'occupe toujours d'au moins 200 dossiers. Nous n'arrivions pas à comprendre pourquoi le montant accordé était aussi dérisoire. Mon fils m'a appris que ce n'était pas inhabituel. Nombre de ses collègues, de retour comme lui d'Afghanistan, étaient sérieusement désavantagés par le système de paiements forfaitaires de la Nouvelle Charte des anciens combattants.
Je me suis adressé directement au gouvernement. On m’a garanti que les améliorations apportées à la Nouvelle Charte des anciens combattants en vertu du projet de loi et les fonds additionnels prévus pour les militaires régleraient tous ces problèmes. Or, cette promesse n'a pas été tenue en ce qui concerne les indemnités versées aux militaires touchés. Les paiements forfaitaires sont toujours aussi minces.
C'est pourquoi j'ai sollicité une collaboration et un avis juridique. Mes démarches m'ont conduit à Don Sorochan, du cabinet d'avocats Miller Thomson. Le cabinet Miller Thomson a accepté de représenter — à titre bénévole — les intérêts juridiques des militaires, mais il fallait payer les débours. M. Sorochan m'a convaincu de créer une société qui récolterait des fonds pour couvrir les débours afin d'aller de l'avant. C'est ainsi que Equitas Society a vu le jour; son unique but est de financer les débours judiciaires.
Toutefois, des militaires ont commencé à communiquer avec nous pour nous faire part de leur cas. C'était beaucoup de travail. Parfois, nous passions trois heures par jour à répondre à des appels et à des courriels. Je sais qu'il en va de même pour Don Sorochan. Nous recevons des centaines d'appels et de courriels.
Tous ces exemples nous ont permis de constater trois problèmes de fond dans la Nouvelle Charte des anciens combattants. Ceux-ci sont plutôt préoccupants. Nous avons regroupé les cas comme suit: gravement handicapé, moyennement handicapé et partiellement handicapé.
Dans le cas des personnes gravement handicapées, nous avons constaté que, comparativement à ce que prévoyait l'ancienne Loi sur les pensions, le paiement forfaitaire et les prestations mensuelles reçus étaient inférieurs d'environ 30 %. Cela s'explique par le fait que la Nouvelle Charte des anciens combattants prévoit la réduction des prestations à l'âge de 65 ans et que ces prestations mensuelles sont imposables et susceptibles d'être récupérées, ce qui n'est pas le cas des programmes ordinaires d'indemnisation des accidentés du travail.
Enfin, des militaires nous ont dit que la disposition de récupération décourageait les anciens combattants gravement handicapés de se chercher du travail. Nous les incitons tous à prendre leur vie en main, mais pour une raison ou une autre, le fait qu'on récupère leur argent les amène à préférer toucher des prestations. La gestion nous pose donc problème.
Ensuite, il y a les personnes moyennement handicapées. Il s'agit de membres des forces canadiennes qui sont libérés parce qu'ils ne répondent plus à l'exigence de l'universalité du service. Ils reçoivent deux années ou plus de prestations pour perte de salaire le temps de se recycler. Mais ils peuvent être énormément pénalisés, jusqu'à concurrence de 65 %. Ils nous ont expliqué — et nous les croyons sur parole — qu'en prenant la valeur totale au comptant, il existe un énorme écart entre les prestations qu'ils obtiennent pendant leur durée de vie au titre du nouveau système et celles qu'ils auraient obtenues sous l'ancien système.
Mais ce que j'aimerais tout particulièrement faire valoir, c'est que des réservistes des Forces canadiennes ont été envoyés dans des zones de danger, surtout en Colombie-Britannique où l'armée mobilise des réservistes, car elle n'y a pas de base permanente. Ces réservistes ont été blessés. À leur retour, la gravité de leurs blessures n'a pas entraîné leur libération de l'unité de réserve. Comme ils ne sont pas libérés, ils n'ont accès à aucun des programmes. Toutefois, dans le monde civil, ils doivent chercher un emploi tout en composant avec leurs blessures.
C'est fort triste, car bon nombre d'entre eux aspiraient à devenir, notamment, policiers. Je leur demande s'ils peuvent marcher ou courir. Ils me répondent que non. Que feront-ils alors? Ils reçoivent un montant de 26 000 $ ou de 40 000 $. Ce n'est pas suffisant pour compenser le fait qu'ils seront handicapés pour le reste de leur vie. Mais comme ils ne sont pas libérés de la réserve, ils n'ont accès à aucun programme.
Au départ, le programme prévoyait que les réservistes poursuivraient une carrière militaire. S'il en avait été ainsi, la question ne se serait pas posée.
Le plus récent problème que nous avons constaté — et cela montre que les choses ne sont pas telles que le promettait la Nouvelle Charte des anciens combattants —, c'est que de nombreuses unités d'appartenance concluent des ententes particulières avec leurs membres, afin de les compenser directement. Bien que cette initiative soit fort louable, les militaires savent qu'un tel a conclu une entente avec telle unité et que tel autre a conclu telle autre entente avec une autre unité. Les gens cherchent à compenser le fait que la Nouvelle Charte des anciens combattants ne répond pas aux besoins, et cela cause bien des soucis.
L'examen de ces ententes montre aussi que celles-ci sont pour le moins discutables. Savoir que le fonctionnement des programmes de réadaptation demeure nébuleux est une importante source d'inquiétude pour les militaires qui sont censés réintégrer la société. Je pourrais en reparler plus en détail de manière non officielle.
Pour résumer, dans de nombreux cas, les règlements aux termes de la Nouvelle Charte des anciens combattants ne soutiennent pas la comparaison avec les règlements au titre de l'ancienne Loi sur les pensions, de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ou de paiements forfaitaires accordés par les tribunaux.
J'ai remis un document de 30 pages, en français et en anglais. Il comporte certaines modifications factuelles, mais il montre les problèmes quand on compare les paiements au titre de la Nouvelle Charte des anciens combattants aux indemnités accordées à des travailleurs et aux paiements accordés par les tribunaux ainsi que par l'ancienne loi sur les pensions.
Cela ne veut pas dire que la Nouvelle Charte des anciens combattants ne fonctionne pas, mais il y a des cas qui ont été portés à notre attention où le programme présente des lacunes majeures ou bien ne répond tout simplement pas aux besoins.
Je vous laisse la parole, Don.
Je m'appelle Don Sorochan et je suis avocat principal pour le recours collectif intenté à la suite de la visite de Jim à nos bureaux. Jim était alors venu nous faire part des diverses affaires qui avaient été soulevées.
J’ai pris conscience de la situation grâce au fils de nos voisins, qui a servi en Afghanistan — un jeune homme que j'ai connu bébé quand il est arrivé dans le quartier avec sa mère. Tandis qu’il était en poste en Colombie-Britannique, il a reçu l'ordre de partir en Afghanistan, où on lui a demandé d’aller débroussailler et couper des arbres. Un arbre lui est tombé dessus, et il a été gravement blessé aux jambes. Il a subi une intervention chirurgicale en Afghanistan, une autre en Allemagne, puis une intervention de suivi à Vancouver. Il était toujours membre des Forces quand son père m’a parlé de lui.
Au cours des années précédentes, avant la guerre en Afghanistan, lorsque des militaires étaient blessés en service, le principe de l’universalité du service s'appliquait. Si un militaire était blessé et ne pouvait reprendre son service normal, on tendait généralement à le libérer des Forces canadiennes.
Ce ne fut pas le cas pour ce jeune homme. En fait, les forces armées ont, à toutes fins pratiques, créé un emploi pour lui à la base Jericho, à Vancouver, et cela lui assurait un certain revenu.
Vous pouvez voir, dans le mémoire que j’ai soumis, qu’il m’a dit, quand il est venu me voir, qu’on lui avait accordé un paiement forfaitaire de 13 000 $. Le mémoire présente les détails de la réclamation et du jugement de la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Je n’ai pas le temps de les exposer en détail ici, mais je veux souligner que cette somme de 13 000 $ n’est que l’élément déclencheur. Il a finalement reçu davantage d’argent pour état de stress post-traumatique. C'est cette affaire qui m'a amené à me demander comment c’était possible.
Tous les partis politiques sont représentés ici. J’ai travaillé avec tous les partis au cours de ma carrière, et j’ai appris à respecter les députés de toutes les allégeances. Je pense que, de tous les côtés, on cherche réellement à faire ce qui convient pour les anciens combattants.
Je dois dire que j’étais absolument abasourdi. Je me suis informé auprès de certaines personnes — des ministres, que je ne nommerai pas. Je leur ai demandé comment cela avait pu se produire. Ils ont répondu que c’était censé être avantageux. Tous les partis ont voté à l’unanimité en faveur de cette Nouvelle Charte des anciens combattants.
Je suis prêt à dire plein de bonnes choses à propos des politiciens, mais je pense différemment dans le cas des bureaucrates, parce qu'ils emberlificotent les gens. Les services administratifs nous ont affirmé qu’il s’agissait d’un avantage, mais, selon mes recherches, les bureaucrates savaient fort bien que cela aurait l’effet contraire et qu’il s’agissait en fait d’une démarche de l’administration pour réduire le budget et épargner de l’argent. Et ce sont les anciens combattants qui écopent.
Au moment où ce plan a été conçu, il n’y avait pas de guerre. On n’anticipait donc pas une avalanche de victimes. Il s’agissait d’un exercice d’écriture pour réduire les diverses pensions versées par le gouvernement fédéral. Mais je digresse.
Au début de mon mémoire, je pose quelques questions. Qu’est-ce qui justifie qu’on dédommage les anciens combattants pour les blessures subies tandis qu’ils étaient au service du Canada à un niveau moindre que ce que les tribunaux accorderaient au titre des dommages-intérêts en cas de litige pour lésion corporelle? Je parlerai maintenant de l’honneur de la Couronne qui entraîne l’obligation de respecter le pacte social.
Dans le contexte des affaires autochtones, nous tentons encore de définir ce qu’implique l’honneur de la Couronne, mais, dans le cas qui nous occupe, il n’y a aucune ambiguïté quant à la définition de ce qu’est une indemnisation convenable pour des blessures. Il n’existe aucun type de blessure dont la valeur n’ait pas déjà été évaluée par nos tribunaux, que ce soit à la suite d’une erreur médicale, d’un accident de la route ou d’autre chose. Les tribunaux ont évalué ce qu’il convient d’accorder pour une certaine blessure, alors il n’y pas de mystère quant à ce qui constituerait une indemnisation adéquate.
Voici donc ma première question: est-il justifié que ce type de blessures entraîne une indemnisation inférieure à ce que les tribunaux accorderaient à d’autres Canadiens pour des blessures semblables?
Et ma deuxième: est-il justifié d'appliquer des règles d’indemnisation différentes en vertu de la Nouvelle Charte des anciens combattants, par rapport à ce qui se faisait pour les anciens combattants plus âgés en vertu de la Loi sur les pensions? Quelle est la différence? Ils ont tous servi le Canada. Quand la Nouvelle Charte a été proposée, elle ne devait pas — j’insiste, elle ne devait pas — modifier la pension des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale, de la guerre de Corée et des autres. Le système était maintenu.
Cela suffisait peut-être pour éviter que les anciens combattants poussent les hauts cris, ce qui n’aurait pas manqué d’arriver si vous aviez présenté une mesure réduisant leurs avantages. Vous savez ce que vos électeurs auraient dit après avoir appris la nouvelle à une réunion de la Légion. Toutefois, il est selon moi inacceptable que les anciens combattants de guerres passées bénéficient d’avantages beaucoup plus généreux que les anciens combattants récents.
Cette réduction substantielle des avantages, dans le cadre de la Nouvelle Charte des anciens combattants, est-elle un bris du pacte social? Sur ce point, certains m’ont dit: « Dis-moi donc, Sorochan, comment peux-tu affirmer que cette promesse faite par le premier ministre du Canada à l’aube de la Première Guerre mondiale doive nécessairement être tenue par un gouvernement ultérieur? »
Je le peux, parce que ce n’était pas n’importe quelle promesse. C'est cette promesse qui a fait de nous un pays. Nous n’étions pas indépendants en 1867. Ce n’est qu’en 1931, avec l’adoption du Statut de Westminster, que nous le sommes devenus et que les lois du Parlement de Westminster ont cessé d'avoir préséance sur les nôtres. Notre indépendance a alors été reconnue en raison des victoires de l’armée canadienne au cours de la Première Guerre mondiale, particulièrement celle de la crête de Vimy.
Cette promesse, le pacte social, avait été faite par le premier ministre de l’époque. C’était une promesse fondamentale formulée non par son gouvernement, ni par son parti politique, mais par la population du Canada envers ceux qui allaient mettre leur vie en danger et affronter des situations d’une dureté inimaginable. Souvenons-nous de ce qu’ils ont connu à la crête de Vimy. Ils ont fait face à un obstacle qui avait fait reculer l’armée française et bien d’autres avant elle. Ces hommes ont dû sortir des tranchées sous le feu des mitraillettes. Il était presque certain qu’ils allaient mourir ou au moins être blessés. De fait, presque 50 % de ceux qui ont entendu le premier ministre Baldwin formuler sa promesse ont été victimes des tirs puisque la moitié des combattants de Vimy sont morts ou ont été blessés.
Il ne s’agissait pas de n’importe quelle promesse. C’était une promesse faite à tous ceux qui, à l’époque et par la suite, devaient risquer leur vie pour leur pays. S’ils n’obéissaient pas aux ordres de leurs supérieurs, ces gens risquaient la peine capitale, jusqu’à l'abolition de cette peine. C'est encore une infraction grave aujourd'hui. Un soldat ne décide pas s’il a envie d’obéir aux ordres donnés au nom du pays par la chaîne de commandement. Ils obéissent ou en subissent les conséquences. Aucun autre membre de la société — pas même ceux qui mettent quotidiennement leur vie en jeu dans le cadre de leurs fonctions, comme les policiers et les pompiers — ne peut être envoyé en prison pour avoir désobéi aux ordres.
Donc, le pacte social tenait toujours après la Première Guerre mondiale. Il était inscrit dans la loi. Ce n’était pas seulement un discours pour inciter les gens à marcher sur le champ de bataille pendant cette guerre. La législation en a tenu compte par la suite, jusqu’à l’adoption de la Nouvelle Charte des anciens combattants. Quelqu'un a pensé que de retirer de la loi la référence au pacte social aurait pour effet que ce pacte ne s’appliquerait plus. Or, selon moi, il s’applique toujours, et c'est un concept protégé par la Constitution.
Par conséquent, comment faire pour assurer l’application de ce concept protégé par la Constitution? Selon moi, il suffit d’invoquer l’honneur de la Couronne. L’honneur de la Couronne est ce qui a assuré la réalisation de promesses faites par le gouvernement du Canada par l’intermédiaire de ses représentants. De telles promesses ont été faites au moment où notre pays prenait forme, géographiquement, et quand ses dirigeants ont négocié avec nos Premières Nations. On aurait pu agir plutôt comme les Américains l’ont fait. Les États-Unis ont eu ce qu’il est convenu d’appeler les guerres indiennes. Nous n’avons pas eu de telles guerres. Nous avions pris des engagements à l’endroit de nos Premières Nations, et ces engagements ont été inscrits dans la Constitution en vertu de l’honneur de la Couronne. Je dirais que le sens de ces engagements est pourtant moins précis, dans le contexte autochtone, que dans le contexte qui nous intéresse aujourd'hui. Comme je le disais, nous savons quelle valeur les tribunaux ont accordée à ces incapacités. Quand je commence à parler de ces choses, je m’emporte.
Je veux faire valoir que vous êtes tous ici en tant que membres de différents partis, mais que, tout comme moi, vous y êtes aussi en tant que membres de la collectivité. Je ne me suis pas engagé dans cette cause parce que j’ai des intérêts politiques à défendre. Je m’y suis engagé parce qu'un père a traversé la rue pour venir me dire que son fils avait été gravement blessé et qu’il en subissait des conséquences indues. Mon numéro de téléphone est public, et je reçois tous les jours des appels de personnes en larmes, non seulement des anciens combattants, mais tout aussi souvent de membres de leur famille. Ces blessures ont un impact épouvantable sur les familles. Je ne peux croire que vous ne receviez pas de tels appels à vos bureaux. Je ne peux croire qu’il existe une localité au Canada où personne n’aurait été touché par cet enjeu. Je passerais vraiment un joyeux Noël si l’esprit des Fêtes touchait ce comité et l’amenait à oublier ses idées partisanes afin de tenter de régler cette question dans l’intérêt des électeurs.
Puis-je conclure avec une brève histoire? On m’a dit de ne pas raconter d’histoires.
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Merci de m'avoir invité.
Mesdames et messieurs, au beau milieu d'une guerre, le Canada a remplacé un système juste par un système qui ne l'est pas. Depuis l'entrée en vigueur des pensions liées à la Première Guerre mondiale — ce sont d'anciens combattants venus à bord de trains qui les avaient réclamées devant le Parlement — jusqu'au 31 mars 2006, les anciens combattants pouvaient compter sur une vérité inaltérable: aussi longtemps que le gouvernement du Canada existerait, ils pourraient bénéficier d'un soutien indéfectible sous la forme d'une pension mensuelle, qui tient compte de leurs souffrances quotidiennes.
Ce soutien inconditionnel leur était offert toute la vie durant. Il n'était assujetti à aucune condition. La valeur du grade n'avait aucun effet sur les dédommagements offerts, ni sur les gains garantis. Ce système était juste.
Les militaires qui ont été blessés ou qui sont devenus invalides en servant le Canada n'ont maintenant plus la paix d'esprit inestimable qui leur était supposément due. Ne vous y trompez pas: je suis ici aujourd'hui parce que des vies sont en jeu.
Je me suis fait faire un tatouage pour rendre hommage à mes amis qui sont tombés au combat en Afghanistan. J'ai 12 noms tatoués sur le bras. Cinq d'entre eux se sont suicidés à cause de leur séjour dans l'armée. En 2003-2004, j'ai fait partie d'un groupe de 2 200 soldats qui ont été déployés en Afghanistan. Dans l'année qui a suivi notre retour au pays, sept d'entre eux se sont enlevé la vie. C'était au cours de la première année seulement. Des dizaines d'autres se sont suicidés depuis.
Que vient faire le paiement forfaitaire dans ce contexte? Comparativement à la Loi sur les pensions, le paiement forfaitaire est censé viser trois objectifs: stabilité, sécurité et espoir.
En ce qui concerne la sécurité, depuis 1919, un militaire qui avait été blessé alors qu'il servait le Canada touchait une pension mensuelle. C'est ainsi que le gouvernement du Canada et, par extension, les Canadiens reconnaissaient la douleur et les souffrances quotidiennes des anciens combattants.
Tous les jours, je reçois un dédommagement en vertu de la Loi sur les pensions pour mon ouïe déficiente et mes genoux en mauvais état. Lorsque j'ai mal aux genoux et que je mets mes prothèses auditives — en passant, j'ai 30 ans —, je me souviens que le gouvernement du Canada et, par extension, les Canadiens sont conscients de mon sacrifice. C'est pourquoi je touche un dédommagement financier. Ce n'est pas une grosse somme. Je ne vais pas devenir millionnaire avec cela. Toutefois, il est bon de savoir que je n'ai pas été oublié, et je m'en rends compte tous les jours.
Cela nous rappelle le lien particulier qui nous unit avec le Canada. En tant que membres de la société, nous avons sacrifié notre corps et notre esprit pour le mieux-être collectif de notre pays.
Qu'en est-il du paiement forfaitaire? Nous ne sommes pas des mercenaires. Nous ne mettons pas notre vie en danger pour faire de l'argent. Nous ne faisons pas cela en pensant que si nous subissons des blessures, nous allons recevoir un sac rempli d'argent. Notre pays nous envoie sur la ligne de feu et, dès notre formation de base, on nous dit que, si nous sommes blessés, notre pays prendra soin de nous, un point c'est tout. Ce n'est assujetti à aucune modalité ou condition. Si vous êtes blessé, nous allons prendre soin de vous.
Or, en vertu de la nouvelle Charte des anciens combattants, on ne prend pas soins de nous. Cette charte est un échec.
Nous pouvons toutefois l'améliorer. C'est pourquoi je témoigne devant vous aujourd'hui.
Dans l'armée, il existe un concept qu'on appelle la « responsabilité illimitée ». Aaron et Jim y ont fait allusion un peu plus tôt. Les membres du service de police de Toronto ne reçoivent jamais l'ordre d'attaquer un nid de mitrailleuses. Je compte des amis au sein de l'équipe d'intervention d'urgence de Vancouver. Leurs opérations sont planifiées de manière à éviter totalement les pertes.
L'armée ne fonctionne pas de la même façon. Au cours d'une attaque d'infanterie, le sergent-major du régiment organise un point de rassemblement des blessés, car il sait qu'il y en aura. Cela fait partie du travail. C'est inévitable. Nous acceptons cette réalité et nous allons au combat de plein gré. Dans le cadre de cette responsabilité illimitée, le gouvernement a aussi un rôle à jouer: c'est lui qui doit prendre soin de nous à notre retour au pays.
Autrefois, le Canada était fier de dire qu'il ne comptait pas d'anciens combattants sans abri. Il y en a maintenant. C'est ce qui se passe en ce moment même. Des gens s'enlèvent la vie en raison de cette loi — des hommes et des femmes qui sont sans le sou.
Certains anciens combattants ont investi leur paiement forfaitaire, comme on leur avait conseillé de faire. Laissez agir le libre marché. Vous pouvez investir votre paiement forfaitaire. Vous allez faire encore plus d'argent. Vous serez dans une meilleure situation financière que si vous touchiez une pension.
Le marché boursier s'est effondré en 2008. Plusieurs de mes amis ont vu leurs économies disparaître au grand complet.
Il s'agit d'anciens combattants qui ont perdu leurs jambes en servant leur pays. Ils n'auront pas droit à d'autres prestations. Pourquoi? Eh bien, ils sont aptes au travail.
Dans l'ancien système, ils continueraient de recevoir leur pension. Dans le nouveau système, si vous êtes apte au travail, le pays n'est pas obligé de vous soutenir — et peu importe si vous devez attacher une jambe artificielle à votre corps tous les matins.
Ce n'est pas le genre de société que je me suis engagé à protéger et à servir. Nous avions l'habitude de prendre soin des gens.
Lorsque le ministère des Anciens Combattants m'a dit de rentrer à la maison parce que j'étais devenu invalide, j'ai été complètement renversé. Ma vie a basculé. Je n'étais pas apte au travail, alors que j'avais toujours tiré une grande fierté de mon boulot. Je travaillais depuis l'âge de 16 ans.
Les gens qui s'enrôlent ne sont pas du genre à attendre paisiblement qu'on leur fasse la charité. C'est vraiment mesquin de penser qu'il s'agit de faire la charité. Qu'on me comprenne bien: nous sommes invalides. Je ne peux pas profiter de la vie autant que j'aurais pu le faire si j'avais décidé de ne pas servir mon pays.
Je serais très heureux de refaire la même chose. C'est avec plaisir que je servirais de nouveau dans l'armée si, physiquement, j'étais en mesure de le faire. En réalité, nous avons perdu confiance dans le système. En tant qu'anciens combattants, nous avons perdu tout espoir. Nous sommes désabusés.
Je compte des dizaines de contacts dans les médias sociaux. Ces personnes sont désespérées: elles cherchent à obtenir de l'aide et souhaitent savoir où en est le recours collectif et si des changements seront apportés au paiement forfaitaire.
Il y a quelques semaines, un de mes amis a tenté de se suicider. Il a deux fils en bas âge. Il avait tout calculé. Soit dit en passant, il souffre de trouble de stress post-traumatique. Il est inapte au travail et ne peut pas recevoir de formation. Il est atteint d'une maladie mentale débilitante. Il a reçu un paiement forfaitaire lorsque sa maladie mentale a atteint son paroxysme. Heureusement, sa femme l'avait convaincu d'acheter une maison. Ils ont toujours un petit prêt hypothécaire à rembourser. Il avait décidé que les prestations de survivant qui seraient versées à sa femme s'il se suicidait seraient plus avantageuses sur le plan financier que s'il restait en vie. Il a donc tenté de s'enlever la vie. Grâce à l'intervention de la GRC, il est toujours parmi nous aujourd'hui. D'autres n'ont pas été aussi chanceux. Et c'est loin d'être un cas unique.
J'ai été bouleversé et je me suis senti profondément trahi lorsque j'ai appris les détails de la nouvelle Charte des anciens combattants. J'ai été anéanti lorsqu'on m'a dit que, étant donné mon invalidité permanente, le gouvernement me verserait un paiement forfaitaire unique, puis qu'il n'aurait plus à s'occuper de moi. Mon état mental, qui était déjà fragile, s'est complètement désagrégé. J'avais perdu tout espoir.
En 2011, j'ai dû être soigné pour alcoolisme et trouble de stress post-traumatique.
De nombreux facteurs différents entrent en ligne de compte lorsqu'il est question de suicide, de toxicomanie et de maladie mentale. Le gouvernement ne peut en contrôler qu'un seul, soit le soutien financier dont bénéficient les anciens combattants. Il appartient aux hommes et aux femmes réunis dans cette pièce de formuler des recommandations.
Quand on compare le paiement forfaitaire à la pension mensuelle, un argument revient souvent. Des gens disent qu'un ancien combattant alcoolique risque de dépenser le montant de sa pension mensuelle en allant boire. C'est vrai. Toutefois, il demeurera en vie d'un mois à l'autre. Il attendra le mois suivant, et ainsi de suite.
Il y a un caractère définitif rattaché au paiement forfaitaire. Quand il a disparu — et compte tenu du montant qui nous est versé, il n'y a plus rien au bout d'un à trois ans —, l'espoir aussi a disparu. En raison de cette loi, des hommes et des femmes se retrouvent dans la rue, sans le sou.
J'ai dû prendre une décision: suivre une cure de désintoxication, me suicider ou devenir un sans-abri. Voilà les choix qui s'offraient à moi en 2011. J'ai choisi la cure de désintoxication. Tirez à la courte paille: un bon choix sur trois — les deux autres ne sont pas recommandables. Je suis presque mort à cause de cette loi.
C'est inacceptable. C'est inacceptable pour les Canadiens. C'est inacceptable pour les anciens combattants canadiens. Ils méritent mieux que cela. Ils sont totalement vulnérables parce qu'ils ont servi leur pays. Nous devons faire en sorte qu'ils obtiennent les prestations qu'ils méritent pleinement.
De quoi avons-nous besoin? Nous avons besoin d'espoir. Nous avons été blessés; nous avons perdu une partie de nous-mêmes. Nous étions consentants et nous ne nous plaignons de rien à notre pays. Tous les anciens combattants que je connais seraient prêts à s'enrôler de nouveau. Ce sont de fiers Canadiens, qui seraient tout à fait prêts à défendre de nouveau leur pays.
Nous étions convaincus que le gouvernement s'occuperait de nous et qu'il respecterait son engagement. La nouvelle Charte des anciens combattants prévoit toute une kyrielle de programmes. Le plus important d'entre eux, l'allocation d'invalidité, a été réduit considérablement à cause de la nouvelle charte.
Notre pension d'invalidité mensuelle — ce chèque qui nous donnait autant d'espoir que d'argent — nous procurait un peu de dignité. Elle nous aidait à subvenir à nos besoins et, dans une certaine mesure, elle pouvait combler notre manque à gagner. Nous savions que nos concitoyens se souciaient de notre sort, et cela nous procurait un certain réconfort. Les contribuables, qui nous payaient une pension mensuelle, nous disaient: « Merci d'avoir sacrifié vos membres ou votre santé mentale pour défendre notre mode de vie. »
La guerre en Afghanistan est en cours depuis 12 ans. Contrairement à ce qu'il a dû faire pendant la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement n'a pas rationné l'essence ou la viande et il n'a pas organisé de campagnes de collecte de ferraille ou de caoutchouc. Le grand public est totalement inconscient du fait que nous sommes en guerre. Mais il ne faut pas se leurrer: nous sommes bel et bien en guerre.
En terminant, j'aimerais m'inspirer de la position qu'avait adoptée la Légion royale canadienne lors du débat sur les pensions tenue en 1951. À cette époque, le gouvernement tentait d'empêcher que les pensions soient bonifiées afin de permettre aux anciens combattants de subvenir à leurs besoins fondamentaux.
D'après le principe fondamental sur lequel reposait la Loi sur les pensions depuis la Première Guerre mondiale, la pension d'invalidité de guerre est une indemnité versée par l'État pour des blessures subies par un militaire en service actif et elle est évaluée de la même façon qu'elle le serait pour des blessures de même gravité chez un civil, quels que soient l'emploi exercé ou la capacité de la personne de gagner sa vie. Une formation ou des gains ultérieurs ne pouvaient pas modifier une pension déjà accordée.
Nous devons pouvoir reprendre espoir. C'est ce qui nous permettra de sauver des vies. Il est possible de vivre mieux, et la solution est relativement simple.
Il serait probablement plus utile maintenant que je réponde à des questions. Merci de votre attention.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais consigner quelques mots au compte rendu.
En 1917, Rob Borden, qui était alors premier ministre, a dit que « vous n'avez pas à craindre que le gouvernement et le pays omettent de reconnaître la valeur du service que vous êtes sur le point de rendre à la nation » et qu'« aucun homme, qu'il revienne des Flandres ou qu'il y reste, n'aura de raisons valables de reprocher au gouvernement d'avoir abandonné à leur sort les hommes qui ont remporté la victoire ou ceux qui ont perdu la vie. » Ce sont les mots qu'il a prononcés.
Un pacte unissait les soldats et le personnel militaire, d'une part, et le pays, d'autre part, et ce dernier allait s'occuper d'eux. Aujourd'hui, toutefois, un ministre a déclaré ceci:
Comme je l'ai expliqué il y a quelques semaines à 25 intervenants auprès des anciens combattants, les demandeurs dans la procédure judiciaire en cours soutiennent que les promesses des anciens gouvernements lient le gouvernement actuel et les gouvernements futurs. Bien que cela puisse sembler raisonnable à première vue, cet argument pourrait avoir des répercussions allant bien au-delà de ce qui a été pensé. S’il était accepté, cela pourrait nuire à la responsabilité démocratique, car les parlementaires de l’avenir pourraient être incapables de modifier la législation. Le problème, ce ne sont pas les questions soulevées par les demandeurs, mais les conséquences imprévues sur le fonctionnement même de notre démocratie parlementaire.
Les gouvernements passent et le gouvernement actuel, en particulier, a tendance à rompre les pactes que les gouvernements précédents ont mis en oeuvre et que nous avions fini par accepter. Le gouvernement a rompu le pacte selon lequel les gens touchaient une pension à 65 ans. Maintenant, c'est à 67 ans. Vous commencez donc à travailler, vous avez un contrat avec le gouvernement et, tout à coup, ce dernier dit: « Non, nous allons changer le contrat, ce sera 67 ans. »
En 1917, le gouvernement a dit qu'il ne nous tournerait pas le dos, mais en 2013, il dit qu'il ne peut respecter cette promesse. Il y a des exemples de pactes qui ont été rompus. Je suis certain que votre cas présent est le pacte le plus important que le gouvernement ait tenté de rompre.
Je me demande si vous avez des commentaires à formuler à ce sujet.
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Par rapport à la Loi sur les pensions, vous voulez parler de l'indemnisation en cas d'invalidité et savoir en quoi elle est préférable à ce qui est offert dans la charte, est-ce bien cela? Eh bien, premièrement, elle dure toute la vie. Le paiement forfaitaire actuel équivaut seulement à environ 10 ou 12 ans d'indemnisation en vertu de l'ancien régime.
La Loi sur les pensions traitait uniquement de l'état de souffrance ou de malaise. L'allocation pour pertes de revenus prévue par la Charte des anciens combattants relevait auparavant du Régime d'assurance-revenu miliaire. Le militaire obtenait donc tout de même une prestation d'invalidité de longue durée équivalant à 75 % de son salaire, seulement, elle provenait du Régime d'assurance-revenu militaire. On a simplement renommé le programme. Avant l'entrée en vigueur de la charte, le militaire avait tout de même du recyclage offert par Anciens combattants et, par l'entremise du Régime d'assurance-revenu miliaire, il pouvait retourner aux études. Il ne s'agit donc pas de nouveaux avantages.
La grosse différence, c'est que la Loi sur les pensions prévoyait une pension mensuelle à vie pour l'ancien combattant en état de souffrance ou de malaise. Le montant de cette pension était proportionnel à la gravité de la blessure subie et était relativement comparable à l'indemnisation pour préjudice personnel offerte dans le reste du pays. Or, cette pension a été remplacée par un petit paiement forfaitaire qui, dans certains cas, équivaut seulement au dixième de ce que l'ancien combattant aurait touché en vertu de l'ancien régime. Oui, le paiement est exempt d'impôt, mais toutes les autres prestations sont imposables. L'ancienne pension prévue par la Loi sur les pensions était exempte d'impôt, elle était indexée et elle était versée à vie.
Les nouvelles prestations, l'allocation pour pertes de revenus, sont imposables. Elles cessent à 65 ans et ne sont pas indexées. Si l'on compare les deux sur toute la période de vie des anciens combattants, la Loi sur les pensions était beaucoup plus avantageuse. Elle mettait de l'argent dans leurs poches qu'ils pouvaient dépenser et qui leur permettait de se sentir autosuffisants et d'aller de l'avant.
Ce n'est pas tout le monde qui est admissible au recyclage. De surcroît, le rapport de cette année de l'ombudsman indique que 53 % des anciens combattants admissibles à ces programmes s'en voient refuser l'accès par Anciens combattants.
Il y a donc un problème d'accessibilité, en plus du problème prépondérant, soit le fait que les programmes ne sont pas aussi généreux que ce qui était offert en vertu de la Loi sur les pensions. Voilà pourquoi je dis qu'il est fallacieux de comparer la Loi sur les pensions à la nouvelle Charte des anciens combattants, car la loi ne représente que la partie de la nouvelle charte qui porte sur les indemnités d'invalidité.
Il faut tenir compte des éléments tels que l'allocation pour pertes de revenus. Sous l'ancien régime, celle-ci venait du Régime d'assurance-revenu miliaire. Il y avait un autre programme et une autre prestation versée aux personnes qui ne pouvaient pas travailler. Ces personnes n'étaient pas livrées à elles-mêmes; il y avait d'autres programmes en place outre de ce que prévoyait la Loi sur les pensions. Il faut comparer les deux systèmes de manière globale, et non comparer seulement une partie de la Loi sur les pensions à l'ensemble de la nouvelle Charte des anciens combattants.
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Merci, monsieur Berry. Merci, monsieur Chisu.
Passons à autre chose.
En tant que vice-président suppléant, je vais me permettre de faire une déclaration plutôt que de poser une question. Si je préfère faire une déclaration, c'est parce que je pense vraiment que, dans mon parti et ailleurs, les motivations derrière la Charte, ses origines, sont mal comprises.
Trois personnes ici présentes étaient là quand le vote sur la Charte a eu lieu, mais seulement une était présente durant les négociations. C'était moi, accompagné du sous-ministre, le regretté Jack Stagg. Avant de se prononcer en faveur de la Charte, le Nouveau Parti démocratique voulait en examiner tous les aspects pour mieux les comprendre. Elle est en gestation depuis de nombreuses années. C'est en 2004 et 2005 qu'on a vraiment commencé à s'intéresser à l'idée, en plein milieu du conflit en Afghanistan, après la mort des quatre soldats à Tarnak Farms, dont deux venaient de la région où j'habite.
La Charte était un document évolutif. À l'époque, les six grandes organisations d'anciens combattants et tous les partis politiques en étaient convaincus. Elle devait concéder de nouveaux avantages, accordant aux anciens combattants non seulement une pension, mais aussi des soins pour le restant de leurs jours, leur permettant de se réadapter et d'acquérir de nouvelles compétences pour qu'eux et leur famille sentent qu'ils contribuent encore quelque chose à la société, que ce soit dans les forces armées ou dans le secteur privé. C'était la raison d'être de la Charte.
Nous savions bien que tout nouveau document qui vient ainsi changer radicalement la façon de faire les choses allait se heurter à des problèmes. C'est le fait qu'il s'agissait d'un document évolutif — qui pouvait donc être mis en oeuvre immédiatement et modifié par la suite — qui a vraiment convaincu tout le monde. Malheureusement, c'est seulement cinq ans plus tard qu'on a fait quelque chose, quand le projet de loi a été présenté.
Les premiers problèmes ont commencé après neuf ou dix mois. J'aimerais parler de certains de ces problèmes, et je vous assure, monsieur Scott, que vous ne seriez pas parmi nous aujourd'hui si on les avait déjà réglés. Il s'agit de la façon dont on détermine les prestations d'invalidité.
La plupart du temps, le Tribunal des anciens combattants, révision et appel, accorde un cinquième du montant en cas de perte d'ouïe, disons. On peut ensuite faire appel pour obtenir deux ou trois cinquièmes. On a beau penser que le handicap en question justifie un tel montant, c'est le ministère qui a le dernier mot. C'est là où le bât blesse. Qui donc détermine l'ampleur de l'invalidité, surtout lorsqu'il est question de blessures de stress opérationnel ou de l'état de stress post-traumatique? C'est un des grands problèmes qu'on a en ce moment.
Il y aussi le problème de l'accès à l'allocation pour perte de revenus et à l'allocation pour déficience permanente. On a vu tous les tableaux qui disaient que lorsque quelqu'un obtient un montant forfaitaire, il obtient le suivant, jusqu'au bout. Bien évidemment, la limite d'âge de 65 ans était un grand sujet de préoccupation, comme l'avait fait remarquer l'ombudsman. C'est un grave problème qu'il faut régler. Cela ne fait aucun doute.
J'aimerais aussi parler du fait que beaucoup de ces prestations sont imposables. Le comité a vu un tableau du ministère l'autre jour qui montrait bien qu'une grande partie des prestations est imposable. Sur un total de 2 millions de dollars, 340 000 $ sont imposables; on parle donc plutôt de 1,7 million de dollars. C'est un des aspects du problème.
On pourrait aussi parler de l'accès aux programmes supplémentaires; de la vitesse à laquelle on peut y avoir accès; de la capacité des anciens combattants et de leur famille à obtenir de l'aide du ministère en temps opportun afin de pouvoir régler leurs problèmes rapidement.
Mais malheureusement ce n'est pas le cas, et c'est de notre faute, autant à la bureaucratie qu'à nous, les politiciens. L'aide prend du temps à arriver. Parfois, elle n'arrive pas du tout. Certains anciens combattants, affirmant ne pas pouvoir parler à ces gens-là, finissent par abandonner.
C'est en 2005 et en 2006 que la Charte a commencé, et tous les groupes d'anciens combattants et politiciens concernés avaient les meilleures intentions. J'étais dans l'avion quand les quatre chefs se sont entendus. Ils ont expédié l'affaire, sachant très bien qu'ils pourraient régler sur-le-champ tout problème qui surviendrait.
Comme l'a dit M. Hayes, le but du comité, au terme de ses audiences, était de créer la meilleure Nouvelle Charte des anciens combattants possible. Nous voulons l'améliorer afin que M. Berry, M. Bedard, M. Kirkland et tous les autres, tout particulièrement votre fils, monsieur Scott, puissent obtenir les prestations qu'ils méritent tant, dans les plus brefs délais, sachant fort bien qu'aucun ancien combattant n'a jamais demandé une Rolex ou un voyage en Floride.
Je peux vous assurer qu'on recevait autant de plaintes d'anciens combattants sous l'ancien système qu'aujourd'hui. Je parle à beaucoup d'anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale et de la guerre de Corée, des gars qui sont à la retraite depuis les années 1960 et 1970; je peux vous dire qu'ils avaient autant de problèmes avec les prestations à l'époque que vous en avez aujourd'hui.
Le système est en panne. Au nom du comité en entier, je promets à chacun d'entre vous que nous ferons absolument de notre mieux; c'est notre travail.
Trois membres du comité sont des anciens combattants, et nous en avons un derrière nous. M. Karygiannis sait trop bien ce que c'est que d'avoir perdu quelqu'un en Afghanistan; un membre de sa famille a fait le sacrifice ultime.
En conclusion, avant d'accorder la parole à M. Lobb, j'aimerais dire que je suis toujours renversé et ému lorsque je vois un ancien combattant handicapé venir en aide à un autre ancien combattant handicapé.
Monsieur Bedard, monsieur Berry, monsieur Kirkland, merci. Cent fois merci pour ce que vous faites, pas seulement pour vos confrères et vos consoeurs mais aussi pour vous. Et j'aimerais tout particulièrement remercier vos familles pour vous avoir partagé avec nous.
Passons maintenant à M. Lobb; vous avez quatre minutes.