FAIT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE
COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 22 mars 2001
Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Chers collègues, pouvons-nous commencer?
Nous recevons ce matin un groupe de témoins de marque, alors nous allons commencer, car je sais que les collègues voudront leur poser des questions. Nous avons la chance d'avoir avec nous aujourd'hui M. Johnson, M. Meyers, M. Julian et M. Pal.
Je vous invite donc à prendre la parole dans l'ordre selon lequel vos noms figurant sur la liste. Nous allons donc commencer par M. Johnson.
[Français]
Monsieur Johnson, vous allez commencer. Si chacun pouvait parler de 10 à 15 minutes, ça laisserait du temps pour les questions. Merci.
Monsieur Johnson.
M. Pierre Marc Johnson (directeur, Symposium hémisphérique sur le commerce et l'environnement): Merci, monsieur le président.
D'abord, je vous remercie en tant que président de ce comité et je remercie le comité d'avoir pensé à m'inviter. Je présume qu'on m'a invité pour deux raisons. La première est que j'ai le plaisir de coprésider avec M. David Runnalls de l'Institut international du développement durable, qui est connu d'un certain nombre d'entre vous, un symposium qui aura lieu à Québec dans les trois jours qui précéderont l'ouverture du sommet et qui touchera les questions de développement durable et d'environnement reliées au commerce dans le cadre des Amériques. Deuxièmement, il y a le fait que, depuis quelques années, je m'intéresse particulièrement à ce sujet, depuis que j'ai entrepris une ou deux autres vies après celle qui me permettait de partager des bancs parlementaires comme les vôtres.
Essentiellement, la problématique de l'environnement reliée à la Zone de libre-échange des Amériques se pose dans les termes suivants, je crois. Quelle sera la place qui sera accordée à ces enjeux dans la négociation, dans les textes, dans les systèmes de coopération et au niveau des forums ou des institutions qui seront disponibles pour que la société civile s'assure d'une présence dans le cadre de la Zone de libre-échange des Amériques au fur et à mesure qu'elle se déploiera?
Vous avez donc compris, monsieur le président, que je ne mets pas en doute a priori le fait qu'il y aura une Zone de libre-échange des Amériques. Je ne porte même pas de jugement sur son opportunité, mais je tiens pour acquis, pour les fins de la discussion, que l'ensemble des pays des trois continents se rejoindront éventuellement dans un accord qui pourrait ressembler en partie à l'Accord de libre-échange nord-américain, l'ALENA ou NAFTA.
[Traduction]
En pratique, je crois que lorsque les pays négocient un accord de libre-échange, ils se mettent essentiellement d'accord pour faire trois choses. Ils s'entendent essentiellement sur le fait qu'ils devront stimuler la circulation des produits, du capital et parfois des gens entre leurs pays. Deuxièmement, ils se mettent d'accord pour limiter, par des règlements et des mesures législatives, la capacité du gouvernement d'intervenir d'une façon qui nuirait au mouvement transfrontalier des produits. Troisièmement, ils négocient 3 000 pages d'exceptions à ces deux principes; c'est essentiellement ce qui se passe lors d'une négociation commerciale.
Il y a des conséquences à ce mode de gestion de l'augmentation du commerce entre les États. Parmi ces conséquences, il y en a une qui m'apparaît évidente: c'est que l'on change la composition des systèmes de gouvernance qui affectent les sociétés en définissant, dans ces accords, des limites que s'imposent volontairement les États à leur intervention, que ce soit en matière sociale, environnementale ou autre. Je parlerai donc des questions environnementales.
Il y a un certain nombre d'enjeux qui touchent l'environnement et le développement durable au niveau des Amériques: la pollution—ça va de soi—, l'épuisement des richesses naturelles, la diminution de la biodiversité, ainsi que des questions qui relèvent souvent de la santé publique et non seulement de l'environnement lui-même. Il s'agit maintenant de savoir, au moment où les chefs d'État vont se réunir à Québec, si on fait une place ou pas à ces enjeux dans cette négociation.
Je soumets bien respectueusement qu'il y a trois façons de donner une place à ces enjeux. La première, c'est d'intégrer dans le texte lui-même de l'accord—que nous ne connaissons pas, à moins qu'il ne soit décidé de le rendre public lors de la conférence de Buenos Aires dans quelques jours—ce que j'appelle les dispositions Reilly. Les dispositions Reilly, qui portent le nom de l'ancien ministre de l'Environnement des États-Unis, Bill Reilly à l'époque de M. Bush, sont des dispositions qui, dans l'accord de l'ALENA, prévoient un certain nombre de références spécifiques à l'environnement. Il y a notamment une référence dans le préambule.
Deuxièmement, on peut accorder une prédominance aux dispositions législatives et réglementaires qui découlent de l'application des grands accords internationaux dans le secteur de l'environnement. Donc, on accorde une prédominance à ces dispositions sur les restrictions que l'État s'impose en matière de libre-échange.
Troisièmement, les chapitres 7 et 9 de l'ALENA devraient être une source d'inspiration pour les négociateurs dans la mesure où ils permettent que l'on établisse clairement le fait que les États ont la liberté d'établir le niveau et les standards qu'ils jugent nécessaires en matière d'environnement.
Finalement, il faut que ce texte contienne une disposition qui engage les États à ne pas se livrer une guerre de chute vers le bas en matière de réglementation environnementale pour attirer les investissements. Cette disposition est contenue dans l'ALENA. C'est ce qu'on appelle le pollution havens clause.
Ces éléments forment un tout qui, dans le fond, présuppose que les négociations commerciales ont donné lieu à une réflexion autour de la capacité des États d'intervenir en matière d'environnement.
Deuxièmement, il faut mettre sur pied des systèmes de coopération.
[Traduction]
Monsieur le président, je crois que les mesures de coopération sont la meilleure façon d'assumer l'amélioration environnementale sur les trois continents de l'hémisphère. Nous avons une expérience extraordinaire avec le cas de la Commission nord-américaine de l'environnement qui, sans être parfaite, et avec très peu de ressources et un mandat très limité, a réussi, dans le contexte de l'Amérique du Nord, à déterminer une série de mesures qui contribuent à renforcer les capacités dans le cas du Mexique, aux efforts d'harmonisation des normes, aux échanges techniques, au transfert des compétences. Elle a par ailleurs réussi à identifier une série d'activités communes, notamment le mouvement transfrontalier de polluants, les voies de communication et les questions liées aux oiseaux migrateurs. Des réseaux de coopération sont essentiels si l'on veut tenir compte de cet élément fondamental qui devrait toujours accompagner une croissance.
• 0915
Enfin, le troisième élément qui à mon avis devrait faire
partie de toute considération sérieuse des éléments
environnementaux, est la création d'une institution ou d'une série
de tribunes qui permettent à leur tour la participation continue
des sociétés civiles à la mise en oeuvre de la ZLEA, si cette
dernière est adoptée. À l'heure actuelle, nous n'avons pas une
telle tribune au niveau de l'hémisphère. Il y en a une avec le
Mexique et les États-Unis, la CEE, qui prévoit une forte
participation du public. Il est à espérer que dans le contexte de
la ZLEA, les gouvernements accepteront de faire cela, bien qu'il y
ait beaucoup de résistance.
Le temps dont je disposais est écoulé. Merci.
Le président: Je vous assure que vous aurez davantage de temps plus tard.
M. Pierre Marc Johnson: Merci.
Le président: Monsieur Meyers.
M. Jason Meyers (économiste en chef, Manufacturiers et exportateurs du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs.
Je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de venir vous présenter le point de vue de nos membres sur l'Accord de libre- échange des Amériques. Comme vous le savez, les Manufacturiers et exportateurs du Canada, les membres que je représente, assurent environ 75 p. 100 de la production industrielle du Canada et 90 p. 100 de ses exportations. Bien que notre association regroupe les plus grands manufacturiers et exportateurs canadiens, plus de 80 p. 100 de nos membres sont de petites entreprises. La majorité de nos membres appuient énergiquement la participation du Canada aux négociations visant la création d'une zone de libre-échange des Amériques. Nous accordons une grande importance à la réussite des efforts de mise en place d'un accord de libre-échange couvrant les Amériques.
Depuis le sommet de Miami en 1994, les MEC s'intéressent activement aux enjeux que soulève la ZLEA. En tant qu'organisme fondateur du Réseau des entreprises pour l'intégration continentale, nous avons pris part à des sommets commerciaux organisés en marge des réunions des ministres responsables du commerce. Nous continuons de collaborer étroitement avec les associations commerciales homologues de l'hémisphère dans le but de promouvoir les intérêts communs, non seulement en ce qui a trait au commerce et aux possibilités d'investissement, mais aussi en ce qui a trait aux questions de réglementation commune qui permettent d'en arriver à cette série de négociations.
J'ai mentionné que nos membres appuient énergiquement un accord pour la zone de libre-échange des Amériques. Chaque année, nous faisons un sondage au sujet des questions liées au commerce international auprès de tous nos membres. Les résultats du plus récent sondage révèlent que 79 p. 100 de nos membres sont d'accord pour que le Canada participe aux négociations relatives à la ZLEA. Plus de 55 p. 100 de nos membres voient dans la conclusion d'un accord de libre-échange couvrant les Amériques une occasion de croissance commerciale. À peine 6 p. 100 des répondants jugent que la ZLEA constitue une menace.
Je crois que le soutien qu'apportent les membres des MEC aux négociations relatives à la ZLEA reflète un certain nombre de facteurs. Tout d'abord, il y a l'augmentation des exportations et des investissements canadiens, non seulement aux États-Unis et en Amérique du Nord, mais en Amérique du Sud, en Amérique latine et dans les Caraïbes également. Soixante-trois pour cent de nos membres jugent que les États-Unis, naturellement, constituent un marché prioritaire au regard des perspectives de commerce international, 30 p. 100 disent vouloir étendre leurs activités en Amérique du Sud comparativement à 16 p. 100 et 11 p. 100 qui comptent en faire autant au Mexique et au Chili, respectivement. Naturellement, cet intérêt à étendre leurs activités au Mexique et au Chili reflète le fait que nous avons également des accords de libre-échange avec ces pays.
L'appui pour une ZLEA reflète également les riches possibilités que présente le marché dynamique d'Amérique latine. Ensemble, l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud représentent un marché de 800 millions de personnes et une économie de plus de 17 billions de dollars par an. Il s'agit d'un marché très attrayant, très dynamique, un marché dont les entreprises canadiennes devraient faire partie. Ce serait à l'avantage de l'économie canadienne que nos exportateurs et nos entreprises jouent un rôle actif en Amérique latine.
• 0920
Cet appui reflète également les occasions et les avantages
dont ont bénéficié les entreprises canadiennes en vertu de leur
participation à l'Accord de libre-échange nord-américain.
Aujourd'hui, 70 p. 100 de nos membres perçoivent l'ALENA comme une
occasion de développement de leur entreprise. Je crois cependant
que leur appui à l'égard de l'ALENA reflète le fait que la majorité
ont augmenté leur chiffre d'affaires aux États-Unis et au Mexique
en raison de l'ALENA. Un plus grand nombre de sociétés investissent
aux États-Unis et au Mexique, mais ce qui est surprenant, c'est que
notre sondage révèle que plus de 60 p. 100 des entreprises ont
augmenté leur chiffre d'affaires au Canada grâce au libre-échange.
Cela montre bien à mon avis la position dynamique de notre économie
pour faire des affaires partout en Amérique.
À notre avis, le Canada devrait jouer un rôle très proactif, un rôle de leadership, dans les négociations relatives à la ZLEA, à l'appui de quatre objectifs fondamentaux.
Le premier objectif, naturellement, consiste à élargir l'accès des exportations canadiennes de biens et de services aux marchés d'Amérique latine et des Caraïbes. Le deuxième objectif consiste à assurer un traitement non discriminatoire aux entreprises canadiennes qui investissent ou qui brassent des affaires en Amérique du Nord ou du Sud. Je pense que cela dépend d'un troisième objectif, qui est de définir des règlements clairs visant les marchés internationaux et d'assurer l'application efficace de ces règlements dans tous les pays des Amériques—des règlements en matière d'environnement, de normes de travail, de commerce et d'investissement.
Enfin, le quatrième objectif est de mettre en place un mécanisme de règlement des différends commerciaux entre pays qui évite les mesures commerciales unilatérales. Ici, je pense que le Canada a un rôle très important à jouer en participant aux négociations relatives à la ZLEA, car si nous n'y participons pas ce sera notre principal partenaire commercial, les États-Unis, qui prendra les mesures commerciales et établira les règles.
Les négociations relatives à la ZLEA se déroulent cependant dans un contexte plus général et il est important de les situer dans ce contexte. Je pense que les objectifs de la ZLEA comme tels contribueront à clarifier les règles qui sont nécessaires dans le cadre plus général de l'OMC. Ils permettront dans une certaine mesure d'ouvrir le commerce dans le domaine des services, d'avoir un meilleur traitement—un traitement non discriminatoire—des investissements canadiens. Ce sont aussi nos objectifs en matière de commerce international et la ZLEA est une étape très importante à mon avis qui nous permettra d'atteindre ces objectifs, tout au moins sur une base régionale au sein des Amériques.
Je crois que la ZLEA doit être située également dans le contexte de nos objectifs commerciaux au sein de l'ALENA. Il s'agit vraiment du deuxième pilier de la politique commerciale canadienne et cela témoigne de l'importance vitale de nos rapports économiques et commerciaux avec les États-Unis.
Dans le cadre des négociations relatives à la ZLEA, le Canada doit veiller à ce que ses positions soient conformes aux objectifs qui sous-tendent ses rapports bilatéraux avec les États-Unis, et avec le Mexique, l'autre partenaire de l'ALENA.
Il est très important que le Canada s'efforce, lors de ces négociations, d'éviter toute dilution des avantages dont jouissent déjà les entreprises canadiennes en vertu de l'ALENA, sur le plan de l'accès aux marchés et du traitement non discriminatoire.
Je suis d'avis que nous devons également lutter contre tout affaiblissement de l'actuel mécanisme de règlement des différends établi en vertu de l'ALENA, sachant que ce mécanisme est relativement objectif et efficace. En fait, je suis d'avis qu'il faudrait faire en sorte que l'ALENA serve de modèle en vue de la création de la ZLEA.
Nous croyons qu'il sera plus facile pour le Canada d'atteindre ses objectifs de négociation à long terme dans le cadre de la ZLEA si des progrès tangibles sont réalisés à court terme sur le plan de la promotion des affaires, notamment au regard de la rationalisation et de l'harmonisation des formalités douanières.
Dans cette optique, il est très important de faire respecter le engagements actuels touchant l'accès aux marchés. Bien que les parties se soient déjà engagées à faciliter l'accès aux marchés et à rationaliser les formalités douanières, les résultats concrets obtenus jusqu'à présent sont plutôt maigres. Ainsi, les exportateurs canadiens qui tentent d'écouler leurs produits sur les marchés d'Amérique du Sud doivent encore composer avec d'importants retards. Cette situation est avant tout imputable aux autorités douanières, mais aussi aux chevauchements et à l'incohérence des règlements internationaux appliqués, pas très bien d'ailleurs, dans les divers pays des Amériques.
• 0925
Souvent, les autorités douanières souffrent de mauvaise
gestion et de sous-financement et elles n'ont pas le
professionnalisme requis pour assurer aux entreprises un traitement
uniforme et un juste accès aux marchés. Les grandes sociétés
canadiennes y voient un facteur additionnel de coût dans leurs
rapports commerciaux avec l'étranger; les petits exportateurs y
voient, eux, un obstacle souvent insurmontable. C'est pourquoi à
mon avis une amélioration au niveau de la promotion du commerce,
des formalités douanières et une application plus efficace des
règles concernant les douanes constituent une bonne première étape
dans le cadre des négociations relatives à la ZLEA.
La réussite des négociations reposera également sur la clarté des régimes nationaux de réglementation touchant le commerce et les investissements, sur les règles d'imputabilité que comportent de tels régimes, sur l'efficacité des efforts de mise en oeuvre de ces derniers ainsi que sur les normes pertinentes en matière de travail et d'environnement.
En outre, les lois prévoyant des recours en matière de commerce, le versement de subventions, les mesures antidumping et les droits compensatoires constituent autant de priorités très importantes pour le Canada dans le cadre des négociations relatives à la ZLEA.
Nous sommes d'avis que le Canada a un important rôle de chef de file à jouer dans les négociations relatives à la ZLEA, sachant que ces dernières ont pour but non seulement de libéraliser les marchés, mais aussi, dans une grande mesure, de concevoir et d'instaurer des règles claires de libre-échange avec réciprocité de biens et services, de traitement non discriminatoire des investissements et de médiation des différends commerciaux.
En exerçant un tel leadership, le Canada procurera un avantage concurrentiel à ses exportateurs. Nous nous réjouissons à l'idée de travailler en collaboration avec le gouvernement canadien et d'autres associations commerciales homologues des Amériques au cours des négociations relatives à la ZLEA.
Comme je l'ai déjà dit, aux yeux des MEC et de leurs membres, la création de la ZLEA a trait autant à la saine gestion publique qu'à la promotion des occasions de développement économique à l'échelle des Amériques qu'à l'élargissement des débouchés d'exportation.
Il est important d'éviter que la réglementation du travail, la réglementation environnementale et les autres règlements posent injustement des obstacles discriminatoires au commerce et aux investissements. Une des priorités des négociateurs d'un éventuel accord de libre-échange couvrant les Amériques devrait être d'assurer la mise au point de régimes législatifs et réglementaires efficaces et transparents dans tous les pays de l'hémisphère. Ces négociations constituent un élément important de la mise en place de la primauté du droit et des régimes démocratiques en Amérique du Nord et en Amérique du Sud. Nous reconnaissons les difficultés que pose la participation, aux négociations, de petites économies, d'États à différents niveaux de développement.
C'est pourquoi le Canada doit jouer un rôle de premier plan dans le respect, en temps opportun, de ses propres engagements en matière de libéralisation de marchés, dans la prise de mesures additionnelles visant à promouvoir le commerce et à tisser des liens non gouvernementaux avec les pays des Amériques, dans la prestation d'une aide internationale aux pays en développement d'Amérique latine et des Caraïbes et dans la prise d'engagements en faveur des principes de démocratie et de primauté du droit par toutes les parties aux négociations relatives à la ZLEA.
De tous les pays industrialisés, le Canada est celui dont la prospérité repose le plus sur le commerce. Depuis la conclusion de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis il y a plus de 10 ans, nous sommes devenus un des pays les plus prospères sur la scène commerciale internationale.
Le Canada a tiré de nombreux bienfaits de l'élimination des entraves au commerce international, mais nous croyons que d'autres pays du continent pourraient aussi voir croître leurs possibilités de commerce et d'investissement. Le resserrement de nos liens commerciaux s'accompagne d'une reconnaissance accrue de l'interdépendance qui caractérise notre monde, où le respect des droits de chacun et la protection de l'environnement collectif constituent des conditions vitales de réussite.
La prise d'engagements envers les autres pays du monde a entraîné un enrichissement des Canadiens et des Canadiennes. En jouant un rôle accru dans divers domaines—diplomatie, maintien de la paix, défense des droits de la personne, culture, commerce—le Canada a contribué à l'épanouissement du monde entier. Grâce à la ZLEA, nous aurons l'occasion d'établir des liens solides et dynamiques avec tous les pays de l'hémisphère, ce qui nous procurera des avantages tout en nous permettant de faire davantage pour les autres.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Meyers.
Monsieur Julian, du Conseil des Canadiens.
[Français]
M. Peter Julian (directeur général, Le Conseil des Canadiens): Merci beaucoup, monsieur le président. Merci pour l'invitation et pour cette occasion de m'adresser au comité aujourd'hui. Je représente les 100 000 membres du Conseil des Canadiens. Nous trouvons qu'il s'agit là d'un sujet très important, un sujet auquel nous faisons face cette année et auquel nous ferons face l'année prochaine.
[Traduction]
La zone de libre-échange des Amériques qui est négociée à l'heure actuelle par 34 pays devrait être selon ses architectes l'accord de libre-échange le plus ambitieux de toute l'histoire. Bien qu'il se fonde sur le modèle de l'Accord de libre-échange nord-américain, l'ALENA, sa portée et son pouvoir vont bien au-delà de ceux de l'ALENA. La ZLEA, telle qu'on la prévoit à l'heure actuelle, introduirait dans l'hémisphère occidental toutes les disciplines de l'accord de services proposé de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, et du GATS, l'accord général sur le commerce des services, ainsi que les pouvoirs qui avaient été prévus dans l'Accord multilatéral sur l'investissement, l'AMI, qui n'a finalement pas été négocié. Cela créerait une nouvelle organisation commerciale qui aurait des pouvoirs absolus sur tous les aspects de la vie au Canada et dans les Amériques.
• 0930
Le mandat du GATS, que l'on est en train de négocier à l'heure
actuelle à Genève, est de libéraliser le commerce mondial des
services, notamment tous les programmes publics. Cet accord
éliminera progressivement tous les obstacles gouvernementaux à la
concurrence internationale dans le secteur des services.
Le Comité des négociations commerciales de la ZLEA, dirigé par le Canada au cours des mois de formation cruciale lorsque la première ébauche a été rédigée, propose un accord de services semblable et même élargi pour ce pacte hémisphérique. Il propose par ailleurs de maintenir et peut-être même d'élargir les dispositions de l'ALENA relativement à l'État et à l'investisseur, qui donnent aux sociétés des droits sans précédent de porter leurs intérêts commerciaux devant des tribunaux commerciaux dont la décision est exécutoire.
La combinaison de ces pouvoirs dans un seul accord donnera aux sociétés transnationales de notre hémisphère de nouveaux droits qui n'ont nulle part leur égal et qui leur permettront de faire concurrence à tous les services financés publiquement par les gouvernements—notamment les soins de santé, l'éducation, la sécurité sociale, la culture et la protection de l'environnement.
Par ailleurs, la ZLEA qui est proposée contient de nouvelles dispositions sur la politique de la concurrence, les marchés publics, l'accès aux marchés et les mécanismes de règlement des différends. Ajoutées à l'inclusion des services et des investissements, ces dispositions pourraient enlever à tous les gouvernements des Amériques la possibilité de prendre ou de maintenir des lois, des normes et des règlements en vue de protéger la santé, la sécurité et le bien-être de leurs citoyens et de l'environnement qu'ils partagent.
De plus, les négociateurs de la ZLEA semblent avoir choisi d'émuler les règles plus strictes de l'OMC, plutôt que les règles de l'ALENA, dans les domaines clés de l'établissement des normes et du règlement des différends. Essentiellement, les négociateurs de la ZLEA—exhortés par les grandes entreprises de tous les pays—ont pris les éléments les plus ambitieux de tous les accords d'investissements commerciaux mondiaux existants ou proposés et les ont réunis dans ce pacte hémisphérique ouvertement ambitieux.
Encore une fois, comme pour les accords commerciaux précédents tels l'ALENA et l'OMC, cet accord de libre-échange ne comportera aucune garantie en vue de protéger les travailleurs, les droits de la personne, la sécurité sociale ou les normes en matière de santé ou de l'environnement. Encore une fois, la société civile et la majorité des citoyens qui veulent différents types d'accord commercial ont été exclus des négociations. Ils sont également exclus des délibérations qui se tiendront à Québec le mois prochain.
[Français]
Les rapports des négociateurs eux-mêmes se sont retrouvés par inadvertance dans le domaine public. Un rapport confidentiel daté le 7 octobre 1999 provenant du Groupe de négociations sur les services a transpiré récemment; il contient des plans détaillés sur les dispositions concernant les services dans la Zone de libre-échange des Amériques. Sherri M. Stephenson, directrice adjointe pour le Commerce au sein de l'Organisation des États américains, a préparé un document pour la conférence sur le commerce qui s'est déroulée à Dallas, au Texas, dans lequel elle fait état du mandat et des progrès des neufs groupes de travail dans chacun des secteurs. On travaille présentement à l'entente. Les documents disponibles sur les sites web de la ZLEA et du gouvernement canadien contiennent également de l'information importante.
L'ensemble de ces rapports forme un plan visant l'élaboration du plus vaste accord commercial jamais négocié. L'ajout d'un tout nouvel accord sur les services dans la ZLEA, combiné aux dispositions actuelles, voire élargies de l'ALENA en matière d'investissements, constitue une toute nouvelle menace touchant chaque aspect de la vie des Canadiens et des Canadiennes. Cette puissante combinaison donnera aux sociétés transnationales de l'hémisphère d'importants nouveaux droits, même dans les domaines supposément protégés des soins de santé, de la sécurité sociale, de l'éducation, de la protection des ressources naturelles et de tous les services gouvernementaux, fédéraux, provinciaux et municipaux.
Je vous rappelle que l'ALENA a été le premier accord commercial international au monde à permettre à un intérêt privé, généralement une société ou un secteur de l'industrie, de passer par-dessus son propre gouvernement et, même s'il n'est pas signataire de l'entente, de contester directement les lois politiques et pratiques d'un autre gouvernement membre de l'ALENA, si ces lois politiques et pratiques nuisent aux «droits» établis de la société en question.
Le chapitre 11 de l'ALENA donne à la société le droit de poursuivre un gouvernement en justice en vue d'obtenir une compensation pour les bénéfices présents et futurs perdus en raison des mesures prises par ces gouvernements, peu importe que ces mesures aient été légales ou le but dans lequel elles ont été prises.
Le chapitre 11 a été invoqué avec succès par Ethyl Corp., de la Virginie, pour forcer le gouvernement canadien à annuler une interdiction législative empêchant la vente transfrontière de son produit, le MMT, un additif à l'essence interdit dans de nombreux pays et qualifié par le premier ministre Jean Chrétien de «dangereuse neurotoxine».
• 0935
S.D. Myers, une compagnie américaine
d'évacuation des eaux contaminées aux BPC, a également
mis à profit le chapitre 11 pour menacer de forcer le
Canada à revenir sur son interdiction concernant
l'exportation de BPC—interdiction adoptée
par le Canada dans le cadre de la Convention de Bâle
interdisant le mouvement transfrontière des déchets
dangereux—et a poursuivi le gouvernement
canadien pour la somme de 50 millions de dollars
américains en dommages et intérêts.
Sun Belt Water Inc. de Santa Barbara, en Californie, poursuit actuellement le gouvernement canadien pour la somme de 14 milliards de dollars parce que la Colombie-Britannique a interdit l'exportation massive d'eau en 1993, empêchant ainsi cette compagnie de pénétrer le marché de l'exportation de l'eau dans cette province. Bien sûr, cette poursuite pourrait toucher le droit de légiférer des provinces, dont le Québec.
Les Canadiens et les Canadiennes sont déjà témoins de l'érosion régulière de leur sécurité sociale en vertu des nouvelles règles de la mondialisation de l'économie et des accords commerciaux. D'un point de vue social, jamais dans son histoire le Canada n'a autant ressemblé aux États-Unis, avec un fossé énorme entre les riches et les pauvres. Au Canada, comme aux États-Unis, la richesse abonde dans certains quartiers pendant que la pauvreté prend de l'ampleur dans d'autres.
En fait, le Canada a connu, au cours des 10 dernières années, la plus importante hausse de la pauvreté chez les enfants parmi les pays industrialisés. Pendant ce même laps de temps, le nombre de millionnaires a triplé et les travailleurs ont connu une augmentation de salaire d'à peine 2 p. 100, soit moins que le taux d'inflation.
[Traduction]
Autrement dit, les travailleurs canadiens ont perdu du terrain dans ce brave nouveau monde d'accords commerciaux mondiaux.
Les coupures effectuées dans les programmes sociaux et l'assurance-chômage ont été si profondes que Standard and Poor's déclare désormais qu'il faut oublier le mythe d'un Canada plus généreux. Selon cette institut de New York, en 1999, le Canada a dépensé pour la première fois moins d'argent pour ses personnes âgées et ses chômeurs que les États-Unis.
Les agriculteurs du Canada ont aussi été frappés de plein fouet par la concurrence mondiale, car le gouvernement canadien a sabré beaucoup plus vite et plus durement que ses principaux partenaires commerciaux dans les subventions agricoles et les programmes de soutien du revenu agricole. En conséquence, 1999 et 2000 ont été les pires années qu'aient connu les agriculteurs canadiens depuis 1926, année où le gouvernement canadien a commencé à tenir des statistiques.
Si les retombées des accords commerciaux ont été négatives pour le Canada, elles l'ont aussi été pour les pays du Sud. Huit ans après l'entrée en vigueur de l'ALENA, le Mexique a maintenant un taux de pauvreté record de 70 p. 100. Le salaire minimum moyen a perdu plus des trois quarts de son pouvoir d'achat au cours de ces années.
Si ce sont les conditions énoncées par les groupes de négociation de l'ALEA qui doivent servir de fondement au pacte commercial hémisphérique, l'ensemble du processus est inacceptable, et les citoyens des Amériques veilleront à le rejeter. Le gouvernement a beau dire qu'il a négocié ces nouvelles règles de commerce et d'investissement en totale collaboration avec les citoyens, la ZLEA envisagée ne reflète aucune des préoccupations formulées par la société civile. En revanche, elle contient toutes les dispositions considérées comme les pires par les écologistes, les groupes de défense des droits de la personne et de la justice sociale, les agriculteurs, les peuples autochtones, les artistes, les travailleurs et bien d'autres. Tous les programmes sociaux, toutes les réglementations environnementales et toutes les ressources naturelles sont menacés par la ZLEA envisagée.
La présidente nationale du Conseil des Canadiens, Maude Barlow, a déclaré que la ZLEA n'était rien moins qu'une charte des droits et libertés des plus grandes et des plus puissantes sociétés de la planète. La présence des grandes entreprises qui vont commanditer le sommet de Québec, comme on l'a annoncé cette semaine, ne fait que confirmer cette perception.
Je pourrais continuer, mais il est impossible en 10 minutes de dénoncer toutes les répercussions qu'aurait la ZLEA sur l'agriculture, la culture, l'énergie, l'eau, et tout le reste. Si des membres du comité veulent avoir plus de précisions, je les invite à consulter le site Web du Conseil des Canadiens, www.canadians.org.
Je remercie le comité de nous avoir invités aujourd'hui. À notre avis, plus on discutera de cette ZLEA envisagée, plus il y aura de chances qu'elle soit rejetée, exactement comme l'Accord multilatéral sur l'investissement il y a deux ans. Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Julian. Vous avez parlé de l'eau. Cela vous intéressera peut-être de savoir qu'au cours des deux prochaines semaines, nous serons saisis du projet de loi sur les exportations d'eau en vrac à partir du Canada. Nous veillerons à vous contacter à ce moment-là. Vous souhaiterez peut-être intervenir au sujet du contenu de ce projet de loi et vos remarques pourraient nous être utiles.
Monsieur Pal.
M. P.K. Pal (directeur, Transparency International Canada): Bonjour, mesdames et messieurs. Je représente une organisation appelée Transparency International. Je fais aussi partie du conseil d'administration du chapitre canadien de Transparency International.
• 0940
Je ferai mes remarques oralement. Je n'ai pas de texte, mais
j'ai apporté un dossier de nos documents. On m'a dit qu'ils
allaient être traduits en français très bientôt, mais si vous
voulez déjà en prendre un exemplaire en anglais, n'hésitez pas.
Je vais vous dire quelques mots au sujet de Transparency International. Il s'agit d'une organisation non gouvernementale sans but lucratif créée pour dénoncer la corruption à l'échelle internationale. Son siège est situé à Berlin, et elle a de 80 à 90 chapitres dans divers pays du monde. Je représente plus précisément Transparency International Canada.
Mon intervention au cours des quelques minutes qui vont suivre va trancher en bien ou en mal sur les autres interventions que vous venez d'entendre. Je vais parler de la corruption.
Le corruption, c'est l'enrichissement illégal et amoral sous toutes ses formes. Elle alourdit le coût des échanges commerciaux—je reviendrai sur ce point—et elle accroît le coût des investissements dans tous les pays, y compris le nôtre. Elle affaiblit les institutions publiques. Elle érode les régimes démocratiques, détruit la croyance dans les valeurs démocratiques et va globalement à l'encontre des principes d'humanité.
Dans le cadre de notre travail dans le monde entier, nous avons été frappés de constater que les coalitions qui «uvrent pour la corruption sont beaucoup plus puissantes que les coalitions comme la nôtre qui luttent contre la corruption. Pratiquement partout, les sociétés civiles comme la nôtre et naturellement les gouvernements se heurtent à des intérêts bien précis.
Pour vous donner une idée de l'ampleur du problème, je vous citerai un rapport du Carter Centre publié il y a environ un an. Dans ce rapport, on dit que la corruption est le monopole et la discrétion sans aucune reddition de compte.
J'ai dit que j'allais parler du coût de la corruption. Dans une étude publiée en 1998, je crois, Price Waterhouse estimait que le coût de la corruption—l'argent détourné de ces destinataires légitimes, qu'il s'agisse de travailleurs ou de citoyens—a été de 500 milliards de dollars US dans 35 pays en développement. On n'avait pas de chiffres pour les pays développés, Price Waterhouse ne pouvait même pas estimer ce montant. Ce sont donc 500 milliards de dollars qui sont détournés alors qu'ils auraient normalement dû aller aux habitants de ces 35 pays en développement.
Je vais vous citer un autre chiffre tiré d'une autre étude plus récente de Price Waterhouse et du Carter Centre. Ils ont élaboré qu'ils appellent l'indice d'opacité. Il s'agit du coût de l'absence de pratiques claires et transparentes dans toutes les activités, depuis les entreprises jusqu'au gouvernement. Le coût de la corruption est qualifié de taxe cachée.
Je vais vous citer des chiffres stupéfiants donnés par Price Waterhouse dans son estimation de cette taxe cachée. Si vous prenez Singapour comme base zéro—il faut bien prendre une référence quelque part—les États-Unis sont à 5 et le Royaume-Uni à 7. Ce sont les bons. La Russie est à 43. Autrement dit, si vous envisagez d'investir en Russie, vous devez prévoir une taxe cachée correspondant à la corruption de 43 p. 100 de vos recettes. En Chine, le pourcentage est de 46, et la liste continue. Vous pouvez l'obtenir sur le site Web.
Le président: Vous n'allez pas nous laisser sur notre faim en ne nous disant pas où le Canada se situe? Nous retenons tous notre souffle.
M. P.K. Pal: Je suis désolé de vous dire que le Canada ne figure même pas sur la liste.
Le président: Ça veut dire que nous sommes en dessous?
M. P.K. Pal: Ça veut dire que nous sommes ou très bons ou très mauvais.
Pour ce qui est des pays de notre hémisphère, le Chili a une note de 5, ce qui est très bon, et la Colombie est à 25. Ce n'est pas étonnant.
Mais, comme vous, j'ai été déçu que le Canada ne soit même pas mentionné.
Le président: Est-ce grâce à vous bons offices que nous avons échappé à cette liste?
M. P.K. Pal: C'est l'oeuvre de Transparency International.
Le président: Nous avons de la chance de vous avoir.
M. P.K. Pal: Pour être plus précis, l'un des points que nous demandons au sommet de prendre en compte, c'est la Convention interaméricaine de l'OEA contre la corruption. Il y en a un extrait dans ma brochure. C'est une très vaste convention qui définit les obligations des 34 pays en matière de création, de maintien et de renforcement des dispositifs d'intégrité et de lutte contre la corruption. Je crois que cette convention a été ratifiée par 17 des 34 pays. Certains ne l'ont pas encore signée.
Ce que nous demandons, c'est que le sommet invite ses membres à faire deux choses très importantes: demander à tous les membres de ratifier la convention, et ensuite la mettre en «uvre. Il y a trop de conventions qu'on rédige, qu'on signe et qu'on se contente ensuite de classer sans leur donner de suite. C'est cela qui est regrettable avec les conventions. Toute la négociation, c'est la partie prestigieuse, mais ce qui est beaucoup plus terne, ce sont la mise en oeuvre et l'application.
La société civile a organisé un vaste rassemblement en prévision du sommet à Miami, en janvier, rassemblement qui a débouché sur une recommandation ou plutôt un ensemble de recommandations. Vous en trouverez un extrait dans ma brochure, où l'on parle de questions de transparence, où l'on demande une participation du public et une information du public sur toutes les activités gouvernementales, où l'on réclame la mise en place d'un pouvoir judiciaire indépendant dans tous ces pays—sans pouvoir judiciairement indépendant, inutile de croire qu'on pourra faire quelque chose contre la corruption—et surtout, et nous l'avons souligné abondamment dans les travaux de Transparency, la transparence des marchés publics, c'est-à-dire des achats de biens et services au niveau des gouvernements. Nous avons besoin de beaucoup plus de transparence et d'un régime de documentation claire et cohérente, et nous voudrions que toutes les personnes qui soumissionnent pour des contrats gouvernementaux signent ce qu'on appelle des «pactes d'intégrité», c'est-à-dire un engagement préliminaire à ne pas avoir d'activités corrompues.
Je vois qu'il ne reste pas beaucoup de temps. Je voudrais préciser rapidement qu'il y a une autre convention que le Canada a signée. En fait, la ratification par le Canada l'a rendue exécutoire. Il s'agit de la convention de l'OCDE. Je la mentionne car il va y avoir trois pays de l'OCDE au sommet, le Canada, les États-Unis et le Mexique, et trois autres pays qui ne font pas partie de l'OCDE mais qui ont accepté d'être liés par la convention de l'OCDE contre la corruption. Il s'agit du Brésil, de l'Argentine et du Chili. Il y aura donc au moins six nations à ce sommet qui sont liées par la convention de l'OCDE visant la subornation de fonctionnaires publics étrangers. Il existe une loi canadienne correspondante qui rend cette convention exécutoire pour les Canadiens, et en vertu de laquelle c'est une infraction criminelle pour un exportateur canadien de soudoyer directement ou indirectement par l'intermédiaire d'agents un fonctionnaire étranger.
À Transparency International, nous essayons de promouvoir une modification à la convention qui élargirait sa portée pour inclure aussi la subornation de partis politiques, et même de particuliers. Il faut concentrer l'attention des membres et des délégations sur ce sujet.
J'ai exposé à peu près la même chose à M. Marc Lortie. Je lui ai envoyé une lettre dont vous trouverez copie dans nos documents.
La corruption est quelque chose d'extrêmement grave car elle se répercute à l'échelle internationale. Elle détruit les initiatives humaines visant à améliorer le droit du travail, les droits humains, la liberté, la démocratie et l'environnement. Si l'on peut contourner tous ces règlements en versant un petit ou un gros pot-de-vin, on n'avance pas beaucoup.
• 0950
On peut avoir les plus merveilleuses lois et conventions de
protection l'environnement ou de protection des travailleurs au
monde, si on ne les applique pas et si le recours à la corruption
et aux pots-de-vin permet de les contourner, elles ne servent à
rien. En fait, c'est plutôt pire, car on fait croire aux gens qu'on
fait quelque chose alors qu'on sait très bien qu'on ne va rien
faire.
La corruption a entraîné la chute de plusieurs gouvernements. Comme nous le savons, en Indonésie, aux Philippines et au Pérou, ce que les terroristes n'avaient pas pu faire, les allégations de corruption l'ont fait. En gros, ce que nous disons, c'est qu'au sommet il faudrait discuter ouvertement et explicitement de ce problème. Dans les quelques documents que nous avons reçus des organisateurs du sommet jusqu'à présent, on ne peut pas dire que le mot «corruption» soit particulièrement mis en évidence. Il est dissimulé derrière des notions comme la règle du droit, la responsabilité sociale et la transparence. Pourquoi ne pas dire les choses telles qu'elles sont. C'est ce que nous recommandons.
Je le répète, en conclusion, il faut absolument qu'on ratifie, qu'on mette en oeuvre et qu'on applique la convention de l'OEA pour disposer d'un mécanisme d'examen mutuel et des règlements sur les marchés publics.
Enfin, je voudrais dire une dernière chose. La corruption est un problème qui ne divise pas les peuples, au contraire c'est un sujet sur lequel le gouvernement et les protestataires sont d'accord. Qui pourrait être contre? Les médias, le gouvernement et les protestataires sont tous unanimes. Nous demandons donc instamment que cette question de la corruption soit au premier plan des résolutions ou du plan d'action qui seront adoptés par le sommet.
Je pense que j'ai un peu dépassé mon temps. Merci beaucoup de nous avoir invités.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Pal, puis-je profiter de votre présence—collègues, un instant—pour vous poser une question qui ne concerne pas directement la ZLEA? Comme les membres du comité le savent, nous sommes en train de rédiger un rapport sur notre voyage dans le sud du Caucase et en Asie centrale. Pourriez-vous en quelques mots nous situer cette région sur votre liste de transparence. Cela pourrait nous être utile pour notre rapport.
M. P.K. Pal: Je vais vous donner une brochure ici qui, comme je le disais, n'est pas officielle. Vous y trouverez l'indice de perception de la corruption de Transparency International. Cela fait plusieurs années que nous le dressons. Il y a 84 ou 85 pays qui y sont classés, et malheureusement la plupart des pays d'Asie du Sud se situent dans le troisième ou quatrième quartile. Ce n'est pas brillant.
Le président: Je vois que l'Ouzbékistan et le Kazakhstan figurent sur cette liste. Je précise pour les membres du comité qu'il me semble que nous pourrions souligner que votre travail pourra nous être utile pour déterminer la politique à adopter vis- à-vis de cette région.
M. P.K. Pal: Effectivement, vous constaterez que cet indice est très utile.
Je profite de l'occasion pour vous signaler qu'il s'agit d'un indice de perception de la corruption dans les pays les plus susceptibles d'accepter des pots-de-vin. Il y a aussi l'indice inverse, qui concerne les pays les plus susceptibles de verser des pots-de-vin. Si vous êtes un homme d'affaires d'Asie du Sud et que vous avez beaucoup d'entreprises étrangères ou de représentants d'entreprises étrangères qui viennent vous voir, qui est le plus susceptible d'accepter un pot-de-vin? Le Canada a un excellent dossier dans les deux cas, mais certains pays, en particulier nos voisins du Sud, n'obtiennent pas une aussi bonne note dans le second indice. Autrement dit, ils semblent plus susceptibles de verser des pots-de-vin. C'est assez malheureux. Vous avez les deux indices ici.
Le président: Merci beaucoup, c'est très utile.
Nous allons passer aux questions.
Monsieur Lunn.
M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, AC): Merci, monsieur le président. J'ai deux brèves questions à poser.
Tout d'abord, monsieur Julian, je crois que votre organisation participe à un sommet parallèle à Québec, le sommet des peuples. C'est bien cela?
M. Peter Julian: Oui.
M. Gary Lunn: Pourriez-vous dire au comité combien d'argent vous avez reçu du gouvernement fédéral pour ce sommet, ou combien d'argent le gouvernement fédéral a versé pour l'organisation de ce sommet?
M. Peter Julian: Je ne sais pas combien d'argent le gouvernement a versé pour le sommet des peuples. Tout ce que je peux vous dire, c'est que le Conseil des Canadiens n'a absolument rien reçu pour ce sommet. En fait, nous allons payer nous-mêmes la location d'un chapiteau à Québec, le samedi, pour notre séminaire.
M. Gary Lunn: Apparemment, le gouvernement a versé 300 000 $ en tout pour le sommet des peuples. Vous n'en avez pas entendu parler?
M. Peter Julian: Si, j'ai entendu parler de quelque chose de cet ordre. Il s'agit du sommet des peuples.
M. Gary Lunn: C'est cela. Vous savez donc que le gouvernement verse en tout quelque 300 000 $ aux organisations qui participent à ce sommet des peuples. Environ 300 000 $, c'est à peu près cela?
M. Peter Julian: Oui.
Je tiens cependant à vous répéter que le Conseil des Canadiens va payer avec l'argent de ses membres la location du chapiteau, qui sera le principal lieu d'organisation du sommet des peuples. Donc nous ne recevons absolument aucune subvention du gouvernement.
M. Gary Lunn: Bon.
Je tenais à le préciser officiellement car je sais que vous êtes une de ces organisations, et je pense que c'est bien le montant en question, 300 000 $ versés par le gouvernement fédéral. Je comprends que cet argent ne vous soit pas versé directement, mais il est destiné à l'ensemble des organisations.
Je vais maintenant passer à M. Meyers.
Monsieur Meyers, je tiens à bien souligner que je trouve absolument déplorable que le gouvernement finance ce sommet des peuples. Nous sommes d'accord pour que la population proteste pacifiquement et exprime son point de vue. Nous invitons, comme vous le constatez, toutes les organisations à venir nous donner leur point de vue. Je pense que c'est très important dans une démocratie.
En revanche, ce qui me dérange, c'est que le gouvernement fédéral verse quelque 300 000 $ à ces organisations, qu'il les paye alors qu'il est évident qu'elles vont encourager la désobéissance civile et essayer d'entraver ces discussions sur le libre-échange.
Pourriez-vous me dire si certaines de vos organisations ou certains de vos membres ont été contactés, peut-être pas directement, mais ont appris, disons, que le gouvernement recherchait des commanditaires? Qu'en pense l'organisation? J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'idée que le gouvernement est en fait en train de financer des organisations qui ont clairement annoncé qu'elles allaient se livrer à de la désobéissance civile.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez, et que vous nous disiez quelles en sont les répercussions sur les entreprises qui s'efforcent de se comporter en bons citoyens et participent aux négociations?
M. Jason Meyers: À la fin de ses observations, M. Julian a mentionné les articles parus dans les journaux ces deux derniers jours, au sujet de deux entreprises commanditaires de certains événements du sommet. Eh bien, à ce sujet précisément, nous sommes très préoccupés par les nombreux malentendus colportés dans les médias au sujet à la fois des intentions des entreprises commanditaires et du rôle plus général de ces dernières.
Pour ma part, les entreprises pressenties pour commanditer les événements du sommet des Amériques ou toute autre négociation ou encore rencontre de dignitaires, font preuve de leur sens des responsabilités sociales en acceptant de le faire. Je ne vois rien à redire à cela.
D'ailleurs, la présidente du Conseil des Canadiens elle-même a participé à certaines des réceptions et des événements liés aux négociations de l'OMC à Seattle, qui étaient subventionnés par des sociétés du Canada et des États-Unis.
Je suis vraiment contrarié lorsque je vois des articles où l'on attribue des objectifs cachés aux entreprises du simple fait qu'elles commanditent des événements; on estime qu'elles cherchent à orienter le cours des négociations ou à diriger leur contenu. C'est tout simplement faux.
M. Gary Lunn: Une dernière question, si vous me permettez, madame la présidente.
M. Julian s'est abondamment exprimé sur la question, vous ne serez donc pas étonné que je sois au courant de ce qu'il pense. D'ailleurs, son organisme a été très prodigue de ses avis, que je ne partage pas. En fait, j'estime qu'ils sont tout à fait erronés.
Cela dit, monsieur Meyers, je sais que vous connaissez très bien l'ALENA. Quelles en ont été les répercussions? Pour ma part, je sais que nous enregistrons chaque année un excédent commercial de plus de 95 milliards de dollars. Pouvez-vous nous dire quels ont été les effets de l'ALENA sur le Canada, et plus précisément sur l'emploi et les entreprises, depuis son entrée en vigueur?
M. Jason Meyers: Très brièvement, sans la participation du Canada à l'ALENA, et sans un accord de libre-échange, au cours des 10 dernières années, nous n'aurions pas connu ni le taux de croissance observé de l'économie, ni un tel accroissement de l'emploi et de l'investissement.
• 1000
Au cours des discussions qui ont mené à l'Accord de libre-
échange entre le Canada et les États-Unis de 1989, puis à l'ALENA,
de nombreux adversaires du libre-échange ont affirmé que des
secteurs entiers de l'économie canadienne disparaîtraient. On
disait en particulier que celui de la fabrication ne pourrait
demeurer concurrentiel.
Eh bien, depuis 1993, dans le seul secteur de la fabrication, on a créé 650 000 nouveaux emplois, la majorité parce que les compagnies disposent maintenant d'un marché beaucoup plus vaste vers lequel exporter et pour lequel concevoir de nouvelles technologies.
Compte tenu de la taille relativement faible du marché canadien, l'ALENA a permis aux compagnies de prendre de l'expansion. Il a surtout offert un accès sûr au marché le plus vaste et le plus dynamique au monde. Maintenant, nous en faisons partie intégrante. En effet, 60 p. 100 des produits fabriqués au Canada sont exportés aux États-Unis, on peut donc dire que la mondialisation ou l'intégration des entreprises canadiennes est chose faite aujourd'hui. Bien sûr, nous avons besoin de règles qui nous donnent un chance équitable de tirer notre épingle du jeu en matière de relations commerciales, et le Canada participe à leur élaboration.
Cela dit, si l'on se reporte aux indicateurs économiques et aux statistiques, si l'on tient compte de la croissance de l'emploi et de la réaction de nos membres qui commercent maintenant avec le monde entier, et non seulement avec les pays signataires de l'ALENA, on peut dire que cet accord de libre-échange a été très bénéfique pour l'économie canadienne. Enfin, il est difficile de contester cela lorsqu'on observe dans quel secteur se créent les emplois aujourd'hui.
Le président: Merci beaucoup. Monsieur Paquette.
[Français]
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci. Merci beaucoup pour vos présentations.
Pour le bénéfice du comité, avant de poser ma question à M. Meyers, je veux rappeler que le Sommet des peuples des Amériques regroupe toutes sortes de composantes qui ne sont pas toutes contre le libre-échange. Il y aura un forum des parlementaires le 17 mars. J'y serai et je pense que Francine Lalonde y sera aussi, ainsi que peut-être d'autres parlementaires de la Chambre des communes. Personnellement, je suis pour le libre-échange.
Cela dit, on a maintenant l'expérience de deux accords avec les États-Unis et le Mexique et on peut tenir compte des leçons du passé, en particulier en ce qui concerne le chapitre 11. Je poserai d'ailleurs une question à M. Johnson là-dessus.
Donc, il y a le Sommet des peuples des Amériques, dont le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec subventionnent très minimement la tenue, mais il y a aussi une contrepartie au plan des affaires, soit le Forum des hommes d'affaires, qui se réunira à Buenos Aires au début du mois d'avril.
Je voudrais savoir si l'alliance fait partie de ce Forum des hommes d'affaires. Je voudrais aussi savoir comment est composée la délégation canadienne des hommes d'affaires à ce forum, qui est d'ailleurs reconnu par le Sommet des chefs d'État comme un interlocuteur, alors que le Sommet des peuples des Amériques n'est pas encore reconnu comme un interlocuteur pour ce qui est du reste de la société civile. Est-ce que vous faites partie de ce forum et est-ce que vous avez de l'information à nous donner sur la composition de la délégation canadienne au Forum des hommes d'affaires?
[Traduction]
M. Jason Meyers: Le Forum des hommes d'affaires, qui accompagne d'habitude les réunions des ministres responsables du commerce international lors des négociations relatives à un Accord de libre-échange, se réunira à Buenos Aires au début du mois. Nous sommes des membres très actifs de ce groupe, à la manière d'autres organisations d'affaires comme la Chambre de commerce. Cela fait quelque temps déjà que nous participons sérieusement à ce genre de réunions.
Bon nombre des principaux exportateurs canadiens, qu'il s'agisse de grandes ou de petites entreprises, viennent aussi à ces rencontres. Cela crée des réseaux extrêmement utiles pour les gens d'affaires, mais les réunions nous permettent également d'échanger des idées. À cet égard, la rencontre tenue à Toronto l'année dernière a été l'occasion d'échanges très positifs sur certains enjeux qui débordent les considérations strictement commerciales comme par exemple les normes en matière de travail et de protection de l'environnement.
Les compagnies et les associations viennent à ces tribunes parce qu'elles estiment que les réunions sont importantes et aussi parce que les frais sont à la charge de la compagnie ou de l'association. Encore une fois, les participants ne bénéficient certainement d'aucune aide ou subvention gouvernementale.
[Français]
M. Pierre Paquette: Combien de Canadiens participent habituellement à ces rencontres?
[Traduction]
M. Jason Meyers: Je n'en suis pas sûr. Il semble que moins de gens vont se rendre à la rencontre de Buenos Aires cette année. Cela tient en partie au fait que malgré tout l'attrait que représente cette ville, elle est située bien loin. C'est aussi parce que d'autres événements vont réunir les gens d'affaires de l'hémisphère à Québec, à Montréal et dans d'autres tribunes. Quoi qu'il en soit, je crois que les gens d'affaires du Canada ne seront qu'une vingtaine, mais je ne sais pas vraiment combien il y en aura.
M. Pierre Paquette: Je voudrais poser des questions à M. Johnson et peut-être à M. Julian sur le chapitre 11 de l'Accord de libre-échange nord-américain. On dit souvent que l'Accord de libre-échange nord-américain est l'un des plus «verts». Par contre, on constate que 98 p. 100, je crois, des poursuites d'entreprises en vertu du chapitre 11 portent sur des questions environnementales. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus. Est-ce qu'on devrait s'inspirer du chapitre 11, dans le cadre de la Zone de libre-échange des Amériques, pour un accord sur les investissements?
M. Pierre Marc Johnson: Ma réponse est non. En principe, le chapitre 11 a été conçu—il est encore un peu mystérieux quant à son origine et aux motivations de ceux qui se sont battus pour qu'il soit inclus—pour protéger des entreprises de situations où elles pourraient être expropriées sans indemnité, contre une intervention parfaitement discrétionnaire d'un État ou d'un gouvernement. On peut imaginer que des dispositions de ce type étaient conçues pour s'appliquer probablement au niveau de l'OMC, dans le but de mettre à l'abri des décisions discrétionnaires des États un certain nombre d'entreprises investissant dans des pays en voie de développement; on peut reconnaître que la règle de droit ne prévaut pas dans un certain nombre d'entre eux. Ce n'est pas le cas des États-Unis, non plus que celui du Canada ou celui du Mexique et, pourtant, ces dispositions ont été incluses dans l'ALENA.
L'effet net de cette disposition a été de permettre à des entreprises américaines ou canadiennes de contester des décisions provenant d'un des États en alléguant qu'une législation environnementale avait pour effet, à toutes fins pratiques, d'exproprier cette entreprise.
Je suis de ceux qui, avec les analystes de l'Institut international du développement durable, avec Konrad von Moltke, le grand spécialiste de ces questions, qui est un Européen mais qui travaille à la fois aux États-Unis et à Winnipeg, sont d'avis que cette disposition connaît en ce moment une application qui n'était pas l'intention des gouvernements.
Il s'agit de voir comment elle se réglera. Il faut dire qu'un certain nombre de forces économiques voudraient son maintien, mais je pense qu'au niveau du gouvernement américain, du gouvernement canadien et même du gouvernement mexicain, il y a un agacement devant la réaction des panels dans l'interprétation des dispositions du chapitre 11, ce qui pourrait fort bien les amener, dans le cas de l'ALENA, à simplement émettre une directive des trois ministres responsables qui lierait à toutes fins pratiques les panels pour l'avenir. On n'est pas obligé de modifier l'accord. Les trois ministres peuvent s'entendre sur une lettre d'interprétation ou un accord d'interprétation et, à ce moment-là, les panels ne pourraient plus permettre que s'applique le principe suivant: «le pollueur paie» devient «tu paies le pollueur».
[Traduction]
Le principe selon lequel «le pollueur paie» se verra peut-être supplanté par celui selon lequel «tu paies le pollueur».
[Français]
En ce sens, je crois que l'immense majorité des négociateurs, des gens reliés à cette négociation sont d'accord pour dire qu'il y a là une interprétation abusive, par les panels, de ce qu'étaient les intentions du gouvernement.
Maintenant, le problème qui va se poser dans le cadre des Amériques, c'est qu'on peut penser que le Canada, les États-Unis et d'autres pays parmi les plus développés de l'Amérique latine voudront se prémunir contre des interventions discrétionnaires d'autres États qui appartiennent à l'hémisphère. Ils seront peut-être tentés de prendre les dispositions du chapitre 11. S'ils le font, souhaitons que ce soit encadré d'une façon telle que ça empêche les abus que je viens de décrire.
Le président: Aimeriez-vous ajouter quelque chose à cela, très brièvement?
[Français]
M. Peter Julian: Oui.
Le président: Mais assez brièvement parce qu'on a largement dépassé le temps alloué à cette question.
M. Peter Julian: Il faut dire que le chapitre 11 touche plusieurs aspects. Les poursuites qu'on a vues jusqu'à maintenant, notamment celles de Methanex et de Metalclad, touchent l'environnement. Mais d'autres poursuites qui sont en train d'émerger ont des implications plus larges. Il y a, par exemple, UPS et sa poursuite qui vise les services postaux. Il y a la poursuite de Sun Belt qui vise l'exportation d'eau.
Le chapitre 11 est plus large que les poursuites. Il a aussi pour effet de refroidir les ardeurs des gouvernements parce qu'ils savent très bien qu'ils pourraient être assujettis, en adoptant certaines lois, à toutes les choses qui sont énoncées au chapitre 11. C'est un débat qu'on veut avoir. M. Meyers a fait allusion à Mme Barlow plus tôt. Il voulait insinuer quelque chose, mais ce ne sont pas les attaques personnelles qui vont résoudre cette question; pour cela, il faut un débat de fond. Nous sommes prêts à nous engager dans un débat sur le chapitre 11 et sur tous les aspects de la ZLEA qui s'en vient.
Le président: Merci.
[Traduction]
Madame Marleau.
Mme Diane Marleau (Sudbury, Lib.): Permettez-moi d'abord de féliciter Transparency International. Je me réjouis de sa présence ici car dans le passé j'ai eu l'occasion de travailler avec ses représentants. J'espère qu'il va s'étendre encore davantage. La corruption est en effet un problème très grave, et l'organisme a raison d'affirmer qu'il faut s'y attaquer d'une façon ou d'une autre.
Lorsque nous parlons de la règle de droit, c'est précisément cela que nous disons, à savoir que nous avons besoin de règles transparentes. J'espère donc que Transparency International va continuer à suivre tous ces accords commerciaux et le règles en vigueur dans tous les pays avec lesquels nous commerçons. J'estime aussi que les relations entre nos pays nous aident à cet égard, mais n'empêche qu'il reste encore énormément de travail à faire.
Je tenais simplement à dire quelques mots au sujet de Transparency International et à souhaiter que nous allons continuer de l'appuyer, avec des dons en argent et aussi par d'autres moyens. Et ce ne sont pas des pots-de-vin. Je sais que vous avez besoin d'argent pour faire votre travail.
J'aimerais maintenant poser une question à M. Julian. C'est bien beau de s'opposer à tout. Vous avez parlé de nos agriculteurs et des difficultés qu'ils connaissent en raison de la situation internationale et de certaines subventions, et vous avez raison. Cependant, renoncer à un accord commercial n'y changerait rien. Cela risquerait même de diminuer l'emprise que nous avons sur quoi que ce soit. N'estimez-vous pas que des règles raisonnables et certains mécanismes d'exécution seraient plus favorables à nos agriculteurs en fin de compte? Je ne comprends pas sur quoi vous vous fondez. Est-ce parce que nous érigeons des murs?
Je représente la circonscription de Sudbury, dont la base économique est l'exploitation de mines de nickel. J'aimerais bien que la vente de ce métal nous rapporte toujours beaucoup d'argent à Sudbury. Dans les faits cependant, il y a peu de gens chez nous qui peuvent en acheter. Nous le vendons donc ailleurs, et c'est ainsi que nous survivons. J'aimerais penser que les règles commerciales nous aideront à continuer à vendre du nickel. Elles ne font pas partie de l'accord de libre-échange et le métal est échangé sur le marché international, mais je vous citais cela à titre d'exemple.
Votre point de vue me semble presque simpliste, puisque vous songez à revenir à l'époque où nous pouvions oublier le reste du monde. Cette époque est révolue. Je préfère être à la table, à essayer de faire adopter des règles que nous pouvons suivre, qui seront transparentes et qui peuvent nous aider. Oui, il y a des problèmes et oui, nous devons nous en occuper, et nous continuerons à le faire, mais de fermer les yeux en s'opposant à tout ne nous mènera nulle part. Pourquoi prendre cette position, si ce n'est que pour être dans l'opposition? J'ai été dans l'opposition et cela peut être bien amusant, mais pas très constructif.
M. Peter Julian: Merci pour votre question.
Il est très clair que nous sommes en faveur du libre-échange avec réciprocité. Les préoccupations que nous soulevons aujourd'hui et que nous avons soulevées au cours des derniers mois sont très légitimes et font partie de la politique gouvernementale.
• 1015
Les affaires juridiques se rapportant aux dispositions sur les
États et les investisseurs du chapitre 11 sont maintenant du
domaine public. Si l'opinion publique s'est réveillée au sujet de
l'ALENA, je crois que c'est en grande partie grâce aux litiges se
rapportant au chapitre 11, qui vont bien trop loin dans leur
incidence sur la capacité des administrations municipales, et peut-
être même des gouvernements provinciaux, et des gouvernements
fédéraux de légiférer sur des questions dans l'intérêt des citoyens
ordinaires.
Un système fondé sur des règles, c'est bien beau, mais il faut savoir dans l'intérêt de qui les règles ont été énoncées. Avec l'ALENA, et aussi l'orientation que prend la ZLEA, on voit un système fondé sur des règles qui favorise les entreprises. Il n'est pas dans l'intérêt du public d'éviscérer les protections environnementales et les services publics, ni d'adopter des accords commerciaux comme l'ALENA et ce qui se fait dans le cadre de la ZLEA.
J'ajouterai que, comme vous le savez sans doute, il y a eu un mouvement d'opposition mondial au genre d'accord de libéralisation des échanges que proposait l'AMI.
La solidarité internationale croît. À Québec, il y aura des délégués de l'Amérique du Sud et de l'Amérique centrale qui s'opposeront à la façon dont est élaborée la ZELA, et aux orientations politiques qui y sont associées. Après notre lutte pour défaire l'enchâssement des droits des entreprises, nous espérons pouvoir construire un régime de libre-échange avec réciprocité qui sera vraiment à l'avantage des habitants de notre pays et de l'hémisphère.
Mme Diane Marleau: Puis-je ajouter encore une chose? Il n'y a pas une seule entreprise à la table. Je ne suis pas une entreprise, lui non plus, ni aucune de ces personnes, à moins qu'ils travaillent pour elles en coulisse. Nous sommes certainement là pour faire ce qu'il y a de mieux pour le pays. Il faut un point de départ.
Vous parlez de l'environnement. Nous avons pris conscience de l'environnement avant que quiconque en parle et nous sommes intervenus. J'ose croire qu'au niveau international, nous pourrons faire bénéficier les autres pays de cette expérience et des leçons tirées du nettoyage de notre environnement.
Ma question s'adresse à Pierre Marc Johnson. Nous craignons que les États-Unis, comme on le prétend, ne respecteront pas le protocole de Kyoto, qu'ils ont conclu. J'aimerais qu'on ne puisse permettre à des pays, dont le Canada, de revenir sur les promesses faites à l'égard de l'environnement. Après tout, l'environnement, c'est autre chose. Peu importe où on pollue. Au bout du compte, tout le monde paie la note. Nous devons donc être à la table pour nous assurer que les règles garantiront qu'il y aura moins de pollution et que nous pourrons protéger nos citoyens encore plus que maintenant.
Merci.
[Français]
J'aurais dû vous demander cela en français. Je m'excuse.
[Traduction]
M. Pierre Marc Johnson: Pas de problème. Je répondrai dans la langue que vous avez employée pour votre question, madame.
Je crois que la lettre du président Bush à quatre sénateurs, dans laquelle il affirme qu'à son avis le CO2 n'est pas un polluant, est un grave recul sur le plan politique. Dans cette lettre, le président Bush n'a pas déclaré qu'il revenait sur l'engagement de réduction des émissions de gaz carbonique. Il a parlé précisément de la question des émissions de gaz carbonique dans la production d'électricité. C'est tout de même une source de grande préoccupation pour ceux qui croient à la validité des instruments internationaux comme le Protocole de Kyoto. Le Canada adopte habituellement sa position en tenant compte des intentions des États-Unis. Nous ne suivons pas toujours celle des États-Unis, mais il faut la prendre en compte pour des raisons évidentes, des raisons politiques, économiques et géopolitiques. C'est donc un recul du point de vue nord-américain, pour la lutte aux émissions de gaz carbonique.
L'autre effet de cela, malheureusement, c'est d'envoyer un message négatif au reste de l'hémisphère, portant que les États- Unis ne sont pas tellement préoccupés par les questions environnementales dans le cadre de la négociation d'une zone de libre-échange hémisphérique.
• 1020
Au cours des derniers mois, j'ai recueilli les propos de
négociateurs latino-américains, à qui j'essayais de dire ce que
devrait être l'accord au sujet de l'environnement. Je ne pouvais
simplement pas m'y opposer. Je parlais de la façon dont ces
questions doivent être intégrées aux négociations. Un des
négociateurs latino-américains, un très haut fonctionnaire d'un
pays latino-américain, m'a récemment demandé pourquoi diable on
mettrait sur la table des questions environnementales, si les
États-Unis ne s'y intéressent pas.
Je pense que cela ouvre une porte très importante pour le Canada. Le Canada ne pourra jamais jouer le même rôle que les États-Unis, pour ces questions, parce qu'il n'a pas le même poids, parce qu'il ne représente pas 75 p. 100 du marché de l'hémisphère, comme les Américains. Par contre, nous avons là l'occasion de faire preuve de leadership sur cette question pour notre pays.
Le président: Merci beaucoup, monsieur. C'était très utile.
Monsieur Casey.
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Pour commencer, monsieur Johnson, je dois dire que je n'ai jamais vu huit pages aussi édifiantes que celles que vous nous avez remises. C'est incroyable toute l'information qui s'y trouve.
Ce que vous venez de dire montre bien le défi qu'il faut relever. Un pays représente 75 p. 100 du PIB, cinq pays représentent 95 p. 100, et les 29 autres sont tellement petits. On peut donc vraiment se demander s'il est possible pour ces pays géants d'imposer ainsi les règles à de petits pays, sans régimes fiscaux ni revenus autres que les tarifs et les droits de douane. Quelles sont les chances de réussite?
M. Pierre Marc Johnson: Eh bien, on pourrait passer beaucoup de temps à parler d'analyse et de théorie économique, mais en résumé, la tendance favorisant le libre-échange vient de trois sources. Tout d'abord, le point de vue idéologique et philosophique selon lequel une augmentation du commerce mènera à l'accroissement de la prospérité, et par conséquent, du bien-être des gens. C'est un point de vue légitime.
Deuxièmement, il y a le sentiment profond que le monde dans lequel nous vivons, c'est beaucoup plus que le mouvement des marchandises, notamment à cause de la technologie et de la mondialisation. C'est aussi le mouvement des capitaux, le mouvement des idées, le mouvement des personnes, le mouvement des données, en grande partie grâce aux moyens technologiques modernes. C'est ce qui distingue la période de la mondialisation de celle de la Renaissance ou du XIXe siècle. À cause de la mondialisation, les États-nations doivent s'adapter à un environnement dans lequel il y a de plus en plus de contraintes, parce que nous vivons ensemble.
Le troisième élément est assez simple. Il s'agit de la concentration du capital. Comme on le voit dans le cas du bois d'«uvre, ces jours-ci, aux États-Unis, il y a un fort courant protectionniste, mais les États-Unis prêtent aussi l'oreille à la concentration du capital dans le monde, ils croient fermement dans les deux idées que je viens d'énoncer, en plus de tenir à l'idée du profit, profit dont ils sont les principaux bénéficiaires, en raison de l'accroissement des activités. Cela signifie le déploiement de forces gigantesques en faveur de la mondialisation.
Le problème vient de ce que... dans la société américaine, aux États-Unis, des forces énormes s'expriment au Congrès, au Sénat, dans un régime politique très différent du nôtre, et que ces forces souhaitent que la mondialisation tienne compte de ces grands enjeux, dans l'environnement, l'égalité sociale, les droits de la personne, parce que c'est une société très ouverte. C'est une société dans laquelle, tout comme au Canada, la liberté d'expression est très forte. Ces intérêts existent là-bas.
• 1025
Ces forces s'expriment de deux façons. Il y a d'abord la façon
traditionnelle, et je dirai que le Conseil des Canadiens en est
peut-être le pendant canadien. On y exprime une opposition radicale
à la libéralisation des échanges commerciaux, même s'il peut y
avoir parfois des nuances dans la façon de le faire. Mais on ne
propose aucune solution.
L'autre approche consiste à tenir compte de ces facteurs, à aller chercher les éléments les plus dynamiques des sociétés—y compris de la société américaine—de regrouper certaines des valeurs véhiculées par la société civile aux États-Unis et au Canada et à réunir suffisamment de puissance pour amener les dirigeants des Amériques à être plus sensibles à ces questions, par divers moyens. Il y a notamment le sommet des peuples, à Québec, dont le symposium que j'ai l'honneur de présider fait partie, ainsi qu'une série de réunions qui, nous l'espérons, secoueront les négociateurs commerciaux qui ont eu la surprise de leur vie à Seattle. Leurs ministres leur ont demandé ce qui avait bien pu se passer, car ils ne s'y attendaient pas. Les groupes environnementaux et d'autres groupes, dont le Conseil des Canadiens, s'y attendaient parce qu'ils en étaient en grande partie les promoteurs.
Même aux États-Unis, la société civile déclare de plus en plus que le processus ne peut pas se limiter seulement au commerce. Il doit tenir compte d'autres dimensions de la vie sociale dans tous nos pays. En fin de compte, les États-Unis continueront de jouer un rôle important puisqu'ils représentent 75 p. 100 du marché.
L'un des moyens pour les Canadiens de favoriser un processus dans lequel la domination américaine ne sera pas aussi unilatérale consiste à prôner des processus multilatéraux, dans lesquels nous nous sentons à l'aise, où nous pouvons trouver des alliés et dans lesquels nous pouvons parfois diluer un peu certaines des aspirations de nos amis du Sud, qui sont parfois un peu trop dominateurs.
Le président: Merci.
Monsieur Patry.
[Français]
M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Merci. J'ai une question pour M. Johnson.
On sait très bien qu'au départ, dans l'orientation de la ZLEA, il y avait quatre principes, dont l'un était de garantir le développement durable et tout ce qui est relié à l'environnement. On connaît actuellement toutes les difficultés inhérentes, avec la société civile, l'environnement, le droit du travail et tout cela.
Maintenant, dans le document de travail que vous nous avez fourni, Au-delà du commerce international, vous faites un genre de rapprochement entre l'Organisation mondiale du commerce et la Zone de libre-échange et vous nous dites:
-
On devra favoriser l'imbrication de ces deux
processus pour régler les questions d'harmonisation en
suspens.
Maintenant, on sait très bien que le Sommet des Amériques de Québec est simplement une étape de la ZLEA. Qu'attendez-vous vraiment de ce sommet? Quelles sont les possibilités du Sommet des Amériques de faire avancer tout ce qui est du domaine de l'environnement? Quelles déclarations les chefs d'État devraient-ils faire pour rallier le milieu de l'environnement à ce Sommet des Amériques? Pour vous, est-ce que, dans le cadre de la ZLEA, il y aura une perte de souveraineté aussi grande qu'à l'OMC, si la ZLEA se réalise?
M. Pierre Marc Johnson: Il n'y a pas de libre-échange sans diminution de la souveraineté. Il n'y a pas de libre-échange ou de mondialisation sans une perte verticale de la souveraineté, une perte vers le haut en faveur des régimes internationaux, que ce soit en matière commerciale, d'environnement ou d'autres secteurs, et parfois une perte vers le bas pour les États centraux, dans la mesure où ils doivent s'en remettre beaucoup, dans l'application de ces systèmes, à des niveaux de gouvernement qui sont les États de la fédération ou parfois même les communautés locales dans certains cas. À moins qu'on rêve d'un monde qui est fait de 187 gouvernements qui se réunissent et qui n'est pas fait de communautés humaines, il n'y aura pas de mondialisation sans perte de souveraineté.
Deuxièmement, à quoi doit-on s'attendre à Québec? Les dimensions environnementales me semblent, à ce jour, insuffisamment prises en compte. Je dis qu'elles semblent insuffisamment prises en compte, mais encore une fois, je n'ai pas vu les textes. En principe, on ne les a pas vus. Il semble cependant que M. Julian y ait eu un accès privilégié. Il semble être convaincu qu'un certain nombre de choses sont contenues dans les textes. Ce qu'on me dit, c'est qu'il y a beaucoup de parenthèses et de crochets dans ces textes. Donc, il n'y a encore rien de définitif. Cette négociation va durer encore un certain temps, mais il semble, selon les échos qu'on en a, qu'il y ait malheureusement peu de chose qui touche à l'environnement jusqu'à maintenant.
• 1030
Il faudrait souhaiter qu'à Québec, en plus du volet
démocratique, qui est fondamental, en plus du volet
commercial, qui est central et qui est essentiel à ce
qui se passe là, le volet de l'équité sociale—il faut
dire que le volet des
droits humains sera couvert en bonne partie par
le volet de la démocratie—et
celui l'environnement soient pris
en compte.
Prendre en compte, ça veut dire qu'il faut d'abord et avant tout que les chefs d'État le reconnaissent publiquement et envoient des signaux clairs à leurs négociateurs, leur disant qu'ils veulent qu'on tienne compte d'un certain nombre de ces choses.
J'ouvre tout de suite une parenthèse. Il y a deux résistances à ça. Il y en a une première qui est de nature purement technique ou institutionnelle. Un accord de libre-échange en matière commerciale s'exprime par un instrument juridique simple, connu depuis la Deuxième Guerre mondiale. Dans le contexte du GATT et maintenant dans le contexte de l'OMC, il y a des instruments juridiques clairs qui s'expriment à partir d'une limite que les États s'imposent dans l'exercice de leur souveraineté d'une façon telle qu'ils influenceraient le commerce. Ce sont des règles connues, simples, des quantités certaines pour les négociateurs.
Quand on arrive dans le domaine de l'équité sociale, des droits humains et dans le secteur de l'environnement, c'est déjà plus flou. L'avantage qu'on a dans le secteur de l'environnement par rapport aux deux autres sujets, c'est qu'il y a déjà, dans le cadre de l'hémisphère, 242 accords bilatéraux ou multilatéraux dans le secteur de l'environnement. Déjà là, il y a tout un corpus juridique intéressant. Il faudrait que les chefs d'État s'intéressent à cela.
Permettez-moi de le dire: cessez de laisser ces enjeux strictement entre les mains des ministres de l'Environnement, qui en ont plein les mains sur le plan domestique et qui, en général, un peu par mission, n'ont pas à peser très lourd dans la politique étrangère des États. Il faut donc que les chefs d'État eux-mêmes et les chefs de gouvernement se saisissent de ces enjeux et envoient ainsi à l'ensemble de leurs appareils des signaux clairs pour que ces gens génèrent un corpus juridique qui soit intéressant et bien harmonisé avec celui du commerce.
[Traduction]
Le président: Je vais donner la parole à M. Martin puis revenir à M. Patry.
Monsieur Martin.
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, AC): Merci beaucoup. Merci beaucoup d'être venu nous rencontrer aujourd'hui.
Monsieur Julian, si vous me le permettez, j'ai toujours eu un peu de difficulté à bien comprendre votre position. Mme Marleau l'a très bien expliquée.
Je me suis rendu en Colombie et je suis revenu hier soir du Soudan. Comme vous le savez, la pauvreté dans ces pays a des proportions d'épidémie. En Colombie, les pauvres campesinos cultivent le pavot et la coca pour en faire de la drogue. Mais ils veulent cesser ce type de culture. Ils veulent des emplois et ils veulent cultiver autre chose qu'ils puissent exporter.
À première vue, la position de votre organisme semble raisonnable. Je crois toutefois que votre position nuit aux gens que vous prétendez aider, c'est-à-dire les plus pauvres du monde. Vous dites que vous voulez le libre-échange et un commerce équitable, et c'est exactement ce qu'on essaie de négocier.
Je trouve étonnant que... à Seattle, on essayait d'élaborer des lois environnementales stables et équitables, des lois équitables en matière de main-d'oeuvre, lois qui n'existent pas dans bon nombre de pays où l'on maltraite les plus pauvres des pauvres. On essayait d'éliminer les obstacles au commerce, entre autres les obstacles tarifaires et non tarifaires, ainsi que les régimes de double imposition. On essayait d'éliminer les obstacles au commerce qui aident notre pays mais qui aident encore plus les plus pauvres et notre hémisphère—sinon du monde.
L'échec de tout ce mouvement est peut-être attribuable à un manque de transparence, au fait de ne pas avoir déposé de positions préliminaires et, peut-être aussi, au manque d'inclusion structurée des gens appartenant à des groupes ruraux. C'est peut-être pour cela que le système a échoué. Mais au lieu d'appuyer l'obstruction et l'opposition au débat sur ces questions dans ces réunions, pourquoi les gens de votre organisme ne trouvent-ils pas le moyen de participer à ces débats? Pourquoi vous opposez à une élimination des obstacles commerciaux qui seraient favorables aux plus pauvres de notre hémisphère?
M. Peter Julian: Vous avez raison quand vous dites que le processus a échoué. Je ne suis pas d'accord avec vous quant aux raisons.
À Seattle, par exemple, ce sont les délégués du tiers monde qui se sont sentis bousculés à bien des égards et qui ont participé à ce qui a provoqué l'échec des négociations du millénaire. Des accords commerciaux existent depuis maintenant un certain nombre d'années et nous pouvons constater que leurs promesses de prospérité ne se sont pas réalisées. Dans mon exposé—avant que vous n'arriviez—j'ai dit que huit ans après avoir signé l'ALENA, qui était supposé amener la prospérité au Mexique, ce pays compte maintenant le taux de pauvreté le plus élevé, 70 p. 100. Ceux qui gagnent le salaire minimum moyen ont perdu plus des trois quarts de leur pouvoir d'achat au cours de cette période.
Il s'agit donc d'un régime fondé sur des règles, mais on peut se demander, comme je l'ai déjà dit, qui est favorisé par ces règles si l'on considère les taux records de pauvreté du Mexique et qu'on peut lire dans les journaux du Canada, comme c'était le cas la semaine dernière, que le fossé entre les plus riches et les plus pauvres au pays s'est creusé d'une façon effarante au cours des 15 dernières années, d'après les dernières études sur la sécurité financière, durant les 15 années de régimes commerciaux. La moitié des familles détenait 94 p. 100 de toute la richesse du pays et l'autre moitié n'en avait que 6 p. 100.
Il existe un énorme fossé entre les riches et les pauvres au Canada. Au Mexique, le taux de pauvreté est inégalé. Oui, on peut parler de commercialisation et d'accords de libre-échange, de la prospérité sans précédent que ces accords amèneront. Dans les faits, la réalité est bien différente. Comme je l'ai déjà mentionné, si l'appui aux accords de libre-échange commence à fléchir, comme c'est le cas par exemple pour l'ALENA, c'est en partie parce que la population, les citoyens, commencent à constater la différence entre la rhétorique et la réalité.
M. Keith Martin: Monsieur Julian, c'est loin d'avoir été un échec. Si vous constatez des échecs dans le système, comme vous l'avez mentionné—j'estime pour ma part que cela a été plutôt une réussite—je propose que vous discutiez de nouveau avec les Mexicains. Au Mexique, la classe moyenne a beaucoup augmenté et les conditions de vie des plus pauvres du pays se sont améliorées. Vous devriez peut-être vérifier vos statistiques.
Pour conclure, je dirai que Kofi Annan a déclaré que les pays en développement n'ont pas besoin d'aide mais plutôt de commerce. Ils ont besoin d'une plus grande libéralisation des échanges commerciaux. C'est dans des pays comme l'Albanie, l'URSS et les pays de l'ancien Bloc de l'Est qu'on trouve le contraire de ce que préconise mon parti. Ces pays sont le meilleur exemple du contraire du libre-échange, de ce que nous essayons d'obtenir. J'espère que vous vous joindrez au mouvement et que vous essaierez de rendre le commerce plus équitable plutôt que de répandre des craintes et d'employer auprès de la population canadienne des arguments qui, malgré tout le respect que je vous dois, sont souvent exagérés ou faux.
Le président: S'agit-il d'une affirmation ou d'une question?
M. Peter Julian: C'est bien une question, car cela me donne l'occasion d'y répondre.
Nous sommes d'accord sur le fait qu'un commerce équitable serait bénéfique pour le monde. Toutefois, rien de ce que j'ai dit aujourd'hui, rien de ce qu'on trouve dans les documents que nous avons distribués et rien de ce qui a été discuté dans tout le pays lorsque les citoyens, la population, se sont réunis pour discuter de la ZLEA et des préoccupations qui en découlent, rien de toute cela ne se fonde sur autre chose que sur les faits. Le fossé entre les riches et les pauvres se creuse à un rythme effarant au Canada—c'est indéniable.
Des poursuites opposant des investisseurs à des États sont déjà en cours, sur le régime du chapitre 11, et elles ont des effets énormes sur les lois environnementales, peut-être aussi sur les services, sur les exportations d'eau. On parle du Mexique et des effets de l'ALENA sur le Mexique. Je crois que vos statistiques sont peut-être inexactes, puisque les nôtres se fondent sur les études qui ont été réalisées depuis l'adoption de l'ALENA.
On voit donc dans les faits, que la rhétorique de ces accords de libre-échange ne correspond pas à la réalité.
Le président: Vous pourriez peut-être nous aider, si vous possédez des documents qui montrent le lien entre le libre-échange et l'augmentation de cet écart, ou s'il existe d'autres facteurs qui causent ce phénomène. C'est ce que je ne comprends pas. Je comprends ce que vous dites, mais je n'en suis pas certain. Il est peut-être vrai que l'ensemble de la société s'est enrichi et que l'écart s'est accru, mais cela ne signifie pas nécessairement que c'est l'Accord de libre-échange qui en est responsable. Cela peut bien être dû à d'autres facteurs sociaux au pays. Nous vivons dans un monde très complexe, dans lequel toutes sortes de facteurs entrent en jeu. Cela fait partie du problème que nous avons à comprendre cet argument.
Monsieur Paradis, puis madame Lalonde.
[Français]
M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. D'abord, je tiens à remercier l'ensemble des témoins pour leurs présentations.
Je commence par une citation tirée du texte Au-delà du commerce international de Pierre Marc Johnson.
-
C'est ainsi qu'en dernière analyse, il revient aux
chefs d'État et aux ministres de leur
gouvernement [...]
d'engager résolument la mondialisation dans une voie à
visage plus humain.
Par rapport à la Zone de libre-échange des Amériques que nous envisageons, le Canada jouit d'atouts extraordinaires. Nous avons, au pays, deux systèmes de droit: le droit civil et le common law. Nous avons la culture latine qui cohabite avec la culture anglo-saxonne. De plus, nous sommes à proximité des États-Unis, ce qui fait que, pour le commerce, nous sommes beaucoup plus près des États-Unis que peuvent l'être l'Argentine, le Brésil, le Chili, etc. Le Canada se trouve donc dans une situation certainement privilégiée, par rapport au commerce, dans une future Zone de libre-échange des Amériques.
Ma question s'adresse à M. Johnson. Vous avez parlé plus tôt de la présence du Canada dans les accords multilatéraux en disant que le Canada pouvait faire beaucoup là. Compte tenu des deux systèmes de droit qui sont propres au Canada, compte tenu de ses deux cultures, compte tenu aussi de sa proximité du marché américain, comment le Canada pourrait-il se présenter davantage comme le facilitateur dans les dossiers de droits de l'homme, dans les dossiers de démocratie, dans les dossiers d'environnement, dans tous ces dossiers non commerciaux? Comment peut-il faire plus dans ces dossiers?
M. Pierre Marc Johnson: Il faudrait apprendre l'espagnol.
Une voix: C'est excellent!
Le président: Monsieur Johnson, vous pourriez peut-être recommander au Parlement de nous aider à apprendre l'espagnol.
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Je l'ai déjà demandé au Président. Sa réponse n'a pas été positive.
M. Pierre Marc Johnson: Ce que vous évoquez, monsieur le député, ce sont des réalités très importantes. Dans le fond, la présence des diplomates, des parlementaires, des spécialistes canadiens dans ces négociations peut faire évoluer la négociation, de temps en temps, dans une direction qui n'est pas, a priori, celle de nos voisins du Sud.
Un jour, un diplomate canadien, un des négociateurs de l'Accord de libre-échange qui avait été un des principaux artisans de l'ALENA, m'expliquait qu'en général l'approche canadienne se résumait à mettre sur la table trois pouces de demandes pour les voir tranquillement fondre pendant la négociation.
Il faut savoir mettre sur la table des enjeux qui sont un peu plus audacieux. Il faut approcher ces négociations sans trop de crainte, en acceptant d'y apporter des préoccupations qui touchent précisément les droits humains, l'équité sociale et l'environnement par la voix du chef du gouvernement, carrément.
Deuxièmement, il faut, très concrètement, que les équipes de négociation, qui ont traditionnellement été dominées par les spécialistes du commerce jusqu'à il y a deux ou trois ans, soient des équipes beaucoup plus larges de fonctionnaires, de diplomates, de consultants, de spécialistes qui viennent de secteurs autres que strictement celui de la négociation commerciale. Je crois comprendre que cela a commencé à se faire il y a un an ou deux, pour inclure ces préoccupations dans cet appareil bureaucratique très complexe, très technique et très imperméable. Tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas brisé ce cocon d'hyperspécialistes, on ne réussira pas à perméer ces enjeux dont on parle et qui sont des préoccupations de la plupart des hommes et des femmes politiques et des parlementaires dans les démocraties.
• 1045
Je disais tout à l'heure, à demi à la blague, qu'il
fallait apprendre l'espagnol. Il faut comprendre que la
plupart de nos amis latino-américains, autour de ces
enjeux, ont des réactions épidermiques. Ils voient
dans les préoccupations que nous avons en matière de
droits humains, d'environnement ou d'équité sociale
une atteinte directe à leur conception de la
souveraineté.
Deuxièmement, ils voient parfois dans nos préoccupations environnementales un instrument de politique commerciale au service des intérêts américains ou au service des intérêts canadiens. Ils nous disent que nous allons nous servir de l'environnement pour empêcher leurs produits de pénétrer sur nos marchés. Dans le fond, c'est une forme de protectionnisme que vous voulez nous imposer, disent-ils, alors que vous nous demandez d'ouvrir nos frontières à votre capital.
Il y a toutes sortes de sensibilités. Je crois qu'une des choses que le Canada doit faire, c'est de profiter au maximum de la présence du Mexique, qui a maintenant sept ans d'une pratique et d'un échange très concret de ce qu'est, d'une part, un accord sur le libre-échange, mais aussi, d'autre part, un accord sur les questions environnementales et sur les questions de relations de travail.
Il faut que le Canada et le Mexique jouent des cartes ensemble. Je souhaite voir beaucoup de réunions bilatérales entre le Canada et le Mexique dans les semaines qui viennent, avant le sommet, parce que le Mexique sera un intermédiaire exceptionnel, je crois, avec le reste de l'Amérique latine.
Le président: Merci.
Madame Lalonde.
Mme Francine Lalonde: Bonjour et merci à vous tous. Vous me permettrez de saluer en particulier Pierre Marc Johnson, avec qui j'ai eu le plaisir de travailler à une autre époque.
Monsieur Johnson, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt le texte que vous nous avez fourni. Je suis très contente, en particulier, de la conclusion. Vous me permettrez d'en lire deux phrases. Vous dites:
-
Les obligations en matière d'environnement et de
travail, associées à une éventuelle procédure accélérée
aux États-Unis,...
C'est le fast track.
-
...auraient une incidence significative sur l'architecture
de l'ALEA. Tout comme en 1992, pour l'ALENA, l'habileté
des ONG américaines à resserrer et mobiliser l'opinion
publique autour des questions environnementales, avec
pour toile de fond la campagne présidentielle, pourrait
faire la différence entre un accord «vert» ou «gris».
Ce que j'aime bien là-dedans, et vous l'avez dit à quelques autres moments de votre intervention, c'est que vous reconnaissez l'importance d'une mobilisation sociale pour faire en sorte que, par la voix du chef de gouvernement, s'expriment des politiques claires.
Cependant, les élections ont été gagnées par les républicains et on ne sait pas s'ils vont rechercher la procédure accélérée. Au Canada et au Québec, on essaie, à l'occasion du Sommet de Québec, de faire, avec le Sommet des peuples des Amériques, une mobilisation sociale. Cette mobilisation sociale est justement ce qui peut, quand elle est relayée entre autres par les parlementaires, aider le chef de gouvernement à préciser ses positions.
Sur l'environnement, qu'est-ce que vous souhaiteriez? Vous signalez deux pistes, mais quelle serait votre option préférée?
M. Pierre Marc Johnson: Sur l'environnement, je souhaiterais voir un préambule semblable à celui de l'ALENA, la règle de la prédominance des accords internationaux, une clause concernant les refuges de pollution et l'équivalent des chapitres 7 et 9 de l'ALENA. Pour moi, cela formerait un tout cohérent et consistant qui, soit dit en passant, n'a jamais posé aucun problème entre le Mexique, le Canada et les États-Unis pendant sept ans, mais a donné un cadre qui, comme le dit M. Julian, rend les gouvernements parfois timides d'agir. Si on les rend timides d'agir en matière d'investissements, pourquoi ne pas les rendre timides d'agir de façon négative en matière de pollution havens? Voilà ce que je vois comme premier élément.
• 1050
Le deuxième élément, c'est ce qui touche la coopération
au niveau de l'hémisphère. Je ne sais pas jusqu'où on
pourra aller d'ici le sommet pour développer des
instruments qui permettent une vraie prise en compte de
ce qui était évoqué par M. Martin tout à l'heure, quand
il évoquait le problème des pays les plus pauvres et
des situations les plus désespérées dans un certain
nombre de pays d'Amérique latine. Je crois que les
pays du Nord, les pays de l'OCDE, les pays riches comme
le sont les trois partenaires de l'ALENA, peuvent
apporter de l'expertise, des solutions techniques, des
transferts de connaissances, des transferts de
technologie dans beaucoup de situations en Amérique
latine.
Cela ne se réglera pas dans le cadre du FTAA.
Cela va se régler dans une série de politiques parallèles de
coopération.
Il sera cependant difficile d'amener les États-Unis et le Canada à adopter la même approche. Le Canada favorise en général des systèmes institutionnels multilatéraux. Les Américains aiment mieux les relations bilatérales, pour des raisons évidentes. Cela leur permet d'exercer leurs pouvoirs de façon beaucoup plus efficace. Quand vient le temps de parler de coopération environnementale entre une trentaine de pays, et nous avons, je crois, une relation particulière avec Cuba que les Américains n'ont toujours pas, on voit tout de suite la complexité d'un système de coopération qui inclut les Américains et les Canadiens. Je pense qu'à cet égard, le Canada doit jouer un rôle de leadership très, très important sur le plan du développement de ces programmes de coopération.
Le troisième élément serait de créer un forum pour la société civile. Ce n'est pas que les gens au Canada ou aux États-Unis en ont tant besoin que cela. On en a déjà un, M. Julian, M. Pal et moi, ainsi que M. Meyers, qui n'a pas besoin de ce forum puisque l'industrie a un accès assez direct aux différents ministères. Ce qu'on voit ici ce matin est un exemple extraordinaire de participation et on le voit partout. Il y a une capacité de mobiliser dans nos sociétés. Le problème dans beaucoup de pays en voie de développement, et notamment un certain nombre de pays d'Amérique latine qui sont des démocraties nouvelles, c'est que parfois, être membre d'une ONG, c'est être considéré comme faisant partie de l'opposition officielle, et on ne vous invite pas en général en commission parlementaire.
Il y a une façon d'aider la société civile qui est en train de se bâtir en Amérique latine. C'est de lui fournir des forums, mais non pas des forums nationaux, parce que la tendance des gouvernements est de dire qu'on va donner un forum national aux Canadiens pour qu'ils puissent parler, par exemple; aux États-Unis, ils vont faire une commission présidentielle qui va écouter les ONG et le Mexique va faire la même chose. Ce n'est pas ça qu'il faut faire. Il faut créer un vrai forum hémisphérique auquel vont contribuer les gouvernements de façon aveugle, dans une sorte de blind trust, qui permettrait en pratique à la société civile organisée au niveau de l'hémisphère de s'exprimer. C'est pour moi la troisième dimension que je souhaiterais.
Le président: On a un autre intervenant. Il nous reste 11 minutes. Il faut discuter de...
M. Pierre Paquette: C'est une question que les libéraux voudraient poser.
Le président: Monsieur Johnson, vous devez savoir que Mme Lalonde et moi avons travaillé, il y a deux semaines, à créer un forum multinational des Amériques, qui s'appelle le Forum interparlementaire des Amériques. Il a été constitué ici et nous y avons parlé exactement de ça.
[Traduction]
Monsieur Pal, par exemple...
Pour ce qui est de la corruption, la réforme interparlementaire a permis d'adopter plusieurs résolutions, des résolutions qui vont dans le même sens que vos recommandations—c'est-à-dire que les traités interaméricains sur la corruption soient adoptés et qu'ils soient appliqués au moyen de mesures législatives, etc. Il y a donc du travail qui se fait sur toutes ces questions à l'échelle parlementaire. Nous avons également adopté des résolutions en matière d'environnement, etc.
Je vais donner la parole à M. Charbonneau—j'ai une ou deux questions à poser. Puis nous prendrons quelques instants pour discuter de nos travaux futurs, de ce que nous ferons dans le reste de l'étude sur les Amériques.
[Français]
Essayez d'être assez bref, monsieur Charbonneau.
M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Allons droit au but. Je voudrais dire que le projet de symposium qu'on voit ici me paraît très emballant. C'est une aventure qui nous mènera peut-être à d'autres développements plus tard, en termes de forums élargis et plus permanents.
Nos invités auront sans doute remarqué le vif intérêt des députés fédéraux d'origine québécoise au débat sur le libre-échange dans le cadre de ce comité.
Ma question a trait à certaines craintes exprimées par beaucoup de gens, à savoir que, malgré tout ce que peuvent dire le ministre du Commerce international ou les autorités canadiennes, un jour va venir où les services, l'éducation, la santé et même certains services publics feront l'objet de percées de la part d'entreprises américaines, bien qu'on professe vouloir les préserver.
Il y a des experts qui disent tous les jours que oui, il y a un danger. Les autorités disent que non, car leurs experts leur disent que si on y tient, il n'y aura pas de danger.
Quel est votre avis là-dessus, monsieur Johnson ou les autres?
M. Pierre Marc Johnson: Je pensais que votre question s'adressait à M. Julian.
Le président: On connaît la position de M. Julian. C'est bien clair.
M. Peter Julian: Ça m'a fait plaisir de... [Note de la rédaction: inaudible].
M. Pierre Marc Johnson: Je crois qu'il y en a un, et c'est pour ça qu'il faut l'encadrer et suivre la négociation de très près.
C'est évident, et c'est dans la nature même d'un accord de libre-échange, que la règle qui s'exprime, c'est qu'on va faciliter la circulation des biens ou du capital dans un contexte où les États participant à l'accord acceptent de réduire leurs interventions ralentissant cette circulation des biens ou du capital. Ensuite, il y a la série des exceptions, qui sont essentiellement le reste de ce qu'est l'accord. Une fois qu'on a exprimé ces principes de différentes façons ainsi qu'une partie de leur application, on passe à la négociation des exceptions.
Je vous dirai que, dans le cas de l'éducation, de la santé et des services publics, il faut être vigilant sur les exceptions. Il faut suivre ça avec beaucoup d'attention. Je pense qu'ultimement, dans certains secteurs, ça va obliger les États, y compris celui qu'on pourrait appeler le seul État social-démocrate en Amérique du Nord ou dans les Amériques, à la limite, qui est le Canada, à bien établir ce qu'ils veulent exactement protéger. Le Canada ne peut pas se contenter de dire qu'il veut protéger le rôle de l'État. Il faut qu'il définisse exactement ce qu'il veut protéger.
Est-il plus important de protéger la capacité de maintenir une fiscalité qui nous permet de mieux distribuer la richesse et d'avoir des régimes sociaux qui nous ressemblent et qu'on veut, ou s'il est plus important de protéger le pouvoir de choisir les entreprises qui vont pouvoir faire de l'entretien ménager dans le système hospitalier public?
Pour moi, ce sont des distinctions fondamentales qu'il faut faire. Protéger la capacité de l'État d'intervenir pour des fins environnementales, d'équité sociale ou de droits de la personne, ce n'est pas protéger toutes les fonctions de l'État tel qu'on l'a défini dans le passé. C'est faire des choix stratégiques, et qui dit choix stratégiques dit difficultés pour les hommes et les femmes politiques.
Mesdames, messieurs, je vous souhaite bonne chance. Moi, j'ai le plaisir de regarder ça maintenant comme un témoin. Puisque c'est la dernière intervention, permettez-moi de vous remercier, monsieur le président, de cette invitation. Je remercie aussi les membres du comité de l'attention qu'ils ont bien voulu porter aux propos des panélistes au bout de cette table.
Merci infiniment.
[Traduction]
Le président: Muchas gracias, senior.
Monsieur Julian, mais soyez bref car j'ai d'autres questions. Puis nous devrons ensuite passer à d'autres affaires, car nous savons où il veut en venir.
[Français]
M. Peter Julian: Merci, monsieur Charbonneau.
C'est une question qui est très pertinente. J'ai parlé plus tôt d'UPS et de sa poursuite contre le gouvernement canadien, à cause des éléments de traitement national de l'ALENA qui font en sorte que, vraisemblablement, les subventions accordées à Postes Canada seraient illégales.
Cette poursuite pourrait avoir des conséquences sur d'autres domaines, dont Radio-Canada et d'autres secteurs où il y a une concurrence entre le secteur privé et le secteur public subventionné.
• 1100
Notre crainte, qu'on a exprimée lors de l'adoption
du projet de loi 11, en Alberta,
privatisant une partie du système de
santé et qu'on exprime présentement
quant aux subventions dans le
système d'éducation, par exemple au collège Devry,
encore une fois en Alberta, c'est que ce
mécanisme qui existe et qui fait en sorte qu'UPS
peut poursuivre le gouvernement canadien pour ses services
postaux s'élargisse à d'autres domaines.
J'aimerais remercier le comité de nous avoir donné la chance de nous exprimer aujourd'hui.
[Traduction]
Le président: J'ai moi aussi une ou deux questions à poser, vous pouvez donc continuer.
Permettez-moi de revenir à votre dernier argument, monsieur Julian, car c'est un des arguments qui m'a toujours inquiété dans l'opposition du Conseil des Canadiens et qui intéresse également d'autres membres du comité. Vous avez parlé de l'affaire Metalclad, du chapitre 11, etc. Le problème que pose votre opposition, c'est que la règle dit que le gouvernement ne doit pas faire de discrimination. Elle ne dit pas que le gouvernement ne peut pas légiférer en matière d'environnement. Elle dit qu'il est interdit d'exercer une discrimination.
Pourquoi le Conseil des Canadiens croit-il que le gouvernement du Canada devrait avoir la capacité de légiférer afin de permettre aux Canadiens de polluer alors qu'il interdit aux Américains et aux étrangers de le faire? Je ne comprends pas pourquoi vous êtes en faveur d'un régime qui permet la discrimination.
C'est exactement ce que visent les exemples que vous venez de me donner au sujet de l'Alberta. Le problème vient en partie de ce que le gouvernement fédéral ne peut pas contrôler la façon dont les provinces légifèrent, mais vous savez que c'est exactement ce qui posait problème dans l'affaire du MMT. Plusieurs provinces permettent à des sociétés canadiennes ce que nous interdisions aux sociétés américaines. C'est pourquoi ces sociétés nous ont poursuivis. Elles ne nous ont pas poursuivis parce que nous avions une règle internationale. La règle relative à l'environnement me semble logique. Pourquoi diable seriez-vous en faveur d'un régime dans lequel on interdirait aux étrangers de polluer mais on laisserait les Canadiens polluer autant qu'ils le souhaitent? En quoi serait-ce logique? Je ne comprends pas. Mais c'est tout ce que dit la règle. La règle n'interdit pas de légiférer. Elle interdit d'exercer une discrimination. Pourquoi cela pose-t-il un problème? Je ne comprends pas.
M. Peter Julian: Il faudrait bien plus de temps que nous n'en avons pour expliquer tous les problèmes que nous avons avec les dispositions du chapitre 11.
Le président: D'accord, mais le chapitre 11 dit simplement qu'il faut appliquer les règles. Il dit qu'il faut un régime pour appliquer les règles. En quoi les règles posent-elles un problème?
M. Peter Julian: Le problème des règles, c'est le résultat. Et quel est ce résultat? Eh bien, les règles signifient que les localités, comme c'est le cas dans le nord du Mexique, essaient d'éviter que des entreprises qui nuisent à l'environnement viennent s'établir chez elles et que ces sociétés peuvent les poursuivre pour cela. Elles signifient que les investisseurs peuvent poursuivre les États qui interdisent les exportations d'eau.
Le président: Si les règles sont discriminatoires.
M. Peter Julian: Ces règles signifient que des sociétés financées par le secteur public, comme la Société canadienne des postes, peuvent être menacées par des entreprises étrangères qui jugent ces subventions préjudiciables.
Et je dois mentionner que les tribunaux instruisent ces affaires en secret. Nous ne savons même pas combien de poursuites il y a sous le régime du chapitre 11. Tout cela se fait en secret; il n'y a pas de participation du public. Dans le cas de Methanex, on a pu constater que le seul droit que l'on a, dans la société civile, c'est d'envoyer un mémoire par fax—c'est tout. Il n'est pas possible d'écouter les témoignages, de témoigner non plus, on peut envoyer un fax ou une proposition.
C'est ce qui nous inquiète. C'est ainsi que sont structurés ces tribunaux secrets. Le New York Times parle de «la petite arme secrète de l'ALENA». Le Public Citizen appelle ces tribunaux le «gouvernement secret». C'est ainsi que sont structurés ces tribunaux et ce sont les résultats qu'ils ont. Nous pourrions discuter du mérite de chaque affaire, mais le problème, c'est que la structure est foncièrement antidémocratique et qu'elle donne des résultats très négatifs.
Le président: Je suis d'accord sur le fait que les tribunaux posent des problèmes, et il y a beaucoup de problèmes aujourd'hui. J'essaie d'aller au coeur de l'affaire, c'est-à-dire de déterminer si votre Conseil des Canadiens appuierait une règle qui interdirait la discrimination. Accepterez-vous la règle de base? Nous pouvons ensuite discuter pour savoir comment cette règle s'appliquerait, mais j'essaie de comprendre votre opposition à la règle. Dans chacune de vos réponses, vous m'avez dit que vous ne vous opposez pas à cette règle, à cette règle de base; ce que vous n'aimez pas, c'est la façon dont elle est appliquée. Si c'est ce que comprend le comité, alors très bien; nous y verrons.
Mais si vous voulez dire au comité que le Canada doit avoir la liberté de légiférer en faveur des Canadiens mais de façon discriminatoire contre les autres en matière d'environnement et dans d'autres domaines, j'essaie de comprendre si c'est bien votre position. Je ne dis pas que ce soit une position illogique. Je ne suis pas d'accord avec vous sur la question de l'environnement. Nous devons peut-être conserver cette capacité de discrimination dans certains domaines, entre autres pour ce qui est de l'administration des hôpitaux ou, comme Mme Lalonde l'a dit, au sujet des garderies du Québec. Je ne dis donc pas qu'il faut totalement éliminer cette capacité de discrimination. J'essaie simplement de comprendre quelle est votre position au sujet de l'environnement, c'est tout.
• 1105
Croyez-vous que nous devrions pouvoir exercer une
discrimination qui permet aux Canadiens de polluer alors que nous
l'interdisons aux étrangers, croyez-vous que ce serait une bonne
règle?
M. Peter Julian: Bien sûr que non, mais la question de la discrimination va beaucoup plus loin que cela. Comment définit-on la discrimination? Est-il discriminatoire de subventionner les services postaux? Est-il discriminatoire d'interdire l'exportation d'eau?
Le président: Eh bien, c'est ce que je dis. Il faut peut-être conserver la possibilité de discrimination dans certains domaines. Dans le cas de l'eau, etc., je suis d'accord avec vous. Je suis d'accord également avec Mme Lalonde.
M. Peter Julian: Nous sommes convaincus que notre gouvernement devrait avoir le droit de légiférer pour favoriser le bien-être de la population, et nous constatons que ce droit nous est retiré.
Le président: D'accord. Je comprends cela. Dans ce cas, monsieur Johnson, j'ai une question à vous poser car je trouve très utile votre explication de la façon dont l'environnement devrait être protégé par les accords de libre-échange. Le problème que nous avons essayé de régler dans notre comité—et c'est un problème que l'on trouve dans tous ces accords—est celui de l'exécution des règles. Vous avez dit que l'accord doit contenir des dispositions rigoureuses en matière de protection de l'environnement et comprendre toutes ces ententes.
On nous a dit la même chose l'autre jour en matière de droits de la personne, et je comprends cela, mais j'ai posé la même question à Warren Allmand, lorsqu'il a comparu devant notre comité. Je veux bien qu'on inclus cette règle et que l'accord doive désormais être interprété de façon à protéger les droits de la personne et l'environnement, mais comment peut-on veiller à l'exécution de cette règle sans avoir recours à ce que j'appelle l'option nucléaire, c'est-à-dire l'expulsion de la partie fautive? Si cette option est appliquée pendant un certain temps, elle devient un mécanisme d'exécution inhabituel et inapplicable. Il me semble que sans un bon mécanisme d'exécution, il n'y a pas de règle. Votre expérience de l'Accord nord-américain en matière d'environnement et de la façon dont les amendes sont imposées pourrait nous être utile, mais est-ce l'orientation que nous devrions adopter? Voilà ma question. Comment peut-on exécuter ces règles?
M. Pierre Marc Johnson: Merci. Je suis d'accord avec vous sur le fait que l'exécution est une question essentielle. C'est pour cela que, dans le secteur de l'environnement, les pays qui participent à l'ALENA ont pris de nombreux engagements en matière d'exécution.
Dans le secteur de l'environnement, les lois mexicaines tendent à confier tout ce travail à l'échelon local. C'est ce que j'appelle l'approche du New Jersey. C'est ce qui se fait également dans quelques pays d'Amérique latine. Leurs lois reprennent en fait les lois du New Jersey, c'est-à-dire les lois les plus exigeantes en matière de contrôle de la pollution. Le problème, c'est que ces lois ne sont pas très utiles si le pays ne dispose que de deux inspecteurs pour veiller à leur application. Même les meilleures lois du monde ne valent rien si elles ne sont pas appliquées.
L'ALENA contient des dispositions assez claires au sujet des engagements des pays pour ce qui est d'appliquer leurs propres lois. Deuxièmement, on a ajouté dans l'accord parallèle le concept de contestation par les citoyens lorsqu'un gouvernement n'applique pas ses propres lois nationales.
Troisièmement, la Commission peut rendre publics des rapports très embarrassants. Finalement, on a également autorisé les gouvernements à poursuivre d'autres gouvernements qui n'appliquent pas leurs lois en matière d'environnement. Ces dispositions n'ont pas eu à être appliquées jusqu'à maintenant parce qu'elles correspondent presque à appuyer sur le bouton rouge qui lancera la bombe nucléaire. Si vous contestez ce qui se fait dans un pays au titre de l'application des lois en matière d'environnement, si vous dites que ce pays ne fait pas son travail, cela correspond assez bien à une déclaration de guerre commerciale avant l'imposition de sanctions.
Il existe donc beaucoup de choses dans ce domaine. Permettez- moi de mentionner le chapitre 4 de mon livre sur l'ALENA et l'environnement. Vous êtes sans doute les seuls à qui je dirai que vous devriez l'acheter et le lire. Je dis généralement à mes amis qu'ils devraient l'acheter mais qu'ils ne sont pas obligés de le lire. Mais comme vous vous intéressez à la question, vous y trouverez peut-être des réponses sous un angle plus technique.
Le président: Merci. C'est très utile.
[Français]
Vous avez un bref commentaire, monsieur Paquette?
M. Pierre Paquette: Très bref. Une des choses un peu particulières dans le chapitre 11 est qu'une compagnie étrangère peut poursuivre les gouvernements en vertu de ce qu'elle croit être une discrimination, ce que ne peut pas faire une compagnie nationale. Par exemple, Pope & Talbot poursuit le gouvernement fédéral pour l'accord du bois d'oeuvre, mais une compagnie d'intérêt canadien, que ce soit en Colombie-Britannique ou au Québec, ne peut pas poursuivre le gouvernement fédéral.
Le président: C'est pour cela que nous avons la Cour fédérale et tous les tribunaux à l'intérieur d'un État; ils nous donnent, en tant que citoyens, un accès à la justice. Il n'est pas disponible là. En tout cas, M. Johnson en a expliqué la raison. Je crois qu'on doit maintenant—muchas gracias—terminer. Mais le débat continue, comme on le voit ici.
[Traduction]
Chers collègues, voici ce que nous avons fait pour répondre à la demande du Bloc et des autres membres quant à nos travaux futurs.
Le 27 mars, nous tiendrons trois séances. Nous entendrons deux groupes de témoins le matin et un autre l'après-midi. Le 29 mars, nous entendrons deux groupes de quatre témoins chacun. Nous avons essayé dans toute la mesure du possible d'inviter les témoins de tous les membres. Il nous reste donc le 3 avril.
Chers collègues, je vous demande d'y réfléchir. J'aimerais beaucoup que nous préparions un rapport, une sorte de compte rendu, sur nos délibérations. On en a déjà discuté. Si nous décidons de produire un rapport, je recommande fortement que nous le fassions après le sommet. Nous ne pourrons pas rédiger un rapport avant et le présenter à la Chambre sous une forme cohérente. Nous pouvons toutefois examiner ce que nous avons fait jusqu'à maintenant, voir les résultats du sommet et dire ensuite ce que nous en pensons.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Les négociations vont se poursuivre après.
Le président: Exactement. Les négociations vont se poursuivre encore trois ans. Il s'agirait donc de faire un rapport après le sommet pour dire que nous sommes déçus ici, que nous sommes contents là, etc. De cette façon, on pourrait peut-être...
Mme Francine Lalonde: En ce qui me concerne, j'aimerais mieux qu'on entende plus de gens dans la semaine qui le précédera.
Le président: D'accord. Tout le monde est d'accord sur ce procédé?
M. Bernard Patry: Il faudrait faire un post-mortem du sommet.
Le président: Oui, c'est ça, y compris peut-être nos observations pour encourager les négociations dans telle ou telle direction.
M. Bernard Patry: Parfait.
Le président: Merci beaucoup. Vous êtes tous très gentils.
[Traduction]
Merci beaucoup, chers collègues, merci également à nos témoins de nous avoir consacré de leur temps. Nous l'apprécions beaucoup.
La séance est levée.