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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 26 avril 2001

• 0907

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Chers collègues, nous allons commencer, puisque nous avons le quorum voulu pour entendre nos témoins.

J'aimerais vous rappeler ce que nous sommes en train de faire. L'année dernière, nous avons entamé notre étude sur le sud du Caucase et l'Asie centrale et le comité directeur et vous-même avez convenu qu'il fallait terminer cette étude, même en dépit de l'interruption causée par les élections. Le Canada entretient des relations très limitées avec ces États et je crois qu'il serait utile d'attirer l'attention sur ces questions et de demander au gouvernement d'en faire rapport à la Chambre.

Il y a évidemment beaucoup de pétrole dans la mer Caspienne, mais, comme vous le savez, les problèmes auxquels sont confrontés ces pays sont phénoménaux. Nous nous en sommes aperçus par nous-mêmes.

Pour ce qui est du programme des travaux, nous aimerions avoir le rapport avant l'ajournement en juin. Je comprends bien que beaucoup des membres du comité ici présents n'ont pas participé à ce voyage si bien que ceux qui sont nouveaux au comité ne sont pas aussi personnellement intéressés par ce rapport que les autres. Je propose que ceux qui ont participé directement au voyage et qui ont travaillé dans ce domaine passent la plupart du temps sur le rapport. D'autres membres du comité ont beaucoup d'obligations urgentes si bien que nous allons essayer de nous organiser de cette façon.

Nous allons entendre des représentants du ministère ce matin, qui vont nous mettre au courant des changements intervenus depuis notre dernière visite. Nous pourrions également entendre des représentants de l'ACDI au sujet de leurs activités dans la région ou, compte tenu de notre horaire très chargé d'ici le mois de juin, puisque nous avons quelque 14 questions à régler et que nous disposons de 11 jours ouvrables seulement—nous allons parler du projet de loi sur l'eau qui va nous être présenté ainsi que d'autres questions dont nous avons débattu l'autre jour en comité—je recommanderais, avec votre permission, de proposer aux représentants de l'ACDI de nous envoyer un mémoire écrit que nos attachés de recherche pourront utiliser pour la rédaction du rapport. Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: Merci beaucoup.

J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Halpin, directeur général de la Direction générale de l'Europe centrale, de l'Est et du Sud; Ann Collins, qui l'accompagne; et Wendy Gilmour. Je crois que nous vous avons tous reçus au comité précédemment et je vous remercie de venir de nouveau nous parler.

Monsieur Halpin, allez-vous commencer? Dites-nous pourquoi, par suite de votre voyage, la démocratie et la paix règnent maintenant dans le Caucase, alors que ce n'était pas le cas auparavant.

• 0910

M. Ron Halpin (directeur général, Direction générale de l'Europe centrale, de l'Est et du Sud, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): J'aimerais bien pouvoir vous le confirmer, monsieur le président.

Le président: Que vous le fassiez ou non, c'est ce que nous croyons.

M. Ron Halpin: Pas de problème.

[Français]

Monsieur le président, membres du comité, je suis heureux d'avoir l'occasion de m'adresser au comité maintenant qu'il a repris l'examen de la question des intérêts et des débouchés canadiens en Asie centrale et dans le Caucase. L'intérêt que le comité continue à porter à cette région est très encourageant.

Comme vous le savez, l'Asie centrale et le Caucase forment une région pleine de contradictions, qui est caractérisée à la fois par un potentiel extraordinaire et de nombreux problèmes sérieux. C'est une région avec de multiples possibilités pour le Canada, mais dans laquelle nous devons soigneusement jauger les risques.

Certains membres du comité ont eu l'occasion de visiter les trois pays du Caucase et quatre des pays de l'Asie centrale l'année dernière. Je sais qu'ils vous ont fait part de leurs impressions. Je n'ai pas l'intention de répéter l'information dont vous avez déjà eu l'occasion de prendre connaissance. Je vais plutôt vous présenter un bref aperçu des récents développements et des activités courantes du Canada. Je serai ensuite heureux de répondre à vos questions.

Les dernières années ont été difficiles pour les huit pays qui constituent l'Asie centrale et le Caucase. Leur appartenance à l'ancienne Union soviétique leur a laissé des décennies d'histoire commune et des régimes économiques et politiques partagés. Toutefois, ces similitudes sont juxtaposées à de nombreuses différences culturelles, linguistiques et matérielles. Quoi qu'il en soit, la République kirghize, montagneuse et sans accès à la mer, partage beaucoup des difficultés du Turkménistan, désert et riche en gaz. De même, la Géorgie réussit encore à coopérer avec les républiques adversaires d'Azerbaïdjan et d'Arménie.

[Traduction]

Ce n'est pas là une région du monde qui se caractérise par une importante présence canadienne. Depuis le démembrement de l'Union soviétique, cette présence fluctue, influencée initialement par nos intérêts commerciaux et renforcée par notre engagement envers le développement mondial et la sécurité humaine.

Les riches gisements miniers des montagnes de Tien Shan et les énormes réserves d'hydrocarbures de la région de la mer Caspienne ont exercé une forte attraction sur la communauté mondiale des mines et du pétrole. Les sociétés canadiennes sont bien représentées dans ce groupe et exploitent des débouchés qui ont déjà assuré des avantages sensibles, tant au peuple de la région qu'au Canada.

[Français]

Les activités du gouvernement canadien continuent d'être limitées par notre modeste représentation dans cette région et par l'étendue des programmes et des intérêts que nous devons considérer. Nous avons également été freinés par le rythme des réformes politiques et économiques. Il est peut-être plus indiqué d'examiner ces huit pays dans une perspective à long terme plutôt que d'une façon ponctuelle. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce qu'ils agissent avec la vitesse et le succès relatifs de la Pologne ou de la Hongrie, par exemple. Ces pays devront plutôt faire un cheminement long et difficile pour établir des traditions démocratiques, asseoir la primauté du droit et créer une économie de marché ouverte et transparente.

[Traduction]

Permettez-moi de parler d'abord des trois États du Caucase: la Géorgie, l'Azerbaïdjan et l'Arménie. Les membres du comité ont eu l'occasion de visiter ces pays, ainsi que la Turquie, et de constater par eux-mêmes tant la beauté sauvage de leurs paysages que le mélange complexe de loyautés ethniques et politiques concurrentes qui les caractérisent.

Bien que peu de changements ne soient intervenus au cours de l'année écoulée depuis la visite des membres du comité, il y a de petites lueurs d'espoir. Le long conflit qui perdure entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan au sujet de l'enclave ethnique arménienne du Haut-Karabakh est peut-être en train d'atteindre sa dernière étape. Cette dernière année, les présidents des deux pays se sont rencontrés régulièrement. Le premier entretien officiel face-à-face qui a eu lieu en avril à Key West, en Floride, leur a permis de s'entendre sur les grandes lignes d'un règlement. Le fait le plus significatif toutefois, c'est que les différents parrains internationaux du processus de paix—notamment le groupe de Minsk de l'OSCE composé des États-Unis, de la France et de la Russie—coopèrent à un degré sans précédent.

• 0915

Bien sûr, la paix n'est pas pour demain—désolé, monsieur le président—mais les dirigeants azerbaïdjanais et arméniens semblent avoir pris conscience du fait qu'aucun développement sérieux n'est possible tant que le conflit n'aura pas été réglé et les frontières normalisées. Le Conseil de l'Europe a reconnu les progrès réalisés au sujet du Haut-Karabakh et a admis l'Azerbaïdjan et l'Arménie comme membres en janvier. Le Conseil est déterminé à aider les deux pays à se hisser au niveau des normes européennes de gestion des affaires publiques.

La situation n'évolue pas en Géorgie. Les difficultés entre le gouvernement central et les régions sécessionnistes de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, ainsi qu'avec la région autonome de l'Adjarie, ont été aggravées par l'imposition d'un régime de visas par la Russie. Même si Moscou a déclaré que ce régime s'inscrivait dans le cadre d'un effort destiné à circonscrire le conflit dans la Tchéchénie voisine, les habitants de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie ont été exemptés des exigences relatives aux visas. Cette décision a amené le leader de la majorité au Parlement géorgien à accuser la Russie de tenter d'annexer ces régions ou, à tout le moins, de les reconnaître comme indépendantes du territoire de Géorgie.

[Français]

Sur le plan économique, le besoin d'une plus grande stabilité régionale et intérieure n'a d'égal que la nécessité de combattre une corruption endémique. Certaines mesures sont prises, particulièrement en Géorgie et en Arménie, mais le problème demeure sérieux. Les difficultés sont aggravées par d'autres obstacles économiques. L'Arménie reste isolée par le blocus de la Turquie et de l'Azerbaïdjan et a connu une émigration massive par rapport à sa population.

Le gouvernement arménien a réalisé certains progrès dans son programme de réforme et a considérablement avancé dans le processus d'accession à l'OMC. Malheureusement, les récriminations réciproques au sujet des événements tragiques de 1915 constituent encore un important obstacle tant à la réconciliation entre l'Arménie et la Turquie qu'au développement économique régional.

L'importante hausse des prix du pétrole a aidé l'Azerbaïdjan, mais le gouvernement continue à reporter des réformes économiques essentielles. La Géorgie, déjà membre de l'OMC, devrait profiter de la construction du pipeline devant relier l'Azerbaïdjan à la Turquie. Fin mars, l'Azerbaïdjan a conclu avec la Turquie un marché prévoyant la fourniture d'environ 83 milliards de mètres cubes de gaz sur 15 ans, à partir de 2004. C'est là une excellente nouvelle pour ceux qui espèrent participer à la construction du pipeline Bakou-Ceyhan, y compris les sociétés canadiennes.

Dans l'exposé que nous vous avons présenté le printemps dernier, nous avons mentionné les débouchés commerciaux possibles dans le secteur de l'énergie. Nous avions également dit à ce moment qu'à défaut de progrès sur les plans de la gouvernance et des structures démocratiques, les perspectives qui s'offrent ne profiteraient qu'à une élite peu nombreuse, ce qui entretiendrait l'instabilité sociale et les conflits possibles. Les progrès dans ces domaines demeurent lents.

En Azerbaïdjan, les élections de l'automne dernier ont démontré qu'il existait un fossé entre les attentes internationales et les pratiques locales. Nous devons par conséquent veiller à ce que les efforts et l'engagement du Canada dans la région aillent au-delà de la découverte et de l'exploitation de débouchés commerciaux, pour s'étendre à la promotion des valeurs canadiennes et à la recherche de moyens, aussi modestes soient-ils, d'aider et d'influencer ces pays sur la voie de la réforme démocratique et économique.

[Traduction]

Il en est de même dans les cinq États de l'Asie centrale. Sans avoir souffert autant de conflits historiques et de frontières incertaines, ces pays ont vécu une période catastrophique à l'ère stalinienne. Dans les dernières décennies, la région a subi les conséquences d'une série de désastres environnementaux causés par l'homme. Les années d'essais nucléaires à Semipalatinsk, la désertification de la mer d'Aral et les efforts déployés pour créer un «grenier» soviétique dans le Nord ont laissé des traces permanentes.

L'expérience soviétique n'a cependant pas été uniformément négative. Le Cosmodrome du Kazakhstan témoigne toujours des réalisations technologiques de l'URSS, tandis que certains projets remontant à l'ère soviétique, comme la découverte de réserves de pétrole et de gaz dans le bassin Caspien, promettent d'importants avantages à la région.

M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Monsieur le président, j'invoque le Règlement.

• 0920

Monsieur Halpin, veuillez m'excuser. Ce n'est pas par impolitesse que j'interromps votre exposé.

Monsieur le président, je ne sais pas vraiment combien de membres du comité actuel siégeaient au sein du comité précédent, lequel a déjà préparé un rapport sur le point d'être présenté. L'exposé de 17 pages de M. Halpin m'intéresse beaucoup et on y apprend bien sûr des choses passionnantes. De mon point de vue toutefois, et probablement de celui de bien des membres du comité actuel, comme nous n'avons pas eu le privilège de nous rendre dans ces régions ni de lire les recommandations qui figurent dans le rapport, je me demande s'il ne serait pas utile pour le comité d'orienter le débat dans une nouvelle direction et de peut-être demander à nos témoins de parler plus précisément du rapport actuellement entre les mains du comité. M. Halpin est-il au courant de ce rapport et de ses recommandations?

Le président: C'est utile, mais un problème se pose, monsieur Keyes. Notre groupe de témoins doit nous informer des changements qui sont intervenus depuis que nous avons commencé à nous pencher sur cette question. Nous n'avons pas de rapport actuellement et il faut en rédiger un. Le groupe d'aujourd'hui est le dernier que nous allons recevoir avant la rédaction du rapport et il est là pour nous faire une mise à jour de la situation. C'est pourquoi il est important, me semble-t-il, d'entendre M. Halpin.

Il se peut que les membres du comité aient des questions à poser à ce groupe de témoins; c'est du moins ce que j'espère. Je n'en dis pas plus.

Monsieur Halpin, en gardant cela à l'esprit, plutôt que de nous lire tout votre exposé, serait-il possible de nous en donner les grandes lignes. Nous pourrons passer plus rapidement aux questions. Serez-vous le seul à faire un exposé?

M. Ron Halpin: Oui.

Le président: M. Halpin est le seul témoin à nous faire un exposé. Les deux autres témoins sont là pour répondre aux questions. Par conséquent, prenons le temps de passer en revue toutes les questions une à une. Il est très utile de se rafraîchir la mémoire.

Maintenant que nous vous avons interrompu une première fois, je vous demanderais de patienter, car je souhaite faire deux choses. Il y a derrière vous un groupe qui fait beaucoup de bruit, et j'aimerais aller lui demander de baisser le volume, si possible. Je ne sais pas de quoi il s'agit.

Une voix: Ce sont les Scouts.

Le président: Je m'abstiendrai donc d'intervenir, sinon ils viendront mettre le feu ou que sais-je encore. Si quelqu'un souhaite aller faire du camping, il n'a qu'à se rendre dans la salle d'à côté.

L'autre chose, c'est que nous avons maintenant un quorum. Certains députés ont d'autres réunions de comité auxquelles ils doivent assister. Vous avez eu la gentillesse d'entrer dans la salle et vous n'êtes pas directement concerné par le processus. Chers collègues, vous avez devant vous le deuxième rapport du Sous-comité du programme et de la procédure. Puis-je le faire adopter pendant qu'il y a quorum dans la salle?

M. Stan Keyes: Je le propose.

Le président: Bon nombre d'entre vous était dans la salle quand nous avons débattu du rapport. Il est simplement question d'arrêter notre programme de travaux pour la période allant d'aujourd'hui à la fin de la session.

[Français]

Monsieur Rocheleau, ça va? Vous étiez là.

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Est-ce qu'il y avait un représentant du Bloc québécois à cette rencontre?

Le président: Oui. On ne fait jamais quoi que ce soit sans le Bloc québécois.

[Traduction]

(La motion est adoptée)

Le président: Je vous remercie beaucoup. Voilà pourquoi nous avions besoin d'un quorum.

Monsieur Halpin, désolé de vous avoir interrompu.

M. Ron Halpin: J'aimerais apporter deux précisions. Le printemps dernier, le ministère, représenté par Jim Wright et Ann Collins, avait fait un exposé complet. Cet exposé était à la base de l'information communiquée par le ministère avant le voyage. Nous n'avons vu aucun rapport et n'avons été informés d'aucune recommandation jusqu'ici. Notre présence aujourd'hui vise donc essentiellement à faire une mise à jour et à vous parler de ces régions dans le contexte de certains intérêts stratégiques plus généraux que nous y avons, pour le bénéfice de ceux qui n'étaient pas du voyage.

Je vais tenter d'être bref et sauterai certaines des observations que je voulais faire.

Il faudrait mentionner qu'en raison de la nature et de l'éloignement des marchés de l'Europe et de l'Asie, le défi que représente l'exploitation des vastes ressources minérales d'Asie centrale est immense. Les progrès incertains de la privatisation, le manque de transparence et une application insuffisante de la règle du droit dans les relations avec les investisseurs étrangers ont détourné les entreprises canadiennes de ces marchés.

• 0925

Il y a cependant eu certains cas de réussite, comme certains d'entre vous ont pu le constater par eux-mêmes en visitant la mine Kumtor en République kirghize.

Les débouchés ne manquent pas, et le Canada demeure indubitablement un chef de file mondial dans les secteurs du pétrole et des mines. De plus, les contacts avec les partenaires de l'Asie centrale révèlent que les investissements canadiens sont très bien accueillis et très recherchés.

Comme d'autres économies post-soviétiques, les États de l'Asie centrale se débattent encore sous la férule de gouvernements fortement autoritaires. Les concepts occidentaux de développement démocratique et de primauté du droit sont lents à prendre racine. Les élections présidentielles qui ont eu lieu en République kirghize en octobre 2000 ont été très critiquées par les observateurs internationaux, y compris les observateurs canadiens. Le gouvernement kirghize continue fort heureusement de collaborer avec l'OSCE et d'autres organisations internationales pour régler les problèmes qui se posent.

À l'exception du Tadjikistan, les pays de la région ont les mêmes personnes et les mêmes groupes au pouvoir depuis leur accession à l'indépendance en 1991. Le maintien des privilèges de clan continue à prendre le pas sur l'intérêt national, au détriment du développement de la société civile et d'une saine gestion des affaires publiques. C'est une réalité dont nous devons tous tenir compte dans tous les programmes que nous exécutons là-bas.

Si vous me le permettez, j'aimerais vous entretenir pendant quelques minutes de thèmes communs.

[Français]

S'il faut trouver un thème commun pour la région, c'est que, dans chaque pays, le potentiel dépasse de loin les réalisations. Tous les problèmes communs, toutes les menaces...

Le président: C'est une belle phrase très élégante.

M. Ron Halpin: Non seulement pour l'Asie centrale mais aussi pour le Caucase.

Le président: Ça peut s'appliquer à beaucoup de situations, n'est-ce pas?

M. Ron Halpin: Tous les problèmes communs et toutes les menaces de stabilité mentionnés l'année dernière demeurent: dégradation de l'environnement, violation des droits de la personne, tensions ethniques, corruption à tous les niveaux du gouvernement et disparités dans la répartition des richesses et la prestation des services. Le trafic de la drogue, le terrorisme et surtout la traite de personnes retiennent toujours plus l'attention de l'Occident. Comme beaucoup des mémoires et des exposés présentés au comité l'année dernière traitent de ces questions d'une façon très détaillée, je ne m'appesantirai pas là-dessus aujourd'hui. Qu'il me suffise de dire que les problèmes demeurent assez préoccupants et exigent de nous des ressources toujours plus importantes.

Les relations étrangères de l'Asie centrale et du Caucase sont également une source croissante d'intérêt et de préoccupation. La récente instabilité économique en Turquie et la menace constante de l'intégrisme islamique, surtout en Afghanistan, sont de mauvais augure. L'Ouzbékistan et la République kirghize ont eu des combats dans la vallée de Fergana l'été dernier, à la suite d'incursions de groupes fondamentalistes s'étant entraînés en Afghanistan, d'où ils tirent également leurs ressources, et qui trouvent refuge au Tadjikistan. Malheureusement, la réaction de certains de ces pays a consisté à soutenir l'intolérance religieuse et les persécutions. Allié au manque de développement démocratique, ce fait encourage simplement l'extrémisme.

[Traduction]

C'est la Russie cependant qui retient le plus l'attention dans la région. Au cours des quinze premiers mois de pouvoir du président Poutine, nous avons assisté à une évolution considérable de la politique étrangère russe, surtout en ce qui a trait aux pays de la «Communauté des États indépendants».

La CEI avait été créée en partie pour combler le vide laissé par la chute de l'empire soviétique. Certains des États de l'Asie centrale et du Caucase estimaient au départ que c'était une tentative russe de continuer à contrôler leur activité. D'autres dirigeants se sont félicités de la création de la CEI après s'être initialement opposés au démembrement de l'Union soviétique. D'autres encore espéraient que la Communauté consoliderait et défendrait les intérêts des petits États face à la Russie. La CEI s'est révélée inefficace sous les deux angles.

Aujourd'hui, le président Poutine semble concentrer son attention sur la promotion et la protection des intérêts économiques russes. De plus, il cherche à le faire par des mesures bilatérales, préférant éviter la lourdeur des mécanismes multilatéraux traditionnels. Cela est évident dans le rôle que la Russie joue dans le règlement du conflit du Nagorno-Karabakh, ce qui a donné lieu à des relations plus constructives entre la Russie et l'Azerbaïdjan. Contrairement à son prédécesseur, le président Poutine lui-même a fréquemment voyagé dans la région au cours de l'année dernière.

Après certains retards, la Russie a commencé petit à petit à honorer ses engagements envers l'OSCE en ce qui a trait au retrait de ses troupes de Géorgie. C'est là un développement encourageant, mais il est peu probable qu'elle respecte toutes les échéances fixées à Istanbul par l'OSCE.

• 0930

Toutefois, comme je l'ai déjà mentionné, le régime des visas russes en Géorgie est une source de préoccupation, tandis que le reste des États du littoral de la mer Caspienne continuent à s'inquiéter des intentions russes concernant la délimitation des frontières et l'exploitation des ressources.

La diplomatie des pipelines garde encore les derniers vestiges de la politique du «grand jeu», même si les principes de la viabilité commerciale semblent prendre le dessus. Il ne faut pas perdre de vue que les investisseurs occidentaux sont souvent désavantagés dans la concurrence avec les intérêts commerciaux russes et les autres intérêts régionaux qui ne sont pas liés aux mêmes normes de transparence et de régie des sociétés.

La Turquie est l'autre intérêt direct de la région. Dans une situation idéale, ses liens historiques et linguistiques avec beaucoup de ces pays auraient pu constituer un important modèle de développement séculier dans une région islamique, tandis que le pays lui-même serait un marché pour le pétrole et le gaz de la mer Caspienne et un fournisseur de biens et de services modernes. Pour le moment, cependant, à cause de ses propres besoins de développement et les graves difficultés financières qu'elle a récemment connues, la Turquie ne pourra pas jouer un plus grand rôle modernisateur.

Il est intéressant de noter qu'Ankara envisage de coordonner ses activités dans la région avec celles d'autres pays occidentaux. Des représentants de la nouvelle Agence turque de développement international (TIKA), fondée en 1992, sont déjà venus au Canada pour explorer les domaines possibles de coopération. Par ailleurs, des représentants de l'ACDI sont en fait en Turquie cette semaine, pour entre autres les rencontrer.

[Français]

Les visites effectuées dans la région l'année dernière par des membres du comité représentaient le premier effort politique sérieux de haut niveau de la part du Canada. Cet effort remarqué et chaleureusement accueilli ouvrira des portes à d'autres Canadiens. L'accueil réservé par le gouvernement hôte a été sans précédent. C'était une indication claire de l'intérêt que ces pays portent au Canada. Il est également clair que votre étude et vos visites de l'année dernière ont créé des attentes que nous devons soigneusement gérer dans le cadre de nos ressources actuelles. C'est très important.

Comme je l'ai déjà dit, l'engagement du Canada dans la région était initialement motivé par les intérêts commerciaux, notamment dans les secteurs des mines et de l'énergie. Il est à peine surprenant que Cameco Gold de Saskatoon constitue le plus important investisseur canadien de l'ancienne Union Soviétique et le plus grand investisseur de la République kirghize. La société Hurricane Hydrocarbons de Calgary a enregistré d'importants succès au Kazakhstan, malgré de nombreux obstacles. Dans le Caucase, des entreprises canadiennes mettent en valeur les champs pétroliers côtiers et extracôtiers en Géorgie et ravitaillent par hélicoptère les plateformes de forage de la mer Caspienne. En mars, l'ambassade du Canada a organisé et dirigé une mission de développement commercial réussie en Ouzbékistan.

Comme vous l'ont appris les exposés présentés au comité l'année dernière, beaucoup d'entreprises canadiennes ont connu des difficultés dans la région. Nous avions noté l'an dernier que le soutien diplomatique canadien constitue une formule essentielle de succès dans les nouvelles économies. Il est également important de noter le rôle de premier plan d'un dialogue énergique et actif de gouvernement à gouvernement. Même si le gouvernement joue rarement un rôle direct dans les opérations commerciales au Canada, c'est presque toujours le cas en Asie centrale et dans le Caucase. Les visites et les contacts de haut niveau sont considérés essentiels pour conclure des marchés et obtenir l'indispensable sanction officielle.

[Traduction]

Les intérêts canadiens ne sont pas strictement commerciaux, cependant, et nous demeurons actifs dans toute une série de domaines, par l'entremise d'organisations internationales telles que l'OSCE. Cet engagement multilatéral nous donne voix au chapitre et nous confère une influence beaucoup plus grande que ne l'auraient normalement justifié nos ressources.

Au cours de l'année dernière, le Canada a détaché des observateurs qui ont fait partie des missions de l'OSCE qui ont suivi les élections en Azerbaïdjan et dans la République kirghize. Nous avons aussi participé à des manifestations organisées par l'OSCE, comprenant notamment une conférence fort réussie sur la criminalité internationale qui a lieu à Tachkent l'automne dernier.

Les Canadiens font également partie de la Mission d'observation des Nations Unies en Abkhazie et nous contribuons activement au Partenariat pour la paix de l'OTAN, qui vise à consolider la stabilité dans la région.

Le ministère des Affaires étrangères collabore en outre étroitement avec l'ACDI pour favoriser le développement du programme croissant d'assistance technique du Canada. À mesure que les pays d'Europe centrale commencent avoir un besoin moindre de nos programmes d'assistance technique, le Canada aura davantage l'occasion de s'occuper de l'Asie centrale et du Caucase.

• 0935

Les efforts de développement de la société civile, d'amélioration de la gouvernance et de protection des droits de la personne pourraient tirer partie de l'expertise canadienne et favoriser la constitution de partenariats pouvant profiter à long terme au Canada et à la région. Nous sommes également disposés à créer des partenariats entre les organismes s'occupant de développement et les milieux d'affaires, ou à les renforcer.

Je crois savoir que vous aurez l'occasion au cours des prochaines semaines d'entendre directement les représentants de l'ACDI. Je n'en dirai donc pas plus à ce sujet.

En guise de conclusion, l'année dernière, nous avons informé le comité que le Canada s'était toujours intéressé à l'Asie centrale et au Caucase, mais que notre engagement a été limité par la distance, l'isolement et un très réel manque de ressources. C'est toujours le cas.

[Français]

Néanmoins, la réaction suscitée par votre étude au Canada ainsi que l'accueil extraordinaire réservé aux membres du comité au cours de la visite de la région sont tout à fait remarquables. C'est une preuve de l'intérêt croissant que l'Asie centrale et le Caucase suscitent au Canada et de l'intérêt réciproque que la région éprouve pour le Canada et tout ce qui est canadien. La décision du comité de reprendre cette étude est donc la bienvenue. Nous attendons avec un grand intérêt vos conclusions.

[Traduction]

Je vous remercie de votre attention et je me tiens à votre disposition si vous avez des questions.

Le président: Vous avez droit à nos plus vifs remerciements, monsieur Halpin. Vous nous avez fait un résumé très utile de pas mal toutes les questions dont il faudra traiter dans le rapport. Nous allons aussi essayer d'avoir des réponses plus précises à certaines questions.

J'aimerais simplement vous poser deux petites questions très rapidement après avoir entendu cet exposé. J'en ai d'autres, mais je préfère céder la parole à mes collègues.

À la page 12, vous dites que la menace dans la région demeure l'intégrisme islamique, surtout en Afghanistan. On nous a dit qu'une grande partie des activités se déroulant dans certaines parties du nord du Caucase étaient financées, en fait, par l'Arabie saoudite plutôt que par l'Afghanistan. Avez-vous quoi que ce soit à dire à ce sujet? Cette théorie vous semble-t-elle farfelue?

M. Ron Halpin: Je n'ai pas de renseignements particuliers concernant un appui de l'Arabie saoudite. Je ne suis pas au courant... Non.

Le président: C'est l'expert de la sécurité du ministère qui l'a laissé entendre. Quoi qu'il en soit, nous pourrons y revenir. Ce n'est pas essentiel. J'étais simplement curieux.

L'autre question concerne le rôle de l'OSCE dans les missions commerciales... Il y a eu une conférence sur la criminalité, diverses questions, le respect et la surveillance de l'OSCE dans la région... Savez-vous si l'Assemblée parlementaire de l'OSCE participe à un de ces aspects? Faut-il lui demander de participer ou est-ce simplement la branche gouvernementale de l'OSCE qui le fait?

M. Ron Halpin: Monsieur le président, vous participez depuis longtemps à l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, et vous savez qu'elle...

Le président: J'essaie de savoir ce que vous faites.

M. Ron Halpin: ... a une participation très active. Je ne suis pas sûr au juste des activités parlementaires qui sont survenues depuis la conférence d'Istanbul, mais nous constatons certes que l'OSCE accorde une attention toute particulière et très active à l'Asie centrale. Par ailleurs, le Conseil d'Europe marque de plus en plus d'intérêt tant au Caucase qu'à l'Asie centrale. Il y a beaucoup d'activité.

Le président: Je me demandais simplement, par exemple en ce qui concerne la criminalité, mais aussi les questions de sécurité... Quand les missions de l'OSCE s'y rendent, j'en suis informé, mais si elles devaient faire participer des gens de ces pays à l'Assemblée parlementaire... Nous discutons de pareilles questions à l'Assemblée parlementaire. Si vous parveniez à inviter des législateurs de la région à assister aux séances—c'est l'une des raisons pour lesquelles on invite des personnes à prendre part à des pourparlers, pour les faire participer... les drogues illicites, le crime et la corruption dans leur propre pays. S'ils viennent, qu'ils rencontrent des parlementaires de l'OSCE et admettent qu'ils ont effectivement un problème, ce pourrait être une solution.

Certains de nos collègues présents ici ont participé à la formation du Forum interparlementaire des Amériques, il y a quelque temps. L'objectif est analogue. Nous nous asseyons avec nos collègues et discutons de ces questions. C'est une façon de faire participer la société civile au niveau politique de manière à résoudre leurs problèmes. Je me demandais simplement dans quelle mesure notre gouvernement fait la promotion de ce genre de mécanisme qui, selon moi, facilite beaucoup les choses.

• 0940

M. Ron Halpin: Je vous remercie d'avoir posé la question, parce qu'en un certain sens, elle va droit au coeur de ce que nous pouvons faire dans les limites de nos moyens. Nous n'avons pas la capacité, comme je l'ai dit, d'être partout à la fois et de participer à beaucoup de programmes en raison de l'éloignement, de l'isolement et des ressources limitées.

Donc, essentiellement, une grande partie de ce que nous faisons mise sur les capacités qu'a le Canada, qu'il s'agisse du Parlement... Je suis par ailleurs d'accord qu'il est utile de faire participer leurs législateurs à certains de ces dossiers. Nous avons recours à de nombreuses ONG qui sont actives en Asie centrale également pour répandre la bonne nouvelle, c'est-à-dire faire participer la société civile et essayer de convaincre beaucoup de ces pays que la société civile n'a rien de menaçant.

Wendy, avez-vous quelque chose à dire?

Mme Wendy Gilmour (directrice adjointe, Bélarus, Caucase, Asie centrale, Moldovie, Ukraine, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Simplement en réponse à votre question précise, par exemple à l'atelier de l'OSCE qui a eu lieu à Tachkent l'automne dernier et qui portait sur la criminalité internationale, sur le trafic de personnes et de drogues, il y avait des parlementaires présents. Je crois savoir que le secrétariat de l'OSCE de l'Assemblée parlementaire était présent et qu'on avait lancé une invitation à certains parlementaires choisis de cette région.

Je sais que le BIDDH, que vous connaissez bien—c'est-à-dire le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme—lorsqu'il se rend dans la région, se fait un devoir d'obtenir une participation parlementaire afin d'essayer d'y intéresser les législateurs. De toute évidence, on pourrait faire plus, mais comme l'a dit Ron, il s'agit simplement d'une question de ressources.

Le président: Voilà qui est très utile, car comme vous le savez, nous participons à l'Assemblée parlementaire qui doit se réunir à Paris cette année. Certains de nos membres aimeraient y aller et faire quelque chose. Un des problèmes, au Canada, c'est que nous ignorons souvent ce qu'ils font au juste là-bas. Le secrétaire général nous tient au courant, mais en raison de notre éloignement, il est difficile d'entretenir des relations soutenues avec eux.

Certains de nos membres, maintenant que nous avons achevé cette étude, voudront peut-être y participer davantage. Le ministère pourrait même en envisager la possibilité, car j'ai souvent rencontré votre ambassadeur à Vienne, entre autres. Toutefois, certains membres du comité qui ont participé à l'étude voudront désormais se rendre à l'Assemblée parlementaire de l'OSCE. Ces personnes sont des ressources si l'on pense à les faire participer. C'est tout.

M. Ron Halpin: Si je puis, avant que la délégation ne se rende à Paris, nous serions ravis de tenir à son intention une séance informelle d'information afin de mettre les délégués au fait, d'exposer nos préoccupations et de faire appel à leur aide.

Le président: Nous en ferons une pratique. Notre greffier organise toujours une séance d'information avant la tenue de l'assemblée et un porte-parole du ministère est toujours invité. J'essaierai de ne pas oublier de demander à notre greffier de vous inviter peut-être, monsieur Halpin, car vous jouez un rôle important. Je vous remercie d'avoir fait cette offre.

Wendy pourrait peut-être venir également, car elle semble en savoir plus que moi au sujet de ce qui se passe là-bas. Ce serait très utile.

Mme Ann Collins (directrice, Direction de l'Europe de l'Est, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Je suppose également, monsieur le président, surtout lorsque des dossiers ayant un rapport direct avec cette partie du monde ou pouvant avoir une influence sur elle sont au programme, que nous aimerions beaucoup avoir la possibilité de vous rencontrer avant les réunions.

Par exemple, nous avons à plusieurs occasions tenu des séances d'information à l'intention des députés qui font partie de l'Assemblée parlementaire du Conseil d'Europe parce que certains points précis de l'ordre du jour concernaient l'ex-Union soviétique.

Le président: Je vous remercie.

Chers collègues, je suis navré. Je n'avais pas prévu d'aller aussi loin... Je n'avais pas prévu d'explorer cette question autant que nous l'avons fait, mais je crois que c'est utile.

[Français]

Monsieur Rocheleau, avez-vous des questions?

M. Yves Rocheleau: Merci, monsieur le président.

Monsieur Halpin, merci de votre exposé. J'étais du groupe de députés qui se sont rendus l'an passé en Asie centrale, et votre texte me rappelle de très bons souvenirs, parce que ce fut un voyage très intéressant et très enrichissant.

J'ai deux questions à vous poser. L'une porte sur la mine Kumtor, qui est un investissement très important, comme vous le soulignez, mais où il s'était produit un accident écologique qui avait semé un certain émoi dans la population. On avait eu un exposé d'un représentant de la mine qui avait semé le doute dans notre esprit plutôt que de nous donner des réponses, peut-être à cause du style du conférencier. Si ma mémoire est bonne, il y avait des poursuites qui étaient en cour. Il y avait alors de la méfiance envers la compagnie. Quel est l'état actuel de l'opinion publique? C'est ma première question.

• 0945

Vous parlez aussi de l'influence grandissante de la Russie dans cette région. Si ma mémoire est bonne, le rôle de la Russie n'était pas omniprésent dans l'esprit des gens, le tout faisant partie du passé. Comment la population et les gouvernements perçoivent-ils les activités du président Poutine par rapport à celles de son prédécesseur? Sont-elles bien vues? Est-ce une bonne nouvelle pour eux, ou si cela est source de frustration et d'agacement?

M. Ron Halpin: J'aimerais vous demander une précision sur votre dernière question. Parlez-vous de la réaction populaire aux activités du président Poutine?

M. Yves Rocheleau: Le rôle que la Russie se donne, de par sa prédominance historique, est-il souhaité par ces populations ou s'il leur est imposé?

M. Ron Halpin: Il est très difficile de répondre à cette question étant donné la pénurie de sondages publics en Asie centrale. Il y a certainement une collaboration économique avec la Russie dans certains domaines. Il y a aussi des soucis russes concernant la question de l'intégrisme islamiste en Afghanistan. Donc, il y a un mélange de questions de sécurité, de débouchés commerciaux et ainsi de suite.

Les leaders des gouvernements en Asie centrale sont presque tous les mêmes depuis 10 ans. Donc, je pense qu'ils connaissent très bien la Russie et ce qu'ils peuvent attendre d'elle. C'est leur voisinage. C'est une réalité.

En ce qui touche la question concernant le désastre à Kumtor et le processus de règlement des affaires juridiques, je n'ai aucune information. Peut-être que Wendy Gilmour a de l'information.

[Traduction]

Mme Wendy Gilmour: Vous savez que ce projet de loi a été déposé en 1998. Il y a eu quelques difficultés par après, particulièrement en ce qui concerne les trousses d'essai utilisées pour mesurer les niveaux de cyanure dans les ruisseaux et rivières de la région. Kumtor a collaboré très étroitement avec le gouvernement du Kirghizistan pour faire en sorte que la population locale comprenne ce qui avait été fait.

Nous avons juste entendu dire que les affaires continuaient. Les populations locales ont été satisfaites des trousses d'analyse, et certaines réparations ont été payées. Une aide au développement a été offerte à cette collectivité et autant que nous le sachions, les relations sont très bonnes depuis.

La population de la République kirghize est toujours fortement en faveur de l'investissement canadien et le gouvernement nous laisse entendre qu'il recherche toujours la participation du Canada. Nous pensons donc que le résultat a été positif, et je crois que c'est un bon exemple, sinon une leçon, de la façon dont le Canada s'occupe de catastrophes comme celle-ci—même lorsqu'elles se produisent dans des pays aussi éloignés que la République kirghize.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Marleau.

L'hon. Diane Marleau (Sudbury, Lib.): Merci.

J'ai eu la chance de participer au voyage en Asie centrale et je voulais avoir une mise à jour des différents pays que nous avons visités. La République kirghize était de loin la partie de l'Asie centrale qui avait réalisé le plus de progrès. Elle avait fait la conversion monétaire et avait véritablement répondu à beaucoup d'exigences. Toutefois, la population s'était appauvrie au lieu de s'enrichir. Je me demande si cette tendance se poursuit—si la population s'appauvrira à jamais, car effectivement, cela influe sur le résultat à long terme.

J'aimerais également en savoir plus sur le Kazakhstan, où la société Hurricane Hydrocarbons avait considérablement investi. Je dois dire qu'à cause de sa présence constante, elle s'était heurtée à quelques graves problèmes, mais elle maintenait catégoriquement qu'elle allait réussir. Toutefois, je ne sais pas où elle en est aujourd'hui par rapport à la situation d'il y a un an lorsque nous étions dans la région.

• 0950

Un des autres pays où nous sommes allés—je crois bien que c'était l'Ouzbékistan, si ma mémoire est bonne—était très en retard dans le domaine de la libéralisation des échanges. Ce n'était pas un très bon endroit où se trouver. Il y avait de magnifiques édifices et on y retrouvait toutes les institutions possibles, mais je ne pense pas que ce pays comprenait ce qu'était la démocratie, dont l'interprétation qu'il en faisait lui était bien particulière.

J'aimerais vous demander de nous brosser un tableau de ce pays. Il y a un an, il se trouvait dans une certaine situation. Cela a-t-il évolué? Y a-t-il de nouveaux investissements? Nous avons entendu dire que ce pays souhaitait davantage d'investissements canadiens. Même les groupes travaillant sur le terrain avec les pauvres nous ont dit que plus il y aurait de gens d'affaires canadiens dans leur pays, plus leurs chances de lutter contre la corruption et la mauvaise gestion, si répandues dans de nombreux endroits, s'amélioreraient.

M. Ron Halpin: Je ne pense pas me tromper en disant que peu de choses ont changé. Les investissements étrangers sont statiques: seules les sociétés qui réussissaient bien et qui enregistraient une croissance continuent à investir. Le rythme de la réforme en Ouzbékistan est toujours très lent, tandis que la pauvreté au Tadjikistan se maintient. Les problèmes auxquels sont confrontés les investisseurs au Kazakhstan se poursuivent également, ce qui a un effet nuisible sur l'investissement étranger.

Pour ce qui est des mises à jour précises au sujet d'investissements particuliers, peut-être que Wendy ou Ann pourrait vous en parler, mais je ne pense pas que bien des choses aient changé. Je ne suis pas au courant de variations négatives ou positives de la courbe de tendance.

Mme Ann Collins: J'aimerais simplement faire quelques observations sur des points à surveiller à l'avenir.

Tout d'abord, quel va être l'effet de tous ces pipelines sur le taux des investissements étrangers dans des pays comme le Kazakhstan, par exemple, et aussi leur effet sur les économies nationales.

À propos de la République kirghize, j'imagine que le dérapage au niveau du développement démocratique a été la principale source de préoccupation de l'année dernière. Vous avez dit, à juste titre, que ce pays avait affiché un très bon résultat au plan des réformes économiques du point de vue de l'OMC et que son résultat en matière de développement démocratique était tout à fait positif également. Nous avons donc observé un dérapage dans ce pays.

L'Ouzbékistan reste toujours un pays intéressant. Au début des années 90, c'était l'un des pays auxquels s'intéressaient particulièrement les sociétés canadiennes et c'est toujours encore un peu le cas aujourd'hui. Toutefois, aucun progrès n'est réalisé dans plusieurs domaines importants, comme la conversion monétaire et le dialogue avec le FMI.

Wendy pourrait donner plus de précision.

Mme Wendy Gilmour: La République kirghize a eu des élections présidentielles à l'automne, auxquelles le Canada a envoyé des observateurs sous l'égide de l'OSCE. Il a été conclu que les élections n'ont pas été tenues conformément aux normes internationales. Sur le plan positif cependant, au contraire d'autres pays de la région où l'OSCE est intervenue—comme le Bélarus—le gouvernement kirghiz continue de collaborer avec l'OSCE en vue de régler les problèmes.

L'opposition n'était pas très heureuse, mais elle n'est pas aussi organisée au Kirghizistan qu'ailleurs. Il n'y a donc pas eu d'importantes retombées.

L'Ouzbekistan continue de connaître d'importants problèmes au plan du développement et de la gouvernance et des structures démocratiques. Ceci dit, quelques petits efforts sont déployés. Le gouvernement ouzbek s'ouvre sur l'Ouest et veut vraiment établir des rapports avec les pays occidentaux—ce qui présente une opportunité pour nous d'influencer le développement là-bas.

Une délégation de l'Ouzbekistan a rendu visite au Canada en février, je crois, dans le but d'examiner la possibilité d'ouvrir des droits réciproques d'atterrissage avec le Canada. Une mission de développement des entreprises qu'a organisée notre ambassade à Moscou s'est rendue en Ouzbekistan en mars avec des représentants de sept ou huit compagnies canadiennes, je crois. Ils examinaient les possibilités que peuvent offrir la privatisation à grande échelle qui se déroule actuellement dans l'industrie des télécommunications, dans le secteur des mines et des chemins de fer. Ce n'est pas dire que la privatisation se déroule dans l'ouverture et la transparence, mais au moins ils font un effort pour s'ouvrir sur l'Occident.

• 0955

La compagnie Hurricane Hydrocarbons a connu des difficultés constantes, mais du côté positif, elle tente de régler ses difficultés par l'entremise des tribunaux du Kazakhstan. Elle a remporté d'importants succès avec les jugements qui confirmaient l'inviolabilité de ses contrats et ses propres droits en tant que compagnie représentatrice dans le pays, ce qui est positif parce qu'elle recourt aux régimes juridique et judiciaire du Kazakhstan.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Monsieur Patry.

[Français]

M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Merci à nos invités de ce matin. J'ai deux petites questions.

Pour ma part, j'ai fait l'autre voyage, celui dans le Caucase du Sud. Vous dites à la page 8:

    Fin mars, l'Azerbaïdjan a conclu avec la Turquie un marché prévoyant la fourniture de 83 milliards de mètres cubes de gaz sur 15 ans...

On sait très bien que le pipeline de Bakou-Ceyhan passera à travers la Géorgie. Quel sera l'impact de cela pour la Géorgie? Pendant notre voyage, on s'est rendu compte que la Géorgie avait aussi beaucoup de difficulté.

Voici ma deuxième question. Vous avez parlé aussi des problèmes de l'Abkhazie. On n'est pas allés en Abkhazie, mais on est allés en Ossétie du Sud durant le voyage.

Il y a aussi le puzzle de la Tchétchénie. Les Russes nous disent qu'ils sont un peu contre la Géorgie parce que la Géorgie semble aider les rebelles tchétchènes en les aidant à passer à travers la montagne et tout ça. Mais en contrepartie, ils viennent d'imposer des visas pour la Géorgie, sachant très bien que les Tchétchènes ont aidé les Abkhazes contre la Géorgie durant la guerre, il y a à peu près 10 ans; je pense que c'était 1991. Le puzzle est difficile à comprendre. Est-ce que la vraie raison pour laquelle la Russie se défend fortement contre la Tchétchénie n'est pas la peur de voir les intégristes musulmans prendre le contrôle en Tchétchénie, comme l'a mentionné le président au tout début?

[Traduction]

Mme Wendy Gilmour: Le projet de pipeline de Baku-Ceyhan est plus avancé qu'il ne l'était lors de votre visite de l'année dernière. La Géorgie a signé l'entente, a convenu d'être officiellement un élément du pipeline et rend le territoire accessible. C'est donc très positif.

La viabilité commerciale de ce pipeline est toujours en doute parce que, bien entendu, il suivra un trajet tortueux dans une région géographique très accidentée. Les difficultés techniques que présente sa construction sont assez énormes.

Ceci dit, ce qui aide le processus est qu'il y a maintenant une entente entre l'Azerbaijan et la Turquie, comme vous l'avez dit, qui fait que la Turquie achètera le gaz azéri, ce qui garantit le flux par ce pipeline et devrait donc le rendre plus viable sur le plan commercial. S'il est construit, ce sera très positif pour la Géorgie. Elle encaissera des droits de transit pour le gaz qui passe par son territoire. Elle devra en assurer la sécurité, ce qui sera très probablement assez coûteux pour elle, mais dans l'ensemble, c'est probablement très positif.

Mme Ann Collins: À propos de la Tchétchénie, comme vous le savez, l'OSCE a mis sur pied une mission de surveillance de cette frontière. À ce que j'ai compris, elle a été augmentée.

On ne sait pas exactement ce qui...

[Français]

Quelle était votre question précise concernant la Tchétchénie?

M. Bernard Patry: Je voudrais essayer de comprendre un peu mieux le problème de la Tchétchénie. Quelle est la vraie raison des gestes de la Russie? La Russie veut-elle garder la Tchétchénie tout simplement pour une raison de territoire, ou parce qu'elle a peur des intégristes musulmans intégristes qui, pense-t-on, sont financés par l'Arabie saoudite? Cette guerre est-elle une guerre religieuse à long terme ou une guerre de territoire à court terme?

Mme Ann Collins: Évidemment, je ne peux pas parler au nom du gouvernement de la Russie, mais la Russie dit toujours que c'était en fait une campagne antiterroriste. De notre côté, nous avons toujours soutenu que leurs actes, et surtout les activités militaires, ont été excessifs pour une campagne antiterroriste.

• 1000

Les Russes sont maintenant dans ce qu'ils appellent une phase de reconstruction en Tchétchénie. Ils commencent à retirer leurs troupes militaires et ils mettent un peu plus l'accent sur la reconstruction. Ce qui nous préoccupe toujours, ce sont les conditions de vie des populations civiles, non seulement en Tchétchénie même, mais aussi en Ingouchie, la région à côté de la Tchétchénie, la question du retour des personnes déplacées, le besoin d'aide humanitaire pour ces peuples civils et aussi, évidemment, les questions de droits de l'homme dans la région.

M. Bernard Patry: À propos de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan, vous nous dites qu'il y a eu récemment une rencontre en Floride entre les deux présidents. Est-ce que vous pourriez élaborer sur ce sujet-là? Vous comprenez très bien qu'il y a une grande diaspora arménienne ici, au Canada. Vous savez très bien que la date anniversaire du génocide était cette semaine. Il y a la question de la reconnaissance du génocide. Le Canada n'accepte pas le terme «génocide». En quoi consistent ces pourparlers pour essayer de mettre fin au conflit qui existe au Nagorno-Karabakh?

M. Ron Halpin: Au début avril, le président Aliev et le président Kotcharian se sont rencontrés à Key West, en Floride, pour discuter du parrainage du Groupe de Minsk. D'après ce qu'a rapporté la presse, ils ont conclu un accord de principe qui représente une avance substantielle pour les deux côtés et pour la région.

Toujours d'après ce que rapportent les journalistes, le côté arménien donnerait six des sept régions hors du Nagorno-Karabakh à l'Azerbaïdjan. L'Azerbaïdjan gagnerait un corridor sécuritaire vers Nakhitchevan via l'Arménie. Donc, les frontières entre la Turquie et l'Azerbaïdjan s'ouvriront.

La question critique, le contentieux porte sur le statut final de l'enclave. Aucune solution n'est en vue. Il est probable qu'on soit forcé d'accepter que la situation actuelle continuera pendant un bon bout de temps. Ce n'est pas vraiment la solution; c'est une question d'accepter le statu quo et une paix assez fragile.

Il est très difficile pour les populations là-bas d'accepter un compromis.

M. Bernard Patry: Vous avez parlé des sept régions. La région qui ne serait pas remise serait la région de Lachin, où passerait le corridor?

Mme Wendy Gilmour: Exactement.

M. Bernard Patry: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: J'aurais peut-être deux ou trois questions à poser. Si d'autres personnes en ont, elles pourront les poser.

Lorsque nous étions à Istanbul, nous avons assisté à la signature de l'accord sur le pipeline de Baku-Ceyhan. Il a fait l'objet de beaucoup de discussions lorsque nous étions en Géorgie et en Azerbaijan—par où il passerait, par l'Arménie ou la Géorgie, et tout cela. Où en est ce pipeline? Y a-t-il du progrès?

• 1005

Peut-être pourrais-je lier une autre question à celle-ci. Lors d'une audience que nous avons tenue antérieurement au sujet de la région, un Américain a témoigné—je crois que c'était un professeur—et il a dit très clairement que l'intérêt des Américains pour la région est très centré sur l'énergie et le pétrole. Depuis l'élection de l'administration Bush aux États-Unis, et puisqu'elle semble porter un intérêt accru à la question, est-ce qu'ils s'efforcent plus que jamais de produire de l'énergie de là-bas, ou est-ce qu'ils essaient de décourager cette production en vue de faire plus d'argent avec l'énergie d'ailleurs? Est-ce que l'administration américaine actuelle participe à la création d'un pipeline, etc.?

Mme Wendy Gilmour: Tout d'abord, au sujet de la question sur le pipeline, vous étiez là au moment de la cérémonie de signature, lorsque la Géorgie a officiellement convenu de se joindre à la Turquie et l'Azerbaïdjan. C'est là qu'a été confirmé le trajet, qui partirait de Bakou, passerait par la Géorgie et traverserait ensuite le sud de la Turquie en contournant l'Arménie. C'est encore le trajet qui est planifié pour le gouvernement américain qui est toujours très déterminé à obtenir des appuis pour ce pipeline. C'est tout de même, après tout, un débouché commercial, alors il faut bien qu'il y ait un intérêt commercial pour sa construction. Le gouvernement américain ne financera pas toute l'opération, et c'est pourquoi il faut que d'autres s'y intéressent.

Comme nous l'avons dit, il y a maintenant cette entente entre l'Azerbaïdjan et la Turquie qui garantirait le flux de gaz par ce pipeline d'ici quelques années pour une certaine période, ce qui le rend d'autant plus viable sur le plan commercial.

Ce qui est intéressant, à propos de la nouvelle administration américaine...

Le président: Est-ce que le trajet a été confirmé? C'est définitif?

Mme Wendy Gilmour: Le trajet a été confirmé et il passera de l'Azerbaïdjan par la Géorgie, jusqu'en Turquie.

Le président: C'est bien.

Mme Wendy Gilmour: Je crois, bien que je n'en sois pas tout à fait sûre, qu'il y a encore certaines questions d'ordre technique à régler, particulièrement par quel territoire exactement il passera dans ces pays.

Le président: D'accord.

Mme Wendy Gilmour: Mais ils examinent tout le temps des possibilités différentes. Comme vous le savez, c'est une région très difficile. Elle est caractérisée par les tremblements de terre, sans parler des problèmes de sécurité humaine, de terrorisme et d'autres facteurs du genre. Il reste donc encore beaucoup à décider sur ce plan.

Le président: Les tremblements de terre ne surviennent pas seulement sous terre.

Mme Wendy Gilmour: Oui, exactement.

En ce qui concerne l'administration américaine, le nouveau gouvernement du président Bush a confirmé qu'il a toujours un représentant spécial, un ambassadeur de la région de la mer Caspienne, dont le mandat est spécifiquement de promouvoir ce pipeline. Le gouvernement Bush a pris un engagement particulier avec le groupe Minsk, l'Arménie et l'Azerbaïdjan. C'est pourquoi les pourparlers ont eu lieu en Floride. Ce qui est remarquable à leur sujet n'est pas seulement l'engagement américain, mais le fait que la Russie y était et y a joué un rôle très constructif, en collaboration avec les États-Unis. Quant à savoir si cela se poursuivra, tout dépend, selon moi, d'éventuels progrès dans la résolution des conflits de la région.

Le président: Je vous remercie.

Vous avez mentionné, dans votre document, monsieur Halpin, le problème des ressources. Nous en avons beaucoup entendu parler. Je ne sais pas si, pour le moment... Je sais, selon les perspectives du ministère, qu'il y a deux dimensions au problème des ressources, à ce que j'ai compris. Premièrement, devrions-nous ouvrir plus de bureaux consulaires ou d'ambassades dans cette région et, dans l'affirmative, où? Aussi, dans l'affirmative, où prendriez-vous les ressources pour le faire?

Deuxièmement, l'ACDI y est présente dans la région, ce qui est un facteur très important pour la consolidation de la société civile et l'investissement dans les systèmes judiciaires, la formation des avocats, et tout cela, domaines dans lesquels, à ce que j'ai compris, l'ACDI devient plus active—nous allons nous procurer leur rapport. Mais peut-être pourriez vous, en matière de ressources du ministère, nous dire...? Parce que nous allons faire des recommandations sur ce sujet, et nous avons entendu dans tous les pays où nous sommes allés qu'ils aimeraient avoir une ambassade du Canada. C'est indéniable: tout le monde à qui nous avons parlé a dit souhaiter avoir une ambassade. Maintenant, il faut que quelqu'un prenne une décision sur l'attribution des ressources. Êtes-vous en position de nous aider à désigner les endroits les plus appropriés, s'il fallait en choisir deux plutôt que six?

M. Ron Halpin: C'est le genre de question que ce comité m'a posée lorsque j'ai témoigné devant lui il y a quelques années, au sujet du budget, seulement, à l'époque, il s'agissait de fermer nos bureaux.

Le président: C'est vrai, oui, exactement.

L'hon. Diane Marleau: La situation a un peu changé.

• 1010

M. Ron Halpin: Même si nous avions plus de ressources, cela ne voudrait pas forcément dire que nous y ouvririons une mission. Il s'agirait d'attribuer des ressources pour, en quelque sorte, un type d'article au budget, où on dit «ouverture d'une mission dans le Caucase ou en Asie Centrale».

Actuellement, le point de mire du comité est sur cette région, et il ne fait pas de doute qu'il y a une tendance de l'attention internationale et des organismes de subvention à se porter sur les enjeux stratégiques relatifs à l'énergie... Ils vont vers l'est, traversent toute l'Europe, pour régler les besoins énergétiques de l'Ouest, que ce soit de l'Europe ou des États-Unis, de l'Amérique du Nord ou d'ailleurs. Le problème de la stabilité de l'approvisionnement au Moyen-Orient... Tout cela force à faire l'examen des intérêts stratégiques que nous avons au Caucase et en Asie Centrale.

Il y a des débouchés là-bas, cela ne fait pas le moindre doute. Mais lorsque l'on examine ces débouchés, il faut tenir compte du fait que nous avons des moyens différents de les traiter, et ce n'est pas toujours avec la présence d'une mission résidente que nous y parvenons. Ils veulent tous avoir des missions chez eux. Nous leur donnons beaucoup d'attention lors de nos visites. Nous encourageons les visites, non seulement parce que nos ambassadeurs et pratiquement tous les programmes de nos ambassades sont axés là-dessus, mais par l'entremise des ONG et du Parlement. Nous nous efforçons d'établir le contact et le dialogue entre leurs entreprises du secteur privé ou public et leurs homologues canadiennes.

Vous avez parlé tout à l'heure de la question de savoir comment les parlementaires participent, à propos de l'OSCE et des autres instruments. Eh bien, voilà une occasion pour vous d'inviter et d'accueillir les membres de leurs législatures.

Je ne suis pas sûr, si nous en avions les ressources—même lorsque je regarde le domaine dont j'assume la responsabilité—si, dans ces circonstances, nous songerions à attribuer une priorité absolue sur ce plan à ces pays, en partie parce qu'il est tellement difficile de faire un choix parmi eux.

Au Baku, nos intérêts sont presque exclusivement commerciaux, en matière de relations avec le secteur de l'énergie. Nous avons en Arménie une communauté très active et très intéressée qui aime bien nous rendre visite. Nous avons là-bas des intérêts consulaires. En ce qui concerne la Géorgie, il y a le problème du climat politique dans la région. C'est probablement le seul endroit, en ce moment, où nous pourrions, logistiquement parlant, avoir une ambassade, et pourtant en toute probabilité, c'est là que nous avons le moins d'intérêt à le faire.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Parlons des visites. À ce que j'ai compris, les chefs d'État de l'Azerbaïdjan et du Kazakhstan aimeraient venir au Canada. Certaines pressions sont exercées pour qu'ils viennent. Jugeriez-vous utile que M. Nazarbayev vienne au Canada? Dans l'affirmative, est-ce que quelqu'un essaie de régler les problèmes bilatéraux se rapportant à la région avant qu'il vienne, ou pendant qu'il sera ici?

M. Ron Halpin: La démarche de négociation d'une visite et de sa réalisation est souvent un excellent moyen de régler un problème bilatéral avec ces pays. Nous avons pris un engagement relativement à une visite possible du président Nazarbayev et du président Aliev. Il y a des intérêts canadiens en jeu, et nous examinons les possibilités et les dates où cela pourrait se faire.

Le président: Je vous remercie.

Madame Collins, vous avez la parole.

Mme Ann Collins: Peut-être pourrais-je faire un commentaire sur la question des ressources. Je pense qu'une façon de l'aborder, aussi, est par l'entremise de la définition des intérêts canadiens de la manière dont ils peuvent le mieux être servis. Je pense que les intérêts canadiens ont évolué et évoluent encore dans la région, alors que lorsque nous avons établi nos premiers bureaux, les intérêts du pays étaient principalement d'ordre commercial. M. Wright l'a fait remarquer dans une présentation antérieure, au printemps dernier.

Nous avons toujours des intérêts commerciaux. Je pense qu'il y en a plus maintenant dans le Caucase que, disons, il y a une dizaine d'années. C'est donc un facteur à tenir en compte. Mais aussi, les intérêts évoluent plus dans le sens de la sécurité et des droits de la personne, et c'est pourquoi nous sommes très heureux qu'il y ait maintenant un agent de l'ACDI au Kazakhstan, par exemple. Ce genre de mesure aide beaucoup. Très souvent, il peut être très utile d'accroître les ressources dans les bureaux que nous avons déjà.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Casey, c'est à vous.

• 1015

M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Merci.

Tout de suite, lorsqu'on m'a chargé des affaires étrangères... L'une des contradictions dont vous avez parlé dans votre tout premier paragraphe est cette histoire entre l'Arménie et la Turquie au sujet du génocide. Des arguments m'ont immédiatement été présentés par les deux côtés, et aucun n'était réellement objectif. Je me suis demandé si vous pourriez m'aider et m'exposer un point de vue objectif de la manière dont le ministère voit cette situation. Hier, nous avons failli faire passer un projet de loi d'initiative parlementaire pour désigner le génocide arménien comme un génocide. Il n'est pas passé, mais c'est un sujet troublant et, certainement, qui préoccupe grandement tous ceux qui en entendent parler. Je me demande si vous pouvez nous donner un aperçu objectif de l'information qui est disponible à ce sujet.

M. Ron Halpin: C'est un sujet difficile et chargé d'émotions. Il y a cette politique du gouvernement qu'a formulée M. Julian Reed devant la Chambre, et cette déclaration est accessible à tout le monde. Je pourrais la passer en revue. La politique du gouvernement n'a pas changé.

Je pense que le facteur important est que, comme nous l'avons expliqué à propos tant des opportunités d'améliorer la situation économique dans la région que d'atténuer le conflit interethnique, nous pensons qu'ils devraient entamer une réconciliation. Nous observons des indices positifs, je pense, avec les rapports diplomatiques relatifs au pipeline et les activités de l'OSCE, qui donnent à penser que la Turquie et l'Arménie seront capables, avec le temps, de concilier leurs différends sur ce plan. Il y a eu une tragédie, mais le fait de vouloir en parler, à mon avis, dans un langage chargé d'émotions et de jargon juridique, les a ramenés dans le passé, et il faut fixer le regard sur l'avenir.

M. Bill Casey: Je ne demande pas tant un point de vue ou une opinion que les faits tels qu'ils sont. Pouvez-vous nous décrire brièvement ce qui est arrivé entre 1915 et 1923?

Le président: Je ne vois même pas de carte géographique.

M. Ron Halpin: Beaucoup de gens ont été tués à cette époque. Il y a eu des Arméniens, et aussi des Turcs. Il y a eu des victimes de beaucoup d'autres nationalités, et j'en ai lu des récits. Parfois les chiffres sont différents. Parfois ce sont d'autres choses qui sont différentes. Je ne crois pas que ce soit très...

Le fait de tenter une analyse rétrospective de cette situation à l'ère moderne remet en cause le genre de valeurs que nous avons ici, au Canada, pour composer avec ceci. C'est un enjeu très, très difficile que de tenter de situer dans une politique pour la région, lorsque nous parlons de vouloir améliorer la situation économique, réduire les luttes interethniques, et les encourager à cerner les valeurs qui tendraient à les rapprocher, comme celles qu'ils ont appuyées dans les diverses déclarations des droits de la personne et avec l'OSCE.

M. Bill Casey: Qu'est-ce qui a déclenché cette tragédie?

Mme Ann Collins: La chute de l'empire Ottoman.

M. Ron Halpin: La chute de l'empire Ottoman. La Première Guerre mondiale.

M. Bill Casey: Où y a-t-il eu des victimes? En Arménie, en Turquie, dans les deux pays, ou...?

M. Ron Halpin: Cela dépend de la carte que vous regardez, et de sa date. Il existe beaucoup de cartes intéressantes, et il s'en fait encore maintenant, en ce sens qu'elles ne s'accordent pas sur les frontières, les régions qui se chevauchent ou encore où existent les frontières.

M. Bill Casey: Je ne suis pas très avancé.

M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, AC): Quel est le point de vue?

Mme Wendy Gilmour: Si vous permettez, la raison pour laquelle nous ne pouvons pas vous donner de réponse est parce qu'il n'y a pas de compte rendu unanime sur ces événements. L'une des choses que nous avons essayé de faire, dans la position officielle du gouvernement du Canada, est d'encourager, par exemple, l'ouverture intégrale des archives de la Turquie pour permettre à des chercheurs d'accéder à tous les documents et de produire ce qui serait un compte rendu historique accepté. Le sujet, de tous côtés, est chargé d'émotions. Ce qui ne fait pas le moindre doute est qu'une tragédie est survenue, et que des milliers, sinon des centaines de milliers de gens ont été tués. Quant à essayer de tous les nommer et les attribuer à un groupe ethnique particulier, on s'engagerait dans un terrible champ de mines.

• 1020

M. Bill Casey: Vous est-il possible de m'exposer les faits tels que chacun des deux côtés les voit sans prendre parti? Qu'est-ce qu'on raconte d'un côté? Qu'est-ce qu'on raconte de l'autre?

Mme Wendy Gilmour: Je peux vous fournir une bibliothèque, si vous voulez.

M. Bill Casey: Oui, je comprends, mais est-il possible simplement de...

Mme Wendy Gilmour: D'abord, je ferais toutes les mises en garde nécessaires au sujet de ce que nous croyons être la version exacte des faits. Ceux qui déplorent la diaspora arménienne, qui voudraient qu'on reconnaisse qu'il y a eu génocide, estiment—et je n'ai pas les chiffres—que 1,5 million d'Arméniens ont péri entre 1915 et 1923. Ils ont été forcés de parcourir de longues distances à pied et ont été victimes d'attaques directes, d'exécutions et d'autres actes qui faisaient partie du plan ottoman pour chasser la population arménienne du territoire sur lequel s'étendait l'Empire Ottoman, et par la suite l'État moderne de la Turquie.

Les Turcs estiment que beaucoup d'atrocités ont été commises de tous les côtés au moment de l'éclatement de l'Empire Ottoman. De plus, il est impossible actuellement de déterminer l'identité et le nombre des responsables en raison d'un manque de connaissances directes et des gens en cause. Les Turcs font remarquer qu'il y a eu certaines atrocités dont ils acceptent la responsabilité, que des procès pour crimes de guerre ont eu lieu durant et immédiatement après cette période et que ces problèmes ont été réglés à l'époque. Il y a tellement de confusion qui entoure la dissolution de l'empire que personne ne peut maintenant confirmer que certains événements se sont vraiment produits.

M. Bill Casey: Si la carte actuelle s'appliquait en 1915, a-t-on tenté de déplacer les Arméniens de ce qui est aujourd'hui la Turquie vers l'Arménie? Est-ce l'accusation qui est portée?

Mme Wendy Gilmour: À l'époque, la frontière de l'Empire Ottoman dans cette région correspondait à peu près à la frontière actuelle de la Turquie. La plupart des Canadiens d'origine arménienne viennent de l'ouest de l'Arménie, qui fait actuellement partie de la Turquie. L'est de l'Arménie était habité par un autre groupe d'Arméniens qui, à l'époque, ne se trouvaient pas dans l'Empire Ottoman. C'est la division entre les deux, ou la zone frontière, qui est la cause le problème. Le gouvernement turc a tenté, d'après ce que diraient les descendants des Arméniens de la diaspora, d'expulser tous les Arméniens du territoire actuel de la Turquie.

M. Bill Casey: J'admets qu'il ne sert à rien...

Mme Wendy Gilmour: C'est une question historique qui soulève énormément de passions.

Le président: Mais, monsieur Casey, ces événements comportent une autre dimension historique. Il ne faut pas oublier que tout cela s'est passé pendant la Révolution russe et que l'Arménie a alors été intégrée à l'Union des républiques socialistes soviétiques. Il y a eu la Révolution russe, l'Armée rouge, les Russes blancs et les affrontements pour prendre le contrôle de la région. Il n'y a pas seulement eu l'éclatement de l'Empire Ottoman et les conséquences de toute une série de batailles. Il y a Ataturk qui a essayé d'imposer son pouvoir en Turquie et Lénine qui a essayé d'établir son emprise sur la région, et...

Mme Wendy Gilmour: Et il y a eu la Première Guerre mondiale.

Le président: Et la Première Guerre mondiale tirait à sa fin. Je pense donc que c'est un contexte qui crée beaucoup de problèmes.

Comme beaucoup d'entre vous, j'ai évidemment reçu énormément de documentation de chacun des deux groupes. Ce qui est très troublant—et je parle pour moi qui s'intéresse beaucoup à l'histoire—c'est qu'il est très difficile d'arriver à déterminer l'exactitude des faits allégués. On a vraiment du mal à trouver un compte rendu historique qui soit objectif et qui décrive uniquement les faits sans ajouter des chiffres ou indiquer qui était motivé...

Quand nous sommes allés en Turquie, je me rappelle qu'on nous a dit qu'alors que ces événements se produisaient dans l'est de la Turquie, il y avait beaucoup d'autres Arméniens qui vivaient dans la partie occidentale du pays. Ils avaient même des journaux arméniens, et on ne disait pas que les gens étaient persécutés, poursuivis ou importunés d'une façon quelconque. Les Turcs disent qu'il n'y a pas eu de génocide parce que les actes commis n'étaient pas dirigés contre le peuple arménien mais attribuables à la guerre en cours. Par contre, les Arméniens à qui nous avons parlé nous ont exposé les faits de façon complètement différente. Qui croire et comment se faire une idée objective de la situation? C'est difficile pour nous.

Mme Wendy Gilmour: Je conclurais simplement en disant que c'est la raison pour laquelle nous essayons avant tout d'encourager les gens à se tourner vers l'avenir et de faire valoir que la réconciliation dans la région contribuerait pour beaucoup à réparer les torts qui ont pu être commis par le passé.

• 1025

Le président: Oui, c'est vrai.

C'est une question pertinente parce qu'elle est soulevée dans le projet de rapport. Elle s'est posée quand nous étions à Erevan, comme vous pouvez le comprendre. Nous ne pouvons évidemment pas essayer de régler la question de façon définitive dans notre rapport, mais elle est sûrement d'un grand intérêt pour la population arménienne du pays. Nous devons être très sensibles au problème.

Monsieur Obhrai.

M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, AC): Merci, monsieur.

Je m'excuse de mon retard. Je pensais que mes autres collègues étaient ici, mais j'imagine qu'ils sont tous occupés ailleurs. Mes excuses.

Je n'étais pas parmi ceux qui ont fait le voyage organisé au cours de la dernière session, mais j'ai lu des comptes rendus, et vous pourriez peut-être nous éclairer sur la présence des Talibans en Afghanistan—où ils se trouvent, quelle est leur incidence sur la sécurité dans le Caucase et la région environnante.

Dans un reportage de la BBC diffusé il y a quelques jours, on disait que les forces d'opposition qui occupent 5 p. 100 de la région sollicitent l'aide internationale. Vous pourriez peut-être nous dire qui les aident. Que se passe-t-il dans la région sur le plan de la sécurité?

M. Ron Halpin: Je n'ai aucune information sur les activités des Talibans en Afghanistan.

Je pense qu'on craint que les activités des Talibans ne s'étendent dans les régions de l'Asie centrale, et le problème de sécurité est essentiellement régional. Ces régions de l'Asie centrale vont-elles conserver leurs dynasties de clans séculaires ou vont-elles succomber au discours fondamentaliste musulman prêché par les Talibans?

Il y a apparemment des liens entre les Talibans et les groupes d'insurgés en Ouzbékistan et au Kirghizistan. Il y a eu des combats dans la vallée de Fergana et les forces aériennes ouzbèkes ont bombardé la région l'été dernier.

Il est certain que cela créé des tensions dans la région. Les activités et l'influence des Talibans inquiètent ces pays, ainsi que la Russie. Mais, pour ce qui est de la situation en Afghanistan comme telle, je n'ai pas d'information.

Wendy, auriez-vous des observations à faire à ce sujet?

Mme Wendy Gilmour: Je ne suis pas une spécialiste de l'Afghanistan et je ne peux pas vraiment parler de la situation là-bas, mais elle est toujours inquiétante—pas seulement à cause des activités des Talibans et du fait qu'ils soutiendraient le terrorisme dans la région mais aussi à cause de l'afflux des réfugiés. Il y a de la sécheresse là-bas actuellement, ce qui aggrave les problèmes déjà sérieux que connaît la région.

Le mouvement islamique de l'Ouzbékistan inquiète tout le monde. On croit qu'il est établi au Tadjikistan, qu'il est financé et équipé en Afghanistan et qu'il fait des incursions en Ouzbékistan.

Les pays de la région, les cinq pays d'Asie centrale, font montre d'un plus grand désir de coopération—en vue, peut-être, de coordonner leurs activités afin de mettre fin à ces incursions.

• 1030

Nous voulons, par l'entremise de l'OSCE et directement, simplement montrer que nous sommes conscients qu'il y a des besoins légitimes en matière de sécurité auxquels il faut répondre mais, cela dit, ces pays doivent s'assurer d'agir de façon démocratique et dans le respect des droits de la personne. Nous n'aimerions pas, par exemple, qu'il y ait répression abusive des minorités religieuses simplement parce qu'elles sont réputées être associées à des mouvements extrémistes.

M. Deepak Obhrai: Sur le plan économique, j'imagine que, dans ces pays qui étaient socialistes, le marché libre a remplacé le système socialiste. À votre avis, le développement économique est-il plus inquiétant que la menace à la sécurité, à plus long terme dans la région? Qu'est-ce qui serait plus préoccupant?

M. Ron Halpin: Les deux vont de pair. Si la sécurité s'améliore, il y aura plus d'investissements étrangers, d'aide étrangère, qui vont stimuler et favoriser la réforme. En se préoccupant davantage de leurs problèmes de sécurité, les pays prennent des mesures qui ébranlent la confiance des investisseurs étrangers et, dans un sens, ils amènent le gouvernement à s'intéresser davantage à la sécurité qu'à la réforme.

M. Deepak Obhrai: Donc, que disons-nous au Canada, à...

M. Ron Halpin: C'est difficile à dire. L'approche adoptée tant par les gouvernements que par ceux qui s'intéressent à la région doit prendre bien des formes.

Je pense que le président a constaté que, quand on parle du pipeline dans le Caucase, tous les genres de tremblement de terre, souterrains et autres, doivent être pris en considération par les investisseurs étrangers et locaux.

Les choses évoluent lentement. Nous essayons d'améliorer la situation des droits de la personne, de la société civile et des valeurs démocratiques. Nous essayons de les aider à adhérer au régime de l'OMC, à poursuivre la réforme économique, à réduire la corruption, et le reste, mais il faut du temps.

M. Deepak Obhrai: Oui. Votre organisation a donc beaucoup de chemin à faire.

M. Ron Halpin: Oui.

M. Deepak Obhrai: Merci.

Le président: Je vais donner la parole à M. O'Brien, puis à M. Rocheleau avant de conclure.

Monsieur O'Brien.

M. Pat O'Brien (London-Fanshawe, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je suis heureux de vous revoir, monsieur Halpin, après avoir eu l'occasion de vous rencontrer en Europe centrale avec le ministre l'automne dernier. Ce fut un voyage très intéressant.

J'aimerais simplement revenir à la question de M. Casey sur le conflit entre les Arméniens et les Turcs, sur lequel nous avons eu tellement de documentation. D'abord, j'aimerais savoir si nous pourrions avoir une note d'information qui expose la position du gouvernement. Pourriez-vous nous dire brièvement quelle est cette position actuellement? Est-ce que, essentiellement—et je vais bien peser mes mots, monsieur le président—on ne veut pas essayer de régler la question et pousser les gens, les encourager à se réconcilier? Est-ce le cas? Je ne suis pas sûr. On ne semble pas vouloir oublier, du moins d'après ce que j'ai lu. Je me demande donc si vous pourriez nous donner un aperçu de la position actuelle du gouvernement.

M. Ron Halpin: Sa position n'a pas changé depuis la déclaration faite par le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères de l'époque à la Chambre des communes le 10 juin 1999. Si vous voulez, je vais prendre quelques instants pour la lire. M. Reed a déclaré:

    [...] nous nous souvenons du massacre de la population arménienne survenue en 1915. Cette tragédie avait été provoquée dans le but d'éliminer un groupe national, des centaines de milliers d'Arméniens ayant été victimes de toute sorte d'atrocités, y compris des déportations massives et des meurtres collectifs.

    Puisse le souvenir de cette époque contribuer à panser les blessures, à réconcilier les nations et les communautés d'aujourd'hui et à rappeler à nous tous le devoir collectif qui nous incombe de travailler ensemble à la paix dans le monde.

Nous avons des intérêts dans tous ces pays. Nous défendons les intérêts canadiens dans tous les pays de cette région. C'est dans l'intérêt du Canada et dans l'intérêt de cette région du monde que les pays s'entendent et se réconcilient avec leurs voisins pour qu'on puisse aller de l'avant et se tourner vers l'avenir.

• 1035

Pour ce qui est d'appuyer la version historique d'un côté ou de l'autre, nous n'avons aucun moyen de nous prononcer actuellement. Nous ne pensons pas que c'est utile de le faire. Nous mettons l'accent sur la réconciliation pour aller de l'avant, penser à l'avenir.

M. Pat O'Brien: Je comprends, monsieur le président, et, pour répondre à M. Casey, je pense que nous avons très bien vu comment il était complexe d'essayer de déterminer exactement ce qui s'est passé.

Il semble que ce qui est essentiel pour les Arméniens, c'est le mot «génocide». Ils voulaient qu'on reconnaisse ce mot. N'est-ce pas le point central de leur argument?

M. Ron Halpin: C'est l'élément principal de leur revendication, oui.

M. Pat O'Brien: D'accord, je comprends mieux maintenant. Merci.

Le président: Vous n'avez pas fait le voyage. Comme je l'ai dit, la question a été posée à cette occasion, et Jim vient de me rappeler qu'il y a des conséquences, juridiques et politiques, qui découlent de la reconnaissance d'une situation comme le génocide, et c'est de qui est au coeur du problème. Pour rafraîchir la mémoire des membres du comité, j'aimerais rappeler que les Turcs craignent que la reconnaissance du génocide entraîne des demandes de dédommagements énormes, peut-être des changements de frontières, et le reste.

Cependant, le président de l'Arménie, M. Kocharian, nous a dit quand nous l'avons rencontré que la communauté arménienne demande qu'on reconnaisse que les Arméniens ont souffert et qu'ils ont été victimes de ce qu'ils croient sincèrement être un génocide, mais qu'elle ne compte pas ensuite réclamer des changements de frontières et des indemnisations.

Voilà ce que chacun des deux côtés pense. Il est clair que les conséquences possibles sont la raison essentielle de l'hésitation des Turcs à reconnaître les faits. Il en sera question dans le rapport.

M. Pat O'Brien: Je comprends, monsieur le président. Ce n'est pas seulement une question de sémantique. Il y a énormément de répercussions à la reconnaissance du mot «génocide».

Le président: Oui, justement. Comme je l'ai dit, nous ne pouvons pas régler le problème dans le rapport, mais nous allons sûrement exposer la question.

[Français]

Monsieur Rocheleau.

M. Yves Rocheleau: Dans la même veine, monsieur le président, le fait que le gouvernement français vienne de prendre position en faveur de la reconnaissance...

Le président: Excusez-moi, monsieur Rocheleau. C'était l'Assemblée nationale française et non le gouvernement français.

M. Yves Rocheleau: Merci, monsieur le président.

Le président: J'ai eu de longues discussions là-dessus avec mon homologue à l'Assemblée nationale. Je veux seulement apporter cette rectification.

M. Yves Rocheleau: Je vous remercie de la précision. Est-ce que ça peut influencer la position du Canada? Je suppose qu'on a des motifs et qu'on a mis le pour et le contre dans la balance. Le fait que l'Assemblée nationale française se prononce a-t-il une influence? Est-ce ainsi que cela fonctionne ou si le Canada, c'est le Canada et la France, c'est la France, et qu'il en est de même de chaque pays?

M. Ron Halpin: Je pense que chaque pays a le droit de formuler son évaluation d'une situation en se fondant sur les faits à sa disposition et sur les intérêts engagés.

M. Yves Rocheleau: Merci. J'ai une autre question, monsieur le président.

Le président: [Note de la rédaction: inaudible].

M. Yves Rocheleau: Vous faites allusion, dans votre document, aux années d'essais nucléaires. On sait, à ce qu'on nous a dit, qu'au Kazakhstan, il y a un volume considérable de déchets nucléaires. Parallèlement, en Russie, on vient de voter au Parlement, si je ne me trompe monsieur le président, un projet de traitement des déchets nucléaires. Est-ce qu'on peut penser qu'il y a un lien entre les deux situations et qu'une des motivations du projet russe serait la situation au Kazakhstan?

Mme Ann Collins: Je ne sais pas si on peut répondre à cela. Je ne sais pas si le projet russe visait en particulier les déchets dans les pays environnants ou non. Il va falloir y regarder de plus près. Je sais que c'est une question sur laquelle l'opinion est partagée en Russie. C'est un projet controversé. Mais pour répondre sur ce point précis, il faudrait y regarder de plus près.

• 1040

Le président: Merci beaucoup.

[Traduction]

Merci beaucoup, tout le monde. Merci beaucoup d'être venus nous rencontrer. Je m'excuse des interruptions. Vos observations ont été très utiles et nous ont rappelé la complexité de ces questions. Nous espérons produire un rapport qui aidera le gouvernement à porter son attention sur ces problèmes et qui nous éclairera sur un domaine qui est très important pour nous et assez peu connu.

Merci beaucoup d'être venu nous rencontrer, monsieur, et nous attendons avec impatience de connaître votre réaction à notre rapport.

La séance est levée.

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