FAIT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE
COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 17 mai 2001
Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Chers collègues, je pense que nous pouvons commencer. Nous avons le quorum pour entendre les témoins.
Mme Holm est ici. Nous la remercions d'être venue et je pense que nous pouvons commencer.
Madame Holm, merci beaucoup d'être venue nous rencontrer. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps à titre personnel de venir nous faire part de votre expertise. Vous êtes agronome, ce qui fait un peu peur. J'espère que vous allez dissiper le mystère et le caractère un peu inquiétant qui entoure ce titre.
Encore une fois, merci.
Mme Wendy Holm (témoignage à titre personnel): Merci.
Le président: Nous commencerons par vous, si vous le voulez bien. Ensuite, Mme Elwell se joindra à nous un peu plus tard.
[Français]
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): [Note de la rédaction: inaudible] ...parce qu'elle a été soumise aux membres du sous-comité.
Le président: Laquelle?
Mme Francine Lalonde: Sur le bois d'oeuvre.
Le président: M. Harb répondra à cette question.
Mme Francine Lalonde: Pierre Paquette est-il d'accord?
Le président: Monsieur Harb, Mme Lalonde demande si M. Paquette avait appuyé votre résolution.
M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Oui, monsieur le président.
Le président: A-t-elle été approuvée?
M. Mac Harb: Elle a été approuvée à l'unanimité au cours d'une réunion passée. Le seul changement qui a été apporté concerne les dates. On avait choisi auparavant les 1er et 2 juin, mais cette fois, nous n'avons pas établi de date parce que nous voulions faire cela avec les membres du comité.
Le président: Tout le monde est donc d'accord sur le principe. C'est une question de fixer les modalités. Dès que nous aurons quorum, si M... [Note de la rédaction: inaudible] ...est aussi d'accord, nous pourrons l'approuver et laisser partir M. Harb.
[Traduction]
Pour l'instant, nous n'avons pas le quorum complet. J'aimerais revenir à Mme Holm pour qu'elle nous présente son témoignage. Nous pourrons peut-être le faire après.
Madame Holm.
Mme Wendy Holm: Merci.
Tout d'abord, je dois dire que je n'ai eu que 48 heures de préavis avant de prendre mon avion pour venir ici. C'était très court. J'aurais aimé préparer un exposé écrit. En l'occurrence, je me suis retrouvée hier soir dans ma chambre d'hôtel à rédiger un ensemble de notes. Il n'est pas facile de présenter un exposé cohérent sur toute cette question. Je vais faire de mon mieux.
J'ai parlé à divers collègues, des experts de grande valeur dans ce domaine en Colombie-Britannique et ailleurs au Canada, pour me préparer à cet exposé, et tous ces gens-là auraient bien aimé pouvoir comparaître aussi. Je pense que le comité aurait eu beaucoup à gagner à les entendre.
Le sujet qu'étudie ce comité va au coeur même de la politique publique canadienne. On nous dit que le projet de loi C-6 va mettre un terme au dilemme du commerce de l'eau au Canada. On le présente comme le troisième volet de la stratégie du gouvernement pour protéger l'eau du Canada. Je pense en réalité que c'est un profond échec à cet égard. Si le comité veut vraiment approfondir la question, et j'en suis convaincue, il doit entamer un processus d'étude beaucoup plus complet sur la question.
• 0910
Permettez-moi de vous dire quelques mots sur mes
qualifications. Je suis agronome professionnelle. Cela n'a rien
d'inquiétant. Je suis diplômée en agriculture. Je suis spécialiste
en économie des ressources. J'ai obtenu ma maîtrise à l'Université
de la Colombie-Britannique il y a près de 30 ans. Je fais de
l'agronomie au Canada depuis 30 ans. Je participe au débat sur le
commerce de l'eau depuis 1987. Je suis rédactrice et auteure
partielle du livre Water and free trade, qui a été le premier à
poser la question de l'inclusion de l'eau dans les accords
commerciaux et des retombées de cette situation sur la politique
publique.
Durant toute la période où je me suis prononcée publiquement sur cette question, je n'ai jamais été accusée d'être hostile à l'ALE ou à l'ALENA. Je pense que c'est une importante question de politique publique distincte des autres questions, du pour et du contre des accords commerciaux. Je n'ai jamais dit que cette simple question devrait remettre en question l'accord. Je pense qu'il y a des solutions. Mais les questions que nous soulevons dans ce livre se présentent maintenant à nous avec une urgence critique.
J'ai reçu la Médaille commémorative de la Reine en 1993 pour ma contribution à la communauté. J'ai été présidente du British Columbia Institute of Agrologists. Je suis l'ancienne directrice de l'Institut agricole du Canada. Je suis l'ancienne présidente du conseil d'administration de Ethical Funds Inc. J'ai eu le grand plaisir d'être nommée agronome de l'année en Colombie-Britannique il y a deux semaines, en partie grâce au travail que j'ai fait sur la question de l'eau.
Je m'adresse aujourd'hui à vous au nom des Canadiens dont 87 p. 100 sont fermement opposés aux exportations d'eau; au nom des agriculteurs, évidemment, qui dépendent entièrement de l'eau en plus du soleil et du sol pour produire des aliments; et aussi, j'imagine, au nom de ma fille et de huit générations qui me précèdent sur cette question. Je n'ai pas d'intérêt personnel ni de point de vue politique sur la question. Je suis ici simplement en tant que professionnelle. Je m'occupe de cette question depuis très longtemps.
Dans tous ses aspects, le projet de loi C-6 est présenté comme une solution étanche au problème du commerce de l'eau créé au départ par l'Accord de libre-échange et ensuite l'ALENA. On dit qu'il va interdire les prélèvements massifs d'eau au Canada.
D'après le communiqué et la documentation, les amendements interdiront les prélèvements massifs dans les eaux limitrophes canadiennes, notamment les Grands Lacs. C'est la dernière étape d'une stratégie en trois points visant à interdire les prélèvements massifs d'eau dans tous les bassins hydrographiques du Canada. Ce projet de loi réaffirme la volonté du Canada d'interdire les prélèvements massifs d'eau dans les régions relevant de sa compétence. Le point principal, c'est l'interdiction des prélèvements massifs dans les eaux limitrophes.
On présente ce projet de loi comme une solution au problème de l'enlèvement des ressources en eau du Canada. Cette solution se trouve dans les dispositions d'octroi de licences et les prohibitions prévues aux articles 11, 12 et 13 du projet de loi.
Si vous lisez ces articles et que vous en citez des petites parties, tout cela a l'air très bien. Mais un examen plus attentif révèle qu'il y a très peu de choses dans ce projet de loi pour nous rassurer.
Normalement, dans toutes les mesures législatives que j'ai pu examiner—et peut-être le comité connaît-il mieux la question que moi; je me suis surtout penchée sur les lois concernant l'eau et les ressources—on énonce l'objectif de la loi et on présente ensuite les règlements énonçant des autorisations ou des exemptions précises. Par exemple, dans la Loi de mise en application de l'ALENA, on prévoit des exemptions pour les grumes et le poisson non transformé des Maritimes. À mon avis, les exemptions ne semblent jamais aller à l'encontre de l'objectif fondamental de la loi. Elles sont simplement là pour préciser les domaines dans lesquels la réglementation ne doit pas s'appliquer.
Dans le projet de loi C-6, les exemptions pourraient remettre en cause la totalité de la loi. On donne au ministre des pouvoirs très généreux qui lui permettent d'accorder des exemptions à pratiquement toutes les dispositions de protection prévues dans le projet de loi, sans aucune restriction, à mon avis.
• 0915
Un autre problème lié au projet de loi C-6, c'est le fait,
évidemment, qu'il ne s'applique pas aux eaux... Dans le
commentaire, on parle d'eaux utilisées pour le ballast, pour des
fins humanitaires et pour la production d'aliments et de boissons.
Dans le Traité des eaux limitrophes internationales, on parle des
«usages pour la navigation, pour des fins domestiques et
hygiéniques, et pour des fins de force motrice et d'irrigation».
Quand on voit une exemption pour la force motrice et l'irrigation,
et que l'on connaît l'importance de la production d'énergie et de
l'irrigation agricole pour les États-Unis, quand on voit aussi une
exemption pour la production d'aliments ou de boissons, c'est très
inquiétant.
De même, il est inquiétant qu'on laisse au ministre des Affaires étrangères le soin de définir les bassins hydrographiques. Je laisse à d'autres le soin de demander pourquoi c'est le ministre des Affaires étrangères et pas aussi le ministre de l'Environnement. Je ne m'occupe pas du secteur de l'environnement, je suis spécialiste en économie et en commerce, mais je suis certaine que d'autres soulèveront cette question.
La définition de bassin hydrographique me préoccupe beaucoup. Vous vous souviendrez que l'accord provincial volontaire que les provinces ont été invitées à signer il y a près de deux ans, suivait une démarche analogue. On disait qu'aux fins de cet accord, il y avait cinq bassins hydrographiques. L'Atlantique, le Pacifique, la Baie d'Hudson, l'Arctique et le golfe du Mexique. Quand on définit les bassins hydrographiques à cette grande échelle, on parle en fait de plans d'échange des eaux à l'échelle continentale. Laisser au seul ministre des Affaires étrangères le soin de définir les bassins hydrographiques sans nuances, c'est à mon avis une grossière erreur.
Je comprends bien pourquoi le gouvernement a préféré parler de bassins hydrographiques plutôt que de frontières, mais les bassins hydrographiques ne tiennent pas compte des frontières, notamment—et je veux parler ici sous l'angle de la Colombie-Britannique—quand on a des rivières et des fleuves qui vont dans le sens nord-sud. C'est le cas surtout pour les Grands Lacs et pas vraiment à l'ouest de la frontière de l'Ontario et du Manitoba. Cela ne s'applique pas aux rivières qui traversent la frontière, ni naturellement aux effluents côtiers. Tout cela est très inquiétant quand on dit que ce projet de loi va interdire les prélèvements massifs d'eau. Si la Colombie-Britannique avait rédigé de cette manière sa législation sur l'eau, les bateaux-citernes se succéderaient le long de notre côte.
Si le projet de loi a un effet dissuasif sur les exportations d'eau en provenance des Grands Lacs, il va intensifier les pressions sur le reste du Canada, en particulier, à notre avis, la Colombie-Britannique et naturellement Terre-Neuve. S'il réduit le captage dans les Grands Lacs, il rend les eaux du reste du Canada plus vulnérables aux efforts d'exportation.
Il y a aussi la question de la contestation constitutionnelle du projet de loi. Je ne sais pas exactement en vertu de quel pouvoir le ministre des Affaires étrangères reprend la responsabilité de l'octroi de licences qui appartenait aux provinces. Je sais bien que le gouvernement fédéral a compétence pour signer et appliquer des traités dans les domaines de responsabilité fédérale, mais je ne vois pas très bien pourquoi on avait besoin de ce projet de loi pour appliquer un traité qui existe déjà. Cela semble susciter des questions constitutionnelles sur la compétence fédérale-provinciale en matière de ressources.
Le lac Gisborne est un parfait exemple, naturellement. L'eau est une ressource relevant de la compétence provinciale en vertu du paragraphe 92A de la Constitution. S'il n'y avait pas l'ALENA, les provinces pourraient déterminer sans inquiétude ce qu'elles veulent faire en matière d'exportation d'eau. Je me suis souvent reportée aux trois critères de M. Tony Scott. C'est un expert international en questions d'eau. Il est économiste à l'Université de la Colombie-Britannique. En 1986-1987, à l'époque où l'on a commencé à discuter de ce problème, Tony Scott a dit qu'il y avait trois conditions permettant d'envisager une politique publique d'exportation d'eau sans risque. Ces trois conditions sont les suivantes: premièrement, il faudrait qu'il s'agisse uniquement d'exportations à petite échelle; par exemple, des bateaux-citernes. Deuxièmement, les contrats d'exportation devraient être à court terme, avec un maximum de cinq ans. Cela permet naturellement de réévaluer les dégâts ou les retombées de ces exportations, ce que l'on ne constate qu'une fois le contrat mis à exécution. Si l'on s'aperçoit que l'exportation entraîne des problèmes au niveau de la pêche, par exemple, ou d'autres secteurs, le gouvernement peut intervenir. La troisième condition, c'est que le gouvernement provincial puisse interrompre ou renouveler le contrat comme il le souhaite. Ces trois conditions sont donc des prélèvements à petite échelle, des prélèvements à court terme et un contrat qui peut être interrompu ou renouvelé selon le choix de la province.
• 0920
Malheureusement, l'ALENA enlève à la province toute
possibilité d'envisager sans risque des exportations d'eau. Avec
l'Accord de libre-échange et par la suite l'ALENA, comme on n'a pas
d'exemption précise pour l'eau, comme c'était le cas pour les
grumes et le poisson des Maritimes, toutes les conditions de
l'ALENA s'appliquent, y compris le traitement national et les
dispositions de protection des investisseurs. La province n'a
manifestement pas la possibilité de mettre un terme au contrat.
Si nous invoquions des motifs environnementaux primordiaux nous serions quand même obligés de partager équitablement la ressource. Nous ne pourrions pas avoir de distinction de prix pour les deux marchés et nous ne pourrions pas bloquer les canaux normaux d'approvisionnement. La Commission mixte internationale, dans son propre rapport, souligne ces problèmes.
On ne peut pas entreprendre sans danger des exportations d'eau côtières. Nous n'avons pas l'occasion de réfléchir à tête reposée sur ce genre de dispositifs. Les droits sont là à perpétuité. Le gouvernement fédéral, quand il a signé l'ALENA et l'Accord de libre-échange, a littéralement lié les mains aux provinces dans ce domaine. Et on nous dit maintenant qu'il faut nous en sortir. Il est impossible d'examiner le problème du lac Gisborne sans soulever toute la question de l'ALENA.
Le gouvernement a dit qu'il avait une stratégie en trois volets: le renvoi à la CMI, l'accord volontaire et le projet de loi C-6. Ces trois volets constituent l'ensemble de la réponse du gouvernement fédéral au dilemme entraîné par le fait qu'on n'a pas prévu d'exemption pour l'eau dans l'Accord de libre-échange et l'ALENA.
La Commission mixte internationale a constaté que les exportations d'eau créaient une dépendance et qu'on ne pouvait pas les arrêter. Il y a quatre recommandations, les recommandations 10 à 13, et les conclusions sur les pressions qui s'exercent pour des prélèvements et des exportations. Il y a, naturellement, la reconnaissance des limites liées au traitement national dans les accords.
L'accord volontaire a échoué tout naturellement, bien qu'il n'en soit pas vraiment fait mention dans les documents de référence. Les gouvernements qui se succèdent peuvent changer les lois des provinces, et il n'y a pas consentement unanime des provinces sur la marche à suivre.
Des trois stratégies sur lesquelles s'appuie le gouvernement fédéral face à ce problème, le projet de loi C-6 est la seule mesure législative que nous ayons. Comme c'est le ministre des Affaires étrangères et le Cabinet qui peuvent décider des exceptions aux paragraphes 11(1), 12(1) et 13(1) proposés, il n'y a véritablement aucune garantie dans le projet de loi C-6, même s'il ne s'applique qu'aux Grands Lacs. Il n'apporte pas de solutions pour le reste du Canada.
Je comprends bien que le gouvernement fait tous les efforts possibles pour légiférer sur les bassins hydrographiques plutôt que les frontières. Ma mère me disait que quand on ne fait pas les choses clairement au départ, plus on avance, plus on s'embrouille. Nous nous sommes empêtrés dans cette situation et nous essayons par tous les moyens de nous en sortir, mais nous ne prenons pas le seul chemin qui nous permettrait de nous en sortir. Nous sommes paralysés et incapables de prendre les bonnes mesures de politique publique. Nous mettons en place tous ces... Je ne voudrais pas parler «d'écrans de fumée», car je sais bien qu'il y a beaucoup de personnes très déterminées à essayer de trouver une solution à ce problème, mais tout cela ne suffit pas. Cela ne marche pas.
• 0925
On nous dit qu'on a peur de prononcer le mot «exportations»,
et qu'il y a eu trop de désinformation. C'est une question
complexe. On dit que tant que nous n'aurons pas exporté la première
goutte, tout ira bien. C'est faux. On a dit que tant que l'eau ne
serait pas intégrée dans les dispositions commerciales pour devenir
une denrée échangée à l'échelle internationale, l'accord commercial
ne s'appliquerait pas. Ce n'est pas comme si on disait que tant
qu'on n'aura pas exporté une chaise, toutes nos chaises seront
menacées. Cela veut dire qu'une chaise ne tombe pas sous le coup de
l'ALENA tant qu'elle ne fait pas partie des échanges
internationaux. Si on vend une chaise du Manitoba en Colombie-Britannique,
manifestement ce n'est pas le cas. Si on la vend dans
l'État de Washington, alors c'est le cas. C'est la même chose pour
l'eau; cela se fait au cas par cas. La question n'est pas de dire
qu'une fois que c'est arrivé une première fois, tout le reste est
vulnérable.
Cela dit, cette situation rend les provinces très vulnérables. Si Terre-Neuve exportait de l'eau du lac Gisborne, en vertu du chapitre XI, on pourrait invoquer le meilleur traitement provincial pour justifier d'autres exportations.
Les États-Unis n'ont pas peur de parler d'exportation. Les huit gouverneurs des États des Grands Lacs ont toujours pu interdire des détournements, et on a modifié la Water Resources Development Act précisément pour leur permettre de mettre leur véto aux exportations. Nous devons parler clair sur ce problème, et nous sommes coincés dans un dilemme actuellement. Évidemment, le revers de cet amendement, c'est que si les huit gouverneurs sont d'accord, pour des raisons humanitaires ou à des fins d'irrigation ou de fabrication d'électricité ou autres, ils peuvent explicitement autoriser des exportations.
Le problème, c'est que l'eau est une denrée en vertu des dispositions d'investissement de l'ALENA. Évidemment, l'eau est devenue une denrée commerciale. Au début des années 90, on a vendu des quantités massives d'eau du réseau du Columbia qui n'étaient pas de l'eau régie par le traité. L'eau est une denrée et nous avons franchi cette étape.
Autre préoccupation concernant le projet de loi C-6 et les licences nationales qu'il prévoit: si l'on énonce une exception en vertu du projet de loi C-6, elle devient le seuil de base pour tout le Canada parce que le traitement provincial devient alors le traitement national. Si l'on avait un ensemble de normes provinciales distinctes et que l'on passait à une norme nationale avec un régime d'octroi de licences, je pense qu'on pourrait soutenir, et c'est ce que me suggèrent des spécialistes du droit commercial constitutionnel, que les autres sources d'eau seraient menacées.
Donc, bien que ce projet de loi puisse probablement réduire les prélèvements dans les Grands Lacs si tous les problèmes dont j'ai parlé ne sont pas soulevés, il ne protège quand même pas le reste des eaux du Canada et il ne fait qu'aggraver le problème pour certaines provinces. Je me souviens toujours de cette petite fable sur l'empereur qui allait présenter un costume magnifique. Il est allé chez son tailleur et on lui a dit qu'il avait le costume le plus merveilleux au monde. Il se regarda et vit qu'il était complètement nu, mais personne ne voulait le dire.
Le président: À notre comité, l'empereur, c'est le secrétaire parlementaire, et vous pouvez vous adresser à lui. Et croyez-moi, il vaut mieux ne pas trop s'aventurer sur ce terrain.
Mme Wendy Holm: Si le but de ce projet de loi est de protéger les ressources en eau du Canada, c'est un objectif tout à fait louable et méritoire, mais ce n'est pas le cas. C'est un peu comme le nouveau costume de l'empereur: les apparences sont trompeuses.
• 0930
Le son est très mauvais.
[Note de la rédaction: Difficultés techniques]
Le président: Reprenons, madame Holm.
Mme Wendy Holm: Je conclurais en exhortant le comité à prendre l'initiative et à faire ce qui doit être fait, j'en suis convaincue, en tant que professionnelle, agronome, Canadienne et mère, pour mettre fin à ce dilemme.
Il y a quatre piliers, les quatre pieds de la chaise, à la stratégie nécessaire pour sortir du dilemme dans lequel nous sommes plongés parce que nous avons omis d'exclure l'eau des dispositions de l'ALENA et de l'Accord de libre-échange.
Dans les documents que j'ai remis au comité, il y a une note d'information intitulée «Quatre étapes». La première, c'est que le Canada—et je sais bien que cela pose des problèmes—doit imposer un moratoire sur toutes les exportations d'eau en contenants de plus de 20 litres jusqu'à ce qu'on ait trouvé une solution à ce dilemme.
Quand la contestation de Sun Belt en vertu du chapitre XI de l'ALENA sera présentée, il y a toutes sortes de rumeurs en provenance de la Californie qui indiquent que cela va être le cas, il faudra prévenir d'emblée les États-Unis que nous ne reconnaissons pas la compétence en ce qui concerne l'eau. Nous devons demander à ce que l'eau soit explicitement exemptée de toutes les dispositions de l'ALENA: biens, services et investissements.
Je suis vraiment heureuse. Quand nous avons soulevé cette question en 1987, tous les politiciens de tout poil ont bondi en disant qu'il n'était pas question d'inclure l'eau, qu'elle n'était absolument pas incluse, que c'était hors de question, que l'accord commercial ne portait absolument pas sur l'eau. Pat Carney l'a dit, John Crosbie l'a dit, tout le monde l'a dit.
Comme la question n'a jamais été mise sur le tapis, il ne s'agit pas de renégocier le traité mais simplement de préciser les choses. Si nous disons aux Américains: nous voulons avoir cette exemption, sinon nous allons nous retirer de l'entente, je vous garantis que les Américains nous donneront cette exemption. Les Américains voient leur propre intérêt. L'accord commercial plus l'eau, ou l'accord commercial tout seul, c'est beaucoup mieux pour eux que pas d'accord du tout.
Nous devons être prêts à confronter directement les Américains sur cette question. Nous devons être prêts à un échange musclé. C'est la seule façon de nous en sortir. C'est la seule façon de régler le problème.
Nous faisons toutes sortes de beaux efforts pour trouver une solution, mais cela ne marche pas. La seule solution, c'est d'exempter l'eau des dispositions de l'ALENA. Pour cela, nous avons besoin d'une stratégie fédérale énonçant un régime de gestion de notre eau dans un souci de conservation et de protection.
Le président: Merci beaucoup, madame Holm.
Je suis désolé que vous ayez eu si peu de temps pour vous préparer. Le projet de loi est publié depuis assez longtemps, et nous pensions que toutes les personnes intéressées étaient au courant. Nous avons nous-mêmes eu un délai assez court pour convoquer des témoins, mais quoi qu'il en soit, je vous remercie d'avoir fait tout ce chemin pour venir nous rencontrer. Sachez que vous avez soulevé des questions intéressantes et que nous reviendrons à votre témoignage.
Nous avons entendu l'autre jour le Conseil des Canadiens. Vous n'êtes pas la seule, et il y a bien d'autres personnes qui ont attiré notre attention sur les liens de cette affaire avec l'Accord de libre-échange. Nous avons donc bien compris ce message. Merci d'être venue nous en parler.
Avant de donner la parole à Mme Elwell, chers collègues, nous devons régler une petite question de régie interne. Le Comité du commerce nous demande d'approuver son budget pour un voyage à Washington, où il ira discuter du bois d'oeuvre, soit un autre sujet de discussion avec nos collègues américains. M. Harb m'a fait comprendre que son sous-comité l'avait approuvé à l'unanimité—tous les partis étaient pour. Nous aimerions pouvoir l'adopter ici ce matin, afin de présenter cette demande à la Chambre, cet après-midi.
Une voix: J'en fais la proposition, monsieur le président.
Le président: Avez-vous des objections au sujet de ce budget, chers collègues? Non. Merci beaucoup.
(La motion est adoptée)
Le président: Je présume que c'est approuvé à l'unanimité. Je vous en remercie.
Monsieur Harb, vous avez maintenant votre argent pour aller à Washington.
M. Mac Harb: Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Pendant que vous êtes là, dites-leur que nous voulons aussi notre eau.
M. Mac Harb: Volontiers.
Monsieur le président, je tiens à dire que dans certains caucus, des députés pourraient être très intéressés à participer à ce voyage. Nous serions ravis de les amener avec nous, au sein de notre groupe, qu'ils fassent partie du comité ou non. Nous travaillerons avec eux. Ils peuvent s'y rendre par leurs propres moyens, mais nous les aiderons quand ils seront là-bas.
Le président: Pouvez-vous vous servir des...
M. Mac Harb: Points de voyage.
Le président: Vous ne pouvez pas vous servir des points de voyage de la Chambre, mais vous pourriez utiliser les points accumulés quand vous êtes allés à Washington, par exemple, si vous prenez Air Canada ou quelque chose comme ça.
M. Mac Harb: Oui. Nous travaillerons avec eux là-dessus.
Le président: Merci beaucoup.
M. Mac Harb: Merci.
Le président: Entendu.
Mme Wendy Holm: Monsieur le président, puis-je me permettre une courte intervention?
Le président: Oui, madame Holm.
Mme Wendy Holm: Au sujet du bois d'oeuvre, vous pourriez peut-être consulter les témoignages de votre comité, en 1987, quand Ian Sinclair en était le président.
J'ai comparu devant le comité et présenté l'argument qu'une imperfection du marché n'est pas une subvention gouvernementale définissable, aux termes des conditions du GATT, définies pendant le Tokyo Round. Tous les bureaucrates ont été très heureux d'entendre cela. Le témoignage approfondit cet argument, dont on ne s'est pas servi. Vous pourriez peut-être examiner les délibérations de votre propre comité, à ce sujet.
Le président: Merci. Nous l'apprécions. Malheureusement, comme vous le savez, le problème, c'est de persuader la Federal Trade Commission des États-Unis, qui ne semble entendre que ses propres arguments, et non les nôtres.
En fait, nous avons cette fin de semaine une rencontre du Groupe parlementaire Canada-États-Unis. Croyez-moi, pour le bois d'oeuvre et l'eau, comme vous le disiez, nous avons besoin de la collaboration des Américains. Il faut qu'ils soient de notre côté. Nous avons de solides alliés aux États-Unis, qui voient la question de l'eau d'une manière intelligente, et nous devons en profiter.
Merci beaucoup pour votre recommandation.
M. Pat O'Brien (London-Fanshawe, Lib.): Au sujet du bois d'oeuvre, aucun argument n'est laissé de côté, je vous le garantis.
Le président: En effet.
Madame Elwell, nous vous donnons maintenant la parole, avant de passer aux questions.
Mme Christine Elwell (analyste principale des politiques, Sierra Club du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous présente mes excuses pour mon retard de ce matin, et pour avoir interrompu le témoignage de Wendy Holm.
Je suis du Sierra Club du Canada, un groupe environnemental national comptant cinq bureaux régionaux au Canada. Nous nous intéressons à toutes les questions relatives à l'eau.
Pour mémoire, sachez que nous sommes très intéressés à participer aux discussions portant sur le bois d'oeuvre. À notre avis, l'accord sur le bois d'oeuvre doit être prorogé et élargi. Nous ne sommes pas en faveur du libre-échange, pour le bois d'oeuvre. L'exemption pour les Maritimes n'est pas appropriée. Et enfin, il est incroyable que le Bureau du représentant américain au Commerce prétende que les contrôles des exportations est une subvention donnant matière à compensation. Nous vous serions très reconnaissants de nous donner l'occasion de vous exprimer notre point de vue sur cette question.
Nous nous intéressons à la question de l'eau à l'échelle provinciale, nationale, binationale et nord-américaine. J'ai envoyé à votre greffière un mémoire que nous avons récemment préparé pour la Commission nord-américaine de coopération environnementale, intitulé NAFTA Effects on Water. Il est maintenant affiché sur le site Web de la Commission, et sera bientôt disponible en français, en espagnol et en anglais.
Dans ce document, nous présentons divers arguments d'un point de vue environnemental. Nous examinons l'état actuel des données scientifiques peu fiables sur lesquelles reposent les projets actuels d'utilisation et de prélèvements d'eau, dans toutes les administrations de la région des Grands Lacs. Ces décisions sont fondées sur les niveaux et les inventaires de circulation d'eau de 1993 et ne tiennent pas compte des changements aux méthodes scientifiques, des changements climatiques et du développement économique associé à l'ALENA. Les données sur lesquelles repose l'utilisation actuelle de l'eau ne sont pas fiables.
Deuxièmement, nous examinons les incidences des changements climatiques sur le niveau d'eau dans les Grands Lacs, qui baissera de 2,5 pieds d'ici 2030, soit dans moins de 30 ans. Il nous incombe de toute urgence de conserver cette ressource épuisable.
Nous examinons aussi les aspects commerciaux de l'ALENA, du GATT, de l'OMC et des mécanismes État-investisseur. Je ne m'attarderai pas là-dessus puisque si je comprends bien, vous en avez déjà beaucoup parlé hier, et Wendy en a reparlé aussi ce matin. Mais la conclusion générale de notre mémoire, c'était que les exceptions actuelles figurant dans les régimes d'interdiction d'utilisation et de prélèvements d'eau, et les déclencheurs pour les avis de retraits, dépendent toutes d'une fiction juridique.
Cette fiction juridique se rapporte aux exemptions pour l'eau incorporée à des produits comme en agriculture, à son utilisation pour des services comme le traitement des déchets dangereux et l'embouteillage. Toutes ces exemptions sont de grandes brèches par lesquelles l'eau de nos bassins s'écoule, pour ne plus revenir. Et je crains qu'il n'y ait rien dans le projet de loi C-6 pour éliminer cette fiction juridique selon laquelle l'eau intégrée à des produits, en agriculture et dans d'autres industries, n'est pas prélevée, même si elle quitte le bassin hydrographique.
• 0940
La principale brèche que nous avons trouvée dans le règlement
actuel sur l'eau des Grands Lacs n'a malheureusement pas été
colmatée par le projet de loi C-6.
Je vous présente aussi aujourd'hui un document...
Le président: Je suis désolé de vous interrompre, mais c'est ce que disait aussi Mme Holm. Peut-être qu'on peut tout de suite clarifier les choses... Évidemment, d'autres poseront des questions.
Nos experts nous ont dit qu'en fait, quand l'eau est utilisée pour la production d'électricité ou l'agriculture, elle ne quitte pas le bassin, puisqu'elle reste intégrée à l'écosystème général du bassin. Pour la production d'électricité, évidemment, elle revient dans la rivière—ce n'est pas bien compliqué. En agriculture, une partie s'évaporera, par exemple, mais essentiellement, l'eau ne quitte pas le bassin.
Mme Holm est la première de tous nos témoins à nous dire, ce matin, que le permis du ministre permettrait l'exportation de l'eau pour des fins agricoles ou pour la production d'électricité. Aucun autre témoin ne nous en a parlé. Les témoins du gouvernement nous ont dit que les permis donnés par le ministre portent sur l'utilisation au Canada, comme l'eau employée par la ville de Toronto, qui ne fait qu'y passer, ou l'utilisation... au Canada.
Dans toute l'histoire du Canada, on n'a jamais accordé de permis pour l'exportation d'eau de notre bassin, pas de permis du ministre, à moins qu'on veuille penser au canal de drainage de Chicago—je ne sais pas.
Mme Holm et vous-même nous présentez un tout nouveau concept. Je regarde dans la salle, et je vois que tout le monde est d'accord avec moi. Nous aimerions que vous...
Mme Christine Elwell: Le rapport final de la Commission mixte internationale le dit très clairement. L'eau intégrée à des produits, comme en agriculture—il ne s'agit pas uniquement d'évaporation... L'eau va dans votre tomate et s'en va peut-être en Europe. Elle quitte le bassin. Vous pourriez dire qu'après tout, ce n'est qu'une tomate. Mais les chiffres sont époustouflants. Prenons l'eau dans l'égout, par exemple, à Kingston, pour la rivière Tay. Elle est combinée à raison de 5 p. 100 avec une substance crayeuse, pour le papier, mais 95 p. 100 de cette boue, c'est de l'eau, qui sort d'ici par grosses citernes.
Il y a donc cette fiction juridique, selon laquelle la CMI, le projet de loi C-6, les lois provinciales feront une différence...
Le président: Bien, je comprends...
Mme Christine Elwell: C'est un problème réel, dont personne ne s'occupe.
Le président: Bien, je comprends maintenant l'argument.
Je dois vous dire que j'ai du mal à l'accepter, parce que nous buvons nous-mêmes beaucoup d'eau. Je pense que nous sommes composés d'eau à 98 p. 100. Quand nous traversons la frontière, si nous sommes nombreux, nous exportons de l'eau. Je pense qu'on ne devrait pas laisser le comité partir, de peur qu'il apporte trop d'eau avec lui. Ça me chiffonne un peu.
Si je comprends que c'est intégré au produit... Mme Holm me semble plutôt dire qu'on pourrait ainsi permettre l'exportation d'eau en vrac. Les États-Unis pourraient dire qu'ils ont besoin de beaucoup d'eau pour un projet d'hydroélectricité, par exemple dans le cadre des négociations au sujet du fleuve Colombia, ou quelque chose du genre.
Mme Wendy Holm: Puis-je formuler un bref commentaire, puisque vous nous avez posé la question à toutes les deux?
Le président: J'anticipe sur la période des questions. Je voulais simplement que ce soit clair pour moi.
Mme Christine Elwell: Deux commentaires complémentaires, à ce sujet, monsieur le président.
Pour commencer, au sujet de l'électricité, même si l'eau revient, elle n'est plus dans le même état. Souvent elle a chauffé, ce qui perturbe la fonction écologique.
Deuxièmement, en examinant le projet de loi C-6, on voit qu'aucune licence n'est nécessaire pour l'utilisation normale par les municipalités, les agriculteurs ou les entreprises. Ce n'est donc pas que le ministre puisse délivrer des licences qui transféreraient l'eau du bassin; aucune licence n'est nécessaire. C'est pire encore. Je peux vous le montrer.
Le président: Non, c'est utile. Nous essayons simplement de comprendre. Ce n'était certainement pas une critique.
Mme Christine Elwell: La principale constatation du CCE, c'était cette brèche immense, qui permettait de prélever toutes sortes d'eaux du bassin sans qu'on le sache. Nous avons donc été tout à fait ravis d'apprendre que la Commission des Grands Lacs, de même que la CMI participaient activement à un projet scientifique visant à inventorier les niveaux d'eau des Grands Lacs, pour savoir exactement combien d'eau se trouve là, combien en sort, donc pour avoir de bonnes données scientifiques. On peut mettre au point des politiques appropriées, à partir de bonnes bases scientifiques.
Tout ce que je vous signale aujourd'hui c'est qu'actuellement nous n'employons pas des données fiables. Nous ne tenons pas compte des prélèvements réels d'eau dans les produits et le projet de loi C-6 ne l'empêche pas.
• 0945
Outre ce document, je vous laisse aussi nos cinq raisons
environnementales pour nous opposer à la ZLEA, texte que nous avons
diffusé à Québec et qui porte notamment sur l'eau.
Je passe peu de temps avec vous aujourd'hui et j'aimerais maintenant insister sur les aspects environnementaux du projet de loi, de trois façons. D'abord, me prononcer en faveur du ton employé.
Comme elle est présentée comme une mesure environnementale, l'interdiction de prélèvement est assimilée à la protection de l'environnement et nous sommes certainement en faveur de cette démarche. Des gens raisonnables peuvent certes diverger d'opinion, quand il s'agit de savoir si le prélèvement d'eau à l'état naturel doit être associé à des obligations commerciales ou en matière d'investissement, il reste que la meilleure façon de gérer ce risque, d'après nous, c'est de décrire clairement et formellement les mesures comme étant des mesures de conservation d'une ressource naturelle épuisable.
Dans notre document NAFTA Effects on Water, nous disons pourquoi on peut douter de la nature renouvelable de l'eau, à partir de modélisation des changements climatiques et en raison de la pollution de l'eau causée par l'élevage intensif, les déchets dangereux, etc. En fait, la pollution de l'eau est une sorte de prélèvement: vous ne pouvez plus l'utiliser comme avant.
La meilleure façon de contrer l'argument des obligations commerciales, c'est de dire qu'il s'agit d'une mesure environnementale. On peut se tromper, et il n'y aura pas de mesures relatives à des obligations commerciales, mais s'il y en a, notre meilleur espoir, c'est de se fier aux exemptions qui sont dans les accords commerciaux—par exemple, l'article XX du GATT, intégré à l'ALENA, ou les dispositions de l'ALENA. Pour obtenir l'application de ces dispositions, il faut prouver qu'il s'agit non seulement de conservation pour les autres, mais aussi pour soi-même. L'intégration de mesures de conservation au projet de loi C-6 renforcerait son image de texte législatif visant à protéger l'environnement.
Au sujet de l'ALENA nous savons que nous n'avons pas le luxe de ces exceptions générales. Les exceptions générales du GATT ne sont pas incorporées aux chapitres de l'ALENA sur les services et les droits des investisseurs. La solution que nous avons présentée au CCE, c'était que nous avions besoin d'un accord exécutif binational qui désignerait la protection de l'eau en vertu de l'article 104 de l'ALENA, comme accord environnemental multilatéral. En vertu de cet accord, on peut avoir des ententes bilatérales, actuellement au nombre de six. Il y en a trois, entre le Canada et les États-Unis, mentionnant l'eau dans le cadre d'un accord exécutif de protection en vertu de l'article 104, qui contreraient les obligations prévues relativement aux services et à l'investissement. En ce sens, vous auriez certainement le luxe de distinguer ce qui convient ou non, pour les utilisations et les promoteurs.
J'ai quelques propositions de modifications à apporter au projet de loi C-6, pour mieux cerner l'aspect environnemental de cette initiative. Un certain nombre de modifications seraient nécessaires.
Premièrement, au lieu, ou en plus du ministre des Affaires étrangères, comme responsable de la délivrance des licences et de l'approbation des exemptions de l'interdiction de prélèvements d'eau, le ministre de l'Environnement devrait jouer un rôle de leader, ou du moins de collaborateur. Du côté du Québec, c'est ce qu'on a fait: c'est le ministre de l'Environnement qui approuve les exceptions, et non les responsables du commerce au gouvernement.
Deuxièmement, comme le disait Wendy, nous réduirions la portée de la base hydrographique pour y inclure les bassins se déversant dans le lac ou la rivière.
Nous insistons pour que des mesures de conservation soient intégrées au projet de loi, pour faire de celui-ci une initiative de protection environnementale réelle, ce qui augmenterait nos chances, en cas de contestations relatives au commerce.
Nous demandons aussi que tous les règlements et la délivrance de licences d'exemption de l'interdiction de prélèvements d'eau soient assujettis à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
Nous proposons aussi qu'on élimine la présomption selon laquelle les utilisations agricoles, industrielles et municipales n'ont que peu d'incidence et n'auront donc pas à faire l'objet de licences. Rien ne permet de croire que ces utilisations n'ont pas d'incidences environnementales, que ce soit cumulatives ou individuelles.
Il faut aussi supprimer la présomption selon laquelle des exceptions sont raisonnables pour les eaux de ballast, l'embouteillage, ou l'eau intégrée à des produits.
• 0950
Pour les eaux de ballast, puis-je vous exhorter à légiférer,
si ce n'est dans ce projet de loi, dans un autre. Il faut qu'il y
ait un accord binational. Si vous trouviez moyen de travailler là-dessus,
nous l'apprécierions beaucoup. La question des espèces
envahissantes entourant les eaux de ballast et la circulation
maritime est cruciale, et c'est maintenant qu'il faut commencer les
discussions binationales. Une mosaïque de règlements provinciaux,
ou l'absence de règlements, n'est tout simplement pas acceptable.
Nous ferions une autre importante recommandation, au sujet de la portée du projet de loi. Il faut tenir compte des obligations des provinces. L'accord fédéral-provincial laisse trop de marge de manoeuvre aux provinces qui peuvent augmenter une utilisation et des prélèvements non durables de l'eau. Des arrêts récents de la Cour suprême ont confirmé le rôle du fédéral dans la protection de l'environnement. L'eau est certainement une ressource importante, et le fédéral doit agir.
Chaque administration provinciale a accepté les brèches dont j'ai parlé, ce qui a un effet cumulatif sur les régimes administratifs, qui n'ont pas la capacité, ni parfois, la volonté, de protéger l'eau. Dans notre document, nous vous donnons l'exemple de l'Ontario, qui permet le prélèvement d'eau dans la rivière Tay. Nous montrons l'incapacité du gouvernement ontarien à gérer les incidences environnementales de ces prélèvements.
Si on laisse cela entre les mains des provinces, on n'aura pas la protection environnementale nécessaire. Sans protection environnementale de l'eau, dans les lois fédérales, nous nous exposons à des contestations relatives au commerce.
Avant de passer aux questions, je formulerai encore un commentaire. Je le répète, nous attendons les résultats de la Commission des Grands Lacs et de l'inventaire scientifique des niveaux d'eau, et de sa circulation, effectué pour la CMI. Il faut des données scientifiques fiables, pour préparer un document exhaustif et utile à l'élaboration d'un cadre législatif. En dernier lieu, je vous invite à examiner ces rapports. Les résultats devraient être présentés d'ici deux ou trois ans. Soyez ouverts à l'idée de réexaminer la question. Vous voudrez probablement resserrer les règles.
Voilà qui termine mon exposé et je répondrai maintenant volontiers à vos questions. Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, madame Elwell. Nous vous en sommes reconnaissants.
J'espère que votre collègue n'a pas de problème.
Mme Christine Elwell: Je la cherche. Est-elle toujours de ce monde?
Le président: Si vous pouvez la voir de la fenêtre, encouragez-la de notre part.
Monsieur Casson, vous avez la parole.
M. Rick Casson (Lethbridge, AC): Merci.
Merci à nos témoins d'être venus.
Madame Holm, je connais un agronome du sud de l'Alberta, Roger Holm. Est-il parent avec vous? L'épellation est la même.
Mme Wendy Holm: Non, pas que je sache.
M. Rick Casson: Intéressant.
Vous avez formulé de très intéressants commentaires. J'aimerais quelques clarifications, simplement pour revenir, peut- être...
Vous avez dit qu'on avait échoué dans la recherche d'un accord volontaire, avec les provinces, je présume, si c'est ce dont vous parliez.
Mme Wendy Holm: Oui.
M. Rick Casson: J'aimerais que vous nous expliquiez cela davantage.
Vous avez aussi dit que l'ALENA liait les mains des provinces et les empêchaient d'agir.
Mme Wendy Holm: Oui.
M. Rick Casson: Cela aussi, j'aimerais que vous nous l'expliquiez.
Ce qu'une province fait, au sujet des exportations d'eau, n'affecterait pas une autre province, ou...
Mme Wendy Holm: Non, en effet.
M. Rick Casson: J'ai besoin d'éclaircissement.
Pour ce qui est de la délivrance de licences, nous en avons déjà parlé quelque peu au comité. Vous vous montrez fort préoccupée par l'octroi d'une licence. Nous parlons de production d'aliments et d'électricité. Vous craignez donc que la délivrance de licences rende possible l'exportation des eaux limitrophes.
Mme Wendy Holm: Oui.
M. Rick Casson: Bien. C'est à retenir, peut-être.
Monsieur le président, je ne sais pas combien de temps elle aura pour cela mais...
Au sujet de la définition de «l'état naturel», que l'eau soit dans son état naturel, qu'est-ce que cela veut dire? L'autre jour, on nous a dit que les cinq bassins de drainage étaient indiqués, mais qu'il y a une frontière entre les pays qui divise les bassins. Vous dites le contraire. Vous estimez que l'ensemble du bassin fait partie d'un système. En fait, je vous vais laisser répondre...
Mme Wendy Holm: Entendu. Je vais essayer de le faire rapidement.
L'accord volontaire dont je parlais est celui qui a été préparé par les ministres provinciaux de l'Environnement en Alberta, il y a deux ans, je crois, à l'automne 1999. Le ministre fédéral de l'Environnement leur a présenté un accord, pour lequel il essayait d'obtenir leur consentement. Ce fut un échec. Les provinces ne l'ont pas signé. Et c'était une bonne chose, à mon avis, puisqu'il adoptait la démarche des bassins de drainage. Pour commencer, c'était volontaire, sans continuité ni certitude. Ensuite, il se rapportait aux grands bassins de drainage, les cinq bassins de drainage, et en vertu de cette définition, la Colombie- Britannique et la Californie sont dans le même bassin. L'accord aurait donc permis les transferts d'eau entre le Nord et le Sud.
• 0955
Les documents de référence connexes se rapportent à cet accord
auquel travaillent encore les provinces. Je ne crois pas qu'il y
ait unanimité au sujet de cette démarche. Et c'est volontaire. Peu
importe ce que diront les provinces, cela ne change rien aux
obligations fédérales en vertu de traités.
Pour ce qui est de lier les mains, sans l'ALENA et l'Accord de libre-échange, le lac Gisborne... Si les Terre-Neuviens décidaient d'envisager l'exportation d'eau par d'immenses navires-citernes, et ils l'ont fait d'une manière rusée et judicieuse, suivant les trois recommandations de Tony Scott—petite échelle, court terme, contrat renouvelable ou dénonçable, au choix de la province... Après avoir examiné la chose, avoir vu si elle avait du sens, l'avoir essayée, avoir vérifié si elle avait encore du sens, ces trois options pourraient rendre la tentative plus sûre.
Notre province a adopté une autre démarche et a dit non, mais c'est une question provinciale.
Le fédéral a lié les mains des provinces, puisqu'elles ne peuvent pas réexaminer sereinement la question; elles ne peuvent dénoncer ni renouveler un contrat, à leur guise, à cause des droits conférés par l'accord commercial, tant qu'il y a de l'offre et de la demande. Et particulièrement dans le cas de l'eau, étant donné les dépendances créées, le gouvernement ne peut pas revenir là-dessus.
Je pourrais vous en parler longtemps, mais essentiellement, on empêche les provinces d'agir sans risque. On leur dit qu'elles peuvent aller de l'avant, mais pas s'arrêter. C'est comme mettre quelqu'un au volant d'une voiture dotée d'un accélérateur, mais sans freins.
Au sujet de la production alimentaire, il faut se rappeler quelles sont les priorités des Américains. Bien entendu, l'eau d'irrigation est une grande priorité pour les Américains. L'électricité aussi. Si vous examinez le Traité de Columbia, il porte sur l'eau d'irrigation destinée aux millions d'acres du bassin du Columbia.
Le libellé des documents du gouvernement à ce sujet se rapporte à l'imposition d'une interdiction au prélèvement d'eaux limitrophes, et leur transfert du bassin hydrographique. On précise que des exceptions seront consenties pour les eaux de ballast, des objectifs humanitaires à court terme et l'eau employée dans la production d'aliments ou de boissons, c'est-à-dire l'eau d'irrigation. Il s'agit d'une exception à l'interdiction de prélèvements d'eau dans un bassin hydrographique. La question n'est donc pas seulement celle de l'eau d'irrigation dans un bassin, mais aussi à l'extérieur.
À l'article VIII du Traité sur les eaux limitrophes internationales, on dit:
-
La Commission mixte internationale devra entendre et juger tous les
cas comportant l'usage ou l'obstruction ou le détournement des eaux
[...]
C'est au sujet de la gestion des eaux. On donne ensuite un ordre de préséance: les fins domestiques et hygiéniques, usages pour la navigation, les fins de force motrice et d'irrigation.
Lorsque nous utilisons les termes «utilisées dans la production d'aliments», cela semble bel et bon, mais nous parlons en fait d'irrigation, et d'irrigation à très grande échelle. Si vous visitez des fermes industrielles américaines, vous saurez qu'on parle de très grands besoins d'irrigation. Je vous donne un exemple. Allons en Alberta et oublions un moment le projet de loi C-6.
L'une des choses que l'on a toujours dites, c'est que le problème, c'est que les Américains peuvent ouvrir le robinet. Présumons qu'on entreprend un projet d'irrigation dans l'une des provinces de l'Ouest, pour irriguer les champs des agriculteurs canadiens. À cause de changements climatiques, ou pour nombre d'autres raisons, la province peut décider que sur de telles terres, on fera de la culture irriguée.
Les cultivateurs américains, de l'autre côté de la frontière, auraient tout à fait le droit de dire: «Nous avons fait des études et nous avons décidé que vous aviez suffisamment d'eau, en fait, qu'il y en a suffisamment pour nous deux, si vous construisez un barrage plus grand, si vous faites ceci, si vous faites cela. Nous vous fournirons l'argent pour augmenter la taille du projet, et amener l'eau ici. Nos agriculteurs veulent leur part de cette ressource. Vous ne pouvez faire cela seulement à l'avantage des agriculteurs canadiens. Nous voulons aussi profiter de ces avantages. Nous voulons un projet plus grand. Si vous donnez de l'eau d'irrigation aux Canadiens, vous devez aussi en donner aux Américains, s'ils en veulent aussi.»
• 1000
La production alimentaire est très politisée et l'irrigation
et l'agriculture représentent certainement un intérêt à long terme
pour l'eau, au Canada. Le libellé du Traité des eaux limitrophes
internationales que je viens de vous lire et le libellé du document
d'information du gouvernement précisent que l'irrigation peut être
une exception à l'interdiction de prélèvements dans les bassins de
drainage.
Vous avez parlé de l'état naturel. Une rivière à son état naturel n'est pas... Avant le Traité Columbia, si on oublie quelques petits barrages, le fleuve Columbia amenait une certaine quantité d'eau dans l'État de Washington, à partir de la Colombie- Britannique, où elle était dans son état naturel. Malheureusement, la rivière avait d'importants courants d'eau douce au printemps, puis presque rien, au mois d'août. Il n'y avait donc pas d'irrigation—que la chaleur, le blé et les serpents à sonnettes. Le Traité Columbia demandait au Canada de retenir cette eau et de la fournir aux Américains quand ils la voulaient, à mesure qu'ils en avaient besoin. L'eau n'était plus dans son état naturel, il s'agissait d'une marchandise. Quand on donne l'eau au moment voulu, elle devient une marchandise, puisque la livraison en temps opportun est avantageuse, par rapport à l'eau qui coule avec le temps et dans cette situation, la différence entre l'eau dans son état naturel et la marchandise qu'elle est devenue provient certainement du fait qu'on la retient.
Les bassins de drainage effacent les frontières. Il est question ici de la souveraineté canadienne sur ces ressources en eau. Lorsqu'on parle d'un bassin de drainage dans un pays comme le Canada, ce bassin dépasse les frontières. Si vous affirmez que tout cela peut se faire à l'intérieur du même bassin, cela signifie en fait qu'on efface les frontières à un niveau politique pour ce qui est de la gestion de la ressource, ce qui ne signifie pas que l'intégrité des bassins de drainage est sans importance. Nous partageons un bassin de drainage avec la Californie. Si d'après vous, le mouvement des eaux dans ce bassin est acceptable, alors vous facilitez le partage continental des ressources en eau. L'eau est une priorité du corps des ingénieurs de l'armée américaine depuis le début des années 50.
Nous sommes coincés dans ce dilemme; nous faisons du surplace et cherchons des poils sur les oeufs. Nous avons besoin d'une exemption de l'ALENA. C'est vraiment la seule chose qui réglera le problème. Ensuite seulement, une province pourra étudier en toute sécurité des propositions d'exportation d'eau comme celle du lac Gisborne. Elle pourra aussi les rejeter si elles ne donnent pas de bons résultats une fois mises en oeuvre. Elle pourra exiger un prix en vertu de dispositions de l'ALENA et de l'ALE. Si les Américains ont le droit d'acheter notre eau, de quelle marge de manoeuvre dispose le vendeur?
Le président: Merci.
Mme Wendy Holm: Je crois avoir répondu à toutes les questions.
Le président: Madame Lalonde.
Mme Christine Elwell: Me permettez-vous de faire une brève remarque là-dessus?
Le président: Je suis désolé, mais on a de beaucoup dépassé le temps prévu. Nous nous conformons à certaines règles ici afin que tous ceux qui veulent poser des questions aient l'occasion de le faire. Si nous permettons qu'une question entraîne une réponse de 20 minutes, alors il ne reste plus de temps pour les interventions des autres.
Mme Christine Elwell: Et si je me contentais d'une seule phrase?
Le président: Une seule phrase alors.
Mme Christine Elwell: Selon le National Post l'accord a été rejeté par le Québec, la Colombie-Britannique, l'Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba.
Le président: Merci. Il s'agit de l'accord volontaire dont parlait Mme Holm.
Mme Christine Elwell: De l'accord fédéral-provincial.
Le président: S'agit-il de la même chose que de l'accord du Canada?
Mme Christine Elwell: Oui.
Le président: Quoi qu'il en soit, nous allons obtenir une réponse à cela.
Madame Lalonde.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Merci beaucoup d'être venues de loin. Vous n'aviez qu'une courte période pour vous préparer. Je tiens donc à vous remercier beaucoup de vos deux présentations, que je vais certainement relire plus d'une fois. Elles se complètent.
J'aimerais revenir à la question des bassins. C'est une question qui est technique mais qui peut devenir politique. Pour que la définition des bassins n'implique pas la prise en compte des territoires au sud de la frontière, que faudrait-il faire?
Mme Wendy Holm: On ne peut rien faire compte tenu de l'approche actuelle. La seule façon d'empêcher cela, c'est de reconnaître d'abord les répercussions du commerce de l'eau puis d'aborder la question du point de vue de la souveraineté au niveau commercial. On ne peut le faire du point de vue du bassin de drainage. C'est malheureusement impossible.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Si je comprends bien, quand on parle de bassins, cela implique nécessairement les territoires qui peuvent être au sud, au-delà des frontières.
[Traduction]
Mme Wendy Holm: L'accord provincial citait cinq grands bassins de drainage: le golfe du Mexique, l'océan Atlantique, l'océan Pacifique, la Baie d'Hudson et l'océan Arctique. Le partage continental des eaux est donc possible dans ces bassins.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Vous parlez de la Commission mixte internationale. J'ai lu les recommandations et j'ai été frappée de voir qu'elles sont faites aux provinces et aux États. Quatre recommandations sur six, celles qui ont trait au prélèvement et à la conservation, sont faites aux provinces et aux États, tandis que celles qui ont trait à la cueillette de données pour mesurer l'eau ainsi qu'à la recherche et au développement sont faites aux États fédéraux. Les autres recommandations, dont celles qui touchent la question concrète des prélèvements massifs, par exemple, sont faites aux provinces. La raison invoquée pour cela est que le tout se fera ainsi de façon coordonnée et rapide. J'ai oublié le troisième adjectif.
Si on lit les recommandations, on voit que sont ajoutées des mesures de conservation et des mesures pour assurer la qualité de l'eau. D'après la définition qui est donnée des pouvoirs des provinces—je ne parle pas des États—, l'eau, en tant que ressource, appartient aux provinces. Si je comprends bien, quand on veut lier la conservation et le traitement de l'eau aux prélèvements, c'est aux provinces qu'on doit s'adresser. Le gouvernement fédéral, par le projet de loi C-6, modifie la mise en oeuvre du traité et non pas le traité. Il doit donc s'en tenir à ce qu'il y a à l'intérieur du traité. C'est pour cela que je crois que le projet de loi C-6 nous rend vulnérables. J'avais dit cela, madame, avant vous. C'est pourquoi j'ai souri. La Commission mixte internationale et le traité peuvent servir de base pour la préservation et la conservation. Voilà pourquoi je suis étonnée d'entendre qu'il est recommandé d'imposer des obligations aux provinces.
Je vais conclure. J'aimerais connaître vos commentaires et entendre l'information que vous pourriez nous donner. Je suis d'avis que demander au fédéral d'agir pour être mieux protégé n'est pas une bonne idée parce que cela ne s'est pas produit dans le passé.
Je vais vous donner trois exemples. Cela n'a pas été vrai dans le cas des pêches, des chômeurs et des négociations internationales. J'ai donc plus confiance en la voie proposée par la Commission mixte internationale qu'en cette intervention extrêmement limitée du gouvernement fédéral qui, par ailleurs, donne au ministre, comme vous l'avez souligné et comme je l'avais souligné dans mes discours, des pouvoirs discrétionnaires extrêmement importants.
[Traduction]
Mme Wendy Holm: Il ne fait aucun doute que l'eau relève de la compétence des provinces. C'est pourquoi une stratégie fédérale relative à l'eau, qui est morte au feuilleton il y a près de 12 ans, envisageait la question en tenant compte des droits des provinces d'adopter des politiques en la matière dans le régime d'un cadre politique sûr. Le problème, c'est que l'ALENA ne permet pas aux provinces d'adopter une telle politique, et il faut donc attaquer la question sur deux fronts.
• 1010
La Colombie-Britannique est un exemple de cela. Nous avons
interdit les exportations d'eau. Nous avons indemnisé le titulaire
de la licence en Colombie-Britannique, mais on nous dit que bientôt
on va évoquer le chapitre XI, et à ma connaissance, en toute
légitimité. Ce chapitre permet de contester le droit de la province
d'agir d'une façon non conforme au traité fédéral. Bien entendu,
nous pouvons refuser la vente au moyen d'indemnisation à l'infini.
Nous mettons l'eau en danger ou le contribuable en danger, c'est un
dilemme possible.
Nous devons être fermes et dire que le problème tient à l'inclusion de l'eau dans l'ALENA. Nous faisons toutes ces choses pour éviter d'utiliser les termes comme «eau» et «exportation». C'est puéril. Il faut simplement retirer la mention de l'eau dans l'ALENA. Il faut obtenir une exemption.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Pouvez-vous, ainsi que Mme Elwell, nous parler davantage de cela? C'est la première fois que j'entends cette demande formulée ainsi. Cela m'apparaît gros. Sur quoi peut-on s'appuyer pour demander cela, si ce n'est le rapport de force?
[Traduction]
Mme Wendy Holm: Il existe une disposition permettant le retrait après six mois. Ce genre de dispositions existe afin que les ententes demeurent équitables. Je songe particulièrement à la situation où l'une des deux parties a davantage de pouvoir que l'autre; les dispositions de retrait sont un mécanisme favorisant l'équité. Le même genre de dispositions existent dans l'ALENA et l'ALE. Je le répète, tout le monde a fait front et dit que l'eau ne figurait pas dans les ententes. On a dit à la population canadienne, et de la façon la plus officielle, que l'eau ne figurait pas dans l'entente commerciale. Le ministre du Commerce suivant a lui aussi affirmé cela publiquement.
M. Chrétien doit certainement pouvoir dire aux États-Unis que nous sommes pris dans un dilemme. Nos hommes politiques n'ont pas menti à la population canadienne. Nous n'avions certainement pas l'intention d'inscrire l'eau dans l'accord de libre-échange, et si cela s'est produit en raison d'un tour de passe passe quelconque, il faut colmater cette brèche. Il ne s'agit pas de renégocier le tout, seulement de tirer quelque chose au clair. Nos autorités ont affirmé publiquement ne pas vouloir inscrire l'eau dans l'accord commercial. Il faut donc que nous réglions ce problème ou choisissions une autre solution. Il s'agirait alors de tourner le dos aux Américains et les laisser trépigner de colère pendant un bout de temps, car en fin de compte ils finiraient par l'accepter. Quelle forte affirmation ce serait pour le Canada d'agir ainsi, de bien faire les choses. Cela lui permettrait de faire des avancées dans d'autres domaines importants. C'est de leadership dont nous avons besoin au gouvernement fédéral.
Mme Christine Elwell: Puis-je intervenir à mon tour? Les motifs qu'on peut invoquer pour obtenir une exception dans l'ALENA sont faibles. Il y a bien la déclaration faite par les trois amigos de 1993, et voulant que l'eau ne soit pas sur la table de négociation; or le même jour le Bureau du représentant américain au Commerce émettait un communiqué de presse d'après lequel rien dans cette déclaration ne modifiait un seul mot de l'ALENA. On peut donc se demander dans quelle mesure on peut prendre au sérieux l'affirmation des trois gouvernements signataires de l'ALENA, d'après laquelle l'eau n'est pas sur la table.
Ainsi que je le disais, l'une des possibilités qui s'offrent à nous serait de procéder par voie d'un accord exécutif, en invoquant l'article 104 de l'ALENA. Appelons cela une entente environnementale, faisons-la relever de l'article 104, et essayons de voir si une exemption peut marcher dans de telles circonstances. L'objet est d'exempter non seulement les obligations liées au commerce et aux biens, mais également les services et l'investissement.
L'autre disposition de l'ALENA qu'on peut peut-être invoquer est l'article 1131 du chapitre sur l'investissement, que d'ailleurs le président Graham connaît. Il permet à la Commission du libre- échange de clarifier les dispositions de l'ALENA dans le cas de différends entre les investisseurs et les États, mais je pense qu'on pourrait dire que l'eau n'est pas visée par les différends entre les investisseurs et les États. C'est clairement dans l'Accord de libre-échange. Cependant, la disposition n'a pas encore été mise à l'épreuve. Il y a donc quelques possibilités qui s'offrent à nous.
Si vous permettez maintenant, j'aimerais faire une remarque. Vous avez affirmé que les recommandations de la Commission mixte internationale sont peut-être les meilleures, et vous vous demandez aussi pourquoi elles s'adressent aux provinces. Eh bien, je viens de revoir mon...
[Français]
Mme Francine Lalonde: J'ai compris pourquoi, mais je vous demande quels sont vos commentaires à ce sujet.
[Traduction]
Le président: Vous avez largement dépassé les dix minutes, hâtez-vous de terminer car il faut que nous passions à l'intervenant suivant.
Mme Christine Elwell: Très brièvement, la recommandation de la Commission mixte internationale n'est pas assez bonne elle non plus. Elle affirme que pour autant qu'on ne retire pas plus de 5 p. 100 des eaux des Grands Lacs, cela n'aura pas d'impact... Or cela se fonde sur des données périmées et peu fiables. Quoi qu'il en soit, 5 p. 100 d'une ressource en décroissance constante ne peut rendre un système hydrographique soutenable; je ne me fierais donc pas aux recommandations de la Commission mixte internationale. Je pense que ce dont on a besoin ici c'est d'un nouvel accord binational qui étudie de près la question et la retire le plus possible du domaine commercial.
Le président: Merci.
Monsieur Keyes, et ensuite M. Comartin.
M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Madame Holm, à titre d'éclaircissement, est-ce l'eau dans son état naturel que vous souhaitez voir exclure de l'ALENA?
Mme Wendy Holm: Je veux que l'eau comme bien soit exclue des dispositions de l'ALENA portant sur les biens, les services et l'investissement. Je veux que l'article 2201.9 soit exempté.
M. Stan Keyes: Il me paraît important de rappeler qu'en 1993, une déclaration conjointe précisait très clairement que l'eau dans son état naturel est exclue de l'ALENA...
Mme Wendy Holm: Bien entendu.
M. Stan Keyes: ... et elle ne peut devenir objet de commercialisation que si elle prend la forme d'un produit...
Je tenais à préciser cela à l'intention de ceux qu'écoutent nos délibérations.
Mme Wendy Holm: À titre de précision, pour obtenir l'exemption, il faudrait que l'article 2201.9 figure sur la liste des biens et services exclus.
M. Stan Keyes: L'exemption existe déjà, c'est ce que je disais.
M. Wendy Holm: Non, ça n'est pas une exemption.
M. Stan Keyes: Oui, elle porte sur l'eau dans son état naturel.
Mme Wendy Holm: Non, elle n'existe pas. Je m'excuse, je ne veux pas vous contredire, mais aucun des termes utilisés dans l'accord commercial ne prévoit que...
M. Stan Keyes: Bien, il faudra que nous reconnaissions être en désaccord ici.
Le président: Il me semble bien que vous êtes en désaccord.
M. Stan Keyes: Reconnaissons que nous ne sommes pas d'accord.
Mme Wendy Holm: Eh bien, c'est un fait.
M. Stan Keyes: Encore à titre d'éclaircissement, madame Holm, vous avez affirmé que 87 p. 100 des Canadiens s'opposent à l'exportation de l'eau.
Mme Wendy Holm: Oui.
M. Stan Keyes: Sur quoi vous fondez-vous pour dire une telle chose?
Mme Wendy Holm: Pendant les années 80, j'ai fait partie d'un comité appelé Water Watch Canada, dont l'actuelle gouverneure générale et d'autres étaient aussi membres. À l'époque, nous avons effectué un sondage auprès de la population canadienne, mais je ne me rappelle plus le nom de la maison de sondage. D'après cette enquête, 87 p. 100 des Canadiens s'opposaient à l'exportation de l'eau et seraient très défavorables à un gouvernement qui la permettrait ou l'envisagerait.
M. Stan Keyes: Bien, il s'agit donc d'un sondage vieux de 10 ans.
Mme Wendy Holm: En fait, il remonte probablement à il y a 13 ans, mais à mon avis, les gens sont encore plus préoccupés par cela aujourd'hui.
M. Stan Keyes: Cela dépend de la façon dont la question est posée, et le reste. Cela étant dit, madame Holm, d'après vous, lesquels des règlements risque de miner le projet de loi, et combien y en a-t-il?
Mme Wendy Holm: Lorsque vous parlez de «règlements», vous parlez de...?
M. Stan Keyes: Vous avez affirmé que les règlements risquent de miner le projet de loi C-6.
Mme Wendy Holm: C'est exact.
M. Stan Keyes: Je vous demande lesquels de ces règlements peuvent avoir cet effet et combien il y en a.
Mme Wendy Holm: Je vais répondre à cette question, mais auparavant, j'aimerais revenir à ce que nous disions, car nous ne sommes pas vraiment en désaccord.
L'ALENA intervient lorsqu'il y a un acheteur et un vendeur en présence l'un de l'autre. Or, personne n'achète ou ne vend l'eau des rivières. Cependant, les rivières ne sont pas exemptées dans l'ALENA; c'est tout simplement que l'ALENA n'a pas compétence sur elles.
Le terme «eau» n'y est pas mentionné. L'ALENA ne s'applique pas s'il n'y a pas de transaction entre un acheteur et un vendeur. C'est dans le cas contraire que l'ALENA s'applique.
Pour ce qui est des règlements, il y a deux articles pertinents. L'un se trouve à l'alinéa d) du paragraphe 21(1).
-
21.(1) Le gouverneur en conseil, sur recommandation du ministre,
peut par règlement:
-
d) prévoir les cas d'exception à l'application des paragraphes
11(1), 12(1) et 13(1);
Il y a aussi lieu de mentionner l'alinéa c) du paragraphe 21(1), où l'on décrit ou définit les bassins hydrographiques.
De plus, les projets d'articles 11, 12 et 13 précisent tous qu'ils ne s'appliquent pas dans les cas d'exception prévus par règlement. On se contente de parler des cas d'exception prévus par règlement. C'est très flou.
M. Stan Keyes: Vous estimez donc que nous pourrions effectivement définir chaque occurrence possible que le cabinet pourrait devoir étudier afin de savoir s'il y a lieu de demander une exemption ou non?
Mme Wendy Holm: Je pense que des exceptions permettent au ministre de contrecarrer tout à fait l'objet du projet de loi. Voilà ce que je pense.
Mme Christine Elwell: C'est exact.
M. Stan Keyes: Mais vous supposez qu'un ministre voudrait contrecarrer l'objet du projet de loi.
Mme Wendy Holm: Eh bien, avec tout le respect que je vous dois...
M. Stan Keyes: Le ministre ne conserverait pas son portefeuille longtemps et il ne ferait pas non plus longtemps parti d'un gouvernement s'il commençait à défaire tout ce qu'il veut.
Mme Wendy Holm: Ça ne donne aucune certitude en matière de politique.
M. Stan Keyes: Il faut tout de même une certaine latitude ici. Nous ne pouvons pas dresser la liste de toutes les occurrences possibles. C'est impossible. Il faut qu'on fasse confiance au gouvernement et au cabinet.
Mme Wendy Holm: Il est très inhabituel qu'une loi prévoie les circonstances qui l'annulent complètement. Règle générale, les exceptions sont considérées comme liées précisément...
M. Stan Keyes: Madame Holm, contrairement à vous, je ne peux tout simplement pas penser que ce genre de chose se produirait.
Dans votre exemple au sujet de Terre-Neuve, vous avez dit que la province pourrait commencer à exporter son eau, puis qu'elle pourrait réexaminer l'entente commerciale, ou peu importe, quelle que soit la destination de l'eau exportée, pourvu qu'il ne s'agisse pas d'une quantité plus petite, et le reste. Elle pourrait aussi réexaminer le contrat à répétition afin d'en évaluer les répercussions, et tout le reste. Mais ce dont vous parlez là relève de l'autorité provinciale.
Vous avez poursuivi en disant que le gouvernement fédéral ne semble pas pouvoir intervenir dans ce genre de situation.
Mme Wendy Holm: Non. Ce que je disais, c'est que le gouvernement fédéral a effectivement lié les mains de la province, en ce sens qu'il ne peut prendre de mesures dans l'intérêt de la province pour mettre fin à ces exportations. Une fois qu'elles ont commencé—et ici la Commission mixte internationale elle-même reconnaît cela...
M. Stan Keyes: Mais nous ne pouvons intervenir maintenant.
Mme Wendy Holm: Je peux vous donner beaucoup plus de détails, si vous le voulez.
M. Stan Keyes: À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral ne peut intervenir.
Mme Wendy Holm: Il ne s'agit pas d'une intervention du gouvernement fédéral. Avant l'ALE et l'ALENA, la province disposait de divers recours en matière de politiques face à des cas d'exportation modestes, elle pouvait signer une entente, et si cette dernière ne fonctionnait pas, y mettre fin.
Le gouvernement fédéral, en signant l'ALENA et l'ALE sans y inclure une exception précise dans le cas de l'eau, s'est trouvé à retirer aux provinces la capacité d'intervenir et de mettre fin à une exportation, si après réflexion, elle ne lui paraissait plus justifiée. En vertu de l'ALENA et de l'ALE, le droit de maintenir l'exportation ne concerne que l'acheteur et le vendeur. Cela compromet gravement la politique gouvernementale. Une province ne peut plus envisager d'exportations, parce que c'est probablement s'engager à perpétuité.
M. Stan Keyes: Eh bien, madame Holm, je vous remercie d'être venue et de nous avoir fait votre exposé, mais j'estime que bon nombre de vos arguments manquent de logique.
Mme Wendy Holm: Je connais très très bien cet accord.
M. Stan Keyes: Malheureusement, à mon humble avis, bon nombre de vos raisonnements manquent de logique. Je pense qu'il faudra reconnaître que nous ne sommes pas d'accord sur bien des points que vous nous avez mentionnés.
Mme Wendy Holm: Si je disposais de plus de temps, je pourrais certainement vous citer les nombreux documents que j'ai consultés, jusque dans leurs moindres détails, à l'appui de mes affirmations quelque peu résumées. Elles sont vraies.
M. Stan Keyes: Bien.
En conclusion, monsieur le président, je précise que le projet de loi existe depuis la dernière législature. Je pense qu'on n'a à peu près rien changé de son contenu.
Mme Wendy Holm: Exactement.
M. Stan Keyes: Par conséquent, si vous aviez eu plus de temps... Mme Holm a souligné...
Je tiens à bien préciser deux choses. Premièrement, ce projet de loi nous a été présenté au cours de la dernière législature, sous un numéro différent, mais je ne voudrais pas que vous en fassiez le reproche au président ou au comité car il faut avouer, madame Holm, que votre nom a été proposé par le Nouveau Parti démocratique...
Mme Wendy Holm: En réalité, c'était par l'Alliance canadienne. Merci.
M. Stan Keyes: D'accord, par l'Alliance canadienne, il y une huitaine de jours...
Le président: Et par le NPD.
M. Stan Keyes: Et le NPD.
Votre nom a été proposé au comité il y a une huitaine de jours et, généralement, ceux qui proposent un nom téléphonent à l'intéressé pour le prévenir qu'il se prépare à recevoir, dans une semaine, un appel de la greffière l'invitant à comparaître devant le comité. Je ne voudrais donc pas que vous en adressiez le reproche au comité ou au président.
Mme Wendy Holm: J'ai certainement le sentiment de m'être préparée pour cette comparution.
M. Stan Keyes: Dans ce cas, très bien.
Mme Wendy Holm: Je me réjouis d'être ici. Mais vous m'accordiez très peu de temps. Je pourrais continuer longtemps à vous parler de ces problèmes dans tous les détails. Beaucoup de gens aimeraient avoir l'occasion de comparaître devant vous.
M. Stan Keyes: Je dis seulement qu'il ne faut pas reprocher au comité de vous avoir invitée à la dernière minute. Les partis qui ont proposé votre nom ont manqué à leur devoir. Ils auraient dû vous prévenir il y a plus d'une semaine, tout simplement.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Keyes.
Monsieur Comartin.
Mme Wendy Holm: Une semaine ce n'est toujours pas un délai bien long.
M. Stan Keyes: C'est mieux que les 48 heures dont vous avez parlé.
Mme Wendy Holm: Ma comparution n'avait pas été confirmée. C'est seulement le lundi que j'ai pu parler à la greffière du comité. On m'a appelée le vendredi.
M. Stan Keyes: Sans entrer dans les détails, madame Holm, on aurait pu vous téléphoner, il y a une huitaine de jours, pour vous prévenir que le comité pouvait vous demander de comparaître.
Mme Wendy Holm: Je dis seulement qu'en tant que Canadienne, je me fais un plaisir de prendre le temps de venir ici à titre bénévole. Le préavis a été très court.
M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Je suppose que ce dernier échange n'a pas été déduit des minutes qui me sont accordées. C'est sur le temps de M. Keyes et non pas le mien?
Le président: Le projet de loi prévoit une exemption pour le temps consacré à ce genre de dialogue.
M. Stan Keyes: En tout cas, j'étais là à l'heure, Joe.
M. Joe Comartin: J'étais là aussi lorsqu'elle a commencé, monsieur Keyes. De toute évidence, je l'ai écoutée plus attentivement qu'on ne l'a fait en face.
M. Stan Keyes: Avec dissidence.
M. Joe Comartin: D'accord.
Madame Holm et madame Elwell, si j'ai bien compris, vous pensez que vous allez perdre la cause SunBelt?
Mme Wendy Holm: Si c'est en vertu du chapitre XI, ce sera certainement un échec.
Mme Christine Elwell: Le pire est que nous ne saurons même pas quelle position le gouvernement a adoptée derrière ces portes closes.
M. Joe Comartin: Si j'ai bien compris, vous dites toutes les deux que nous devons nous entendre avec les Américains pour exempter l'eau de façon générale. C'est bien cela?
Madame Holm, êtes-vous d'accord pour dire qu'il fallait invoquer l'article 104 de l'ALENA?
Mme Christine Elwell: C'est une solution.
Mme Wendy Holm: Oui. Tout architecte de ce projet de loi devrait pouvoir vous dire qu'il faut soustraire l'eau des dispositions concernant les marchandises, les services et les investissements.
M. Joe Comartin: Madame Elwell, vous avez parlé d'un accord bilatéral. Que faites-vous du Mexique? Ne doit-il pas être également présent à la table de négociation?
Mme Christine Elwell: Ce n'est pas nécessaire. L'article 104 permet de conclure un accord bilatéral entre gouvernements. Vous n'avez même pas à modifier l'ALENA. Il n'est pas nécessaire que cela passe par le Congrès. Un simple échange de lettres suffit et l'entente peut être bilatérale.
M. Joe Comartin: En supposant que le Canada et les États-Unis le fassent, qu'est-ce qui empêcherait un investisseur privé de déposer une plainte?
Mme Christine Elwell: L'article 104 exempte toutes les autres obligations incompatibles avec l'ALENA. Cela comprend les dispositions du chapitre XI concernant les droits des investisseurs.
M. Joe Comartin: Pouvons-nous le faire rétroactivement?
Mme Wendy Holm: Certainement. Vous demandez si nous pouvons le faire rétroactivement.
M. Joe Comartin: Oui.
Mme Christine Elwell: Désolée, je l'ignore.
Mme Wendy Holm: Je crois que nous devrions nous distancer du chapitre XI en disant que l'eau n'en fait pas partie. Nous n'avons jamais eu l'intention d'inclure l'eau dans le chapitre XI. C'est une question de politique et il s'agit de jouer serré.
Le président: Les témoins conviendront certainement que nous pourrions toujours interpréter le texte du traité rétroactivement si les parties au traité sont d'accord. Il faudrait que les trois gouvernements signent.
M. Joe Comartin: Monsieur le président, étant donné certaines décisions étranges qui ont été rendues en vertu du chapitre XI pour ce qui est de l'élargissement du traité, je ne sais pas vraiment si une commission ou un groupe spécial n'irait pas dire que ce ne peut pas être rétroactif. Je me demandais s'il y avait déjà des exceptions.
Mme Wendy Holm: Quand vous parliez de rétroactivité, je pensais que vous vouliez nous sortir des difficultés dans lesquelles nous sommes plongés avec Sun Belt. C'est ce que vous vouliez dire?
M. Joe Comartin: Oui.
Mme Wendy Holm: Il faudrait sans doute que ce soit négocié. Si nous en arrivons là, il faudrait commencer par dire que l'eau n'est pas une marchandise. Il faut que ce soit précisé. Ce ne sera pas visé par le chapitre XI ni aucune des décisions rendues relativement au chapitre XI. De toute évidence, nous n'avons pas inclus l'eau dans cet accord et il faut le préciser.
Le président: Sans vouloir abuser de votre temps, j'ai l'impression que c'est le chapitre XI qui pose un problème. La définition de l'expropriation est trop vague et plus générale que la plupart des spécialistes de droit international ne le jugeaient souhaitable à l'époque et c'est ce que nous constatons maintenant. Voilà le problème qui retient notre attention.
Même si les trois gouvernements révisaient le traité en tenant compte des plaintes déposées jusqu'ici, dont la cause Sun Belt, je pense que les États-Unis auraient sans doute des difficultés constitutionnelles si le traité était révisé rétroactivement.
Ce serait extrêmement compliqué, je suis d'accord avec vous.
Mme Wendy Holm: Mieux vaut résoudre une petite complication que nous pouvons clairement circonscrire.
Le président: Je suis d'accord. Je n'essaierais pas de me lancer dans ce genre de chose, mais nous essayons de mieux comprendre.
Mme Christine Elwell: C'est sans doute l'article 113.1 qui permet aux trois gouvernements de clarifier le libellé. Cette règle s'applique jusqu'à ce que la décision soit rendue, ce qui n'est pas encore fait. En pratique, et il nous reste sans doute du temps.
M. Joe Comartin: C'est un bon argument.
Si les Américains ne sont pas d'accord, le délai de six mois nous permet de reculer et de nous retirer de tout ce traité.
Mme Wendy Holm: Oui, mais je ne pense pas que nous aurons à le faire. Je ne crois pas. Les Américains tirent énormément d'avantages de l'accord commercial et ils se diront que s'ils doivent céder d'un côté, ils se rattraperont de l'autre. Mais c'est normal. Je ne pense pas qu'il faudrait sacrifier cet accord commercial.
M. Joe Comartin: Monsieur le président, je n'étais pas là à la dernière réunion. A-t-on abordé la situation de la Tay?
Le président: Oui. Le représentant du Conseil des Canadiens, M. Dunn, a dit qu'à son avis—sans vouloir parler à sa place—le gouvernement de l'Ontario avait autorisé le captage des eaux de la Tay, à condition que soient respectées certaines conditions environnementales qu'il estimait insatisfaisantes. Il craignait que cela ne crée un précédent qui nous causerait des difficultés, si une plainte était déposée en vertu du chapitre XI ou d'une autre disposition. Voilà ce que j'ai compris.
M. Joe Comartin: Avons-nous su si les tribunaux examinaient de nouveau la question et si l'on allait tenir compte du chapitre XI?
Le président: Non. Un avocat de l'entreprise en question qui était présent a dit que l'on avait effectué des études environnementales approfondies, mais je n'ai pas jugé bon de pousser cette question plus à fond au cours de cette audience. Nous essayons de ne pas dépasser la portée limitée de ce projet de loi. Ce n'est qu'un des éléments d'une stratégie en trois volets. En recevant tous ces témoignages, nous avons tendance à tout examiner en même temps alors que j'essaie, pour l'examen de projet de loi, de garder chaque élément séparé afin que nous puissions aborder les autres questions à un autre moment. Ce n'est pas qu'elles ne sont pas pertinentes, mais ce projet de loi a une portée limitée.
M. Joe Comartin: Je ne suis pas d'accord, car d'après ce que j'ai compris—sans prendre connaissance de la décision—ce tribunal de l'Ontario a décidé, il y a une quinzaine de jours, qu'il se pencherait sur l'ALENA au cours de son prochain examen. Le projet qu'il examine maintenant représente une augmentation énorme du volume d'eau.
Le président: De quel tribunal s'agit-il?
M. Joe Comartin: Je ne sais pas quel est son nom.
Mme Christine Elwell: C'est la Commission d'appel de l'environnement. Il ne s'agit pas d'une plainte déposée en vertu du chapitre XI de l'ALENA. Mais cela relève du gouvernement ontarien.
C'est en rapport avec votre projet de loi, car c'est un exemple de situation où d'énormes quantités d'eau sont contenues dans des produits. Dans ce cas, il s'agit d'une boue. D'énormes quantités d'eau quittent le bassin grâce à une exception qui se retrouve également dans ce projet de loi.
Le président: C'est intéressant. Nous ne pensions pas que c'était pertinent étant donné qu'il s'agit d'une utilisation d'eau à l'intérieur d'une province. Vous dites que le même principe pourrait s'appliquer à l'eau...
Mme Christine Elwell: L'eau de cette boue va vers le sud—elle n'est pas soustraite du bassin.
Le président: Attendez un instant. Il faut que je consulte les experts, mais ce n'est pas une eau limitrophe étant donné que cette rivière coule du Nord au Sud. Elle n'entre donc pas dans le champ d'application de ce projet de loi. C'est un des principaux problèmes que nous pose cette mesure. Elle est d'une portée très limitée et si vous n'avez pas une carte sous les yeux montrant exactement ce qui est couvert ou non, il est difficile de s'en faire une idée. Voilà pourquoi il ne faut pas oublier que ce n'est qu'un des éléments d'une stratégie en trois volets, comme Mme Holm l'a dit, et que nous essayons de voir si cette stratégie est satisfaisante après quoi nous nous intéresserons au reste.
M. Joe Comartin: Mais l'important, monsieur le président, est que le même genre d'exploitation pourrait être établi sur le Saint- Laurent ou un des Grands Lacs. Le ministre des Affaires étrangères recevrait alors la même demande de permis. La décision de ce tribunal sera donc très intéressante.
Le président: Je suis d'accord et je comprends vos arguments et ceux de Mme Elwell à ce sujet.
Mme Christine Elwell: Si vous le permettez, je voudrais ajouter un autre éclaircissement. Le gouvernement ontarien s'est fié sur les données hydrographiques de Parcs Canada concernant le bassin du Saint-Laurent, à partir du canal Rideau. C'est donc en s'appuyant sur les données scientifiques de Parcs Canada que le gouvernement ontarien a donné son accord.
Le président: Très bien, merci. C'est intéressant.
Avez-vous d'autres questions?
M. Joe Comartin: Non, merci.
Le président: Merci.
• 1035
M. O'Brien, la parole est à vous et ce sera ensuite le tour de
Mme Marleau.
M. Pat O'Brien: Monsieur le président, je tiens à remercier les témoins. Je ne suis pas certain de partager vos opinions, du moins dans une certaine mesure. Mais je voudrais aborder brièvement une ou deux questions car je désire partager mon temps avec mes collègues, s'ils ont des questions à poser.
Mme Elwell a parlé des exportations d'eau. Voulez-vous dire que le gouvernement canadien devrait interdire l'exportation de produits répondant aux normes qui contiennent de l'eau? Cela semble être la conclusion logique de ce que vous avez dit.
Mme Christine Elwell: Non, mais je crois que ce devrait être réglementé.
M. Pat O'Brien: Vous ne suggérez donc pas d'interdire l'exportation de produits commerciaux.
Mme Christine Elwell: J'estime inacceptable de ne pas réglementer le captage de l'eau, que ce soit pour la fabrication d'un produit, l'agriculture ou le traitement des déchets dangereux. On ne peut pas dire que si l'eau sert à telle ou telle fin que cela ne regarde personne et ne doit faire l'objet d'aucun examen.
M. Pat O'Brien: Très bien. Vous m'avez donné une réponse et c'est non. Merci, monsieur le président.
Madame Holm, vous avez relaté quelques anecdotes et j'aimerais revenir sur l'une d'elles.
Vous avez parlé d'une situation embrouillée. Vouliez-vous dire que le projet de loi vise à induire en erreur? Si c'est le cas, qui et comment?
Mme Wendy Holm: Je pense que nous avons un problème dont nous sommes tous conscients depuis environ 14 ans.
M. Pat O'Brien: Ce projet de loi est-il conçu pour induire en erreur? Si c'est le cas, qui et comment?
Mme Wendy Holm: À travers tout ce verbiage, on peut voir que ces modifications interdiront le captage d'eau en vrac dans les eaux limitrophes canadiennes. Le Canadien moyen le comprend et pense que c'est la solution. Si vous me permettez de terminer...
M. Pat O'Brien: Mais cela ne répond pas à ma question si vous le permettez, monsieur le président.
Mme Wendy Holm: Le gouvernement fédéral doit assurer aux Canadiens que leur eau n'est pas en danger. Il aurait fallu légiférer pour interdire les exportations, imposer un moratoire sur les exportations et ensuite prendre les mesures voulues pour résoudre le problème. Le gouvernement prend des mesures, mais sans régler quoi que ce soit. Peu importe la Commission mixte internationale ou l'accord provincial, ce projet de loi ne fera rien pour protéger les eaux canadiennes.
M. Pat O'Brien: Je comprends. Je ne veux pas vous interrompre, mais, comme mes collègues, j'ai peu de temps pour poser mes questions. Je vous ferais remarquer que vous n'avez pas répondu à ma question.
Était-ce une simple fleur de rhétorique ou laissez-vous sérieusement entendre que le projet de loi C-6 cherche à tromper quelqu'un?
Mme Wendy Holm: Oui.
M. Pat O'Brien: Très bien, qui?
Mme Wendy Holm: Je crois qu'il vise à faire croire au public canadien que les eaux du Canada sont protégées. Le premier ministre et le gouvernement canadien se rendent sans doute compte de la gravité de la situation, mais ils refusent de passer aux actes et de prendre les mesures qui s'imposent pour sauver notre eau.
M. Pat O'Brien: Très bien. En quoi ce projet de loi est-il conçu pour induire le public canadien en erreur? Je savais que je finirais par vous faire répondre à cette question.
Mme Wendy Holm: Monsieur O'Brien, je ne suis pas un témoin hostile. Je réponds à toutes les questions sans qu'il soit nécessaire de me harceler.
M. Pat O'Brien: Vous avez mis longtemps à répondre à la première, mais pourriez-vous répondre à la deuxième? Ma question est simple. Je ne veux pas être hostile, mais vous ne me répondez pas directement.
Vous avez fini par répondre que ce projet de loi vise à tromper le public canadien. Cela me paraît incroyable, mais vous avez droit à vos opinions. Je vous demande maintenant directement, sans aucune hostilité, de quelle façon ce projet de loi trompe le public?
Mme Wendy Holm: D'abord, je crois que cette stratégie à trois volets est une solution proposée par un gouvernement qui n'a pas le courage de s'affirmer devant les Américains et de dire que nous voulons une exemption pour l'eau. Cette stratégie est présentée et annoncée comme étant apte à résoudre le problème.
Je suis certaine que les rédacteurs du projet de loi et bien des gens d'Environnement Canada, et d'autres encore, qui sont aux prises avec ce dilemme depuis 1988, ne cherchent pas à nous induire en erreur. Mais en bout de ligne, parce que le premier ministre n'est pas prêt à serrer les dents et à faire ce qui doit être fait, nous créons une illusion. Regardez le libellé. D'après tous les communiqués, cette approche réglera le problème, mais elle ne règle rien du tout.
M. Pat O'Brien: D'accord. D'après votre réponse, le projet de loi, au moyen d'un libellé qui se veut trompeur et ambigu, cherche délibérément à induire les Canadiens en erreur.
Mme Wendy Holm: Le projet de loi est une passoire. Il n'atteint pas ses objectifs. À cause des exceptions qu'il contient, de sa portée limitée et de son application aux Grands Lacs, le projet de loi ne règle absolument pas le problème de l'exportation de l'eau du Canada.
M. Pat O'Brien: Je crois que je ne peux espérer une réponse plus précise à ma deuxième question. Rapidement, permettez-moi d'ajouter qu'il est incroyable qu'un témoin puisse venir comparaître devant le comité et affirmer qu'un projet de loi du gouvernement a pour objectif précis de tromper le public canadien.
Nous pouvons être en désaccord sur le libellé... Mais très honnêtement, je crois que vos affirmations mettent en doute l'utilité de votre témoignage, du moins en ce qui me concerne. Mais vous avez droit à vos opinions.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci. Notons qu'il s'agissait plutôt d'une déclaration, et non d'une question.
M. Pat O'Brien: Ça se voulait une déclaration.
Mme Christine Elwell: Ça doit être la pleine lune aujourd'hui. La lune est-elle en verseau? Que se passe-t-il aujourd'hui?
Le président: Nous entendrons M. Casson d'abord, puis Mme Marleau et, pour conclure, M. Paradis.
M. Rick Casson: Merci, monsieur le président. J'espère bien que nous avons tous droit à nos opinions, et que nous avons tous le droit de les exprimer librement.
Madame Holm, je reviens à une affirmation que vous avez faite à propos de l'irrigation. Je crois qu'elle pourrait s'appliquer à d'autres aspects de la question si nous définissions les différentes utilisations de l'eau au Canada—qu'il s'agisse d'agrandir les terres irriguées, d'exploiter le courant des rivières pour produire de l'électricité, ou encore de produire des aliments. Vous avez laissé entendre que si nous faisions cela, nos partenaires commerciaux seraient en droit d'exiger les mêmes avantages.
Encore une fois, la portée du projet de loi fait problème parce qu'il s'agit d'eaux limitrophes. Dans les eaux limitrophes, si nous avions, avec les Américains, une entente leur permettant de prélever des quantités plus importantes d'eau pour l'irrigation, le mécanisme serait déjà en place. Comment vos propos s'appliquent-ils donc à la situation, si nous élargissons nos terres irriguées au Canada et que nos partenaires commerciaux—étant donné que ce sont les Américains—auraient le droit d'exiger eux aussi un élargissement des terres irriguées?
Mme Wendy Holm: Je crois que cela peut s'appliquer aussi bien aux Grands Lacs qu'ailleurs dans le contexte canadien, et je suis d'accord avec vous. C'est pourquoi j'ai mis des heures à établir les liens entre les deux. Étant donné que le projet de loi prétend régler le problème dans tout le pays, nous devons nous pencher sur les régions qui restent vulnérables.
Cela dit, la Loi du Traité des eaux limitrophes internationales de la CMI prévoit l'utilisation de l'eau à des fins productives, comme la production d'électricité, l'agriculture, les usages domestiques et sanitaires, et la navigation. Selon les explications canadiennes, le projet de loi prévoit expressément des exceptions permettant le transfert à l'extérieur d'un bassin hydrographique à des fins agricoles.
En ce qui concerne le changement climatique et les Grands Lacs, je suis sûr que les huit gouverneurs ont la situation bien en main. En partie, ce qui justifie un certain optimisme à propos des Grands Lacs, c'est la participation américaine aux efforts visant à assurer l'avenir de ce bassin, de même que tous les autres accords qui sont en place. Mais en même temps, le projet de loi prévoit expressément des exceptions pour l'agriculture. C'est pourquoi je suis inquiète, même dans le cas des Grands Lacs, mais en particulier pour le reste du contexte canadien.
M. Rick Casson: Merci.
Le président: Merci, monsieur Casson.
Madame Marleau.
L'hon. Diane Marleau (Sudbury, Lib.): Permettez-moi de dire en mon nom et au nom de beaucoup de Canadiens j'en suis sûre, que nous partageons vos inquiétudes. L'avenir de l'eau au Canada nous préoccupe au plus haut point. Je ne crois pas que ce projet de loi vise délibérément à induire qui que ce soit en erreur, mais il faut reconnaître que sa portée est très restreinte. Même à titre de membre de ce comité, j'ai été déçue par sa portée. Franchement, le projet de loi change bien peu de choses à la situation.
C'est pourquoi je vous demande si vous croyez qu'il y a un libellé précis dans le projet de loi qui devrait être modifié? Il ne comporte que quelques articles, et nous allons l'étudier article par article. Vous avez raison de dire que le projet de loi ne vise que les eaux limitrophes qui font déjà l'objet d'autres dispositions. Et je ne suis pas certaine qu'il modifie ce qui est déjà en place. Certains soutiennent que cela entraîne des changements.
• 1045
Mais il y a un autre enjeu qui mérite d'être examiné, et j'ai
une autre question à vous poser à ce sujet. Il a été proposé de
former un comité pour étudier la question des ressources en eau. À
l'heure actuelle, nous attendons l'accord des autres partis. Cela
n'a rien à voir avec notre comité. Je crois fermement que les
problèmes que vous soulevez méritent qu'on s'y attarde, et j'ai bon
espoir que nous pourrons mettre sur pied, à l'automne, un comité de
la Chambre qui étudiera à fond toutes ces questions, parce que nous
partageons votre inquiétude. Ni le gouvernement, ni l'opposition ne
prennent la situation à la légère. Lorsque vous avez affirmé que le
projet de loi était trompeur à dessein, vous nous avez vexés. Mais
je crois qu'il n'y a aucune disposition conçue délibérément pour
induire en erreur. Cela dit, vous avez raison: le projet de loi est
très faible.
Si nous avons péché en quelque part, c'est peut-être en voulant collaborer de trop près avec les provinces. Mais je crois qu'il est nécessaire de faire preuve de volonté à cet égard, du moins au début. En étudiant ces questions, nous reconnaîtrons peut- être la nécessité pour le gouvernement fédéral de mettre en place une administration globale des ressources en eau, qui serait dotée de pouvoirs beaucoup plus larges que ceux prévus par ce projet de loi.
Je partage bon nombre de vos inquiétudes, de même que le ministre et le premier ministre—du côté du gouvernement, nous sommes bien conscients de ces problèmes, et ils ne nous laissent pas indifférents. Nous devrions étudier le plus rapidement possible la possibilité d'une gestion globale de nos ressources en eau.
Mme Wendy Holm: Je me suis sentie quelque peu coincée lorsque j'ai fait cette affirmation, et je le déplore. Toutefois, je m'en tiens à ce que j'ai dit. Cela ne faisait pas partie de mon mémoire, mais il y a eu tout un battage autour du projet de loi, qui a été présenté comme une garantie de protection des eaux canadiennes, mais je trouve cela trompeur. Il s'agit d'un dilemme dont le Canada lui-même est responsable parce que nous refusons de faire les choix clairs mais difficiles qui s'imposent. Tout le monde applaudirait le gouvernement s'il s'appliquait à résoudre le problème de l'inclusion de l'eau dans l'ALENA et dans l'accord de libre- échange.
Il est très difficile de faire des tours de passe-passe avec les dispositions de ce projet de loi. Il contient toutes sortes d'échappatoires.
L'hon. Diane Marleau: Elles existent déjà.
Mme Wendy Holm: Je sais. La création d'un régime de licences national soulève le spectre de... L'AMI signifie que ce qui se produira dans une province s'appliquera à toutes. L'AMI bien entendu n'a pas été adopté. L'ALENA dit que c'est provincial. Si une province procède à des exportations, il y a des droits qui interviennent en vertu du chapitre XI et qui sont restreints à cette province, qui ne s'étendent pas à l'échelle du Canada. Le projet de loi grâce au régime de licences donne la possibilité que ce qui se produira dans une province pourra être étendu aux autres. Cela m'inquiète vivement. Ainsi, la pression est plus grande pour la Colombie-Britannique et d'autres provinces qui ont de l'eau à exporter. Je suis désolée car je ne sais pas ce que l'on peut faire.
L'hon. Diane Marleau: Mais les défis existent, que ce projet de loi soit adopté ou non.
Mme Wendy Holm: Tout à fait.
L'hon. Diane Marleau: Ce projet de loi ne vise pas à régler ce problème car ce n'est pas son but.
Mme Wendy Holm: Mais son libellé le dit, et pour moi cela est très important...
L'hon. Diane Marleau: Je pense que c'est une bonne chose même si personnellement j'estime que l'on n'accomplit pas grand-chose. Je pense que cela nous a permis d'entendre des gens comme vous. Cela vous a donné une tribune pour exprimer vos inquiétudes même si elles ne sont pas dans la portée de ce projet de loi. Je pense que plus on aura l'occasion de discuter de ces questions, mieux cela vaudra. J'espère que nous pourrons continuer de collaborer parce que je pense que l'eau sera une de nos ressources naturelles de prix au cours du siècle qui vient et, dans notre pays, nous devrions nous serrer les coudes pour gérer cette question.
Mme Christine Elwell: Merci de vos propos.
Permettez-moi d'ajouter que les recommandations précises que nous avons faites prévoyaient un rôle pour le ministre de l'Environnement et demandaient que l'exception soit soumise à une évaluation environnementale. On pourrait avoir des articles sur les licences qui préciseraient que l'usage ordinaire est strictement à des fins domestiques; ou bien, les exceptions prévues dans les règlements pourraient faire l'objet d'une réserve, à savoir une utilisation durable. On pourrait ainsi utiliser un libellé qui étofferait la nature environnementale de ce projet de loi, ce qui serait fort utile advenant un problème commercial.
L'hon. Diane Marleau: Nous pourrions nous pencher là-dessus. Nous allons procéder à l'étude article par article et à ce moment-là nous pourrons examiner vos suggestions.
Mme Christine Elwell: Invitez-nous de nouveau.
L'hon. Diane Marleau: Ce sera dans deux semaines.
Le président: Madame Elwell, qui est une avocate très énergique, pourrait peut-être préparer une recommandation précise d'amendement. Vous pourriez le préparer et le transmettre à un membre du comité, sous forme de proposition d'amendement. Si vous vous contentez de faire la suggestion et vous vous attendez à ce que nous l'ayons présent à l'esprit, sans être sous forme concrète—c'est voué à l'échec. S'il y a un amendement précis que vous souhaitez, vous pourrez en parler à un membre du comité afin de voir s'il ou si elle veut bien le parrainer.
Mme Christine Elwell: Pat, peut-être.
M. Pat O'Brien: J'ai essayé de faire dire à nos témoins de quelle façon le projet de loi visait à induire délibérément en erreur. Je ne veux plus m'en mêler. Je n'ai pas obtenu de réponse aujourd'hui. J'en obtiendrai peut-être une par écrit.
Le président: Très bien, merci.
M. Pat O'Brien: Je suis impatient d'entendre parler de vous.
[Français]
Le président: Monsieur le secrétaire parlementaire, with his clothes on, I note.
M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Dans un premier temps, permettez-moi de souhaiter la bienvenue aux témoins, plus particulièrement à Wendy Holm qui, comme beaucoup d'autres témoins que nous recevons à ce comité—et c'est important de le souligner—, s'est déplacée d'un bout à l'autre du pays. Qu'on soit d'accord ou non sur les présentations qui nous sont faites, ces gens prennent leur temps pour venir nous expliquer leur point de vue. Je rends hommage à tous ces témoins qui viennent de partout au pays pour faire des présentations devant nos comités de la Chambre, monsieur le président.
À cet effet, je reviens plus précisément sur le projet de loi qui est devant nous. Quant à moi, c'est un projet de loi important. Il ne répond pas à toutes les questions et il n'a pas la prétention de répondre à toutes les questions. On entend, dans l'actualité, beaucoup de commentaires sur la qualité de l'eau, que ce soit dans le dossier de Walkerton ou celui de de North Battleford. On entend aussi toutes sortes de commentaires sur la protection des eaux.
L'été dernier, avec un groupe de députés, nous nous sommes rendus dans la vallée de l'Okanagan, en Colombie-Britannique. On recevait les maires de toute la région, qui nous disaient trouver important que les gouvernements protègent nos ressources naturelles et environnementales que sont les eaux. On disait qu'on allait avancer avec le projet de loi C-6, mais que ce qui était important aussi, c'était que le gouvernement de l'Alberta puisse produire des résultats concrets pour que les gens de la Colombie-Britannique puissent conserver leur eau aussi. On voit que c'est une préoccupation constante, une préoccupation importante de l'ensemble des Canadiens d'un bout à l'autre du pays.
Quant au projet de loi C-6, j'aimerais revenir sur quelques points qui méritent peut-être une clarification. Le premier point, c'est le principe du projet de loi C-6 qui vise, bien sûr, dans son étendue, non pas à prétendre prendre la place des provinces, mais à prendre la place que la Constitution et les traités nous permettent de prendre sur l'échiquier canadien. La prétention, premièrement, c'est de dire, à un moment donné, que c'est une prohibition, une interdiction de prélever de façon massive des eaux de nos lacs et de nos bassins au Canada. Mais, encore une fois, il faut tenir compte du fait que ça va nous prendre un accord fédéral-provincial, que ça va nous prendre l'appui des provinces pour que chacun puisse le faire dans son domaine de compétence.
Je voudrais ouvrir une parenthèse pour mentionner que le système de licence qui y est prévu n'a rien à voir, mais rien à voir avec le prélèvement massif des eaux. Ce ne sont pas des licences pour en prélever un petit peu ou pour en prélever un peu moins et un peu plus. Ça n'a rien à voir. Les licences prévues aux articles 11 et 12 sont la façon de légaliser ce qui s'est passé depuis le début du traité.
Depuis le début du traité, les Canadiens et les Américains s'entendent pour dire que s'il y a un barrage d'un côté ou de l'autre, on doit obtenir le consentement d'un pays et de l'autre par le biais de la Commission mixte internationale.
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Peut-être l'utilisation de licences laisse-t-elle
croire autre chose, mais ce n'est pas du tout ça. Il
s'agit simplement de prévoir les cas où il y aurait des
barrages ou d'autres formes d'obstruction. Auparavant,
il y avait échange de correspondance; on donnait
l'autorisation ou on se disait d'accord par lettre.
Dorénavant, on le fera au moyen de licences au lieu de
lettres. Ça n'a rien à voir avec les prélèvements.
Ce que je vous dis est tellement vrai qu'au début de l'article 13, qui parle de la prohibition, on dit: «Despite section 11», «Malgré l'article 11». Donc, les articles 11 et 12 n'ont rien à voir avec ce qui s'appelle les prélèvements massifs. C'est le premier point que je voulais exposer, monsieur le président.
Le deuxième point, que j'ai couvert tout à l'heure rapidement, c'est que la coopération avec les provinces est essentielle. Partout on le dit: si on veut que ça fonctionne, il faut que tout le monde soit sur la même longueur d'onde. C'est important. On dit que oui, ça couvre les Grands Lacs, mais il faut penser que les Grands Lacs représentent entre 20 et 22 p. 100 du réservoir d'eau douce mondial. C'est vraiment quelque chose, monsieur le président, avoir de 20 à 22 p. 100 du réservoir d'eau douce du monde entier. Je pourrais demander à nos témoins de commenter cela ensuite, monsieur le président.
Le troisième point, et le dernier, que je voulais aborder est celui-ci. Bien sûr, c'est l'eau à son état naturel qui est visée, soit l'eau des bassins, celle qui n'est pas hors de son bassin, qui n'est pas une denrée ou une commodité. C'est pourquoi, d'ailleurs, on a besoin de l'appui des provinces. C'est parce que c'est une ressource environnementale.
On a besoin de tout le monde là-dedans; c'est un projet de loi qui appelle la coopération. Prenons l'exemple de Terre-Neuve. La province pourrait, à un moment donné, autoriser des prélèvements massifs dans un lac ou une autre étendue d'eau. Il serait plus avantageux que la province marche du même pas que nous et veuille empêcher ces prélèvements massifs d'eau. On va essayer de les convaincre de ne pas le faire. Mais elles pourraient décider, un jour, de permettre certains prélèvements.
Il faut comprendre que l'eau sortie de son bassin naturel peut devenir une commodité et un bien. Mais, quand elle est dans son bassin naturel, c'est une ressource environnementale qu'une province pourrait vouloir protéger en interdisant qu'on la tire de son bassin, comme elle peut le faire dans le cas de la coupe des arbres quand elle juge qu'on en a assez coupé. Les provinces sont les maîtres de la gestion de leurs ressources naturelles.
Personne ne peut obliger une province à couper un certain nombre d'arbres à moins qu'il y ait eu contrat. Cependant, cela relève du domaine contractuel, ce qui est une tout autre affaire. S'il y a un contrat qui lie les parties pendant cinq ou dix ans, c'est une autre affaire. Quant à la gestion des ressources naturelles, les provinces sont les maîtres.
C'est un projet de loi, monsieur le président, qui englobe tout, qui doit faire en sorte que tout le monde marche un peu du même pas, et il est important pour l'ensemble des Canadiens de partout au pays.
Peut-être aurais-je dû présenter ce commentaire sous forme de question, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Il nous reste environ deux minutes et j'aimerais bien faire une déclaration moi-même.
Mme Wendy Holm: Ceci est un exemple. Monsieur Paradis, vous avez dit que cela empêchait le captage d'eau des bassins hydrographiques canadiens. Il s'agit des eaux limitrophes, qui constituent un sous-ensemble extrêmement minime des bassins hydrographiques canadiens. Toute la moitié occidentale de notre pays n'est pas touchée par ce projet de loi. Il est très facile de dire qu'il empêche le captage d'eau des bassins, mais ce n'est pas le cas. Les eaux limitrophes ne sont qu'un petit sous-ensemble de ces bassins.
Pour ce qui est de vos commentaires au sujet de l'article 13 qui est proposé, on voit aux articles 11, 12 et 13 que le paragraphe (1) de chacun de ces articles ne s'applique pas dans les cas d'exception prévue par règlement. Il existe donc des exemptions à l'attribution de licences aux articles 11, 12 et 13. Le paragraphe 13(4) du projet de loi se lit comme suit:
-
Il ne s'applique pas dans les cas d'exception prévue par règlement.
Il reste seulement à les adopter.
La question ne relève pas de ce comité, mais si le projet du lac Gisborne se concrétise, il sera presque impossible pour la province de l'empêcher, si l'acheteur et le vendeur veulent poursuivre. Nous n'avons pas le temps d'en discuter aujourd'hui. Il me ferait plaisir de vous faire parvenir une explication en long et en large.
Pauvre Terre-Neuve, pauvre Colombie-Britannique, habilitées à agir dans les intérêts de leurs populations, elles s'en voient empêcher par le gouvernement fédéral qui a signé l'ALENA et l'Accord de libre-échange sans demander une exemption pour l'eau; voilà le problème. Même la Commission mixte internationale le reconnaît.
Le président: Très bien.
M. Denis Paradis: Monsieur le président, avec votre permission, je ferai un court commentaire pour dire que les règlements sont déjà devant nous. Je voulais seulement le mentionner aux membres du comité. Ce n'est pas toujours que le gouvernement prend la peine de déposer les règlements lors de l'étude d'un projet de loi. À l'heure actuelle, les règlements sont déjà devant les membres du comité et je voulais le mentionner.
Le président: Oui, absolument. Les règlements sont là.
[Traduction]
Nous allons maintenant lever la séance, parce que nous devons partir. Cependant, il y a deux choses que je voulais dire aux témoins.
J'abonde dans le même sens que Mme Marleau. Tout le monde s'inquiète du problème. Je n'irais pas jusqu'à dire que le projet de loi n'accomplit pas grand-chose. Je crois que le projet de loi établit un principe important, mais je dirais que sa portée est très limitée. Il est évident que nous sommes heureux de constater qu'il porte sur les eaux limitrophes. Il n'a rien à voir avec la côte ouest, ni avec les eaux intérieures de la province, ou de ces questions-là. Comme Mme Holm a dit, et je crois qu'elle a raison, cela fait partie d'une stratégie à trois volets. Mais nous voulons nous assurer que cette partie de la stratégie soit acceptable et exacte, et nous nous occuperons des autres éléments plus tard, il faut nous pencher sur tous ces aspects.
Vous avez soulevé deux points qui me préoccupent. D'autres témoins, ainsi que vous deux, avez soulevé la question de l'ALENA, en particulier mais non exclusivement du chapitre XI. Dans le rapport qu'ils ont préparé pour nous, nos propres attachés de recherche de la Bibliothèque du Parlement nous signalent une déclaration faite par les gouvernements du Canada, du Mexique et des États-Unis, déclaration que nous avons citée. Madame Elwell, vous semblez la rejeter du revers de la main en disant, eh bien, même le représentant américain au Commerce a dit... Un spécialiste en droit international dirait peut-être, eh bien, ça peut être utile, parce qu'il vient confirmer ce qui se trouve déjà dans le traité. Il y a deux façons de l'interpréter. Je vais demander à nos experts juridiques d'évaluer l'importance de cette déclaration, en vertu de la Convention de Vienne et du droit des traités, afin de voir dans quelle mesure nous pouvons l'utiliser pour déterminer si l'ALENA s'applique à l'eau dans son bassin naturel. Il y a peut- être d'autres problèmes qui existent, mais nous pouvons au moins tenter de régler celui-là.
Je crois que je vais aussi demander à nos conseillers juridiques d'examiner la prétention exprimée par Mme Holm; c'est la première fois que je l'entends exprimée ainsi. Il n'est pas nécessaire d'avoir une licence afin d'exploiter de l'eau à des fins d'irrigation ou d'électricité, puisque si je comprends bien, c'est interne. Vous semblez dire—et je ne cite que vos exemples les plus extrêmes, qu'on ne tiendrait pas compte du grand canal qui pourrait se prolonger jusque dans l'État de l'Arizona pour régler le problème qu'ils ont avec la nappe aquifère—puisqu'il s'agit d'un problème entourant l'irrigation. Si c'est bien ce que vous dites, j'aimerais en savoir plus long, parce que c'est toute une affaire.
Est-ce que c'est bien ce que vous nous disiez, c'est-à-dire, si les États-Unis nous demandaient la permission de prendre toute l'eau qui se trouve dans un de nos Grands Lacs ou de prélever de l'eau d'un Grand Lac à des fins d'irrigation ou de production d'électricité, et si un prélèvement en vrac était nécessaire pour le faire, que cette éventualité ne serait pas couverte par le projet de loi, ni par la Commission mixte internationale, ni par un traité, etc.? Si c'est bien ce que vous dites, je crois qu'il y a là un problème sérieux. Mais j'ai peut-être mal interprété ce que vous nous avez dit.
Mme Wendy Holm: Nous ne sommes peut-être pas d'accord, et vous aurez peut-être une autre opinion que la mienne sur la question, mais ce que j'ai dit est que le fait qu'ils n'ont pas de licences ne pose pas un problème, bien que je comprenne votre point de vue à ce sujet. Ce qui me préoccupe, c'est le fait qu'il y a certaines utilisations que nous avons reconnues—l'hydroélectricité, l'irrigation, les utilisations domestiques et sanitaires, le...
Mme Christine Elwell: Lest.
Mme Wendy Holm: ... le lest des navires, le transport. Voilà les priorités établies par les États-Unis et le Canada pour ce qui est de l'utilisation de l'eau, et ces trois utilisations sont des exceptions pour le prélèvement de l'eau des bassins. Je ne vois pas à quoi les licences peuvent changer grand-chose. Ce n'était pas le fait qu'il n'y avait pas de licence, mais plutôt qu'ils sont...
Le président: Nous allons demander des précisions sur cette question très importante. Vous ne serez peut-être pas d'accord, peu importe ce que dit le gouvernement, mais au moins nous serons tous sur une même longueur d'onde et cela nous aidera à mieux nous comprendre lors des débats futurs sur ces questions. Comme a dit Mme Marleau, cette question ne sera pas réglée de si tôt.
Mme Wendy Holm: Je n'ai pas dit que les eaux dans leurs bassins naturels n'étaient pas couvertes. Nous savons tous qu'il s'agit là d'une tautologie. Je ne suis pas en désaccord sur cette question-là.
Le président: Je comprends. Vous cherchez plutôt à établir la définition de l'eau dans son bassin naturel?
Mme Wendy Holm: Non. Le fait est que l'eau n'est pas une denrée lorsqu'elle est dans son bassin naturel. Nous pouvons la transformer pour en faire un bien, et à ce moment-là tous les éléments de l'accord peuvent s'appliquer, par exemple, la disponibilité, les barrages, la livraison ou l'acheminement dans un délai donné. Voilà ce qui en fait une denrée.
Le président: C'est ce que j'ai compris. Je crois qu'il y a d'autres fonctionnaires qui sont présents dans la salle, et nous allons leur demander des précisions sur la question.
Merci beaucoup.
Mme Christine Elwell: Monsieur le président, quand allons-nous voir les règlements qui doivent accompagner le projet de loi?
Le président: Je crois que nous les avons déjà versés au dossier public du comité. Vous êtes libres de les consulter...
Mme Christine Elwell: Pourrions-nous demander à la greffière de nous les fournir?
Le président: ... et nous nous ferons un plaisir de vous les donner.
Mme Christine Elwell: Parfait. Merci.
Le président: Il est dangereux de fournir des documents aux avocats compétents. Ça ne fait que générer encore du travail.
Collègues, notre prochaine séance aura lieu le mardi 29. La séance est levée.
N'oubliez que c'est le lundi 28 que nous recevons la délégation russe.