FAIT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE
COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 29 mars 2001
Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Chers collègues, nous avons le quorum et nous pouvons donc entendre les témoignages.
Avant de commencer, j'aimerais régler quelque chose. Vous vous souvenez que nous avons adopté au cours de notre avant dernière séance une lettre qui devait être envoyée... excusez-moi, Mac, mais c'est une lettre adressée à M. Zoellick. Elle devait être également envoyée à quelqu'un d'autre, était-ce au ministre?
M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Au ministre, oui.
[Français]
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): [Note de la rédaction: inaudible] ...de Pierre Paquette.
Le président: Non, c'est juste pour la lettre qu'on a approuvée l'autre jour.
Mme Francine Lalonde: Tant mieux.
Le président: C'est son truc. On va attendre deux minutes.
[Traduction]
En attendant, je vais souhaiter la bienvenue à M. Kirton, à M. Molestina, qui a fait un long voyage puisqu'il vient de l'Équateur—je vous remercie d'être venu, monsieur, j'apprécie beaucoup que...
M. Oswaldo Molestina Zavala, (vice-président, Conferencia parlementaria de las Américas (COPA); membre, Chambre nationale des députés de l'Équateur): Merci.
Le président: ...ainsi que M. Yussuff et M. Pierre Laliberté.
[Français]
Ils ne sont pas sur la liste, mais ils sont quand même les bienvenus. Même si vous n'êtes pas sur la liste, on est là pour entendre votre témoignage.
[Traduction]
Je vais demander à M. Kirton s'il veut bien commencer mais nous allons devoir l'interrompre lorsque M. Paquette va arriver, parce qu'il faut régler la question de la lettre.
C'est une question de procédure, monsieur Kirton, et je vous demande de bien vouloir nous excuser si nous vous interrompons un instant. Je vous invite donc à présenter quand même votre exposé.
Essayez de vous en tenir à dix minutes, ce qui nous permettra ensuite de vous poser des questions. Nous allons avoir deux tables rondes ce matin.
M. John Kirton (Faculté de sciences politiques, Université de Toronto): Merci beaucoup. Je suis très heureux que votre comité m'ait invité à nouveau vous parler d'une question qui, nous le savons tous, est d'une importance capitale pour les Canadiens. Je crois également que tous les Canadiens reconnaissent aujourd'hui que cette question est importante non seulement pour la politique étrangère du Canada mais aussi pour leur qualité de vie.
Les médias ont fait de l'excellent travail pour sensibiliser les Canadiens à certains aspects du sommet de la démocratie, je crois que l'on peut l'appeler ainsi, qui va avoir lieu prochainement. Dans les quelques minutes dont je dispose, j'aimerais revenir sur certains aspects fondamentaux et faire ressortir les avantages et les possibilités qu'offrent les événements de ce genre. Je vais, pour ce faire, m'inspirer des travaux que j'ai effectués depuis des années en tant que spécialiste de la politique étrangère du Canada mais également à titre de directeur d'un groupe de recherche de l'Université de Toronto sur le G-8 ainsi que sur les recherches que j'ai effectuées à divers titres dans le domaine du commerce et de l'environnement.
Vous vous souvenez peut-être qu'en février 1995, le premier ministre et le gouvernement canadien ont donné de la politique étrangère du Canada une version tout à fait inhabituelle qui soulignait le rôle de leader que le Canada pouvait jouer dans l'hémisphère et dans le monde et qui se terminait ainsi:
-
Le Canada est mieux placé que n'importe quel autre pays au monde
pour faire avancer ses intérêts en participant activement à des
regroupements internationaux clés, par exemple, en se faisant
l'hôte du sommet du G-7 cette année et du sommet de l'APEC en 1997.
• 0915
Il me paraît tout à fait approprié d'ajouter à cette liste le
sommet de la démocratie de 2001 qui va se tenir à Québec.
L'organisation de ces sommets, en particulier de sommets officiels multilatéraux, constitue un instrument particulièrement efficace pour mettre en oeuvre la politique étrangère du Canada. Le sommet qui va avoir lieu à Québec constitue pour le Canada une excellente occasion de faire connaître ses valeurs et ses intérêts essentiels et lui offre la possibilité de prendre des initiatives particulières visant à mettre en pratique les valeurs écologiques et sociales que les pays de notre hémisphère ont en commun.
Tout d'abord, pourquoi cet intérêt pour les sommets? Pourquoi le fait d'organiser ce genre de sommet permet-il d'exercer une telle influence? Permettez-moi de passer en revue rapidement les six principaux aspects.
Tout d'abord, les sommets attirent l'attention des dirigeants étrangers, de leur population, de leurs médias et de leur public. Ils représentent ainsi une occasion unique de faire connaître ce que le Canada et les autres pays américains sont et ce qu'ils veulent.
Deuxièmement, ils permettent d'avoir accès aux dirigeants étrangers. Ces contacts intenses au plus haut niveau pendant trois jours avec d'autres dirigeants constituent une occasion unique d'établir des liens personnels et de faire jouer l'influence des pairs, ce qu'il est impossible de faire au cours de rencontres bilatérales ou de réunions multilatérales très structurées.
Troisièmement, les sommets sont axés sur un ordre du jour; ils permettent d'aborder des sujets nouveaux qui sont formulés dans les communiqués—des documents qui constituent une composante essentielle de l'obligation de transparence et de responsabilité qui incombe aux participants.
Quatrièmement, les sommets permettent d'établir de nouvelles orientations, d'embrasser un grand nombre de questions et ils reflètent la capacité unique des chefs d'État d'aller au-delà de leurs domaines d'intérêts particuliers. Ce sont eux qui créent de nouveaux liens, qui fixent de nouvelles orientations, qui font des compromis et introduisent de nouvelles idées. Seuls les chefs d'État sont en mesure d'établir des liens entre la libéralisation du commerce et la valeur essentielle que représente la démocratie, de concilier le commerce et l'environnement, la remise des dettes et la démocratie. Lorsque les chefs d'État partagent un grand nombre des valeurs communes, ils peuvent dépasser leurs intérêts nationaux de façon à refléter ces objectifs communs. Il est bon de rappeler que, parmi toute la série de sommets auxquels participent le Canada, le G-8 et le Sommet des Amériques sont les deux seuls forums qui ont un ordre du jour très complet dont le thème commun est la démocratie.
Cinquièmement, les sommets débouchent sur des décisions, bien souvent des décisions opportunes, réfléchies, ambitieuses, qui fixent des cibles et des échéanciers concrets.
Enfin, ces sommets introduisent des changements. Les participants prennent des engagements, ce sont les décisions personnelles des chefs d'État et les membres de leur gouvernement peuvent difficilement les ignorer. En effet, les chefs d'État savent qu'ils seront prochainement appelés à se rencontrer de nouveau dans ces sommets officiels, et cela les poussent à tenir leurs engagements. Lorsque ces sommets bénéficient de l'appui d'organismes internationaux importants qui disposent de ressources pour mettre en oeuvre leurs décisions, ils peuvent introduire des changements profonds.
Que pourrait apporter ce sommet de la démocratie dans ces six domaines, compte tenu des progrès qui ont déjà été réalisés au cours de sa préparation?
Premièrement, nous savons que ce sommet va susciter un intérêt exceptionnel, compte tenu du moment choisi pour le tenir, du lieu choisi, de la télédiffusion de la séance d'ouverture, une initiative nouvelle, et du grand nombre de citoyens qui vont venir faire entendre leurs points de vue. La diversité et le dynamisme des groupes qui vont se faire entendre et la retenue dont feront preuve les forces de sécurité à leur égard montreront clairement aux habitants de l'hémisphère ce que veut dire vraiment la démocratie. C'est là quelque chose dont il faut se réjouir.
Deuxièmement, le sommet permet d'avoir accès à des chefs d'État importants à un moment critique, ce qui ne pourrait se faire autrement. Bien sûr, le nouveau président américain va venir au Canada, un pays que ne visitent pas toujours les présidents américains. Le sommet amène le nouveau président à s'engager envers les Amériques, et donc envers le monde, en s'appuyant sur des mécanismes auxquels lui et son administration peuvent facilement adhérer. Le sommet peut aider le Canada à mieux gérer son différend bilatéral au sujet du bois de construction avec les États-Unis et son différend régional au sujet des avions à réaction avec le Brésil.
• 0920
Troisièmement, le sommet s'est choisi un ordre du jour dans
lequel la démocratie est la valeur fondamentale et transcende tous
les autres sujets.
Quatrièmement, il établit plusieurs nouvelles orientations lorsqu'il déclare que la démocratie n'est pas négociable, que l'intervention collective est légitime si elle a pour but de préserver la démocratie, que la libéralisation des échanges doit respecter et favoriser la diversité culturelle, reprenant ainsi une clause liminaire dont nous avait privé l'échec de Seattle et que l'inclusion de la société civile dans ce processus de gouvernance mondiale est désormais incontournable.
Cinquièmement, le sommet va déboucher sur des décisions concrètes non seulement par l'adoption d'un plan d'action global mais en faisant savoir que dans le sillage de Seattle, la grande famille nord-sud si diverse veut le libre-échange, et qu'elle le veut rapidement, d'ici 2005 au plus tard.
Enfin, ce sommet va entraîner des changements réels, compte tenu en particulier des efforts déployés depuis le début par le Canada pour relier le sommet à l'Organisation des États américains ainsi que grâce à son travail auprès des banques de développement multilatérales pour veiller à ce que les ressources nécessaires soient fournies.
Au-delà de ces résultats positifs, que pourrait apporter de plus ce sommet de la démocratie, en tenant compte du fait que sa préparation s'achève et de la grande diversité des participants? Je sais que votre comité a entendu toute une série de suggestions intéressantes qu'il voudra reprendre à son tour. Mes suggestions vont constituer un ajout très modeste à cette liste.
Premièrement, on pourrait utiliser ce sommet pour faire passer quelques messages essentiels. Un de ces messages est que le Canada est prêt à aider tous les pays d'Amérique et qu'il a déjà fait preuve de solidarité, notamment en fournissant tout récemment 1,2 milliard de dollars au Mexique et 500 millions de dollars au Brésil, lorsque ces pays ont connu de graves difficultés financières. Il est bon de faire partie d'une telle famille.
Le deuxième message, et c'est un message important, est que l'environnement commercial qu'a aménagé l'ALENA, un régime tout nouveau, donne de bons résultats. Cela est bon pour le commerce, cela est bon pour l'environnement, pour les pauvres comme pour les riches ainsi que pour la société civile. En outre, l'expérience montre que les sanctions commerciales destinées à faire respecter les normes environnementales ne sont pas nécessaires pour que le commerce et l'environnement puissent aller de pair.
Deuxièmement, le sommet peut faciliter encore davantage l'accès aux chefs d'État pour les chefs d'État ainsi que pour les citoyens, si les participants s'engagent à se réunir plus fréquemment. À mesure que ce groupe va se développer, les chefs d'État pourraient même se rencontrer tous les deux ans, comme le Canada le fait avec ses amis du Commonwealth et de la Francophonie.
Troisièmement, le sommet pourrait modifier son ordre du jour en faisant passer au premier rang le quatrième élément du développement durable qui a été discuté à Miami en 1994, ville où tout a commencé.
Quatrièmement, il pourrait adopter des orientations nouvelles et plus nombreuses. Il pourrait ajouter l'ALENA au préambule de l'entente sur le libre-échange des Amériques pour dire que cet accord sera utilisé pour «renforcer le développement et l'application des lois et des règlements sur l'environnement». Le Canada peut promettre que les progrès réalisés à Québec dans la participation de la société civile et en direction de la démocratisation constitueront la base sur laquelle le Canada pourra s'appuyer pour organiser le sommet du G-8 l'année prochaine.
Cinquièmement, le sommet de la démocratie de Québec peut déboucher sur des décisions concrètes. Il peut déclencher un processus visant à mettre au point, collectivement, en tant que communauté, un cadre permettant d'évaluer de façon permanente les répercussions environnementales de la ZLEA. Les participants peuvent s'engager à signer la ZLEA avant la date butoir actuelle de 2005 et avant que n'apparaisse à l'horizon la perspective d'élections présidentielles qui risqueraient d'en retarder la conclusion.
• 0925
Enfin, ce sommet pourrait être l'occasion d'introduire des
changements concrets en prenant des mesures novatrices en matière
de création de capacités. En s'inspirant du modèle adopté par nos
partenaires du G-7, les participants pourraient inviter les 1 000
entreprises les plus importantes de l'hémisphère à alimenter un
nouveau fonds supplémentaire consacré au développement durable et
à la démocratie, un fonds où les gouvernements pourraient verser
des contributions équivalentes, en fonction de leur richesse.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Kirton. Merci pour votre exposé.
Avant de passer à nos témoins suivants, je vais revenir à notre petite cuisine interne, à la lettre destinée à M. Zoellick et au rapport que M. Harb souhaite, à titre de président du Comité du commerce, présenter à la Chambre à 10 heures. C'est la raison pour laquelle nous allons aborder cette question maintenant parce que s'il veut la présenter à la Chambre à 10 heures, il faut l'approuver maintenant. Nous avons le quorum et nous pouvons donc l'approuver.
[Français]
Monsieur Paquette, je crois que vous étiez d'accord sur les amendements qui ont été apportés au rapport.
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): On en a discuté hier après-midi et ça me convient tout à fait.
Le président: Donc, tout le monde du comité de M. Harb est d'accord. Tous les partis sont d'accord sur les termes de la lettre, non?
M. Pierre Paquette: Tous ceux qui étaient présents sont d'accord.
Le président: D'accord. On présume que les absents sont d'accord.
Une voix: On l'espère.
[Traduction]
Le président: Chers collègues, vous avez vu la lettre à la dernière réunion. Je crois savoir qu'on lui a apporté quelques changements mineurs. Pouvons-nous l'adopter sous la forme d'un rapport du comité?
Des voix: D'accord.
[Français]
Le président: Tout le monde est d'accord.
[Traduction]
Merci beaucoup. Merci, monsieur Harb.
Pouvons-nous également demander à M. Harb de la présenter à la Chambre au nom du comité?
Une voix: Oui.
Le président: Je demanderai à M. Harb de le faire.
Merci beaucoup, monsieur.
M. Mac Harb: Si vous voulez bien signer, monsieur, nous pourrons ensuite partir.
Le président: Souhaitons-nous avoir une réponse du gouvernement?
M. Mac Harb: Elle figure déjà dans le rapport. Étant donné l'aspect temps, je ne pense pas que cela soit nécessaire.
Le président: Vous avez inséré la réponse du gouvernement dans votre rapport. Voilà qui est brillant. Nous devrions certainement le faire plus souvent? C'est la faute à notre secrétaire parlementaire. S'il pouvait préparer la réponse avant que nous rédigions le rapport, cela nous aiderait énormément.
Merci beaucoup. Merci, chers collègues. J'espère que les témoins vont bien vouloir nous excuser. Nous avons au moins réglé cette question.
Nous allons maintenant passer à M. Yussuff qui représente le Congrès du travail du Canada. Merci, monsieur.
M. Hassan Yussuff (vice-président exécutif, Responsable du département de la santé, de la sécurité et de l'environnement et du département de la lutte contre le racisme et de la défense des droits de la personne, Conseil du travail du Canada): Je tiens à remercier le sous-comité de m'avoir donné l'occasion de vous présenter un exposé. Ce n'est pas la première fois que nous comparaissons devant ce comité pour parler de commerce mais nous sommes heureux de pouvoir une fois de plus reprendre certaines choses que nous avons déjà mentionnées.
Pour ce qui est de notre mémoire, nous avons préparé un genre de résumé, qui diffère légèrement de la version qui, je pense, a été distribuée à vos collègues. Je vais donc, sans plus tarder...
Le Congrès du travail du Canada représente près de 2,5 millions de travailleurs canadiens. Nous tenons à remercier encore une fois le comité de nous avoir donné l'occasion de présenter notre point de vue.
Le Congrès du travail du Canada tient à profiter de l'occasion pour réitérer ses craintes au sujet de la teneur du projet d'accord sur la zone de libre-échange des Amériques, la ZLEA, et de la procédure suivie pour le négocier. Pour ce qui est de la teneur de l'accord proposé, du moins de ce que nous en savons, nous sommes déçus par le fait qu'il vise uniquement à protéger les commerçants et les investisseurs et qu'il ne propose pas de stratégie claire et cohérente pour augmenter les revenus et accroître les emplois dans les pays des Amériques. Avant de poursuivre, j'aimerais dire quelques mots au sujet du processus.
Pour parler franchement, nous trouvons, comme bien d'autres intervenants au Canada, qu'il est de plus en plus difficile de considérer les consultations auxquelles procède le gouvernement autrement que comme des consultations de pure forme. Le gouvernement du Canada parle beaucoup de faire participer activement la société civile mais le fait est que la plupart des consultations semblent n'être qu'une mise en scène qui influence le discours sur les négociations mais n'a aucun effet sur leur teneur. Contrairement à ce qui se passe ailleurs dans le monde, il semble que les recommandations de la soi-disant société civile ne se retrouvent jamais dans la politique du Canada sur le commerce.
Compte tenu des enjeux très importants inhérents à tous les accords commerciaux multilatéraux ou régionaux et des craintes légitimes de nombreux intéressés qui risquent de se trouver encore une fois devant un fait accompli, le CTC demande au gouvernement du Canada non seulement de rendre public le texte du projet d'accord le plus tôt possible mais aussi de soumettre la version définitive à un débat et à l'approbation du Parlement.
Le CTC estime qu'il y a lieu de redire que la question n'est pas de savoir si le Canada doit ou non commercer avec les autres pays. Il est bien évident qu'il doit le faire. Nous désapprouvons toutefois son obstination à voir dans la libéralisation du commerce et l'investissement une solution qui va favoriser le développement économique et social.
• 0930
Pour ce qui est du commerce, les personnes chargées d'élaborer
les politiques du Canada confondent la fin et les moyens
lorsqu'elles présentent la libéralisation du commerce comme une fin
en soi et elles commettent de dangereuses fautes de logique.
Premièrement, elles affirment que la libéralisation du commerce
entraîne la croissance et que celle-ci débouche nécessairement sur
le développement et sur la prospérité générale. Cela n'est vrai que
dans les manuels d'économie. La réalité est plus complexe et les
circuits qui relient ces indicateurs sont beaucoup plus difficiles
à découvrir qu'elles ne le reconnaissent habituellement.
Malgré la croyance contraire très répandue, il n'y a tout simplement aucune preuve empirique qui démontre l'existence d'un lien direct entre la libéralisation générale et l'augmentation du taux de croissance, ni d'ailleurs avec la réduction de la pauvreté. Quant aux rapports entre la croissance et le développement social, il suffit de citer un rapport récent de l'Organisation panaméricaine de la santé qui conclut:
-
L'examen des constatations relatives à la santé, à l'inégalité de
la distribution des revenus, au chômage, aux salaires réels et aux
écarts salariaux révèle que la croissance économique de la région,
particulièrement en Amérique latine et dans les Antilles, n'a pas
contribué à l'amélioration du grave sous-développement qui
persiste.
En fait, si l'histoire récente nous a appris une chose, c'est bien que les pays qui ont réussi sur le plan économique y sont parvenus en manquant aux préceptes mêmes qui sont aujourd'hui mis de l'avant ou imposés dans le monde entier, à savoir, l'adoption des stratégiques gouvernementales visant directement à favoriser les industries nationales, y compris les tarifs douaniers, certaines restrictions imposées aux flux des capitaux, sans oublier un sain mépris des règles protégeant les brevets. Les avantages comparatifs ont tendance à s'accentuer lorsqu'ils découlent de produits à valeur ajoutée relativement élevée plutôt que du recours à des ateliers de misère. Cela est vrai pour le Canada, mais ce l'est encore plus pour les pays en développement que l'on s'empresse tant de convertir.
Il y a près de deux ans, nous avons exprimé au sous-comité nos craintes au sujet des principes discutables sur lesquels reposait la politique commerciale du Canada, des effets négatifs qu'elle risquait d'avoir sur le travail, sur la souveraineté et sur l'environnement ainsi que des problèmes que posait le processus adopté pour les négociations commerciales, en général. Malheureusement, nous n'avons guère trouvé à nous réjouir depuis. L'évolution de l'économie corrobore la plupart de nos craintes, et en dépit de beaux discours, les groupes représentant la société civile n'ont pas obtenu un accès aux négociateurs qui soit comparable à celui qui est offert à la communauté des affaires.
En fait, loin de tenir compte de nos craintes, le gouvernement du Canada a poursuivi la libéralisation du commerce telle que commanditée par les entreprises. Le sous-comité lui-même semble avoir adopté dans son rapport sur la ZLEA les formules magiques que psalmodie le monde des affaires.
Étant donné que le sous-comité est habituellement le seul intermédiaire entre nos chefs élus et la population dans ce domaine, cela est bien sûr très décevant. Cela explique peut-être pourquoi un bon nombre de personnes concernées descendront dans la rue en avril. Dans une démocratie saine, les gens ne devraient pas être obligés de descendre dans la rue. Néanmoins, lorsque la population ne se reconnaît pas dans les politiques du gouvernement qui sont essentielles pour elle, c'est bien souvent son seul recours.
Quoi qu'il en soit, le gouvernement du Canada continue de promouvoir un modèle de croissance et de développement qui est très discutable. Nous avons déjà indiqué antérieurement, dans nos mémoires, nos réserves à ce sujet. Il est toutefois bon de les répéter puisqu'elles ne se reflètent guère dans les recommandations qu'a présentées le sous-comité sur les priorités apparentes du gouvernement.
La ZLEA, les droits et les conditions du travail. Lorsqu'il s'agit...
Le président: Excusez-moi, monsieur Yussuff. J'aimerais demander une précision pour les membres du comité, lorsque vous parlez du sous-comité, vous parlez du rapport sur la ZLEA qu'a récemment préparé le sous-comité de notre comité?
M. Hassan Yussuff: Oui.
Le président: Merci. Excusez-moi.
M. Hassan Yussuff: La ZLEA, les droits et les conditions du travail. Qu'il s'agisse de l'ALENA, de l'OMC ou de la ZLEA, nous avons souvent dit que vouloir mettre dans un même espace économique des pays qui ont atteint des niveaux de développement très variés risquait fort de créer des pressions excessives sur les salaires et sur les conditions de travail aux deux extrémités de l'équation.
Les suites de l'ALE et de L'ALENA semblent confirmer cette affirmation. Après plus de dix ans de libre-échange et en dépit du renforcement de nos relations commerciales avec nos voisins, en particulier avec les États-Unis, la valeur réelle des salaires a stagné et ceux-ci sont loin d'avoir augmenté au même rythme que la productivité. Ce phénomène est encore plus accentué au Mexique où les salaires manufacturiers réels ont diminué de 18 p. 100 depuis l'entrée en vigueur de l'ALENA, alors que la productivité a augmenté de plus de 36 p. 100.
Cela n'a rien d'étonnant: les accords en question étaient précisément destinés à donner aux entreprises la plus grande latitude possible pour réaliser des profits, et c'est ce qu'elles ont fait. Au Mexique, ces entreprises ont pu profiter du fait que les lois ouvrières étaient rarement respectées. Au Canada et aux États-Unis, l'augmentation de la valeur réelle des salaires a été freinée par la menace, réelle ou imaginaire, de fermetures ou de déménagements.
Pour le CTC, comme pour nos homologues ailleurs dans le monde, l'intégration économique ne peut réussir si l'on respecte les normes minimales en matière de conditions de travail et d'environnement.
• 0935
Dans un monde où le capital peut se déplacer librement et où
de grands secteurs de la population mondiale demeurent sous
employés et sous payés, il est facile de constater que l'écart qui
se creuse entre la productivité et la rémunération ne peut que
s'accentuer si l'on ne donne pas aux travailleurs des pays en
développement les moyens de négocier leur juste part des avantages
du libre-échange. Nous croyons qu'il s'agit là non seulement d'une
question de solidarité mais que c'est également dans notre intérêt
à tous. Le Canadien moyen ne pourra profiter des avantages du
libre-échange que lorsque le niveau de vie des Mexicains sera
suffisamment élevé pour qu'ils puissent acheter nos biens et nos
services, et cela, le plus rapidement possible.
Outre ce que nous avons appris avec l'ALENA et les ententes auxiliaires dans le domaine du travail, l'accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail, l'ANACT, nous a convaincu que, lorsque les violations des droits fondamentaux dans le domaine du travail, tout comme les autres atteintes portées à l'ALENA, ne sont pas sanctionnées, ces dispositions n'ont aucun effet sensible sur le comportement des agents économiques. Comme les membres du comité le savent sans doute, 22 accusations ont été portées en vertu de l'ANACT depuis 1994. De ce chiffre, 10 seulement ont fait l'objet d'une enquête. Aucune de ces violations n'a été soumise à l'arbitrage d'un groupe d'experts et, surtout, aucune n'a entraîné un résultat ressemblant même vaguement à une amélioration de la situation des travailleurs.
Nous recommandons par conséquent que l'on intègre à l'accord sur la ZLEA des dispositions exigeant que les parties mettent en application non seulement leur propre législation, comme le prévoit l'ALENA, mais également les normes fondamentales du travail établies par l'Organisation internationale du travail. Puisque la plupart des pays de l'hémisphère se sont déjà engagés à respecter ces normes, cela ne représenterait pas une exigence nouvelle imposée de l'extérieur. Nous recommandons également que toutes les normes fondamentales en matière de travail puissent être appliquées à l'aide des mêmes mécanismes de résolution des différends et déboucher sur les mêmes recours que les autres violations de ces ententes.
Dernièrement, le gouvernement du Canada a parlé d'incorporer à l'accord sur la ZLEA une clause sur la démocratie. Le CTC ne saurait s'opposer en principe à l'ajout de telles normes minimales à l'accord mais il serait bon qu'elles soient adoptées également par d'autres organismes comme l'OMC; cependant, nous tenons à indiquer clairement que nous ne considérons pas qu'une telle clause puisse remplacer utilement des clauses incorporant les normes fondamentales du travail. Comme nous l'avons vu au Mexique, même un pays officiellement démocratique peut négliger d'appliquer les lois ouvrières fondamentales. Les honorables membres du sous-comité seraient peut-être étonnés d'apprendre que cela est encore vrai sous le régime de Vincente Fox, comme cela était lorsque le PRI était au pouvoir.
J'en viens maintenant aux mesures d'aide à l'adaptation. Depuis que le Canada a signé l'ALE, des milliers de Canadiens ont perdu leur emploi en raison de la restructuration de la base industrielle de leur pays. Pour bon nombre d'entre eux, et en particulier pour les plus âgés, cela s'est traduit par de longues périodes de chômage et la plupart des gens touchés par cette opération ont dû puiser dans leurs économies pour survivre. S'il est vrai que le libre-échange fait plus de gagnants que de perdants, nous croyons qu'il serait équitable que les gagnants dédommagent partiellement les perdants. C'est pour cela que nous tenons à demander à nouveau que l'on adopte des mesures d'aide pour les travailleurs qui subissent les effets négatifs de ces changements.
En matière de sécurité du revenu, nous proposons deux initiatives concrètes et faciles à mettre en oeuvre qui relèvent tout à fait de la compétence du gouvernement fédéral. Premièrement, le gouvernement doit cesser de punir les chômeurs qui reçoivent des indemnités de départ à la suite d'un licenciement. Deuxièmement, il faut intégrer cette mesure au régime de l'assurance-emploi.
Dans le cas des principes directeurs pour une approche équilibrée aux échanges commerciaux, nous avons formulé des commentaires particuliers concernant le traitement de l'investissement dont je ne parlerai pas ici. Vous souhaiterez peut-être en prendre connaissance pour alimenter vos débats. Mais avant de terminer notre exposé, nous aimerions vous présenter des principes que nous aimerions voir adopter pour en arriver à une ligne de conduite commerciale équilibrée.
Nous croyons que la libéralisation des échanges ne peut être avantageuse que si elle s'effectue dans le cadre d'un programme plus vaste qui vise la croissance et le développement durable. Un tel programme doit comprendre des mesures qui assurent un cadre prévisible pour le commerce et les investissements en restreignant les flux de capitaux spéculatifs en vue de coordonner les politiques microéconomiques à l'échelle internationale, des mesures qui dynamisent les économies du Sud et qui renforcent la lutte contre la pauvreté, comme l'allégement de la dette et l'augmentation de l'aide au développement; enfin, et surtout, des mesures qui donnent aux représentants de la société civile dans le monde entier le pouvoir d'exiger que les gouvernements de leur pays honorent leurs engagements à l'égard des droits démocratiques et de la personne, en particulier quand il s'agit de la condition féminine. Ce sont là des conditions essentielles si l'on veut que tout le monde y gagne.
Une bonne partie de ce programme déborde le cadre actuel d'un accord commercial mais nous croyons qu'il doit néanmoins se refléter dans les grands principes sur lesquels reposent les politiques commerciales du Canada. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Pour ce qui est de la libéralisation du commerce, nous proposons les principes suivants qui pourraient orienter les négociations commerciales actuelles et futures. Le libre-échange est un moyen et non une fin. La libéralisation comporte non seulement des avantages mais aussi des coûts. Les règles du commerce international doivent tenir compte de la diversité des normes et des institutions nationales, tout en fixant des normes minimales. Les pays non démocratiques et ceux où les droits fondamentaux des citoyens ne sont pas respectés ne devraient pas pouvoir obtenir les mêmes privilèges commerciaux que ceux qui respectent ces principes.
• 0940
Les accords commerciaux doivent refléter dans toute la mesure
du possible les accords internationaux en vigueur dans le domaine
des normes du travail et de l'environnement et en faciliter
l'application. Les accords commerciaux ne doivent pas imposer une
fausse symétrie à des pays qui ont des niveaux de développement
très différents et ils devraient tenir compte des besoins
particuliers des pays en développement.
Des mesures d'atténuation doivent être prises pour dédommager les travailleurs pour les pertes qu'ils subissent en raison de la restructuration qu'entraîne l'assouplissement des barrières commerciales. Lorsque le gouvernement canadien voudra vraiment concilier les besoins de la population et les intérêts des entreprises, il pourra compter sur notre soutien inconditionnel et public.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur.
Nous allons entendre maintenant M. Molestina, qui vient de l'Équateur. Nous vous remercions, monsieur, d'être venu de si loin pour nous parler de cette question, qui revêt une grande importance pour votre pays, comme pour le nôtre. Nous vous sommes reconnaissants de bien vouloir nous faire connaître votre point de vue.
En fait, monsieur Molestina, puisque vous venez de si loin, vous pourriez peut-être prendre la parole maintenant et répondre ensuite à nos questions mais je vous demanderais de rester pour la prochaine série de témoins, parce qu'ils auront peut-être d'autres questions à vous poser.
M. Oswaldo Molestina Zavala: Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs.
Je m'appelle Oswaldo Molestina Zavala. Je suis un député du Congrès national de l'Équateur et j'ai été président de la Commission des affaires étrangères du Congrès de l'Équateur. Je suis aujourd'hui le vice-président de la COPA pour la région andine.
Au nom du président de la Conférence parlementaire des Amériques, un membre de la Chambre des députés du Brésil, M. Geraldo Magela, qui vous demande de l'excuser de n'avoir pu se rendre ici aujourd'hui, je tiens à remercier le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international d'avoir invité la COPA à participer à cette séance particulièrement importante sur le Sommet des Amériques et la zone de libre-échange des Amériques. C'est un honneur pour moi de représenter la COPA ici à titre de vice-président pour la région andine et de député du Congrès national de l'Équateur.
Mon exposé comporte deux parties. Je vais d'abord vous parler de la COPA, de l'organisation, de ses services et de ses objectifs et ensuite, vous présenter la position de notre organisme au sujet de la création de la zone de libre-échange des Amériques et du Sommet des Amériques qui va se tenir tout prochainement.
La Conférence parlementaire des Amériques comprend une assemblée générale, un comité exécutif, un secrétariat général et cinq secrétariats régionaux. Elle comprend également le Réseau des femmes parlementaires des Amériques. L'assemblée générale est l'organe suprême de la conférence. Elle réunit, tous les 18 mois environ, des délégations provenant d'États unitaires, fédéraux ou fédérés, ainsi que de parlements régionaux et d'organismes interparlementaires des Amériques. Le comité exécutif est élu par l'assemblée générale. Il formule des recommandations qui sont présentées à l'assemblée générale et il est chargé de la mise en oeuvre de ces décisions. Le secrétariat général est chargé d'assister le comité exécutif et le président de la COPA à mener à bien leur mission. Il coordonne tous les événements et les réunions tenus par la COPA et travaille en étroite collaboration avec les secrétariats régionaux qui sont situés en Amérique centrale, dans la région andine, dans le cône sud et aux Antilles.
Le Réseau des femmes parlementaires regroupe toutes les femmes membres des assemblées et des organismes parlementaires de l'hémisphère. Les membres de ce réseau se réunissent au même moment que l'assemblée générale et font la promotion de l'équité entre les hommes et les femmes, ainsi que de la participation des femmes aux instances décisionnelles de nos sociétés.
Ces composantes de la conférence travaillent de concert pour offrir divers services à la communauté parlementaire des Amériques. Le site Web de la COPA fournit, outre des renseignements concernant l'organisation, des données et des statistiques utiles concernant les parlements des Amériques, ainsi que les calendriers électoraux et législatifs.
• 0945
Le COPA Bulletin est un bulletin électronique publié tous les
deux mois. Il traite des activités de la COPA ainsi que des
événements qui touchent les parlementaires des Amériques.
Le COPA Magazine est une revue semestrielle qui fait le point sur les travaux de la COPA et traite des questions se rapportant au processus d'intégration des Amériques.
Les réseaux de parlementaires en voie de création sont des forums de discussion sur Internet qui permettront aux parlementaires d'avoir un lieu permanent pour échanger leurs points de vue sur des questions se rapportant à l'intégration continentale, comme la zone de libre-échange des Amériques, la démocratie et l'environnement. Chaque réseau sera pourvu d'une base de données et offrira des outils législatifs et internationaux se rapportant à son domaine de spécialisation. Les premiers réseaux verront le jour prochainement.
Troisièmement, la création et l'histoire de la COPA. Pourquoi la COPA a-t-elle été créée? Au cours du sommet de Miami de 1994, les chefs d'État et de gouvernement ont exprimé l'intention de renforcer la démocratie représentative et participative. Ils ont clairement invité les parlementaires de notre continent à intensifier le dialogue entre les assemblées législatives.
En fait, la création d'une zone de libre-échange des Amériques va déclencher un processus qui aura des effets multiples qui concernent directement les parlements à titre d'institutions centrales des régimes démocratiques.
En 1997, compte tenu de l'absence d'un forum parlementaire intercontinental qui permettrait aux législateurs d'échanger leurs idées et de les présenter aux autorités exécutives, l'Assemblée nationale du Québec a décidé de réunir pour la première fois dans l'histoire de l'hémisphère les parlementaires des États unitaires, fédéraux et fédérés des Amériques. Le Parlement du Canada s'est associé à cette entreprise. Plus de 1 000 participants, dont 450 parlementaires venant de 28 pays des Amériques, ont répondu à l'invitation.
La conférence a adopté à l'unanimité une déclaration finale prévoyant la création d'un comité international chargé d'instaurer un dialogue parlementaire interaméricain sur une base permanente. Ce comité s'est réuni à trois reprises; à Puerto Rico en 1998, au Guatemala et au Québec en 1999.
La COPA a tenu sa deuxième assemblée générale à Puerto Rico en juillet 2000. Plus de 200 parlementaires venant de 20 pays ont adopté les principes directeurs de la COPA, ce qui a donné naissance au premier forum interparlementaire permanent des Amériques.
Quatrièmement, la COPA, le Sommet des Amériques et la zone de libre-échange des Amériques. Comme on peut le lire dans la déclaration finale de Puerto Rico, la COPA appuie les objectifs du Sommet des Amériques et la création de la zone de libre-échange des Amériques. La COPA ne s'oppose donc pas à ces projets mais elle entend principalement veiller à ce que a) les législateurs de tous les niveaux soient informés et qu'ils puissent faire entendre leurs voix; b) le processus de négociation de la ZLEA soit transparent; c) l'impact de la création de la ZLEA sur les populations soit correctement évalué pour que tous les citoyens puissent en profiter; et d) la zone de libre-échange respecte les ententes et les mécanismes d'intégration régionaux déjà en place.
Ces attentes découlent de certains principes démocratiques fondamentaux. Il incombe aux législateurs de défendre les intérêts des populations qu'ils représentent et d'essayer d'améliorer leurs conditions de vie. Le dialogue continu et direct établi avec les citoyens permet aux parlementaires de stimuler un débat public sur les questions touchant les effets du libre-échange dans l'hémisphère.
• 0950
Étant donné que l'accord attendu devra être ratifié par les
parlementaires des Amériques pour entrer en vigueur, il faudrait le
renforcer grâce à la participation des parlementaires de tous les
gouvernements de l'hémisphère, grâce à la transparence des débats
entourant la création d'une zone de libre-échange et par la
diffusion permanente des résultats des négociations en cours entre
les chefs d'État et de gouvernement des Amériques.
Il est clair que le caractère démocratique des processus d'intégration économique ne pourra être que renforcé s'il s'instaure un dialogue entre les organisations interparlementaires et les organisations intergouvernementales, comme cela se fait en Europe et au sein du système d'intégration andine appelé la Communauté des nations andines, ou CAN, et le MERCOSUR, par exemple.
Compte tenu de son autonomie par rapport au pouvoir exécutif et de son approche pluraliste, la COPA favorise la libre expression des préoccupations et des objectifs de la collectivité par l'intermédiaire de ses représentants de tous les partis politiques. Cela constitue un complément essentiel aux pouvoirs exécutifs des États, aux organisations unilatérales et aux bureaux responsables de l'application de cette entente.
C'est pourquoi la COPA souhaite établir un dialogue franc et ouvert avec les chefs d'État et de gouvernement des Amériques pour introduire le degré de transparence et d'inclusion qui devrait entourer ce débat. C'est aussi pourquoi les participants ont demandé à Puerto Rico que chaque assemblée parlementaire de l'hémisphère tienne des consultations publiques sur les impacts de la création d'une zone de libre-échange, comme votre comité est en train de le faire, et comme l'a fait l'Assemblée nationale du Québec et le Congrès national du Brésil, que les chefs d'État et de gouvernement informent officiellement toutes les assemblées parlementaires de l'hémisphère, au moins six mois avant le premier Sommet des Amériques prévu pour avril 2001, de l'état d'avancement des négociations sur la zone de libre-échange, ce qui n'a pas été fait, et que les représentants de la COPA soient autorisés à participer au Sommet des Amériques dans le but de présenter aux autorités exécutives des Amériques les intérêts et les aspirations des populations de l'hémisphère au sujet des effets du processus d'intégration. Une demande en ce sens a été transmise à l'hôte du troisième Sommet des Amériques mais aucune suite ne lui a encore été donnée.
Pour terminer, j'aimerais vous indiquer que le comité exécutif de la COPA va tenir une réunion spéciale à Québec du 17 au 19 avril, juste avant le troisième Sommet des Amériques. Ont été invités non seulement les membres du comité exécutif mais aussi tous les présidents des parlements nationaux. Les parlementaires qui vont y participer vont examiner le rôle qu'ils devaient jouer dans le processus de négociation de la zone de libre-échange et dans le renforcement de la démocratie. La déclaration finale sera adoptée et communiquée aux chefs d'État et de gouvernement des Amériques. Les parlementaires auront également la possibilité de participer à certaines activités du Sommet des peuples, qui va lui aussi présenter sa déclaration finale à la réunion de la COPA.
Il est extrêmement important pour la COPA que le Parlement du Canada participe à cet événement. Si l'on veut susciter un dialogue parlementaire interaméricain, il faudra créer une nouvelle synergie pour les leaders des différentes assemblées législatives, des parlements régionaux et des organismes interparlementaires des Amériques. Il est essentiel que les parlementaires collaborent étroitement et que leur action soit coordonnée. C'est dans ce sens que notre président, M. Magela, a écrit au président du Forum interparlementaire des Amériques, le FIPA, M. Bill Graham, pour lui exprimer l'espoir d'établir un dialogue entre la COPA et le FIPA. Les parlementaires des Amériques doivent travailler ensemble à la réalisation d'un but commun.
Nous aimerions également inviter spécialement M. Graham, président de la FIPA et de votre comité, à la réunion de notre comité exécutif en avril prochain.
Je vous remercie de votre attention.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Molestina, et encore une fois, je vous remercie d'être venu ici.
• 0955
Chers collègues, je tiens simplement à vous rappeler que nous
serons peut-être obligés d'aller voter si la sonnerie se déclenche.
D'après ce que nous a dit le whip, cela pourrait être le cas entre
10 et 11 heures du matin.
Je tiens également à rappeler à tous que cette séance-ci
prendra fin à 10 h 30. De 10 h
Je vais donc donner la parole à M. Lunn.
M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, AC): Merci, monsieur le
président. Je voudrais d'abord m'excuser...
Le président: D'où sortez-vous?
M. Gary Lunn: Je vous demande d'excuser mon retard mais
j'avais un conflit d'horaire ce matin. Pour être juste envers mes
collègues, je vais donner la parole à quelqu'un d'autre parce que
je n'ai pas assisté à la présentation des exposés.
Le président: C'est parfait. Je vous remercie. Je vais
demander à...
[Français]
J'irai directement à M. Paquette.
M. Pierre Paquette: D'abord, je vous remercie
pour vos présentations. Je pense que ça rejoint plusieurs
positions que le Bloc québécois défend et a défendues,
entre autres dans l'opinion minoritaire qu'il a livrée
dans le rapport du sous-comité.
Je commencerai par m'adresser à M. Molestina. Il a parlé
du respect des processus d'intégration en cours.
J'imagine qu'il avait en tête aussi bien MERCOSUR
que l'ALENA. Alors, j'aimerais qu'il développe
cette idée du respect et nous dise comment le
renforcement des
accords régionaux peut être compatible avec l'idée
d'une intégration continentale, comme la Zone de
libre-échange des Amériques le suggère.
Ensuite, vu qu'on n'aura peut-être pas beaucoup de
temps, j'aimerais qu'il nous parle de la déclaration de
la conférence de la COPA à Porto Rico,
dans laquelle on a
fait allusion au problème de la dette extérieure.
Il me semble que c'est un enjeu dont on ne discute pas
suffisamment au Canada et j'aimerais qu'il nous en
parle aussi.
[Traduction]
M. Oswaldo Molestina Zavala: Merci. Je vous demande de
m'excuser parce que mon anglais n'est pas très précis. Il va
m'arriver de demander à la personne qui m'accompagne ici de
traduire ce que j'essaie de dire.
Le président: Très bien.
M. Oswaldo Molestina Zavala: J'aimerais commencer par
mentionner qu'il existe déjà de nombreux processus d'intégration en
Amérique latine. L'un des principaux processus existants en
Amérique latine est en fait le Pacte andin, que l'on appelle à
l'heure actuelle la Comunidad Andina. Sur le plan politique, et
également juridique, c'est un processus très perfectionné. Il ne
s'agit pas seulement d'une zone de libre-échange mais ce pacte
prévoit des barrières protectionnistes contre les pays tiers. Cette
organisation existe depuis plus de trente ans.
Il y a un autre processus d'intégration, le MERCOSUR, et il y
a également le processus d'intégration des Antilles et celui de
l'Amérique centrale. Ils opèrent toutefois à des niveaux
différents.
J'aimerais vous rappeler que l'Amérique latine a commencé en
1960 une expérience de libre-échange qui s'appelait l'Association
de libre-échange de l'Amérique latine. Elle a terminé ses travaux
en 1980 et a été remplacée par un autre organisme appelé ALADI. Les
gens pensent souvent qu'il s'agissait d'un accord très régressif,
parce que pour eux une zone de libre-échange représente la seule
façon d'en arriver à un processus d'intégration plus étroit que
celui-ci, ce qui veut dire qu'il prévoit uniquement des traités
bilatéraux ou multilatéraux ou des préférences entre deux pays.
Mais pour l'Amérique latine, c'est un élément économique très
important comme la question qui a été posée au sujet de notre dette
internationale, qui étouffe nos économies, et comme les problèmes
sociaux que connaissent la plupart des pays d'Amérique latine.
C'est ce qui explique que nous trouvons important que les
processus d'intégration déjà en place soient respectés.
• 1000
Je ne peux imaginer une association de libre-échange avec les
États-Unis qui nous amènerait à supprimer nos barrières tarifaires
et mettre en place une zone de libre-échange en accordant des
préférences aux États-Unis. Nous dirions peut-être la même chose au
sujet du Canada, parce que c'est un pays développé. Nous sommes des
pays sous-développés.
En outre, si je parle du point de vue de l'Équateur, je dirais
que le développement de ce pays est à l'heure actuelle très
différent de ce qui se passe dans l'économie du Brésil ou du
Mexique. Il est très important que l'on tienne compte des
différences entre les pays sous-développés et qu'on tienne compte
de leur situation.
Je voudrais également vous dire que dans le Pacte andin,
l'Équateur et la Bolivie sont sous-développés par rapport au
Venezuela, à la Colombie et au Pérou. C'est ce qui différencie tous
ces pays. C'est la raison pour laquelle dans l'Acuerdo de
Cartagena, on a créé des préférences pour l'Équateur et la Bolivie
par rapport aux trois autres pays qui font partie de la Communauté
des nations andines.
Nous pensons donc qu'il est important d'aborder très
franchement ces sujets. Nous ne pensons pas que cette obligation
incombe uniquement aux gouvernements. Il est très important que les
gouvernements prennent l'initiative de communiquer avec les
assemblées législatives. Ce sont elles qui représentent le forum
démocratique de tous ces pays, et c'est aux assemblées qu'il faut
s'adresser, en particulier si l'on tient compte du fait que lorsque
les gouvernements auront achevé leurs discussions, ils vont envoyer
ces documents et ces traités aux assemblées législatives pour
qu'elles les ratifient. Nous ne pouvons même pas changer un mot à
ces documents. Nous sommes obligés de les adopter ou de les
rejeter. C'est l'idée de la démocratie que se font ces deux
puissances qui sont les grandes institutions démocratiques
mondiales.
La vérité est que, dans ce domaine, les parlements ne
possèdent pas suffisamment de pouvoir pour travailler en
collaboration avec les gouvernements. Nous pensons avoir quelque
chose à apporter. Nous sommes en mesure de tenir des débats très
ouverts. Nous pouvons être le principal forum dans lequel ces
débats peuvent s'organiser. Nous avons notre point de vue et les
gouvernements seront au moins obligés d'écouter les opinions que
nous entretenons au sujet des aspects importants qui touchent,
d'après nous, l'avenir de l'ensemble des Amériques. Si nous ne le
faisons pas, en particulier en Amérique latine, pour nos grands
problèmes comme la pauvreté, les narcotrafiquants, la dette
extérieure, nous ne pourrons pas trouver de solution. Les
différences qui vont apparaître entre les États-Unis, le Canada, le
Mexique ou le Brésil et les pays moins développés vont être si
importantes qu'il sera tout à fait impossible de résoudre ces
différends d'une façon pacifique. Voilà ce que je pense.
Je suis donc venu ici pour vous dire comment, en tant que
citoyens des pays d'Amérique latine, nous pensons qu'il faut
entamer ce débat et ces discussions pour essayer de convaincre les
gouvernements, en particulier grâce à des discussions et un débat
ouvert, que si nous n'arrivons pas à résoudre ces grands problèmes,
nous n'allons sans doute pas trouver le moyen de mettre en place la
zone de libre-échange des Amériques, ou n'importe quel système de
libre-échange.
• 1005
Le président: Merci beaucoup. C'est une réponse très complète.
Nous avons largement dépassé l'heure fixée mais je pourrais
peut-être poser une question. Nous pourrons ensuite refaire un tour
de table. Je ne vois pas beaucoup de mains levées.
J'aimerais poser à M. Yussuff une question qui est reliée à
une observation qu'a faite M. Molestina. M. Molestina affirme que
le parlement de son pays n'est pas suffisamment consulté. Vous
représentez le Congrès du travail du Canada et vous estimez
également que vous n'avez pas été suffisamment consulté. On entend
beaucoup parler du caractère ouvert des discussions—peut-on se
procurer le texte en question?—et nous débattons aussi de cette
question.
La difficulté que je... Notre comité a tenu des audiences au
sujet de la zone de libre-échange des Amériques. Nous avons tenu
des audiences au sujet de l'OMC au cours desquelles nous avons
abordé à nouveau les mêmes questions, et comme vous le savez, les
ministres procèdent également à des consultations au sujet de ce
processus.
Monsieur Laliberté, vous avez assisté à la réunion des
intéressés que j'ai coprésidée hier avec le Congrès du travail du
Canada. Il y a toutes sortes de consultations.
M. Yussuff affirme: «Ce sont simplement des consultations pour
la forme; ce ne sont pas de véritables discussions, mais c'est pour
l'image.» Lorsqu'il y a un aussi grand nombre d'intéressés, et
c'est le cas ici, notre comité essaie de les consulter de
différentes façons; il me semble qu'il y a une différence entre
dire «Nous n'avons jamais pu nous faire entendre, nous n'avons pas
été consultés» et dire «Un instant, on a fait un choix politique
mais ce n'est pas le choix que nous voulions.»
Je prétends que cela ne fait qu'introduire de la confusion
dans le débat lorsque vous dites «que personne ne vous a écouté».
Notre comité vous a écouté. Je vous ai écouté hier, et les
ministres ont assisté à cette réunion et vous ont écouté. On a
procédé à de très larges consultations.
Il y a la question de savoir s'il y a eu consultation et celle
de savoir si la décision finale qui a été prise à la suite de ces
consultations vous plaît ou ne vous plaît pas. Ce sont deux choses
tout à fait différentes... mais c'est la politique.
Nous avons eu une élection il n'y a pas longtemps et nous
avons consulté la population, les gens qui étaient contre le libre-
échange, si je peux m'exprimer ainsi, étaient principalement des
partisans du NPD, et celui-ci a obtenu 11 p. 100 des votes.
Il y a donc beaucoup... C'est la question.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Je n'ai jamais siégé à
un comité où le président pouvait abandonner son poste et exprimer
une opinion aussi biaisée.
Le président: Eh bien, non, je suis désolé...
M. Pat Martin: Je ne siège pas à ce comité aussi souvent que
les autres mais cela...
Le président: Je n'interviens pas très souvent mais j'essaie
simplement... Laissez-moi m'expliquer.
M. Pat Martin: ...cela revient pratiquement à nous chapitrer.
Vous devriez peut-être vous asseoir à cette table à titre d'invité
et nous présenter un exposé si c'est...
Le président: Très bien. Si les autres membres du comité
n'aiment pas...
M. Gary Lunn: Je vais prendre votre défense. Il me paraît tout
à fait raisonnable que le président intervienne lorsqu'il souhaite
poser une question.
Le président: Cette question intéresse tous les membres du
comité parce qu'on nous parle souvent de manque de consultation et
nous essayons de décider si le processus de consultation est
efficace et comment... Je vois que M. Laliberté hoche la tête.
Ce n'est pas une prise de position partisane. J'aimerais
simplement soumettre ce problème, si vous voulez, aux témoins.
Je vous demande de m'excuser si j'ai pris trop de temps mais
c'est un problème qui nous gêne et vous pourriez peut-être nous
aider à résoudre cette question.
M. Hassan Yussuff: Je n'ai pas du tout l'intention de dicter
la conduite du comité. Vous avez des règles et vous allez sans
doute régler cela entre vous.
Mais pour ce qui est de votre sortie au sujet des dernières
élections, je tiens à préciser que ces élections ne portaient pas
sur le libre-échange. Il n'y a pas eu de débat sur le libre-échange
et il serait donc injuste de soutenir que les votes qu'a obtenus le
NPD, quels qu'ils aient pu être, étaient ceux des adversaires du
libre-échange. Je voulais replacer cela dans son contexte.
Il est tout à fait vrai, monsieur Graham, que l'on a procédé
à de nombreuses consultations et j'ai assisté à toutes ces réunions
au cours desquelles les représentants du gouvernement, les
ministres et d'autres personnes ont demandé notre avis. La réalité
est que malgré toutes les objections et tous les problèmes que nous
avons soulevés, la façon dont les négociations commerciales sont
conduites et même les recommandations présentées par votre comité
parlementaire au ministre et à la Chambre ne reflètent aucunement
notre point de vue.
• 1010
Là encore, il semble que personne ne nous écoute. Je constate
que vous nous écoutez ici, ce matin, vous entendez les mots que
nous prononçons, mais vous n'écoutez pas au sens où il y aurait une
réflexion, ne serait-ce qu'au sujet de nos critiques.
Je crois que les problèmes sont toujours les mêmes. Je les
répartirais en trois catégories: toute la question des droits de la
personne et de leur place dans le contexte commercial; la question
générale des droits des travailleurs dans le contexte des échanges
commerciaux; la grande question de la protection de
l'environnement. Ces problèmes sont évoqués depuis un certain temps
déjà.
Nous avons pris connaissance du rapport du comité et nous
avons examiné l'initiative du gouvernement. C'est vrai, il y a eu
beaucoup de discussions, beaucoup de réunions. Certains jours, nous
nous demandons pourquoi nous prenons même la peine d'y participer,
car nous croyons que nous pourrions mieux utiliser notre temps
d'autres façons, en essayant d'influencer les Canadiens plutôt que
le comité. Nous reconnaissons que vous êtes les représentants du
peuple, mais dans une société démocratique vous devriez quand même
prêter l'oreille à ceux d'entre nous qui...
Je suis un représentant élu, je le signale en passant. Je ne
suis pas ici comme un simple citoyen qui serait venu par hasard. Je
représente 2,4 millions de personne et j'ai été élu par cette
organisation.
Alors dans le contexte de notre discussion avec vous, nous
espérons que vous réfléchirez un peu au type de questions que nous
soulevons. Sinon, les rapports entre nous et vous, les députés,
sont vraiment très superficiels.
Le président: Je vais certainement irriter à nouveau
M. Martin, mais je dois revenir au rapport que le comité a déposé
au sujet de l'OMC. Je ne sais pas si vous êtes venus témoigner à ce
sujet, mais si vous examinez le rapport vous constaterez que nous,
les membres du comité, nous y déclarons explicitement que nous
refuserons d'appuyer nos politiques de libre-échange si les règles
sur l'environnement, les normes du travail, les droits de la
personne et la diversité culturelle ne sont pas respectés. Cela se
trouve dans notre rapport, et d'après mes discussions avec M. White
et d'autres membres du Congrès du Travail du Canada je crois qu'ils
ont bien accueilli cette réflexion.
Vous ne trouverez peut-être pas notre position intégralement
dans la politique du gouvernement. J'essaie de mettre les choses au
clair, ici, mais je tente aussi de comprendre ce que nous pourrions
faire de plus, à titre de comité parlementaire. Je vous remercie de
votre réponse. Je comprends...
M. Hassan Yussuff: Pourquoi ne pas faire la même réflexion au
sujet des négociations de la ZLEA par opposition au...
Le président: Je vous comprends. Je vais y revenir. M. Martin
voulait faire un commentaire, je crois, puis la parole sera à
Mme Marleau.
[Français]
et ensuite Mme Lalonde.
[Traduction]
Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Merci, monsieur le président.
Je remercie les intervenants qui ont présenté les trois
exposés que j'ai entendus. Il y avait un thème commun. Compte tenu
de nos contraintes de temps, je vais m'en tenir à ce thème commun
qui se dégage des trois interventions. Il s'agit du fait que les
législateurs doivent être informés pendant les négociations et non
pas au moment de la ratification, après le fait, et qu'ils doivent
participer aux négociations. J'ai entendu cela clairement de la
part de M. Molestina Zavala.
Je vous demande, dans ce cas, votre opinion au sujet de la
situation dans notre pays, où de nombreux intervenants—et non pas
seulement les 11 p. 100 qui ont voté pour le NPD—mais de nombreux
Canadiens—demandent à voir le texte du document avant que quoi que
ce soit ne soit signé? Nous demandons à voir ce qui est vraiment
sur la table parce que nous avons, à juste titre, des réserves sur
ce qui pourrait être négocié en notre nom au cours de ces
négociations. Ne croyez-vous pas que peut-être pas le grand public
mais au moins les législateurs élus de notre pays devraient avoir
accès au texte même du document, qu'ils devraient savoir ce qui se
négocie en notre nom?
Je demande aux trois intervenants leur opinion à ce sujet,
peut-être en commençant par M. Molestina Zavala.
M. Oswaldo Molestina Zavala: En effet, je le crois. Les
députés et sénateurs doivent avoir le droit de prendre connaissance
de ces documents et de les utiliser de façon appropriée. Parce que
des éléments de discussion ne sont peut-être pas encore réglés, il
ne faut pas les utiliser, sous peine de créer certains problèmes au
sein de la population. Mais en tant que députés et représentants
élus par le peuple—en particulier dans certains cas, certaines
personnes sont élues, certains députés... Ils ont au moins besoin
de savoir ce qui se passe, sans nécessairement connaître tous les
détails de tous les documents. Il leur faut à tout le moins
connaître ce qui aura une incidence directe sur leur avenir.
• 1015
Je crois qu'au moins les membres du Congrès qui participent au
débat, en l'occurrence une commission internationale, doivent
savoir. Et si nous faisons partie d'une organisation
interparlementaire, par exemple la COPA ou la FIPA, et que nous
demandons à voir les documents de négociation, je crois que ceux
qui sont responsables de ces négociations doivent se sentir dans
l'obligation de nous remettre les documents. Sinon, au moment de
ratifier ces traités, nous n'en approuverons peut-être pas la
teneur parce que nous n'avons pas été suffisamment informés. Nous
aurons peut-être des objections concernant un, deux, trois ou
quatre points, mais il nous sera alors impossible de changer un
seul mot; nous devrons ratifier l'ensemble des négociations, et
cela, à mon avis, n'est peut-être pas bon pour nos pays.
Le président: Monsieur Kirton.
M. John Kirton: Je réponds à titre de vétéran du Comité
consultatif sur le commerce extérieur, où la question, vous vous en
doutez bien, a déjà été abordée. Je crois qu'à cette étape du
processus de la ZLEA, l'élément critique pour le comité correspond
au rapport très honnête produit par les négociateurs, les Claude
Carrière, les Marc Lortie et leurs homologues des autres
délégations et des autres pays, qui nous disent où en sont les
choses.
J'ai quelques raisons de parler ainsi. Tout d'abord, un
document, évidemment collectif et inévitablement truffé de
parenthèses, ne nous éclaire pas vraiment sur les intentions de la
nouvelle administration américaine, un intervenant de poids, devant
une politique qui n'est pas encore arrêtée.
Je crois qu'il serait utile en outre d'encourager nos
partenaires de la collectivité à suivre l'exemple du gouvernement
du Canada et à dévoiler leurs positions de négociation afin que
nous puissions tous constater la forme que prendra l'ensemble, à
partir des éléments, car c'est vraiment à cette étape que nous en
sommes. J'aimerais en particulier connaître les positions de nos
partenaires de l'ALENA, des signataires de l'Accord de libre-
échange Canada-Chili, du Costa Rica, de l'Amérique centrale et, à
mesure qu'elle se précise, celle des Caraïbes, tout cela en
fonction des positions canadiennes.
Permettez-moi un dernier commentaire. Je veux faire remarquer
que contrairement à l'ALENA, contrairement à l'Accord de libre-
échange Canada-États-Unis, ces négociations ne portent pas sur la
libéralisation des échanges commerciaux en soi. Elles s'inscrivent
dans un processus plus vaste visant à édifier une communauté,
processus auquel elles sont en quelque sorte subordonnées. Je crois
que l'enjeu consiste maintenant à convaincre d'abord les leaders,
par opposition aux ministres du Commerce, de poser les principes
qui seront énoncés dans le préambule des divers accords, y compris
la ZLEA, des principes de base qui sont transposés et qui régissent
l'interprétation de l'entente. Le vocabulaire juridique spécifique
au commerce et les annexes sur les tarifs, dans leur forme
actuelle, dépassent même les capacités d'absorption de mes
collègues universitaires les plus sérieux.
M. Hassan Yussuff: Ma réponse comprend deux parties.
Premièrement, je crois bien sûr que les députés, vos collègues et
vous-même, doivent avoir accès au document, et ce pour une raison
évidente. Vous êtes les représentants élus de la population de
notre pays et vous pouvez voir ce que le gouvernement fait... Par
contre, dans le contexte des négociations en cours, nous avons des
fonctionnaires qui n'ont jamais été élus par qui que ce soit mais
qui façonnent la politique de la nation. Je crois que sur le plan
de votre responsabilité, bien sûr, il y a là une influence
supplémentaire.
Il est essentiel que le texte des accords soit rendu public
car nous voulons exercer une influence. Si nous croyons que les
négociations vont dans un sens donné, nous avons un choix évident
et nous pouvons influer sur le processus pour en modifier
l'orientation. Compte tenu de l'importance de ces documents, s'ils
demeurent trop longtemps secrets le processus s'animera de sa
propre vie et il deviendra impossible à modifier.
Alors, quelle que soit l'issue des rencontres de Buenos Aires
quant aux passages entre parenthèses, nous savons au moins sur quoi
portent les divergences ou les préoccupations véritables des
parties ainsi que les points sur lesquels, peut-être, il sera
possible de s'entendre. Mais surtout, plus le texte sera diffusé
tôt et plus vos collègues et d'autres intervenants auront
l'occasion d'en débattre à la Chambre des communes, et nous,
membres de la société civile, nous pourrons discuter avec le
gouvernement et influencer nos députés et sénateurs pour donner une
nouvelle orientation au texte.
Si nous ignorons de quoi il retourne, au bout du compte, comme
nous l'avons dit précédemment, le Parlement sera prié de ratifier
un document quand il sera trop tard pour y apporter des
changements, malgré les préoccupations que vous avez, vous, les
membres du comité, qui avez entendu toutes sortes d'arguments sur
ce que le gouvernement devrait et ne devrait pas faire dans le
cadre de ces négociations.
Il me semble donc que le problème est double. À titre de
députés, je crois que vous avez une responsabilité supplémentaire.
Je pense surtout que le texte lui-même doit être communiqué à la
population, parce que le processus doit être transparent. Il n'y a
rien dans tout cela qui nécessite le secret. Si des fonctionnaires
non élus peuvent consulter le texte, je crois que les membres de la
société qui ont une responsabilité politique doivent eux aussi
avoir l'occasion d'en prendre connaissance.
Le président: Merci de ce débat utile. La question est
certainement souvent venue sur le tapis, c'est incontestable, et
nous essayons d'y répondre.
Madame Marleau.
Mme Diane Marleau (Sudbury, Lib.): Je veux dire à ceux qui
ont présenté des exposés ici que nous sommes tous des députés, quel
que soit le parti au sein duquel nous avons été élus, et que nous
partageons vos préoccupations.
Si vous examinez le programme du sommet, vous devez
reconnaître que vos préoccupations se reflètent dans le plan
d'action proposé, les thèmes qui seront discutés. Il y a trois
domaines, dont la démocratie et la façon dont la démocratie sera
modifiée et dont nous pourrons mieux y participer.
Faut-il se croiser les bras? Si nous le faisons, je crois que
nous devrions être accusés de laisser les grandes sociétés fixer
les règles, faire ce qu'elles veulent, ignorer le point de vue de
la population. Je crois qu'en faisant intervenir les leaders, en
permettant le type de discussions qui se déroulent actuellement, en
faisant valoir les principes démocratiques, les droits de la
personne et des travailleurs, les questions de formation,
l'enseignement, l'environnement... Il est très important que nous
sachions tous que ces aspects sont inscrits au programme des
discussions.
Je m'inquiète beaucoup lorsqu'on nous dit de ne rien faire. Je
crois que nous manquerions à nos devoirs si nous suivions ce
conseil. Il nous faut au contraire passer au niveau supérieur.
On nous parle de fonctionnaires non élus. Vous avez raison,
les fonctionnaires ne sont pas élus. Mais les fonctionnaires
participent à ces négociations suivant les instructions du
gouvernement. Le gouvernement est élu. En l'occurrence, le Parti
libéral est au pouvoir.
Je peux vous dire que le gouvernement libéral, le premier
ministre et les ministres se soucient énormément de ce que les
députés ont à dire. Ils écoutent—toutes les semaines, ils
écoutent—ce que les membres du caucus ont à dire. Ils écoutent
leurs craintes, les dossiers qu'ils veulent faire progresser, non
seulement pour le Canada mais pour l'hémisphère. Ils écoutent aussi
les membres de l'opposition. C'est ce qui guide les bureaucrates
pendant les négociations.
Ma question est donc la suivante: si vous ne voulez pas que
nous participions au processus ou que nous tenions ces réunions,
quelle solution avez-vous à proposer au sujet de ce qui se passe
sur la scène mondiale, vu l'évolution rapide de la technologie, la
mondialisation, tout ce qui se passe sans que nous intervenions?
Est-ce que vous proposez, est-ce que certains d'entre vous
proposent que nous restions à l'écart et que nous laissions tout
cela se produire? Je comprends mal pourquoi certains veulent mettre
un terme aux discussions entre les gouvernements, une activité
essentielle pour faire passer notre message. Pouvez-vous me dire
quelle autre solution vous proposez?
• 1025
Alors pourriez-vous s'il vous plaît me dire ce que vous
proposez comme solution de rechange?
M. Hassan Yussuff: Nous allons tous deux répondre, mais
permettez-moi d'abord de préciser que je ne vous ai jamais suggéré
de négliger la responsabilité qui consiste à représenter les
Canadiens. Je n'ai jamais proposé que nous mettions un terme aux
discussions. Dans le contexte du débat et du dialogue, nous devons
par contre aussi prêter l'oreille à la population.
Toute la question de la démocratie, de l'importance absolue de
la démocratie, est indéniable. Toutefois, au bout du compte, nous
pouvons certainement soutenir que Cuba ne devrait pas participer à
la réunion des premiers ministres de la ZLEA, à Québec, parce que
ce pays n'est pas une démocratie, c'est un fait. Par contre, la
Chine, qui n'est pas non plus une démocratie, peut exercer son
influence au sein de l'OMC, et personne n'y trouve rien à redire.
Il nous faut maintenir une certaine cohérence dans nos
arguments. Et je ne prétends pas qu'il s'agisse d'une opinion du
comité. Je vous rappelle seulement les raisons évoquées pour
inviter ou écarter certains pays.
La démocratie, bien sûr, il faut en parler «parce que»
l'hémisphère compte des pays et des gouvernements qui ont des
problèmes à ce chapitre. Au-delà, il nous faut un dialogue plus
vaste sur la façon dont nous envisageons la mondialisation et le
modèle suggéré. Le modèle est un simple modèle néo-libéral, et la
seule façon de continuer à discuter de tout cela est d'accepter le
caractère inévitable du libre-échange et le fait qu'il n'existe pas
de solution mitoyenne.
Je crois que la discussion s'inspire du modèle de l'ALENA, et
du modèle de ZLEA proposé par les États-Unis. Il n'y a pas de
modèle qui convienne vraiment à la suite des pourparlers sur la
libéralisation des échanges dans l'hémisphère. C'est un argument
que le Congrès du Travail du Canada ramène sans cesse. Nous
soutenons que ces modèles ne conviennent pas. Vous devriez en
utiliser un autre. M. Graham a parlé précédemment du rapport du
comité parlementaire au sujet de l'OMC, un rapport où, là encore,
des recommandations très valables sont proposées. Ces
recommandations devraient être évaluées et il faudrait trouver des
façons de les intégrer à la discussion sur la ZLEA.
Bref, nous ne proposons certainement pas de mettre un terme
aux discussions.
Je veux aussi préciser que j'ai passé beaucoup de temps en
Amérique latine, en Amérique centrale et dans les Caraïbes, dans
l'exercice de mes fonctions. J'y ai rencontré des collègues,
discuté des questions qui vous occupent actuellement et éprouvé la
même frustration que celle que vous éprouvez maintenant. J'ai
parfois le sentiment que mon gouvernement n'écoute rien, mais
lorsque je visite d'autres régions des Amériques, je constate qu'il
y règne la même impression.
Les ministres du Commerce vont se réunir à Buenos Aires dans
deux ou trois jours, et ce pays va être en pleine tourmente en
raison de la situation économique. Mes collègues vont descendre
dans la rue. Pourquoi sont-ils en colère? Ils ne sont pas idiots.
Ils ne sont pas fous. Ils sont en train de perdre leurs moyens de
subsistance. Ils se sentent menacés par le système.
Au bout du compte, évidemment, le Parlement aura un rôle
prépondérant à jouer, mais je crois qu'il est intéressant d'écouter
aussi la population. Je ne dis pas que vous devriez vous abstenir
de participer aux discussions.
Je vais maintenant laisser mon collègue faire quelques
commentaires.
M. Pierre Laliberté (économiste principal, Politiques
économiques et sociales, Congrès du Travail du Canada): Vous avez
abordé pratiquement toutes les questions qui m'intéressent.
[Français]
Je vais vous le dire en français. Je pense qu'on a une
idée vraiment différente du «pourquoi» et du
«comment», dans le fond. Peut-être qu'on partage le
«pourquoi» en gros, mais il reste à savoir comment on
va faire ça. C'est
pour cela qu'on insiste toujours sur les normes
fondamentales du travail. Il faut avoir un plancher.
On ne dit pas que les gens en Amérique du Sud
devraient avoir les mêmes conditions de travail qu'on a
au Canada. Non, ce n'est pas ce qu'on dit.
Mais ce qu'on voit
ici, c'est qu'on ouvre les portes aux investisseurs.
On leur donne un accès privilégié. On enlève des
contraintes. On force les pays à abdiquer des pans
de souveraineté.
On protège les droits de propriété
intellectuelle. Mais quand on arrive aux questions
qui concernent les gens qui travaillent à tous les
jours, que c'est donc sensible.
Pour nous, c'est fondamental.
Si ça ne fait pas partie de ce qu'on présente comme
alternative et comme modèle, franchement, vous pouvez
peut-être comprendre pourquoi on a un problème.
Mme Diane Marleau: Je veux juste dire que je suis
convaincue que nous voulons que ça en fasse partie.
C'est cela que je veux dire, parce que nous, de notre
côté, nous voulons que ce soit là aussi...
M. Pierre Laliberté: Mais il faut le mettre
dedans.
Mme Diane Marleau: ...mais il faut commencer à
un point.
M. Pierre Laliberté: Il faut que ce soit dans
les positions de négociation.
[Traduction]
Le président: Monsieur Lunn.
M. Gary Lunn: Je serai bref, monsieur le président. C'est
plutôt un commentaire.
Nous avons entendu bien des arguments voulant que le texte
soit rendu public. Je tiens à dire que je suis tout à fait
d'accord, nous devrions publier ce texte. Ne nous faisons pas
d'illusion: il y a 34 pays participants et chacun connaît les
positions de négociation des autres—il n'y a vraiment pas de
grands secrets dans tout cela.
Cela dit, je comprends aussi la position contraire. Certaines
personnes hésitent. Je veux simplement que cela soit dans le compte
rendu. Si vous prenez cet énorme texte, c'est-à-dire les positions
de 34 pays, il y aura certainement des personnes qui, dans leur
propre intérêt, se saisiront d'un paragraphe ici et d'un autre là,
tout à fait hors contexte. Ils vont exploiter ces données pour
essayer d'influencer la population et faire progresser leurs
propres dossiers—qui ne représentent pas les discussions. Il me
semble justifié de craindre une publication trop hâtive d'une masse
d'information qui ne reflète pas vraiment l'orientation des
discussions.
Je crois tout de même qu'il faudrait publier un texte. Le
Parlement devrait s'engager pleinement dans le débat.
Je tiens toutefois à ajouter ceci. Si vous me le permettez, le
moment d'intervenir... Les négociations vont se poursuivre encore
pendant deux ou trois ans. Aucun accord ne sera signé à Québec. Il
s'agit d'un processus de deux ou trois ans. Alors si vous voulez
des audiences spécifiques devant des comités au cours des deux ou
trois prochaines années, nous pourrons tenir d'autres débats de ce
genre.
Je ne doute pas que nous soyons disposés à envoyer nos
négociateurs là-bas pour entendre des propositions précises. Je
suis convaincu que certains témoins nous soumettront des points de
vue différents—je suis tout à fait en faveur du libre-échange,
comme Tony Blair. Je crois qu'il serait bon que la population des
pays visés participe à ces discussions.
Pour conclure, monsieur le président, je veux dire que nous
entendons bien des choses au sujet des protestations et de la
désobéissance civile. J'exhorte les personnes qui ont une influence
quelconque là-dessus à prendre conscience du fait que de tels
gestes n'aboutiront pas à des suggestions constructives et valables
dans cette discussion. C'est une questions de crédibilité. Le
comité représente tous les partis politiques du pays, et nous
voulons entretenir un dialogue valable. Nous ne sommes peut-être
pas d'accord sur tout, mais ces réunions sont la meilleure façon de
contribuer utilement et positivement au résultat final de toute
négociation de libre-échange pour les Amériques.
Le président: Nous allons considérer qu'il s'agit là d'une
observation plutôt que d'une question. C'était un commentaire.
Il est maintenant 10 h 30, nous allons donc mettre un terme à
cette partie de la séance et passer au groupe de témoins suivant.
Auparavant, toutefois, je vais demander à M. Molestina de bien
vouloir participer à la prochaine table ronde. Nous n'allons pas
vous demander de reprendre votre exposé, mais veuillez rester avec
nous, au cas où d'autres questions seraient posées.
Nous avons une autre raison de vous garder: nous voulons
féliciter l'Équateur d'avoir remporté la victoire sur le Brésil
hier, au soccer.
M. Oswaldo Molestina Zavala: Je l'ignorais.
Le président: Voilà—rien n'échappe aux doctes recherchistes
de la Bibliothèque du Parlement.
Des voix: Oh, oh!
M. Oswaldo Molestina Zavala: J'en suis très heureux.
Le président: On me dit que l'Équateur a remporté la victoire
sur le Brésil lors des qualifications pour la Coupe du monde, hier.
Nous vous félicitons.
Je le signale parce que le Canada étant voisin des États-Unis,
il a des raisons de se réjouir quand l'Équateur bat le Brésil!
Passons à une question administrative. Je donne la parole à
M. Lunn.
M. Gary Lunn: Merci, monsieur le président.
Pendant que les témoins prennent place, j'aimerais en quelques
secondes demander au comité de bien vouloir présenter une motion
pour inviter, d'ici le 18 mai, le ministre des Affaires étrangères
et le ministre du Commerce international à comparaître devant nous
au sujet du Budget principal des dépenses pour l'exercice
2001-2002. Nous leur demandons de fournir toute l'information et
les documents pertinents au sujet des plans et des priorités de
leurs ministères respectifs.
Est-ce que le comité m'autorise à présenter cette motion pour
inviter les ministres à comparaître au sujet du budget des
dépenses?
Le président: C'est la coutume—nous invitons toujours les
ministres au moment du budget, il n'y a donc pas d'objection. Nous
n'avons pas eu nos 24 heures d'avis, mais c'est normal. Le 18 mai
est la dernière date où nous pouvons accueillir les ministres.
M. Gary Lunn: Il suffit que les deux ministres puissent se
présenter d'ici le 18 mai.
[Français]
M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.):
Monsieur le président, le comité
directeur avait-il prévu ça quelque part?
Le président: On n'avait pas prévu la date,
mais le comité pense toujours aux prévisions
budgétaires.
[Traduction]
C'est l'ordre permanent numéro 81. Nous devons le faire. Nous
allons l'approuver, aujourd'hui ou la prochaine fois, alors autant
le faire maintenant.
M. Pierre Paquette: Puisqu'on en est aux
invitations, je veux demander au comité si on
peut inviter la ministre du
Patrimoine canadien. La culture est un enjeu
majeur de la négociation et on n'en a pas discuté au
Comité du patrimoine. Il me semble que ce comité-ci
doit en tenir compte.
Le président: Le problème en est un de
temps.
Mme Francine Lalonde: Est-ce que Robert Pilon va
venir?
Le président: Je suis d'accord avec vous que c'est
très important parce que la diversité culturelle est
sur la sellette. Sur la question de temps,
comme je vous l'ai dit, on aura des séances après.
Donc, avant de faire un rapport, peut-être qu'on devrait
entendre le ministère du Patrimoine.
[Traduction]
À ce sujet, monsieur Harvard, nous vous écoutons.
M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.):
J'en appelle moi aussi au règlement, monsieur le président. Je veux
ajouter quelque chose aux remarques de M. Paquette. Je suis membre
du Comité du patrimoine, et le Bloc là-bas, dans ce comité...
J'ai vraiment de la difficulté à parler avec tout ce bruit.
Le président: Mesdames et messieurs—madame Lalonde—nous
sommes toujours en réunion. J'ai demandé aux témoins de prendre
place, mais comme le temps nous est compté nous essayons de régler
des questions administratives en même temps. Normalement, nous
lèverions provisoirement la séance, mais j'essaie d'accélérer les
choses. Alors je vous demande de vous installer pendant que la
discussion se poursuit.
Monsieur Harvard.
M. John Harvard: À titre d'information, pour les membres du
comité, une motion semblable a été présentée au Comité du
patrimoine. Nous avons été informés que la ministre Copps n'était
pas disposée à traiter des questions de patrimoine et de culture
qui se rapportent au sommet, parce que c'est là une responsabilité
de M. Pettigrew. Elle était prête à discuter de sa participation à
ce qu'elle appelle les instruments culturels internationaux. Alors
à titre d'information, pour M. Paquette et les autres, je crois
qu'il serait vain de demander à Mme Copps de venir ici—parce
qu'elle ne parlera d'aucun aspect touchant le Sommet des Amériques.
C'est la responsabilité de M. Pettigrew.
Je voulais simplement vous le signaler. Faites comme bon vous
semble.
Je veux aussi inscrire une observation au compte rendu,
monsieur le président. Je n'ai pas d'objection à ce que vous, à
titre de président du comité, souleviez les questions qui vous
intéressent. Notre président apporte une certaine rigueur
intellectuelle au débat. La question qu'il a posée—en effet,
c'était une sorte d'exposé, mais je crois que cela a ajouté quelque
chose à nos délibérations et que c'était utile. Je pense que nous
avons tous profité de l'échange qui a suivi votre question.
Je veux ajouter, monsieur le président, que j'aimerais que les
députés et les témoins s'en tiennent aux cinq minutes qui leur sont
allouées. Je crois que c'est de manquer de respect aux députés et
aux témoins dont le nom vient en fin de liste que de les obliger à
écouter les interminables questions et réponses de ceux qui les
précèdent. Nous avons fixé à cinq minutes le temps de parole, et
même si je ne demande pas qu'on le respecte à la seconde près je
crois qu'il faudrait quand même s'en tenir à la limite fixée.
Lors de la dernière séance, un échange a duré très longtemps.
Je n'ai rien à redire à sa teneur—la réponse était très complète,
mais j'aurais voulu entendre ce que d'autres avaient à dire à ce
sujet, et nous n'en avons pas eu l'occasion.
Le temps nous est vraiment compté. C'est la raison pour
laquelle nous fixons des limites.
Le président: Je vous remercie de cette remarque, mais je vais
préciser un aspect. Parfois, je laisse un intervenant continuer sur
sa lancée parce qu'il n'y a personne d'autres sur ma liste. Je ne
voudrais pas devoir confesser qu'il n'y a plus de questions!
Si la liste est longue—soyez sans crainte, je n'hésite pas à
faire respecter les règles. Je vous remercie de votre commentaire.
Un rappel est toujours utile, car j'ai tendance à laisser le débat
se poursuivre. Je vous remercie beaucoup, monsieur Harvard, de ce
commentaire.
Je vais maintenant présenter nos prochains témoins. Il s'agit
de M. Alan Alexandroff, de l'Institut C.D. Howe, de Mme Diana
Tussie, de la Faculté latino-américaine des sciences sociales en
Argentine, actuellement en visite à l'Université de Toronto, et de
Mme Ann Weston, de l'Institut Nord-Sud.
Procédons donc dans cet ordre. Je vous demande à nouveau de
vous en tenir aux dix minutes qui vous sont allouées, pour que nous
ayons le temps de poser des questions.
Monsieur Alexandroff.
M. Alan Alexandroff (boursier en résidence, Institut C.D.
Howe): J'en suis conscient, monsieur le président. Je tiens à vous
remercier de l'occasion qui m'est donnée de participer aux travaux
du comité. Il m'est toujours agréable de vous rencontrer, monsieur
le président, ici et là dans le monde, au hasard de nos voyages
respectifs.
Je vais aborder très brièvement deux questions. Premièrement,
pourquoi le Canada devrait-il allouer une partie de ses maigres
ressources pour permettre à ses fonctionnaires de négocier l'accord
de la ZLEA? Quel objectif devrait-il chercher à atteindre grâce à
cet accord?
Deuxièmement, quelle protection faut-il prévoir pour les
investisseurs canadiens—et pourquoi cette protection est-elle
nécessaire? Ce sont là les deux questions que je vais tenter
d'exposer ici.
Mais je vais d'abord me présenter. Je suis boursier en
résidence à la Division de la politique internationale à l'Institut
C.D. Howe. Je suis également directeur de la recherche au programme
de gestion des conflits et de négociation au Centre d'études
internationales Munk, à l'Université de Toronto.
Je suis directeur canadien d'une société appelée LECG Inc.—un
cabinet de consultants spécialisés dans les questions économiques
et financières mondiales, qui compte dix bureaux en Amérique du
Nord ainsi que des succursales en Europe, en Australie, en
Nouvelle-Zélande et en Argentine.
Finalement, je dois signaler que je suis conseiller auprès
d'un cabinet d'avocats qui a représenté les plaignants dans toutes
les affaires en cours au Canada relativement au chapitre 11. Par
conséquent, les règles de la confidentialité limitent ce que je
peux déclarer, sauf si je parle de questions déjà du domaine
public. Je ne pourrai donc répondre aux questions que si elles sont
du domaine public.
Revenons à la première question. Pourquoi le Canada devrait-il
dépenser ses maigres ressources? Je pense parfois que la population
dans son ensemble ne comprend pas que nous avons une fonction
publique restreinte, un groupe limité de négociateurs. Nous ne
pouvons pas tout faire.
Il me semble que des négociations aussi complètes que celles
de la ZLEA nécessitent un cadre multilatéral. Il s'agit pour le
gouvernement du Canada de déterminer s'il est possible de
participer à de vastes négociations à la table de l'OMC. Il se peut
fort bien qu'après évaluation de cet aspect, et compte tenu des
circonstances actuelles, il semble peu probable que nous puissions
passer de l'OMC à un processus multilatéral. Dans ce cas, une
grande négociation de l'hémisphère occidental, et la conclusion
éventuelle d'un accord, seraient utiles, mais seulement si nous
poursuivons ce que nous avons commencé. La négociation d'un accord
qui ne serait ni une ALENA élargie, ni une OMC élargie me semble
exiger un surcroît d'effort sur de nombreuses années pour un gain
très modeste.
Il est donc essentiel que ceux qui s'inquiètent des
négociations de la ZLEA fassent ce calcul. Le président et moi-même
avons eu l'occasion d'en discuter en privé lorsque nous étions tous
les deux à Seattle, pendant les négociations de l'OMC—qui,
évidemment, n'ont pas abouti.
Précédemment dans le cadre de ces négociations, je bavardais
avec des représentants de l'OMC. Nous faisions des blagues au sujet
du nom à donner à la prochaine série de négociations. Nous pensions
peut-être que l'on pourrait parler du Millennium Round, et les
Américains envisageaient un Clinton Round. Puis, un brillant
collègue s'est avancé et a déclaré «Non, non, appelons-le le
Protectionist Round». C'est exactement ce qui se passait là-bas.
Chacun s'inquiétait tant de la protection de son territoire qu'il
n'y avait guère de discussion sur la libéralisation. De fait, au
bout du compte, il était clair qu'aucune entente n'était
possible—parce que chaque pays voulait s'en tenir à ce qui lui
permettait de protéger ses intérêts nationaux propres.
Si nous participons à ces grandes négociations avec 34 pays,
nous devons à tout le moins faire quelque chose pour aller au-delà
de l'état actuel de libéralisation de l'économie mondiale.
• 1045
Mais pour parvenir à ce résultat, il faut prévoir un ensemble
de mesures de protection aussi complet que possible. Et pourquoi
donc? La raison en est, me semble-t-il, relativement simple. Vous
avez besoin de sécurité économique et d'une bonne compréhension du
cadre pour permettre aux entreprises canadiennes de se risquer, en
l'occurrence dans l'hémisphère occidental—les Caraïbes, l'Amérique
latine, l'Amérique centrale—dans un contexte commercial inconnu.
De fait, il vous faut prévoir des mesures qui donnent une
protection relativement large. Sinon, les entreprises canadiennes
s'en tiendront aux cadres qu'elles connaissent assez bien, c'est-à-
dire le Canada et les États-Unis.
Vous ne pouvez donc pas demander aux entreprises canadiennes
de se lancer dans le monde, un monde inconnu dans la plupart des
cas—à en juger par le volume des échanges, vous savez, nous
commerçons aux États-Unis et au Canada, et non pas dans ces autres
régions du monde—sans leur donner certaines assurances quant à
leurs investissements.
J'ai participé à des discussions préalables sur le chapitre 11
au sujet des négociations du gouvernement avec les deux autres
signataires de l'ALENA. Il était très clair à l'époque—les
objectifs ont peut-être changé par la suite—que la raison d'être
du chapitre 11, la protection des États investisseurs, découlait en
partie des déclarations faites par les négociateurs américains, qui
considéraient que pour encourager les investisseurs à se tourner
vers le Mexique il fallait créer un tribunal commercial qui
donnerait aux investisseurs américains, et en principe également
aux investisseurs canadiens, la confiance nécessaire pour se lancer
sur les marchés du Mexique et commencer à y investir et à y
commercer. Il me semble que rien n'a changé à cet égard. Si le
ministre veut que les entreprises canadiennes prennent de
l'expansion dans le monde, il doit leur offrir les protections
nécessaires.
Je terminerai ici mon intervention, mais je serai heureux de
me pencher sur d'autres aspects. Et je crois que le ministre lui-
même a fait des commentaires au sujet du chapitre 11, récemment
encore—du moins à ma connaissance—dans la page éditoriale du
National Post le 23 mars. Certains d'entre vous ont peut-être même
pris connaissance des raisons qu'il invoquait pour remettre en
question certaines décisions des tribunaux de l'ALENA et, de façon
plus générale, d'une discussion sur ce qui est nécessaire. Il me
semble juste de dire que le ministre n'a pas suggéré d'écarter
toute disposition similaire au chapitre 11, mais qu'il s'inquiétait
de la façon dont en règle générale ces commissions interprètent et
limitent les politiques et les objectifs gouvernementaux.
Permettez-moi d'ajouter, en tout dernier lieu, qu'en réalité,
évidemment, le chapitre 11 n'habilite aucun tribunal à renverser
les lois ou l'administration canadiennes. Le seul recours prévu par
le chapitre 11 est le dédommagement. Alors cette discussion sur les
contraintes s'exerçant sur les objectifs de la politique publique
légiférée par les gouvernements me paraît sans objet. Le tribunal
n'a pas le pouvoir de casser les lois canadiennes. Ce qu'il a,
c'est la capacité de dédommager quelqu'un qui, à son avis, n'a pas
obtenu satisfaction suite à une obligation que le Canada a
acceptée, en particulier aux termes de l'article 1105 sur la norme
minimale de traitement. Et le ministre lui-même a abordé la
question de l'article 1110, consacré à l'expropriation. Je vous
signalerai, en passant, que le Canada n'a jamais été pris en défaut
en vertu de l'article 1110 sur l'expropriation, dans les rares cas
où cet article a fait l'objet de contestations. Je ne comprends
donc pas du tout l'inquiétude du ministre.
• 1050
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Alexandroff.
Madame Tussie.
Mme Diana Tussie (directrice du Programme de recherche sur les
institutions économiques internationales et le Réseau commercial
d'Amérique latine à Buenos Aires, chercheure principale au
Département des relations internationales, Faculté latino-
américaine de sciences sociales (FLACSO) Argentine): Merci beaucoup
de me donner l'occasion de participer à ces discussions très
opportunes—opportunes, j'imagine, non seulement en raison des
réunions qui se tiendront la semaine prochaine à Buenos Aires puis,
vers la fin du mois, à Québec, mais aussi en raison de l'agitation
qui secoue actuellement le MERCOSUR. La situation au sein du
MERCOSUR aura certainement un effet sur les négociations, et
inversement. Quoi qu'il advienne de la ZLEA, de l'objet et de la
portée de la ZLEA, cela aura beaucoup d'influence sur la façon dont
la tourmente actuelle se calmera.
Je vais simplement résumer ce qui s'est passé la semaine
dernière en Argentine. L'Argentine a demandé une exemption
temporaire pour porter le tarif extérieur commun sur les produits
finaux à 35 p. 100, le niveau fixé par l'OMC à l'Uruguay Round. Il
a demandé une exemption pour relever le tarif extérieur commun sur
les produits finaux et pour retirer entièrement—c'est-à-dire pour
ramener à zéro—le tarif sur les biens d'équipement.
La mesure a été accueillie avec soulagement et avec beaucoup
de plaisir, je crois, par l'Uruguay, le Paraguay et le Chili et
elle a été acceptée par le Brésil à titre de suspension temporaire
d'un engagement. Alors, d'une certaine façon, nous avons maintenant
une suspension temporaire des engagements au sein du MERCOSUR pour
former une union douanière. Il s'agit d'une mesure temporaire. Il
est encore trop tôt pour dire si elle sera acceptée ou pas.
[Français]
Le président: Avez-vous dit qu'on estime que le
MERCOSUR deviendra une union douanière?
[Traduction]
Mme Diana Tussie: Non.
Le président: Une union douanière?
Mme Diana Tussie: Non, elle a suspendu son engagement de
participer à une union douanière.
Le président: Alors il s'agit d'un retrait.
Mme Diana Tussie: Oui, c'est exact.
[Français]
Le président: Vous avez compris ça, madame
Lalonde?
[Traduction]
Mme Diana Tussie: Un recul... l'autorisation temporaire de ne
pas appliquer l'union douanière. Permettez-moi de préciser cette
question: la zone de libre-échange a été créée. Le libre-échange
entre les quatre pays du MERCOSUR et le Chili n'a pas été mis de
côté. Est-ce clair?
Le président: Alors c'est simplement que les pays ne sont pas
prêts à passer à l'étape suivante pour l'instant?
Mme Diana Tussie: C'est exact. Un tarif extérieur commun a été
imposé à environ 80 p. 100 des biens, et pour l'instant
l'application de ce tarif extérieur commun est suspendue.
Le président: Très bien.
Mme Diana Tussie: Comme je l'ai dit, la mesure a été demandée
par l'Argentine, pour des motifs financiers ou en raison d'une
situation financière précaire. C'est une mesure qui était
attendue—prévue—avec soulagement et un certain bonheur par les
petits pays qui ont souffert des coûts de la diversion du commerce
attribuable au tarif extérieur commun. Le seul pays qui avait le
pouvoir de modifier le scénario était l'Argentine, et il s'en est
finalement prévalu.
Cela doit être analysé sur fond de ZLEA. Il s'agit d'un aspect
que je veux examiner. Au Canada, il est peut-être difficile de bien
voir que la ZLEA est également, de façon étonnante, un jeu dans
lequel on se sert d'un puissant voisin contre un autre.
C'est un jeu pour l'Uruguay, le Paraguay et le Chili, qui
dressent l'Argentine contre les États-Unis et les États-Unis contre
l'Argentine, et pour l'Argentine, qui joue le Brésil contre les
États-Unis et inversement. C'est ainsi que les pays peuvent
manoeuvrer. Cet aspect vous reste caché, mais je crois que c'est un
des moteurs de la ZLEA.
Cela signifie, en quelque sorte, comme nous l'avons vu au
cours des trois dernières années, en particulier depuis le dernier
sommet présidentiel, que les négociations ont progressé très
rapidement, plus rapidement que prévu. Elles ont acquis une énergie
propre. Les secteurs public et privé ont tous deux massivement
investi dans le processus. Ils ont investi du temps et des
ressources très diverses, ce qui, d'une certaine façon, a alimenté
le brasier. Les négociations semblent progresser par elles-mêmes,
avec la participation des secteurs public et privé.
• 1055
La portée et le champ d'application de la ZLEA restent à
déterminer. Je crois que les décisions primordiales seront prises
au cours du mois qui vient, à la réunion ministérielle de la
semaine prochaine et lors du sommet présidentiel de suivi, à
Québec.
La ZLEA repose sur neuf groupes de négociation: la propriété
intellectuelle, la politique de concurrence, l'accès aux marchés,
l'agriculture, le traitement de l'investissement étranger, etc. Il
ne faut toutefois pas oublier que ce noyau est entouré d'une couche
plus mouvante, formée des demandes de la société civile et des
ministres responsables de portefeuilles non commerciaux, qui ont
élargi le programme pour englober les objectifs de développement
plus vastes, notamment la qualité de l'enseignement, la
transparence, le renforcement des institutions, le renforcement du
système judiciaire, le combat contre la corruption dans la région
ou l'hémisphère, le développement des infrastructures,
l'éradication de la pauvreté, le respect des droits des minorités
et des droits de la personne et, dans l'ensemble, la
démocratisation.
Cela constitue l'aspect «mou» de toute la négociation, mais il
ne faut pas le sous-estimer.
Revenons au commerce... Tous les groupes de négociation ont
présenté des projets de texte, de même que le groupe consultatif
sur les économies de petite taille, créé en 1998. Nous n'avons pas
vu ces textes provisoires et c'est un problème, mais j'y
reviendrai.
Alors qu'est-ce que l'Amérique latine espère retirer du
processus? C'est une question difficile. Il y a des millions de
réponses; il n'y a pas une seule et unique Amérique latine. La
région rassemble des pays ayant des niveaux de développements très
divers, des institutions de force très différentes, des structures
économiques variées, des tailles différentes et, bien sûr, ce qui
compte surtout du point de vue de la ZLEA, des préoccupations
commerciales bien distinctes.
Tous les pays ont renoncé au remplacement des importations,
mais la profondeur de la réforme varie selon le pays. La
compétitivité des secteurs, bien sûr, diffère. Si l'on se penche
sur les micro-questions, le secteur laitier mondial intéresse les
exportateurs argentins. Il n'est pas question d'en discuter à la
table des négociations, et l'Argentine veut que ce marché soit
protégé dans les pays andins. On pourrait poursuivre ainsi
indéfiniment. Les bananes, par exemple, sont un produit
d'exportation important pour l'Équateur et l'Amérique centrale.
L'Argentine n'a pas besoin de se protéger contre la concurrence des
producteurs bananiers de l'Équateur et de l'Amérique centrale.
Il faut aussi signaler une autre différence, comme je l'ai
déjà dit, soit le fait qu'un pays appartienne ou non à une zone
d'échange commercial donnée. Je crois que c'est le cas pour le
Mexique, par exemple. Le Mexique est très désireux de se
diversifier, de diversifier l'ensemble de ses échanges commerciaux.
Pour la plupart des pays, je crois que la diversification est
importante. Comme je l'ai dit, il s'agit de dresser ses grands
voisins les uns contre les autres, ce que permet le processus de la
ZLEA.
Ce qui compte plus encore, pourtant, c'est que la ZLEA est
utilisée pour stimuler l'investissement étranger—étranger,
national, l'investissement en général.
Derrière chaque politique commerciale se cache une décision
d'investissement. C'est la base même de ce type de jonglerie.
• 1100
Quel sera l'effet sur le bien-être des populations? Je crois
qu'on ne peut le prévoir avec certitude. Il y aura des gagnants et
des perdants, et l'Amérique latine a la réputation de compter parmi
les régions du monde où le revenu est le plus inégalement réparti.
C'est bien sûr une raison pour libéraliser les échanges. La
libéralisation des échanges entraînera une réaffectation des
ressources et il y aura des disparités, car certains segments de la
population y trouveront leur compte et d'autres pas.
Ces questions à caractère politique ou économique sont entrées
en compte dans la déclaration présidentielle de Santiago, et ce de
deux façons. Dans la déclaration présidentielle de Santiago, il y
a deux initiatives visant les perdants. L'une tient compte du fait
qu'il existe un groupe de consultation pour les économies de petite
taille. Ce groupe a produit un texte provisoire que nous n'avons
pas vu mais dans lequel je crois savoir que l'on défend les
intérêts des économies de petite taille. Il y a aussi la question
de la participation de la société civile.
Dans l'ensemble, les gouvernements d'Amérique latine
n'appuient pas avec enthousiasme la participation de la société
civile. Ils craignent que cette participation ouvre la porte à la
résistance ou freine la libéralisation des échanges, qu'elle
favorise le protectionnisme et crée des conditions inégales.
Pourtant, c'est inévitable. La volonté de participer et les
demandes de reddition de comptes et de transparence ne
disparaîtront pas et il faudra y faire face tôt ou tard.
Je vais terminer ici mon intervention. Merci beaucoup.
Le président: Merci, madame Tussie.
Je crois que j'aurais dû signaler aux membres du comité que
vous étiez ici à l'occasion d'une réunion du CRDI. Nous vous sommes
reconnaissants d'avoir pris la peine de venir nous faire part de
votre expérience. Nous avons eu l'occasion ce matin d'entendre deux
voix de l'Amérique latine. Nous espérons qu'après les exposés, vous
répondrez aussi aux questions touchant ce que M. Cavallo va dire
relativement à l'économie de l'Argentine.
J'aimerais en outre mentionner que M. Rius, du CRDI, est
également parmi nous et qu'il peut lui aussi répondre à nos
questions.
Madame Weston.
Mme Ann Weston (vice-présidente, Institut Nord-Sud): Merci,
monsieur le président. Je suis très heureuse de pouvoir témoigner
devant votre comité aujourd'hui.
Je n'ai que quelques brefs commentaires à présenter, et
j'imagine que parfois la concision est de rigueur parce que nous ne
possédons par tous les détails nécessaires pour pouvoir contribuer
valablement à ce type de discussion.
Je vais d'abord signaler la frustration que nombre d'entre
nous, chercheurs, éprouvons face au processus dans lequel nous
sommes engagés ici aujourd'hui et pendant les semaines qui
précèdent la tenue du sommet de Québec. Il nous est très difficile
de commenter avec pertinence un processus et un ensemble de règles
proposées sans avoir eu, au préalable, accès au texte provisoire
dans lequel ces règles sont énoncées. Pourtant, ces textes existent
déjà, du moins sous forme préliminaire.
Vous conviendrez sans doute que le secret ne peut que nourrir
les soupçons et la frustration, et j'espère que le comité
recommandera une approche très différente à l'avenir. Il y a de
nombreux exemples à tirer de processus de consultation beaucoup
plus fructueux et beaucoup plus transparents, où l'information a
été pleinement divulguée, où les échanges entre gouvernements,
chercheurs, représentants du peuple—comme vous, et représentants
de la société civile ont concrètement débouché sur un dialogue
stratégique constructif et sur un changement de politique.
Nous l'avons fait d'une certaine façon relativement à l'ALENA.
Je ne parle pas de la négociation de l'accord commercial en soi,
mais plutôt des processus connexes de l'ALENA sur les questions
environnementales, qui permettent aux gouvernements et à la société
civile de mettre en commun de l'information détaillée sur ce que
nous proposons de faire sur le plan de l'environnement. C'est un
processus positif. Même les Mexicains y participent, eux qui en
règle générale sont considérés comme opposés à un engagement accru
de la société civile.
• 1105
J'en viens maintenant à ma deuxième question. Comme je suis de
l'Institut Nord-Sud, vous vous attendez sans doute à ce que je
fasse valoir la nécessité de placer le développement au coeur de la
ZLEA. Cela signifie que nous devons reconnaître véritablement les
différences.
Lorsque nous définissons les règles, nous devons non seulement
tenir compte des différences du niveau de développement, dont Diana
Tussie vient de parler, mais aussi des différences entre les
besoins, les capacités de respecter de nouveaux engagements et de
mettre en oeuvre de nouvelles règles.
Le processus de l'OMC a soulevé un immense problème. Nombre de
pays en développement n'ont pas pu créer les institutions dont ils
ont besoin pour s'acquitter des engagements pris à l'OMC, et voilà
que nous proposons d'aller plus loin. C'est une question qui a
suscité une vive irritation dans les pays en développement et l'une
des raisons pour lesquelles ces pays hésitent à passer à l'étape
suivante à l'OMC, à entamer une nouvelle série de négociations.
Dans le contexte de la ZLEA, nous devons aussi être conscients de
ces besoins.
Comment le faire? Comment montrer que nous parlons
sérieusement et que nous comprenons les problèmes propres aux pays
en développement de l'hémisphère?
Une de mes suggestions est que, du moins en ce qui concerne le
Canada, nous pourrions ouvrir nos marchés plus rapidement que nous
n'avons été jusqu'à présent prêts à le faire dans le contexte de
l'Uruguay Round.
Ce matin, nous avons déjà évoqué les déceptions éprouvées par
de nombreux pays en développement à la suite de l'Uruguay Round, et
le fait qu'un grand nombre des avantages qu'on leur avait promis,
notamment sous la forme d'un accès accru aux marchés des pays
développés, ne se sont pas concrétisés.
Il est certain qu'il nous a été possible d'aller beaucoup plus
loin grâce à nos ententes préférentielles avec les États-Unis, le
Mexique et le Chili, ce qui a d'ailleurs créé un certain nombre de
problèmes. Si vous prenez le cas des pays des Caraïbes, vous
constaterez que pour les articles dits sensibles tels que le
vêtement, ces pays continuent à payer des tarifs de 20 p. 100 sur
leurs exportations, et dans certains cas, leurs exportations de
vêtements au Canada sont contingentées.
En ce qui concerne la part de notre marché que ces pays
détiennent, vous constaterez que dans le cas de la Jamaïque, par
exemple, nos exportations ont diminué de 60 p. 100 entre 1996 et
2000, alors que nos importations du Mexique ont en fait plus que
triplé.
Je crois qu'il faudrait remédier à cette situation dans le
cadre de la ZLEA. C'est-à-dire, qu'il faudrait accélérer l'accès au
marché des pays de l'hémisphère.
Je tiens cependant à dire que nous ne devrions pas utiliser la
ZLEA comme excuse pour ne pas en faire plus pour les pays les moins
avancés. Haïti, naturellement, en fait partie, et ne pourra que
bénéficier de l'accès, quel qu'il soit, que nous offrons dans le
cadre de la ZLEA. En mai de cette année, il y aura pourtant un
sommet, une conférence sur les pays les moins avancés. Jusqu'à
présent, le Canada n'a pas fait beaucoup d'efforts pour ouvrir ses
marchés aux produits de ces pays, et j'espère que le comité
recommandera qu'on aille plus loin dans ce domaine.
Voyez ce que l'Union européenne a fait récemment. Elle a
proposé d'ouvrir ses marchés à tous les produits, à l'exception des
armes. Le Canada a un peu amélioré les choses, mais il continue à
imposer des restrictions pour les produits tels que le vêtement.
J'espère donc que vous recommanderez que nous en fassions plus sur
ce point.
Un récent rapport de la Banque mondiale—il serait sans doute
bon que vous demandiez à un de vos recherchistes de se le
procurer—était très critique à l'égard de l'importance des tarifs
douaniers que le Canada maintient encore par rapport aux autres
pays développés—ce sont des tarifs qui restreignent les
importations de pays en développement. Je pourrai vous donner la
référence, si vous le voulez.
La question des droits antidumping est une de celles pour
lesquelles le Canada partage probablement les préoccupations de
pays tels que le Brésil. Je crois que nous devrions indiquer très
clairement que nous souhaitons que les Américains suppriment ces
droits dans le contexte de la ZLEA. C'est important pour les pays
en développement, c'est important pour nous, et cela contribuera
certainement à améliorer les relations assez fragiles qui existent
entre le Canada et le Brésil.
Il y aurait aussi d'autres façons pour nous de montrer que
nous sommes réceptifs aux besoins en matière de développement. En
dépit du fait que le programme du sommet est déjà très chargé, ce
à quoi Diana Tussie faisait allusion, nous pourrions par exemple
élargir le programme du sommet parallèle afin d'y inclure les
questions de dette et celles des fonds d'adaptation destinés à
aider certains pays à s'adapter au nouveau régime d'échanges
commerciaux qu'imposera la ZLEA.
Nous pourrions d'ailleurs aussi inclure dans la ZLEA elle-même
les principes relatifs aux droits de la personne, aux droits dans
le domaine du travail, à la durabilité de l'environnement et à
l'égalité des sexes. Nous pourrions faire en sorte que le commerce
soit subordonné au développement humain et aux efforts pour
éliminer la pauvreté, au lieu de subordonner ces objectifs au
commerce.
• 1110
Pour ce qui est d'engagements moins contraignants, il serait
peut-être bon d'examiner les Aspects des droits de propriété
intellectuelle qui touchent au commerce (APIC), en particulier pour
les plantes et les médicaments. Je suis certain que plusieurs
témoins ont déjà attiré votre attention sur cette question.
Il y a aussi la question des règlements portant sur les
différends entre un investisseur et un État, auxquels on a déjà
fait allusion ce matin. Sur le plan du développement, les
règlements qui limitent le droit des États d'imposer certaines
exigences aux investisseurs, en particulier lorsque ceux-ci sont
étrangers, sont très préoccupants.
Finalement, en ce qui concerne la ZLEA elle-même, il faut
veiller à ce que le programme ne soit pas trop large. Comme je l'ai
déjà dit, de nombreux pays ont éprouvé beaucoup de difficultés à
assimiler les engagements qu'ils avaient déjà pris dans le contexte
de l'Uruguay Round. Donc, dans la ZLEA, il est très important de
veiller à ce que les petites économies, les économies des pays
moins avancés parviennent à respecter les contraintes que nous
voulons leur imposer. Faute de quoi, je ne crois pas que le système
puisse être durable et qu'il contribue à satisfaire leurs besoins
en matière de développement.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, madame Weston.
Je vais maintenant passer aux questions. J'ai M. Lunn,
Mme Lalonde, M. Martin, M. Harvard et M. O'Brien sur ma liste.
Commençons par M. Lunn.
M. Gary Lunn: Merci, monsieur le président.
Je serai extrêmement bref. Je ne pourrai même pas attendre la
réponse. J'ai un appel extrêmement urgent à faire. Mes
collaborateurs m'ont organisé un emploi du temps bien difficile à
respecter aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, je lirai les bleus, car
la réponse que l'on donnera à ma question m'intéresse beaucoup.
Monsieur Alexandroff, je voudrais vous poser une question.
Vous avez dit que si nous négocions quelque chose qui n'est ni
l'ALENA ni l'OMC-plus—et j'insiste sur le mot «plus»—cela n'en
vaut probablement pas la peine. Je paraphrase vos propres paroles,
mais je crois que c'est à peu près ce que vous avez dit à ce sujet.
Je voudrais donc que vous me parliez spécifiquement du «plus».
Comment le concevez-vous? Que devrions-nous faire pour cela? Je
tiens beaucoup à avoir votre opinion à ce sujet. Quel est
exactement ce «plus» que nous recherchons?
Il faut que je m'en aille. Je vous prie de m'excuser, mais je
lirai votre réponse plus tard. Croyez-moi, je l'attends avec
impatience.
Le président: Voilà une marque de confiance politique tout à
fait inhabituelle que de dire «Je la lirai». Quoi qu'il en soit,
nous aimerions avoir votre réponse, monsieur Alexandroff.
M. Gary Lunn: Moi aussi, cela m'intéresse. Je ne serai absent
que dix minutes mais malheureusement, cela tombe au mauvais moment.
M. Alan Alexandroff: Je crois que Mme Weston a au moins le
mérite d'avoir évoqué une approche raisonnable.
Il est possible de faire des distinctions entre divers pays et
leurs besoins. L'OMC reconnaît les pays en développement qui
bénéficient d'un traitement spécial et différentiel. Je crois que
les règlements de l'OMC sont trop lâches, et qu'il faudrait les
resserrer pour pouvoir les appliquer dans la ZLEA. Par exemple, il
existe un traitement spécial et différentiel qui favorise le pays
en développement dans divers domaines; des règlements différents en
ce qui concerne les subventions; etc. Nous devons être absolument
clairs sur un point précis: Qui peut bénéficier de ces
dispositions? Dans l'OMC, ce n'est pas clair du tout, et en fait,
on vous laisse dans une certaine mesure le soin de dire que si vous
êtes un pays en développement ou non. Donc s'il est parfaitement
acceptable de déterminer ces différences, il me semble
indispensable d'indiquer clairement qui bénéficie de la diversité
des règlements.
Il me semble également que les pays développés devraient
clairement prendre position—et encore une fois, je suis d'accord
avec Mme Weston sur ce point—à propos de ce que l'on appelle
parfois l'infrastructure souple, de manière à ce que ces pays
puissent effectivement respecter les engagements qu'ils vont
prendre dans divers domaines, dont celui de la formation.
Je ne crois pas que nous devrions nous démarquer par rapport
à des accords tels que les APTC. De toute façon, je ne pense pas
que nous puissions le faire parce que nous avons déjà des
engagements dans le cadre de l'OMC vis-à-vis de beaucoup de ces
pays. Un des obstacles pour ces derniers est qu'ils n'ont pas les
moyens d'assumer le coût d'application des règlements. Il me semble
que c'est aux pays développés qu'il appartient d'étendre les
mesures de protection afin de fournir les moyens nécessaires pour
que les tribunaux, administratifs et autres, les organismes de
réglementation et la formation des bureaucrates et des juristes et
avocats puissent être établis pour assurer l'observation de ces
obligations.
• 1115
Il est donc possible de prendre un certain nombre
d'engagements mais pour cela, il faut que les gouvernements, en
particulier ceux des pays développés, indiquent clairement qu'ils
sont prêts à fournir cette infrastructure souple.
Le président: Merci.
J'ai été frappé par le fait que Mme Weston a dit que
l'élimination des mesures antidumping constitue un des facteurs
«plus». Pourriez-vous me répondre en 20 secondes à ce sujet?
M. Alan Alexandroff: En un mot, ce serait une excellente idée.
Il est peu probable que l'administration actuelle ou toute autre
administration américaine soit prête à renoncer plus ou moins
totalement au régime antidumping actuel. L'exemple de Seattle nous
montre bien que l'administration américaine est peu disposée à
envisager une telle option.
Le président: Bien.
Madame Lalonde.
[Français]
Mme Francine Lalonde: J'ai négocié longtemps. Il
y a négociation quand il y a recherche d'intérêts
communs, mais à partir d'intérêts qui sont
aussi très différents. On se rejoint quand on établit,
de chaque côté, les objectifs précis qu'on
recherche une fois qu'on connaît les besoins des
autres.
S'il y a en ce moment de la méfiance, c'est qu'on
ne sait pas ce qu'on recherche vraiment de
la part de chaque partie. Or, les enjeux sont
extrêmement importants ici, mais ils le sont surtout en
Amérique centrale et en Amérique du Sud.
Compte tenu de ces conditions-là,
est-ce qu'on n'a pas intérêt
à dire ce
que les différentes parties ont besoin d'obtenir pour
faire une entente pour que, partout, on le sache?
Je suis très heureuse d'entendre des gens de
l'Amérique du Sud. J'espère qu'on va en entendre
d'autres parce qu'on a besoin de faire aussi un travail
politique ici. J'aimerais donc savoir quels sont les
objectifs premiers qui devraient être recherchés par
les négociateurs des pays de l'Amérique du Sud.
[Traduction]
Le président: Je crois, madame Tussie, que cela entre dans nos
cordes. Voilà où votre bourse Fulbright va vous être utile.
Mme Diana Tussie: La question n'est pas facile.
En principe, je suis d'accord, et si nous avions tous les
éléments en notre possession, les choses seraient plus simples.
Mais nous nous aventurons sur un terrain mouvant sur lequel chacun
joue son jeu. Pour vous donner un exemple d'une situation que je
connais bien, je dirai que l'Argentine attend une chose de
l'Uruguay, une autre du Paraguay, une autre encore du Chili; que ce
qu'elle attend du Canada n'est pas ce qu'elle attend des États-
Unis. Donc, de multiples parties sont engagées. C'est ce qui rend
cette négociation si difficile et—ce n'est pas une excuse—c'est
une des raisons du manque de transparence. Les enjeux sont
multiples. C'est là le premier aspect de la question.
Le second est qu'à cause de la diversité des enjeux, le
territoire est constamment mouvant.
Le troisième point, ne l'oublions pas, est qu'il s'agit ici
d'une négociation et que nous allons donc tous perdre quelque
chose. Une négociation est par définition un échange dans lequel on
n'est jamais gagnant à 100 p. 100. Il faut donc être prêt à perdre
quelque chose. Il est très important que les décideurs s'en
souviennent, sans quoi les attentes seront excessives et les
déceptions, encore plus. On fait croire aux gens qu'il s'agit d'un
jeu à somme nulle—vous perdez, et moi je gagne. Non, ce n'est pas
un match de football.
Le président: Madame Weston.
Mme Ann Weston: Je ne veux pas contredire Diana, ma collège et
amie, mais une des leçons que...
Le président: N'hésitez pas. Plusieurs parties se jouent aussi
autour de cette table.
Mme Ann Weston: Une des leçons tirées du Uruguay Round est que
de nombreux pays ont pris des engagements parce qu'ils pensaient
que c'était la chose à faire. Ils savaient qu'ils faisaient des
concessions mais qu'ils allaient aussi gagner quelque chose dans un
domaine différent. Ils pensaient donc à l'époque qu'un certain
équilibre s'établissait ainsi. Mais nous sommes bien obligés de
reconnaître que de nombreux pays—et c'est ce qui a été souligné
hier lors de notre réunion au CRDI—ne disposent pas chez eux des
moyens de recherche nécessaires pour déterminer les pleines
conséquences des droits ou des obligations dont ils sont devenus
signataires.
C'est la raison pour laquelle la transparence est importante,
même si cela ne vous permet pas de vous faire une idée complète de
vos pertes ou de vos gains. Que s'est-il en fait passé par la
suite? Les gens de la Banque mondiale ont fait des études qui ont
montré que pour les pays en développement les coûts des droits de
propriété intellectuelle sont énormes. Le coût d'établissement de
certaines des institutions est très élevé et dans certains cas,
rien que dans quatre domaines de l'Uruguay Round, il dépasse le
montant total du budget de développement annuel de ces nations.
Il faut donc répondre à la question suivante: Sur le plan du
développement, s'agissait-il d'un arrangement raisonnable? À mon
avis, c'est la raison pour laquelle les gens sont inquiets. C'est
un arrangement inéquitable, car ceux qui ont le plus de ressources,
autrement dit, les Américains, peut-être aussi les Canadiens, et
probablement les Brésiliens, seront capables de beaucoup mieux
évaluer ce qu'ils signent que les autres. En fait, ce que le reste
d'entre nous voulons faire, c'est prendre le temps nécessaire pour
analyser la situation afin d'être certain que l'arrangement est
équitable. Nous ne tenons pas nécessairement à tout remettre en
question mais nous voulons au moins pouvoir commencer à montrer ce
que sont certains des compromis, de manière à ce que l'arrangement
soit un peu plus équilibré qu'il ne pourrait l'être autrement.
Le président: Merci beaucoup. Madame Tussie, soyez très brève.
Mme Diana Tussie: Je suis plutôt d'accord.
Le président: Nous avons largement dépassé les cinq minutes et
M. Harvard est le prochain intervenant. Puisque vous venez
d'Argentine, madame Tussie, peut-être pourriez-vous ajouter
quelques mots très brefs.
Mme Diana Tussie: Je tenais simplement à dire que je n'étais
pas contre ce que l'on vient de dire; peut-être a-t-on cru à tort
que j'avais dit que c'était là la raison du manque de transparence.
C'est compréhensible. Je ne dis pas du tout que je veux le
justifier.
Le président: Bien. Merci.
Si le chapitre 11 est un exemple... Peut-être eut-il été bon
de le comprendre un peu mieux avant de le signer, mais je reconnais
qu'il y a là un piège.
Monsieur Harvard.
M. John Harvard: Merci, monsieur le président. J'ai trois
questions à poser à M. Alexandroff, mais je tiens auparavant à dire
que les conseils de Mme Tussie sont fort opportuns. Je crois que
chaque pays doit comprendre qu'il doit mettre un peu d'eau dans son
vin lorsqu'il s'engage dans des négociations aussi complexes que
celles-ci. Nous ne pouvons pas espérer gagner à tout coup.
Monsieur Alexandroff, pour poursuivre la question concernant
l'OMC-plus et l'ALENA-plus, si vous le voulez bien, coiffez votre
chapeau de Canadien—disons même votre tuque de Canadien. Pourriez-
vous nous donner un ou deux exemples concrets de ce que l'OMC-plus
et l'ALENA-plus seraient pour les Canadiens?
Je vais aussi vous poser les deux autres questions. Vous avez
parlé de protection des investisseurs. Donnez-nous un exemple de ce
dont les investisseurs canadiens auraient besoin pour éprouver le
sentiment de sécurité dont ils ont besoin.
Vous avez également mentionné le chapitre 11 et dit qu'il ne
peut pas être invoqué pour dénoncer la loi canadienne. J'ai bien
l'impression que l'idée d'une compensation refroidirait certains
car elle reviendrait à dénoncer la loi canadienne ou dans certains
cas au moins, à en empêcher la mise en oeuvre.
• 1125
M. Alan Alexandroff: Je vais essayer de vous répondre
brièvement.
Coiffé de ma tuque de Canadien, je suis tenté de dire que
notre expansion dans le secteur des services serait
indiscutablement une «victoire» pour le Canada. Il faut aussi que
nous interprétions de la manière la plus large possible l'extension
du service et de l'accès au marché. Il est inconcevable que le
Canada et les entreprises canadiennes... En fin de compte, ces
accords sont de simples cadres et nous laissons le soin aux
entreprises canadiennes de faire le reste. Nous sommes en effet
ultimement convaincus que le commerce et l'investissement canadiens
offrent des avantages pour le Canada—autrement, il serait
impensable que nous nous engagions dans ce genre de
discussions—qu'il s'agisse du niveau de vie ou de celui de
l'emploi. C'est pour cela que nous le faisons.
À mon avis, nous devrions inverser complètement
l'interprétation actuelle des services selon l'OMC et adopter la
version de l'ALENA, qui en est l'envers. Cela signifie que tout est
couvert, sauf exclusion explicite. Comme vous le savez, à l'OMC, on
a actuellement une conception totalement opposée des services: tout
est exclu, sauf inclusion explicite. Pour libéraliser le système,
il faut adopter la formule de l'ALENA de préférence à celle de
l'OMC.
En ce qui concerne les deux autres questions qui ont trait au
chapitre 11, il s'agit de savoir ce dont ont besoin les entreprises
canadiennes. Je suppose qu'elles ont besoin d'être sûres que si
elles sont expropriées ou que des mesures de ce genre sont prises
à leur égard, ou si elles sont traitées de manière discriminatoire,
elles pourront interjeter appel devant un tribunal et obtenir
réparation si le tribunal conclut qu'un gouvernement n'a pas traité
un investisseur étranger de manière équitable. Ce point de vue est
motivé par l'opinion que les investisseurs, presque par définition,
lorsqu'ils se trouvent dans un pays étranger, ont moins d'influence
qu'une entreprise ou un investisseur national, pour la simple
raison qu'ils viennent d'ailleurs. Il faut donc leur fournir le
cadre réglementaire qui leur donnera le sentiment qu'ils seront
équitablement traités par un tribunal.
Il faut également considérer que les gouvernements ne
cherchent pas automatiquement à interjeter appel des décisions
parce que je tiens à considérer comme des tribunaux internationaux
irréprochables, ou à procéder à un examen judiciaire de ces
décisions. Je ne suis pas certain que le gouvernement du Canada
soit aujourd'hui d'accord avec moi à ce sujet. Quoi qu'il en soit,
nous verrons ce que nous réserve l'avenir. Ce point me paraît
important.
Enfin, si les gens croient qu'accorder une compensation
revient à modifier la politique gouvernementale, je ne sais pas que
répondre à cela. Je dois dire que ce n'est pas là l'argument,
monsieur Harvard. L'argument est que nous ne pouvons pas atteindre
nos objectifs de politique générale, que nos lois
environnementales, nos objectifs dans ce domaine, se trouvent
restreints, ou pourraient l'être à l'avenir. Je crois que c'est
cela l'allégation la plus grave car elle implique que l'on entrave
la capacité du Canada de protéger l'environnement ou de poursuivre
d'autres objectifs généraux.
Je considère simplement que ces obligations sont claires et
qu'elles seront interprétées par les tribunaux. Je ne sais pas
quelle était l'intention du gouvernement du Canada au départ, ni
celle des États-Unis, ni encore celle du Mexique. Essayer
maintenant de changer les règles du jeu, quel que soit le contexte
dans lequel on commence à réclamer ce qu'on appelle des
éclaircissements, me paraît donner l'impression que maintenant que
nous savons où certaines décisions nous conduisent, nous voulons
changer les choses et donc les répercussions de ces décisions.
J'estime qu'en fin de compte ce ne serait pas profitable au Canada;
il ne serait pas bon pour notre pays d'étendre ces droits à
l'Accord de libre-échange des Amériques.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Merci, monsieur le président. J'ai ici deux
pages complètes de questions, je suppose qu'il va falloir que je
les élague.
• 1130
En outre, je crois que le chapitre 11 a été bien plus
abondamment utilisé que ce que nous a dit M. Alexandroff. À
l'origine, c'était sans doute justifié, mais nous voyons maintenant
des élus, comme ceux qui se trouvent dans cette pièce, dont
l'autorité est subordonnée à cette charte des droits des grandes
sociétés. Ce chapitre supplante l'autorité des gouvernements
librement élus. Cela résume l'appréhension que ces accords
commerciaux inspirent non seulement aux membres de mon parti mais
aussi aux personnes que nous représentons.
Je suis un profane en la matière—je ne suis même pas membre
de ce comité dont je remplace un des membres. Quelqu'un peut-il
m'expliquer pourquoi nous devrions accepter des situations telles
que celles de la Ethyl Corp. au Canada? Notre pays voulait
interdire un adjuvant que nous jugions nocif pour les Canadiens, et
voilà que nous sommes maintenant obligés d'indemniser la société
qui fabrique ce que nous considérons comme un produit chimique
nocif sous prétexte que nous lui avons fait manquer une occasion de
réaliser un profit.
Et UPS? Notre pays... notre service postal gagne beaucoup
d'argent grâce à son service de Poste prioritaire du jour au
lendemain, et nous en utilisons les profits pour compenser le coût
du service courant. UPS réclame maintenant 230 millions de dollars
au Canada pour occasion manquée parce que cette société considère
qu'elle devrait avoir le droit de remplir cette fonction.
Ne sommes-nous pas en train de perdre notre souveraineté
économique au fur et à mesure que nous nous engageons plus avant
dans ces accords de libéralisation du commerce? La question
s'adresse à tous.
Le président: Commençons par Mme Weston.
Mme Ann Weston: J'étais sur le point de dire que j'étais
d'accord avec vous.
M. Pat Martin: Il y a enfin quelqu'un dans cette salle qui et
d'accord avec moi. Cela fait plaisir.
Le président: Certains d'entre nous sont en partie d'accord
avec vous. C'est le «en partie» qui pose un problème.
Monsieur Alexandroff.
M. Alan Alexandroff: Je ne vais pas parler de UPS, car cette
société n'a naturellement pas été entendue par un tribunal. Je ne
suis pas certain de la réaction d'un tribunal devant les
allégations et les réponses du gouvernement du Canada. Je ne sais
pas exactement ce que je pourrais ajouter et je m'abstiendrai donc.
Pour ce qui est de la grande question, cependant, j'estime que
ceux qui ont signé l'ALENA et qui vont peut-être signer l'Accord de
libre-échange des Amériques, tiennent à fonder celui-ci sur la
certitude, la sécurité économique, et à créer un cadre qui
permettra aux entreprises de commercer et d'investir, et dans le
cas de la ZLEA, de le faire dans tout l'hémisphère. C'est quelque
chose qui mérite d'être encouragé. Dans une certaine mesure, une
disposition du genre du chapitre 11 offre ce niveau de sécurité.
Elle répond au moins en partie au préambule de l'ALENA visant
l'élargissement des débouchés économiques. C'est cela le grand
objectif d'une telle activité. Je ne pense pas que cela empêche les
législateurs que vous êtes de décider de ce que devrait être la
politique du Canada à l'égard de toutes les questions pertinentes
à votre rôle de députés.
M. Pat Martin: Nous voulions interdire la vente en vrac d'eau
douce, mais c'est ce que conteste une société californienne qui
nous intente un procès pour occasion manquée sous prétexte que nous
lui interdisons l'accès à notre eau. En tant que législateurs, nous
tenons absolument à avoir notre mot à dire dans ce genre de
situation.
M. Alan Alexandroff: Encore une fois, la question n'a pas été
réglée.
M. Pat Martin: C'est ce qui s'est produit.
M. Alan Alexandroff: Non, l'action n'a même pas été
introduite, si c'est de Sun Belt que vous parlez. Je crois qu'il
faut attendre de voir ce qu'un tribunal dira des obligations
auxquelles le Canada a souscrit. Ce n'est pas tout; il s'agit des
obligations aux termes de l'ALENA. À mon avis, ce sont des
obligations générales auxquelles nous avons souscrit lorsque nous
avons élargi les régimes commerciaux multilatéraux et globaux.
Elles portent sur les principes de nation la plus favorisée, de
traitement national, de transparence, et sur les règlements contre
l'expropriation. Je ne vois pas en quoi cela constitue le fondement
de l'économie internationale qui nuirait à votre rôle de
législateur dans un contexte national. Il s'agit là de décisions
collectives que nous avons prises depuis 1947 et qui font partie de
la structure de l'économie internationale. Je serais fort surpris
que cela nuise à votre rôle.
Le président: Madame Tussie.
Mme Diana Tussie: Encore une fois, je tiens à rappeler qu'une
négociation est un compromis. Tout le monde, et pas seulement une
des parties, perd un peu de sa souveraineté. Vu sous un jour plus
positif, il s'agit d'une sorte de souveraineté commune.
Bien sûr, il y a des compromis. C'est comme le compromis entre
une tenure à bail ou une tenure franche ou le fait de vivre dans un
appartement condominial dans une tour d'habitation ou dans une
maison individuelle. Un système collectif offre une certaine
sécurité. Il vous offre moins de latitude de manoeuvre, mais dans
certains cas, vous avez plus de marge de manoeuvre. Voilà les
compromis avec lesquels nous vivons, que ça nous plaise ou non.
C'est le monde qui est en train de changer.
Le président: Merci.
Monsieur O'Brien.
M. Pat O'Brien: Merci, monsieur le président. J'ai trois
questions, une pour chaque témoin. Je commencerai par Mme Tussie.
D'après vos commentaires, je ne suis pas certain que vous
soyez favorable à la publication du texte. Je voudrais en être sûr,
mais je tiens simplement à signaler que le premier ministre lui-
même a dit à la Chambre des communes qu'il serait parfaitement
d'accord si le texte était rendu public, mais qu'il n'est pas prêt
à en décider unilatéralement contre l'opinion des chefs des États
des Amériques qui le jugent confidentiel. Le ministre a également
répété à maintes reprises qu'il est favorable à plus de
transparence, il est certain qu'il adoptera à nouveau cette
position, dans un proche avenir, à Buenos Aires.
J'ai donc eu l'impression, d'après vos commentaires, que vous
aviez présenté un argument assez valable contre la publication du
texte, mais je n'étais pas certain de votre conclusion.
Mme Diana Tussie: J'ai donné une raison, en effet, mais je
suis en faveur de la publication. Comme Ann l'a dit, le secret
inspire la méfiance. Bien plus, j'ai l'impression qu'il y a une
atmosphère de paranoïa dans tout cela. Nous avons l'impression,
lorsque quelque chose n'est pas rendu public, qu'il doit s'agir
d'un document important dont il nous faut à tout prix connaître le
contenu. Si nous le connaissions, il ne serait peut-être plus si
important.
M. Pat O'Brien: Merci.
Je voudrais simplement faire observer qu'un de nos témoins-
experts a dit qu'il ne serait pas très utile de publier la liste de
voeux de 34 pays, qui fait 900 pages, mais c'était uniquement son
opinion personnelle.
Le président: Je crois que c'était la position qu'il avait
prise pour le moment. Il dit que, peut-être qu'après...
M. Pat O'Brien: Pour le moment, oui, c'est vrai.
Mme Diana Tussie: Moi, je le publierais tout de suite.
M. Pat O'Brien: Merci de votre réponse.
La question a été posée de façon répétée à Mme Weston par tous
les partis politiques représentés ici, et vous êtes le premier
témoin qui ait déclaré que l'OMC était plus transparente que la
ZLEA. Je n'ai pas du tout l'impression que ce sentiment soit
partagé sur la colline parlementaire.
Si je vous ai bien compris, vous avez donné un exemple de la
plus grande transparence de l'OMC. Je crois qu'on est en général
convaincu, c'est du moins le cas de la plupart des partis sur la
colline parlementaire, que dans le processus actuel, la
consultation a été plus large qu'elle ne l'a jamais été auparavant.
La position canadienne sur cinq des neuf points est présentée sur
le site Web et celui-ci a été fréquemment visité. Il y a eu
d'abondantes consultations et nous avons donc le sentiment qu'il y
a plus de transparence que jamais. Il n'y en a peut-être pas autant
qu'on pourrait le souhaiter, mais il s'agit certainement des
négociations commerciales les plus transparentes auxquelles le
Canada a jamais participé. Quelle est votre opinion? Si vous pensez
que l'OMC fait preuve de plus de transparence, si je vous comprends
bien, pourriez-vous nous expliquer comment il le manifeste?
Mme Ann Weston: Aux fins du compte rendu, pourrais-je préciser
que je ne suis pas médecin? Je ne voudrais pas que les gens croient
que j'essaie de me faire passer pour un docteur en médecine.
Le président: Excusez-moi, nous nous conformons simplement aux
indications de la liste.
Mme Ann Weston: Non, je sais. Je vous le dis simplement pour
qu'on ne pense pas que je me fais passer pour ce que je ne suis
pas.
Une voix: Nous ferons de vous un docteur honoris causa pour la
journée.
Mme Ann Weston: Je n'ai même pas de PhD. En tout cas...
Il est possible que le gouvernement du Canada, dans le cadre
du processus de la ZLEA, ait plus pratiqué la transparence qu'au
lancement de l'Uruguay Round, lorsqu'il a présenté sa position sur
un certain nombre de points. C'est peut-être vrai, mais il
s'agissait en fait de ma part d'une remarque de caractère plus
général au sujet de la ZLEA et de l'unité qui en assure la gestion.
• 1140
J'apprécie vos efforts de consultation ainsi que ceux du
gouvernement du Canada, mais je trouve en fait à la fois un peu
insultant et un peu difficile d'essayer d'apporter quelque chose de
vraiment utile—sauf à parler de principes généraux—alors que nous
ne pouvons même pas partager l'information à laquelle certaines
personnes ont accès. En ce qui me concerne, c'est mieux que rien,
mais pour des personnes intelligentes, se réunir pour discuter de
ces questions est loin d'être suffisant. C'est un peu comme faire
de la boxe simulée.
M. Pat O'Brien: D'accord. Merci de vos remarques.
Le président: Avant de poser votre troisième question, vous
feriez peut-être bien de consulter le site de l'OEA. Un témoin
précédent nous a en fait dit qu'il avait été profondément surpris
de voir que le centre de l'OEA avait fait un bien meilleur travail
qu'auparavant. Il se peut qu'il soit parti de très bas, mais...
Mme Ann Weston: C'est une bonne chose.
Le président: ...vous comprendrez qu'on nous ait dit qu'il
n'était pas mauvais du tout.
Une voix: Il est passé de zéro à un.
Le président: Oui.
M. Pat O'Brien: Encore une fois, vous avez droit à votre
opinion, je vous en remercie.
Je me contenterai donc de répéter ce que le premier ministre
a dit—encore que—je paraphrase—qu'il serait prêt à rendre le
texte public, mais pas de manière unilatérale. En fait, j'ai posé
la question à mon collègue, M. Paquette, à la Chambre des communes,
au cours du débat-marathon. Il a également déclaré qu'il ne
souhaitait pas voir une publication unilatérale du texte. Je le
signale tout simplement pour que vous sachiez quelle est la
position du gouvernement canadien, qui est d'ailleurs partagée par
au moins certains des partis de l'opposition.
Ma troisième question s'adresse en premier lieu à
M. Alexandroff, mais les autres témoins pourront ajouter leurs
propres commentaires si le temps le permet. Il s'agit de
l'inclusion des accords dans le domaine du travail dans les textes
commerciaux.
J'ai récemment assisté à une réunion de ministres de l'UE à
Londres—j'étais le seul représentant hors-UE présent. Cette
rencontre était présidée par le ministre Clare Short, et les
ministres—il s'agit maintenant de ministres du Développement—ont
exprimé de très graves réserves devant l'inclusion des normes de
travail dans ces textes, car ils n'y voyaient rien de moins qu'une
tentative détournée de protectionnisme de la part des pays
développés au détriment des nations moins développées.
Monsieur Alexandroff, quelle est votre opinion à ce sujet? Si nous
avons assez de temps pour cela, les autres pourront peut-être aussi
intervenir.
Le président: Si c'est possible, soyez bref.
M. Alan Alexandroff: Oui, je serai bref de deux manières.
Premièrement, en ce qui concerne la question générale, je crois que
nous partons de ce que le Canada peut faire. Il me semble que Ann
Weston a déjà dit quelque chose à ce sujet, mais cela vous met sur
la sellette. Il me semble que si vous pouviez accélérer la
réduction des tarifs sur le vêtement et les textiles, cela
contribuerait beaucoup à aider les pays en développement et à
encourager l'emploi chez eux. Nous ne sommes pas obligés d'attendre
que quelqu'un d'autre le fasse, mais nous devons tenir compte de
nos intérêts nationaux—et c'est votre problème.
Je crois que le vrai problème sur le plan du travail est...
S'il s'agit simplement de sanctions commerciales, je suis
totalement d'accord avec l'opinion exprimée. Si la libéralisation
du régime commercial aboutit à imposer des sanctions à certains
pays à cause de leurs politiques dans le domaine du travail, je ne
suis plus d'accord. Si nous pouvons intégrer des systèmes de
stimulants, il en va tout autrement. Et si vous voulez que les
entreprises agissent d'une certaine manière, quel que soit le pays
où elles sont, c'est important. Mais si tout cela aboutit à des
sanctions commerciales, je serais contre.
Le président: Madame Tussie, vouliez-vous...? Non? Bien.
Madame Weston, vouliez-vous ajouter quelques mots à cela?
Mme Ann Weston: Je reconnais que c'est très difficile pour les
pays en développement, mais je ne pense pas que nous devrions
éluder le problème. Au sein de l'OIT, il y a eu un fort mouvement
en faveur d'un accord sur les droits fondamentaux dans le domaine
du travail. Je crois donc qu'il est très important de reconnaître
les engagements en faveur de droits fondamentaux dans le domaine du
travail à l'OMC et dans d'autres accords commerciaux. La véritable
question est de savoir ensuite comment réagir à l'égard des pays
qui enfreignent ces droits. Il existe un processus au sein de
l'ALENA, mais il ne couvre pas tous les droits fondamentaux
actuellement reconnus par l'OIT. Peut-être pourrions-nous nous
inspirer à cet égard de l'accord parallèle à l'ALENA sur le
travail.
Le président: Merci.
Le problème des sanctions est le plus préoccupant. C'est
toujours celui qui nous pose le plus de problèmes.
Madame Lalonde, et ensuite monsieur Harvard.
Mme Francine Lalonde: Je vous remercie.
Je tiens à préciser que, cette fois-ci, je
veux poser ma question à M. Oswaldo Molestina
Zavala parce que
j'espérais qu'il réponde à la question à
laquelle vous avez répondu.
À ce moment-ci, je veux lui demander, lui qui est
venu de si loin, de dire aux Québécois et aux Canadiens
ce que les gens de la COPA—parce qu'il parle ici au nom
de la COPA—attendent de cette négociation.
[Traduction]
M. Oswaldo Molestina Zavala: Je vous remercie vivement de
votre question.
Je voudrais commencer par quelques remarques; la première
étant que le libre-échange est contraire au protectionnisme. Je
dirai aussi qu'il constitue donc peut-être la première étape sur la
voie de l'intégration économique.
C'est précisément ce que l'Union européenne a fait. Elle a à
la fois établi le libre-échange et le protectionnisme à l'égard des
pays tiers.
Il est très important de noter, en particulier dans les
relations commerciales avec les pays sous-développés, ce qui s'est
passé au sein de l'Union européenne jusqu'à présent. C'est avant
tout une union entre les pays membres mais il y a aussi certaines
mesures favorables aux pays africains. Vous vous souviendrez
certainement que les traités LOMÉ sont favorables à ces pays mais
qu'ils ont un caractère discriminatoire à l'égard des pays
d'Amérique latine.
Mme Tussie a parlé de bananes. Nous vendons des bananes, et à
cause de la discrimination pratiquée à l'égard des bananes de
l'Équateur et des autres pays d'Amérique centrale, nous sommes
allés à l'Organisation mondiale du commerce et nous avons porté
plainte contre l'Union européenne. Trois ans plus tard, nous avons
remporté notre première victoire et nous avons été contraints de
recommencer contre l'Union européenne. Pendant sept ans, nous
n'avons pas obtenu de décision en faveur de nos pays ou de nos
économies. Nous avons parlé de compensation, de représailles et de
toutes sortes d'autres choses, mais comment un petit pays sous-
développé comme le nôtre peut-il tirer avantage de ce genre de
relations? Je ne pense donc pas que les relations commerciales
entre les pays développés et les nations sous-développées tiennent
compte du fait que l'Union européenne est la seconde puissance
économique mondiale.
Aurons-nous plus de chance au sein du nouveau système que nous
avons l'intention de créer? J'en doute fort.
Je reconnais qu'il s'agit de négociations extrêmement
complexes. Je ne parle pas de protectionnisme en faveur des pays
d'Amérique latine, mais les nations développées pourraient
envisager de leur accorder quelques avantages dans le cadre de
l'organisation de libre-échange; sans quoi, nos pays risquent de ne
pas survivre, et c'est précisément le problème auquel nous sommes
confrontés.
S'il s'agit simplement d'un jeu des nations puissantes des
Amériques, nous ne voulons rien avoir affaire avec lui. Peut-être
avons-nous besoin de bénéficier de certaines mesures
préférentielles de la part des grandes puissances de la zone, mais
nous pensons qu'il serait possible de trouver un terrain d'entente.
Nous savons aussi que nous sortirons à la fois gagnants et perdants
de tout cela. À mon avis, si nous essayons de trouver une solution
équitable pour tous, il est évident que ce sont les pays développés
qui devront faire quelques sacrifices.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Harvard.
M. John Harvard: J'ai une question à poser. Elle s'adresse
plutôt à M. Alexandroff, mais n'importe quel autre membre du groupe
est libre d'y répondre.
• 1150
M. Martin a évoqué la question de l'eau douce. Je pense que la
plupart des Canadiens préfèrent penser que nous n'avons pas bradé
notre droit de contrôler nos approvisionnements en eau. Les
Canadiens sont très fiers de leur ressource en eau. Et je crois que
la plupart d'entre eux tiennent à en conserver le plus possible le
contrôle.
Certains craignent cependant qu'un tribunal, secret ou autre,
décidera un jour que nous avons une obligation en vertu de tel ou
tel accord et que nous devrons nous y soumettre.
Je comprends très bien l'idée de la perte de souveraineté et
des compromis, mais je crois qu'il faut comprendre que ce dont
beaucoup de Canadiens s'inquiètent, ce sont les détails. Comme vous
le savez, le danger est dans les détails. Qu'y a-t-il dans les
textes? Ce sont des documents juridiques complexes et profonds.
Je crois à une libéralisation des échanges, mais il faut bien
que tous les législateurs que nous sommes reconnaissent qu'il y a
un danger et que cette obligation dont nous ignorions peut-être
l'existence fera l'objet d'une décision d'un tribunal qui échappe
à notre contrôle démocratique.
Vous-même, ou quelqu'un d'autre, pourra peut-être me répondre.
M. Alan Alexandroff: Oui. Je suis certain que tout le monde a
des remarques à faire à ce sujet. J'essayerai d'être bref.
Sur un plan précis, il me semble qu'il faut que vous vous
tourniez vers les gouvernements fédéral et provinciaux. Au Canada,
rien ne nous oblige à vendre notre eau en vrac, si nous nous y
sommes opposés pour des raisons de politique générale. La situation
devient difficile si un gouvernement accorde à quelqu'un le droit
d'en vendre; vous avez alors franchi le Rubicon, et les obligations
contractées entrent alors en jeu. Mais au départ, les gouvernements
sont parfaitement libres de refuser de vendre de l'eau, comme c'est
le cas ici.
D'une façon plus générale...
M. John Harvard: Cela signifie-t-il que Terre-Neuve pourrait
établir le précédent pour l'ensemble du pays?
M. Alan Alexandroff: Il a cette possibilité, mais ne vous
laissez pas obnubiler par l'obligation internationale. Concentrez-
vous sur ce qui est le plus important, c'est-à-dire sur ce que veut
le gouvernement des habitants de Terre-Neuve et du Labrador. S'il
décide de s'engager sur une telle voie, c'est à vous,
parlementaires d'en discuter avec lui.
Il y a certainement une foule d'experts dans le domaine qui
sont parfaitement prêts à faire des commentaires et à expliquer ce
que sont nos obligations. Vous pouvez en discuter au sein de ce
comité, mais vous pouvez aussi le faire ailleurs. Je crois que
c'est parfaitement justifié de le faire, et que vous devriez le
faire. J'espère vous avoir aidé lorsque j'ai discuté de certaines
de ces obligations internationales à l'époque de l'examen de la
législation sur les brevets.
Vous avez donc les ressources nécessaires pour obtenir une
interprétation. Je n'insisterai pas sur le fait que si certaines
décisions ne sont pas prises, le Canada risque de se trouver dans
une situation difficile à la suite des obligations qu'il a
acceptées. C'est un point à ne jamais perdre de vue lorsque vous
signez un accord.
Le président: C'est pourquoi nous appelons cela la
judicialisation de ces accords. Dans le passé, les accords
commerciaux étaient assez vagues car les gouvernements ne voulaient
pas tomber dans des pièges, et ils signaient donc des accords,
sachant sciemment qu'ils ne seraient pas obligés de les respecter.
Mais maintenant que vous avez des tribunaux qui peuvent les
appliquer comme ils le font, notamment pour le chapitre 11, ce que
beaucoup de gens voulaient, les gouvernements s'aperçoivent qu'ils
doivent faire face à des décisions qui ne leur plaisent pas.
Pourtant, il s'agit simplement de faire respecter les obligations
prévues par les accords signés. C'est bien cela que vous voulez
dire?
M. Alan Alexandroff: Tout à fait.
Le président: Oui.
Madame Weston.
Mme Ann Weston: Je voudrais faire deux remarques.
Premièrement, peu importe que le gouvernement de Terre-Neuve
accorde un droit ou pas. Ce dont nous parlons aujourd'hui c'est de
savoir si nous allons signer des accords internationaux. Cela
signifie que si le gouvernement de Terre-Neuve accordait un tel
droit, nous nous retrouverions soumis à d'autres obligations à
l'égard de sociétés privées d'autres pays.
• 1155
Ce dont nous parlons aujourd'hui, c'est de la Zone de libre-
échange des Amériques. Je crois que nous sommes tous d'accord pour
dire, que cela a posé un problème dans l'ALENA et que nous ne
devrions pas recommander qu'on utilise le même processus dans la
ZLEA ou dans l'OMC. Bien sûr, nous voulons des garanties pour nos
investisseurs étrangers dans les Amériques—autrement dit, les
investisseurs canadiens—mais nous ne sommes pas obligés d'aller
aussi loin que les dispositions du chapitre 11 pour accroître la
sécurité des investissements, car à mon avis, cela nous a coûté
terriblement cher sur le plan national.
Le président: Puisque M. Alexandroff est là et puisque nous
entendons tant parler du chapitre 11, laissez-moi dire ceci au
groupe. Je regrette que M. Martin soit parti. Il y a un malentendu
sur le fonctionnement du chapitre 11 et sur les obligations qu'il
convient.
Reportez-vous à l'affaire du MMT, qui est citée ad nauseam, ou
à l'affaire de l'eau. Il me semble que dans le premier cas, nous
avions accepté l'obligation de ne pratiquer aucune discrimination.
Nous n'avions pas dit que nous ne prendrions pas de dispositions
législatives sur le plan environnemental. Nous avons le droit de le
faire, mais nous n'avons pas le droit de pratiquer la
discrimination à l'égard des autres signataires du traité lorsque
nous légiférons. L'affaire du MMT était une affaire de
discrimination car l'Alberta et la Colombie-Britannique
autorisaient les Canadiens à utiliser l'adjuvant alors que nous
voulions interdire aux Américains d'en faire autant. C'est donc
devenu une question de discrimination. Nous ne nous interdisons pas
de légiférer; ce que nous nous interdisons, c'est de pratiquer la
discrimination. Ce n'est pas du tout la même chose.
Mais le problème soulevé par Mme Weston, et que le comité doit
reconnaître, est qu'en vertu de notre Constitution, nous n'avons
pas le pouvoir d'en empêcher les éléments constitutifs, autrement
dit, les provinces, de pratiquer la discrimination. Donc, il serait
stupide de notre part de conclure des accords de ce genre car nous
nous retrouvons alors liés par une obligation internationale dont
nous aurons ensuite à nous repentir. C'est ce qui s'est produit
dans le cas du MMT. Nous nous sommes imposés une obligation mais
une province est passée outre. La même chose pourrait se produire
dans le cas de l'eau.
M. Alan Alexandroff: Je ne pense pas que le cas de Terre-Neuve
soit étranger au sujet. Cette province fait partie du Dominion. Si
elle décide de donner suite à ses intentions tout en sachant que
cela pourrait fort bien obliger tout le reste du Canada à suivre
son exemple, c'est à l'ensemble de la nation d'en discuter.
Le président: C'est exact.
M. Alan Alexandroff: Mais l'idée que nous nous abstenions de
conclure de tels accords parce que nous pensons qu'il pourrait se
passer quelque chose à l'avenir revient pour moi à dire que nous ne
tirerons aucun avantage de ces mêmes accords, et là, je ne vous
suis plus. Étant donné le point où nous en sommes de notre
développement économique et de nos relations commerciales et
financières, nous en retirons beaucoup d'avantages. Y a-t-il des
questions à examiner et des points dont il faut se méfier?
Certainement. La question ne se pose pas seulement pour l'eau, mais
aussi pour les soins médicaux privés, et il y a une foule d'autres
situations possibles. À mon avis, c'est surtout une question de
discussions internes entre les divers éléments du Dominion.
[Français]
Le président: D'accord. Le dernier mot
est à Mme Lalonde.
Mme Francine Lalonde: Je veux ajouter
là-dessus qu'on a eu des témoins qui nous ont aussi
dit que ceux qui avaient écrit le chapitre 11,
si on prend à titre d'exemple la clause sur l'expropriation,
n'avaient jamais pensé
qu'elle serait interprétée de façon aussi large. Or,
un des problèmes qu'on a avec le chapitre 11 et
son application, c'est que rien n'est public et qu'on
n'est même pas capable de bâtir une vraie
jurisprudence. Alors, il y a un vrai problème là.
C'est comme si les pays avaient signé un
accord, que, soudainement, l'accord qu'ils avaient signé
de bonne foi se transformait et devenait une tout
autre chose et qu'ils n'avaient plus de recours contre
ça. C'est la raison pour laquelle un
certain nombre de gens ont dit qu'il ne fallait pas partir du
chapitre 11 tel qu'il est présentement, parce
qu'on a eu de trop
mauvaises expériences.
[Traduction]
M. Alan Alexandroff: Je ne suis pas certain de ce que vous
entendez par une mauvaise expérience. Depuis que le chapitre 11 a
été mis en...
Le président: Nous avons perdu et nous avons été obligés de
payer. C'est donc une mauvaise expérience.
M. Alan Alexandroff: Bien. Pour des députés, c'est
certainement une mauvaise expérience.
Le président: Pour le trésor canadien.
M. Alan Alexandroff: J'accepte votre interprétation. N'avait-
on pas envisagé cela? Peut-être est-il vrai que les décideurs
canadiens croient que cette protection vise essentiellement le
Mexique. Je regrette de devoir vous le rappeler, mais il s'agit de
droits réciproques, et les Canadiens viennent de se rendre compte
que les obligations que nous imposons aux autres sont également des
obligations pour nous-mêmes. Il n'est pas question de s'y
soustraire.
À mon avis, il ne s'agit pas d'interprétation trop large dans
le cas des décisions prises dans l'affaire S.D. Myers et dans
l'affaire Metalclad, ni aucune des autres affaires de ce genre. Je
ne pense pas qu'il s'agisse d'internationalistes farouches. Je
crois qu'il s'agit de situations relativement précises.
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Mais on ne peut pas les
lire. C'est ça, le problème.
[Traduction]
M. Alan Alexandroff: Oui, vous pouvez le faire.
Mme Francine Lalonde: Les décisions pour les États-Unis, pas
pour le Canada.
M. Alan Alexandroff: Les décisions paraissent sur le site Web.
Vous pouvez y lire les décisions concernant Metalclad et S.D.
Meyers. Toutes ces décisions sont accessibles.
Ce qui ne l'est pas, cependant...
Mme Francine Lalonde: Sur le site de l'USTR.
Le président: Cela n'a pas d'importance. Vous pouvez obtenir
les décisions.
M. Alan Alexandroff: Mais elles ne sont pas dans le...
[Français]
Mme Francine Lalonde: Mais pas au Canada.
[Traduction]
M. Alan Alexandroff: Effectivement, le seul pays qui maintient
le secret de ses décisions est le Mexique. Le Canada et les États-
Unis sont convenus que les décisions du tribunal doivent être
rendues publiques. Seul le Mexique s'est réservé le droit de ne pas
le faire. La réponse est donc que les décisions, les plaidoyers et
les plaintes sont tous accessibles.
Le président: Nous en avons utilisé quelques-uns dans le cours
que j'ai enseigné en janvier à la faculté de médecine. Vous voyez.
Mes chers collègues, je déclare la séance levée.
Vous serez soulagés d'apprendre que nous n'avons pas de
réunion cet après-midi.
Nous reprendrons mardi matin à 9 heures.
Nous estimons en effet qu'il est très important que les
processus d'intégration existants en Amérique latine soient
respectés, tout comme la prise en considération des dettes. Il ne
nous paraît pas possible que ce processus puisse déboucher si nous
n'abordons pas au cours d'une conférence préliminaire ces deux
questions que je considère, comme tous les pays de l'Amérique
latine, très importantes.
Voilà, monsieur le président.
Cela me paraît inquiétant, car nous sommes une société civile.
Nous ne comparaissons pas devant le comité simplement pour exprimer
notre colère; vous devez tenir compte de ce que nous disons,
réfléchir à la question et reconnaître que d'une certaine façon
nous sommes plus représentatifs de la société. Une constante, ici
comme au sein d'autres comités du gouvernement, c'est cette
réplique qui revient toujours—le mantra du libre-échange qui doit
être encouragé et ne rencontrer aucun obstacle quand notre
gouvernement envisage ses négociations commerciales.
Comme vous le dites, lorsque nous parlons de libre-échange,
nous parlons peut-être de la libéralisation du commerce, mais nous
ne nous interrogeons pas sur ce qu'il adviendra de la main-
d'oeuvre. Est-ce que l'accord profitera aussi aux travailleurs?
Est-ce qu'il imposera des conditions et des décisions pour protéger
les populations contre ce qui risque de se produire si les échanges
commerciaux s'intensifient et que nous devons ajouter des usines,
par exemple? Ce sont là des aspects que chacun doit connaître,
parce qu'ils touchent notre sécurité et notre santé. Nous ignorons
les possibilités multidimensionnelles qui pourraient découler de
cet accord.
Nous pouvons tous nous prélasser dans le confort de notre
petite démocratie, ici, au Canada et affirmer «Nous sommes élus,
nous sommes des démocrates et nous faisons tout ce qui est bien».
En réalité, compte tenu des nouvelles technologies, le monde évolue
si rapidement que nous devons passer à ce niveau supérieur. Nous
devons veiller à ce que des règles appropriées soient adoptées
parce que nous voulons protéger la population—la nôtre et celle
d'autres pays.
Deuxièmement, quelle protection faut-il assurer aux
investisseurs canadiens? Et pourquoi cet aspect est-il important?
Le ministre Pettigrew a déclaré entre autres qu'il espérait que ces
négociations pourraient mener à l'instauration d'un nouveau cadre
au sein duquel les entreprises et entités canadiennes auraient
l'occasion de faire du commerce et d'investir et que, ce faisant,
elles nous aideraient à atténuer notre dépendance à l'égard des
États-Unis. C'est un objectif raisonnable, il me semble.
Finalement, l'article 1102 est la base de l'obligation de
traitement national que le Canada a acceptée non seulement dans le
cadre de l'ALENA mais aussi à l'OMC et partout où il s'est engagé
en vertu d'ententes internationales générales.
Mais cette évolution, ce changement, ne se produit pas
seulement grâce à ce moteur. Il y a eu un changement d'attitude et
de perception au sein des autres gouvernements d'Amérique latine,
qui sont passés d'un enthousiasme naïf à l'égard de la ZLEA à un
obstructionnisme buté que nous avons utilisé, il y a deux ou trois
ans, pour obtenir un engagement plus constructif et un regain
d'intérêt.
L'Amérique latine veut aussi, maintenant, en termes généraux,
obtenir une sorte de dédommagement après la déception causée par le
processus de l'OMC, considéré comme favorisant les pays
industrialisés et ne tenant pas compte des intérêts des pays en
développement.
Nous sommes beaucoup plus transparents au sein de l'OMC elle-
même. Nous avons parlé de la nécessité de faire de la ZLEA une
sorte d'OMC élargie, pour qu'elle soit vraiment valable. À l'OMC,
vous trouvez sur le site Web les propositions d'un certain nombre
de gouvernements sur toute une gamme de questions. Je ne dis pas
que les textes définitifs ni même les ébauches de texte sont
affichés, mais nous avons certainement une information beaucoup
plus complète à l'OMC. Pourtant, pour une raison quelconque, dans
le cadre du processus de la ZLEA, nous n'avons même pas accès aux
propositions détaillées du gouvernement. J'espère donc que votre
comité recommandera un changement à cet égard.
Que signifie tout cela? Je crois que cela signifie que dans
certains cas, il y a des pays qui ont non seulement besoin de plus
de temps pour appliquer les mêmes règlements que ceux que nous
allons adopter au Canada et aux États-Unis, mais qu'ils n'ont peut-
être pas non plus besoin de prendre des engagements aussi
contraignants. Ajoutons qu'ils auront besoin d'une aide technique
dans le domaine du commerce.
Une fois que vous l'aurez fait, vous pourrez étendre et
accélérer la réduction des tarifs douaniers. Plutôt que d'essayer
de trouver tous les moyens imaginables d'exclure différents
secteurs, on pourrait hâter la réduction des tarifs, étendre la
négociation des services en ce qui concerne la ZLEA et structurer
tout cela de manière différente de ce qui a été fait à l'OMC.
Voilà mes trois questions.
Une des raisons pour lesquelles mon parti hésite à ce que vous
vous engagiez dans d'autres accords de libéralisation des échanges,
est qu'il a l'impression que certains pensent que les principes
démocratiques sont trop répandus dans le monde et que cela nuit au
libre mouvement des capitaux ou des biens et services. C'est ce qui
est ressorti des remarques de Ruggiero lui-même à l'AMI. À
l'époque, lorsqu'il a fait ce genre de commentaire, il était chef
de l'OMC.
Je n'ai en fait jamais vu le site de cette unité—j'ai
récemment appris que le site de l'OEA-SICE (Organisation des États
américains-Système d'information sur le commerce extérieur) avait
été refait—même si je ne l'ai pas visité, je ne crois pas me
tromper en disant que vous ne trouveriez pas autant d'informations
sur les positions des différents pays et sur une foule d'autres
choses que vous en découvririez aujourd'hui si vous visitiez le
site de l'OMC.
Je ne partage pas la paranoïa de M. Martin au sujet des
accords de libre-échange actuels ou futurs. Je crois cependant que
beaucoup de Canadiens s'inquiètent de l'incapacité de notre pays à
se remettre des erreurs passées ou futures qui peuvent être
commises dans le cadre de ces traités exécutoires.
Je crois que le comité devrait déclarer clairement que nous
avons probablement commis une erreur dans l'ALENA. Il s'agit de
savoir si nous pouvons régler ce problème.