FAIT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 6 mai 2002
¿ | 0915 |
La présidente (Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.)) |
¿ | 0920 |
¿ | 0925 |
M. James Fergusson (directeur adjoint du Centre for Defence and Security Studies, Université du Manitoba) |
¿ | 0930 |
La présidente |
¿ | 0935 |
M. George MacLean (professeur associé, département de science politique, Université du Manitoba) |
¿ | 0940 |
¿ | 0945 |
La présidente |
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) |
La présidente |
M. Pat Martin |
M. James Fergusson |
M. Pat Martin |
M. James Fergusson |
M. Pat Martin |
¿ | 0950 |
M. James Fergusson |
M. Pat Martin |
La présidente |
M. Pat Martin |
M. James Fergusson |
M. Pat Martin |
M. George MacLean |
¿ | 0955 |
M. Pat Martin |
M. George MacLean |
La présidente |
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.) |
M. George MacLean |
À | 1000 |
M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.) |
M. George MacLean |
À | 1005 |
M. Sarkis Assadourian |
M. George MacLean |
M. Sarkis Assadourian |
M. George MacLean |
M. Sarkis Assadourian |
M. George MacLean |
À | 1010 |
La présidente |
M. Pat Martin |
M. George MacLean |
À | 1015 |
La présidente |
À | 1020 |
M. James Fergusson |
À | 1025 |
La présidente |
M. George MacLean |
La présidente |
À | 1030 |
M. Jim Cornelius (directeur général, Banque de céréales vivrières du Canada) |
À | 1035 |
La présidente |
M. Stuart Clark (conseiller principal en politiques, Banque de céréales vivrières du Canada) |
À | 1040 |
À | 1045 |
La présidente |
M. Jim Cornelius |
À | 1050 |
M. Stuart Clark |
La présidente |
M. Stuart Clark |
À | 1055 |
La présidente |
M. Stuart Clark |
La présidente |
M. Sarkis Assadourian |
M. Jim Cornelius |
Á | 1100 |
La présidente |
Mme Anita Neville |
M. Stuart Clark |
Á | 1105 |
La présidente |
M. Stuart Clark |
M. Jim Cornelius |
La présidente |
M. Stuart Clark |
La présidente |
M. Jim Cornelius |
La présidente |
La présidente |
Á | 1110 |
M. Larry Hill (directeur, conseil d'administration, Commission canadienne du blé) |
Á | 1115 |
Á | 1120 |
Á | 1125 |
La présidente |
M. Victor Jarjour (vice-président, Politiques et planification stratégique, Commission canadienne du blé) |
La présidente |
M. Pat Martin |
M. Larry Hill |
M. Pat Martin |
M. Larry Hill |
M. Pat Martin |
Á | 1130 |
La présidente |
Mme Anita Neville |
M. Larry Hill |
M. Sarkis Assadourian |
M. Larry Hill |
M. Victor Jarjour |
Mme Anita Neville |
La présidente |
M. Sarkis Assadourian |
M. Larry Hill |
M. Sarkis Assadourian |
M. Larry Hill |
Á | 1135 |
La présidente |
M. Larry Hill |
M. Victor Jarjour |
Á | 1140 |
La présidente |
M. Pat Martin |
M. Larry Hill |
Á | 1145 |
La présidente |
M. Larry Hill |
La présidente |
M. Rob Hilliard (président, Fédération du travail du Manitoba) |
Á | 1150 |
Á | 1155 |
La présidente |
M. Rob Hilliard |
La présidente |
M. Pat Martin |
 | 1200 |
M. Rob Hilliard |
 | 1205 |
M. Pat Martin |
M. Rob Hilliard |
M. Pat Martin |
 | 1210 |
La présidente |
M. Rob Hilliard |
La présidente |
M. Rob Hilliard |
La présidente |
 | 1215 |
M. Rob Hilliard |
La présidente |
M. Rob Hilliard |
La présidente |
M. Rob Hilliard |
La présidente |
M. Rob Hilliard |
La présidente |
M. Rob Hilliard |
La présidente |
CANADA
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le lundi 6 mai 2002
[Enregistrement électronique]
¿ (0915)
[Traduction]
La présidente (Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.)): Bonjour.
L'ordre du jour est: conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, audience publique pour l'étude de l'intégration nord-américaine et le rôle du Canada face aux nouveaux défis que pose la sécurité et pour l'étude du programme du Sommet du G8 de 2002.
Nous recevons aujourd'hui deux témoins de l'Université du Manitoba: James Fergusson, directeur adjoint du Centre for Defence and Security Studies, et George MacLean, professeur associé, Département de science politique.
¿ (0920)
Nous tenons à signaler aux témoins que nous poursuivons nos études de deux plans d'action très importants que le Canada devra mettre en oeuvre pour remplir son rôle à l'échelle mondiale et à celle du continent nord-américain. Nous estimons qu'il est essentiel de consulter directement des citoyens des diverses régions du pays au sujet des principaux défis que nous aurons à relever en politique étrangère, dans le contexte de la réunion du G8, qui aura lieu prochainement, et dans le cadre de nos relations avec nos voisins du continent nord-américain.
Le Canada assume la présidence du G8 cette année et nous organiserons le Sommet à la fin de juin à Kananaskis (Alberta). Outre la situation économique mondiale et la lutte internationale contre le terrorisme, le Canada met particulièrement l'accent sur un agenda pour l'Afrique axé sur l'initiative africaine pour un nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique.
Les audiences du comité sur le programme du Sommet du G8 et sur l'orientation que devraient prendre nos relations avec les autres pays d'Amérique du Nord sont menées de front pour gagner du temps et pour des raisons d'ordre budgétaire. Nous avons déjà tenu des audiences dans la région de l'Atlantique, au Québec et à Ottawa. Cette semaine, pour clôturer ce processus de consultations à l'échelle nationale, un groupe de membres du comité est aujourd'hui à Winnipeg puis ira en Ontario—à Toronto et à Windsor—tandis qu'un autre groupe se trouve dans les trois autres provinces de l'Ouest. Le comité est donc scindé en deux groupes.
En ce qui concerne les questions à l'ordre du jour du G8, le comité déposera son rapport à la fin du mois avant les dernières réunions préparatoires finales du Sommet. En ce qui concerne l'étude portant sur l'Amérique du Nord, nous comptons examiner tous les aspects des liens trilatéraux Canada-États-Unis et Canada-Mexique et présenter un rapport final cet automne.
Nous vous remercions d'être venus témoigner ce matin et de faire l'effort de participer à nos délibérations. Nous espérons que ce sera un dialogue permanent, que vous continuerez à participer au processus dans lequel nous sommes engagés et que vous resterez en contact avec nous. Vous avez déjà participé à certaines de nos audiences. C'est toujours avec grand plaisir que nous écoutons vos sages suggestions et je suis certaine que vous en aurez encore à faire ce matin.
Soyez les bienvenus. Vous avez la parole.
Je ne sais pas exactement qui prendra la parole le premier. D'accord, monsieur Fergusson.
¿ (0925)
M. James Fergusson (directeur adjoint du Centre for Defence and Security Studies, Université du Manitoba): Je vous remercie. C'est un plaisir d'être à nouveau parmi vous.
Je serai relativement bref. Le sujet principal de mon exposé est, bien entendu, le volet défense et sécurité de la question de l'intégration nord-américaine.
Je crois qu'on peut dire qu'avant le 11 septembre, cette question, si elle faisait partie du plan d'action politique, était principalement axée sur les préoccupations économiques dans le contexte de l'Accord de libre-échange—l'ALENA—et sur les avantages et les inconvénients de l'adoption du dollar américain. À mon avis, il s'agissait surtout d'un plan d'action économique.
En ce qui concerne la défense et la sécurité, la seule question retenue était, ironiquement, l'avenir de la coopération entre le Canada et les États-Unis axée sur le NORAD et l'avenir du NORAD dans le contexte de l'instauration d'un système de défense antimissiles déployé et opérationnel pour l'Amérique, c'est-à-dire les États-Unis, Hawaï et l'Alaska. Au Canada, le débat était principalement axé sur l'avenir du NORAD au cas où, dans certaines circonstances, le Canada déciderait de ne pas participer ou n'était pas invité à participer aux ententes sur le commandement et le contrôle et à d'autres volets du système. On peut donc dire que, alors que le volet économique évoluait vers l'intégration, le volet défense et sécurité avait atteint en quelque sorte un point de désintégration ou de crainte de la désintégration.
Les circonstances ont changé à la suite des événements du 11 septembre; en effet, la sécurité a pris, du jour au lendemain, la position de tête dans l'agenda en matière d'intégration, si je puis m'exprimer ainsi, ou du moins les questions concernant l'harmonisation des diverses politiques de sécurité canadiennes et américaines.
Depuis lors, plusieurs événements se sont produits. Les États-Unis se sont retirés du Traité sur les missiles antimissiles balistiques (ABM) qui posait des problèmes en ce qui concerne le Canada. C'est une autre question que l'on a perdue de vue dans le contexte du nouveau programme en matière de sécurité pour l'Amérique du Nord et, en l'occurrence, pour la planète. En outre, divers problèmes ont émergé à l'occasion de l'annonce récente de l'intégration du Commandement du Nord américain au plan de commandement unifié.
Je crois que l'on craint que—et je mettrai principalement l'accent sur deux petits points—, étant donné que la situation a évolué et que l'attention s'est portée assez rapidement sur la sécurité et l'intégration, la sécurité du Canada soit en jeu. Les nouvelles initiatives prises aux États-Unis, depuis l'établissement d'un périmètre de sécurité, l'harmonisation de nos politiques d'immigration et les contrôles frontaliers jusqu'au Commandement du Nord, font peser de lourdes menaces sur la souveraineté canadienne.
La deuxième préoccupation et un des facteurs qui menaceraient la souveraineté canadienne est que les États-Unis dicteront ou dictent leurs volontés au Canada et que le Canada n'aurait pratiquement pas le choix et devrait s'y soumettre. La conclusion implicite de ces considérations est que l'objectif à moyen ou à long terme des États-Unis devrait être l'intégration proprement dite.
En ce qui me concerne, ce sont de purs mythes. La souveraineté du Canada n'est pas en jeu du tout dans le contexte de la coopération en matière de sécurité et de défense. Notre coopération avec les États-Unis, qui sont nos plus proches amis et alliés, a toujours reposé sur le principe qu'elle contribue dans une large mesure à maintenir la souveraineté canadienne à un coût raisonnable, tant sur le plan financier que sur le plan politique. Le NORAD, depuis la fin des années 40 jusqu'à son institutionnalisation en 1958, ainsi que d'autres volets de la coopération canado-américaine en matière de défense et de sécurité, ont toujours reposé sur les avantages qu'il présente pour le Canada et pour l'indépendance canadienne. Ce principe est toujours valable, même après les événements du 11 septembre.
Il est important que le comité et les Canadiens comprennent que notre présence internationale et la place que nous occupons dans les opérations de maintien de la paix, dont nous avons d'ailleurs tout lieu d'être fiers, sont possibles dans une large mesure grâce aux avantages de notre coopération avec les États-Unis. Je ferai volontiers d'autres commentaires à ce sujet tout à l'heure.
À ce propos, je signale que les États-Unis ne dictent pas leurs volontés au Canada, qu'ils ne le feront pas et qu'ils ne l'ont jamais fait ou tenté de le faire. Bien entendu, les États-Unis exposent leur conception de leurs intérêts nationaux, plus particulièrement en matière de sécurité. Comme nation souveraine, le Canada fait valoir également ses intérêts nationaux et ses intérêts en matière de sécurité dans le cadre des discussions avec les États-Unis.
Étant donné que le Canada s'enorgueillit d'être partisan du multilatéralisme, de rechercher le consensus, de négocier et de chercher un moyen terme, dans le cadre de toute négociation en vue d'un accord, même avec les États-Unis, il doit examiner le même type de questions et de problèmes. La crainte que les États-Unis dictent leurs volontés est totalement injustifiée, ne fût-ce que parce que nous partageons les mêmes intérêts dans le contexte des menaces qui pèsent sur l'Amérique du Nord, surtout celles qui sont liées à des actes terroristes dirigés contre les États-Unis ou contre le Canada.
À ce propos, il est important de réaliser pleinement que toute menace qui pèse sur la zone continentale des États-Unis, sur les villes américaines, sur le commerce américain ou sur l'économie américaine, due à des actes terroristes ou à d'autres facteurs, constitue aussi une menace fondamentale pour nos intérêts nationaux et notre sécurité nationale. C'est à mon avis une des principales causes de la nécessité de s'intégrer, si vous me permettez d'utiliser ce terme de façon très générale, ou de coopérer avec les États-Unis alors qu'ils prennent des mesures pour renforcer leur sécurité dans le cadre du Homeland Security et du Commandement du Nord et que nous essayons de faire de même.
Nous devrions tenter de concentrer notre attention sur les points communs et les questions vraiment importantes au lieu de paniquer en pensant que les États-Unis nous dictent leurs volontés et que le Commandement du Nord asservira le Canada. C'est tout aussi faux que de penser que le Commandement en Europe asservit les Européens, que le Commandement central asservit tout le Moyen-Orient et que le Commandement du Pacifique asservit la Chine. Ce sont pures foutaises et balivernes.
Il faudra de nombreuses années aux États-Unis pour mettre de l'ordre dans leur sécurité comme il faudra du temps au Canada pour régler divers aspects de la coopération entre les ministères fédéraux et provinciaux de la Défense et les autres ministères fédéraux et provinciaux. Ce sont des processus qui devront se dérouler à l'échelle interne et à l'échelle bilatérale pour tenter de déterminer jusqu'où ira la coopération et dans quelle mesure il convient d'abandonner le modèle actuel, axé uniquement sur le NORAD, pour adopter d'autres modèles.
C'est sur cette note que se termine mon exposé. Je vous remercie.
¿ (0930)
La présidente: Merci.
Monsieur MacLean.
¿ (0935)
M. George MacLean (professeur associé, département de science politique, Université du Manitoba): Je vous suis très reconnaissant pour cette occasion de participer à vos délibérations.
Alors que mon collègue a parlé de sécurité et de défense, je voudrais adopter quelques autres aspects de l'intégration nord-américaine qui concernent les relations économiques.
En ce qui concerne les affaires étrangères, la configuration et le contexte de la communauté nord-américaine émergente sont influencés par deux facteurs qui, tout en étant distincts, sont pourtant étroitement liés. Les intérêts véritables du Canada dans la région sont, bien entendu, définis par la nature de ses relations avec les États-Unis. Ces relations dépendent à maints égards de notre détermination, étant donné le peu d'attention que porte le gouvernement de Washington au Canada. Cependant, si nous pouvons avoir une influence décisive sur la nature de nos relations avec les États-Unis, surtout par l'importance que nous décidons d'accorder à nos relations bilatérales, les résultats de ces relations seront déterminés par le degré d'engagement réciproque des États-Unis. En l'occurrence, le Canada a donc tout intérêt à ne laisser passer aucune occasion de souligner le caractère très particulier de son association avec les États-Unis.
Les initiatives concernant les relations bilatérales ont tendance à venir d'Ottawa et non de Washington, dans une large mesure grâce à la perspicacité de nos représentants au sein du gouvernement. Cependant, les intérêts canadiens dans le cadre des relations bilatérales peuvent et seront compromis à coup sûr si Washington prend diverses initiatives ou s'il a quelques attentes, comme on peu le prévoir.
L'autre facteur concerne les autres pays d'Amérique du Nord et, de plus en plus, de l'hémisphère. Dans ce contexte plus général, la meilleure tactique pour servir les intérêts du Canada en matière de relations extérieures réside dans le multilatéralisme, surtout pour se prémunir contre une éventuelle politique unique d'intégration à l'échelle de l'hémisphère élaborée et mise en oeuvre par les États-Unis.
En bref, le Canada doit réaliser un compromis et concilier l'attention capitale qu'il doit accorder à ses relations bilatérales avec les États-Unis avec la nécessité de jouer un rôle plus important dans l'hémisphère. En fait, malgré l'interprétation typique d'une vision continentale fondée sur un certain recul par rapport aux obligations multilatérales, la nouvelle communauté qui verra le jour dans l'hémisphère permettra de concilier des intérêts bilatéraux et des visions continentales dans le contexte de la politique extérieure du Canada.
J'ai réparti mes autres observations en deux groupes. Je voudrais en premier lieu faire des commentaires d'ordre général sur les intérêts canadiens dans le contexte de l'intégration nord-américaine. Je ferai ensuite des observations précises sur la politique économique extérieure canadienne dans la région.
Malgré les critiques dont a fait l'objet la politique d'intégration canadienne, le Canada est parvenu à protéger ses intérêts tout en atteignant certains objectifs. Je me dois de mentionner que la plupart des États d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud observent avec une certaine convoitise les relations étroites entre le Canada et les États-Unis tout en rappelant que de telles relations engendrent également des responsabilités.
Par exemple, dans le contexte de l'intégration économique à l'échelle de l'hémisphère, on a mentionné que la disposition du Canada à s'opposer parfois aux opinions des États-Unis lui donne l'occasion de remettre en question la politique américaine mieux que tout autre pays. Le Canada n'est donc pas dans une situation où il s'agit uniquement de faire un choix entre le bilatéralisme ou le continentalisme. En fait, la question est beaucoup plus complexe. Les visions sont complémentaires pour autant que le Canada ne perde pas ses objectifs de vue.
Le principal objectif du Canada, en ce qui concerne les relations bilatérales avec les États-Unis et la formation d'une nouvelle communauté dans la région est incontestablement lié à l'espace commercial. Les autres objectifs ne sont pas négligés pour autant. En fait, ils sont souvent étroitement liés. Cependant, le Canada est une nation commerçante très dépendante de marchés d'exportation vigoureux et sa politique doit par conséquent refléter ses principaux objectifs économique.
Les échanges commerciaux du Canada avec les États-Unis représentent environ 87 p. 100 des échanges commerciaux globaux. Bien que la dépendance des États-Unis à l'égard du Canada soit beaucoup moins grande, étant donné que leurs échanges commerciaux avec le Canada ne représentent que 20 p. 100 de leurs échanges commerciaux globaux, il reste que le Canada est leur principal partenaire commercial. C'est donc un statut important si l'on tient compte de la diversité des partenaires commerciaux des États-Unis.
Je pense en outre que l'importance relative du Canada pour le gouvernement de Washington n'a pas diminué à la suite des événements du 11 septembre en dépit du degré d'attention moindre que le gouvernement Bush accordait au Canada et des craintes que ce changement a suscitées quant aux conséquences d'un déplacement du point d'équilibre des relations nord-américaines. Cependant, la réaction des États-Unis aux événements du 11 septembre a eu des répercussions profondes sur les relations commerciales bilatérales.
Par exemple, son incidence sur le partenariat Canada-États-Unis (PCEU) de 1999 a été double. Elle a d'abord eu une incidence sur les efforts de collaboration pour lutter contre les menaces externes auxquelles sont exposés les deux pays. Cette collaboration est indéniablement devenue plus urgente. À ce propos, on a, à diverses reprises, reproché au Canada d'avoir tantôt adopté une attitude de réserve et tantôt pris trop au sérieux son rôle antiterroriste.
L'autre incidence concerne les mouvements frontaliers étant donné que les initiatives du PCEU visant à rationaliser les formalités douanières et à collaborer en matière de contrôles frontaliers bilatéraux ont été perturbées par les préoccupations des États-Unis au sujet de la sécurité de ses frontières. Il ne faut toutefois pas mettre trop l'accent sur les événements du 11 septembre et leurs conséquences sur les relations commerciales bilatérales.
En fait, ces relations évoluaient considérablement depuis plusieurs années parce que le Canada est de plus en plus dépendant des échanges commerciaux avec les États-Unis depuis l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange (ALE) en 1989 et la réévaluation consécutive des liens commerciaux américains. D'autre part, alors que la part des échanges économiques américains avec le Canada a augmenté en chiffres absolus et que les niveaux proportionnels sont restés élevés, la diversification des échanges commerciaux des États-Unis est devenue la marque de leur approche depuis la mise en place de l'ALENA. C'est une des raisons pour lesquelles le Canada doit occuper une place de tout premier plan dans les négociations concernant la conclusion d'un accord de libre-échange des Amériques ou ALEA.
La perspective qu'outre les partenaires de l'ALENA, 31 pays cherchent à obtenir un accès accru au marché américain assorti des avantages du libre-échange n'est pas très encourageante en ce qui concerne les intérêts commerciaux bilatéraux du Canada. En bref, il faut tendre vers le multilatéralisme pour protéger les intérêts bilatéraux.
Il est en outre important de jauger les préoccupations de ceux qui pensent qu'un resserrement des liens commerciaux avec les États-Unis menacerait l'identité canadienne. Je dirais que le nationalisme économique est une idéologie qui est maintenant écartée par la plupart des pays et que si elle était remise à l'honneur, elle bouleverserait le niveau de vie et le mode de vie des Canadiens et des Canadiennes. Je pense qu'au Canada, le patriotisme repose davantage sur des valeurs communes fondées sur l'héritage social, culturel et politique que sur des considérations économiques et commerciales.
Nous devons à mon avis faire face à une réalité économique, à savoir une intégration et un régionalisme accrus. C'est la réalité à laquelle on est confronté pas seulement en Amérique du Nord, mais en Asie et en Europe également. L'argument voulant que l'identité canadienne serait considérablement menacée par une intégration croissante avec les États-Unis en matière de commerce est sans fondement.
En ce qui concerne la politique économique extérieure du Canada, je pense que les objectifs à court terme du Canada en matière d'intégration économique nord-américaine devraient être axés sur la création d'un marché commun qui augmenterait la mobilité des produits et services et celle des travailleurs entre les trois pays partenaires de l'ALENA. Une union économique encore plus élaborée comme l'Union européenne n'est pas une perspective réaliste étant donné les défis particuliers que doit relever un pays en développement comme le Mexique. En outre, on ne sait pas très bien si l'harmonisation des politiques sociales ou monétaires du Canada et des États-Unis serait réalisable, voire souhaitable, surtout si l'on considère l'influence démesurée qu'auraient les États-Unis alors qu'en ce qui la concerne, l'Union européenne est formée de plusieurs puissances jouant un rôle déterminant et de nombreux États qui sont sur un pied d'égalité.
Le Canada et les États-Unis sont les principaux utilisateurs de règlements commerciaux comme ceux qui concernent les droits compensateurs, les mesures antidumping et les barrières non tarifaires. L'uniformisation des règlements en ce qui concerne les subventions et la concurrence entre les deux États réduirait considérablement la fréquence des recours à la réglementation commerciale. En outre, le Canada doit renforcer ses règlements en matière d'environnement et de ressources naturelles même si cela nécessite des négociations indépendantes avec les États-Unis, en dehors du contexte de l'ALENA.
Un ALENA ou même un Accord de libre-échange des Amériques à plusieurs vitesses est plausible et peut être avantageux. Dans le cadre de l'ALENA, et probablement dans celui du futur ALEA, les droits de propriété intellectuelle, la production et la mobilité de la main-d'oeuvre sont d'importants points de négociation pour le Canada. Ils ne doivent pas être négociés nécessairement dans la même arène.
En ce qui concerne les échéances, compte tenu des difficultés particulières liées à ces différentes questions, le Canada réclamerait une mise en oeuvre échelonnée des critères réglementaires en matière de subventions, de concurrence, d'environnement, de ressources, voire d'union douanière. Par exemple, l'établissement d'une éventuelle union douanière entre les partenaires de l'ALENA, en excluant toutefois les États membres d'un éventuel ALEA de la liste des pays non membres assujettis à des droits de douane extérieurs et à un régime réciproque de contingents, pourrait, d'une part, être le fondement d'un marché commun et atténuer les éventuels problèmes ou la mauvaise foi dans le contexte des négociations sur l'ALEA. L'harmonisation des objectifs pour une meilleure intégration pourrait ralentir le processus, voire compromettre la réussite dans d'autres domaines.
Il ne faut pas oublier qu'en ce qui concerne le Canada, une intégration accrue dans le contexte de l'ALENA ou de l'hémisphère se traduirait en fait par une intégration accrue avec les États-Unis. Par conséquent, le Canada doit déterminer les avantages que présenterait une telle intégration avec les États-Unis. Un marché commun améliorerait l'accès du Canada au commerce américain. Par contre, une union économique diminuerait probablement son influence et ses options. L'adoption d'une monnaie commune ne résoudrait pas nécessairement les problèmes associés à la vigueur actuelle du dollar canadien et réduirait considérablement la marge de manoeuvre du Canada en ce qui concerne les mesures monétaires et les taux d'intérêt.
Le cas de l'Argentine est intéressant en l'occurrence. Bien que les circonstances soient très différentes à maints égards en ce qui concerne le Canada, surtout en ce qui concerne la vigueur du marché économique et l'intégration avec les États-Unis, l'incapacité dans laquelle se trouve l'Argentine de régler seule sa crise monétaire actuelle est un symptôme des conséquences radicales de la dollarisation.
¿ (0940)
Un facteur important est que ces objectifs n'entrent pas en conflit avec les aspirations concernant l'instauration d'un accord de libre-échange des Amériques à l'échelle de l'hémisphère. Les principes qui sous-tendent les négociations en vue de l'ALEA n'excluent pas la possibilité d'une intégration accrue dans le contexte des accords régionaux existants ou entre États membres.
Je pense que nous pouvons poursuivre les négociations sur diverses questions avec les États-Unis et les partenaires de l'ALENA en prévoyant une mise en oeuvre échelonnée sans renoncer pour autant aux principes auxquels nous adhérons dans le contexte d'une union à l'échelle de l'hémisphère. En outre, ces objectifs ne réduiraient aucunement la capacité fonctionnelle du Canada dans le cadre de régimes économiques mondiaux comme celui de l'Organisation mondiale du commerce.
En conclusion, le Canada a l'habitude de poursuivre des objectifs bilatéraux en ayant recours au multilatéralisme. Dans bien des circonstances, l'utilisation de cet outil a généré des avantages importants pour le Canada. On peut procéder de cette façon pour réaliser une intégration régionale en Amérique du Nord, pour autant que le Canada ait établi des priorités quant à ses objectifs et adopte une approche réaliste.
Je vous remercie de votre attention.
¿ (0945)
La présidente: Merci beaucoup, monsieur MacLean. Vous nous donnez matière à discussion. Vous avez abordé plusieurs questions que mes collègues voudront certainement examiner de plus près avec vous et avec M. Fergusson.
Êtes-vous prêt à ouvrir la période des questions, monsieur Martin?
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Oui, madame la président.
Je m'excuse d'être arrivé en retard. J'ai commis l'erreur fatale d'aller faire un tour à mon bureau en passant.
La présidente: L'autre jour, je vous ai vu quitter le bureau à minuit et je me demandais ce que vous y faisiez à cette heure-là. Vous avez dû vous poser la même question à mon sujet.
M. Pat Martin: C'est exact. Si vous m'avez vu, c'est que vous étiez là vous aussi.
La présidente: Je vous remercie d'être là.
Allez-y.
M. Pat Martin: Merci, madame la présidente.
Je vous remercie, messieurs, pour les mémoires que vous avez présentés. Je regrette d'avoir manqué une partie du premier exposé dans lequel j'ai toutefois relevé des commentaires intéressants. Il est possible que les réponses à mes questions se trouvent déjà dans la première partie de votre exposé et je vous prie de m'excuser si je pose une question inutile.
Je crois que le point essentiel qui ressort de votre mémoire est que vous pensez que le Canada devrait participer à un futur système national de défense antimissiles. Est-ce que la formule de financement que vous prévoyez serait semblable à la formule appliquée actuellement au NORAD, à savoir 60 p. 100-40 p. 100? Est-ce bien cela?
M. James Fergusson: Étant donné que les États-Unis ont restructuré leur programme de défense antimissiles, on ne parle plus de «système national de défense antimissiles». En gros, les divers programmes y ont été intégrés.
En ce qui concerne la participation du Canada et les dispositions correspondantes en matière de financement, la proportion 60 p. 100-40 p. 100 des coûts est celle qui est généralement en vigueur au Canada, du moins en ce qui concerne les coûts d'installation permanente. Le Canada n'a jamais payé des coûts d'installation permanente aux États-Unis.
M. Pat Martin: Non, j'en suis conscient.
M. James Fergusson: À moins que le gouvernement ne décide de déployer des éléments de l'architecture en sol canadien, nous n'aurions pas à défrayer ce type de coûts.
M. Pat Martin: À propos du DNA, ne serait-il pas lié au projet grandiose de M. Bush qui consiste à lancer une nouvelle Guerre des étoiles? Quand on entend parler de DNA à Ottawa, sur la Colline, il s'agit du grand rêve de Ronald Reagan et de la vision de M. Bush concernant la Guerre des étoiles.
M. James Fergusson: Il ne s'agit pas de la Guerre des étoiles. Ce sont des questions qui dominent la conception générale que l'on se fait de la Guerre des étoiles ou du programme d'initiative de défense stratégique qui était en vigueur vers le milieu des années 90 où l'on envisageait le déploiement dans l'espace de systèmes de destruction par énergie cinétique, de projectiles très intelligents ou de lasers spatiaux. Le débat entourant ces volets d'un programme de défense antimissiles, que les Américains veulent indéniablement mettre en place, est assujetti à d'autres préoccupations liées à la vulnérabilité des engins spatiaux américains, à savoir de satellites dont le lancement est motivé à la fois par diverses autres raisons que la défense antimissiles.
D'autre part, la technologie pour ces types de systèmes nécessite au moins une dizaine d'années d'essais. Nous examinons actuellement la possibilité d'établir d'ici dix ans des systèmes terrestres complétés par des systèmes offshore, voire par des systèmes aériens de détection en phase de propulsion. Nous n'envisageons pas encore le lancement d'armes dans l'espace, à l'exception, bien entendu, du déploiement de nouveaux systèmes de satellites de détection lointaine et de poursuite qui sera échelonné sur les dix prochaines années. Il ne s'agit donc pas de Guerre des étoiles.
M. Pat Martin: Ce serait beaucoup plus difficile à faire accepter.
¿ (0950)
M. James Fergusson: En effet, et ce serait en outre beaucoup plus coûteux, comme on le sait. Je pense toutefois qu'on ne rendrait pas justice à l'architecture de défense antimissiles américaine ou à la conception américaine de la défense antimissiles en la qualifiant de «Guerre des étoiles» et en utilisant en ce XXIe siècle les mêmes arguments désuets que ceux qu'on invoquait dans les années 80.
M. Pat Martin: Madame la présidente, combien de temps ai-je pour ce premier tour de questions?
La présidente: Vous avez cinq minutes.
M. Pat Martin: Quel est l'arsenal actuel de missiles établi de l'autre côté de la frontière, près de Winnipeg? Est-ce qu'il a été partiellement démantelé ou est-il intact?
M. James Fergusson: Tout le champ de missiles, appelé champ de missiles de Grand Forks, qui était situé dans l'est du Dakota du Nord, a été démantelé, à ce que je sache. Le silo le plus proche du Canada était situé à une dizaine ou une vingtaine de milles au sud de la frontière et de nombreux autres silos couvraient toute la région est du Dakota du Nord mais ils ont été complètement démantelés au début des années 90, dans le cadre de la première série de pourparlers sur la réduction des armements stratégiques (START I). Le champ de Minot, situé dans l'ouest du Dakota du Nord, est à ma connaissance toujours opérationnel mais il sera probablement démantelé dans le cadre de START II et lorsque les réductions unilatérales toucheront les États-Unis. Je pense donc que d'ici environ cinq ans, il ne restera plus un seul missile dans le Dakota du Nord, ni de systèmes de bombardiers.
M. Pat Martin: C'est très intéressant.
Je voudrais consacrer les deux minutes qui me restent à une question concernant le deuxième exposé.
Plusieurs réticences des personnes qui ne sont pas aussi enthousiastes que vous en ce qui concerne la mondialisation et le libre-échange sont liées au fait que la plupart d'entre elles craignent précisément une résurgence du nationalisme économique, à propos duquel vous avez dit que c'est une idéologie qui a été abandonnée dans la plupart des pays.
À une certaine époque, il était de bon ton de déclarer que nous étions des nationalistes sur les plans économique, culturel et sur tous les autres plans et que nous étions fiers de l'être. Des hommes d'État comme Walter Gordon et Paul Martin père préconisaient vigoureusement des restrictions à la propriété étrangère dans nos secteurs industriels clés. Ils en étaient fiers. En fait, c'est peut-être la dernière période où le Canada gardait la tête haute dans les négociations.
Je me demande donc si votre point de vue est partagé par un grand nombre de personnes. Je n'ai pas très bien compris quelle est votre profession. Vous êtes professeur associé de science politique à l'Université du Manitoba. Je me demande si votre fanatisme est partagé par vos collègues ou s'il s'agit plutôt d'opinions strictement personnelles.
Je profiterai de la minute dont je dispose encore pour mentionner que cela m'inquiète que l'on puisse encore être un aussi fervent partisan du libre-échange à une époque où l'on nous demande d'être plus réalistes et de faire preuve de compréhension et de diplomatie au lieu d'être trop catégoriques. Votre exposé semble très affirmatif et frise l'agressivité, d'un bout à l'autre. Deux ou trois jours seulement nous séparent du Sommet du G8 à Kananaskis et l'on demande aux jeunes révoltés de se tenir cois alors que vous adoptez un ton très catégorique. C'est plutôt un commentaire qu'une question.
La question que je voudrais vous poser est la suivante. Paul Martin fils, le ministre des Finances, a accepté d'aborder la question de l'instauration d'une taxe Tobin dans le cadre du G8 parce que nous sommes le premier Parlement qui approuve ouvertement et vote en faveur de ce type de taxe. Étant donné le ton et la teneur de votre exposé, que pourrait faire le ministre des Finances, d'après vous, pour vanter les avantages d'une taxe Tobin à la prochaine réunion du G8?
M. George MacLean: Je ne pense pas que l'on puisse parler de fanatisme à propos de mon exposé.
La présidente: Défendez-vous avec acharnement!
M. George MacLean: Bien sûr.
Étant donné que vous sembliez ne pas savoir qui je suis, je trouve intéressant que vous ayez trouvé que j'étais plus militant que jamais. Je ne pense pas que vous puissiez qualifier mon exposé...
M. Pat Martin: Ou le groupe que vous représentez.
M. George MacLean: Je témoigne à titre personnel. Je ne défends les intérêts d'aucun groupe. Si vous réfléchissez au contexte dans lequel j'ai fait ces commentaires, vous constaterez que ce n'est pas du fanatisme mais plutôt du réalisme.
En fait, le contexte est que le Canada a une identité économique, qui est fondée sur des valeurs communes—qui ne coïncident pas toujours avec les valeurs économiques—, sur des systèmes politiques communs et sur des aspects sociaux et culturels qui nous caractérisent.
Je ne pense pas que les Canadiens identifient leur nation à une vision économique du monde. Cela ne veut pas dire qu'elle n'entre pas en ligne de compte. Je pense que si. Je ne pense toutefois pas que ce soit la principale motivation qui anime les valeurs auxquelles nous nous identifions. Je pense—et je mets l'accent sur les deux premiers mots—que les Canadiens partagent d'une façon générale la plupart des valeurs américaines en matière de libre-échange et de libéralisme économique mais ça ne veut pas nécessairement dire qu'ils leur accordent une importance démesurée.
Je pense notamment que nous devons sélectionner minutieusement les mesures que nous nous proposons de prendre et c'était le contexte dans lequel je faisais ces commentaires. Nous devons établir des priorités. Nous devons établir nos objectifs de façon précise et réaliste et identifier nos intérêts économiques nationaux. Nous ne devons pas mettre tous nos intérêts économiques dans le panier américain. Nous ne devons pas axer uniquement nos efforts sur l'ALENA ou sur l'Accord de libre-échange des Amériques. En fait, comme je l'ai mentionné, nous sommes parvenus avec beaucoup d'habileté à établir des relations bilatérales plus équilibrées que les autres pays.
¿ (0955)
M. Pat Martin: Jusqu'à l'affaire du bois d'oeuvre, du Farm Bill, des droits douaniers sur l'acier et du Pacte de l'automobile, peut-être.
M. George MacLean: Si vous me permettez de poursuivre, j'ajouterais que toute relation d'interdépendance économique est nécessairement exposée à des désaccords. À mon avis, la question du bois d'oeuvre de résineux n'a pas été bien intégrée aux mécanismes de libre échange. C'est une des difficultés que nous avons à surmonter pour régler une question comme celle-là. Je pense qu'en l'occurrence, il est indéniable que les arguments du Canada sont légaux et légitimes. Notre position à ce sujet—qui est d'ailleurs tout à fait justifiée—est que nous avons le droit légitime de procéder comme nous le faisons pour notre secteur du bois de résineux; elle n'est malheureusement pas partagée par les États-Unis. C'est le problème qui se pose lorsqu'on a affaire à un partenaire aussi puissant.
Cependant, les avantages que procure l'étroite interdépendance économique que nous avons avec les États-Unis nous forcent à réfléchir au multilatéralisme et à notre économie intérieure dans le contexte de nos intérêts globaux. C'est absolument nécessaire.
Un de mes arguments est que si nous envisageons une intégration accrue à l'échelle de l'hémisphère—et c'est ce que nous faisons, bien que nous n'assurions pas une présence et que nous n'ayons pas beaucoup d'influence dans l'hémisphère—, je suis convaincu que nous devons en tout temps maintenir une présence multilatérale pour tempérer les décisions prises à Washington. Étant donné que nous entretenons des relations d'interdépendance très étroites avec les États-Unis, on serait fort tenté de décider que nous n'avons pas à nous en préoccuper. C'est pourtant bien nécessaire.
Je pense qu'en ce qui concerne l'ALENA, nous sommes parvenus à éviter l'instauration d'un mécanisme en étoile comme celui que les Américains auraient voulu établir, à savoir des accords de libre-échange bilatéraux avec le Mexique, puis avec le Brésil, et ainsi de suite. Nous nous sommes affirmés et avons accepté de participer aux discussions en vue d'instaurer des relations bilatérales pour les transformer ensuite en relations multilatérales. Vers la fin des années 80 et au début des années 90, nous sommes parvenus à enrayer le processus d'établissement d'un système en étoile dans les Amériques. Nous devons continuer dans cette voie pour maintenir des relations vraiment multilatérales, même si nous sommes encore moins intégrés dans le contexte de l'Amérique que nous ne l'étions avec le Mexique.
En fait, je pense qu'en tant que nation, nous pouvons poursuivre des objectifs indépendants par le biais de mécanismes multilatéraux. C'est une erreur de suggérer de le faire par le biais du nationalisme économique ou d'un isolationnisme accru. Ce n'est pas ainsi qu'il faut procéder. Vous qualifiez cette attitude de fanatique. Je ne suis pas d'accord. Appelez ça comme vous voulez, mais je ne pense pas que ce soit de l'agressivité mais que c'est plutôt du réalisme.
La présidente: Merci.
Madame Neville.
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci.
J'écoute attentivement, monsieur MacLean, et je vous souhaite la bienvenue à tous deux. Nous avons eu beaucoup de contacts avec vous au cours des 12 derniers mois.
Je me demande si vous ne pourriez pas faire des commentaires plus précis sur le multilatéralisme et sur nos relations avec les États-Unis. Vous avez abordé ces sujets dans la réponse à la question de M. Martin, mais je voudrais savoir comment vous pensez que cela évoluera.
M. George MacLean: Je trouve que le multilatéralisme est en quelque sorte une idéologie. Ce que j'entends par là, c'est qu'il y a une croyance à sa base. La croyance que les Canadiens ont au sujet du multilatéralisme est que, grâce à la coopération de trois acteurs ou plus, on pourra atteindre des objectifs que l'on n'aurait pas été en mesure d'atteindre par ses propres moyens. C'est le cas de l'ALENA. Bien que nous n'ayons pas vraiment d'intérêts au Mexique en matière de commerce et d'investissement et que le Mexique en ait encore moins au Canada, nous avons actuellement un déficit commercial avec ce pays. Il n'est que de 14 milliards de dollars. C'est à cause de l'augmentation du prix du pétrole en 2000. L'importance de ces échanges diminuera probablement avec la baisse du prix du pétrole. Je pense que l'ALENA est un cas qui démontre qu'il est possible de défendre les intérêts économiques du Canada dans le contexte de relations multilatérales.
Comme puissance moyenne et comme puissance qui ne peut pas fixer les règles d'une intégration accrue, contrairement à la situation au sein de l'Europe par exemple, où même une puissance secondaire peut exercer une certaine influence sur les principaux acteurs, parce que plusieurs puissances exercent une influence déterminante sur les systèmes... On peut donc affirmer ses positions face aux Français, aux Allemands ou aux Britanniques. Par exemple, le Danemark ne réussit pas très bien à se positionner en ce qui concerne l'intégration monétaire à cause des Britanniques.
Ce type de multilatéralisme est différent dans le contexte nord-américain où l'on est en présence d'un acteur extrêmement puissant avec lequel tous les pays de l'hémisphère voudraient avoir des relations spéciales. Nous avons ces relations spéciales.
Je pense que si nous nous engagions davantage dans la voie de l'isolationnisme ou si nous nous cantonnions à des relations bilatérales sous prétexte que cela a donné de bons résultats, cet immobilisme comporterait des risques parce que le gouvernement des États-Unis emprunte de plus en plus la voie de la diversification des échanges commerciaux. Il ne laisse pas tomber le Canada. Au département du Commerce à Washington, on ne sous-estime pas l'importance du Canada, mais on met davantage l'accent sur la diversification. Comme partenaires commerciaux des États-Unis, le Japon et le Mexique occupent la deuxième place, après le Canada, même si le niveau de leurs échanges est beaucoup moins élevé. D'autres acteurs sont plus ou moins en vue alors qu'au Canada, ce sont les États-Unis qui occupent une place prépondérante alors que quelques autres acteurs occupent une place très secondaire.
Je pense que la tradition multilatérale qu'ont les Canadiens dans le domaine de la sécurité et de la défense nous place dans une position privilégiée. C'est à mon avis la seule option que nous ayons en matière d'intégration à l'échelle de l'hémisphère. Cette intégration est inévitable. En 2005, une sorte d'entente de principe aura été établie. Si, à la table de négociations, lorsqu'il s'agira d'exprimer nos desiderata, nous nous sommes entendus avec les autres pays pour présenter une vision commune, nous serons peut-être en mesure d'avoir notre mot à dire face à un acteur extrêmement puissant.
Les représentants des autres États d'Amérique du Sud et d'Amérique centrale estiment que c'est la responsabilité du Canada d'expliquer aux États-Unis que certains de leurs agissements sont inacceptables, malgré les relations d'interdépendance étroites et harmonieuses que nous avons avec eux. Ils estiment que ce n'est pas à eux de le faire et que le Canada est le seul à pouvoir le faire. De nombreux États, même des pays importants comme le Brésil et l'Argentine, sont préoccupés par la possibilité de tenir tête aux opinions américaines. Ils disent de plus en plus souvent que, comme nous avons des relations étroites avec les États-Unis, nous devons intercéder en leur faveur. Par conséquent, dans ce contexte multilatéral, nous avons un rôle très particulier et très important à jouer en raison des relations bien établies que nous avons avec les États-Unis.
La présidente: Merci.
À (1000)
M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Puis-je poser une petite question? Je m'excuse d'être en retard.
Je viens d'entendre votre dernier commentaire. Vous avez dit que nous devons intercéder auprès des Américains en faveur des pays d'Amérique du Sud. En fin de compte, nous en ferons les frais parce que les Sud-Américains nous annonceront un jour qu'ils ne veulent plus collaborer avec nous, même si c'était agréable. Que deviendrons-nous alors? C'est bien beau de ne pas mâcher ses mots, mais si l'on doit payer pour tous les autres pays situés au sud de la frontière, ça ne nous sera d'aucune utilité.
M. George MacLean: Je suis content que vous ayez fait cette remarque parce qu'elle me permet de préciser ma pensée que je n'avais manifestement pas exprimée de façon assez claire. Je n'insinue pas qu'un autre partenaire aux négociations sur la zone de libre-échange des Amériques demanderait au Canada d'intercéder pour lui auprès du gouvernement américain. Ce que je voulais dire, c'est que l'on a souvent signalé que le Canada était le pays le mieux placé pour faire valoir au nom des autres partenaires les principes sur lesquels doivent reposer les négociations sur la mobilité de la production, sur l'investissement ou sur la propriété intellectuelle, par exemple. Le Canada a des relations spéciales avec les États-Unis.
Il est inconcevable que le Canada renonce à ses principes, à ses valeurs, à ses aspirations ou à ses objectifs pour être le porte-parole d'un autre État de l'hémisphère. Ce que l'on veut dire, c'est que nous avons des relations très particulières en ce qui concerne l'intégration régionale au sein des Amériques, car même si nous n'exerçons pas une influence déterminante, nous avons un pouvoir secondaire qui... Certaines personnes pensent que, du moins dans le contexte actuel, nous sommes en train de perdre ce pouvoir. C'est absolument faux, à mon avis. Le Canada a non seulement la capacité mais aussi la responsabilité de se positionner autrement que certains partenaires moins influents.
Par exemple, lorsque nous avons suggéré qu'il est nécessaire de convertir un accord de libre-échange entre les États-Unis et le Mexique... L'ALENA représente en fait deux accords bilatéraux mais il s'agit d'une tribune multilatérale. Lorsque nous avons dit que, bien que nous n'ayons pas d'intérêts commerciaux au Mexique, nous voulions un cadre multilatéral parce que c'est la tendance actuelle dans l'hémisphère, nous avons vu cet environnement prendre forme. C'est donc la preuve de la responsabilité qui incombe au Canada en raison de ses antécédents multilatéraux. Ce sont des acteurs importants, mais nos intérêts économiques nationaux exigent notre présence pour pouvoir participer activement aux négociations sur ces principes. Sinon, nous risquons qu'un système en étoile soit établi. Si nous étions restés passifs et si nous avions laissé les États-Unis et le Mexique conclure un accord de libre-échange bilatéral dans les années 90, plutôt qu'un accord multilatéral, cela aurait eu des conséquences néfastes sur nos relations commerciales avec les États-Unis et elles se seraient dépréciées.
Je ne suggère pas que nous soyons les porte-parole des États d'Amérique du Sud et d'Amérique centrale. En fait, je ne suis même pas sûr qu'on nous le demande. Cependant, en vertu de divers principes et pour diverses raisons, nous sommes dans une position privilégiée par rapport aux autres partenaires et nous pouvons jouer un rôle qu'ils ne sont pas en mesure ou désireux de jouer.
À (1005)
M. Sarkis Assadourian: Nous défendons notre position depuis quatre ou cinq ans au sujet du bois d'oeuvre de résineux et vous savez ce que cela a donné. Nous avons perdu 100 000 emplois.
Est-ce que vous reliez le commerce du bois d'oeuvre à celui du gaz, du pétrole ou à d'autres secteurs? Cette question ne devrait être liée à aucune autre qui risque d'indisposer les Américains. Est-ce une bonne tactique de menacer les Américains d'imposer une taxe à l'exportation sur le gaz, par exemple, s'ils imposent une taxe sur le bois d'oeuvre? Pensez-vous que ce soit une bonne tactique ou qu'il faille éviter d'adopter de telles mesures de rétorsion?
M. George MacLean: Je pense que les mesures commerciales de rétorsion ne sont pas à recommander dans ce cas-ci. Je ne pense pas que notre position soit assez solide pour pouvoir jouer cette carte. Ce ne serait pas raisonnable. C'est une des questions qui nous préoccupent mais il ne faut pas mêler le bois d'oeuvre à d'autres secteurs et ce, pour diverses raisons. Je crois que cela pourrait causer de graves problèmes si l'on exerçait des pressions en tablant sur d'autres secteurs où les relations bilatérales sont harmonieuses.
Je ne sous-estime pas ou n'essaie pas de sous-estimer l'importance de ce secteur, surtout en ce qui concerne la Colombie-Britannique et le Québec. Il est important et je ne dis pas que nous ne sommes pas lésés. Je trouve que c'est un secteur où il est manifeste que les relations bilatérales ne sont pas assez étroites. Cette situation démontre les risques que nous courons en ne prenant pas les devants et en négligeant de nous positionner et de décider quels sont nos intérêts prioritaires.
Je n'insinue pas que l'on puisse accorder la priorité absolue au secteur du bois d'oeuvre par rapport aux autres secteurs. C'est un secteur qu'il faut... à vrai dire, nous ne sommes par parvenus au cours des 20 dernières années à l'intégrer vraiment dans le contexte de l'ALENA, surtout parce que le problème est dû à une différence entre nos systèmes politiques. Les États-Unis ne reconnaissent pas la légitimité de la façon dont nous régissons notre secteur, contrairement aux autres pays.
Le Canada prendrait de très gros risques en se servant d'un secteur où les relations sont harmonieuses, comme celui du gaz, pour prendre des mesures de représailles contre les États-Unis, surtout s'ils étaient disposés à ne pas respecter les décisions de l'OMC ou celles du tribunal de l'ALENA au sujet du bois d'oeuvre pour des raisons strictement politiques. S'ils sont prêts à agir ainsi en ce qui concerne ce secteur, que ne seraient-ils pas prêts à faire dans d'autres? Je crois que ce ne serait pas une bonne tactique de riposter par le biais d'autres secteurs parce que si ces relations économiques sont importantes et stratégiques, elles sont aussi fragiles. Je pense qu'il faut se méfier. Ce ne serait certainement pas une bonne tactique.
M. Sarkis Assadourian: Puis-je faire un tout dernier commentaire, madame la présidente?
Toujours à propos du bois d'oeuvre, le président des États-Unis et notre premier ministre ont eu maintes discussions à ce sujet. Le Président a assuré à notre premier ministre que tout irait bien mais c'est finalement le Congrès qui a eu gain de cause. Considéreriez-vous dans votre formule que les relations entre le Congrès et la présidence ne sont pas toujours harmonieuses et que c'est nous qui en faisons les frais?
M. George MacLean: C'est une remarque très pertinente.
M. Sarkis Assadourian: Que faut-il donc faire?
M. George MacLean: Je trouve que c'est une excellente observation. En effet, cela ne dépend pas uniquement des relations au niveau de l'exécutif. Elle soulève la question du régime de gouvernement à plusieurs paliers aux États-Unis et celle du pouvoir du Congrès et des problèmes qu'il engendre.
En fin de compte, le niveau des échanges dans le secteur du bois d'oeuvre est important étant donné qu'il est à la hausse et que la valeur de ces échanges dépasse actuellement 700 milliards de dollars par an. On ne peut pas écarter purement et simplement le secteur du bois d'oeuvre; c'est un secteur qui doit être intégré aux autres secteurs de l'ALENA où les résultats sont satisfaisants.
Faudrait-il se punir soi-même en imposant des taxes à l'exportation sur nos propres produits? Je ne pense pas que ce soit la bonne façon de procéder.
Vous direz peut-être qu'il nous a fallu dix ans pour en arriver là. Que faire? De toute évidence, les ententes au niveau de l'exécutif, ou du moins la bonne volonté au niveau de l'exécutif du gouvernement américain, ne sont pas suffisants dans le cas du bois d'oeuvre.
En conclusion, je ne pense pas que les problèmes que nous avons en ce qui concerne le bois d'oeuvre, qui sont concrets et importants, soient une raison suffisante pour affirmer que les échanges bilatéraux, les relations commerciales et les relations d'investissement avec les États-Unis sont un échec. C'est un raisonnement simpliste. Je n'insinue pas que c'est le raisonnement que vous tenez, mais certaines personnes disent que les relations économiques entre le Canada et les États-Unis ne sont pas efficaces à cause des problèmes qui se posent en ce qui concerne le bois d'oeuvre. Ce n'est aucunement le cas.
Je dirais que dans tout état d'interdépendance, les relations peuvent parfois être tendues entre les partenaires. Quand un État ou un acteur prend une décision qui aura des conséquences pour son partenaire, celui-ci devient vulnérable. C'est évident. Nous l'avons toujours su. Il est manifeste que nous sommes vulnérables aux initiatives des États-Unis. Je suis toutefois convaincu que notre vulnérabilité serait beaucoup plus grande et qu'elle ne se limiterait pas à un seul secteur si nous n'avions pas des relations économiques étroites.
À (1010)
La présidente: Monsieur Martin, vous disposez de cinq minutes pour les questions et les réponses.
M. Pat Martin: Merci.
Je voudrais aborder brièvement la question de l'élargissement des relations de libre-échange à tout l'hémisphère occidental. Comme vous le mentionnez, en 2005, un nouvel accord de libre-échange des Amériques sera établi, du moins à l'état d'ébauche, étant donné qu'un de nos objectifs est d'élever le niveau de vie dans ces pays. Je pense qu'en ce qui vous concerne, vous croyez que c'est inévitable en raison de la tendance croissante à vouloir mettre un terme aux idées préconçues sur les accords de libre-échange.
Je voudrais poser une question de portée plus générale. Comment peut-on empêcher les accords de libre-échange d'être en quelque sorte une charte des droits des entreprises qui leur permette de contourner les règles établies par des gouvernements démocratiquement élus? C'est une des principales craintes qui est à la base du mouvement de contestation. On redoute que les accords de libre-échange n'aient en quelque sorte préséance sur les décisions des gouvernements démocratiquement élus. Si la mondialisation du capital est un fait accompli, si on ne peut plus l'enrayer et si l'on a intérêt à suivre la tendance, pourquoi la mondialisation des normes de travail, des normes environnementales et des droits de la personne ne serait-elle pas possible dans le contexte des nouvelles relations qui seront établies?
En Colombie, 3 000 syndiqués ont été assassinés au cours des cinq dernières années. L'année dernière, 150 ont été abattus parce qu'ils luttaient pour élever le niveau de vie de la population.
Comment pourrait-on améliorer la situation dans le cadre des relations commerciales que nous aurons avec nos nouveaux partenaires? Pourquoi les accords commerciaux ne pourraient-ils pas être structurés de façon à atteindre des objectifs secondaires, outre les objectifs primaires de la libre circulation des produits et services? Pouvez-vous faire quelques suggestions en deux minutes?
M. George MacLean: Je ferai de mon mieux. Ce sont d'excellentes questions.
Je signale que je n'en suis pas très convaincu. Je vous mets en garde contre la tentation de croire que je suis dans un camp bien déterminé en ce qui concerne l'élévation des conditions et autres considérations.
Voici ce que je pense au sujet de l'association que vous faites avec une charte des droits des entreprises. Dans le contexte interne, les particuliers et les groupes, y compris les entreprises, ont le droit d'intenter des poursuites aux gouvernements. Par contre, les tribunaux sont en définitive régis par l'État. Dans un régime démocratique libéral comme celui qui est en vigueur au Canada, si un gouvernement est poursuivi devant les tribunaux par une entreprise, cela ne veut pas dire que c'est une chambre étoilée qui prend des décisions en totale indépendance de la régie de l'État.
En fait, c'est un secteur de l'État, le judiciaire, qui règle la question. Nous insistons sur le rôle du judiciaire. Nous insistons sur la primauté des droits des particuliers et des groupes d'intenter des poursuites à l'État dans le but d'obtenir un dédommagement par exemple.
Cependant, dans le contexte du libre-échange et dans celui des unions économiques de plus en plus fréquentes, on a affaire à un réseau d'entreprises ou d'acteurs économiques qui sont actifs au-delà des frontières, à l'échelle transnationale. Si c'est le principe qui sous-tend le régionalisme économique, la question logique qui se pose est: ces acteurs ne devraient-ils pas également avoir le droit d'agir comme le font les acteurs économiques nationaux à l'intérieur des frontières, c'est-à-dire d'intenter des poursuites aux gouvernements?
Si les tribunaux et le système judiciaire qui examine ces poursuites sont légitimes, et ils le sont... En ce qui concerne les tribunaux de l'ALENA, les divers membres doivent venir du secteur public. Ce sont des juges qui sont choisis par les nations concernées.
Affirmer qu'il existe en quelque sorte un environnement occulte et secret dans lequel les entreprises intentent des poursuites aux gouvernements et que les citoyens n'ont aucun droit, revient à dire en quelque sorte que si une entreprise canadienne décide de poursuivre le gouvernement fédéral devant les tribunaux, les citoyens, quant à eux, n'ont aucun recours. Nous avons des recours contre le gouvernement, bien entendu. Notre recours est le système judiciaire et c'est lui qui rendra le jugement. Dans ce cas-ci, le judiciaire est composé de représentants des trois États parties de l'ALENA.
Si une entreprise canadienne, mexicaine ou américaine décide d'intenter une action contre une des parties, nous devons placer nos valeurs et notre confiance dans le judiciaire qui est choisi, c'est-à-dire dans le tribunal qui est nommé par les trois acteurs. Ce tribunal est composé d'acteurs provenant de l'appareil judiciaire des gouvernements concernés.
À mon avis, dans la mesure où l'on fait confiance au système judiciaire canadien pour défendre les intérêts de l'État, il faut probablement accorder le même degré de confiance au domaine public. Le débat est axé en grande partie sur une charte des droits des entreprises, comme s'il n'y avait aucune protection alors qu'il y en a. La protection est la présence de tribunaux composés de juges qui décident ou non de la légitimité de la situation.
En ce qui concerne la mondialisation, vous avez fait une observation extrêmement pertinente, à savoir qu'elle couvre de nombreux domaines; c'est un phénomène qui touche aussi bien le secteur culturel ou le secteur social que le secteur économique. La «Coca-Cola-isation» ou la «Hollywoodisation» des cultures internationales sont un des aspects de la mondialisation.
Votre commentaire au sujet de la mondialisation du capital est intéressant. Si les accords de libre-échange, les unions douanières ou les associations régionales deviennent de plus en plus fréquentes, pourquoi n'assisterait-on pas à des mouvements analogues dans d'autres secteurs comme ceux des droits de la personne ou des normes de travail, par exemple? Ce que je veux dire à ce propos, c'est que les accords de libre-échange sont axés sur un aspect des relations et que c'est aux autres agents qu'il appartient de tenter de couvrir d'autres aspects comme les droits de la personne ou le travail.
L'Organisation des États américains, par exemple, n'est pas une organisation à caractère commercial. Quel est son but? Il est de tenter d'implanter les principes de la démocratie et de mettre la démocratisation en oeuvre dans les Amériques. Il assume un rôle de surveillance en ce qui concerne les droits de la personne et les normes de travail. Nous espérons que divers autres organismes déjà en place collaboreront avec des organisations ou des régimes qui seront peut-être mis en place, comme l'Accord de libre-échange des Amériques. Cela permettrait une intégration accrue non seulement des diverses économies mais aussi des cultures, des normes de travail et des questions liées aux droits de la personne dans les pays concernés.
La raison pour laquelle votre question est si intéressante est qu'elle touche au problème des identités et des entités individuelles. Le problème est que la plupart des États qui participent avec nous aux négociations sur un accord de libre-échange des Amériques n'ont pas les mêmes conceptions que nous en ce qui concerne les droits de la personne, les normes de travail, les normes de production, la mobilité, voire les droits de propriété intellectuelle. Est-ce une raison valable pour refuser catégoriquement de discuter tant que toutes les cartes n'auront pas été mises sur la table? Pas nécessairement. Un des principes sur lesquels repose l'Accord de libre-échange des Amériques est le consensus. Aucune décision ne sera prise sans le consentement de toutes les parties. C'est un des mantras de l'Accord de libre-échange des Amériques.
Cet accord ne couvre toutefois pas tous les aspects des relations entre États. Je pense qu'il est nécessaire de promouvoir par la voie multilatérale non seulement le régime de l'Accord de libre-échange des Amériques mais aussi d'autres régimes. C'est pourquoi il est très important que nous ayons enfin pris place au sein de l'Organisation des États américains. C'est une des raisons pour lesquelles nous devons jouer un rôle plus actif dans des organisations comme l'Organisation interaméricaine de défense et le Collège interaméricain de défense pour essayer d'intégrer les questions liées à la sécurité et à la défense aussi bien que les questions économiques à l'échelle de l'hémisphère. Je crois qu'il faut reconnaître que tout régime a ses limites et que si l'on essaie de mettre tous ses oeufs dans le même panier, on n'obtiendra probablement pas des résultats concluants.
À (1015)
La présidente: Merci.
J'aurais deux questions à poser. Si vous ne pouvez pas y répondre immédiatement, monsieur Fergusson, vous pourriez peut-être nous faire parvenir une note à ce sujet.
J'ai l'impression que les commentaires que vous avez faits ce matin vont presque à l'encontre des déclarations faites dernièrement par le centre Simons pour la paix et le désarmement, par M. Axworthy et par diverses autres personnes ou organisations. Ce qu'ils recommandent en fait, c'est que, si l'on veut avoir des relations équilibrées avec les États-Unis, il faut un document écrit couvrant tous les détails, un traité contraignant ratifié par les deux pays pour conclure un accord analogue au NORAD.
Je voudrais que vous fassiez des commentaires à ce sujet, si vous avez suivi les discussions. Depuis que le NORAD concerne uniquement la défense aérienne, que peut-on faire pour établir une coopération en ce qui concerne la défense navale et la défense terrestre par exemple, compte tenu de la première discussion que j'ai mentionnée?
Il y avait une autre question qui me trottait dans la tête pendant que vous présentiez vos mémoires. Serait-il raisonnable d'aborder les questions de sécurité en Amérique du Nord dans le cadre d'entretiens trilatéraux; autrement dit, pourrait-on y faire participer le Mexique? Le Mexique joue-t-il un rôle dans ces pourparlers?
Voilà donc les questions que je voulais vous poser, si vous avez des commentaires à faire à ce sujet maintenant. Sinon, j'aimerais que vous nous communiquiez vos commentaires plus tard.
À (1020)
M. James Fergusson: Si le Canada et les États-Unis décidaient d'aller plus loin que le NORAD, qui porte uniquement, comme vous l'avez mentionné, sur l'espace aérien, et de conclure des accords analogues en ce qui concerne l'espace maritime et l'espace terrestre, il faudrait tout naturellement entreprendre des négociations en utilisant le NORAD comme modèle. Il ne faut pas oublier que l'accord sur le NORAD ne stipule pas que les États-Unis doivent être le commandant en chef du NORAD. Il dit qu'un des pays parties est commandant en chef, et que l'autre est commandant en second. La position de commandant en chef a toujours été occupée par un Américain, mais ce n'est pas stipulé dans l'accord.
Deux facteurs sont importants dans ce contexte. Le premier, et j'ai une certaine réticence à citer un pourcentage, est que 80 p. 100 ou 90 p. 100 de la coopération entre le Canada et les États-Unis en matière de défense est assurée par l'intermédiaire de protocoles d'entente négociés entre les deux pays. Ils portent sur divers aspects précis de la coopération courante entre la force aérienne à l'intérieur et à l'extérieur du NORAD et entre les forces armées et la marine, sur la coopération en matière d'industrie de défense dans le cadre des accords sur le partage de la production de défense et des accords sur le partage du développement industriel pour la défense. De nombreux accords qui régissent la coopération entre nos deux pays n'ont pas été négociés officiellement, contrairement au NORAD.
En ce qui concerne la réaction qu'aura le Canada lorsque le Commandement du Nord sera bien en place et opérationnel et que les petites anomalies auront été rectifiées, on a l'impression qu'il ne sera pas mis en oeuvre de la même façon que le NORAD et ce, pour plusieurs raisons, l'une étant que nous collaborons déjà avec les États-Unis dans le domaine maritime depuis des décennies. Nous n'en avons pas discuté comme tel. Nous avons coopéré spontanément sur la côte est, en particulier pendant la guerre froide, dans le cadre du Commandement suprême allié de l'Atlantique, basé à Norfolk. Une collaboration étroite s'est établie entre nos gardes côtières, entre les deux forces navales sur la côte est, par le biais de divers accords ou protocoles d'entente appelés communément règles d'engagement.
Il y aura probablement transfert lorsque le Joint Forces Command, dans le secteur maritime, qui était à Norfolk deviendra le Commandement du Nord. Certains de ces accords devront peut-être être légèrement remaniés. Il faudra peut-être en conclure de nouveaux en raison des préoccupations au sujet du terrorisme dans le secteur du transport maritime mais je ne vois pas la nécessité, pour l'instant du moins—peut-être bien dans une dizaine d'années—, de conclure dans ce domaine un accord officiel négocié semblable au NORAD... ni dans celui de la protection terrestre d'ailleurs.
Je voudrais vous poser la question suivante. Que fera exactement le commandant du Commandement du Nord dans le secteur de la défense terrestre avec les Forces armées canadiennes et avec les Forces terrestres canadiennes?
Il sera certainement le commandement opérationnel en cas d'activités terroristes, lorsqu'on mobilisera les forces armées nationales, au même titre que le sous-chef d'état-major de la défense en matière de commandement des Forces terrestres canadiennes, lorsqu'on fera appel à elles aux termes des dispositions de la loi concernant l'assistance aux autorités civiles.
Vous aurez probablement besoin du sous-chef d'état-major de la défense. Si le Canada doit remanier légèrement sa structure de commandement, ce serait l'équivalent naturel de mettre le Commandement du Nord au courant de certains événements liés à des incidents terroristes ou à des catastrophes qui ont des répercussions au-delà des frontières, comme les inondations de la rivière Rouge, pour lesquels on assure une certaine coordination des interventions et on collabore. En ce qui me concerne, pour couvrir à la fois le secteur terrestre, le secteur maritime et le secteur aérien et les regrouper, il ne serait probablement pas nécessaire de négocier un élargissement d'un accord important comme le NORAD.
Enfin, à propos du Mexique, je ne pense pas, du moins en ce qui concerne les États-Unis, que l'on soit très intéressé à engager les forces armées et les forces de défense mexicaines. Mon collègue George est mieux renseigné que moi en ce qui concerne le Mexique mais je pense que les États-Unis, ainsi que le Canada, considèrent cela comme un accord bilatéral, un accord que le ministère canadien de la Défense—ou en fait les deux ministères de la Défense—trouve avantageux pour les deux parties, non seulement dans le contexte de l'Amérique du Nord, mais aussi dans celui de la coopération internationale entre nos deux pays. Je ne pense pas que l'on ait intérêt durant les prochaines années, du moins tant que le Mexique ne se sera pas développé davantage, à convertir le volet défense de cet accord en un accord trilatéral.
À (1025)
La présidente: Merci.
Monsieur MacLean, avez-vous d'autres commentaires à faire?
M. George MacLean: Je me contenterai d'insister sur certains des commentaires que Jim Fergusson a faits sur la question de l'intégration des forces au Mexique, voire même dans l'hémisphère. Le Canada a fait de grands progrès. La Conférence sur les armées dans les Amériques, la CAA, approche. C'est la première fois que nous assumons un rôle de direction dans ce groupe. Nous avons renforcé nos effectifs d'attachés militaires. Je crois que nous en avons maintenant quatre dans la région alors qu'il n'y en avait que deux il y a deux ou trois ans.
En ce qui concerne la question du Mexique et de son intégration en matière de défense et de sécurité, je crois que Jim Fergusson a raison. Les États-Unis ou le Canada n'ont pas intérêt à essayer d'intégrer les forces de sécurité, les forces de défense, sauf en ce qui concerne des questions transfrontalières comme les migrations.
On se pose beaucoup de questions au sujet des problèmes d'interopérabilité militaire qui pourraient se poser en dehors des relations canado-américaines. Étant donné les difficultés qu'ont déjà les États-Unis et le Canada avec leurs partenaires de l'OTAN à cet égard—alors que nous avons des relations depuis longtemps avec ces acteurs—, il serait problématique de tenter d'étendre cette collaboration à toute une série de pays d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud, y compris le Mexique. Je n'ai pas entendu parler de discussions sur l'intégration avec le Canada au ministère de la Défense à Mexico. Je pense que cela provoquerait de vives réactions. «Pourquoi voudrions-nous une intégration militaire avec le Canada alors que notre intégration économique avec ce pays n'est pas encore complète?» C'est généralement la réaction des Mexicains.
En conclusion, je signale que le Mexique souhaite une intégration accrue avec les États-Unis en matière de défense bien que cette aspiration ne soit pas partagée par le gouvernement américain.
La présidente: Je suis certaine que nous pourrions poser encore bien des questions et aborder bien d'autres sujets avec vous mais nous avons commencé en retard. Nous apprécions beaucoup votre collaboration. Nous vous remercions d'être venus témoigner ce matin.
Si vous avez d'autres renseignements à communiquer ou d'autres opinions à exprimer, vous pourriez nous envoyer des notes ou en envoyer à nos attachés de recherche, pour la rédaction de notre rapport. Nous en serions très heureux. Merci infiniment.
Les prochains témoins sont les porte-parole de la Banque de céréales vivrières du Canada, M. Jim Cornelius, directeur général, et M. Stuart Clark, conseiller principal en politiques.
Je vous remercie de votre patience car je sais que vous attendez depuis une dizaine de minutes.
Veuillez faire vos observations liminaires après quoi, comme vous avez pu le constater, nous vous poserons des questions.
Monsieur Cornelius.
À (1030)
M. Jim Cornelius (directeur général, Banque de céréales vivrières du Canada): Nous représentons la Banque de céréales vivrières du Canada. C'est un consortium qui regroupe 13 organismes confessionnels canadiens actifs dans le secteur de l'aide au développement.
Nous travaillons en très étroite collaboration avec les agriculteurs et les collectivités rurales du Canada dans le cadre de la lutte contre la faim dans les pays en développement. Nous fournissons de l'aide alimentaire aux régions où sévit la famine. Nous soutenons des projets de développement pour permettre aux populations locales de cultiver les produits alimentaires nécessaires à leur subsistance et nous militons en faveur de politiques équitables qui permettront aux peuples souffrant de la faim d'exercer leur droit à s'alimenter de façon adéquate.
Nous vous remercions de nous fournir l'occasion d'exposer nos opinions et de vous être déplacés à Winnipeg pour les entendre. Je remarque que ma députée est ici. J'en suis très heureux.
Notre court exposé sera principalement axé sur le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, une des trois principales questions à l'ordre du jour du G8. Nous ferons diverses suggestions précises sur ce que peuvent faire le Canada et ses partenaires du G8 pour appuyer cette initiative africaine.
Nous parlerons principalement du problème de la faim et de la pauvreté dans les régions rurales de l'Afrique et ferons des recommandations en ce qui concerne le développement agricole et rural et les négociations commerciales, surtout dans le contexte de l'accord sur l'agriculture de l'OMC. Nous ferons en outre quelques commentaires au sujet de l'aide liée.
À titre d'information, je signale que la Banque de céréales vivrières du Canada a été créée en 1983, pendant la grande famine en Éthiopie. Mon collègue, M. Clark, était alors secrétaire pour l'Afrique du Comité central mennonite et participait très activement à diverses activités entreprises pour enrayer la crise. Il a une longue carrière dans le secteur de l'alimentation et de l'agriculture.
La Banque de céréales vivrières du Canada est restée depuis lors engagée dans la lutte contre les problèmes de la pauvreté et de l'alimentation en Éthiopie et dans bien d'autres régions d'Afrique. Avant de devenir directeur général, j'étais en Érythrée, où je participais à la mise en place d'une réserve stratégique de céréales et d'un système de surveillance de la situation alimentaire.
L'Afrique fait partie de mon univers depuis mon enfance. Mes parents sont allés s'établir en Afrique—ma mère habitait alors Winnipeg—en 1955 et ont travaillé sur ce continent pendant 23 ans. Ma mère est maintenant à la retraite et elle est retournée en Afrique comme bénévole, poursuivant l'oeuvre qu'elle a accomplie pendant toute sa vie active.
L'Afrique est un continent remarquable. C'est un continent qui a la chance d'être peuplé de personnes dynamiques ayant des cultures très diverses. Les Africains sont intrinsèquement optimistes. L'Afrique est un continent où les ressources naturelles abondent et sont très variées mais, comme nous avons tous pu le constater, c'est aussi un continent très perturbé qui traverse actuellement une période de stagnation, voire de déclin, dans bien des secteurs et qui est de plus en plus marginalisé dans le monde contemporain.
Nous sommes encouragés par les efforts que font certains de ses nouveaux dirigeants extrêmement dynamiques pour élaborer un plan de relance avec l'aide de leurs collègues. Ce plan a été consolidé et est devenu ce que l'on appelle le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique.
Nous tenons à féliciter notre premier ministre d'avoir défendu la cause de l'Afrique au sein du G8 et d'avoir fait des efforts personnels pour éviter que la question africaine ne soit écartée de l'agenda mondial quand de nombreuses autres questions captent l'attention des gouvernements.
Nous reconnaissons que ce Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique n'est pas parfait. Nos partenaires africains et d'autres organisations de la société civile en Afrique se chargent de relever les lacunes de ce partenariat. D'une part, les citoyens du continent africain n'ont pas été consultés activement au sujet de l'élaboration du plan. En outre, on accorde trop peu d'attention à certains des investissements sociaux qui sont absolument essentiels dans les domaines de la santé et de l'éducation pour atteindre les objectifs que l'on s'est fixés en matière de croissance économique et de réduction de la pauvreté. De nombreuses personnes ou organisations mettent doute la validité du cadre économique proposé.
Nous estimons néanmoins qu'il est important que le Canada s'engage et qu'il collabore avec les dirigeants africains et la société civile africaine pour améliorer et renforcer le plan et pour fournir l'aide financière nécessaire au financement des volets de ce plan qui ont pour objectif de réduire considérablement la faim et la pauvreté. Les 500 millions de dollars qui ont déjà été affectés à cette fin ne doivent être considérés que comme une mise de fonds de départ.
L'Afrique est la région du globe où la majeure proportion de la population est exposée à une pauvreté extrême et à la famine. À ce propos, je signale que la plupart des personnes qui souffrent de la faim sont en Asie du Sud mais que c'est en Afrique que le pourcentage de personnes souffrant de la faim et de pauvreté est le plus élevé.
Nous pensons que tout effort visant à encourager une forte croissance économique et une réduction de la pauvreté en Afrique doit s'attaquer au problème du mode de vie dans les régions rurales. La plupart des pauvres qui habitent ces régions comptent sur l'agriculture ou sur la main-d'oeuvre agricole pour assurer leur subsistance. Tout effort de lutte contre la pauvreté rurale doit donc passer absolument par un renforcement de l'agriculture. Alors que le développement d'un secteur industriel est également important dans ce contexte, l'agriculture devrait être considérée comme le secteur économique clé qui peut être un moteur de croissance économique et apporter des moyens de subsistance durables aux populations.
De tout temps, un secteur agricole dynamique est un mécanisme rentable de stimulation d'une croissance économique et d'un développement globaux et décentralisés et partant, de la réduction de la pauvreté. Cela contribue ensuite au développement industriel. D'après une récente étude de la Banque mondiale, une augmentation des taux de croissance dans le secteur agricole et dans les régions rurales contribue instantanément à la réduction de la pauvreté.
Les petites exploitations agricoles sont l'outil idéal pour assurer de l'emploi aux pauvres. Elles assurent la subsistance d'un plus grand nombre de personnes à l'hectare que les grandes exploitations. Les petits agriculteurs et leurs employés consacrent un pourcentage plus élevé de leurs revenus à l'achat de produits non agricoles porteurs d'emplois dans les régions rurales.
Des réformes macroéconomiques importantes ont été entreprises en Afrique au cours des 20 dernières années, dont la plupart avaient pour objet de réduire les écarts entre l'agriculture et les autres secteurs, en ce qui concerne les prix, et de mettre en place un système agricole axé davantage sur le marché. Cependant, de nombreux pays agricoles n'ont pas le cadre stratégique, les programmes de soutien ni la capacité de profiter des nouvelles possibilités engendrées par les changements.
Les programmes d'adaptation structurelle ont réduit l'investissement public nécessaire dans l'agriculture et le développement rural. Au cours de cette période de transition, l'aide des pays donateurs destinée à l'agriculture et au développement rural a considérablement diminué. Par conséquent, il est probable que si cette tendance se maintient, la stagnation et le déclin du secteur agricole et du mode de vie rural s'accentueront.
La réduction de la pauvreté en Afrique nécessitera un réinvestissement important dans l'agriculture et le développement rural; il faudra en outre cesser de négliger les pauvres des régions rurales dans le cadre de la répartition des ressources, y compris de celles destinées à la santé et à l'éducation.
Nous sommes heureux d'apprendre que l'agriculture sera un des principaux thèmes de l'ordre du jour du G8, en réponse au Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique. J'ai assisté à une conférence la fin de semaine dernière à laquelle notre président a également assisté. J'ai demandé à Robert Fowler, un représentant personnel, s'il serait là et il m'avait assuré que oui. Nous sommes impatients de connaître les détails.
À ce propos, nous trouvons qu'il est essentiel que le programme d'aide du Canada prévoie une forte augmentation de son aide à l'agriculture et au développement rural, étant donné que son niveau actuel est dérisoire. On dirait que la question a été écartée de l'agenda de notre programme d'aide. Si nous tenons vraiment à réduire la pauvreté, nous devons réactiver l'aide au secteur de l'agriculture et du développement rural.
Je cède maintenant la parole à mon collègue qui abordera deux autres sujets.
À (1035)
La présidente: Monsieur Clark.
M. Stuart Clark (conseiller principal en politiques, Banque de céréales vivrières du Canada): Merci, madame la présidente.
Je voudrais aborder deux sujets puis faire un résumé des points que nous avons examinés jusqu'à présent.
En tout premier lieu, je voudrais parler de la question critique du commerce, surtout des règles de l'OMC appelées «Accord sur l'agriculture». Beaucoup de commentaires ont été faits au sujet de la place importante qu'occupent les échanges commerciaux et l'aide extérieure dans le produit intérieur brut des pays en développement, y compris ceux d'Afrique. Comme moteur de croissance et peut-être de réduction de la pauvreté et de la faim, le commerce est l'équivalent d'un moteur V-8 alors que l'aide étrangère est l'équivalent du démarreur. Pour pousser la comparaison un peu plus loin, c'est ce moteur V-8 qui permet à la voiture d'avancer ou de reculer.
La Banque de céréales vivrières du Canada appuie activement un système commercial basé sur des règlements qui permet de réaliser des progrès dans le contexte de la lutte contre la faim et la pauvreté.
Dans le cadre de la réponse du Canada au continent africain, on a tenu dernièrement des consultations au sujet de l'amélioration de l'accès aux marchés au Canada en ce qui concerne les produits en provenance des pays les moins avancés, dont la plupart sont des pays d'Afrique. Nous avons appuyé cette initiative et encouragé le gouvernement du Canada à ne pas la limiter aux produits en provenance des pays les moins avancés mais d'y inclure les produits d'autres pays en développement dont la production a un important potentiel de réduction de la pauvreté. Ces mesures supplémentaires permettront, grâce au moteur que représente le commerce, de réaliser des progrès dans la lutte contre la pauvreté et la faim, surtout en ce qui concerne les producteurs un peu plus à l'aise financièrement qui peuvent tirer parti des débouchés extérieurs.
Nous recommandons en outre d'étudier les situations où le moteur que constitue le commerce peut provoquer en quelque sorte un retour de manivelle. Le problème le plus important dans ce contexte est l'effet destructeur de l'importation, dans les pays africains, de denrées de base à coût peu élevé et généralement très subventionnées. Comme nous l'avons déjà mentionné, la production des denrées alimentaires de première nécessité est un des piliers de la subsistance des agriculteurs les plus démunis. La perturbation de leurs marchés peut les plonger en un rien de temps dans l'endettement, ne leur laissant aucune autre solution que d'aller grossir les rangs des habitants des quartiers insalubres des grandes villes.
La Banque de céréales vivrières du Canada est active dans la clarification et la promotion de la «boîte» du développement. Il s'agit d'une série de règles commerciales établie à l'OMC pour les pays en développement. Son but est de donner aux gouvernements des pays d'Afrique une marge de manoeuvre suffisante pour enrayer les conséquences négatives de l'ouverture forcée de marchés de produits essentiels en Afrique. Nous recommandons au Canada d'appuyer les règlements commerciaux agricoles de l'OMC pour enrayer l'érosion des moyens de subsistance des petits agriculteurs africains. Puisqu'il sera un partenaire extrêmement important dans le cadre des futures négociations de l'AOA, le Canada jouera un rôle important.
Comme nous l'avons déjà mentionné, la Banque de céréales vivrières du Canada apporte de l'aide alimentaire à de nombreuses régions d'Afrique. Nous sommes conscients que cette aide alimentaire est en définitive de l'importation à bas prix et peut avoir des conséquences très néfastes sur les marchés locaux. En cas de grave pénurie de produits alimentaires dans toute une région, l'aide alimentaire en provenance de pays exportateurs comme le Canada est nécessaire. Cependant, la faim est parfois très localisée et les personnes qui ont l'argent nécessaire peuvent alors se procurer des denrées dans la région. Dans ces cas-là, l'aide alimentaire en provenance de l'extérieur de la région peut étendre les conséquences négatives de la sécheresse aux régions voisines en faisant du tort aux agriculteurs qui cherchent à vendre leurs produits sur les mêmes marchés, c'est-à-dire les producteurs locaux.
Depuis quatre ans, la Banque de céréales vivrières du Canada recommande un assouplissement des règles pour permettre à l'ACDI d'acheter des denrées destinées à l'aide alimentaire sur les marchés locaux ou régionaux. Nous l'avons mentionné deux années de suite au comité permanent, à l'occasion de la Journée mondiale de l'alimentation.
Nous pensons que les règlements concernant l'aide alimentaire canadienne limitent actuellement les possibilités d'achat sur les marchés locaux à l'équivalent de 10 p. 100 seulement de l'aide alimentaire totale. Nous pensons qu'un assouplissement des règles permettant d'aller jusqu'à 30 p. 100 serait plus indiqué étant donné qu'en plus de soutenir et d'encourager le développement de l'agriculture en Afrique, cette marge de manoeuvre nous permettrait, avec la même somme, de donner jusqu'à un tiers de plus de produits alimentaires, principalement parce que nous ne serions pas obligés de dépenser autant pour le transport maritime et le transport local, dépenses qui n'ont d'ailleurs aucune retombée bénéfique pour le Canada.
Si l'on apportait des modifications à cette fin aux règlements en matière d'aide alimentaire, l'aide alimentaire en Afrique serait plus efficiente et plus efficace. Nous pensons que l'ACDI et Agroalimentaire Canada ont actuellement des entretiens en vue de prendre une décision à ce sujet et nous vous encourageons à y participer.
À (1040)
En conclusion, nous apprécions le militantisme du Canada en faveur de l'Afrique et sa volonté de soutenir les efforts de relance africains. Depuis un trop grand nombre d'années, on laisse dériver l'Afrique à l'écart des grands événements importants et des accords économiques mondiaux. Nous recommandons au Canada d'entamer activement des discussions avec les dirigeants des pays africains et les représentants de la société civile pour corriger les défauts d'une initiative qui constitue un excellent point de départ, ce Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique.
Nous recommandons au Canada d'enrayer la diminution considérable du soutien apporté à ces pays dans le cadre de ses programmes d'aide, en ce qui concerne l'agriculture et le développement rural. Nous préconisons d'axer l'aide à l'agriculture sur les petites exploitations agricoles parce que c'est à ce niveau qu'elle sera la plus efficace dans le cadre de la lutte contre la pauvreté et la faim.
Nous recommandons au Canada d'étendre son initiative constructive en matière d'accès aux marchés pour les produits en provenance des pays les moins avancés à d'autres pays en développement d'Afrique.
Nous recommandons au Canada de soutenir les règles commerciales agricoles de l'OMC pour éviter une érosion des moyens de subsistance des petits exploitants agricoles africains.
Enfin, nous recommandons au Canada d'assouplir sa politique d'aide alimentaire pour accorder une plus grande marge de manoeuvre en ce qui concerne l'achat de produits sur les marchés locaux.
Nous félicitons le Canada de faire preuve de leadership afin que les pays d'Afrique ne soient pas laissés à la traîne. Nous pensons que nos recommandations pourront renforcer encore ce leadership. Nous sommes impatients d'entendre vos questions.
Je vous remercie.
À (1045)
La présidente: Merci, monsieur Cornelius. Merci, monsieur Clark.
Je pense que notre leadership est lié aux petites anecdotes que vous avez mentionnées au début de votre exposé. Je crois que ma collègue, Anita Neville, se joint à moi pour féliciter votre mère, pour vous féliciter, pour féliciter les Mennonites ainsi que toutes les personnes qui...
M. Sarkis Assadourian: Puis-je me joindre à vous?
La présidente: ... ont non seulement travaillé en Afrique mais se sont dévouées pour elle et pour les Africains.
Les discussions de Kananaskis seront le prolongement des efforts que font des personnes comme vous et d'autres personnes conscientes de l'état de besoin de l'Afrique et désireuses d'atténuer la misère d'êtres humains qui sont pris dans l'étau des conflits et de la pauvreté.
Nous vous remercions pour vos exposés. Je suis heureuse de constater que vous êtes venus de Montréal pour participer à cette discussion très intéressante.
Nous voulons passer aux questions et donner d'abord la parole au député de Winnipeg-Centre, car c'est dans cette région que nous sommes.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin: L'ironie du sort veut que je représente le secteur financier. La vie est pleine de contradictions.
Je vous remercie, Stuart et Jim, pour votre exposé très concis et très instructif. Il m'aide à comprendre à quel point il est compliqué de tenter de répondre aux besoins fondamentaux de certaines populations quand, comme vous le signalez, l'aide a parfois des répercussions secondaires et qu'en essayant de répondre aux besoins essentiels en matière d'alimentation, on peut inconsciemment nuire à l'économie agricole locale. C'est une vraie découverte pour ceux et celles d'entre nous qui n'ont pas des contacts quotidiens avec ce milieu.
J'ai eu l'occasion de rencontrer Julius Nyerere en Tanzanie, juste avant son décès. Il m'a dit ce qui suit, il y a 20 ans: «L'OMC, le FMI et la Banque mondiale nous ont dit que si nous mettions un terme à la corruption et instaurions un régime démocratique fondé sur l'intervention de plusieurs partis politiques, les investisseurs s'intéresseraient à nous. Il y a 10 ans, de nombreux pays répondaient à ces critères et pourtant, on ne fait pas beaucoup d'investissements en Afrique». Que ce soit par crainte de l'instabilité ou pour quelque autre raison, les capitalistes hésitent toujours beaucoup à investir en Afrique.
Votre organisation a-t-elle établi un diagramme qui indiquerait à partir de quel moment on investira en Afrique? Les critères sont-ils la satisfaction des besoins fondamentaux, puis la petite industrie et enfin la stabilité? Je voudrais que vous exposiez vos opinions de façon un peu plus précise en ce qui concerne l'ordre dans lequel il faudra procéder.
M. Jim Cornelius Je ne pense pas que ce soit facile. L'Afrique est un continent où règne la diversité. La plupart des pays se trouvent dans des situations très différentes et il est par conséquent difficile de chercher une solution qui serait efficace à l'échelle du continent.
De nombreuses réformes ont été faites en Afrique mais la plupart d'entre elles sont incomplètes. Les pays développés ont dit aux Africains qu'ils devaient apporter ces changements, sans toutefois y faire des investissements pour la cause.
Ainsi, en ce qui concerne le secteur agricole en particulier, on a démantelé un grand nombre d'offices de commercialisation pour tenter de les remplacer par un système axé davantage sur le marché, dans lequel les prix sont déformés au détriment des agriculteurs. D'aucuns diront que c'est très positif pour les agriculteurs mais, en raison de la disparition des services d'appoint, de l'effondrement du système de santé dans les régions rurales, de la détérioration de la situation dans le secteur de l'éducation et de l'importation de produits de l'étranger qui sont subventionnés, ces petits agriculteurs ne peuvent pas profiter des réformes des PPTE ou pays pauvres très endettés. On dit que ces réformes devraient être profitables pour les agriculteurs mais, à en juger d'après la façon dont la situation a évolué jusqu'à présent, la plupart de ces agriculteurs sont plus pauvres qu'avant.
Nous pensons qu'il est essentiel d'investir dans les régions rurales et que l'investissement public... c'est la responsabilité des gouvernements d'Afrique mais c'est aussi une question de ce que nous pouvons faire pour eux. Sans ce type d'investissement, les chances d'investissement direct étranger, autrement dit d'investissement du secteur privé, sont très restreintes.
On peut toujours dire que l'investissement direct étranger ne génère pas de croissance mais qu'il suit la croissance. Ne profite-t-il pas de la croissance? L'investissement commence à partir du moment où cela bouge. Il peut amplifier le processus mais ce n'est pas le facteur déclencheur. Un investissement public de base est nécessaire.
En fait, la plupart des capitaux africains ne sont plus sur le continent et il faut qu'ils soient rapatriés. Les propriétaires de ces capitaux les rapatrient quand ils ont confiance. En fournissant de l'aide pour établir une infrastructure de base dans ces secteurs, on encouragera l'investissement de capitaux africains et un investissement direct étranger complémentaire dans les petites et moyennes entreprises.
À (1050)
M. Stuart Clark: Si vous me le permettez, je voudrais encore faire deux brefs commentaires à ce sujet. Le niveau d'engagement économique en Afrique est déjà élevé. Le problème réside dans les diamants et dans le tantale ainsi que dans les conflits qui déchirent diverses régions. Des sommes considérables sont investies en Afrique. Des fonds importants venant du Nord y sont investis mais souvent dans les petites armes, dans des secteurs qui favorisent l'instabilité et qui nous poussent à dire aux dirigeants de ces pays qu'ils doivent d'abord procéder à un nettoyage s'ils veulent que l'on investisse chez eux. L'engagement économique est là, mais c'est un type d'investissement pernicieux. Ce qu'il faut encourager, c'est un type d'investissement plus productif.
Au risque de donner l'impression de répéter ce que les agriculteurs disent sans cesse, l'agriculture est la clé et je crois que c'est un secteur très sensible en ce qui concerne le Canada. Pour ce qui est des règlements commerciaux internationaux, le Canada est très intéressé à un système commercial fondé sur des règlements qui permettrait à nos agriculteurs d'être sur un pied d'égalité avec ceux des autres pays. Nous sommes par conséquent très zélés en ce qui concerne la question de l'ouverture des marchés et de la capacité de concurrence sur ces marchés.
L'inconvénient, c'est que lorsque les éléphants se battent, l'herbe qui se trouve sous leurs pattes est piétinée. De nombreux petits agriculteurs africains sont soumis aux mêmes règles commerciales que les agriculteurs argentins ou brésiliens et ils sont en concurrence directe avec les agriculteurs canadiens, sans parler des agriculteurs américains et européens.
C'est le message que nous voulions communiquer. Il faut porter de l'attention à ce facteur parce que notre secteur agricole est le secteur qui a été à la base du développement industriel. Il est devenu vigoureux parce qu'il a été protégé à l'origine alors que dans le cas de l'Afrique, la plupart des politiques que nous préconisons mettent un agriculteur canadien possédant une exploitation de 5 000 acres en concurrence directe avec un agriculteur africain qui a une exploitation d'une superficie de cinq acres. Ce n'est pas ainsi que l'on édifie un secteur agricole vigoureux. C'est une étape essentielle.
La présidente: Avez-vous suivi les discussions de Doha? Vous pourriez peut-être en parler.
M. Stuart Clark: Bien sûr, je les ai suivies de très près. Je pense qu'à divers égards, les discussions de Doha ont été très positives. Je pense que le programme de Doha pour le développement indique déjà que, si l'on n'a pas encore renversé la vapeur, on a au moins pris note de plusieurs autres priorités.
L'OMC est une organisation axée sur le commerce. Son principal objectif n'est pas le développement. Le fait qu'on ait ajouté le terme «développement» au programme de Doha pour le développement expose l'OMC à des attentes différentes.
Sur le plan pratique, madame la présidente, on a beaucoup apprécié dans les milieux agricoles ce que l'on appelle le traitement utile, spécial et différencié. Ce traitement utile, spécial et différencié est en fait une série de règlements spéciaux auxquels les pays en développement peuvent avoir recours. La plupart des dispositions du premier accord sur l'agriculture sont trop coûteuses pour qu'ils puissent les mettre en pratique. Il est d'ailleurs indiqué expressément que la recherche d'un traitement utile, spécial et différencié est un objectif prioritaire.
À (1055)
La présidente: Ces termes sont-ils définis? Est-ce que le terme «utile» est défini?
M. Stuart Clark: Ce sont des dispositions spéciales auxquelles les pays en développement peuvent avoir recours. Je m'explique.
Il y a deux dispositions principales appelées dispositions relatives au soutien intérieur. Il s'agit de subventions versées aux agriculteurs. Vous les connaissez très bien. Étant donné le type de budget et de «portefeuille» que les gouvernements africains ont à leur disposition, la portée de ces dispositions est à tout le moins restreinte. En fait, la plupart des engagements de ces pays envers le FMI ne leur laisse pas une grande marge de manoeuvre en matière de soutien intérieur.
L'autre type de traitement utile, spécial et différencié consiste à leur permettre de mettre en oeuvre des mesures douanières, d'imposer des droits de douane plus élevés pour des cultures précises ou de prendre d'autres mesures analogues. Ce n'est pas un recul. La plupart des gens diront qu'on ne peut pas faire cela parce que l'objectif est une réforme progressiste en matière de commerce et que c'est un recul.
Je signale que ces mesures concernent des types précis de cultures produites par des petits producteurs. Elles consistent à donner au gouvernement la marge de manoeuvre nécessaire pour imposer des droits de douane plus élevés, voire des restrictions quantitatives sur les cultures qui sont absolument essentielles au développement des petites entreprises agricoles. C'est un exemple concret de traitement utile, spécial et différencié.
La présidente: Merci.
Monsieur Assadourian.
M. Sarkis Assadourian: Merci beaucoup.
À l'instar de ma collègue, je loue les efforts que vous faites pour procurer de la nourriture aux affamés. Il y a quelques années, j'ai travaillé pour votre organisation pour aider à expédier des produits alimentaires en Corée du Nord. J'ai eu une réunion avec votre représentant local à Toronto. Nous avons fait le maximum.
Comment concevez-vous le rôle de l'ACDI dans le contexte de vos activités visant à aider les affamés en Afrique et à l'échelle planétaire? Trouvez-vous qu'il est bon, dans le cas de l'Afrique, de lier l'aide extérieure aux droits de la personne et à la bonne gouvernance?
M. Jim Cornelius: À propos de la première question, nous avons remarqué au cours des dernières années que l'aide de l'ACDI destinée à l'agriculture et au développement rural avait considérablement diminué. Les raisons de ce changement sont complexes et pas toujours faciles à bien comprendre.
Cette situation est notamment due au fait que lorsqu'on a d'autres priorités, on perd certaines questions de vue. L'aide dans ce domaine a considérablement diminué. Quelquefois, les représentants de l'ACDI avec lesquels nous voulions parler d'agriculture nous ont pratiquement envoyés paître. Nous n'avons obtenu pratiquement aucune réaction.
Nous avons formé un groupe d'ONG qui font actuellement activement du lobbying auprès de l'ACDI et du ministre pour relancer la question de l'agriculture. C'est pourquoi nous sommes tellement heureux qu'il en soit question dans le plan d'action. Nous pensons que cela attirera l'attention.
La plupart des pauvres se trouvent encore dans les régions rurales et dépendent de l'agriculture pour leur subsistance, et ce, malgré l'exode vers les villes. De 60 à 70 p. 100 des pauvres vivent encore dans les zones rurales et comptent sur la chance.
Nous pensons que l'ACDI doit se réinvestir dans ces domaines si l'on tient vraiment à réduire la pauvreté. C'est à ce niveau que nous considérons que l'ACDI peut jouer un rôle. Elle peut examiner le programme des taux et les initiatives qu'elle prend pour aider les sociétés rurales et l'agriculture.
La question de la gouvernance est un problème très complexe, surtout en ce qui concerne des organisations comme la nôtre. Notre mission est de fournir de l'aide alimentaire.
La plupart des régions où le problème alimentaire est très aigu sont des régions où les conditions de vie sont pénibles. C'est notamment le cas en ce qui concerne la Corée du Nord, où nous sommes très actifs. Ce n'est pas un pays qui se trouve en tête de palmarès au chapitre du respect des droits de la personne. C'est un pays très mal gouverné où les atteintes aux droits de la personne sont monnaie courante. Que faut-il faire dans un tel contexte? Ce qui importe, ce n'est pas d'apporter de l'aide mais plutôt le type d'aide que l'on apporte.
L'utilité de collaborer directement avec le gouvernement dans le cadre de grands projets d'infrastructure est très discutable lorsqu'il s'agit de gouvernements qui commettent de graves abus contre les droits de la personne et qui gouvernent très mal leur pays. Est-ce une bonne raison pour abandonner les victimes à leur sort? Nous pensons que nous n'avons pas le droit d'abandonner le peuple. Vous pourriez investir vos ressources en matière d'aide de façon différente en collaborant avec les ONG et avec les organisations de la société civile africaine en ce qui concerne l'Afrique, dans le domaine social, dans celui de l'éducation et dans celui de la santé. Bref, on peut prendre diverses mesures qui aideront les citoyens à exiger des comptes de leur gouvernement.
Il y a deux ou trois ans, la Banque mondiale a publié un rapport intéressant sur l'évaluation de l'aide et elle a fait la distinction suivante selon le type d'aide. Elle recommande de ne pas se désengager des pays qui sont aux prises avec des problèmes mais qu'il faut seulement dispenser l'aide de façon différente. Par conséquent, l'important, ce n'est pas d'accepter ou de refuser d'accorder de l'aide mais plutôt la façon dont on le fait.
Dans les pays bien gouvernés, où le gouvernement agit de façon assez responsable, on peut faire divers types d'investissements parce que c'est toujours rentable.
Á (1100)
La présidente: Merci.
Madame Neville.
Mme Anita Neville: Merci, madame la présidente.
Soyez les bienvenus, messieurs.
Je crois que la raison pour laquelle la présidente m'a demandé de collaborer en ce qui concerne l'Afrique est que nous avons fait partie d'un groupe militant activement en faveur d'une intervention d'un plus grand nombre de femmes dans le programme pour l'Afrique. Je crois que c'en est un aspect important.
Vous avez parlé de la marge de manoeuvre nécessaire pour augmenter le pourcentage des achats locaux de produits agricoles autorisés à 30 p. 100. Quelles mesures seraient nécessaires pour que ce soit réalisable?
M. Stuart Clark: Je pense que c'est une question qui relève du Conseil du Trésor puisque c'est lui qui établit des lignes directrices concernant les circonstances dans lesquelles l'ACDI doit refuser d'accorder de l'aide. Le plafond officiel actuel est de 10 p. 100.
Je pense que les deux principales entités administratives concernées sont le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire et l'ACDI. Étant donné son souci d'accroître l'efficacité de l'aide, je crois que l'ACDI est nettement en faveur de la suppression des conditions imposées pour obtenir de l'aide, surtout dans le secteur de l'aide alimentaire. Par conséquent, l'ACDI est très active dans ce domaine. Je pense, par contre, qu'au ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, on craint que la suppression des conditions sur l'octroi de l'aide alimentaire ne cause du tort aux producteurs canadiens. C'est bien évident.
Cependant, même si tout semble très clair à première vue, lorsqu'on examine la question d'un peu plus près, on se rend compte que 70 p. 100 de ces ressources servent à exporter des denrées du Canada. En outre, comme je l'ai mentionné dans mon exposé, le transport maritime, et surtout le transport local, puisqu'il faut acheminer des produits alimentaires par camion en utilisant des routes en très mauvais état sur de longues distances, représentent une forte proportion du coût des programmes d'aide alimentaire. Ils peuvent facilement faire doubler le coût unitaire.
L'achat de denrées sur les marchés locaux pour économiser ce coût n'a pas de répercussions négatives pour les producteurs canadiens. En fait, dans le contexte d'un régime de libre-échange, les producteurs canadiens vendront toute leur production. Le seul problème est qu'en vertu des règlements canadiens, les organismes du secteur de l'aide alimentaire sont des acheteurs au prix du marché, et que, par conséquent, nous payons un prix légèrement plus élevé que les Indonésiens quand ils veulent acheter notre blé.
Le prix est donc légèrement plus élevé. Je ne sais pas comment on pourrait régler ce problème. On pourrait toujours continuer à payer l'écart de prix sur ce qui représente moins de 20 p. 100 de notre aide alimentaire. Il serait beaucoup moins coûteux de faire un chèque à l'ordre de la Commission canadienne du blé par exemple, pour couvrir cet écart, et d'acheter les denrées sur les marchés locaux. Nous serions encore en mesure de fournir à ces pays davantage de denrées alimentaires.
Á (1105)
La présidente: Faites attention, les représentants de la Commission canadienne du blé se trouvent derrière vous.
M. Stuart Clark: Je le sais. Je le sens.
M. Jim Cornelius: Victor Jarjour a d'ailleurs travaillé neuf ans au Centre de l'aide alimentaire.
La présidente: Nous lui demanderons d'en parler lorsqu'il reviendra à la table.
M. Stuart Clark: Nous resterons pour entendre la réponse.
Bref, c'est là que réside principalement le problème. On pense que cela aurait des conséquences néfastes pour le Canada. Pour notre part, nous pensons qu'elles seraient minimes, mais je crois que jusqu'à présent, on n'a pas encore tenu compte dans le calcul des avantages politiques, qui seraient considérables, en ce qui concerne une région comme l'Afrique.
La présidente: Merci.
Nous vous remercions infiniment d'être venus témoigner et de participer à nos travaux. Merci, monsieur Clark. Merci, monsieur Cornelius. Je pense que vous voudrez peut-être rester pour écouter les représentants de la Commission canadienne du blé. Si vous avez d'autres opinions à exprimer ou d'autres remarques à faire, je suis certaine que vous pourrez vous adresser à vos députés puisqu'ils sont membres de ce comité. Vous pourrez nous les communiquer par leur intermédiaire ou vous adresser directement au comité. Merci encore pour votre participation.
M. Jim Cornelius: Merci.
La présidente: Nous faisons maintenant une pause de deux minutes.
Á (1101)
Á (1107)
La présidente: Nous poursuivons la séance avec les représentants de la Commission canadienne du blé. M. Larry Hill est directeur du conseil d'administration et M. Victor Jarjour est vice-président du secteur Politiques et planification stratégique.
Je vous souhaite la bienvenue, messieurs. Veuillez faire votre exposé. Nous voudrions ensuite vous poser quelques questions, demander des précisions et faire quelques commentaires.
Nous sommes très heureux d'être à Winnipeg et de vous voir ici.
Á (1110)
M. Larry Hill (directeur, conseil d'administration, Commission canadienne du blé): Merci, madame la présidente.
Je vous remercie de donner l'occasion à la CCB de témoigner devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international et d'exprimer ses opinions sur l'avenir des relations nord-américaines et sur le Sommet du G8 de 2002. Nos commentaires seront axés sur la première question. Je ferai l'exposé, puis je m'efforcerai de répondre à vos questions, avec l'aide de Victor.
La Commission canadienne du blé commercialise le blé et l'orge de l'ouest du Canada sur le marché d'exportation des denrées alimentaires et des aliments pour bétail, ainsi que sur le marché intérieur, pour la consommation humaine. La CCB est dirigée par un conseil d'administration composé de dix agriculteurs élus et de cinq membres nommés par le gouvernement fédéral. Je suis un de ces agriculteurs et je préside le comité du commerce du Conseil d'administration.
En ce qui concerne mon exploitation agricole, nous sommes en pleine période de semailles. Je viens de finir de semer des lentilles et l'inclusion des lentilles dans le nouveau U.S. Farm Bill est une question qui me préoccupe au plus haut point, comme agriculteur du sud-ouest de la Saskatchewan.
L'humidité est bienvenue en tout temps. La neige ne serait pas bénéfique si elle tombait à la fin de mai mais nous accepterions n'importe quoi. Nous avons grand besoin d'humidité.
La mission de la CCB est de maximiser les revenus des producteurs de l'ouest du Canada en commercialisant des produits et services de qualité. La CCB représente environ 85 000 agriculteurs de l'Ouest et commercialise leur grain.
La CCB n'octroie pas de subventions et n'en reçoit pas. Le blé et l'orge sont commercialisés sur les marchés internationaux et sur le marché intérieur selon des critères strictement commerciaux. Les recettes générées sur le marché sont versées aux agriculteurs, après en avoir déduit les frais administratifs, dans le compte commun correspondant.
Le chiffre d'affaires de la CCB varie entre 4 et 6 milliards de dollars par an. Les ventes à l'exportation représentent 63 p. 100 de la production de blé de l'ouest du Canada, 75 p. 100 de la production de blé dur et 13 p. 100 de la production d'orge. Le reste de la production est consommé au Canada. Les agriculteurs de l'Ouest sont beaucoup plus dépendants des exportations que leurs collègues américains ou européens.
Les relations nord-américaines revêtent une priorité compréhensible pour les milieux diplomatiques canadiens. En ce qui concerne la CCB, les États-Unis et le Mexique sont des marchés importants pour le blé et l'orge canadiens mais pas exceptionnels. Le marché américain a absorbé un million de tonnes de blé de l'Ouest et 368 000 tonnes de blé dur au cours de l'année 2000-2001, ce qui représente respectivement 7,5 p. 100 et 10 p. 100 des ventes. En 2000-2001, les exportations de blé canadien au Mexique se sont chiffrées au total à 1,2 million de tonnes, soit 8 p. 100 des ventes totales de blé. Le Mexique reste une importante source de concurrence sur le marché du blé dur pour la CCB.
Les ventes de la CCB sont axées sur les marchés mondiaux et pas exclusivement sur les marchés nord-américains. Si les États-Unis représentent un marché important pour les produits agricoles canadiens, y compris le blé et l'orge, ce sont également de puissants concurrents sur les marchés d'exportation. C'est ce dernier aspect de nos relations qui est à la source des frictions commerciales dans ce secteur.
La CCB a été la cible de neuf actions devant les tribunaux de commerce au cours des 11 dernières années et dans aucun de ces cas, les accusations, qu'il s'agisse de vente inférieure au prix du marché ou de pratiques abusives, n'étaient pas accompagnées de preuves. En fait, on trouve de nombreuses preuves du manque de fondement de ces accusations dans le rapport de 2001 de la U.S. International Trade Commission. Ce qui est tout particulièrement intéressant, c'est que pendant 59 des 60 mois couverts par l'enquête, le blé durum canadien se vendait à un prix plus élevé que le blé durum américain sur le marché américain.
Les exportations de blé canadiennes sont exposées à une concurrence déloyale du blé américain dans les autres pays, en raison du recours à l'aide alimentaire et de l'octroi de crédits à l'exportation qui créent des distorsions au niveau du commerce. Le recours à l'aide alimentaire pour le développement de marchés commerciaux plutôt qu'à des fins humanitaires nous préoccupe tout particulièrement. Par ailleurs, les crédits à l'exportation américains, assortis de délais de remboursement extrêmement longs et d'autres modalités qui vont à l'encontre des saines pratiques commerciales, sont utilisés pour se débarrasser des excédents ou pour développer des créneaux sur les marchés commerciaux. Ces pratiques font peser de lourdes menaces sur un marché international des céréales axé sur des pratiques équitables.
Il est nécessaire d'imposer des mesures disciplinaires efficaces sur les crédits à l'exportation abusifs ainsi que sur le recours illégitime à l'aide alimentaire, afin de créer un environnement commercial international équitable. Les frictions commerciales et une concurrence internationale déloyale subsisteront aussi longtemps que le Canada et les États-Unis se feront concurrence sur les marchés mondiaux. Il est nécessaire d'établir des règlements commerciaux internationaux.
L'intégration politique ou économique de l'Amérique du Nord dans le secteur agricole sera irréalisable tant que subsisteront des écarts importants entre les politiques canadiennes et les politiques américaines. Le cas le plus frappant est le U.S. Farm Bill, adopté par les membres de la Chambre et leurs confrères du Sénat le 1er mai. Il est ridicule d'harmoniser les régimes économiques alors que les États-Unis font des transferts de plus en plus considérables de subventions spéciales à l'agriculture. Les niveaux extrêmement élevés du soutien agricole aux États-Unis et dans l'Union européenne incitent les agriculteurs à faire des investissements peu rentables, ce qui entraîne une surproduction et une chute des prix mondiaux.
De telles pratiques désavantagent surtout les agriculteurs qui doivent demeurer compétitifs sans recevoir des subventions aussi considérables, et c'est notamment le cas des agriculteurs de l'ouest du Canada. On estime que les subventions accordées à l'étranger ont coûté aux producteurs de céréales et d'oléagineux de l'ouest du Canada 1,3 milliard de dollars canadiens par an en manque à gagner net. Les subventions américaines à l'agriculture en ce qui concerne le blé s'élevaient à 135 $ CAN la tonne en 2000 alors qu'elles n'étaient que de 26 $ la tonne au Canada. C'est plus du quintuple et ce sera encore pire dans le contexte du nouveau Farm Bill car les dépenses atteindront environ 17 milliards de dollars américains par an, soit une augmentation de 10 milliards de dollars. Ce changement aura des conséquences catastrophiques pour les producteurs agricoles qui doivent faire concurrence aux produits américains sur les marchés mondiaux.
Á (1115)
Le Farm Bill entraînera une diminution considérable de la crédibilité des dirigeants américains dans le cadre de négociations sur l'adoption de règlements commerciaux plus équitables et plus libéraux à l'OMC ou dans le cadre d'autres négociations sur le libre-échange.
Outre les pressions à la baisse sur les prix du grain, ce qui est particulièrement décourageant en ce qui concerne cette loi est qu'elle va à l'encontre des propositions que les États-Unis ont faites à l'OMC concernant une libéralisation accrue des échanges commerciaux. Compte tenu du statut de leader à l'échelle mondiale qu'ont les États-Unis dans le contexte du commerce et du rôle important qu'ils jouent dans le processus de négociation, leurs déclarations et leurs agissements contradictoires risquent de compromettre l'issue du cycle de négociations. À cause de cette loi, il est fort improbable que les États-Unis cessent un jour de céder aux pressions politiques internes pour respecter leurs engagements commerciaux internationaux.
Une intégration économique ou une harmonisation des politiques accrue ne donnerait pas nécessairement un accès plus facile ni plus sûr au marché américain en ce qui concerne les produits canadiens, notamment le blé, car les points de friction sont principalement liés à l'influence considérable que les intérêts agricoles américains ont sur leurs dirigeants politiques. Une intégration économique et politique accrue avec les États-Unis ne rimerait à rien tant que les agriculteurs et autres gens d'affaires canadiens continueront d'être la cible de manoeuvres de harcèlement et que l'on n'aura pas adopté une solution commerciale adéquate pour garantir un accès sans entrave au marché américain.
La collaboration en matière d'échange de renseignements des deux côtés de la frontière n'a aucun fondement légitime si les renseignements recueillis servent uniquement à harceler encore davantage les Canadiens sur le plan commercial. Les plus récentes actions intentées par les États-Unis contre la CCB devant un tribunal de commerce prouvent une fois de plus que la CCB observe les règles du jeu et que ses ventes aux États-Unis ne font pas baisser les prix obtenus par les producteurs américains. Les Américains ont été incapables de trouver des motifs d'imposer des droits de douane sur le blé canadien destiné au marché américain et, par conséquent, le blé canadien continuera d'être vendu aux clients américains.
Ce qui est décourageant, c'est de constater que la CCB et les agriculteurs canadiens sont constamment la cible de manoeuvres de harcèlement, comme l'indique la décision du délégué commercial américain qui laisse entrevoir la possibilité d'autres actions. D'après lui, cela pourrait prendre la forme d'une action en règlement de différend à l'OMC ou de droits compensateurs ou encore de mesures antidumping aux termes de la législation américaine en matière de commerce.
La CCB serait en faveur de l'élaboration de règlements ayant pour but de mettre un terme à un recours abusif aux mesures antidumping et aux droits compensateurs pour éviter que se répètent des actions sans fondement intentées en vertu de cette législation.
La CCB pense que des formes efficaces de coopération doivent garantir un mouvement sans entraves du commerce. La Commission canadienne du blé et les agriculteurs canadiens ont intérêt à ce que l'on apporte au système des améliorations qui permettront de stabiliser le mouvement du blé et de l'orge canadiens exportés sur les marchés nord-américains.
L'harmonisation des normes n'a un sens que si elle est avantageuse pour les deux parties, sinon elle ne rime à rien. L'harmonisation ne devrait pas entraîner nécessairement l'adoption des normes américaines, surtout quand les normes canadiennes sont plus strictes, et c'est le cas en ce qui concerne le blé. On n'a aucune raison de croire que la suppression de règlements canadiens ou d'institutions comme la CCB mettrait un terme aux actions intentées par les États-Unis pour entraver l'accès du blé canadien au marché américain.
La CCB doit en outre s'assurer que le système canadien d'enregistrement, de classement et d'inspection du grain ne serait pas compromis par des importations américaines. Toutes les nouvelles politiques et pratiques qui seront adoptées pour la gestion des frontières devraient répondre à ce critère. Le système canadien est plus efficace pour livrer à la clientèle un blé de qualité dans de courts délais.
La CCB est entièrement acquise aux accords commerciaux multilatéraux et bilatéraux lorsqu'ils ont pour but d'établir un environnement commercial équitable, assorti de règles précises pour le règlement des différends. Les intérêts du Canada devraient être défendus dans toutes les négociations commerciales, y compris celles de l'OMC et dans les relations bilatérales et trilatérales avec les États-Unis et le Mexique.
En ce qui concene les instruments et ressources stratégiques internationaux nécessaires pour que le Canada réalise des progrès en matière de maintien et d'amélioration de la compétitivité de ses agriculteurs dans le contexte des relations nord-américaines et dans d'autres contextes, il faudrait notamment de meilleurs mécanismes de règlement des différends dans le cadre de l'ALENA, et plus particulièrement des règles qui mettraient un terme ou du moins un frein aux actions mesquines. Si le Sommet du G8 de 2002 veut vraiment renforcer la croissance économique mondiale, il devrait d'abord examiner les problèmes auxquels seront exposés les échanges commerciaux dans le secteur agricole après l'adoption du U.S. Farm Bill.
Madame la présidente, le présent cycle de négociations commerciales de l'OMC est appelé cycle du développement. Le Sommet du G8 est également axé sur le développement. Par contre, le niveau des subventions à l'agriculture dans les pays de l'OCDE—c'est-à-dire principalement aux États-Unis et en Union européenne—est huit fois plus élevé que celui de l'aide au développement accordée aux pays pauvres. Si le niveau de l'aide au développement est élevé en ce qui concerne les États-Unis et l'Union européenne, les bienfaits de cette aide sont souvent annulés par leurs politiques agricoles intérieures.
Á (1120)
En conclusion, madame la présidente, le U.S. Farm Bill est une politique officielle irresponsable et aura des conséquences néfastes pour les agriculteurs canadiens. Les producteurs céréaliers de l'ouest du Canada ont déjà payé leur écot dans le cadre des négociations commerciales et ils tiennent à ce que le gouvernement fédéral défende ce qu'ils n'ont pas encore perdu. Il ne faut pas renoncer au système canadien de commercialisation de céréales de première qualité pour l'harmoniser avec un système moins efficace.
Je vous remercie, madame la présidente.
Á (1125)
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Hill. J'approuve entièrement votre conclusion.
Monsieur Jarjour, avez-vous des commentaires à faire ou répondrez-vous aux questions avec M. Hill?
M. Victor Jarjour (vice-président, Politiques et planification stratégique, Commission canadienne du blé): Oui, je répondrai aux questions avec lui.
La présidente: Merci.
Nous donnons alors la parole à M. Martin.
M. Pat Martin: Merci, madame la présidente.
Monsieur Hill, je vous félicite pour votre exposé; il est très intéressant.
Je ne sais pas si mes collègues ont la même réaction que moi mais votre exposé a beau être excellent, je bous littéralement de colère. Cette situation devrait mettre les Canadiens en furie; en effet, immédiatement après le différend concernant le bois d'oeuvre, les États-Unis présentent cette loi agricole qui, si j'ai bien compris, fera augmenter les subventions sur les céréales à 135 $ la tonne alors qu'au Canada, elles ne sont que d'environ 26 $ la tonne. Je voudrais que vous confirmiez si c'est bien cela, aux fins du compte rendu.
Qui a eu la brillante idée de démanteler notre système de subventions à l'agriculture alors que nos principaux concurrents et partenaires commerciaux élargissent le leur et augmentent le montant des subventions? Qui, à Ottawa, a eu cette idée géniale? Ne pensez-vous pas qu'il faudrait traîner les responsables dans les rues et les abattre? C'est la question que je vous pose.
M. Larry Hill: Je n'irais pas tout à fait aussi loin. Je pense que le Canada avait entamé le dernier cycle de négociations de bonne foi...
M. Pat Martin: À genoux.
M. Larry Hill: ... et avait renoncé aux subventions en pensant, en toute bonne foi, que les autres pays le feraient aussi mais, de toute évidence, ce n'est pas le cas en ce qui concerne les États-Unis et l'Union européenne.
Quand je pense à cette tactique des États-Unis, mon sang ne fait qu'un tour. Je produis des légumineuses à grain depuis 15 ans. Quand je vois qu'elles sont incluses et que les subventions annuleraient en gros la valeur de la culture que nous avons développée dans la région de la Saskatchewan où je suis établi, je bous de colère, et les autres producteurs de ma région aussi.
Voyez comment procèdent les États-Unis. Une bonne tactique lorsqu'on est coupable consiste à accuser autrui et c'est précisément ce que font les États-Unis en accusant les agriculteurs canadiens et la CCB. Ils nous accusent pour faire diversion.
M. Pat Martin: C'est un stratagème.
Je suis arrivé à Ottawa en 1997, à peu près à l'époque où la pêche de la morue sur la côte est s'est effondrée. Certains d'entre nous se posaient des questions sur les sommes considérables affectées aux programmes d'aide aux pêcheurs, à la Stratégie sur le poisson de fond de l'Atlantique, et à d'autres programmes. Ces sommes s'élevaient à 6 ou 7 milliards de dollars par an. Les députés de la côte est de l'Atlantique nous ont dit: «Quelle serait votre réaction si l'industrie principale de votre région disparaissait du jour au lendemain ou était minée? Ne souhaiteriez-vous pas que le gouvernement fédéral vous renfloue ou qu'il vous soutienne du moins dans une certaine mesure, pour sauver l'économie de votre région?»
Au cours des 12 derniers mois, 11 000 agriculteurs des trois provinces des Prairies ont abandonné l'agriculture, d'après mes calculs. Ils ont finalement renoncé à lutter après avoir persisté jusqu'au bout. Ne pensez-vous pas que le gouvernement fédéral devrait au moins accorder des subventions équivalentes aux subventions américaines jusqu'à ce que l'on puisse négocier un démantèlement effectif des subventions? Ne devrait-il pas respecter le secteur agricole, reconnaître sa situation et lui accorder au minimum une aide annuelle équivalente à celle qu'il avait accordée lors de l'effondrement des pêches sur la côte est?
M. Larry Hill: Les agriculteurs de la Saskatchewan considèrent que c'est un problème national. C'est un problème qui ne se limite pas à notre province. La province de la Saskatchewan n'a pas la capacité de le régler parce que sa population est très faible par rapport aux énormes superficies de terres arables. La situation est la même en ce qui concerne le Manitoba; l'Alberta est une province un peu plus riche. Cependant, les agriculteurs de l'Ouest considèrent que c'est une responsabilité fédérale parce que la cause est une mesure commerciale dirigée contre le Canada mais touchant surtout les producteurs de l'Ouest.
M. Pat Martin: Merci.
Á (1130)
La présidente: Merci.
Madame Neville.
Mme Anita Neville: Je vous félicite pour votre exposé. Je pense que vous constaterez que nous partageons tous vos préoccupations.
Un de vos commentaires m'a particulièrement frappée. Vous avez dit en effet que les États-Unis étaient un chef de file dans le commerce mondial et vous avez fait allusion au rôle important qu'ils jouent dans le processus de négociation en signalant que leurs déclarations et agissements contradictoires pourraient compromettre totalement le cycle des négociations commerciales. Vous avez mentionné les pressions politiques internes qui sont exercées aux États-Unis en ce qui concerne le blé, ou du moins en ce qui concerne la question du bois d'oeuvre. Avez-vous des solutions à proposer au problème du lobbying politique et des pressions internes? Je pense que c'est un facteur capital dans le contexte du différend concernant le bois d'oeuvre et probablement dans bien d'autres contextes.
M. Larry Hill: Madame la présidente, j'ai été complètement abasourdi de voir ce qui se passait à la première réunion à laquelle j'ai assisté aux États-Unis, au cours de laquelle les producteurs de blé américains rendaient hommage à leur homme de l'année, c'est-à-dire au politicien qui avait le plus aidé les agriculteurs financièrement par le biais des subventions gouvernementales. Ils ont fait monter cet homme sur le podium et lui ont remis une plaquette grande comme ça, en chêne et en or.
Quand on est aux États-Unis et que l'on voit à quel point le lobby agricole américain est sophistiqué—je crois que c'est le terme propre—, on en reste bouche bée.
Je ne comprends pas très bien le système politique américain, mais c'est un système qui est basé sur des concessions et qui permet aux représentants politiques des petites régions d'avoir davantage de pouvoir qu'ils n'en auraient normalement. C'est un problème très difficile à régler pour les Canadiens. Le lobby agricole américain est très puissant.
D'autre part, ce lobby est subventionné par le gouvernement. Le gouvernement accorde des subventions aux associations d'agriculteurs qui font le lobbying et celles-ci ont par conséquent les moyens d'engager des professionnels de haut calibre.
M. Sarkis Assadourian: Ce sont des comités d'action politique.
M. Larry Hill: Oui. Il y en a plusieurs. Il y a la National Association of Wheat Growers, le U.S. Wheat Associates, le Wheat Export Trade Education Committee. Tous ces groupes sont très sophistiqués; ils ont des représentants à Washington et sont financés en partie par le gouvernement américain. En fait, le gouvernement subventionne les lobbyistes avec l'argent des contribuables. C'est un problème qui est à mon avis très difficile à régler.
Je ne sais pas si tu as d'autres commentaires à faire, Victor.
M. Victor Jarjour: Je pense que vous avez couvert les principaux points. C'est irritant de voir les Américains prêcher certains principes dans le cadre des négociations commerciales à Genève puis agir d'une toute autre façon chez eux, tout cela parce que des élections approchent. Le problème est qu'il y a des élections tous les deux ans aux États-Unis, que diverses questions reviennent sur le tapis tous les deux ans et que l'on prend des décisions ayant des conséquences extrêmement néfastes pour les producteurs des autres pays.
Mme Anita Neville: Merci.
La présidente: Monsieur Assadourian.
M. Sarkis Assadourian: J'ai un bref commentaire à faire au sujet des subventions.
Mon collègue a demandé qui, à Ottawa, avait eu l'idée de supprimer les subventions mais je rappelle à toutes les personnes ici présentes... Je regrette qu'il n'y ait ici aucun représentant du parti de l'Alliance pour défendre ses positions étant donné que les membres de ce parti nous déconseillent continuellement de faire ceci ou cela—en parlant d'américanisation ou d'harmonisation, par exemple. Nous n'avons même pas encore entrepris le processus d'américanisation ou d'harmonisation et pourtant, nous en payons déjà les conséquences.
Les producteurs concernés devraient dire aux membres du parti de l'Alliance d'adopter une position qui servirait les intérêts des agriculteurs canadiens et, à long terme, ceux de tous les citoyens, au lieu de songer uniquement aux intérêts à court terme des habitants de l'ouest du Canada.
Vous avez peut-être des commentaires à faire à ce sujet.
M. Larry Hill: Madame la présidente, l'idéal américain est solidement ancré dans certains partis politiques. Le problème que nous avons eu avec les associations d'agriculteurs dans l'Ouest est que nous sommes... Je pense que le terme «dysfonctionnel» est celui qui conviendrait; en effet, certaines associations d'agriculteurs appuient pratiquement n'importe quelle opinion. C'est ce qui a fait que les agriculteurs ont choisi n'importe quel groupe. Ils peuvent adopter le message de leur choix. Il est là.
Je pense toutefois que les associations d'agriculteurs de l'Ouest vont se regrouper et qu'un plus grand nombre de problèmes différents seront soulevés par un seul et même groupe. Je pense qu'elles sont signalé à l'Alliance qu'elles comptaient exiger du soutien aux agriculteurs.
M. Sarkis Assadourian: [Note de la rédaction: Inaudible]
M. Larry Hill: Je pense que les groupes d'agriculteurs s'affirmeront et qu'ils communiqueront leurs opinions aux divers groupes politiques. Je serais étonné que la politique et les politiques n'évoluent pas quelque peu et qu'elles ne répondent pas davantage aux desiderata des agriculteurs.
M. Sarkis Assadourian: Merci.
Á (1135)
La présidente: Merci, monsieur Hill.
Je voudrais vous expliquer pourquoi cette discussion porte sur deux points de l'ordre du jour du G8. Comme vous le savez, le premier point concerne les questions économiques. Le suivant concerne l'accent mis sur l'Afrique et le troisième, la sécurité mondiale. Je voudrais que les questions suivantes soient inscrites à l'ordre du jour.
Je pourrais peut-être vous demander de faire des commentaires en ce qui concerne une attaque sur deux fronts. Un des problèmes est celui du harcèlement, dirais-je, faute de trouver un terme plus approprié. Y a-t-il une possibilité de renforcer la croissance économique mondiale tout en mettant cette question au programme?
Pourriez-vous faire des commentaires sur une question qui a été abordée par les représentants de la Banque de céréales vivrières du Canada. Ceux-ci ont mentionné que la quantité de denrées alimentaires que l'on peut acheter sur les marchés locaux... Ils ont affirmé notamment que cela n'aurait pas de très fortes conséquences pour les producteurs canadiens.
Puisque nos discussions portent sur l'Afrique et le G8, comment pourrait-on faire mettre cette question à l'ordre du jour en s'assurant qu'elle soit examinée sous l'angle économique et qu'elle le soit également dans le cadre du deuxième volet du programme, qui porte sur le NPDA, c'est-à-dire le nouveau partenariat économique pour l'Afrique?
M. Larry Hill: Merci, madame la présidente.
Je réponds le premier mais j'aurai besoin de l'aide de Victor pour la suite.
Un agriculteur de l'Ouest qui a une exploitation de 5 000 acres est un acteur relativement peu important à l'échelle mondiale. J'ai assisté à des réunions avec des agriculteurs qui ont une exploitation de la même superficie que la mienne; je signale qu'il ne s'agit pas d'une exploitation de 5 000 acres. Je pense que j'ai reçu une dizaine ou une douzaine de milliers de dollars en subventions l'année dernière. Aux États-Unis, le propriétaire d'une exploitation de cette superficie resterait bouche bée en apprenant cela parce qu'il a probablement reçu 250 000 $. La différence est énorme.
Pour citer un autre exemple, le maïs américain inonde le marché dans l'ouest du Canada et fait baisser le prix de l'orge. En fait, je crois que, depuis le début de l'année, on a importé dans l'ouest du Canada, 1,3 million de tonnes métriques de maïs, ce qui a des répercussions sur le prix de l'orge. Les agriculteurs affirment que c'est du maïs subventionné et nous demandent si nous pouvons intervenir. Nous ne pouvons rien faire car nous n'avons pas assez d'influence pour nous attaquer aux États-Unis. Je pense donc que les petits agriculteurs des divers pays ont besoin d'un système fondé sur des règlements, sur lequel ils puissent compter. Ce n'est pas parce que les États-Unis sont un grand pays qu'ils peuvent mener le monde entier à la baguette. C'est le dilemme où nous nous trouvons. Je pense que les agriculteurs d'Afrique seront dans la même situation. Ils devront compter sur l'OMC pour établir un système fondé sur des règlements qui sera pour eux un outil efficace pour mettre un terme au traitement inéquitable qu'ils subissent.
La présidente: Monsieur Jarjour.
M. Victor Jarjour: Merci.
J'espérais qu'on aborderait les commentaires que nos collègues de la Banque de céréales vivrières ont faits.
En ce qui concerne le premier points, je pense que c'est une question de convergence des politiques. Les États-Unis et l'Union européenne font preuve d'une très grande largesse en matière d'aide au développement. C'est indéniable. Par contre, les efforts qu'ils font dans le cadre de leurs programmes d'aide au développement sont souvent annulés par les conséquences de leurs politiques internes. Nous l'avons mentionné à la fin de notre exposé. Quand on rédige une loi sur l'agriculture qui subventionne les agriculteurs, encourage la production excédentaire et a tendance à faire baisser les prix, c'est un obstacle non seulement en ce qui concerne des pays comme le Canada ou d'autres pays producteurs, mais aussi les pays en développement.
Les États-Unis et l'Union européenne ont en effet mis en place des instruments d'aide alimentaire au sujet desquels on se demande s'ils sont motivés par le souci véritable d'apporter une aide alimentaire ou par celui de se débarrasser des excédents, ce qui engendre des programmes d'aide alimentaire fondamentalement différents.
Un cas est le PL 480, Titre I, qui est le programme américain offrant des crédits subventionnés avec remboursement des intérêts étalés sur une période extrêmement longue. Il me semble que ce type d'aide au développement contribue à endetter un pays en développement pour une plus longue période.
En ce qui concerne les commentaires qui ont été faits par les représentants de la Banque de céréales vivrières, je crois que la question n'est pas de savoir s'il convient que l'aide alimentaire soit liée ou non, mais plutôt de savoir si elle est suffisante, et si elle est apportée aux régions qui en ont le plus besoin.
Au milieu des années 80, je pense que les fonds affectés au programme d'aide alimentaire du Canada se chiffraient à quelque 400 millions de dollars par an alors qu'actuellement, ils représentent beaucoup moins de 200 millions de dollars par an, si j'ai bien compris. Je me demande cependant si le nombre de personnes souffrant de la faim a diminué.
Il faudrait peut-être d'abord examiner le niveau de l'aide alimentaire canadienne et se demander si le Canada respecte les obligations internationales qu'il a contractées dans le cadre de la Convention sur l'aide alimentaire, qui sont contraignantes. Le Canada a l'obligation de fournir une certaine quantité d'aide alimentaire aux termes de cette convention et il semblerait que nous ne respections pas cette obligation.
Á (1140)
La présidente: Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Pour en revenir aux raisons pour lesquelles nous nous trouvons dans ce pétrin, je signale que nous avions chargé des délégués de négocier en notre nom et qu'ils étaient rentrés au Canada avec ce qui donne les résultats que l'on sait. J'ai exagéré la première fois, mais je suis sûr que certaines personnes se demandent combien de temps on va encore supporter ces abus avant d'imposer des droits compensateurs ou de dire aux Américains que, s'ils continuent à nous traiter de la sorte, ils pourront grelotter de froid dans l'obscurité parce que nous cesserons de les approvisionner en gaz naturel. Ils prendront alors des mesures pour revenir à la table de négociation avec des propositions sérieuses et sincères...
Je voudrais vous poser la question suivante. Est-ce que certains de vos membres réclament l'imposition de droits compensateurs ou l'adoption d'autres mesures pour faire bouger les Américains? Est-ce que les producteurs qui sont membres de la Commission manifestent leur irritation et font des déclarations comme: «Quelqu'un a échangé la vache que possédait notre famille pour trois haricots et pas un seul n'a poussé. Nous avons envoyé ces délégués pour négocier en notre nom et ils sont revenus les mains vides».
M. Larry Hill: En bref, la réponse est oui. J'ai parlé du blé américain, des producteurs de l'Alberta et de leurs réactions, surtout en ce qui concerne les importations de maïs. C'est à Lethbridge qu'est situé le plus gros marché du Canada pour l'orge fourragère et les prix baissent, à cause du maïs américain qui est acheminé vers les parcs d'engraissement canadiens par chemin de fer et par camion. Les producteurs de cette région se posent la question suivante: «Ne peut-on pas réagir? Nous acheminons du gaz naturel vers les États-Unis par pipeline. Il suffirait de fermer les vannes jusqu'à ce que cette situation ridicule ait été réglée».
Il ne fait aucun doute qu'elle met les agriculteurs canadiens en fureur. Je pense qu'il faut préciser que les Américains essaient de s'arranger pour avoir des céréales en abondance sur leur marché à bas prix. Le dilemme est que cela nous crée beaucoup de problèmes économiques. Je ne sais pas comment nous pourrons arriver à régler un jour le problème parce que les États-Unis sont beaucoup plus puissants que le Canada.
Ce sont pour nous de bons clients en ce qui concerne nos céréales. Nous voulons vendre nos céréales à leurs minoteries qui veulent l'acheter.
J'ai assisté à une réunion à New Orleans où un propriétaire de minoterie a dit: «Aux États-Unis, il y a plus d'un millier de catégories différentes de blé. Quand nous commandons du blé, il peut nécessiter une cuisson différente d'un wagon à l'autre et nous devons faire des tests. Par contre, quand nous commandons du grain canadien, la cuisson est la même pour toute la cargaison». Les minotiers américains reconnaissent d'ailleurs les avantages de notre système.
Les agriculteurs américains pensent que si l'on réussit, c'est que l'on a triché. Pourtant, ils n'arrivent pas à nous prendre en défaut, parce qu'à la suite de toutes les enquêtes dont nous avons fait l'objet...
M. Pat Martin: Neuf...
M. Larry Hill: ... ils n'ont pu trouver aucune preuve contre nous. Par conséquent, nous pensons qu'il faudrait modifier les règlements.
Á (1145)
La présidente: Nous devrions intenter une action contre les Américains pour harcèlement.
M. Larry Hill: Nous devons résister. S'il y a une possibilité... Les actions qui sont intentées contre nous le sont aux termes de la législation commerciale américaine et nous n'arriverons pas à convaincre les États-Unis de modifier leurs lois à notre avantage. Je pense que la tâche ne sera pas facile.
La présidente: Il faut toutefois rester honnêtes dans nos relations commerciales. Il ne faut pas chercher des coupables et dire: «Nous avons envoyé des délégués et ils sont revenus avec une mauvaise affaire pour nous». Je ne pense pas que c'est ce que M. Hill voulait dire. Nous sommes conscients de l'environnement dans lequel nous nous trouvons et nous savons qu'il faut faire des concessions mutuelles.
J'ai constaté que plusieurs porte-parole du gouvernement, comme Pierre Pettigrew, ont exprimé un certain degré d'irritation; j'ai même entendu le leader à la Chambre dire que c'était révoltant. Je crois que les positions se durcissent et que, de toutes parts, on pense que nous ne pouvons pas accepter que l'on prenne une orientation stratégique aussi irresponsable. C'est une question d'actualité et nous apprécions d'avoir eu l'occasion d'en discuter avec vous.
Si vous avez d'autres commentaires ou opinions à nous communiquer, n'hésitez surtout pas à le faire. Nous tiendrons compte des opinions exprimées dans votre mémoire dans le cadre de nos travaux.
Je vous remercie d'être venus témoigner, messieurs. Poursuivez votre tâche.
Nous invitons maintenant les représentants de la Fédération du travail du Manitoba à s'asseoir à la table. Nous accueillons le président, Rob Hilliard, et le coordonnateur des communications, John Doyle. Soyez les bienvenus, messieurs. Vous pouvez faire votre exposé puis nous entamerons une discussion avec vous. Je vous remercie d'être venus témoigner.
M. Rob Hilliard (président, Fédération du travail du Manitoba): Je vous remercie de nous avoir invités.
La Fédération du travail du Manitoba défend les intérêts des syndicats affiliés au Congrès du Travail du Canada et de leurs membres du Manitoba. Nous permettons d'élaborer et de mettre en oeuvre des positions communes. Plus de 90 000 travailleurs et travailleuses sont membres de nos syndicats affiliés.
La FTM est heureuse d'avoir l'occasion d'exprimer ses opinions sur la réunion du G8 qui aura lieu prochainement à Kananaskis (Alberta). Les documents préparés pour ces audiences décrivent brièvement les trois principaux thèmes qui seront abordés par les représentants nationaux des pays du G8 au mois de juin. Le premier est le renforcement de la croissance économique mondiale; le deuxième est l'établissement d'un Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique et le troisième est la lutte contre le terrorisme international. Ce sont trois thèmes qui occuperont une place importante dans les discussions et dans la planification; le présent mémoire porte toutefois sur des questions qui ne sont pas à l'ordre du jour de cette réunion mais qui devraient l'être.
En ce qui concerne les stratégies économiques mondiales, nous pensons que c'est une erreur d'axer la réunion du G8 sur le renforcement de la croissance économique mondiale si l'on ne tient pas de discussions constructives sur les difficultés auxquelles font face les familles de la classe laborieuse et sur l'élimination de la pauvreté. La plupart de ces difficultés ont été engendrées par les politiques de mondialisation que le Canada adopte depuis une dizaine d'années et par les accords commerciaux qu'il signe pour faciliter la mise en oeuvre de ces politiques. Autrement dit, la première priorité est de résoudre les problèmes que la mondialisation a engendrés tout en encourageant l'adoption de stratégies qui nous aideront à éviter qu'ils ressurgissent.
En février 1997 a eu lieu à Davos, en Suisse, une assemblée annuelle de chefs d'entreprises influents et puissants de divers pays. Les participants ont entendu plusieurs de leurs pairs et divers dirigeants politiques dire qu'on avait dépassé les bornes et que la tendance, à l'échelle internationale, à maximiser les profits des entreprises aux dépens des collectivités et des populations, engendrait un mouvement mondial d'opposition à la mondialisation. Arnold Koller, qui était le président de la Suisse, a dit aux participants: «Il serait catastrophique que le processus historique amorcé par la chute du Mur de Berlin engendre un nouveau type de servitude en raison d'une application inhumaine des prétendues forces du marché». L'ancien sous-secrétaire au Trésor des États-Unis, Larry Summers, les a avertis que «l'intégration mondiale était associée à la désintégration locale».
Il est indiqué dans le mémoire que John Sweeney est «ex-président de la Fédération américaine du travail et Congrès des organisations industrielles» (FAT-COI). Nous n'avons pas l'intention de mettre John Sweeney à la porte. Je crois qu'il est toujours président.
Le président de la FAT-COI, John Sweeney, a été encore plus direct. Il a dit aux chefs d'entreprise réunis à Davos que les attaques lancées contre les bons salaires, les soins de santé, un environnement salubre et les syndicats engendraient un mouvement de révolte. Il les a avertis qu'en poussant les travailleurs à travailler plus longtemps et plus alors que les dirigeants d'entreprises ont des régimes de rémunération valant des millions de dollars, ils risquaient de provoquer un éclatement de la société. Il a dit: «Ça ne peut plus durer. Les travailleurs ne supporteront pas une érosion du bien-être de leur famille sans réagir».
Il y a quelques semaines, les Manitobains ont suivi avec horreur les manoeuvres de chantage d'une entreprise transnationale qui menaçait les travailleurs et les gouvernements d'aller s'établir dans un État de la ceinture verte des États-Unis s'ils n'acceptaient pas ses exigences. Il s'agit d'une entreprise établie à Winnipeg depuis 1927, dont les activités sont rentables. Les travailleurs ont été forcés d'accepter de faire des concessions importantes dans leurs conventions collectives après avoir subi d'énormes pressions publiques, qui ont empoisonné leur milieu de travail, dressé les travailleurs les uns contre les autres et, dans plusieurs cas, causé de profonds désaccords au sein des familles ouvrant des blessures qui mettront des années à se cicatriser.
Outre les concessions faites par les travailleurs, les gouvernements du Canada et du Manitoba ont également été forcés d'accorder à cette entreprise une aide financière de plus de 25 millions de dollars pour qu'elle accepte de rester à Winnipeg. Une telle situation n'eut pas été possible sans les accords commerciaux internationaux qui mettent l'accent sur les droits des entreprises au détriment des droits des particuliers.
En fait, jusqu'à présent, la mondialisation a été profitable pour les puissantes entreprises transnationales dont les profits se sont encore accrus. Somme toute, elle n'a pas servi les intérêts des familles de travailleurs ou des populations pauvres des pays en développement.
Au cours des années 90, le salaire horaire dans l'industrie n'a augmenté que de 1,8 p. 100 sur toute cette période de dix ans. Cela fait une augmentation moyenne de 0,1 p. 100 par an, alors que la productivité de la main-d'oeuvre augmente de 1,2 p. 100 par an. Les salaires n'ont donc pas augmenté en proportion de la hausse de la productivité.
Au cours de la même période, le salaire de base négocié dans le cadre des conventions collectives a augmenté de 1 p. 100 en chiffres absolus en ce qui concerne les travailleurs canadiens syndiqués du secteur privé. Dans le secteur public cependant, le salaire de base a en réalité diminué de 0,5 p. 100. La stagnation des revenus et un taux de chômage national moyen de 9,8 p. 100 au cours des années 90 ont entraîné une forte recrudescence de la pauvreté.
Entre 1989 et 1998, le nombre de Canadiens vivant dans la pauvreté est passé de 2,7 millions à 3,6 millions, ce qui représente une augmentation de 34 p. 100. Le nombre de femmes seules vivant dans la pauvreté, qui était de 350 000 en 1989, a atteint 503 000 en 1998. C'est donc une augmentation de 44 p. 100. En ce qui concerne les hommes, l'augmentation a été de 61 p. 100. Le nombre d'enfants vivant dans la pauvreté a augmenté de 26 p. 100 au cours de ces dix années.
Dans la plupart des provinces, les efforts déployés pour demeurer concurrentiels dans l'économie mondiale ont entraîné toute une série de réductions de l'impôt sur le revenu des particuliers et sur celui des sociétés, ce qui a considérablement réduit ou gravement compromis des programmes sociaux essentiels financés à même les recettes fiscales alors qu'ils étaient plus nécessaires que jamais. «La libéralisation des marchés» est devenue en quelque sorte un mantra dans le contexte de la mondialisation. L'écart entre ceux qui en bénéficient et ceux qui en sont les victimes a provoqué un effet de retour de manivelle.
À l'occasion de la réunion du G8 qui aura lieu en juin à Kananaskis, on a pris des mesures de sécurité comme on n'en avait encore jamais prises au Canada. La réunion se déroulera dans une région isolée de l'Alberta où les allées et venues des personnes qui n'ont pas été invitées à participer pourront être surveillées de près et contrôlées. Ces mesures ont été prises, bien entendu, en prévision des manifestations antimondialisation qui devraient être organisées en marge de la réunion, comme c'est le cas depuis des années à l'occasion de réunions semblables.
Les réunions de Vancouver, de Washington, de Prague, de Seattle, de Québec et de Gênes ont attiré des dizaines de milliers de personnes en colère qui ne sont pas disposées à avaler la pilule en silence. Les canons à eau, les escouades antiémeute, les chiens dressés à l'attaque, les balles de caoutchouc, les clôtures et le gaz poivré ne les ont pas fait renoncer à manifester.
Comment peut-on enrayer ce mouvement? Comment peut-on restructurer notre approche en matière de croissance économique pour qu'elle présente des avantages pour les citoyens ordinaires?
Un bon point de départ consisterait à adopter cet objectif comme principe de base dans le cadre de toutes les discussions de nature stratégique. Autrement dit, les pays membres du G8 devraient s'engager avec fermeté à adopter des politiques économiques avantageuses à la fois pour l'homme de la rue et pour les entreprises.
Á (1150)
La participation et les intérêts économiques des citoyens n'excluent pas la possibilité pour les entreprises de faire des profits. Le mouvement ouvrier canadien admet que les entreprises doivent être saines et rentables. C'est dans ces entreprises que les travailleurs et nos membres trouvent des emplois intéressants et bien rémunérés. Par contre, on ne peut plus supporter qu'elles accaparent les profits en ne laissant que des miettes aux travailleurs. En effet, une telle situation entraîne une érosion durable du droit des travailleurs à la syndicalisation, de l'intégrité de l'environnement et des principaux programmes publics comme le système de santé canadien, qui aide les travailleurs.
Depuis plusieurs dizaines d'années, la stratégie du Canada consiste à mettre tous ses oeufs dans le panier américain et la plupart des autres pays le font également depuis le milieu des années 90. La conséquence est une grande volatilité économique lorsque l'économie américaine se porte bien et la récession généralisée, voire mondiale, lorsqu'elle bat de l'aile. Cette concentration limite considérablement la capacité de l'économie mondiale d'atténuer les chocs de la récession, voire de générer une reprise économique. Nous recommandons aux pays du G8 d'adopter des stratégies économiques visant à réduire la dépendance du marché américain en matière d'exportations et d'agrandir les voies commerciales à l'échelle planétaire.
Un autre facteur qui nécessite une attention immédiate et efficace est le système financier mondial. Les opérations monétaires motivées par la spéculation sont responsables dans une forte proportion de l'instabilité de la situation dans plusieurs pays. L'instauration d'une taxe sur les opérations monétaires, dite taxe Tobin, dans les pays du G8, apporterait au système financier mondial une stabilité qui lui manque actuellement. Une telle taxe pourrait décourager la spéculation monétaire à outrance, qui est malsaine sur le plan économique; en outre, les recettes qu'elle générerait pourraient être utilisées pour créer un fonds international de développement dont les pays moins développés tireraient des avantages importants.
Le Canada devrait au moins exiger que l'investissement étranger reste au Canada pour une période minimale de six mois ou d'un an. C'est une mesure semblable qui a protégé le Chili contre l'exode des capitaux, un véritable fléau qui a eu des conséquences très graves pour l'économie de la Thaïlande au cours de la même période des années 90.
Dans ce contexte, la FTM est heureuse que quelques membres du gouvernement aient indiqué au cours des derniers mois qu'ils appuient ce principe. On appuie de plus en plus le principe de l'instauration d'une taxe sur les opérations monétaires dans d'autres pays également. Nous recommandons que le Canada montre l'exemple à Kananaskis et qu'il encourage ses collègues du G8 à adopter cette stratégie.
En conclusion, nous signalons que nous n'avons pas abordé tous les points qui étaient prévus à votre ordre du jour. Nous nous excusons d'avoir consacré uniquement les quelques minutes que vous nous avez accordées à des questions économiques. Cela ne signifie toutefois pas que nous nous désintéressons des autres questions qui seront abordées à la réunion du G8. Étant donné que nous ne disposions que de quelques minutes pour présenter notre mémoire et que le délai de préavis a été relativement court, nous n'avons pas pu examiner les autres questions de façon approfondie. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions. Nous signalons toutefois que le Congrès du Travail du Canada, notre organisme national, a étudié ces questions.
Je vous remercie de votre attention et c'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.
Á (1155)
La présidente: Merci, monsieur Hilliard. Saviez-vous que M. Georgetti est venu présenter un mémoire très complet?
M. Rob Hilliard: Oui.
La présidente: Dans la région de l'Atlantique, ainsi qu'au Québec, nous avons entendu les témoignages de plusieurs membres du Congrès du Travail. Ils ont fait des commentaires sur divers sujets. Cette fin de semaine, vous avez la visite de plusieurs collègues d'Afrique. J'en ai rencontrés quelques-uns à Montréal et ils étaient très au courant de ces questions. On ne les néglige donc pas.
M. Rob Hilliard: Oui. Nous en sommes conscients.
La présidente: Nous tenons à remercier la Fédération et le Congrès pour la tâche qu'ils accomplissent dans ce domaine et pour leurs efforts en matière de sensibilisation. Je pense que vous avez une responsabilité dans le cadre de ce dialogue.
M. Rob Hilliard: Merci.
La présidente: Puisque notre sermon est terminé, nous donnerons la parole à M. Martin.
M. Pat Martin: Merci, messieurs. Je vous souhaite la bienvenue. J'aurais voulu que vous assistiez à certains des exposés précédents. Cela aurait été utile à certains témoins d'entendre vos commentaires qui apportent un certain équilibre au débat.
Je voudrais vous demander d'utiliser les quelques minutes dont nous disposons encore pour faire d'autres observations sur le principe... Vous dites que le défi est de restructurer notre approche en matière de croissance économique pour qu'elle soit avantageuse pour les citoyens ordinaires. Vous citez des cas qui indiquent clairement que la marée montante n'a pas fait bouger tous les bateaux. En fait, en me rendant au bureau, j'ai entendu des chiffres sur la chaîne radio de CBC. D'après des chiffres tout récents, 18,5 p. 100 des enfants du Canada vivent dans la pauvreté, ce qui signifie que leur nombre a encore augmenté. Je ne sais plus très bien quel pourcentage c'était.
Je signale que dans ma circonscription, où nous nous trouvons actuellement, 52 p. 100 des enfants vivent sous le seuil de la pauvreté. C'est la troisième circonscription la plus pauvre du Canada. On s'en rend très bien compte à la moindre diminution de notre qualité de vie car, lorsqu'on est déjà à la limite, il ne faut pas grand-chose pour tomber sous le seuil de la pauvreté.
Nous avons pris bonne note de vos commentaires, à savoir que la situation s'est détériorée. Je ne répéterai pas vos observations.
Je voudrais vous poser une question. Dans le premier mémoire, on a dit que le nationalisme économique est une idéologie qui est abandonnée par la plupart des pays et que, si elle était suivie, cela aurait des conséquences néfastes sur le niveau de vie et le mode de vie des Canadiens. Ce témoin a donc dit que le nationalisme économique était désuet. Vous pourriez peut-être faire des commentaires au sujet du nationalisme économique par rapport au nationalisme culturel et à la souveraineté économique qui entraînent généralement une perte de souveraineté.
 (1200)
M. Rob Hilliard: Au lieu d'utiliser les termes «nationalisme économique» qui ont bien des connotations négatives, je crois qu'il serait bon d'envisager la question sous l'angle suivant: dans tout pays libre et démocratique, les citoyens devraient être en mesure d'orienter leur économie en fonction de leur intérêt. Cela inclurait la possibilité pour eux de prendre des décisions en ce qui concerne l'économie. Si l'on décidait par exemple au Canada que la voie empruntée aux États-Unis n'est pas la meilleure pour nous, nous ne devrions pas être forcés, à cause des pressions économiques et des accords commerciaux, de renoncer à notre capacité décisionnelle et d'emprunter aveuglément cette voie comme des lemmings. Je crois qu'une des caractéristiques de la plupart des accords commerciaux est qu'ils nous forcent à renoncer à notre capacité de prendre des décisions. Une nation a parfois des intérêts légitimes qui ne coïncident pas avec ceux des autres nations. Si nous renonçons à notre capacité de prendre des décisions pour servir nos intérêts personnels, nous abandonnons nos libertés et renonçons à notre démocratie; en outre, nous faisons baisser notre niveau de vie.
En ce qui concerne l'importance capitale de la croissance économique, je suis bien d'accord. En l'absence de croissance économique, nos membres n'ont pas de travail ou ils sont forcés de travailler pour des salaires moins élevés et dans de plus mauvaises conditions. Cependant, la promotion de la croissance économique pure et simple n'est pas avantageuse pour les travailleurs ni pour de vastes segments de la société.
Si, dans le cadre des négociations commerciales, notre objectif était d'élever le niveau de vie de la plupart des Canadiens, nous ne signerions pas ce type d'accords. Nous ne discuterions pas des politiques et des accords dont nous discutons actuellement.
Si nous voulions élever le niveau de vie des travailleurs, nous examinerions des questions qui sont importantes dans cette optique. Pour prendre l'exemple du mouvement ouvrier, diverses études indiquent clairement que dans toutes les régions du monde où les syndicats sont implantés, le niveau de vie des travailleurs augmente. Leur capacité de contrôler leurs conditions de travail augmente. C'est un des fondements de la démocratie. S'il n'est pas mentionné explicitement dans les accords commerciaux que l'on veut faire diminuer le nombre de syndicats, ces accords exercent sur les mouvements ouvriers et les syndicats des pressions qui entraînent une diminution de leurs effectifs et de leur influence dans le cadre du processus et partant, une baisse du niveau de vie des travailleurs. Je dirais que lorsque nous participons à des négociations au sujet d'accords commerciaux, nous devrions affirmer d'emblée qu'il faut encourager la syndicalisation et que dans les régions où les syndicats sont déjà implantés, il faut mettre en place des mesures de protection légitimes pour assurer leur survie.
Les accords parallèles de l'ALENA sur le travail sont inefficaces. Ils sont totalement inefficaces. On y stipule même que l'on ne peut pas modifier les lois intérieures. La loi intérieure a préséance. Tout ce qu'ils mentionnent, c'est qu'il faut mettre en application vos lois intérieures, même si elles se sont avérées inefficaces. Nous en avons fait l'expérience lorsque le mouvement ouvrier canadien a tenté de s'appuyer sur ces dispositions dans le cas de violations flagrantes allant même à l'encontre de la législation du travail mexicaine. Elles se sont avérées totalement impuissantes pour ce qui est d'empêcher des syndicats manifestement sous la coupe de l'employeur d'avoir recours à la violence, la plupart du temps dans le but d'empêcher la création de syndicats légitimes.
Les travailleurs canadiens n'ont aucun respect pour ce type de syndicats. Si vous voulez prendre des mesures concrètes pour améliorer le niveau de vie des travailleurs, insistez pour qu'une clause spéciale soit prévue à cet effet dans l'accord commercial.
Il faut éviter d'attaquer les droits à la négociation collective, mais c'est une pratique courante et un trait caractéristique des accords commerciaux conclus dans le cadre de la mondialisation. Les pressions se font sentir au Canada. Depuis une dizaine ou une douzaine d'années, nous subissons des attaques systématiques contre les normes de travail et la législation du travail et contre les droits acquis de longue date par les travailleurs. De telles attaques se sont déjà produites dans cette province-ci et dans tout le pays; d'ailleurs, elles persistent. On ne cesse d'exercer des pressions visant à réduire les droits des travailleurs qui font partie de notre législation du travail depuis 30, 40, voire 50 ans. Ces pressions sont des traits caractéristiques des accords commerciaux. Ce sont des traits caractéristiques de la mondialisation qui se poursuit.
Ces mêmes pressions continuent de miner la protection prévue dans les dispositions environnementales. Elles minent la capacité des collectivités d'établir des normes locales de protection. Toutes ces possibilités disparaissent dans le contexte des solutions axées sur le marché qui sont rentables pour certains individus ou groupes d'individus mais pas pour la masse.
 (1205)
M. Pat Martin: Nous en avons pris bonne note. Je ferai même un commentaire au sujet de l'érosion de ce que nous considérons, en quelque sorte, comme le pacte sur le travail conclu après la guerre, à cause de plusieurs de ces accords commerciaux, à savoir que lorsque la productivité et les profits des entreprises augmentent, les salaires des travailleurs sont censés augmenter. C'est l'entente qui avait été conclue pour assurer la paix sociale après la guerre. C'est notre opinion unanime que cette entente a été mise au rancart. Pourriez-vous révéler les vôtres à ce sujet?
Si vous en avez le temps, je voudrais que vous fassiez de brefs commentaires sur la taxe Tobin. Je suis très heureux que vous ayez abordé le sujet. C'est grâce à un projet d'initiative parlementaire du NPD que le Parlement du Canada aurait pu être le premier Parlement du monde à cautionner la taxe Tobin. Le ministre des Finances s'est engagé à plusieurs occasions de soulever la question au G8. Tout autre commentaire à ce sujet serait fort apprécié.
M. Rob Hilliard: Le principe d'une taxe comme la taxe Tobin ou tout type de règlement concernant les capitaux spéculatifs qui entrent dans le pays et en sortent est un principe absolument essentiel. Je ne sais plus exactement en quelle année, mais c'est au cours des années 90 qu'un exode massif et brutal de capitaux des «tigres de l'Asie» a provoqué une profonde récession économique. Le Chili n'a pas subi le même sort parce que ses règlements exigent que les capitaux investis restent dans le pays pendant... six mois ou un an, je ne sais plus très bien. Il était en effet prévu que ces capitaux ne pouvaient pas rester seulement quelques minutes, quelques heures ou quelques jours dans le pays. Par conséquent, le Chili n'offrait pas la possibilité d'investir puis de retirer des capitaux dans de très brefs délais.
En fait, si le Canada adoptait une règle analogue, nous ne serions pas vulnérables aux nombreux mouvements de capitaux spéculatifs à court terme. Nous pensons que le principe de la taxe Tobin ou d'une mesure analogue est excellent parce que cela permettrait également d'atténuer les injustices dont souffrent les pays du tiers monde à cause de ces entraves au développement. On pourrait utiliser les recettes générées par cette taxe pour créer un fonds réservé exclusivement à l'aide au développement des pays du tiers monde. Une telle mesure nous permettrait en outre de mettre un frein aux mouvements rapides de capitaux spéculatifs.
À cause de la mondialisation, les capitaux spéculatifs sont devenus les types de capitaux dominants dans le flux des échanges commerciaux. Les capitaux investis dans la croissance des entreprises et dans le développement du commerce et des services n'y occupent plus une place prépondérante. Il s'agit plutôt maintenant de capitaux purement spéculatifs qui servent à imposer les volontés de leurs propriétaires aux gouvernements élus des pays concernés. Les personnes ou les entreprises qui contrôlent de gros montants de capitaux spéculatifs ont la capacité de dicter leurs politiques financières et économiques à des gouvernements démocratiquement élus en investissant puis en retirant leurs capitaux dans de très brefs délais. Ils ont sur l'économie mondiale un contrôle que les gouvernements démocratiques ne peuvent avoir actuellement et il est nécessaire d'avoir la capacité de réglementer ces mouvements de capitaux dans l'intérêt des gouvernements élus et des citoyens.
Nous sommes en faveur de l'instauration d'une mesure comme la taxe Tobin. Nous avons remarqué que le ministre des Finances a fait au moins quelques allusions publiques à l'utilité que pourrait avoir cette taxe. Nous l'encourageons à militer davantage en faveur de cette taxe. Si ce n'est pas le moment idéal pour en convaincre d'autres pays, nous pourrions au moins prendre des mesures pour exiger que les capitaux restent dans notre pays, pendant un délai minimum, pour éviter de se faire imposer les volontés d'autres personnes ou entreprises.
Je vous remercie.
M. Pat Martin: Merci.
 (1210)
La présidente: À propos de mouvements de capitaux, des droits des travailleurs, de l'intégrité de l'environnement et des diverses questions que vous mettez dans la balance et que le Congrès du Travail du Canada appuie, je me demandais si vous pourriez faire quelques brefs commentaires sur la paix et le règlement des conflits. On dirait que le niveau plus élevé ou le niveau à atteindre avant de pouvoir procéder à tous ces... surtout dans des pays comme la RDC, le Sierra Leone ou les autres pays d'Afrique.
Dans le contexte du Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, pouvez-vous citer quelques activités que vous encourageriez dans le domaine de l'édification de la paix et du règlement des conflits? Pourriez-vous faire quelques suggestions indiquant comment les citoyens pourraient mener leur vie dans un climat de sécurité pour aborder ensuite les questions qui se situent à un niveau supérieur?
M. Rob Hilliard: Nous recommanderions probablement de les aborder d'une façon plus indirecte.
Je m'excuse de procéder ainsi, mais les employeurs et les employés ont des divergences d'opinions légitimes; j'utiliserai donc cet exemple pour donner des explications. Je crois qu'il serait naïf de s'attendre à ce que tous les citoyens s'entendent comme s'ils formaient une grande famille unie. Je pense d'ailleurs que le domaine où les divergences d'opinions ressortent le mieux est celui des salaires et des avantages sociaux, même lorsqu'un employeur est obligé d'investir de l'argent pour assurer la sécurité du lieu de travail. Les employeurs, et c'est un point de vue tout à fait légitime, ne sont pas disposés à faire des dépenses. Ils disent qu'ils n'en ont pas les moyens. Par contre, les travailleurs estiment, de leur côté, que leur niveau de vie diminue et qu'ils ont besoin d'une augmentation salariale.
Nous avons affaire dans ce cas-ci à une divergence d'opinions légitime structurelle. Il serait naïf de s'attendre à ce que tous les intervenants soient d'accord entre eux. Les divergences d'opinions sont fondées sur des motifs légitimes. Je crois qu'il faut tenter de trouver un moyen terme raisonnable.
La présidente: Je disais cela dans un contexte plus mondial parce que, en ce qui concerne le nouveau partenariat économique pour l'Afrique, divers pays qui ont entamé un processus démocratique sont prêts à participer à des discussions comme celle-ci mais dans d'autres pays déchirés par la guerre et par des conflits terrestres, les citoyens sont tellement déstabilisés qu'ils n'ont même pas la possibilité de s'attaquer à ce type de problèmes.
Je voudrais savoir si le CTC est actif dans quelques-uns des pays qui ont accordé la priorité à l'édification de la paix avant d'aborder la question des droits des travailleurs, celle des règlements du travail ou d'autres questions. Autrement dit, êtes-vous actifs dans des régions où l'on entreprend des activités d'édification de la paix... et est-ce que vous collaborez avec les citoyens pour s'assurer que les conflits, les luttes, les armes et tout ce qui fait partie de leur voisinage... avant de pouvoir aborder certaines des autres questions?
M. Rob Hilliard: Au mieux de ma connaissance, nous sommes actifs dans ces domaines par l'intermédiaire d'autres organisations et par notre participation au sein d'autres organisations qui militent en faveur de la paix. Je sais que le mouvement ouvrier a soutenu financièrement et administrativement certains des efforts qui ont été faits au Soudan, par exemple, et en Éthiopie, ainsi que dans d'autres pays analogues. Nous avons probablement moins de visibilité dans la plupart des pays où les structures qui nous seraient nécessaires sont inexistantes. Nous avons tendance à établir des liens avec d'autres organisations du travail des diverses régions du monde. Nous le faisons couramment. Par contre, dans les pays où l'on n'a pas implanté ce genre d'organisation et où les structures de base nécessaires sont inexistantes... C'est un peu moins difficile pour nous de collaborer de façon plus directe avec des organisations pacifiques ou avec des organisations de développement. Oxfam...
La présidente: [Note de la rédaction: Inaudible]... avec d'autres organisations.
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M. Rob Hilliard: Oui. Nous avons une présence moins directe dans ces pays, mais nous collaborons avec d'autres organisations.
C'est seulement un peu plus difficile pour nous. Si le gouvernement du Canada était plus actif au Soudan ou dans d'autres pays analogues, nous nous ferions un plaisir de nous joindre à lui.
La présidente: Je suis certaine que c'est grâce aux partenariats sur place que l'on peut accomplir des tâches importantes. Je connais la question féminine et celle de la participation des femmes aux petites activités économiques...
M. Rob Hilliard: Nous avons envoyé beaucoup d'aide en Afghanistan, par exemple. C'est le genre d'activités que nous avons.
Mon collègue m'a rappelé autre chose que je me dois de mentionner. Mon syndicat est celui des Métallurgistes unis d'Amérique et je sais comment fonctionne le fonds qu'il a créé et qui est appelé Fonds Humanitaires des Métallos. Nous ne sommes pas le seul syndicat qui ait pris une initiative comme celle-là. Je crois que le Syndicat des travailleurs de l'automobile l'a fait également et aussi le Syndicat des communications, de l'énergie et du papier et probablement d'autres encore.
Nous sommes généralement encouragés à l'échelle locale, lorsque nous négocions avec les employeurs pour qu'ils acceptent de verser au fonds un certain montant à l'heure, qui est d'à peu près un cent. Nous avons prévu des dispositions à cet effet dans de nombreuses ententes collectives et ces fonds sont généralement utilisés pour faire des dons. Ils peuvent également être utilisés pour aider un mouvement de travailleurs en cours de formation; nous encourageons alors...
La présidente: La préparation aux élections.
M. Rob Hilliard: C'est bien cela, des activités de ce genre.
Nous avons envoyé des délégations. En fait, nous en avions envoyées il y a longtemps déjà en Afrique du Sud, lorsque le régime de l'apartheid était toujours en place, pour encourager une participation plus démocratique, par exemple. Par conséquent, nous avons été actifs dans des domaines comme celui-là et ces activités sont généralement financées grâce aux fonds que nous avons créés dans ce but précis.
La présidente: C'est une tâche importante.
M. Rob Hilliard: Oui. Je le reconnais.
La présidente: Dans ce domaine également, il faut agir à divers niveaux et les discussions doivent se situer à des niveaux différents. Nous apprécions votre participation à nos travaux. Comme je l'ai mentionné, nous avons entendu le témoignage de certains de vos collègues de diverses régions du Canada et nous mettrons votre mémoire avec les autres que nous avons déjà reçus. Il faut que nos attachés de recherche fassent maintenant leur travail car ce sont eux qui nous aident à formuler les recommandations qui, je l'espère, seront prêtes pour la réunion ministérielle et le plan d'action qui accompagnera cette présentation au Sommet du G8.
On nous a également parlé de votre engagement pendant le Sommet et des activités qui se dérouleront sur place à divers moments. Nous vous remercions pour votre travail, pour votre participation et pour vos efforts en matière de sensibilisation. Nous vous remercions pour les efforts que vous faites pour que les Canadiens fassent le maximum à l'approche du Sommet.
Je vous remercie.
M. Rob Hilliard: Merci.
La présidente: Nous clôturons maintenant la séance de Winnipeg et nous reprendrons nos travaux demain à Toronto.
La séance est levée.