FAIT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 11 juin 2002
¿ | 0910 |
Le vice-président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib)) |
M. Robert Keyes (vice-président, Division internationale, Chambre de commerce du Canada) |
¿ | 0915 |
¿ | 0920 |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
M. Day |
¿ | 0925 |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
M. Robert Keyes |
¿ | 0930 |
M. Stockwell Day |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
M. Alexander Lofthouse (analyste des politiques, Chambre de commerce du Canada) |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ) |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
M. Robert Keyes |
¿ | 0935 |
¿ | 0940 |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
M. Alexander Lofthouse |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.) |
M. Robert Keyes |
M. Sarkis Assadourian |
M. Robert Keyes |
M. Sarkis Assadourian |
M. Robert Keyes |
¿ | 0945 |
M. Alexander Lofthouse |
M. Sarkis Assadourian |
M. Robert Keyes |
¿ | 0950 |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
M. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.) |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
M. Robert Keyes |
¿ | 0955 |
M. Mark Eyking |
M. Robert Keyes |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.) |
M. Robert Keyes |
Mme Marlene Jennings |
À | 1000 |
M. Robert Keyes |
Mme Marlene Jennings |
M. Robert Keyes |
Mme Marlene Jennings |
M. Robert Keyes |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
À | 1005 |
M. Robert Keyes |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
M. Alexander Lofthouse |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Alliance canadienne) |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
M. John Duncan |
M. Robert Keyes |
M. John Duncan |
M. Robert Keyes |
M. John Duncan |
À | 1010 |
M. Robert Keyes |
M. John Duncan |
M. Robert Keyes |
M. Alexander Lofthouse |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
M. Robert Keyes |
À | 1015 |
Le vice président (M. Bernard Patry) |
M. Alexander Lofthouse |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
M. Sarkis Assadourian |
M. Robert Keyes |
M. Sarkis Assadourian |
M. Robert Keyes |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
M. Mario Polèse |
À | 1050 |
À | 1055 |
Á | 1100 |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
M. John Duncan |
M. Mario Polèse |
Á | 1105 |
M. John Duncan |
M. Mario Polèse |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
M. Pierre Paquette |
M. Mario Polèse |
M. Pierre Paquette |
M. Mario Polèse |
Á | 1110 |
M. Pierre Paquette |
M. Mario Polèse |
M. Pierre Paquette |
M. Mario Polèse |
M. Pierre Paquette |
M. Mario Polèse |
M. Pierre Paquette |
M. Mario Polèse |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
M. Pierre Paquette |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
M. Pierre Paquette |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
M. Mark Eyking |
M. Mario Polèse |
M. Mark Eyking |
Á | 1115 |
M. Mario Polèse |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
M. Pierre Paquette |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
M. Pierre Paquette |
M. Mario Polèse |
Á | 1120 |
M. Pierre Paquette |
M. Mario Polèse |
M. Pierre Paquette |
M. Mario Polèse |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
M. Mario Polèse |
M. Pierre Paquette |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
M. Mario Polèse |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
M. Mario Polèse |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
M. Mario Polèse |
Le vice-président (M. Bernard Patry) |
CANADA
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 11 juin 2002
[Enregistrement électronique]
¿ (0910)
[Traduction]
Le vice-président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib)): La séance est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions l'intégration nord-américaine et le rôle du Canada face aux nouveaux défis que pose la sécurité.
Nos témoins, de la Chambre de commerce du Canada, sont M. Robert Keyes, vice-président, division internationale, et M. Alexander Lofthouse, analyste des politiques.
C'est avec plaisir que nous vous accueillons ce matin. Vous avez quelques observations à nous faire. Qui va prendre la parole? Monsieur Keyes? Merci.
M. Robert Keyes (vice-président, Division internationale, Chambre de commerce du Canada): Merci, monsieur le président, et bonjour. C'est avec plaisir que nous vous parlerons de l'intégration Canada-États-Unis, des nombreuses dimensions de cette question à la fois fascinante et cruciale. Nous en avons discuté à plusieurs reprises au sein de nos comités de la Chambre de commerce. Lorsqu'on regroupe des entreprises petites et grandes et des gens des quatre coins du pays, cela donne un éventail d'opinions très intéressant, comme on peut s'y attendre.
J'ai remis au greffier un bref document de discussion qui sera distribué à tous les membres du comité. Nous espérons que ce document contribuera à éclairer vos discussions en vue de la préparation de votre rapport.
Le document d'information préparé par le personnel de recherche du Parlement fait un tour assez complet du sujet, mais il contient plus de questions que de réponses.
Je voudrais lancer six grands sujets de discussion que nous pourrons explorer davantage quand nous en serons aux questions.
Je ferai d'abord valoir que nous avons tendance à tenir pour acquis nos relations avec les États-Unis. Nous sommes des voisins, des partenaires économiques et des alliés. Le Canada et les États-Unis sont à l'aise l'un avec l'autre. Des liens solides nous unissent sur le plan du commerce, de l'infrastructure, du réseau électrique, du réseau routier, des marchés financiers, des réseaux de distribution, du tourisme sans oublier les liens familiaux et autres. Nos relations nord-sud sont peut-être plus solides sur certains plans que nos relations est-ouest, en raison des caractéristiques de notre géographie et de nos systèmes.
Par conséquent, étant donné ces relations confortables, nous faisons beaucoup de choses naturellement, sans beaucoup y réfléchir. Pour cette raison, nos frontières ont été énormément négligées jusqu'au 11 septembre. Le rythme du commerce a largement dépassé la capacité de l'appareillage et de l'infrastructure frontalières qui, sans être tombés en panne, ont quand même connu quelques ratés.
Les membres du comité ont sans doute entendu parler du Partenariat stratégique canado-américain qui a démarré en avril 2000. J'ai participé à la première réunion à Niagara-on-the-Lake, mais c'était une initiative assez timide qui n'a jamais vraiment pris son envol même si elle avait été lancée sous la tutelle du président Clinton et du premier ministre.
Tout cela pour dire que les choses ont suivi leur cours jusqu'au 11 septembre au lendemain duquel les questions auxquelles vous vous intéressez ont accéléré le débat et la réflexion sur l'avenir de nos relations.
En deuxième lieu, je dirais que les relations Canada-États-Unis s'approfondissent de jour en jour. L'intégration économique est déjà une réalité et nous devons examiner toutes les options. Je n'ai pas l'impression que la plupart des Canadiens se rendent compte à quel point l'intégration économique est profonde et s'intensifie. Il y a beaucoup d'entreprises dont les chaînes de production se trouvent de part et d'autre de la frontière. Elles fabriquent des produits pour un marché intégré qui devient de plus en plus homogène. Un bon nombre de gens d'affaires que je rencontre considèrent l'Amérique du Nord comme un marché unique et intégré qui présente seulement des différences mineures.
Pour cette raison, depuis le 11 septembre, la Chambre de commerce fait valoir qu'une gestion efficace des frontières est dans l'intérêt des deux pays et qu'il s'agit vraiment d'une question stratégique pour le Canada. Si nous voulons attirer l'investissement étranger qui desservira l'ALENA à partir du Canada, il faut que la frontière fonctionne bien.
L'année dernière, j'ai rencontré l'ambassadeur chargé des questions économiques d'un grand pays européen. Les gens d'affaires de ce pays veulent savoir si les choses se passent bien à la frontière et si en investissant au Canada ils disposeront d'une rampe de lancement pour leurs projets d'expansion en Amérique du Nord. La même question m'a été posée par mes collègues de la Chambre de commerce internationale à une réunion qui a eu lieu en mai, à Denver.
Je veux seulement vous faire comprendre que ce sont des questions importantes et bien réelles qui sont posées là. Ce n'est pas un argument artificiel.
Troisièmement, notre document suggère certaines possibilités auxquelles nous pouvons réfléchir. Il s'agit de la convergence et de l'harmonisation, de l'union douanière, du marché commun, de l'intégration économique totale et même de la dollarisation, qui est revenue plusieurs fois sur le tapis, bien entendu, chaque fois que le dollar canadien s'est effondré davantage ces derniers mois.
Nous avons discuté de la dollarisation au sein de notre comité et du conseil d'administration. C'est une idée assez intéressante, mais que nous n'avons pas du tout retenue. Nous estimons que ce n'est pas avantageux, pour le moment, sur le plan économique.
¿ (0915)
Les diverses idées que j'ai mentionnées et qui vont de l'union douanière au marché commun sous-entendent des relations de plus en plus étroites et les conséquences que cela implique pour l'indépendance économique du Canada. Vous pourrez en discuter davantage lorsque vous aurez lu notre mémoire où, comme vous le verrez, nous faisons valoir le pour et le contre.
Je tiens à souligner que le Canada et les États-Unis doivent revoir leur réglementation et leurs normes d'approbation respectives. De nombreuses entreprises produisent pour un marché intégré mais doivent encore faire face à des processus de réglementation et d'approbation différents des deux côtés de la frontière. Cela entraîne une perte de temps et d'argent alors que les deux systèmes desservent exactement le même genre de marché. La situation pourrait certainement être améliorée grâce à des ententes de reconnaissance mutuelle et en reconnaissant les normes de l'autre pays.
Ma quatrième observation porte sur la rouverture de l'ALENA. On laisse parfois entendre qu'il faudrait rouvrir l'ALENA pour améliorer les relations Canada-États-Unis. Cela nous permettrait de régler énormément de questions laissées en suspens, par exemple le chapitre 16 concernant la circulation des personnes ainsi que les recours commerciaux comme les mesures antidumping, les droits compensateurs et les mesures à l'égard des subventions.
Mais la rouverture de l'ALENA pourrait également poser des problèmes. C'est comme lorsque vous contestez vos notes à l'université ou que vous en appelez d'une sentence du tribunal. Vous n'êtes pas certain du résultat. Cela peut ramener les discussions sur un sujet que vous préféreriez éviter, nous confronter à de nouvelles exigences ou mettre sur le tapis des questions qui avaient été laissées de côté. Cela pourrait comprendre, par exemple, la culture et les secteurs des services, des domaines dans lesquels le Canada a obtenu d'excellents résultats. La discussion pourrait également reprendre sur les textiles.
Je crois donc que la rouverture de l'ALENA doit être examinée très attentivement, car il y a du pour et du contre.
En cinquième lieu, je dirais que le Canada doit être un partenaire actif dans ses relations bilatérales. Si nous ne voulons pas nous laisser diriger, nous devons prendre les choses en main. Suite aux événements du 11 septembre et à l'élaboration d'un plan d'action comprenant 30 mesures pour une administration efficace de la frontière, les ministres et les fonctionnaires canadiens méritent d'être félicités pour la façon dont ils ont conduit les discussions avec leurs homologues américains. La plupart des idées sont venues du Canada et non pas des États-Unis. En allant au-devant des coups, nous avons réussi à faire en sorte que non seulement la frontière reste ouverte, mais également que les solutions envisagées dans ce nouveau programme de sécurité tiennent compte de nos intérêts. Nous devons continuer à prendre l'initiative, à avoir confiance en nous et à faire preuve de créativité. Nous ne devons pas nous sous-estimer ou nous croire battus d'avance face à un partenaire plus fort que nous.
J'aimerais vous relater un événement récent. Il y a un mois, à Denver, j'ai rencontré les représentants d'une association du milieu des affaires appelée la Canada-Colorado Association. Ce groupe compte 400 membres qui sont des entreprises et des gens d'affaires de la région de Denver dont les activités se partagent entre le Canada et les États-Unis. Ce sont des gens qui ont tout à fait confiance en eux et leur capacité. Les discussions que j'ai eues avec eux m'ont vraiment ouvert les yeux. Ils ne passent pas leur temps à se lamenter sur la faiblesse des Canadiens dans l'énorme marché américain. Ils se livrent à leurs activités avec enthousiasme et confiance. Je crois que le Canada devrait en faire autant.
Le milieu des affaires n'a pas attendu. Nous avons saisi les débouchés que nous offrait l'ALE et l'ALENA. Les statistiques sur le commerce et l'investissement en sont témoins. Chaque jour, de plus en plus de Canadiens renforcent les relations économiques entre le Canada et les États-Unis. Ils votent en faisant du commerce et en investissant.
Je terminerai sur le besoin de se faire remarquer à Washington. En lisant les procès-verbaux de vos discussions, j'ai vu que le comité s'était intéressé à la façon dont le Canada pourrait se faire remarquer à Washington. Bien entendu, dans le contexte du conflit sur le bois d'oeuvre, on a beaucoup parlé de la façon d'attirer l'attention du gouvernement américain. La solution n'est pas facile. Notre ambassade de Washington fait un excellent travail pour défendre les intérêts du Canada. Elle agit sur de nombreux fronts, mais elle a de sérieux défis à relever. Nous ne pouvons pas seulement compter sur le bon travail de nos représentants à Washington.
Nous ne sous-estimons pas la difficulté. Il n'est pas facile de se faire remarquer à Washington, surtout lorsqu'on n'y vote pas. En année d'élection, les intérêts du Canada, comme ceux des autres pays... Nous ne sommes pas les seuls. Les représentants du milieu des affaires des autres pays nous disent qu'ils ont les mêmes problèmes que nous à Washington.
J'ai quelques suggestions à faire à ce sujet. Nous avons besoin d'une bonne direction politique. Il nous faut également une interaction entre les entreprises, celles qui sont actives aux États-Unis et qui ont des installations des deux côtés de la frontière. Nous avons également besoin de relations bilatérales comme celles que nous avons avec la Chambre de commerce des États-Unis et de relations entre nos chambres locales et les chambres américaines. Il y a, par exemple, d'excellentes relations entre les chambres de Plattsburgh et de Montréal. Nous devons également établir de bonnes relations entre nos parlementaires et les législateurs américains, nos provinces et les États, entre nos syndicats, et ainsi de suite.
¿ (0920)
Nous devons agir sur divers fronts et répéter les mêmes messages en adoptant le langage que Washington pourra comprendre. Il faut continuellement se demander si nous visons juste, car ce n'est peut-être pas toujours le cas.
Nous devons faire comprendre à nos amis américains que nous avons avec eux d'importantes relations qui servent les intérêts de nos deux pays. De nombreux Américains ne savent pas que le Canada est le principal partenaire commercial de 38 des 50 États. Savons-nous faire valoir cette réalité? Nous devons revoir toute notre stratégie de communication vis-à-vis des États-Unis.
Permettez-moi de résumer, monsieur le président. Cette étude de votre comité arrive à point nommé. Comme je l'ai déjà dit, l'aimable indifférence des Américains à notre égard représente l'un de nos problèmes les plus graves et elle ne doit pas continuer. Nous ne pouvons pas laisser cette dérive se poursuivre. Les relations Canada-États-Unis sont trop importantes.
La longue liste de questions préparée par le secrétariat du comité témoigne de la complexité du problème et de la nécessité d'y réfléchir de façon proactive. Comme je l'ai dit, ces questions suscitent davantage d'interrogations qu'elles ne fournissent de réponses.
J'aimerais dire une dernière chose. Nous n'avons pas encore d'approche stratégique pour répondre à ces questions. Nous n'avons pas une idée globale du contexte dans lequel se situe l'intégration. Nous n'avons pas de politique ou de plan ou de ministère qui soit vraiment chargé de la question. La création d'un département de la Sécurité intérieure que le président Bush a récemment annoncée montre peut-être que les États-Unis commencent à envisager une plus grande intégration. Nous devons en faire autant.
Les relations Canada-États-Unis doivent être prises en main sérieusement. Nous devons définir nos priorités, nos intérêts et nos objectifs, et cela à nos conditions et en tenant compte de nos besoins. Le rapport de votre comité sera important pour orienter la discussion. J'ai hâte de pouvoir discuter avec vous et de lire le rapport que vous produirez à la fin de vos audiences.
Merci de votre attention.
Le vice-président (M. Bernard Patry): Merci beaucoup, monsieur Keyes.
Nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur Day, je vous en prie.
M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
[Note de la rédaction: Inaudible]...que le gouvernement canadien n'ait pas de politique globale à l'égard de nos relations avec les États-Unis. Ce qu'il y a de positif dans nos relations c'est que le milieu des affaires a toujours été en avance par rapport au gouvernement. Les gens d'affaires ont spontanément établi des relations avec leurs partenaires commerciaux américains ou encore des entreprises, des groupes d'acheteurs ou des consommateurs. J'invite la Chambre et ses organisations affiliées à poursuivre dans cette voie étant donné que les gouvernements n'ont pas la capacité de le faire. En réalité, lorsque les gouvernements s'en mêlent trop, il y a trop d'interventionnisme et cela ralentit les relations spontanées qui peuvent s'établir entre les entreprises, qu'elles soient dans le même pays, dans des pays différents ou dans la même rue.
Vous avez parlé de la réglementation. Avez-vous constitué, avec vos partenaires des États-Unis, les autres membres de la Chambre de commerce, un réseau permettant de mettre en lumière certaines différences dans la réglementation? Vous pourriez alors les porter à l'attention du gouvernement du Canada et des États-Unis afin qu'ils puissent aligner les deux régimes.
En ce qui concerne le protectionnisme américain, qui nous inquiète sérieusement, votre partenariat avec les chambres de commerce américaines vous permet-il de leur faire comprendre votre douleur—pour reprendre les paroles d'un ancien président? Cela m'inquiète beaucoup.
L'histoire a démontré—et l'on peut remonter jusqu'en 1929—que les difficultés des marchés s'aggravent avec le protectionnisme comme celui qui règne actuellement aux États-Unis. Il ne leur suffit pas d'invoquer les élections comme excuse. Les mesures de représailles des autres pays vont entraîner de sérieux problèmes. L'histoire se répète.
Vos homologues des États-Unis sont-ils prêts à vous entendre et à aller dire à la Maison Blanche ou au Congrès: «Cela pose un problème à nos amis du Canada et d'ailleurs et cela va nous retomber sur le dos»?
Pourriez-vous nous parler de vos relations et nous dire ce qu'il est possible de faire.
¿ (0925)
Le vice-président (M. Bernard Patry): Monsieur Keyes, allez-y.
M. Robert Keyes: Merci.
Pour ce qui est de votre première question, monsieur Day, nous en avons discuté de façon générale avec la Chambre de commerce des États-Unis, mais les détails doivent être abordés à un niveau plus sectoriel, surtout dans les secteurs directement touchés. Que ce soit dans le secteur de l'automobile, des produits pharmaceutiques ou des produits de consommation, aucun travail n'est fait au niveau bilatéral pour signaler ces anomalies.
Certaines d'entre elles sont assez curieuses, surtout en ce qui concerne les médicaments et les cosmétiques. Un même produit fabriqué dans la même usine, avec les mêmes ingrédients, pour les deux marchés, est traités comme un médicament dans un pays et comme quelque chose d'autre dans l'autre pays. C'est ridicule. Si nous trouvions un moyen de reconnaître et d'accepter ce que fait chaque pays, cela réduirait énomément les difficultés et les coûts.
Pour répondre à votre première question, je dirais que si vous en parlez à certaines associations sectorielles, vous verrez qu'elles ont beaucoup plus d'échanges bilatéraux directes que les chambres de commerce, dont l'action est beaucoup plus diffuse face aux problèmes.
Ce problème existe également dans le secteur des télécommunications. Les normes qui s'appliquent à l'équipement de télécommunications sont différentes. Il y a des différences entre les exigences des normes ULC et CSA. Beaucoup de systèmes portent les deux étiquettes parce qu'ils doivent répondre deux fois aux mêmes normes.
C'est la même chose dans le secteur de l'alimentation, me rappelle Alex.
Y a-t-il des problèmes? Oui. Ces normes ont-elles leurs raisons d'être? Oui. Mais la plupart d'entre elles ont été adoptées avant que le marché ne soit intégré et cette intégration a progressé plus vite que les mécanismes de réglementation. Il va falloir soumettre le système actuel à un examen rationnel.
Quant à votre question concernant le protectionnisme, nous en avons parlé avec nos collègues des États-Unis qui partagent certainement ces inquiétudes. J'avoue toutefois que certains d'entre eux se trouvent coincés entre les intérêts politiques divergents de leurs propres membres. Quand je demande à mes homologues «ce qu'ils pensent des droits de douane sur l'acier»--ils me répondent qu'ils se retrouvent coincés entre les intérêts des consommateurs et des producteurs.
Pour ce qui est des derniers problèmes concernant l'acier et le projet de loi agricole américain, entre autres choses... La réunion de Denver de la CCI, dont j'ai parlé, regroupait des représentants de 82 pays qui ont tous dénoncé la politique commerciale et le protectionnisme américains.
Quand deux éléphants comme les États-Unis et l'Union européenne s'amènent sur la piste de dance, ils ne risquent pas de se faire beaucoup de mal, mais ils provoquent beaucoup de dommages collatéraux. C'est très inquiétant. Quand ces deux éléphants se dressent l'un contre l'autre, cela risque de poser de sérieux problèmes au niveau des progrès que nous souhaitons tous pour aider les pays en développement. Certains de ces efforts vont être sapés.
Les gens invoquent effectivement les élections, mais avec les élections de mi-mandat, le cycle électoral recommence tous les deux ans aux États-Unis. Lorsque le Congrès est très équilibré comme c'est le cas maintenant, c'est là que se trouvent les votes. Les membres du comité savent que la politique se fait toujours au niveau local. Vous le savez beaucoup mieux que nous du milieu des affaires.
Ce sont là de sérieux problèmes, monsieur Day. Il n'y a pas de solution facile.
¿ (0930)
M. Stockwell Day: Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. Bernard Patry): Nous allons maintenant entendre M. Lofthouse, suivi de M. Paquette.
Monsieur Lofthouse, je vous en prie.
M. Alexander Lofthouse (analyste des politiques, Chambre de commerce du Canada): Merci.
Suite à ce que M. Keyes vient de dire, monsieur Day, pour se placer purement du point de vue des États-Unis, certains Américains sont mal à l'aise devant les mesures prises à l'égard du bois d'oeuvre, de l'acier et du Farm Bill. Ce sont des dossiers qui vont créer des remous.
En fait, le New York Times s'est prononcé carrément contre et certaines personnes, au sein du milieu des affaires, trouvent que c'est une mauvaise idée, que cela fera complètement dérailler l'agenda commercial de Doha. Mais c'est un point de vue beaucoup plus difficile à faire accepter que celui du représentant d'un groupe d'intérêts qui vient parler d'«un problème précis». Ce genre de doléances sera beaucoup plus facile à faire valoir à Washington qu'une grande initiative comme celle de Doha. Beaucoup de gens ne comprennent tout simplement pas.
Voilà donc pourquoi c'est difficile à faire comprendre à Washington. Il y a des Américains qui comprennent, mais c'est un argument beaucoup plus difficile à faire valoir que certains problèmes sectoriels qui sont beaucoup plus faciles à mettre en évidence et qui permettent de gagner beaucoup plus de votes.
[Français]
Le vice-président (M. Bernard Patry): Monsieur Paquette.
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci, monsieur le président.
D'abord, je remercie la Chambre de commerce du Canada pour sa présentation. J'ai été retenu par la pluie et j'en ai manqué une petite partie. J'apprécie toujours la clarté des propos de celle-ci. J'aurais aimé quand même développer trois sujets.
D'abord, en ce qui concerne le Mexique, est-ce que la Chambre de commerce du Canada a des préoccupations quant à nos relations avec le Mexique? Dans une vision véritablement nord-américaine des circuits économiques, serions-nous peut-être capables aussi, avec les Mexicains, de créer parfois un rapport de force avec les Américains qui serait peut-être plus efficace que lorsqu'on est seul? Quelle est donc la place du Mexique dans l'intégration nord-américaine?
Vous avez parlé de la nécessité de développer des relations sectorielles entre le Canada et les États-Unis, c'est-à-dire la communauté des affaires, mais aussi les organisations syndicales, les parlementaires. J'ai beaucoup apprécié cela.
Dans le cadre de la négociation de la Zone de libre-échange des Amériques, il y a un forum des gens d'affaires qui est déjà reconnu. Je ne connais pas le nom exact de celui-ci, mais je crois qu'il s'agit du Americas Business Forum. Il y a une organisation qui regroupe plusieurs organisations de la société civile. Celle-ci s'appelle l'Alliance sociale continentale. Elle a demandé à être reconnue au même titre. Est-ce que, dans la logique de ce que vous avez avancé quant aux relations entre le Canada et les États-Unis, il ne serait pas normal pour notre comité de recommander que les gouvernements se préoccupent davantage de la reconnaissance d'une partie de la société civile qui n'est pas celle du milieu des affaires afin de réduire, justement, les soupçons qui entourent la négociation de la Zone de libre-échange des Amériques? Quelle est donc la place que la société civile, autres que les gens d'affaires, devrait occuper dans la négociation?
Le dernier point touche le chapitre 11 de l'ALENA. Vous savez qu'hier la ministre des Relations internationales du Québec, Mme Beaudoin, a annoncé que le Québec ne donnerait plus son accord à des accords de libre-échange comportant des dispositions similaires au chapitre 11, en particulier celles concernant le règlement des différents entre entreprises et États. Monsieur Pettigrew a réitéré encore une fois la semaine dernière au Mexique qu'il fallait, à son avis, corriger ça. Il semble que les Mexicains soient de plus en plus sensibles à cette réalité de même que les gens du congrès en particulier depuis que certaines entreprises canadiennes utilisent le chapitre 11 pour contester les mesures dans le dossier du bois d'oeuvre. J'aimerais savoir si, du côté de la Chambre de commerce du Canada, il y a une réflexion qui se fait, parce qu'il s'agit d'un débat qui est loin d'être terminé.
Merci.
[Traduction]
Le vice-président (M. Bernard Patry): Monsieur Keyes, allez-y.
M. Robert Keyes: Je vous remercie pour vos questions.
Tout d'abord, en ce qui concerne le Mexique, l'une des difficultés est de savoir si nous devons nous occuper des relations entre le Canada et les États-Unis ou des relations avec le reste du continent nord-américain. De toute évidence, nos principales relations sont celles que nous avons avec les États-Unis et je crois que ce doit être notre première priorité. Il est certainement dans notre intérêt d'avoir le Mexique comme allié et comme partenaire. Nous avons toute une série de problèmes communs. Mais en même temps, les problèmes frontaliers du Mexique sont assez différents des nôtres.
Les Mexicains ont le problème d'immigration illégale, par exemple. Le problème de sécurité n'est pas le même là-bas qu'à notre frontière et les préoccupations de Washington à cet égard sont différentes. Il y a certaines choses que nous pouvons faire ensemble, mais d'autres que nous pouvons faire séparément. Notre première priorité doit être nos relations avec les États-Unis et non pas avec le Mexique. Cela ne veut pas dire que nous ne puissions pas faire certaines choses ensemble et penser davantage à l'échelle du continent.
Le Mexique est en train de devenir un concurrent et un partenaire important au sein de l'ALENA. Son commerce, son activité économique, est en pleine expansion. Les Mexicains ont su conclure des ententes commerciales bilatérales et bien se positionner comme rampe de lancement pour des activités économiques aux États-Unis. Ils ont une entente avec l'Europe, ce que nous n'avons pas. Les Mexicains ont donc été très dynamiques et ont remporté beaucoup de succès dans leurs entreprises. Je leur tire mon chapeau.
Mais si nous prenons les relations Canada-États-Unis-Mexique... nos relations avec le Mexique sont loin d'être aussi importantes que nos relations avec les États-Unis, qui doivent être notre première priorité.
Pour ce qui est du Forum des affaires des Amériques, j'ai participé à plusieurs de ces réunions. Je ne sais pas si j'irai en Équateur cet automne, mais j'étais à Buenos Aires pour la dernière réunion. Je suis certain que la politique commerciale des États-Unis sera au centre des discussions de cet automne et qu'elle va soulever un point d'interrogation.
Tout le monde attend que les Américains fassent entériner leurs mesures de promotion du commerce. Tant que ce ne sera pas fait, la ZLEA ne progressera pas beaucoup. La ZLEA est une tribune utile pour permettre au milieu des affaires d'échanger des opinions et des messages.
¿ (0935)
Je faisais partie du groupe qui a rencontré des représentants de la société civile à Québec. Cette réunion a été utile. Je crois que certains d'entre nous ont été surpris de la tournure rationnelle et intelligente de la discussion, ce qui n'est pas le cas dans les autres tribunes. En vérité, cela a été une bonne session et je crois que des relations se sont nouées.
À propos de vos remarques concernant le chapitre 11 et le point de vue exprimé hier par le ministre québécois—je n'en ai pas encore pris connaissance donc je ne peux vraiment faire de commentaires—, j'espère que lors de la discussion sur le chapitre 11 nous ne perdrons pas de vue les principes de base de protection des investisseurs, de non-discrimination et de traitement équitable. Ce sont les principes sous-jacents aux mécanismes de protection des investisseurs, qu'ils soient contenus dans des ententes bilatérales—le Canada est le signataire d'une vingtaine d'entre elles—, qu'il s'agisse de l'ALENA ou qu'il s'agisse, comme cela sera le cas, des questions dites de Singapour dans le contexte de la négociation de Doha. L'objectif essentiel est de protéger les droits des investisseurs, et si nous voulons attirer des investisseurs et si nous voulons des investisseurs canadiens à l'étranger—et vous avez certainement vu les dernières statistiques sur le volume des investissements canadiens à l'étranger—, il faut garantir aux investisseurs un traitement équitable.
On attribue au chapitre 11 presque tous les maux et je ne suis pas d'accord. Il s'agit d'un mécanisme dont la jurisprudence d'application n'est pas encore complètement écrite. Comme pour toute loi ou pour tout mécanisme, nous n'en avons pas encore défini les paramètres. Il y a eu des quantités d'investissements sans aucun problème et sans aucun différend. C'est comme les 95 p. 100 de nos échanges commerciaux avec les États-Unis qui se déroulent sans problème et dont on n'entend jamais parler. Par contre, on n'arrête pas d'entendre parler des problèmes que pose le reste.
Des initiatives sont en cours pour clarifier et préciser l'application de ces accords. J'ai plusieurs sources de renseignements car je dirige également un comité d'arbitres canadiens qui travaille sur le chapitre 11. C'est ce que me disent les arbitres qui se plaignent entre autres de ne pas pouvoir faire leur travail en paix. Nous pourrions en discuter une autre fois car c'est assez complexe et les points d'interrogation ne manquent pas. La situation n'est ni simple ni claire.
¿ (0940)
Le vice-président (M. Bernard Patry): Monsieur Lofthouse.
M. Alexander Lofthouse: Merci, monsieur le président. Une toute petite chose à propos du Mexique. Monsieur Paquette, nous en avons déjà discuté au sous-comité et je crois que ma réponse mérite probablement d'être répétée dans ce contexte.
S'agissant de l'intégration nord-américaine, à mon avis il ne faudrait pas l'envisager sous l'angle d'une alternative: une entente bilatérale ou une entente trilatérale. Les progrès ne seront pas les mêmes sur tous les dossiers en même temps. L'expérience européenne est vraiment instructive sur ce plan. À mon avis, le modèle de l'intégration européenne n'est pas vraiment un très bon modèle pour l'Amérique du Nord sur de nombreux plans, mais il y en a un où il l'est.
En Europe ils ont un concept d'intégration modulée en vertu duquel les partenaires ne sont pas tous intégrés de la même manière et en même temps. La monnaie commune: ils n'en font pas tous partie parce qu'ils ne sont pas tous prêts et parce que certains n'en veulent pas. L'Accord de Schengen sur les frontières intérieures: ils n'en font pas tous partie parce qu'ils ne sont pas tous prêts.
Je crois qu'on pourrait envisager la même chose pour le Canada, les États-Unis et le Mexique. Il y a certains dossiers sur lesquels nous pouvons travailler sur une base trilatérale, comme c'est déjà le cas pour la réduction des tarifs douaniers, les politiques d'investissement et ainsi de suite. Mais dans d'autres dossiers, comme par exemple les mesures de sécurité à la frontière ou la circulation des personnes, on ne peut pas procéder de cette façon. Il ne faut pas s'en faire, car nous parlons ici de trois pays très différents qui fonctionnent dans trois contextes très différents.
En conséquence, s'il y a des dossiers sur lesquels il est préférable de travailler bilatéralement—le Canada et les États-Unis, ou d'ailleurs pourquoi pas, les États-Unis et le Mexique—, qu'il en soit ainsi. Je pense que nous pouvons construire cet espace économique trilatéral tout en réglant les problèmes de certains dossiers sur une base bilatérale. Je ne pense pas que les deux soient mutuellement exclusifs.
Le vice-président (M. Bernard Patry): Monsieur Assadourian, je vous en prie.
M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. J'ai trois petites questions. Premièrement, j'aimerais avoir votre réaction, monsieur Keyes. Nous avons souvent discuté du bois d'oeuvre et de la taxe de 29 p. 100 et des poussières. D'aucuns ont suggéré de faire payer une taxe équivalente aux Américains sur l'énergie. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Deuxièmement, pourriez-vous m'expliquer s'il y a une différence idéologique entre les républicains de l'administration Bush et les démocrates? Si les démocrates étaient à la Maison Blanche, nos relations commerciales avec les Américains seraient-elles les mêmes ou seraient-elles différentes pour des raisons d'idéologie? Les républicains sont plus protectionnistes que les démocrates, d'après moi.
Enfin, si vous étiez la Chambre de commerce des États-Unis, à quelles politiques américaines attribueriez-vous les problèmes commerciaux avec le Canada?
M. Robert Keyes: Question intéressante.
M. Sarkis Assadourian: Merci beaucoup.
M. Robert Keyes: Ce sont trois questions très intéressantes.
Pour le bois d'oeuvre, il ne faut pas penser à une mesure de réciprocité. Ne faites pas la même chose. Vous ne l'avez peut-être pas lu, mais l'ancien ambassadeur canadien aux États-Unis, Allan Gotlieb, a rédigé un article très intéressant il y a un an sur la question de la réciprocité où il fait la comparaison avec un jeu de saute-mouton où le mouton est remplacé par une licorne, ce qui peut avoir des conséquences très douloureuses. Ce qu'il voulait dire, c'est que nos relations sont tellement multiples...
M. Sarkis Assadourian: Il est conservateur?
M. Robert Keyes: Nos relations sont tellement multiples que de se lancer dans une petite guerre de représailles... on finit par se tirer dans le pied. C'est ce qui s'est passé chaque fois qu'on s'est lancé dans des mesures de représailles. C'est bien beau de prendre ce genre de mesures et on a pu le constater dans tous les différends commerciaux. C'est ce qui s'est passé, par exemple, entre le Canada et le Brésil. Ce genre de représailles finit par nous faire plus de mal que de bien.
Donc, se lancer dans une aventure de réciprocité de ce genre, même si au départ cela peut sembler très séduisant, ce n'est pas le genre de stratégie que nous conseillerions. Ce serait pour nous un jeu très dangereux. Nous sommes beaucoup trop étroitement intégrés.
Pour ce qui est de votre deuxième point sur les différences idéologiques, mon collègue Alex voudra vous dire un mot ou deux.
En théorie, une administration républicaine devrait être plus ouverte sur le plan du libre-échange qu'une administration démocratique. C'est ce que le monde des affaires américain attendait de l'administration Bush et à mon avis il a été un peu déçu. Les promesses du programme électoral des républicains ont été sacrifiées sur l'autel de la politique intérieure et de l'équilibre politique très fragile à la Chambre des représentants. J'ai entendu un de mes homologues américains dire que certaines initiatives de l'administration Clinton ne lui plaisaient pas mais qu'au moins nous savions exactement à quoi nous en tenir alors qu'aujourd'hui nous ne savons pas. Nous ne savons tout simplement pas et le déroulement du scénario est tout à fait imprévisible.
Pour ce qui est de la Chambre de commerce des États-Unis, si je nous regardais avec les lunettes de cette chambre, je crois que je m'intéresserais à certains de nos systèmes, à nos méthodes... Ils continuent à considérer que nous vivons toujours sous un régime de dirigisme d'État, de mécanismes gouvernementaux, de sociétés de la Couronne. Nous faisons les choses différemment, mais ça nous regarde. Par contre, nous avons pu constater avec le bois d'oeuvre et les droits de coupe—et, aussi, la Commission canadienne du blé—que comme nous faisons les choses différemment, il arrive qu'il y ait incompatibilité avec la législation commerciale américaine. C'est un problème que nous rencontrons constamment. C'est la même chose pour l'agriculture.
Il y a donc un manque de compréhension et un manque de souplesse des Américains vis-à-vis de nos méthodes qui sont parfois différentes. Nous les considérons bonnes, eux parfois non. Il reste qu'ils utilisent leurs mécanismes contre nous sur le marché.
Alex.
¿ (0945)
M. Alexander Lofthouse: Merci.
Monsieur Assadourian, vos trois questions étaient excellentes.
J'aimerais simplement ajouter une petite chose en réponse à votre question sur la différence idéologique entre les administrations démocratiques ou républicaines sur le plan du commerce. Je poserais comme vous la question mais j'y ajouterais un élément supplémentaire: le contrôle du Congrès. Comme je consacre énormément de temps à suivre les événements à Washington, comme la majorité d'entre vous, j'en suis sûr, je sais qu'une grosse partie du programme politique est dirigée par le Congrès. Même dans les domaines qui relèvent clairement de l'administration, comme la politique commerciale, c'est le Congrès qui dicte souvent les actes de la Maison Blanche. C'est une réalité que ce soit le même parti qui contrôle les deux branches de l'exécutif ou que les rôles soient partagés.
Je dirais donc que ce n'est pas tant à la Maison Blanche qu'il faut s'intéresser mais au Congrès, et à ceux qui le mènent. Nous sommes à l'aube d'une année électorale et le Congrès est très divisé, la lutte pour les sièges est intense parce que dans les deux chambres il suffit qu'un ou deux sièges basculent pour que toute la dynamique change. Votre question est excellente, mais j'y ajouterais un élément supplémentaire: le contrôle du Congrès car cela fait une énorme différence.
M. Sarkis Assadourian: Nous comprenons le problème mais quelle est la solution alors? Nous savons quel est le problème. Devons-nous abandonner, jeter l'éponge et nous résigner parce que c'est comme ça et pas autrement? Que pouvons-nous faire? C'est moi qui saute par-dessus la licorne, alors pourquoi discuter?
M. Robert Keyes: En définitive, monsieur Assadourian, cela revient à dire qu'il faudrait que Washington et les Américains prennent mieux conscience de la nature des relations canado-américaines et de notre importance réciproque.
J'étais en Australie lors de l'annonce des tarifs sur l'acier. Dans toute la presse australienne, les éditoriaux signalaient que le Canada avait été épargné dans le dossier de l'acier, grâce à l'ALENA, qui nous a protégés. Les journaux disaient qu'il fallait que l'Australie signe un accord de libre-échange avec les États-Unis. J'ai rencontré des parlementaires avec lesquels j'avais travaillé là-bas, et je leur ai dit que je n'étais pas de cet avis. Un accord de libre-échange ne protège pas nécessairement contre ce genre de mesures. Pour l'essentiel, l'ALENA assure un échange plus libre, mais ce n'est pas un accord d'échange totalement libre.
Nous n'avons pas encore réussi à franchir l'importante étape suivante, c'est-à-dire l'intégration des institutions, qui nous permettrait d'éviter les problèmes de ce genre. Les recours commerciaux font partie des grands sujets qui restent en suspens et que nous n'avons pas pu remettre au programme des négociations canado-américaines.
¿ (0950)
Le vice-président (M. Bernard Patry): À vous, monsieur Eyking.
M. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Keyes, j'ai fait partie du comité du commerce international avant d'arriver à celui des affaires étrangères, et j'aime bien la façon dont vous avez résumé la question des relations canado-américaines, de leur importance et de l'orientation qu'elles devraient prendre.
Depuis un an, en particulier depuis le 11 septembre, les Américains se sentent un peu coincés face au reste du monde. Ils estiment devoir faire ce qu'ils font.
Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que les communications bilatérales sont essentielles. Nous pouvons les comprendre, ils peuvent nous comprendre et savoir que nous sommes de vrais amis, mais comme vous l'avez dit, il doit en être ainsi à tous les niveaux de la société, aussi bien dans les syndicats que parmi les autorités municipales, et d'un côté comme de l'autre.
J'aime l'idée du Canada considéré comme tremplin pour les Européens et les Asiatiques qui veulent accéder à la zone nord-américaine de libre-échange. On entend souvent dire qu'ils cherchent à s'y introduire et qu'ils considèrent le Canada comme une bonne plate-forme de lancement. Mais est-ce que l'environnement que nous avons à proposer aux sociétés japonaises ou européennes qui veulent venir ici est aussi satisfaisant, voire meilleur, que celui que leur propose le Tennessee ou les autres États américains?
L'autre jour, nous avons accueilli Buzz Hargrove qui nous a parlé de tout ce qui est meilleur ici qu'aux États-Unis: nous avons un système de santé, qui permet aux entreprises d'économiser, nous avons une main-d'oeuvre bien formée, etc. Il a dit que les incitatifs avaient un effet déterminant sur les décisions d'implantation en Amérique du Nord.
Je voudrais savoir si nous sommes véritablement à la hauteur. M. Day dit que le gouvernement n'a pas à intervenir, qu'il faut laisser les entreprises prendre leurs décisions et qu'il faut respecter intégralement le principe de libre entreprise. Pour M. Hargrove, si Honda—c'est juste un exemple—décide d'ouvrir une usine aux États-Unis plutôt qu'au Québec, par exemple au Tennessee, où les municipalités accordent gratuitement toutes sortes d'avantages...on peut dire que ces sociétés sont ultra subventionnées.
Qu'en est-il de notre côté? Je sais qu'il peut y avoir des différences entre les États et les provinces. Est-ce qu'il faudrait remonter le niveau, ou est-ce que ces incitatifs ne servent pas plutôt à...? Que faut-il en penser?
Le vice-président (M. Bernard Patry): À vous, monsieur Keyes.
M. Robert Keyes: Merci.
Nous nous plaisons à penser que le Canada est un bon tremplin pour les investisseurs étrangers. M. Hargrove a signalé que nous avons de nombreux avantages: un système de santé, une main-d'oeuvre hautement qualifiée, notre dollar et nos coûts de production. Notre régime fiscal s'améliore. Nous avons beaucoup progressé. Nous avons encore du chemin à faire, mais nous sommes en progrès.
Les différentes analyses géographiques du MAECI—elles ont été réalisées par KPMG, je crois—sur les différents coûts dans les différentes régions du pays ont bien montré que nous avons effectivement des avantages considérables à offrir. Nous ne jouons pas à ce jeu des subventions. Le Canada a renoncé aux subventions qu'il accordait directement autrefois aux entreprises. Nous n'en avons plus les moyens. Est-ce que c'est un facteur important dans le choix d'un emplacement? Oui, c'est certain. S'il fallait se livrer au dollar près à une concurrence de ce genre, je craindrais que le Canada ne s'engage sur une pente dangereuse en faisant toutes sortes de cadeaux dont il n'a pas les moyens. Grâce à notre dollar, à nos charges salariales inférieures et à tout le reste, nous rattrapons une bonne partie de ce qui peut nous désavantager.
¿ (0955)
M. Mark Eyking: Sommes-nous vraiment sur un pied d'égalité? D'après vous, y a-t-il une situation d'équilibre entre les sociétés qui arrivent et celles qui partent? Est-ce que vous vous entretenez avec celles qui arrivent pour contrebalancer celles qui partent, pour ainsi dire?
M. Robert Keyes: Non, je n'ai pas résolu cette équation et je ne l'ai pas chiffrée en dollars de part et d'autre. Les entreprises font des choix d'implantation pour toutes sortes de raisons, et elles considèrent la situation économique, l'état de la main-d'oeuvre, le régime fiscal et le régime de réglementation. Je me souviens du temps où je travaillais dans l'industrie minière; lorsqu'une entreprise minière était implantée dans deux endroits différents et constatait un déséquilibre, indépendamment des subventions... Les décisions étaient prises pour toutes sortes de raisons très intéressantes et parfois étranges. Mais je pense que nos avantages, notamment nos coûts inférieurs, parviennent à compenser ces formes de subventionnement direct et d'exonération fiscale accordées par les municipalités.
Le vice-président (M. Bernard Patry): À vous, madame Jennings.
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci beaucoup. C'est un plaisir pour nous de vous accueillir à nouveau, monsieur Keyes. Je me souviens de votre comparution lorsque j'étais au comité de l'industrie, et de celle de M. Lofthouse.
M. Robert Keyes: Nous n'arrêtons pas. Cela montre bien que les affaires étrangères couvrent de nombreux secteurs de l'action gouvernementale.
Mme Marlene Jennings: Je voudrais dire tout d'abord que j'ai beaucoup aimé votre exposé, même si je ne l'ai pas entendu intégralement. Comme mon collègue M. Paquette et vous-même, apparemment, je suis arrivée en retard à cause de la pluie. Mais la partie de l'exposé que j'ai entendue et les réponses ultérieures m'ont paru très intéressantes, en particulier lorsque vous avez dit que le modèle européen d'intégration ne convenait pas vraiment à l'Amérique du Nord, même s'il présente certaines caractéristiques dont nous pourrions nous inspirer, comme la modulation de l'intégration, et le fait que même en Europe, les secteurs ne se sont pas tous intégrés en même temps, les pays de l'Union européenne n'ont pas tous adopté des règles communes ni même une monnaie commune. Tout cela me semble très intéressant; en matière d'intégration nord-américaine, vous avez signalé, monsieur Keyes, que la sidérurgie est sans doute l'une des industries les plus intégrées d'Amérique du Nord.
En outre, la sidérurgie a constitué l'un des fondements même de l'Union européenne. Aujourd'hui, il y a intégration entre les trois sidérurgies nord-américaines, même au niveau des syndicats, qui appartiennent à une fédération commune ou qui se sont dotées d'une organisation cadre.
Lorsque nous sommes allés aux États-Unis puis au Mexique, et en particulier dans ce pays, les représentants de la sidérurgie—aussi bien les syndicats, les industriels que les autorités politiques—étaient tous d'accord pour dire qu'il fallait mettre en place des règles de concurrence communes et renforcer encore l'intégration. Et ils ont cité l'exemple de la dernière affaire de dumping, où les États-Unis ont imposé des droits et des tarifs antidumping dont le Canada et le Mexique ont été exemptés.
Ils nous ont expliqué que les industries canadiennes et mexicaines de l'acier, de même que les syndicats, faisaient pression auprès des Américains en disant qu'ils pouvaient imposer un tarif sans hésiter et que les Canadiens et les Mexicains pourraient y faire face grâce à l'intervention de leurs gouvernements respectifs.
Si vous êtes d'accord pour reconnaître que l'industrie est très intégrée et qu'il faut chercher à l'intégrer encore davantage au plan trilatéral, qu'est-ce que le comité devrait inscrire dans son rapport? Devrait-il recommander au gouvernement d'agir au plan trilatéral, par ses politiques ou dans les négociations pour favoriser encore l'intégration?
À (1000)
M. Robert Keyes: L'industrie de l'acier est le candidat idéal et on pourrait même dire le cobaye, pour un modèle nord-américain. On a envisagé la possibilité d'avoir une approche très intégrée. Il faudrait apporter des changements réglementaires, et cela soulèverait les problèmes de concurrence.
Il faudrait s'assurer la participation du département américain de la Justice et des autorités antitrust. Cela ferait probablement intervenir des questions de commercialisation, de normes et de douanes, concernant la façon dont on suit l'itinéraire de ces expéditions. Il faudrait pratiquement—et je déteste utiliser cette expression—adopter une stratégie fondée sur l'idée du périmètre en ce qui concerne l'acier, selon laquelle les trois pays diraient, «très bien, nous avons maintenant ce marché intégré et nous allons partager ce marché»—et j'utilise ce mot prudemment. «Nous avons une quantité donnée d'acier produit dans le pays et une quantité donnée d'acier produit à l'étranger. Nous allons en prendre telle quantité.»
On pourrait procéder par produit, c'est-à-dire que certaines installations se spécialiseraient dans certains produits. Ce pourrait être semblable à ce qui se fait dans l'industrie automobile, où on donne à une usine en particulier un mandat international ou un mandat nord-américain. Pratiquement la totalité des corn flakes de l'Amérique du Nord sont produits par Kellogg à London. C'est le mandat prévu.
Il y a aussi des cas où on aurait des entreprises plus fortes et des entreprises plus faibles. Dans les trois pays il existe des entreprises qui sont plus fortes et d'autres qui connaissent des difficultés.
Lors des discussions de l'OCDE qui se sont déroulées sur la capacité de la sidérurgie, on a bien précisé qu'il ne s'agissait pas que chaque pays produise une quantité donnée de tonnes. Il s'agit plutôt de déterminer où intervient l'octroi de subventions, où se trouve la capacité qui ne devrait pas être subventionnée.
Je crois que cela donnerait lieu à des discussions très détaillées. Il faudrait peut-être que certaines usines disparaissent. Il faudrait prévoir des programmes d'ajustement, et cela pourrait être douloureux pour les collectivités touchées. Donc la concurrence, la confiance, la commercialisation—il existe une foule de possibilités mais c'est un modèle qui est tout à fait envisageable.
Mme Marlene Jennings: Croyez-vous que nous devrions commencer par parrainer une conférence quelconque sur la question qui réunirait les principaux intervenants?
Compte tenu de notre plan en 30 points sur la sécurité des frontières, une étape consisterait-elle à envisager une union douanière?
M. Robert Keyes: C'est une possibilité. Il faudrait évidemment que je consulte l'industrie de l'acier à ce sujet.
Mme Marlene Jennings: Les Mexicains y sont favorables.
M. Robert Keyes: Il faudrait que je voie ce que nos collègues de l'industrie canadienne de l'acier ont à dire. Ce qui nous préoccupe vraiment, c'est que nous avons un marché intégré ici mais chaque pays continue d'appliquer ses propres règles, ses propres recours commerciaux, et que par conséquent il existe un conflit inhérent. C'est ce qui nous cause tant de difficulté.
C'est une situation que l'on constate de plus en plus dans le cas du bois d'oeuvre aussi, où il existe des entreprises de part et d'autre de la frontière. Nous avons un marché intégré, mais nous avons encore les anciennes règles commerciales.
Mme Marlene Jennings: Merci beaucoup.
Le vice-président (M. Bernard Patry): J'ai une question à vous poser, monsieur Keyes. Dans une étude récente faite par l'Institut C.D. Howe intitulée «Shaping the Future of the North American Economic Space: A Framework for Action», on soutient que le Canada a besoin d'une grande idée.
Le Canada devrait-il miser sur une grande idée pour attirer l'attention des décideurs américains, et cette idée devrait-elle inclure une union douanière?
À (1005)
M. Robert Keyes: C'est une bonne question. Si nous revenons au lancement de l'ALE, c'est le résultat d'une vision, d'une idée et d'une initiative assez audacieuses. Le Canada a pris l'initiative en collaboration avec les États-Unis et a vraiment insisté sur le fait que c'est ce que nous voulons. Aujourd'hui, nous en sommes à une approche progressive, nous procédons étape par étape. Nous nous acheminons vers l'intégration. Mais comme je l'ai dit dans mes déclarations préliminaires, nous n'avons pas vraiment de contexte ou plan général. Le milieu des affaires fait ce qu'il considère être le mieux et ce qu'il considère être nécessaire, comme en témoigne clairement la croissance de nos structures d'investissement et d'échange.
Mais je dirais certainement que cette vision audacieuse mérite d'être envisagée. Nous devons la définir. Je crois que cela fait partie de la difficulté. En quoi consiste-t-elle? Si vous optez pour l'union douanière—dont nous discutons dans le document que nous allons vous laisser—, elle compte beaucoup d'avantages et d'inconvénients. Sommes-nous prêts à renoncer à une partie de la marge de manoeuvre que nous possédons à l'heure actuelle au niveau des politiques commerciales, financières et monétaires? Plus on se rapproche, plus on perd cette marge de manoeuvre. L'Union européenne doit agir en tant que bloc. Mais l'Union européenne compte un grand nombre de partenaires qui sont plus ou moins égaux. Lorsque vous examinez le contexte nord-américain, les tailles et les capacités diffèrent beaucoup. Il serait réellement difficile d'agir en tant que partenaire de plein droit au sein de... On a beau évoquer le modèle de l'Union européenne et l'union douanière, nous n'avons pas affaire à des partenaires qui sont sur le même pied d'égalité. Donc il faudrait prévoir de nombreux mécanismes de protection pour nous et pour nos intérêts. Nous devons être préparés... Allons-nous nous exprimer en bloc avec les États-Unis sur la politique commerciale? C'est ce que sous-entend l'union douanière.
Le vice-président (M. Bernard Patry): Monsieur Lofthouse.
M. Alexander Lofthouse: Voici ce que je voulais mentionner lorsque vous avez parlé plus tôt de l'union douanière. L'option d'une union douanière vaut certainement la peine qu'on s'y attarde, mais il ne faut pas oublier que ce sera très complexe. On peut examiner l'expérience européenne. L'Union européenne essaie de négocier en bloc. Mais si on examine ce qui s'est vraiment passé à Doha, que constate-t-on? On constate qu'il ne s'agit pas d'un État fédéral de 15 membres mais plutôt d'un bloc de 15 États souverains ayant des intérêts nettement différents. Même s'ils sont obligés de négocier en bloc, ils ont beaucoup de difficulté à le faire et d'arriver à un consensus. Et même lorsqu'ils arrivent à un consensus, celui-ci ne tient pas toujours, comme cela a été le cas à Doha.
Donc, si nous décidons d'opter pour l'union douanière, il ne faut pas oublier que ces conséquences ne se limiteront pas à une industrie en particulier ni à un secteur d'intervention en particulier. C'est une initiative qui mérite d'être envisagée mais il faut le faire les yeux ouverts.
[Français]
Le vice-président (M. Bernard Patry): Merci, beaucoup.
[Traduction]
Monsieur Duncan, avez-vous une question à poser?
M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Alliance canadienne): Je crois comprendre que nous avons le temps.
Le vice-président (M. Bernard Patry): Je suis très accommodant ce matin.
M. John Duncan: Je crois comprendre que vous allez laisser un document. Avez-vous un document qui traite de façon plus approfondie de la question de l'union douanière ou qui présente une analyse particulière des politiques selon les perspectives de votre chambre, qui diffère de celle que vous nous présentez aujourd'hui?
M. Robert Keyes: Non.
Le document que nous vous remettons s'inspire en fait d'un document que nous avons présenté à notre conseil. On y aborde les diverses options et idées sur l'intégration canado-américaine. Il comporte une partie assez importante sur la dollarisation, ses avantages et ses inconvénients, et diverses options. Si cela vous intéresse, nous avons un document plus long sur la dollarisation, mais tout ce que nous avons essentiellement c'est le document qui est présenté. Nous n'avons pas fait d'examen approfondi des avantages et des inconvénients.
M. John Duncan: Ces documents se trouvent-ils sur votre site Web?
M. Robert Keyes: Je crois que le document sur la dollarisation se trouve sur le site Web. Mais je peux facilement le faire parvenir au comité.
M. Alexander Lofthouse: Il n'est pas encore sur le site Web. Il n'a pas été traduit.
M. Robert Keyes: Il le sera.
M. John Duncan: Très bien.
Donc vous représentez un assez bon échantillon des milieux d'affaires canadiens. On doit sûrement parler beaucoup plus d'une forme quelconque d'union douanière ou d'un nouvel arrangement quelconque que par le passé, compte tenu du nombre de différends commerciaux avec lesquels nous sommes aux prises. Est-ce que ce serait une description assez juste de la situation?
À (1010)
M. Robert Keyes: Je crois que je paraphraserais votre description en disant que nos membres et notre conseil d'administration se posent beaucoup de questions, comme M. Patry l'a dit, à propos de la prochaine étape à suivre. Où allons-nous? Les milieux d'affaires s'apprêtent à agir et à profiter de débouchés qui leur permettront de progresser, mais en ce qui concerne cette question de cadre d'action, de vision, où allons-nous? Nous constatons à l'heure actuelle aux États-Unis, dans l'annonce faite par le président Bush, une importante réorganisation qui aura des incidences pour le Canada sur la façon dont nous communiquons avec Washington d'une agence à l'autre.
Nous n'avons pas cette grande vision. Tout est fait à la va comme je te pousse. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, nous ne voulons pas de dérive continentale, mais je crois que c'est ce qui s'est passé. C'est pourquoi j'estime que les délibérations que tient le comité à l'heure actuelle sont extrêmement importantes, parce que c'est ce qui préoccupe les gens d'affaires.
Passons-nous chaque jour à en discuter? Non, mais dans le sillage des événements du 11 septembre, il y a eu des discussions sur le périmètre de sécurité et nous avons maintenant un système de sécurité beaucoup plus intégré que par le passé. Les organismes de part et d'autre de la frontière travaillent d'une façon nettement différente qu'auparavant. Nous avons connu beaucoup de changements progressifs, en réaction au programme de sécurité qu'on nous a présenté. Donc nous nous trouvons dans un nouveau moule.
M. John Duncan: Le programme de sécurité n'est pas encore entièrement arrêté. Il change de mois en mois et compte tenu de l'amalgamation qui se produit aux États-Unis, cela modifiera fondamentalement la façon dont les Américains nous perçoivent, une fois de plus, à mon avis.
Je suppose que l'autre question qui nous vient à l'esprit, c'est que nous avons tendance à nous concentrer sur notre partenaire américain de l'ALENA. Nous avons un autre partenaire dans le cadre de l'ALENA. Je me demande si votre organisation a des contacts directs avec votre homologue au Mexique.
M. Robert Keyes: Oui.
Est-ce que nous avons discuté de façon détaillée de l'intégration de l'ALENA ou de notre relation bilatérale et de son avenir? Non, nous ne l'avons pas fait.
M. Paquette a posé une question plus tôt, lui aussi à propos du Mexique, et aussi lors de notre conversation avec Mme Jennings, nous avons parlé brièvement du rythme des initiatives prises avec le Mexique. Comme en Europe, il y a des choses qui se produisent rapidement sur certains fronts.
Quelle est l'expression que vous avez utilisée, Alex?
M. Alexander Lofthouse: C'est une expression que les grands pontes de l'intégration européenne aiment utiliser. Il s'agit de l'intégration modulée.
En fait, je devrais préciser que la première personne à avoir utilié cette expression dans le contexte nord-américain était Chris Sands, du Center for Strategic and International Studies à Washington.
Essentiellement, pour répéter brièvement ce que j'ai dit à M. Paquette plus tôt, ce ne sont pas tous les partenaires qui sont prêts à prendre toutes les initiatives au même rythme ni en même temps.
Les deux exemples auxquels je songe proviennent de l'Europe—c'est-à-dire la monnaie commune et l'Accord de Schengen sur les frontières communes. Certains des 15 partenaires de l'Union européenne ont décidé de ne pas participer à ces deux initiatives.
Je crois que l'on peut constater la même dynamique en Amérique du Nord en ce qui concerne le Canada, les États-Unis et le Mexique. Il est possible de prendre certaines initiatives de façon bilatérale. Il est tout simplement impossible de prendre certaines initiatives de façon trilatérale parce que nous ne sommes pas prêts à le faire; les structures des trois pays sont trop différentes. Mais là où nous le pouvons de façon bilatérale et de façon trilatérale, il faut prévoir une combinaison d'approches. C'est sans doute la façon la plus juste de l'exprimer.
Le vice-président (M. Bernard Patry): M. Clarkson, dans sa présentation au comité en mai dernier, a déclaré que l'ALENA n'a aucune institution qui pourrait donner au Canada et au Mexique le poids dont ils ont besoin pour déboulonner Washington et accroître leur pouvoir. Croyez-vous que nous devrions avoir une institution nationale qui permettrait d'égaliser le pouvoir?
M. Robert Keyes: Un parlement de l'ALENA?
Le vice-président (M. Bernard Patry): Non.
M. Robert Keyes: Je n'ai pas lu les observations de M. Clarkson, donc j'ignore ce dont il parle. Vous avez trois partenaires de poids économiques très différents qui essaient d'établir un équilibre au sein de ce qui a débuté comme un accord commercial—le partenariat de l'ALENA—mais qui a pris...
Depuis, nos relations ont acquis beaucoup d'autres dimensions. Est-ce l'ALENA-plus? Je ne sais pas au juste en quoi consiste ce plus, et comme je l'ai dit tout à l'heure, la rouverture de l'ALENA pourrait nous entraîner sur une pente dangereuse, parce qu'on serait obligé d'aborder des choses que l'on ne veut peut-être pas aborder. Mais avons-nous besoin d'une institution supranationale? Je l'ignore.
À (1015)
Le vice président (M. Bernard Patry): Monsieur Lofthouse.
M. Alexander Lofthouse: J'ai commencé par dire plus tôt que l'expérience européenne n'est pas si instructive que cela et je vais maintenant en parler une fois de plus.
Lorsque nous parlons d'institutions, il est important de ne pas oublier le genre d'institutions dont nous parlons et le rôle que nous attendons d'elles. En Europe, on a commencé par les institutions et il s'agissait d'un processus d'intégration qui se situait au niveau institutionnel. En Amérique du Nord, il s'agit d'un système fondé sur des règles selon lesquelles nous avons établi des règles communes pour trois pays souverains ayant très peu d'institutions communes.
Donc je crois que la question qui ferait suite à la vôtre serait la suivante: quel type d'institutions veut-on établir et qu'attend-on d'elles au juste? Je crois que cela représenterait un aspect clé de la question.
Le vice-président (M. Bernard Patry): Très bien.
Monsieur Assadourian, une question.
M. Sarkis Assadourian: Une très brève question, monsieur Keyes. Pouvez-vous nous dire si vous avez des relations trilatérales entre vous, la Chambre de commerce américaine et la Chambre de commerce mexicaine, et, si tel est le cas, en quoi consistent ces relations?
M. Robert Keyes: Nous avions effectivement des relations. Lorsque j'ai assumé mon poste actuel il y a cinq ans, nous avions un groupe de travail trilatéral de l'ALENA qui s'est réuni en 1997 et en 1998. La dernière réunion s'est tenue en fait à Edmonton, où nous avons eu beaucoup de difficulté à y attirer les Américains. Nous ne sommes tout simplement pas parvenus à obtenir la participation de suffisamment de gens et nous avons abandonné cette réunion, et la raison c'est que l'ALENA fonctionnait.
Il s'agissait au départ d'un groupe de travail chargé de s'occuper de questions commerciales précises dans le contexte des négociations. Cela ressemblait au groupe dont M. Paquette parlait, une tribune d'affaires de l'ALEA. Nous avons donc organisé une petite tribune commerciale de l'ALENA qui essentiellement n'avait plus de raison d'être puisque l'accord était en vigueur et fonctionnait. Nous n'avions pas de graves problèmes commerciaux. Nous avions fait notre travail donc nous avons simplement abandonné la tenue de ce genre de réunion.
Nos rapports sont donc devenus beaucoup plus sporadiques, et portent sur une question ou un secteur en particulier, mais nous ne tenons plus ce genre de tribune trilatérale. Si nous envisagions sérieusement toutefois les prochaines étapes de l'ALENA et l'orientation à suivre, le moment serait peut-être revenu de le revoir et d'inviter les milieux d'affaires...
M. Sarkis Assadourian: Donc vous êtes au courant des problèmes que nous avons à l'heure actuelle avec les Américains.
M. Robert Keyes: Oh, nous sommes au courant des problèmes. Je crois que nous connaissons tous très bien les problèmes que nous avons avec les Américains.
Le vice-président (M. Bernard Patry): Merci beaucoup. Je tiens à remercier nos témoins, M. Keyes, M. Lofthouse. Les présentations de ce matin ont été extrêmement intéressantes. Merci encore.
Nous allons faire une pause de 10 minutes. Je vous remercie.
À (1021)
À (1046)
[Français]
Le vice-président (M. Bernard Patry): Nous allons maintenant poursuivre la séance. Le comité entendra son témoin de l'Institut national de la recherche scientifique, M. Mario Polèse, professeur-chercheur, urbanisation.
Bienvenue, monsieur Polèse, à notre comité. Cela nous fait plaisir de vous accueillir ce matin. Je vous invite à commencer votre présentation.
M. Mario Polèse (professeur-chercheur, urbanisation, Institut national de la recherche scientifique): D'abord, je vous remercie de l'invitation. Il y a eu un malentendu. Je pensais que c'était à 11 heures. Je m'excuse donc de vous avoir fait attendre.
Le vice-président (M. Bernard Patry): Vous avez effectivement raison. Votre invitation indiquait 11 heures. Vous n'avez donc pas à vous excuser. Selon votre invitation, vous êtes à l'heure. Vous êtes même en avance.
M. Mario Polèse: Merci de m'avoir attendu. Je suis très honoré.
Il y a aussi un petit problème technique. J'avais prévu vous faire une présentation PowerPoint, mais il semble qu'on n'ait pas l'équipement nécessaire. C'était très joli en couleur, mais que voulez-vous.
Si vous voulez me donner votre adresse électronique, je vais vous l'envoyer par courrier électronique. Cela ne pose pas de problèmes. D'ailleurs, j'en ai envoyé une copie à M. Knowles. J'espère que tout le monde a au moins une copie papier. Ainsi, je ne parlerai pas totalement dans le vide.
Encore une fois, merci de l'invitation.
Ce dont je veux parler avec vous en tant que chercheur, évidemment, qui n'essaie pas de vendre quelque chose, c'est de l'impact régional ou, si vous préférez, de l'impact territorial de l'intégration économique nord-américaine. Si les traducteurs veulent les avoir, j'ai des copies de mes notes. Je ne sais pas s'ils peuvent lire mon écriture.
Donc, je répète que je veux parler de l'impact régional de l'intégration nord-américaine. Autrement dit, pourquoi l'intégration profitera-t-elle plus à certaines parties du pays qu'à d'autres et, finalement, quelles seront les implications pour l'avenir?
Quand des économies nationales s'intègrent un peu comme nous nous intégrons à l'économie américaine, les activités économiques vont lentement se déplacer au profit de certaines régions. Ce genre d'évolution est à peu près inévitable.
Si vous regardez la carte de l'Europe que j'ai ici, vous constaterez qu'en Europe ce glissement de l'activité économique a été assez systématique. Malheureusement, là, on ne le voit pas, mais si on accepte que le coeur économique de l'Europe est à peu près sur un axe qui va d'Amsterdam à Zurich, on s'aperçoit qu'à l'intérieur de chaque pays européen, la région la plus dynamique et qui croît le plus rapidement, disons, depuis la Deuxième Guerre mondiale, est toujours celle qui est la mieux située pour le commerce avec le corps européen. À titre d'exemple, je mentionnerai le nord de l'Italie, le nord-est de l'Espagne, le sud-ouest de l'Angleterre, la partie ouest de l'Autriche, et j'en passe.
Or donc, effectivement, l'intégration à long terme a un effet de restructuration. Il ne faut pas exagérer la rapidité de ces mouvements, mais il reste que cela va tranquillement provoquer un glissement. La situation sur notre continent est peut-être un peu moins claire. Évidemment, c'est une vision très schématique que vous avez là de l'Amérique du Nord.
La raison chez nous c'est qu'on peut dire d'abord que toute la phase de peuplement du continent n'est pas encore terminée. En outre, dans notre cas, la logique est un peu plus scindée. Il y a le coeur historique économique de notre continent, qui est à peu près sur un axe Chicago-New York, mais il y a un deuxième pôle qui est en train également de se construire sur la côte du Pacifique. Ce qu'on voit tranquillement se passer en termes de distribution de la population--je n'ai pas les données ici--c'est que, petit à petit, il y a une concentration en Amérique du Nord de l'activité vers ces deux pôles. Ce qu'on appelle ici des empty quarters, c'est toute une partie centrale du continent qui est peu à peu en déclin relatif et qui, par exemple au Canada, touche la Saskatchewan et le Manitoba.
Qu'est-ce que tout cela veut dire pour le Canada? Je n'ai pas besoin de vous rappeler que l'économie canadienne est en train de s'intégrer rapidement à l'économie américaine. Si on jette un coup d'oeil sur les deux prochains graphiques, on voit très bien, effectivement, qu'il s'agit, dans une perspective historique, d'une transformation assez majeure. On l'a peut-être oublié, mais il n'y a pas si longtemps, notre principal partenaire commercial était le Royaume-Uni. Ce graphique indique bien que notre intégration aux États-Unis suit une courbe ascendante. Je ne sais pas quand on va dépasser 100 p. 100, mais ce sera intéressant sur le plan statistique.
Si on regarde de plus près où se fait ce commerce avec les États-Unis, on se rend rapidement compte que ce commerce avec notre voisin est largement, comme on dit en anglais, an Ontario story. Cela ne devrait pas nous étonner, finalement.
À (1050)
Si on se rappelle la carte de l'Amérique du Nord, c'est l'Ontario qui, par rapport aux autres provinces canadiennes, est quand même la mieux située pour le commerce avec ce que l'on peut appeler le coeur économique de notre continent. On voit qu'à peu près 56 p. 100 de toutes nos exportations aux États-Unis proviennent de l'Ontario.
Une première conclusion qui découle déjà de cela, c'est que la croissance de l'économie américaine et, en parallèle, la croissance de notre commerce avec les États-Unis auraient largement pour effet de consolider, en termes relatifs par rapport aux autres provinces, l'économie ontarienne. D'ailleurs, c'est effectivement ce que l'on voit dans les tendances récentes au Canada: l'Ontario se maintient très, très bien.
Comme le démontre l'autre graphique, on voit effectivement que de toutes les provinces, l'Ontario est celle qui est la plus intégrée à l'économie américaine. L'autre graphique démontre le rapport entre les exportations aux États-Unis et les exportations à d'autres provinces. On voit que l'Ontario exporte presque deux fois plus vers les États-Unis que vers d'autres provinces canadiennes.
Cela est aussi accompagné d'une autre transformation dont vous êtes sans doute déjà au courant. Dans l'ensemble, non seulement l'Ontario, mais toutes les provinces canadiennes font de plus en plus de commerce avec d'autres pays, notamment les États-Unis, plutôt qu'avec d'autres provinces canadiennes. On pourrait presque parler d'une désarticulation de l'économie canadienne. Il ne faut pas exagérer, mais ce qui est clair, c'est que le commerce avec d'autres est en croissance rapide.
Cela se voit assez bien lorsque l'on regarde les quatre autres graphiques. D'abord, on voit très clairement que la part du produit intérieur brut ontarien qui va vers le reste du Canada est à peu près stable, alors que ce qui s'en va vers le reste du monde, c'est-à-dire les États-Unis, grosso modo, augmente. On voit que c'est la même chose pour le Québec. Ce n'est donc pas si différent. La province de l'Ontario est un peu plus avancée que le Québec, mais la tendance est la même pour les deux provinces. C'était déjà le cas pour la Colombie-Britannique, mais le petit changement que l'on voit est dû aux problèmes que connaît l'industrie des pâtes et papiers. Quant à la Nouvelle-Écosse, c'est la même chose. Vous pourriez mettre dix tableaux, un pour chacune des dix provinces, mais la tendance serait à peu près généralisée. Partout aujourd'hui on fait plus de commerce avec le reste du monde qu'avec le reste du Canada. Si les tendances se maintiennent, comme on dit à Radio-Canada, l'écart s'élargira.
Ce commerce avec les États-Unis est aussi très sensible à la géographie, comme vous pouvez le voir sur le petit graphique qui détaille le commerce extérieur du Québec. Ce que l'on voit, dans le cas du Québec, c'est que le commerce québécois se fait surtout avec les États américains limitrophes. Ce n'est pas une grande surprise. On pourrait voir que c'est aussi le cas de l'Ontario et d'autres provinces. On voit aussi que de nouveaux blocs sous-régionaux de commerce sont en train de se former. On voit les relations entre l'Ontario et le Michigan ainsi que celles entre le Québec et l'État de New York.
Malheureusement, c'est vraiment dommage que la carte ne soit pas en couleur. Il va falloir que vous me croyiez sur parole. Cela veut dire aussi que je peux vous raconter n'importe quoi et que vous allez me croire. C'est dommage parce qu'il s'agit d'une carte de Statistique Canada, donc payée à même nos impôts. Je vous demande donc de croire ce que je vais vous dire.
Les changements dans les flux commerciaux se traduisent déjà par un glissement graduel de l'activité économique et des populations vers des régions qui sont les mieux connectées aux États-Unis, mais aussi vers les grandes villes. Il ne faut pas oublier que les grandes villes sont des moteurs très importants de commerce international.
À (1055)
Pensons à tous les services d'intermédiation: distribution, commercialisation, transport, etc. Donc, en général, le commerce international va aussi de paire avec la croissance urbaine, et ce glissement se voit à l'intérieur de chaque province. La seule exception, c'est un peu le cas albertain, à cause du pétrole dans le nord de la province. Mais on constate donc qu'il y a un peu partout une espèce de glissement très tranquille de la population vers le sud. Donc, en Ontario, c'est très nettement toute la partie sud qui est en train de croître et le nord de l'Ontario, en d'autres termes, reste et va sans doute rester marginalisé.
On voit la même chose dans les provinces de l'Atlantique, où la croissance se fait en bonne partie sur les axes de transport Halifax-Montréal et Halifax-Boston, avec, par exemple, des comtés qui sont collés sur la frontière américaine, comme Madawaska, qui connaît une très forte croissance, tandis que le nord-est du Nouveau-Brunswick reste problématique. Terre-Neuve, évidemment, continue aussi à se trouver dans une situation difficile.
Cependant, l'écart dont on peut parler entre, si vous voulez, des régions qui vont gagner et celles qui seront plus perdantes risque d'être le plus fort au Québec. Donc, on voit clairement, dans le cas du Québec, que presque toute la croissance de la population, disons depuis le dernier recensement, se fait dans le sud-est du Québec. Au fond, dans le cas québécois, on voit que presque toute la croissance se fait dans la grande plaine qui entoure Montréal et aussi un peu la ville de Québec.
Aucune des régions qu'on appelle au Québec les régions ressources n'a connu une croissance économique ou une croissance de population depuis le dernier recensement, et l'écart risque de s'accentuer. Pour le dire en termes géographiques, le Saguenay, la Gaspésie, l'Abitibi ne sont pas, somme toute, très bien situés pour le commerce avec les États-Unis, c'est-à-dire comparativement à d'autres régions. Tout est toujours une question d'avantages comparatifs.
Cela, en conclusion, se voit très bien dans le dernier graphique où j'ai indiqué les tendances les plus récentes pour l'emploi manufacturier pour deux régions frontalières du Québec, soit l'Estrie et Chaudière-Appalaches qui comprend aussi la Beauce, dont on parle souvent. Donc, autrement dit, l'essor assez impressionnant depuis quelque temps de l'Estrie et aussi de la Beauce n'est pas nécessairement totalement un hasard. Ce sont des régions frontalières et qui se trouvent sur les axes de transport avec les États-Unis.
Puisqu'on m'a dit d'être très bref, en résumé, l'intégration de l'économie canadienne à celle des États-Unis aura pour effet, peu à peu, pour ne pas exagérer la rapidité de la tendance, de renforcer certaines tendances géographiques et, donc, d'accentuer dans certains cas les différences entre les régions canadiennes. Même s'il ne faut pas, je le répète, exagérer la rapidité de ces transformations, je pense qu'elles sont prévisibles et qu'il faut en être conscient.
Merci beaucoup. Thank you.
Á (1100)
Le vice-président (M. Bernard Patry): Merci beaucoup, monsieur Polèse.
Nous allons maintenant passer aux questions et réponses.
[Traduction]
M. John Duncan: Merci beaucoup.
Lorsque vous avez dit que la géographie du Canada est un facteur déterminant de la croissance de nos échanges commerciaux avec les États-Unis, qui supplantent nos échanges au niveau provincial, je me suis dit que l'on attribue souvent à la géographie ce que l'on pourrait attribuer à notre absence d'infrastructure. Je me demande jusqu'à quel point vous en tenez compte. D'après le dernier recensement, pratiquement toutes les régions du Canada ont connu une baisse de population. Que nous allions au nord de la Transcanadienne, sauf quelques exceptions mineures et une exception importante, qui est le couloir Edmonton-Calgary... Le gouvernement de l'Alberta a fait des pieds et des mains pour construire une nouvelle infrastructure routière destinée à assurer la liaison avec les États-Unis. Je pense que parfois la véritable question à se poser est quel est le facteur déterminant?
M. Mario Polèse: Je crois qu'il y a deux éléments. Même avec la meilleure infrastructure, il est impossible d'éliminer totalement les répercussions de la distance et de la géographie. Si vous vous trouvez plus loin des États-Unis, plus loin des principaux marchés vers lesquels vous exportez, vous êtes simplement plus loin. Cela ne changera pas, donc on ne devrait pas surestimer l'influence de l'infrastructure. Je ne crois pas que l'infrastructure soit «la» principale variable explicative.
Cependant, là où vous avez raison—et ce n'est pas nécessairement une bonne nouvelle pour les régions périphériques—, c'est que cela donne lieu à une sorte de «cercle vicieux». Pour maintenir une bonne infrastructure—nous en avons vu récemment un exemple aux alentours de Murdochville en Gaspésie—, il faut qu'il y ait un certain volume de déplacements. Si ce volume n'existe pas, on ne peut pas maintenir l'infrastructure, qu'il s'agisse de voies ferrées ou même de routes ou de liaisons aériennes.
Dans la mesure où vous êtes marginalisés, ou vous vous trouvez dans une région où les échanges sont plus difficiles et le volume plus faible, l'infrastructure est moins bien entretenue. Cela se traduit alors bien entendu par une diminution des échanges, et on tombe alors dans un cercle vicieux.
C'est certainement un problème. Par le passé, nous avons pris des décisions assez stupides. Par exemple, on a décidé d'éliminer le chemin de fer à Terre-Neuve; il n'y a plus de chemin de fer à Terre-Neuve. Nous avons fait la même chose dans le nord de l'Abitibi en raison de la faiblesse du volume—quelle idée brillante; tout simplement géniale. Il est évident qu'un endroit comme la Côte-Nord au Québec se trouve dans un cercle vicieux. La situation y est très difficile parce qu'on se trouve dans une voie en impasse. Il est très difficile de maintenir l'infrastructure en l'absence du volume nécessaire.
Donc vous avez raison, l'infrastructure est un facteur mais je ne dirais pas que c'est «le» facteur. C'est un problème. En ce qui concerne le Canada, c'est un problème à cause de notre incroyable... Il est vrai que dans chaque province, à l'exception de L'Île-du-Prince-Édouard, nos distances sont tellement vastes et notre densité est tellement faible qu'il est très difficile d'entretenir l'infrastructure sans subventions importantes. De telles subventions n'existent plus.
Á (1105)
M. John Duncan: Je crois en fait que nous en sous-estimons l'influence. Par exemple, le 11 septembre de l'année dernière, je traversais le Canada en voiture. J'allais faire ce que font beaucoup de véhicules de transport de marchandises et de transport de personnes: après avoir quitté la Colombie-Britannique, j'allais emprunter les États du Nord et traverser à Sault Ste. Marie. C'est pour des raisons pratiques parce que le réseau routier américain est meilleur que le réseau routier canadien.
J'ai fait ce voyage de nombreuses fois. Cependant, comme il est devenu tellement difficile de traverser la frontière le 11 septembre, comme vous le savez, tous les camions canadiens qui allaient d'Est en Ouest ou d'Ouest en Est en empruntant les États-Unis pour retraverser ensuite sont restés sur la Transcanadienne. Cela était tout à fait évident d'après le débit routier. Cela se traduit par la perte d'énormes débouchés commerciaux, simplement sur le plan du transport. Mais ce qui est aussi évident à mes yeux, c'est que lorsqu'il est plus facile d'expédier des marchandises aux États-Unis que vers d'autres destinations canadiennes, que se passe-t-il à votre avis? Le commerce se déplace aux États-Unis plutôt que vers d'autres destinations canadiennes.
Je crois que si nous faisions—et je ne crois pas qu'on l'ait vraiment fait—une analyse coûts-rendements complète des avantages que représenterait pour le Canada une amélioration sérieuse simplement de notre réseau routier national, nous serions étonnés des résultats.
M. Mario Polèse: Je ne dis pas que je suis en désaccord avec vous, mais je ne crois pas qu'il faudrait en surestimer l'influence. C'est peut-être très important dans l'Ouest et dans les Prairies, que je connais moins bien, mais si vous examinez les tableaux ici, vous constaterez la même tendance d'échanges accrus avec les États-Unis pour l'Ontario et pour le Québec.
Je dirais les deux provinces sont assez bien reliées par un système de transport. Ce n'est pas si difficile. Le réseau routier entre Montréal et l'Ontario est probablement aussi bon—je l'ignore, il serait intéressant de le vérifier—qu'entre Montréal et New York. Mais quoi qu'il en soit, le trafic se déplace de plus en plus vers le Sud. C'est simplement parce que dans le couloir Boston-Washington, vous avez environ 50 millions de consommateurs.
Donc, je ne veux pas dire que nous ne devrions pas améliorer notre infrastructure. Je suis tout à fait pour, et cela pourrait avoir une incidence dans l'Ouest. Mais je ne crois pas que cela renverserait de façon radicale les tendances que nous révèlent les données. L'influence de ce marché est tout simplement très forte. Si vous voulez vendre et si vous voulez du volume, c'est là que vous allez vendre. C'est là où se trouvent les gens sur un marché continental.
[Français]
Le vice-président (M. Bernard Patry): Merci.
Monsieur Paquette, s'il vous plaît.
M. Pierre Paquette: J'aimerais poser une question d'ordre technique, étant donné qu'on va sûrement regarder ces tableaux et en assimiler le contenu. Il y a celui qui décrit les exportations aux États-Unis et celui qui décrit celles vers d'autres provinces.
M. Mario Polèse: Lequel est-ce?
M. Pierre Paquette: C'est le tableau dans lequel il y a des bâtonnets.
M. Mario Polèse: D'accord.
Á (1110)
M. Pierre Paquette: Il y a ensuite le graphique sur les exportations exprimées en pourcentage du PIB pour le Québec. Or, j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi, dans le tableau sur les exportations des États-Unis et sur les exportations des autres provinces, le Québec dépasse à peine un, mais quand on regarde le tableau suivant, on voit que les exportations, en pourcentage du PIB... Il faudrait seulement m'expliquer, car je n'ai probablement pas...
M. Mario Polèse: Ça va .
M. Pierre Paquette: Je vois que pour le Canada, les exportations se situent à 20 p. 100 du PIB, et que pour le monde, elles se situent à 35 p. 100 environ. Approximativement 80 p. 100 de ces exportations sont destinées aux États-Unis. Ne devrait-on pas, par conséquent, se situer plutôt à 1,8...?
M. Mario Polèse: La question est très bien posée. Il faudrait que je revoie les chiffres de façon précise. Pour le Québec, il s'agira des chiffres de 1997. Toutes proportions gardées, le Québec est un peu moins tourné vers les États-Unis que l'Ontario. Je ne sais donc pas exactement quel est notre pourcentage, mais je pense qu'il s'agit plutôt environ des deux tiers qui vont vers les États-Unis, puisque nous sommes un port et que nous sommes aussi tournés vers l'Atlantique. En proportion, il y a plus d'exportations vers l'Europe. Mais on voit que tu regardes bien les tableaux.
M. Pierre Paquette: C'était mon ancien métier.
M. Mario Polèse: Il faut que je revoie les chiffres, mais une partie de l'explication réside sans doute dans le fait que pour son commerce extérieur, le Québec est un peu moins tourné vers les États-Unis que l'Ontario, qui n'a ni port, ni débouchés dans le reste du monde, sauf aux États-Unis. C'est différent pour nous qui avons des ports.
M. Pierre Paquette: On fait actuellement un rapport sur l'intégration nord-américaine. Quelles conclusions peut-on tirer des constatations que vous nous avez présentées? Qu'est-ce qu'on devrait recommander au gouvernement canadien et aux provinces?
M. Mario Polèse: Je pense que la question est pertinente. Premièrement, je dirais qu'il faut accepter que ces tendances-là sont probablement irréversibles, dans la mesure où on reste intégrés. Il faut en conclure que les problèmes de disparité régionale économique au Canada et, comme je l'ai dit, notamment au Québec, ne vont pas se régler. Ironiquement, c'est peut-être au Québec que les écarts vont être les plus prononcés à cause de notre géographie. Comme gouvernement, on en est conscients, mais cela implique néanmoins que ce n'est pas l'intégration avec les États-Unis qui va régler nos disparités régionales, même si certaines régions en ont profité plus que d'autres. Pour ma part, je reste dans l'ensemble favorable au libre-échange, mais il faut aussi se rendre compte que ça va changer les enjeux.
Prenons l'exemple de régions comme l'Abitibi ou le Saguenay qui sont relativement bien situées pour un pays qui est intégré d'est en ouest, mais qui sont beaucoup moins bien situées pour faire du commerce avec les États-Unis. Si on veut exporter vers les États-Unis, sauf pour ce qui est de l'aluminium, pourquoi diable établir une usine à Chicoutimi quand on peut l'établir à Sherbrooke? Il faut être conscient que cela change aussi un peu la dynamique interne de notre pays et que ce n'est pas parce qu'il y a maintenant l'intégration régionale qu'il faut abandonner les politiques de développement économique régional. Comme l'a dit l'autre intervenant, il est certain que les questions de transport et d'infrastructure restent très importantes.
Le vice-président (M. Bernard Patry): Vouliez-vous poser une autre question, monsieur Paquette?
M. Pierre Paquette: Non.
Le vice-président (M. Bernard Patry): C'est rare.
On va passer à M. Eyking. On reviendra ensuite pour un deuxième tour.
M. Pierre Paquette: C'est que je prenais des notes.
Le vice-président (M. Bernard Patry): Monsieur Eyking.
[Traduction]
M. Mark Eyking: Je vous remercie, monsieur le président.
Je suppose que ma question est légèrement différente. Elle ne concerne pas les relations canado-américaines et ce qui se passe là-bas; elle concerne plutôt les relations interprovinciales. Lorsque vous examinez les tableaux ici, cela semble demeurer assez constant, avec 20 p. 100 du PIB à l'échelle interprovinciale.
Je me demande s'il y a un léger changement au niveau des produits? Je constate que dans ma région, nous achetons beaucoup plus de produits laitiers du Québec et nous vendons plus de produits de la Nouvelle-Écosse à l'Ontario.
M. Mario Polèse: D'où venez-vous?
M. Mark Eyking: De la Nouvelle-Écosse.
La gamme de produits est-elle en train de changer au niveau interprovincial? Est-ce que certains produits deviennent plus régionalisés, ou la situation est-elle stagnante? Nous semblons nous maintenir aux environs de 20 p. 100.
M. Mario Polèse: C'est une excellente question. J'aurais dû avoir l'intelligence d'apporter avec moi la publication de Statistique Canada qui m'aurait permis de répondre à votre question, mais je l'ai laissée à la maison. Si vous souhaitez m'envoyer un courriel ou me téléphoner, je pourrais facilement vous répondre.
M. Mark Eyking: Tous les renseignements s'y trouvent?
M. Mario Polèse: Il s'agit d'une publication de Statistique Canada qui porte sur le Commerce interprovincial et international au Canada. Pour chaque province, on y indique exactement les produits exportés et importés à d'autres provinces et les produits exportés et importés à d'autres pays. Donc les renseignements sont là, mais malheureusement je n'ai pas ce document avec moi. C'est une question à laquelle il est très facile de répondre, sauf que je n'ai pas la réponse.
M. Mark Eyking: Simplement pour enchaîner, je suppose que ce que je cherche à savoir c'est si les provinces se spécialisent davantage dans certains produits, et cela pourrait peut-être aussi nous aider lorsque nous vendons aux États américains, s'il s'agit d'un changement qui est en train de s'opérer.
Á (1115)
M. Mario Polèse: J'ignore si nous sommes en train de nous spécialiser, mais ce qui est clair c'est que dans tous les échanges, tant interprovinciaux qu'internationaux, il s'agit de moins en moins disons de produits de première transformation ou de produits primaires. De plus en plus, il s'agit de produits manufacturés, cela est clair, et même de services. Un autre aspect intéressant, c'est l'importance des services de distribution et de transport parmi les facteurs du commerce aujourd'hui.
On dit souvent dans les journaux, et c'est d'ailleurs vrai, que le reste du monde se fait une fausse idée des produits qu'exporte le Canada. Le Canada est de plus en plus un exportateur de produits manufacturés assez perfectionnés. Les marchés ne s'en rendent peut-être pas encore compte, mais c'est très évident.
[Français]
Le vice-président (M. Bernard Patry): Merci.
Dans le même ordre d'idée, monsieur Polèse, selon l'analyse que vous avez faite, il semble que les régions prospères vont continuer de prospérer et qu'il va y avoir de plus en plus d'inégalités régionales. De quelle façon peut-on essayer de gérer ces inégalités régionales? C'est quand même très important pour nous au Canada.
M. Pierre Paquette: Monsieur le président, est-ce que je peux me permettre de poser une question maintenant?
Le vice-président (M. Bernard Patry): Oui. On est en famille, ce matin. Allez-y.
M. Pierre Paquette: Monsieur Polèse nous a parlé des politiques de développement économique régional. Étant donné les règles de l'OMC et de l'ALENA, j'aurais aimé qu'il nous décrive un peu ce que pourraient être ces politiques de développement économique régional.
Ça rejoint tout à fait votre question.
M. Mario Polèse: Merci. Ça la rejoint, effectivement. Quant au mot « inégalité », il faut être très prudent, étant donné qu'il est un peu explosif. Il existe, en fait, deux types de problèmes. Il y a l'inégalité telle que définie par l'économiste, soit une inégalité des revenus. À cet égard, je ne dis pas que tout va bien, parce qu'il il y a en fait des problèmes, mais au Canada, la situation s'est beaucoup améliorée, et en dépit d'une certaine stagnation à laquelle nous avons été confrontés, ça va sans doute continuer à s'améliorer. C'est plutôt le déséquilibre qui risque d'engendrer des conséquences politiques. On voit, dans le cas du Canada, qui est sur ce plan très différent des États-Unis, à cause de sa géographie et de son intégration, que le poids de l'Ontario va rester ce qu'il est. Cette situation est très différente de ce qu'on observe aux États-Unis, où il y a déjà eu un shift du nord-est vers l'ouest et le sud. Chez nous, l'Ontario va rester la province maîtresse et son importance relative risque même d'augmenter, tandis que le Québec va perdre. Il s'agit néanmoins d'un changement à long terme dans l'évolution d'un pays. Il est aussi probable, bien qu'il s'agisse d'une tendance continentale mais qu'on ne puisse pas nécessairement attribuer ce changement à l'intégration continentale, que la part de la Saskatchewan et du centre du Canada diminue. Il y a donc toute une dynamique du pays, si on peut dire, qui est menacée.
Je vais dire quelque chose qui est politiquement plus délicat. On vient de terminer justement une étude sur les régions périphériques québécoises et on a observé que toutes ces tendances de peuplement changent aussi l'équilibre entre les communautés.
Dans le nord du Québec, soit en Abitibi, sur la Côte-Nord, et au Saguenay, j'ai entendu des gens dire carrément qu'ils allaient perdre le territoire. Comme vous le savez sûrement, le village de Gilles Vignault, Natashquan, est aujourd'hui à 80 p. 100 autochtone. Or, à mesure qu'il y aura un glissement vers le sud de la population d'origine plutôt européenne--je crois que c'est la façon correcte de le dire sur le plan politique--, la partie de la population qui est majoritairement autochtone va s'accroître. Il s'agit là d'une tendance, et d'un effet tout à fait indirect, non voulu, de ce genre d'évolution. Il y a donc des conséquences importantes.
On va maintenant passer à la question de Pierre Paquette. Finalement, à part pour les politiques de développement économique régional, il n'y a pas vraiment de mesures qu'on puisse adopter, puisque, comme vous le dites avec précision, il y a à l'intérieur de l'ALENA et de l'OMC de plus en plus de contraintes.
Sauf si je fais erreur, ce qui est toujours possible étant donné que je ne suis pas un avocat spécialiste du droit international, les politiques qui visent à venir en aide à des régions problématiques sont toujours permises, même par l'OMC. Ce qui n'est pas permis, par contre, c'est de subventionner une industrie comme telle. Mais des subventions ciblées, pour une région donnée, sont à mon sens encore permises.
Dans un ordre d'idée complètement différent, j'aimerais dire que pour toute cette question, notre allié, selon moi, devrait être M. Fox, président du Mexique. J'ai des cartes du Mexique. On observe que l'effet régional y est beaucoup plus net que chez nous, et c'est vraiment en train de mener à une division en trois angles. Le sud-est du Mexique est en voie d'être marginalisé et il est clair, au point de vue politique, que les Mexicains ont l'intention d'adopter un type de fonds régional comme celui qui a cours en Europe, soit un genre de fonds d'ajustement régional.
À mon sens, il est évident que les Américains ne vont jamais l'acheter, mais peut-être qu'en faisant une coalition avec...
Á (1120)
M. Pierre Paquette: Les libéraux non plus.
M. Mario Polèse: Les libéraux non plus, peut-être, et c'est dommage, mais...
M. Pierre Paquette: Je l'ai mis dans mon rapport complémentaire...
M. Mario Polèse: C'est dommage, mais je pense toutefois que c'est irréaliste. En menant une réflexion de concert avec nos collègues mexicains, on pourrait peut-être, en lui donnant des couleurs différentes, trouver une façon d'adopter quelque chose de semblable. Mais il n'y a aucun doute qu' à un moment donné, les Américains vont être conscients du fait que l'intégration du continent va poser des problèmes à leurs deux partenaires, notamment le Mexique, et qu'il va falloir faire quelque chose. Il est certain que, dans le cas du Mexique, certains écarts s'accroissent, et cela se voit très nettement: les données sont là, et les Mexicains sont fort préoccupés par la question. Il faudrait peut-être trouver un nom autre que « le fonds régional d'ajustement ». Il y a d'autres moyens de procéder. Je parle de cela parce que je travaille en collaboration avec le Mexique.
Le vice-président (M. Bernard Patry): Serait-il possible, monsieur Polèse, d'obtenir plus tard les cartes que vous avez du Mexique? Si vous nous le permettez, cela pourrait quand même nous aider, parce que c'est une intégration nord-américaine.
M. Mario Polèse: Elles sont unilingues, en espagnol.
M. Pierre Paquette: Mon espagnol est excellent!
Le vice-président (M. Bernard Patry): Pour faire suite à la question de M. Paquette concernant une politique régionale comme en Europe qui regroupe les régions au sein des pays membres et qui est quand même très avancée là-bas, est-ce quelque chose qui pourrait être considéré ici? Il faudrait quand même le considérer.
M. Mario Polèse: Je ne sais pas dans quelle mesure. J'aime mieux ne pas répondre. Oui, il faudrait le regarder. Malheureusement, même si je plaide en faveur, je suis aussi...
Le vice-président (M. Bernard Patry): Réaliste.
M. Mario Polèse: Oui. Je suis un peu sceptique quant aux possibilités de succès, malheureusement. Il faut dire que les politiques régionales au Canada et même au Québec n'ont pas toujours été un succès. Il faut l'admettre honnêtement.
[Traduction]
Le vice-président (M. Bernard Patry): Y a-t-il d'autres questions, monsieur Duncan, madame Carroll?
Merci beaucoup, monsieur Polèse.
M. Mario Polèse: Je tiens à m'excuser de mon retard. Nous nous sommes embrouillés dans les heures.
[Français]
Le vice-président (M. Bernard Patry): Non, vous n'êtes pas responsable de ce malentendu. Vous n'avez pas à vous excuser: c'est aussi de notre faute. On vous remercie beaucoup d'avoir été présent ce matin. C'est toujours très intéressant et, encore une fois, nous vous remercions.
La prochaine réunion aura lieu jeudi matin. La séance est ajournée. Merci.