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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES

COMITÉ PERMANENT DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 20 mars 2001

• 1518

[Traduction]

Le président (M. Peter Adams (Peterborough, Lib.)): Chers collègues, nous reprenons l'examen du projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi.

Avant d'entendre les témoins, je tiens à vous faire un rappel à propos des amendements. J'espère que tous ceux qui veulent en proposer les transmettront à la greffière le plus tôt possible.

Je vous rappelle également, et cela concerne aussi les témoins, qu'il y aura sans doute un vote à 17 h 30. Le cas échéant, la séance sera levée car si nous devions revenir, il serait largement passé 18 heures. Essayons donc de terminer d'ici à 17 h 30. Je vous prie d'accepter mes excuses. En l'absence de vote, la séance ira jusqu'à 18 heures, mais on m'a dit qu'il y en aura sans doute un.

Je précise aux témoins que les séances sont télévisées. Étant donné que la Chambre siège, ce sont ses travaux qui sont diffusés actuellement. Nos audiences le seront plus tard, peut-être ce soir ou pendant la fin de semaine. C'est ainsi que l'on procède, mais l'audience sera télévisée.

Je sais qu'on vous a prévenu que vous disposez d'environ cinq minutes pour votre exposé et je vous serais reconnaissant de vous y tenir. Si vous nous remettez un document, il sera versé au compte rendu. Nous nous en tenons à cinq minutes parce que nous avons entendu beaucoup de témoins de toutes les régions du pays et nous tenons à entendre ce que vous avez à dire et à lire ce que vous avez préparé et à permettre aux députés de tous les partis de dialoguer avec vous. Voilà donc ce que nous essayons de faire.

• 1520

Sachez également que le temps de parole des députés est lui aussi limité. Cela ne s'applique donc pas uniquement aux témoins.

Je vais maintenant présenter les groupes qui sont devant nous et, si vous le voulez bien, nous allons les entendre dans l'ordre où ils figurent au programme. Est-ce que cela vous convient.

Chers collègues, nous entendrons aujourd'hui

[Français]

Coalition Gaspésie/Les Iles Matapédia, Matane; l' Exclus de l'été 2000; L.A.S.T.U.S.E. du Saguenay; et le Mouvement autonome et solidaire des sans-emplois (réseau québécois); et le Regroupement des sans-emplois de l'Abitibi-Timiscamingue.

Je vous souhaite la bienvenue au comité.

[Traduction]

J'invite les représentants de la Coalition Gaspésie/Les Îles, Matapédia, Matane à commencer. Veuillez vous présenter et faire votre exposé.

[Français]

M. Gaétan Cousineau (coordonnateur, Mouvement Action-Chômage, Coalition Gaspésie/Les Îles, Matapédia, Matane): Gaétan Cousineau, porte-parole pour la coalition. J'aimerais vous présenter Mme Aline Smith, qui a été déléguée par les 48 membres de notre coalition pour venir vous adresser la parole.

Est-ce que je commence maintenant?

Le président: Oui, s'il vous plaît.

M. Gaétan Cousineau: Monsieur le président, nous avons entendu, au cours des deux dernières semaines, de nombreux groupes d'intérêt affirmer et répéter que le projet de loi C-2 était absolument inacceptable. Je dois dire que dans les propos que j'ai entendus pendant ce temps, tous les groupes ont discouru beaucoup plus sur ce qui n'était pas dans le projet de loi et qui serait acceptable, que sur ce qui est déjà dans le projet de loi.

Je voudrais rappeler à ce comité la promesse de Mme Jane Stewart, au mois de décembre 1999, qui avait commandé une vaste étude de la région Gaspésie—Les Îles dans le but de se faire un portrait réel des régions à haut taux de chômage et des régions où les emplois sont saisonniers. De plus, au mois d'avril, elle était venue prendre elle-même connaissance de la situation à Gaspé, en promettant des modifications importantes au régime pour tenter d'aider ces régions.

Malheureusement, les élections ont probablement perturbé la réflexion de Mme la ministre, puisqu'on nous a présenté le projet de loi C-44, qui est mort au Feuilleton, comme on le sait. Ensuite, les chômeurs se sont calmés quelque peu avec toutes les promesses de la période électorale, mais voilà qu'on nous présente maintenant le projet de loi C-2. La Coalition Gaspésie/Les Îles et ses membres sont tous d'accord pour dire que ce projet de loi devrait être refusé d'emblée. Il devrait y avoir une grande coalition entre tous les membres de ce comité, qui pourraient le refuser et suggérer au gouvernement une étude approfondie du régime d'assurance-emploi.

Le climat économique et social de beaucoup de régions s'est détérioré depuis 1990, avec les coupures successives. Même M. l'actuaire en chef affirme dans sa déclaration de l'an 2000 que le problème, ce n'est pas les chômeurs. Le problème, c'est véritablement les modifications successives du régime d'assurance-emploi depuis 1990. M. Chrétien nous a également rappelé que ces modifications de 1996 n'étaient pas une bonne idée. Également, dans mon mémoire, il y a des documents dans lesquels on a la preuve évidente que même en 1996, ce gouvernement connaissait toutes les répercussions négatives que ce projet de loi de 1996 allait faire subir à toutes les régions du Canada.

Donc, nous ne sommes pas dupes. Nous savons fort bien que le gouvernement libéral n'a pas beaucoup l'intention de modifier le régime d'assurance-emploi. Je ne dis pas qu'il n'a pas l'intention de modifier C-2, mais nous n'accepterons pas aussi facilement quelques petites modifications pour bonifier le projet de loi C-2.

• 1525

Le régime s'est dégradé depuis 1990. Les gens se sont appauvris. Les normes d'admissibilité sont devenues trois fois plus sévères. La caisse a gonflé d'une manière absolument astronomique. Pour la Gaspésie et les Îles, cela représente 390 millions de dollars qui ont été soutirés de la poche des travailleurs qui occupent des emplois saisonniers et précaires. Il est temps que ce gouvernement, avec tous les surplus qu'il y a dans la caisse, fasse une véritable vérification de toutes ces mauvaises décisions qui ont été prises depuis 1994 et ouvre la porte à l'admissibilité de ce régime.

C'est un régime d'exclusion présentement. De plus en plus, il y a des prestataires d'assurance-emploi qui doivent recourir à des suppléments de revenu de la Sécurité du revenu. Alors, imaginons dans quel piètre état nous sommes maintenant.

Je dois également vous signaler qu'on fera sûrement tantôt un parallèle entre ce programme et d'autres programmes d'assurance de remplacement du revenu. Nous approuvons entièrement l'étude qui vous sera présentée tantôt.

Si ce projet de loi est si bon, comme le prétend Mme la ministre, pourquoi ne comporte-t-il pas d'éléments pour stopper la discrimination à l'égard des différents travailleurs? Il y a des travailleurs de qui on exige 900 heures. Il y a des travailleuses de qui on exige 600 heures pour les prestations familiales. Il y a d'autres travailleurs de qui on exige 700 heures pour les prestations de maladie. Et on exige de certains autres entre 420 et 700 heures. Il est absolument impensable que l'on puisse laisser perdurer cette discrimination dans un régime où tous les cotisants cotisent au même niveau. Ce n'est pas qu'on se paye une assurance de 10 000 $ ou de 20 000 $ selon nos moyens financiers. On se paye une assurance collective, et tout le monde est au même niveau.

Monsieur le président, en terminant, j'aimerais tout simplement vous dire que ce projet de loi n'est pas acceptable aux yeux des chômeurs de la Gaspésie et des Îles. Il doit y avoir immédiatement une étude approfondie de ce projet de loi. Nous n'accepterons pas les bonifications du projet de loi C-2 puisqu'il n'y a presque rien dans ce projet de loi, en réalité.

Merci.

Le président: Je vous remercie beaucoup, Gaétan.

[Traduction]

Nous allons maintenant entendre les Exclus de l'été 2000.

[Français]

M. Yvan Lebrun (porte-parole, Regroupement des exclus de l'été 2000): Je m'appelle Yvan Lebrun et mon compagnon est Rodrigue Vaillancourt. Nous représentons les Exclus de l'an 2000. Ce sont des travailleurs saisonniers du domaine acéricole.

Vous allez m'excuser parce qu'on n'est pas très habitués à faire ça. On est plus habitués à aller en forêt.

Notre but est d'améliorer la situation des travailleuses et des travailleurs saisonniers et d'attirer l'attention sur l'injustice qui a été créée par Mme Jane Stewart, ministre du Développement des ressources humaines, qui, en voulant corriger l'injustice faite aux travailleurs et travailleuses de l'Est du Québec, a modifié les délimitations des territoires en changeant de nouveau les règles d'application par des mesures transitoires. Cette dernière décision a eu pour effet que les travailleurs et travailleuses dont les demandes ont été déposées entre le 9 juillet et le 17 septembre 2000 ne peuvent bénéficier de l'assouplissement des critères de qualification et de l'ajout de semaines de prestations. Plusieurs se sont retrouvés sans emploi et n'ont pu retirer de prestations de chômage parce que leur demande de prestations de chômage avait été faite après le 17.

Je vais vous citer mon cas à moi. On est deux à travailler dans la même entreprise d'acériculture. On avait le même nombre de semaines, soit 15 semaines; on avait le même nombre d'heures; on voyageait ensemble. Donc, on était identiques. J'ai fait ma demande de prestations de chômage deux semaines avant lui parce que j'avais des semaines qui me revenaient de l'année précédente. J'avais 15 semaines de chômage. Vu que j'ai fait ma semaine deux semaines avant l'autre, on m'a payé 23 semaines de chômage.

• 1530

Mon dénominateur a été fixé avant le 17 tandis que celui de mon ami, ici, a été fixé après le 17 septembre. Pour les mêmes semaines et les mêmes heures, il a eu droit à 32 semaines d'assurance-emploi. Mes prestations sont finies depuis le mois de janvier et lui, il lui en reste encore. Pour moi, tout est terminé.

Dans tout ça, qu'est-ce qu'il reste aux travailleurs saisonniers pour vivre? S'il n'y a pas de changement, on va se retrouver dans un grand trou noir comme celui dans lequel je me suis retrouvé l'automne passé. Ils veulent remettre en vigueur d'ici trois ans la loi qu'ils avaient mise en vigueur l'automne passé, et on va tous se retrouver, dans trois ans, avec un manque à gagner.

Juste cette année, j'ai 5 000 $ de moins de prestations d'assurance-emploi que mon compagnon de travail. Je me demande s'il y en a plusieurs qui sont capables de vivre avec 5 000 $ de moins quand ils peuvent avoir juste un emploi saisonnier. L'acériculture, c'est juste au printemps. La plantation, c'est juste au printemps aussi. Donc, il y a un gros trou noir quelque part. Nous, les travailleurs qui gagnons de 200 $ à 300 $ par semaine, nous ne pouvons pas vivre avec ça. C'est impossible.

Je ne sais pas si vous comprenez bien. Je ne sais pas si c'est bien clair. En tout cas, quand on va arriver à la période de questions, ce sera peut-être plus facile de répondre aux questions que d'exposer nos choses.

Il va falloir que ça change, mais pour le mieux. Pour ce qui est du changement, il ne faudrait pas attendre trois ans pour le faire parce que les travailleurs vont se retrouver tous ensemble dans le même bain. Les travailleurs sont ceux qui font vivre le Parlement, ici. Si vous avez une raison d'être ici, nous avons une raison d'être dans le bois. Vous, vous avez de l'ouvrage, mais nous, si on n'a pas d'assurance-emploi, on ne retire rien et le Parlement d'Ottawa n'a pas de raison d'être.

Le président: Merci. Je voudrais vous remercier, Yvan et Rodrigue.

[Traduction]

Je vous remercie, Yvan, de votre exposé et de votre texte.

[Français]

Il reste seulement une minute. Rodrigue.

M. Rodrigue Vaillancourt (porte-parole, Regroupement des exclus de l'été 2000): Nous voulons que soient abolies les mesures transitoires et que ce soit rétroactif au 9 juillet. Nous voulons qu'il y ait un statut particulier pour les travailleurs saisonniers. L'admissibilité devrait être déterminée par le minimum d'heures requis par la loi, soit 420 heures, et non fixée par le taux de chômage. La durée des prestations devrait couvrir la période entière de chômage. Nous voulons le maintien de la règle de l'exclusion des petites semaines. Enfin, nous voulons que le dénominateur soit le nombre réel de semaines travaillées.

Voilà ce que nous demandons. Merci beaucoup.

Le président: Nous entendrons maintenant la représentante de L.A.S.T.U.S.E. du Saguenay.

Mme Judith Fugère (coordonnatrice, L.A.S.T.U.S.E. du Saguenay): Merci, monsieur le président.

Messieurs et mesdames du comité, notre organisme s'appelle L.A.S.T.U.S.E. du Saguenay. C'est un organisme communautaire qui fait de la défense des droits des personnes sans emploi au Saguenay. Notre organisme existe depuis 20 ans. Nous déposons notre mémoire dans l'espoir que la voix des chômeurs et des chômeuses des régions du reste du Canada soit entendue.

Dans la région du Saguenay—Lac Saint-Jean, le taux de chômage est très élevé. Depuis quelques années, on assiste chaque année à des mises à pied de plus en plus volumineuses au niveau des entreprises régionales. Il y a une précarité. Il y a aussi un exode des jeunes qui est assez inquiétant. Nous trouvions donc très important de venir assister aux audiences pour présenter notre mémoire afin essayer de faire comprendre aux membres du comité ce que nous pensons des modifications qui sont déposées dans le projet de loi C-2.

• 1535

Comme on n'a pas beaucoup de temps, je vais essayer d'élaborer sur certains points du mémoire.

En gros, au sujet des modifications présentées par le projet de loi C-2, nous constatons que ce sont des correctifs mineurs. Nous constatons aussi que ce projet de loi, dans le fond, s'inscrit dans la logique d'un démantèlement du système actuel qui a été entrepris en 1989, avec des modifications, et qui a connu son point culminant en 1996, avec la réforme Axworthy.

Nous voulons revenir sur les points suivants que nous trouvons fondamentaux et qui ne sont nullement remis en question par rapport au projet de loi C-2, c'est-à-dire toute la question du détournement de 38 milliards de dollars. Nous trouvons ça d'autant plus scandaleux que le gouvernement ne cotise plus à la caisse d'assurance-emploi depuis 1990. Pour nous, c'est une forme odieuse de détournement d'argent des cotisants, c'est-à-dire les travailleurs, les travailleuses et les employeurs.

Ce que le projet de loi C-2 n'aborde pas non plus, c'est toute la question de changer le principe servant à déterminer le maximum assurable. Par exemple, le gouvernement annonce son souhait de baser le maximum assurable sur le salaire industriel moyen. De plus, il propose de geler le maximum assurable à son niveau actuel, 39 000 $, jusqu'à ce que le salaire industriel moyen, qui est actuellement de 32 413,42 $, atteigne ce niveau. Pour nous, cette modification va avoir pour effet de pénaliser encore une fois les travailleurs et les travailleuses qui, pendant 10 ans, ne verront pas leurs prestations indexées à la hausse du coût de la vie. Cette modification pénalisera aussi les personnes bénéficiant de prestations spéciales.

Dans l'ensemble, nous trouvons que le projet de loi C-2 apporte des corrections mineures, auxquelles s'ajoutent des nouvelles mesures qui vont encore plus nuire aux cotisants de cette assurance collective.

Il y a aussi toute la question de la baisse des cotisations. Ce qui est regrettable dans tout ça, c'est que depuis la réforme qui a été faite par le gouvernement libéral, depuis quelques années, on assiste à des changements structurels au niveau du marché du travail. Tout ce démantèlement s'est fait à la suite de commandes de l'OCDE, au détriment des travailleurs et des travailleuses. Le résultat, c'est que présentement, et il en sera de même dans les années à venir, on assiste à de profonds bouleversements structurels au niveau du marché du travail, ce qui amène la précarité des emplois et l'appauvrissement. On a un régime d'assurance collective payé par les cotisants, qui sont les travailleurs, les travailleuses et les employeurs, qui se trouvent à être pénalisés par ce système-là. Pendant ce temps-là, la caisse de l'assurance-emploi fait des profits mirobolants. On trouve ça tout simplement odieux.

On est d'accord sur les revendications présentées par le MASSE, c'est-à-dire le Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi. Ces revendications sont les suivantes: un seul critère d'admissibilité universel de 350 heures; un minimum de 35 semaines de prestations; un taux de prestations relevé à 60 p. 100 du salaire brut et non à 50 p. 100, comme c'est proposé dans le projet de loi C-2; il est important de réinvestir les 38 milliards de dollars dans le régime d'assurance-emploi.

En conclusion, mesdames et messieurs du comité, nous voudrions vous rappeler que vous êtes élus pour représenter la population et assurer son bien-être collectif. Parmi cette tranche de la population, il y a de plus en plus de personnes exclues du marché du travail à cause de tous les bouleversements structurels auxquels on assiste présentement. Je veux vous rappeler que nous travaillons avec les groupes et les personnes à la base. Chaque jour nous rencontrons ces personnes-là. Chaque jour nous sommes à même de constater les dégâts que la pauvreté entraîne dans leur vie.

• 1540

Nous voulons aussi vous rappeler que ce projet de loi est mineur et qu'il ne constitue pas un fondement équitable pour les personnes qui cotisent à ce régime, d'où l'importance de revoir ce dernier. D'autre part, mesdames et messieurs, vous êtes légitimement élus par la population pour assurer son bien-être collectif, et nous espérons vivement que vous allez prendre au sérieux les revendications que nous vous présentons au nom des personnes que nous représentons. Merci.

Le président: Judith, je te remercie beaucoup.

[Traduction]

Je vous remercie de votre témoignage. Merci également des précisions que vous avez données dans votre document.

Nous allons maintenant entendre Le Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi (réseau québécois).

[Français]

M. Pierre Céré (porte-parole, Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi (réseau québécois)): Bonjour, monsieur le président. Je représente le Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi, qui est un réseau de 20 groupes de sans-emploi à travers le Québec. Je suis accompagné de Georges Campeau, un expert qui est professeur en droit et qui étudie depuis de nombreuses années le programme de l'assurance-emploi.

J'aimerais qu'il soit possible que nous ayons cinq minutes d'intervention chacun, considérant que nous sommes une organisation qui représente 20 groupes à travers le Québec et que plusieurs de ces groupes sont représentés par nous aujourd'hui. Est-ce possible?

[Traduction]

Le président: Je regrette de devoir vous dire non. Pour vous donner un exemple, ce matin nous avons entendu un groupe qui en représentait 50 autres. Il s'agissait d'une coalition. Mais je vous assure que lorsque nous passerons aux questions, vous aurez tous les deux l'occasion d'intervenir. Je vais m'en assurer.

Veuillez m'en excuser, mais nous avons entendu plus de 60 témoins et ce n'est pas chose facile. Soixante groupes à cinq minutes chacun, cela fait cinq heures. Mais je vous présente mes excuses.

[Français]

M. Pierre Céré: Monsieur le président, je ne veux pas créer de problème, mais il y a plusieurs de nos groupes locaux, un peu partout au Québec, qui ont accepté qu'on les représente et qu'on soit deux à le faire. Les députés qui représentent les région de l'Abitibi et du Témiscamingue nous ont confirmé plus tôt que chacun de nous aurait cinq minutes d'intervention.

On a basé nos interventions en fonction de ce temps, surtout que nos mémoires sont on ne peut plus résumés. Cinq minutes pour deux ne nous laissent pas le temps de dire grand-chose; c'est insuffisant. C'est un droit démocratique que de s'exprimer, ne serait-ce que cinq minutes chacun, et ensuite de répondre à des questions, s'il y en a. On représente ici 20 groupes de chômeurs qui sont dans l'ensemble du territoire québécois, et je pense que ça vaut bien 10 minutes.

[Traduction]

Le président: D'accord, dans ce cas je m'en excuse. Nous avons le texte de votre exposé. Nous avons tenu de longues heures d'audience et entendu plus de 60 groupes de partout au pays. Je vous présente mes excuses, mais nous ne pouvons pas apporter des changements de ce genre. J'ai déjà dû refuser d'autres demandes semblables. Croyez-moi, je le regrette.

Je vous le répète: en réponse aux questions, vous aurez amplement l'occasion de...

[Français]

M. Pierre Céré: Excusez-moi, mais on vient de me dire ici—de l'Abitibi—que c'est ça ou on s'en va.

[Traduction]

Le président: Pardon?

[Français]

M. Pierre Céré: C'est ça ou on s'en va. Vous nous donnez 10 minutes. On est tous des groupes affiliés au Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi. Vous nous donnez 10 minutes ou on s'en va, parce que c'est là une parodie de la démocratie que de ne pas nous laisser nous exprimer, ne serait-ce que 10 minutes. Il y a des gens qui viennent de faire 600 kilomètres, qui viennent de loin. Avec tout le travail qu'on a fait pour préparer nos interventions, je pense que ça vaut bien cinq minutes chacun.

[Traduction]

Le président: Je suis désolé. Nous avons entendu 60 groupes de partout au pays et nous vous remercions de votre document.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le président, je voudrais une précision. On retrouve sur la liste deux groupes: le Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi et le Regroupement des sans-emploi de l'Abitibi-Témiscamingue. Ces deux groupes avaient-ils déjà cinq minutes chacun? Le Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi voudrait avoir 10 minutes. C'est bien ça?

M. Pierre Céré: Oui. On nous l'avait promis plus tôt, puisque la région de l'Abitibi était représentée par deux groupes et qu'on leur avait donné cinq minutes chacun. Mais il semble que ça ne fonctionne pas comme cela. En ce qui nous concerne, nous représentons plein de groupes, de la région de Lotbinière, de la région de Québec, d'un peu partout. Avec le temps qu'on vient de perdre, monsieur le président, on aurait eu nos cinq minutes.

M. Paul Crête: Est-ce qu'on ne pourrait pas en venir à un consensus pour leur donner 10 minutes?

• 1545

M. Vital Gilbert (conseiller en droits sociaux, Regroupement des chômeurs et chômeuses de l'Abitibi-Témiscamingue): S'ils ne nous accordent pas 10 minutes, on se lève et on s'en va. Ils rient de nous. On se bat à tous les jours pour défendre ces chômeurs-là. On ramasse ces chômeurs dans nos bureaux en pleine crise, en pleine dépression. Ils perdent leurs biens. Et vous allez nous empêcher de parler? Ce n'est pas de la démocratie! La démocratie, c'est lorsque vous nous laissez parler. Vous nous avez volé 38,5 milliards de dollars. On veut des questions, et des réponses aussi. On a des choses à dire. Laissez-nous parler, s'il vous plaît.

[Traduction]

Le président: Il y a deux groupes ici. Les autres ont eu droit à cinq minutes. Nous avons reçu le texte de leurs exposés. Deux créneaux de cinq minutes ont été prévus pour le groupe. Je dois vous signaler que ce matin il y avait un groupe qui en représentait 50 autres. Nous avons appliqué uniformément la règle de cinq minutes. Chaque groupe a été informé qu'il avait droit à cinq minutes suivies d'un échange de questions et réponses.

[Français]

Georges Farrah.

M. Georges Farrah (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine —Pabok, Lib.): Monsieur le président, cela peut créer un imbroglio parce que tous les groupes qui ont témoigné ont eu cinq minutes chacun. Si cela peut régler le problème, je suis prêt à donner mes cinq minutes. Je ne sais pas si ça peut se faire, mais je suis prêt à donner mes cinq minutes d'intervention. Je n'interviendrai pas pour que ces gens-là puissent avoir le temps désiré. Je ne sais pas si c'est une procédure normale, mais je vous l'offre.

[Traduction]

Le président: Au fait, je dois obtenir le consentement unanime pour ceci. Si je comprends bien, au lieu de deux exposés de cinq minutes, vous en voulez quatre.

[Français]

Mme Diane St-Jacques (Shefford, Lib.): Je peux offrir aussi mes cinq minutes d'intervention, monsieur le président. Je veux suivre Georges Farrah.

[Traduction]

Le président: Je le sais, je l'ai.

[Français]

M. Guy St-Julien (Abitibi—Baie-James—Nunavik, Lib.): Je donne aussi mes cinq minutes à l'Abitibi-Témiscamingue.

Mme Diane St-Jacques: On va tous donner notre temps.

Une voix: Je vais donner mes cinq minutes, et ça fera 20 minutes: il y en aura pour tout le monde.

[Traduction]

Le président: Encore une fois, si nous voulons procéder ainsi, et si deux de nos collègues veulent renoncer à leur temps d'intervention, il me faut le consentement unanime du comité.

[Français]

M. Georges Farrah: Dans le fond, ils ne sont pas ici pour nous écouter, ils sont ici pour... [Note de la rédaction: inaudible].

[Traduction]

Le président: Pour cinq minutes chacun, n'est-ce pas? Deux de mes collègues libéraux vont s'abstenir; c'est bien ça? Y a-t-il consentement unanime?

Monsieur Tonks.

M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.): Monsieur le président, vous ne pouvez pas changer les règles au milieu du match. C'est particulièrement injuste. Le chef de l'Assemblée des premières nations, M. Coon Come est venu ici la semaine dernière. Nous lui avons refusé une rallonge.

Même si cette intervention nous permet de renoncer à notre propre temps de parole, il est particulièrement injuste que cela n'ait pas été la règle dès le début. Quantité de témoins ont demandé une rallonge. Je refuse d'y consentir. C'est manquer à la parole donnée à ceux à qui on l'a refusée, peu importe que l'on ait pu ou non recourir à ce mécanisme.

Le président: Entendu. Il n'y a pas consentement unanime. Nous disposons donc du temps nécessaire pour deux exposés de cinq minutes chacun ou de quatre exposés de deux minutes et demie chacun. Messieurs.

[Français]

M. Pierre Céré: Est-ce que les représentants de l'Abitibi, c'est-à-dire de Rouyn-Noranda et Val-d'Or, ont chacun une intervention de cinq minutes?

[Traduction]

Le président: Non.

[Français]

M. Pierre Céré: Cinq minutes pour les deux? Est-ce qu'on pourrait donner cinq minutes?

Le président: Oui, c'est ça. Certainement.

M. Pierre Céré: D'accord. On va donner cinq minutes.

[Traduction]

Le président: Vous disposez de cinq minutes à vous deux.

[Français]

M. Vital Gilbert: On fait partie d'un groupe qui s'appelle le...

[Traduction]

Le président: Et vous, vous avez cinq minutes.

[Français]

Une voix: On a cinq minutes au total?

Une voix: Plus. On a 10 minutes, et vous n'avez pas de temps.

Une voix: On va s'arranger avec cinq minutes.

Une voix: Vous allez avoir cinq minutes.

[Traduction]

Le président: Je vais dire ceci. Pour le moment, il est question du Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi (réseau québécois). Après, ce sera la même chose pour l'Abitibi-Témiscamingue. Entendu? C'est cinq minutes chacun.

[Français]

M. Vital Gilbert: Donc, nous avons chacun cinq minutes et vous avez juste cinq minutes.

Mme Diane St-Jacques: Non. Vous avez cinq minutes, messieurs Gilbert, et MM. Céré et Campeau ont cinq minutes.

M. Georges Farrah: Il faut le consentement de tout le monde pour que ma proposition soit acceptée.

M. Guy St-Julien: Monsieur le président, j'ai un rappel au Règlement.

Le président: Oui.

M. Guy St-Julien: Si on pose une question, ils n'ont qu'à prendre quatre minutes de notre temps pour répondre. C'est légal.

[Traduction]

Le président: Il n'y a pas eu consentement unanime, de sorte que lorsque l'on passera aux questions, comme je l'ai dit, vous aurez l'occasion de présenter vos arguments dans votre réponse. Je n'ai pas obtenu le consentement unanime des membres du comité.

• 1550

Je remercie le groupe de son texte et nous allons maintenant passer à...

Très bien.

[Français]

M. Pierre Céré: On se retire parce qu'on considère que c'est insuffisant et que ce comité est une parodie de la démocratie.

[Traduction]

Le président: Un instant. Oui.

Alors qui...? L'un d'entre vous veut-il commencer? Veuillez nous donner votre nom et faire votre exposé. Entendu?

[Français]

C'est le Regroupement des sans-emploi de l'Abitibi-Témiscamingue.

M. Vital Gilbert: Bonjour. Je m'appelle Vital Gilbert et je suis du Regroupement des chômeurs et chômeuses de l'Abitibi-Témiscamingue.

Je suis en accord avec mes collègues et solidaire d'eux. Il y a eu tout un débat. On trouve que cinq minutes, c'est effectivement bien peu pour dire tout ce qu'on aurait à dire.

On vous remercie quand même d'avoir songé à nous inviter et on remercie notre député de nous avoir aidés à nous faire inviter ici.

On tenait beaucoup à venir ici parce qu'on trouve qu'il y a vraiment peu de chose dans le projet de loi C-2. À la limite, c'est insultant quand on tient compte des propos qui ont été tenus par les députés libéraux lors de la dernière élection. On se retrouve devant vraiment très peu.

Pour le citoyen ordinaire, quand on dit qu'un projet de loi est abandonné, il est abandonné. Le projet C-44, si ma mémoire est bonne, a été abandonné avant les élections et, durant la campagne électorale on a laissé entendre aux citoyens qu'il y aurait des améliorations, toujours en termes vagues. Ainsi, les gens pouvaient l'interpréter un peu à leur guise. Les gens ont tendance à être optimistes. Ils pensaient vraiment qu'il y aurait un nouveau projet de loi qui pourrait répondre à leurs besoins. Ce n'est pas du tout le cas, parce qu'on a présenté un projet de loi quasi identique au projet de loi qui avait été abandonné.

Les gens que nous rencontrons et avec qui nous discutons nous disent que, pour bien la connaître la Loi sur l'assurance-chômage, il faut la vivre, il faut avoir été prestataire. C'est là qu'on se rend compte de tous les petits tracas que peuvent causer les agents enquêteurs.

Dans notre pratique de tous les jours, on remarque que les réformes successives et surtout celle de 1996 ont vraiment eu des conséquences graves.

Dans notre région d'Abitibi-Témiscamingue, avant 1996, il n'y avait pas de banques alimentaires. Maintenant, il y a en dans toutes les villes. La semaine dernière, la Maison des Jeunes de Rouyn-Noranda a mis en place une soupe populaire. C'est une conséquence de notre économie régionale, qui est en décroissance, et aussi beaucoup de la dernière réforme, qui fait en sorte que beaucoup de gens ont perdu leur droit à l'assurance-chômage. Les jeunes qui accèdent au marché de l'emploi, à cause de la règle des 910 heures, parce qu'ils occupent un travail saisonnier, n'atteindront jamais 910 heures. C'est le travail puis l'aide sociale dans leur cas. Ce n'est pas une vie, ça.

Allez dans les bureaux de Développement des ressources humaines Canada. Allez voir comment vos agents appliquent la loi. Ils l'appliquent d'une manière très restrictive. Pourtant, la Cour suprême, dans un de ses arrêts—si je me rappelle bien, c'était Mme la juge Wilson—, déclarait que la Loi sur l'assurance-chômage était une loi à caractère social et devait être appliquée de façon libérale. Ce n'est pas du tout ce qu'on voit.

Quand un agent rencontre un prestataire dans notre région, ce dernier est coupable en partant. L'agent n'a qu'à trouver un commencement de début de preuve pour le priver de ses prestations. Donc, les gens se trouvent privés de leurs prestations pendant un certain nombre de semaines. Il y a présentation d'un appel et, comme on gagne la quasi-totalité des appels qu'on présente au conseil arbitral, il y a peut-être quelque chose à faire du côté des agents. Quelque part, ils font mal leur travail et ils manquent de jugement dans bien des cas.

• 1555

Les jeunes de 15, 16, 17, 18 et 19 ans qui commencent à travailler se demandent pourquoi c'est 910 heures pour eux. Le législateur n'a-t-il pas voté, à un moment donné, une Charte canadienne des droits et libertés? La discrimination basée sur l'âge, ça devrait être là-dedans, n'est-ce pas? Pour eux, c'est de la discrimination. Parce qu'ils ont 18 ans, ça leur prend 910 heures, alors qu'il en faut 420 à un autre qui a 35 ou 40 ans. Je n'arrive pas à leur expliquer ça. Si vous pouvez m'expliquer comment le leur expliquer, je leur ferai part de vos propos. Pour eux, c'est de la discrimination.

Avez-vous conscience que cela a contribué à augmenter la pauvreté des familles de notre région? Cela a entraîné la perte de leur dignité, de leur estime de soi, un grand stress, des dépressions, une augmentation du nombre de dépressions et de suicides. Dans notre région, on est déjà champion pour ce qui est du taux de suicide. On n'a pas besoin de vous pour nous aider à cet égard.

On a mis dans notre mémoire des exemples de cas que l'on a rencontrés. On vous invite à le lire attentivement. On a aussi une petite section sur les agents enquêteurs—je vous en ai glissé un mot—et sur les agents de recouvrement. Les gens nous arrivent paniqués dans nos bureaux parce qu'ils ont reçu un compte. Ils doivent 5 000 $, 10 000 $, 15 000 $, 50 000 $. Ça prend trois ou quatre jours avant d'avoir l'information. On fait les calculs, et souvent tout s'annule. Mais ces gens-là vivent l'enfer pendant quelques jours. J'ai vu des gens pour qui ç'a été l'enfer pendant six mois parce qu'il n'y avait pas de décision qui était rendue.

Donc, il faut améliorer le régime. Retournez faire vos devoirs. Laissez tomber ce projet de loi. Faites-en un qui fera en sorte que les gens puissent avoir accès à un meilleur taux et à une période de prestations prolongée.

Je vous remercie.

Le président: Je te remercie, Vital,

[Traduction]

et je vous remercie également de votre document. Je vous en suis reconnaissant.

Je m'adresse aux témoins. Nous allons maintenant passer aux questions et nous allons donner la parole aux partis à tour de rôle. Les députés disposent aussi de cinq minutes chacun, ce qui comprend le temps des réponses. Je vous invite donc à être assez brefs.

La parole sera donnée à Val Meredith, Diane St-Jacques, Paul Crête, Jeannot Castonguay, Yvon Godin et Georges Farrah.

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, AC): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie tous d'être venus comparaître devant le comité.

J'aimerais répondre à la dernière chose qui vient d'être dite, à savoir que les 15 à 18 ans ne sont pas admissibles. D'autres témoins nous ont dit que le seuil des 910 heures pour les jeunes avait pour but de les encourager à rester à l'école pour poursuivre leurs études au lieu de prendre un emploi saisonnier qui ne leur offre pas, lui, de perspectives d'avenir.

Je ne sais pas si c'est vrai. Je ne sais pas si c'est le cas, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Pensez-vous que l'on devrait mieux financer la formation à l'emploi et l'instruction pour que les 15 à 18 ans aient d'autres options?

[Français]

M. Vital Gilbert: Oui, il faut faire des efforts pour la formation, une formation pour tous les travailleurs, pas seulement les jeunes. On en parle dans notre mémoire. Vous le lirez.

Chez nous, les gens de 45 ans et plus sont, par toutes sortes de manoeuvres dilatoires, privés de ce droit-là. Quand une personne de 45 ans—ça s'est passé chez nous—se fait dire qu'il n'y pas de place dans un cours et que l'on se rend compte, quand le cours débute, qu'il y a 10 personnes qui se sont inscrites un mois après cette personne parce qu'il y avait de la place, il y a un problème. Ce qu'on nous a dit, mais on ne peut pas le prouver, c'est simple. L'agent nous a dit que s'il envoie un monsieur de 45 ans en formation deux ou trois ans, ce monsieur aura 48 et il ne lui restera que 12 ans pour arriver à 60 ans. Le jeune de 17 ans, de 32 ans, de 19... À 60 ans, il aura travaillé 41 ans. Il est économiquement plus rentable.

Pour les jeunes, ce n'est pas une mauvaise idée. Si les 910 heures sont là pour inciter les gens à aller étudier, ce n'est pas une mauvaise idée, sauf que ceux qui ne veulent pas aller aux études et surtout ceux qui n'ont pas la capacité de faire des études postsecondaires se trouvent pénalisés. Si tel était le cas, il y aurait peut-être eu moyen de dire que c'était 910 heures jusqu'à 18 ans et qu'après 18 ans, le nombre d'heures baisse. Il y aurait peut-être lieu d'établir une norme quelconque.

Le président: J'invite Yvan Lebrun à prendre la parole.

M. Yvan Lebrun: Je suis d'accord sur ça. À 15 ans, un enfant est censé aller à l'école, mais il faut aussi que le parent soit capable de travailler pour retirer un salaire décent de l'assurance-emploi s'il veut être capable d'envoyer son enfant à l'école. S'il touche des prestations d'assurance-emploi ou l'aide sociale, il ne sera pas capable de lui payer des cours à l'université et ce sera, encore une fois, toute la population qui va payer.

• 1600

Dans ce cas-là, on ne sera pas plus avancés. Il va falloir que le régime d'assurance-chômage soit réorganisé pour que les parents soient capables de payer des études à leurs enfants, ce qui leur permettra, plus tard, de payer des pensions aux personnes âgées.

[Traduction]

Le président: Val. Il y a Rodrigue et Gaétan qui veulent répondre tous les deux.

Mme Val Meredith: Je vais vous laisser développer votre pensée, parce que d'autres témoins nous ont dit qu'il faut revoir l'ensemble du programme de l'AE. Vous nous avez dit tous les deux qu'il y a des choses qui vous préoccupent hors du cadre du projet de loi.

Estimez-vous que le comité devrait examiner l'ensemble du dossier? Le texte actuel est-il adapté à la main-d'oeuvre d'aujourd'hui?

Le président: Rodrigue ou Gaétan, voulez-vous répondre?

[Français]

M. Rodrigue Vaillancourt: Pour en revenir aux enfants, le mien est entré dans l'armée. J'ai eu de la chance. Mais ce n'est pas tout le monde qui veut entrer dans l'armée. Étant dans l'armée, il a été payé. Mais l'enfant d'un autre peut bien ne pas vouloir y aller. Ce n'est pas tout le monde qui veut entrer dans l'armée.

[Traduction]

Le président: Il vous reste environ une minute, Val.

Mme Val Meredith: J'ai quatre garçons et deux d'entre eux ont quitté la Colombie-Britannique faute de travail. Je pense que c'est la réalité du monde du travail actuel pour nos enfants.

Je ne suis pas convaincue que l'AE s'occupe vraiment de la formation à l'emploi ou de l'apprentissage des jeunes. De deux choses l'une. Ou bien ces éléments devraient être à l'extérieur de l'AE parce que cela ne fait pas partie d'un programme d'assurance; l'État pourrait apporter son aide mais à l'extérieur de l'AE. Ou bien l'AE devrait insister davantage sur la formation.

Estimez-vous que le projet de loi reflète bien ce mandat? Devrait-on plutôt restructurer le texte pour préparer le marché de l'emploi au XXIe siècle?

Le président: Il vous faudra être très bref, Gaétan.

[Français]

M. Gaétan Cousineau: Déjà, le programme de formation a été transféré à Emploi-Québec dans le cadre d'une entente.

Je veux dire également que, vu la dégradation du régime depuis 1990, beaucoup de parents n'ont plus des revenus suffisants pour faire vivre les enfants qui sont encore à la maison. Donc, des jeunes de 16, 17 ou 18 ans sont obligés d'aller travailler pour soutenir le budget familial.

Il faut se rappeler que, depuis 1990, les revenus des travailleurs saisonniers ont baissé d'au moins 35 p. 100, sans parler de l'inflation qui les a minés pendant tout ce temps. Il y a donc très certainement un problème et il est urgent de réorganiser tout le système de l'assurance-emploi.

[Traduction]

Le président: Entendu. Diane St-Jacques, Paul Crête puis Jeannot Castonguay.

[Français]

Mme Diane St-Jacques: Merci, monsieur le président et merci à tous nos témoins ici présents d'avoir pris la peine de venir nous rencontrer.

J'ai une question pour vous, monsieur Gilbert. Vous avez parlé de la discrimination envers les travailleurs de 45 ans et plus. Je me demande s'il n'y a pas un problème qui concerne les programmes de formation. Comme c'est le cas dans ma circonscription et dans beaucoup d'autres, il y a une pénurie de main-d'oeuvre. Il y a des emplois disponibles, mais les gens ne sont pas formés spécifiquement pour les occuper.

Je me demandais si, dans votre coin, vous aviez des problèmes de cet ordre-là. Vous avez parlé des travailleurs de 45 ans, mais est-ce que des travailleurs d'un autre groupe d'âge n'ont pas été également touchés?

M. Vital Gilbert: Oui, nous faisons face à ce genre de problème. Il arrive souvent qu'on forme des travailleurs, par le biais des programmes de formation de l'assurance-emploi, en vue d'emplois qui existent ailleurs que dans la région.

Souvent, la façon dont un agent présente la formation, à cause des termes qu'il utilise, donne à entendre qu'elle est une garantie d'emploi. Trois semaines après la fin du cours, les prestations s'arrêtent. La personne qui a fait beaucoup de recherche d'emploi, n'en ayant n'a pas trouvé, retourne alors voir son agent, qui lui avait presque promis un emploi. Celui-ci lui répond qu'il y en a à Vancouver, à Toronto et à Montréal. Ce n'est pas une solution pour quelqu'un qui veut vivre en région. On devrait fournir des types de formation adaptés aux types d'emplois qui existent dans une région.

Mme Diane St-Jacques: Donc, vous me dites que quand l'agent recommande une formation, il ne la recommande pas nécessairement en fonction des besoins de la région.

• 1605

M. Vital Gilbert: Absolument pas. Les cours de formation sont choisis en fonction des métiers qui connaissent une pénurie de personnel sur le plan national. Chez nous, depuis des années, on forme des soudeurs à chaque année. Par la suite, ces personnes n'ont pas d'autre choix, si elles veulent travailler, que de s'exiler vers un grand centre.

Mme Diane St-Jacques: Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Cousineau?

M. Gaétan Cousineau: Je voudrais simplement confirmer ce fait. Selon un relevé que je me rappelle avoir fait chez nous, en Gaspésie, il y avait 12 coiffeuses dans une paroisse. On avait formé beaucoup de coiffeuses, année après année. On a aussi beaucoup de pâtissiers parce qu'il y a une école à Fort-Prével qui en a formé plusieurs.

Je pense que ce n'est pas le genre de formation qui convient toujours à ce que les gens recherchent. On devrait, dans le programme, disposer d'argent pour que les gens puissent aller apprendre un métier sur lequel ils pourront compter pendant le reste de leur vie et non pas celui que le système veut leur faire occuper. C'est aussi simple que ça.

Ce n'est pas adapté aux régions; c'est adapté à ce que les penseurs du gouvernement et du régime croient approprié.

Le président: Judith Fugère.

Mme Judith Fugère: En rapport avec ce que vous avez dit, madame la députée, je voulais juste vous mentionner qu'il est certain qu'il y a pénurie dans certains emplois très spécialisés. Mais je ne crois pas que ce soit un phénomène aussi courant.

Par la même occasion, je vais vous donner un exemple de la région du Saguenay—Lac-St-Jean, celui de la construction, à Alma, du chantier de l'aluminerie de l'Alcan. Pendant deux ans, ça a été le plus gros chantier de construction en Amérique du Nord. Cette entreprise pourrait normalement, avec l'envergure qu'elle a, employer 2 000 personnes. Mais, à cause de l'avance de la nouvelle technologie, ce n'est plus 2 000 personnes qui vont pouvoir travailler dans cette aluminerie, mais 600.

Il est certain aussi qu'il existe des limites. Beaucoup de gens veulent travailler parce qu'ils savent que c'est un moyen de se tirer de la pauvreté. Toutefois, un des moyens, c'est de s'en aller, pas pour travailler n'importe où et à n'importe quoi, mais pour avoir accès à des emplois spécialisés. Comme on dit, il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus. Il faut en être conscient.

De plus en plus, avec l'apparition des nouvelles technologies, on a beau être hyperspécialisé, si on a un certain âge, toute une série de préjugés favorisent une clientèle plus jeune. Les gens qui sont dans la quarantaine sont souvent obligés d'attendre leur tour. Il faut aussi tenir compte de cela. C'est ce qui ressort de la nouvelle réalité du marché du travail.

Le président: Madame St-Jacques, il reste une minute.

Mme Diane St-Jacques: Des témoins nous ont dit qu'on devait réinstaurer le programme PATA. Je n'ai pas lu tous vos mémoires; est-ce quelque chose que vous préconisez?

Le président: Un instant. Vital Gilbert.

Mme Diane St-Jacques: Le PATA, c'était un programme pour les personnes âgées.

M. Vital Gilbert: Nous serions très en faveur de cela. Chez nous, on l'applique dans certaines mines. On sait que, si la tendance se maintient, de nombreux emplois vont disparaître dans ce secteur et que des gens assez âgés, entre 45 et 50 ans ou 50 et quelques années, se retrouveront devant rien.

On a trop vu de gens de 50 ans et plus perdre leur emploi dans d'autres domaines. Ils perdent leur chalet, leur maison, tout ce qu'ils avaient amassé durant leur vie et qui devait leur assurer une belle retraite. Ils sont obligés de tout vendre afin de pouvoir manger jusqu'au moment de la pension. Le PATA était un programme intéressant qui empêchait, dans certains cas, que de telles choses se produisent.

Le président: Paul Crête, Jeannot Castonguay, Yvon Godin.

M. Paul Crête: Merci, monsieur le président.

Je vais vous poser deux questions. Vous défendez les chômeurs depuis plusieurs années. On vous propose un projet de loi qui apporte quelques améliorations à la situation. On nous dit souvent que ceux qui s'opposent à ce projet de loi, prétextant qu'il n'en contient pas assez, vont se faire dire par les travailleurs de s'en contenter. Entre autres, les chômeurs eux-mêmes vous diront qu'ils ont besoin de l'argent de la règle d'intensité.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Je poserai ma deuxième question ensuite.

Le président: Gaétan Cousineau et ensuite Aline Smith.

• 1610

M. Gaétan Cousineau: Monsieur le président, c'est différent quand un élu, face à ses commettants, doit répondre à cette question-là. Quand il s'agit de répondre à des groupes de chômeurs, quand une personne nous pose des questions là-dessus, on s'assoit avec cette personne et on lui explique.

Entre cette minime amélioration de 52 à 55 p. 100 et tous les éléments vicieux du projet de loi C-2 comme, par exemple, le gel indéfini du maximum assurable, l'autorité que le gouvernement veut se donner de déterminer les taux de cotisation et tous les autres éléments qui ont été mentionnés à profusion durant les deux dernières semaines, les gens comprennent que c'est peut-être mieux d'attendre quatre ou cinq mois pour que l'on fasse une réforme en profondeur du régime d'assurance-emploi et de courir la chance d'avoir un régime qui soit mieux adapté aux réalités de l'an 2000. C'est donc très facile de faire comprendre à la population cet élément-là. Entre 11 $ par semaine et peut-être le retour à 60 p. 100, comme tout le monde l'exige, ça fait une fichue différence dans un budget annuel.

Le président: Aline Smith.

Mme Aline Smith (présidente, Syndicat de la fonction publique du Québec, Coalition Gaspésie/Les Îles, Matapédia, Matane): Au troisième millénaire, je ne pense pas qu'il est illusoire de penser que l'on peut changer les choses. En tout cas, moi, j'y crois. Je crois que ce millénaire-là devrait être le millénaire où les programmes vont commencer à ressembler aux gens, aux utilisateurs, et non l'inverse.

Ce que l'on a vu au cours des dernière années, ç'a été des changements qui se sont attaqués aux chômeurs beaucoup plus qu'au chômage. Dans ma région, l'Est du Québec, d'un côté comme de l'autre, les gens y ont goûté.

Les effets pervers ont fait que les gens ont été exclus. On parlait des jeunes, mais l'exclusion, c'est pour tout le monde. Ça vient chercher toutes les strates. Six sur dix, c'est beaucoup trop. On ne peut pas accepter ça.

On parlait plus tôt d'exode et d'effets dramatiques. On a vécu l'exode. Dans l'Est, ç'a été un exode dramatique. Les actuaires et les économistes de DRHC ont lié ça aux effets créés par les modifications. Il ne faut pas l'ignorer. Il faut, par exemple, chercher des solutions pour changer le tir, pour changer les choses pour faire en sorte que les gens, à défaut d'emploi, soient capables de survivre et soient capables de garder leur dignité. Ça, c'est très important.

Je veux faire un lien. Je veux être prise au sérieux, car je ne veux pas que vous pensiez que je le fais par mesquinerie. Plus tôt, pendant les débats à la Chambre des Communes, il y a quelqu'un qui disait, par rapport au sommet, que les multinationales qui avaient du cash seraient capables de faire des choses. Si on mettait de l'énergie à convaincre ces multinationales de venir investir en région pour créer de l'emploi, on ne serait pas ici en train de vous convaincre de la pauvreté et de la misère qui existent. Ça, je peux vous le garantir.

Il y a des solutions à apporter, et il va falloir que ces solutions ressemblent au monde, qu'elles soient à la mesure des problèmes et que l'on finisse de faire des modifications et des programmes pour faire des programmes. Les gens ont le droit d'exiger ça. C'est un minimum.

Le président: Paul, tu as une minute.

M. Paul Crête: Je vous remercie. J'ai une autre petite question. Je veux simplement m'assurer que j'ai bien compris la question des Exclus de l'été 2000.

Avant le 9 juillet 2000, dans notre région, ça prenait 420 heures pour se qualifier. À cause d'un changement à la carte de l'assurance-emploi délimitant les régions, on s'est mis à exiger 455 heures à partir du 9 juillet et cela, jusqu'au 17 septembre, date à laquelle la ministre est revenue, à la suite des pressions, aux 420 heures.

Ça veut donc dire que l'on a des personnes, comme dans l'exemple que vous avez donné, qui ont travaillé exactement la même quantité de temps, chez le même employeur. La personne qui a présenté sa demande avant le 17 septembre a eu droit à des conditions moins avantageuses. La personne qui a présenté sa demande après le 17 septembre est revenue aux conditions plus avantageuses, qui comprenaient jusqu'à une dizaine ou une douzaine de semaines de prestations de plus. Est-ce que c'est ça, la réalité que vous vivez?

Le président: Gaétan, il faudra absolument que votre réponse soit brève, s'il vous plaît.

M. Gaétan Cousineau: C'est exactement la même chose que la rétroactivité au 1er octobre sur la règle d'intensité. Il y en a qui ont présenté leur demande le 30 septembre et qui n'auront pas droit à ce à quoi d'autres, qui ont présenté leur demande le 1er octobre, ont droit. C'est absolument discriminatoire. Cela n'a absolument aucun bon sens.

Le président: Je m'excuse, Yvon, mais c'est Jeannot Castonguay maintenant.

• 1615

M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci à nos invités.

Madame Smith, j'avais une question, mais je crois que vous avez déjà fourni la réponse. Si je comprends bien, dans la nouvelle réalité d'aujourd'hui, où on parle d'une nouvelle économie et d'une société probablement différente de ce qu'elle était avant, il faudrait peut-être penser plus grand et pas seulement pour le régime d'assurance-emploi. Il faudrait aussi se poser des questions sérieuses sur la façon de s'assurer que tout le monde ait sa quote-part dans cette société. Si j'ai bien saisi, c'est une vision globale comme celle-là.

L'autre partie de mon intervention concerne peut-être M. Gilbert. Je regardais votre document. À plusieurs reprises, vous avez mentionné, si je saisis bien, que le problème le plus difficile à l'heure actuelle, c'est l'accès au régime d'assurance-emploi. Il est clair qu'il faudra faire une révision en profondeur du régime, mais aujourd'hui, si on avait à ajouter un amendement important au projet de loi qui est sur la table, est-ce qu'il devrait porter sur l'admissibilité? J'aimerais également que vous élaboriez, si possible, sur une chose que vous avez mentionnée à quelques reprises. Il semble qu'on ait vraiment un problème avec le comportement des agents qui gèrent le programme, et j'aimerais que vous élaboriez là-dessus.

Le président: Monsieur Gilbert.

M. Vital Gilbert: Oui, s'il faut choisir—et on ne devrait pas avoir à choisir—, pour notre région, on demanderait vraiment des critères d'admissibilité plus faciles. Autrement dit, on demanderait de réduire le nombre d'heures pour que les gens aient droit à l'assurance-emploi. Si vous en demandez un sur...

M. Jeannot Castonguay: Je sais que vous en avez d'autres.

M. Vital Gilbert: Ensuite, au niveau des agents, je pourrais vous donner des exemples. Je ne sais pas si ça se passe ailleurs, dans d'autres régions, mais je dirais que depuis deux ans, quand des prestataires font des demandes d'appel au conseil arbitral, il arrive régulièrement, mais pas dans tous les cas, qu'un agent appelle la veille, par exemple, pour leur dire que ça ne vaut pas la peine de se présenter, qu'ils n'ont aucune chance de gagner leur appel devant le conseil arbitral. C'est aberrant quand on sait, à la vue du dossier, que la personne va sûrement gagner, parce que le dossier a été bâclé, que l'agent n'a pas tenu compte de tous les renseignements portés à sa connaissance, etc.

Dans notre mémoire, on parle aussi des agents enquêteurs auprès des entreprises familiales. Dans notre région, aussitôt qu'une personne travaille pour quelqu'un de la parenté, quand elle fait une demande d'assurance-emploi, c'est la grosse enquête à ne plus finir. Qu'il y ait des enquêtes, on peut le comprendre, mais si ça fait cinq ans que je travaille dans le garage de mon beau-frère comme mécanicien, qu'il ferme son garage et que je suis mis à pied, il me semble que si j'essaie de frauder de cette façon-là, ce n'est pas tellement brillant. Il me semble évident que la personne a droit à ses prestations. Elle n'a pas fait que travailler 910 heures et se mettre en chômage.

M. Jeannot Castonguay: Monsieur Gilbert, est-ce que ça pourrait même être qualifié, à un moment donné, de harcèlement à l'endroit de ces travailleurs? Est-ce que ça irait jusqu'à ce point-là?

M. Vital Gilbert: Il y a des cas de harcèlement. En tout cas, pour les entreprises familiales, c'est automatique. Quand on n'a rien à cacher, qu'on est honnête et qu'on se fait accuser de fraude, ou que quelqu'un laisse entendre qu'on est un fraudeur, on le prend très mal. Ce qui est ennuyeux, c'est que puisque les agents représentent le gouvernement, aux yeux de ces gens, c'est le gouvernement qui les traite de fraudeurs, qui leur dit qu'ils sont malhonnêtes. Compte tenu qu'ils se savent honnêtes et qu'ils n'ont rien à se reprocher, ça enclenche tout un processus qui les conduit, après cela, à moins respecter les lois.

Le président: Jeannot, je m'excuse, mais je crois que quelqu'un a une réponse.

M. Gaétan Cousineau: Pour ma part, en Gaspésie et dans les Îles, ça fait déjà 12 ans que je plaide devant toutes les instances, jusqu'à la Cour canadienne de l'impôt, où j'ai eu longtemps l'occasion d'aller. C'est évident qu'il y a du harcèlement contre les personnes qui travaillent pour quelqu'un avec qui ils ont un lien de dépendance ou un lien de parenté. Et ça, c'est absolument automatique; ces gens-là font automatiquement l'objet d'une enquête. Malheureusement, lorsqu'il faut se rendre à la Cour canadienne de l'impôt, il faut très souvent attendre un an ou un an et demi avant que le dossier soit réglé parce que les juges viennent en région une seule fois par année, particulièrement dans le temps du homard. Les pauvres gens qui ont travaillé et qui sont allés demander de l'assurance-emploi au mois de septembre doivent attendre jusqu'au mois de septembre suivant pour savoir s'ils sont assurables ou non. On le voit régulièrement. Ne vous faites aucune illusion. J'aurais des tonnes et des tonnes d'exemples à vous donner.

Le président: Ça va, Jeannot?

M. Jeannot Castonguay: Merci beaucoup.

Le président: Yvon Godin, Georges Farrah, Val Meredith, Guy St-Julien, Jean-Yves Roy et Alan Tonks.

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Merci, monsieur le président.

Premièrement, j'aimerais vous remercier d'être ici aujourd'hui pour nous faire part de témoignages. Il est à souhaiter que ce comité parlementaire va prendre vos propos, faire un rapport et tenter de régler certains problèmes de l'assurance-emploi.

• 1620

Je suis content que ce soit vous qui ayez parlé des enquêteurs. À mon bureau de député et lors de mes tournées dans la région, j'entends des choses incroyables. Des agents amènent une personnes dans un bureau, la font asseoir à une table, en font le tour comme dans les années 1930 et courent autour d'elle en lui disant que si elle ne dit pas la vérité et qu'ils la prennent à dire des mensonges, elle peut aller en prison, et des choses comme ça. Aujourd'hui, quelqu'un peut aller tuer une personne de l'autre côté de la rue et la police va arrêter le meurtrier et lui dire qu'elle n'est pas obligée de parler avant d'avoir communiqué avec son avocat. C'était incroyable, l'indiscrétion des enquêteurs des ressources humaines, autrefois. Je suis certain que vous pourriez nous raconter de telles histoires toute la journée. C'est à souhaiter que le comité soit capable d'étudier ça.

Comme vous l'avez dit dans certains de vos propos, cela mène même les gens au suicide dans certains cas. Je suis d'accord avec vous que le taux de suicide dans notre région a augmenté. Il y a quelque chose qui explique ça. Quand quelqu'un est heureux, qu'il va travailler le matin, qu'il touche sa paye le vendredi et qu'il est capable d'acheter des provisions pour sa famille, il ne pense pas à se suicider. Il y a plusieurs personnes qui souhaitent que ce comité-ci sera sensible à cela et qu'il sera capable de faire un rapport à la ministre.

J'aimerais parler un peu d'acériculture à M. Yvan Lebrun et à M. Rodrigue Vaillancourt. Ils ont dit qu'ils faisaient de l'acériculture. Normalement, l'acériculture, ça se fait en même temps que le bûchage du bois. Je me rappelle un temps où il n'y avait pas beaucoup d'acériculteurs au Canada. C'étaient des bûcherons qui avaient perdu leur emploi, peut-être à cause de la mécanisation, et qui s'étaient dit, finalement, qu'ils allait faire de l'acériculture.

Je voudrais que vous expliquiez aux gens du comité—et c'est à souhaiter que ça se rendra jusqu'à la ministre—que les petits arbres, que ce soit en Gaspésie, dans la région de l'Abitibi, chez nous, à Prince George, en Colombie-Britannique, ou bien à Hearst, en Ontario, ça ne se plante pas sous la terre. J'aimerais que vous expliquiez l'importance de votre travail pour les forêts canadiennes et pour l'avenir. J'aimerais peut-être que vous expliquiez cela. C'est tellement important, le domaine de l'emploi ici, au Canada.

Rapidement, monsieur le président, je veux faire un commentaire au cas où je ne reviendrais pas au prochain tour. Il est regrettable que des gens aient été obligés de laisser la table avec leurs convictions. Je pense qu'on peut accepter cela et comprendre ces gens-là, monsieur le président. Ce sont des gens qui voient des personnes en détresse à tous les jours, des personnes qui sont dans la misère à cause des changements à l'assurance-emploi. Aujourd'hui, on peut voir que les gens sont frustrés pour cette raison-là et on peut accepter les raisons pour lesquelles ces gens-là ont agi comme ils l'ont fait. Moi, je peux certainement l'accepter.

Le président: D'accord.

M. Yvan Lebrun: Pour ce qui est de l'acériculture, nous sommes ici aujourd'hui, mais nous serions supposés travailler dans les érablières à l'heure actuelle, parce que présentement, on est en train de se préparer. Ça fait un mois qu'on a commencé. Les travaux ont commencé au début du mois de février et, à la fin avril, ça va pas mal tout être terminé. À la fin avril, début mai, ça va être terminé. Après cela, il faut faire notre demande d'assurance-emploi. Pour ma part, il me reste deux semaines d'assurance-emploi de l'année dernière à retirer. Quand j'aurai fini de travailler, je vais faire ma demande en incluant les deux dernières semaines qui me restent.

Après ça, il va falloir que je présente une nouvelle demande d'assurance-emploi pour les semaines où je veux en retirer. Si j'ai 15 semaines, comment vont-ils faire le calcul? Sur 17 semaines? Mon dénominateur, l'année passée, était de 17, ce qui m'a donné plus de 300 $ par semaine.

Mon ami, l'année passée, avait 15 semaines, lui aussi. Dans son cas, on a divisé par 14, ce qui lui a donné plus d'argent avec 32 semaines. Or, on travaillait au même endroit et c'est encore pareil cette année. Moi, j'ai eu 23 semaines. Donc, ça représente un manque à gagner de 5 000 $. Je ne me vois pas entailler un érable au mois de juillet. Ce serait plutôt drôle de parler de ça au mois de juillet. Et la plantation, à ce temps-ci, ça ne se fait pas bien. Ça serait beau à voir sur la neige; ce serait tout droit, tout beau, mais ça ne se fait pas à ce temps-ci, la plantation. À ce temps-ci de l'année, c'est l'acériculture qui marche.

M. Yvon Godin: J'aimerais connaître votre opinion sur les enquêteurs.

M. Gaétan Cousineau: J'aimerais dire quelque chose, monsieur le président, au sujet du dénominateur. C'est un moyen de diminuer les prestations de 60 ou 70 p. 100 des personnes qui demandent des prestations d'assurance-emploi. Prenons, par exemple, un pêcheur qui déclare 60 ou 70 heures par semaine et qui doit pêcher le homard pendant 10 semaines. Il voit son revenu diminuer sensiblement, puisque chez nous, c'est le dénominateur 14. C'est quelque chose qui ne devrait même pas exister. On devrait calculer le taux des prestations d'après le nombre de semaines travaillées sur 52 semaines. La période de base de 26 semaines est extrêmement pénalisante également pour ces gens qui travaillent dans l'acériculture au printemps et qui pourraient, à l'automne, s'occuper dans un autre petit métier afin de combler le nombre de semaines. Lorsqu'ils reprennent le travail au printemps, les semaines travaillées à l'automne ne comptent même plus dans leur dénominateur s'ils n'ont pas réussi à se qualifier pour l'assurance-emploi avec leur travail de l'automne. Donc, le dénominateur a été fait carrément pour diminuer. On dit qu'il faut étendre l'accessibilité. Je suis bien d'accord, mais lorsque l'accessibilité est ouverte, on vient leur imposer un dénominateur sur les 26 dernières semaines, ce qui fait qu'ils ont accès au régime mais reçoivent un montant absolument minable.

• 1625

Le président: Monsieur Georges Farrah, Val Meredith, Guy St-Julien, Jean-Yves Roy, Alan Tonks et Yvon Godin.

M. Georges Farrah: Merci, monsieur le président.

Soyez les bienvenus devant le comité. C'est avec beaucoup de plaisir que nous vous accueillons et vos propos sont fidèles à la réalité sur le terrain; on l'a entendu dire à maintes reprises.

Monsieur Cousineau, je ne sais pas si vous pouvez répondre à ma question spécifiquement pour ma région. Si vous comparez ce qui se passe actuellement et ce qui se passait après la réforme de 1996, ou même antérieurement, est-ce que vous êtes en mesure de nous dire quel pourcentage des travailleurs sont exclus de l'assurance-emploi qui ne l'étaient pas avant? À l'origine, l'objectif était de convertir cela en heures pour étendre l'accessibilité. On disait que les gens allaient pouvoir se qualifier plus facilement, qu'il y aurait plus de gens qui pourraient avoir accès à l'assurance-emploi, mais dans la réalité, on voit que ce n'est peut-être pas nécessairement ce qui s'est passé. Je ne sais pas si vous avez des chiffres là-dessus ou si vous avez un argumentaire par rapport à cela pour ma région spécifique.

M. Gaétan Cousineau: Monsieur le président, je l'ai dit souvent et j'ai souvent sorti ces chiffres publiquement. En 1993, en Gaspésie et aux Îles, il y avait 18 000 prestataires d'assurance-emploi, c'est-à-dire des collecteurs de chèques d'assurance-emploi. Pour l'année 2000 qui vient de se terminer, je crois que c'est 13 100. Où sont allées ces 6 000 personnes? Quelques-unes sont allées, bien sûr, à l'aide sociale, à cause de l'exclusion, certaines sont sûrement déménagées et certaines autre sont peut-être décédées ou se sont suicidées. On ne le sait pas. Mais il y en a sûrement un grand groupe qui est tombé entre les deux chaises de l'aide sociale et de l'assurance-emploi, puisque quand on a été un travailleur saisonnier pendant 20 ans, qu'on a une maison partiellement payée et une voiture et qu'on se retrouve sans aucun revenu d'assurance-emploi, on n'a même pas droit à l'autre recours minable qu'est la sécurité du revenu.

Une voix: À cause de l'actif.

M. Gaétan Cousineau: Il faut absolument être un quêteux, un mendiant pour avoir accès à ce dernier recours. Alors, c'est exactement la vérité chez nous, et il ne faut pas se surprendre des statistiques. Statistique Canada nous dit qu'en l'an 2015, on ne sera que 85 000 en Gaspésie alors que nous sommes 101 000 actuellement. C'est donc dire que les restrictions actuellement exercées sur les bénéficiaires de tous les régimes sociaux font que les gens doivent carrément quitter les régions. Bien sûr, ça enrichit les villes.

M. Georges Farrah: Alors, c'est ça. Le phénomène qui se produit fait en sorte qu'il y a une moins grande accessibilité à l'assurance-emploi, et l'économie n'est pas assez forte pour soutenir le marché du travail et faire en sorte que les gens puissent travailler. C'est un double problème.

M. Gaétan Cousineau: Dans mon mémoire, vous verrez le diagramme où j'ai indiqué des diminutions de l'ordre de 390 millions de dollars au niveau des prestations d'assurance-emploi versées entre 1993 et 2000. C'est, en termes de masse salariale, environ l'équivalent de 10 compagnies Gaspesia qui sont sorties de la Gaspésie à cause des exclusions au régime d'assurance-emploi. C'est absolument phénoménal, ce qu'on a pu vivre au cours des 10 dernières années.

Le président: Georges, on va passer à un autre, s'il te plaît.

M. Yvan Lebrun: J'ai une question à poser à nos élus. Lui et moi, on a travaillé pour le même employeur et au même endroit, comme je le disais tout à l'heure. On avait absolument le même nombre de semaines, le même nombre d'heures; c'était identique. Or, j'ai eu doit à 23 semaines alors que lui a eu droit à 32 semaines. J'étais à 50 p. 100, lui était probablement à 55 p. 100, mais je n'en suis pas sûr. Je voudrais savoir où est l'erreur. Va-t-on devoir utiliser un jeu d'échelles et de serpents pour savoir qui va monter et qui va descendre? Je pose la question à nos élus. Qui peut me répondre là-dessus?

• 1630

[Traduction]

Le président: Georges, vous avez le temps qu'il faut; je vais donc vous en accorder.

[Français]

M. Georges Farrah: Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question, mais j'aimerais en poser une autre. C'est pourquoi nous en prenons bonne note. Je ne sais pas si quelqu'un pourra me répondre.

Un des phénomènes regrettables que l'on peut observer est celui du trou noir. Il s'agit de la période de temps où on n'a aucun revenu parce que les prestations ne durent pas suffisamment longtemps.

Avez-vous des statistiques qui indiquent quelle est la durée moyenne du trou noir dans ma région? Je sais que cela varie d'un prestataire à l'autre, mais cette moyenne pourrait démontrer l'importance de ce phénomène qui nuit aux gens.

M. Gaétan Cousineau: Le retour du balancier dans la région administrative Gaspésie—Les Îles, dont on avait discuté avec la ministre l'an dernier, a permis de réduire la durée de notre trou noir, mais il dure encore deux à trois semaines. Il va d'ailleurs toucher les gens ces prochains temps, tout juste avant l'ouverture de la saison de pêche le 21 avril. Il y a des gens qui, déjà, ne touchent plus de prestations. Mais nous savons que dans certaines autres régions, le trou noir est un phénomène beaucoup plus important. C'est la raison pour laquelle le MASSE revendique un minimum de 35 semaines de prestations et une bonification pour les régions où le travail saisonnier est plus répandu.

Il faut se rappeler qu'en plus du trou noir, il y a aussi deux semaines de délai de carence. Quand on parle du trou noir, on ne parle pas du délai de carence. Il y a donc deux semaines de délai de carence plus deux ou trois semaines de trou noir. Ce qui veut dire cinq semaines sans revenu. Cela équivaut à des vacances non payées par l'employeur. C'est comme si on travaillait et que l'employeur nous ordonnait de prendre cinq semaines de congé sans solde. C'est à peu près la même chose.

M. Georges Farrah: Puis-je poser une dernière question?

[Traduction]

Le président: Très bien, Georges

[Français]

M. Georges Farrah: Comme le démontre votre travail, vous défendez beaucoup les chômeurs. Vous les aidez lorsqu'ils sont poursuivis ou qu'on enquête sur leur cas. Voilà qui m'amène à parler de l'attitude des agents enquêteurs ou des principaux intervenants du gouvernement.

Avez-vous noté des comportements différents ou des décisions différentes de la part de fonctionnaires sur des dossiers qui se ressemblent? Je ne sais pas si on peut les comparer, mais cela démontre que parfois un fonctionnaire peut avoir une attitude très fermée alors qu'un autre peut avoir une attitude plus ouverte, plus compréhensive, s'il comprend la réalité de la région. Est-ce un phénomène qu'on peut observer?

[Traduction]

Le président: Très bien, Georges.

Gaétan, brièvement.

[Français]

M. Gaétan Cousineau: Je peux citer le cas de deux fonctionnaires de Revenu Canada qui ont statué sur un cas. Le prestataire avait un lien de dépendance avec son employeur. En 1998, on a jugé qu'il était assurable. Un agent avait enquêté pendant six mois et avait finalement dit que cette personne était assurable. En l'an 2000, un autre enquêteur a réenquêté, a déclaré ne pas être lié par les décisions de ses prédécesseurs et a décrété que cette personne n'était pas assurable. Il a dit très clairement qu'il n'était pas lié par les décisions de ses prédécesseurs.

[Traduction]

Le président: Val Meredith puis Guy St-Julien.

Mme Val Meredith: Merci, monsieur le président. Je trouve cet échange fort intéressant parce que nous sommes également aux prises avec cette question dans notre bureau, parce qu'il y a des contradictions.

Je vais revenir sur ce que vous venez de dire, que les entreprises sont parties à cause de l'exclusion. Êtes-vous en train de me dire que des entreprises ont plié bagages parce que leurs employés ne pouvaient pas toucher de prestations d'AE?

[Français]

M. Gaétan Cousineau: Je n'ai pas parlé de sociétés, madame. J'ai dit que des gens doivent partir parce qu'il n'y a plus de travail. Je ne sais pas si vous pensez à ce que j'ai dit, que 390 millions de dollars représentait l'équivalent de la masse salariale de 10 compagnies Gaspesia, qui est une grande compagnie de notre région, à Chandler, et qui a fermé ses portes en mettant 500 personnes à pied. Ce que le régime a retiré de la Gaspésie dans les 10 dernières années représente l'équivalent de la masse salariale de 10 compagnies semblables. Cela démontre l'ampleur du phénomène de l'exclusion de l'assurance-emploi. Je n'ai pas dit que des compagnies avaient fermé à cause de cela.

[Traduction]

Mme Val Meredith: D'accord, je vous ai mal compris, parce que j'avais l'impression que des entreprises ouvraient leurs portes sur une base saisonnière du fait qu'elles ne pouvaient offrir qu'un certain nombre d'heures de travail et que lorsque ce n'était pas suffisant elles ne pouvaient plus survivre. Mais ce n'est pas ce que vous avez dit.

• 1635

[Français]

M. Gaétan Cousineau: Cela m'amène à vous inviter à lire le mémoire que j'ai présenté. On y lit que depuis deux ans, dans une petite MRC de 20 000 habitants, Roche Percée, il y a eu 151 fermetures d'industries, ce qui a entraîné la mise à pied de 1 490 personnes. Ces industries ont fermé parce que l'achalandage commercial était trop faible à cause du manque d'argent et du manque de vigueur de l'économie de la région, autrement dit à cause de la perte des 400 millions de dollars qui ont été envoyés dans la caisse centrale pour payer la dette nationale. Ces petites industries n'ont pas été capables de survivre à cette grande récession. Il y a donc eu 151 entreprises, depuis deux ans, qui ont fermé leurs portes, dont une compagnie très importante, la compagnie Gaspesia qui a fait les manchettes longtemps.

Mme Val Meredith: Merci.

Le président: Guy St-Julien et Jean-Yves Roy.

M. Guy St-Julien: Merci. Je regrette que Laurier Gilbert ait dû quitter la table à cause d'une règle de procédure, parce que si quelqu'un défend les chômeurs et chômeuses chez nous, c'est bien Laurier.

Ma question s'adresse à M. Vital Gilbert. J'aimerais vous entendre parler des congés parentaux, et surtout des cours de formation, car la région envoie des travailleurs, des chômeurs et des chômeuses à Montréal, ou dans d'autres régions, parce qu'on dit que ces cours ne sont pas disponibles chez nous. Mais je vous cède la parole parce que je veux vous laisser le plus de temps possible. Pouvez-vous parler de congés parentaux, de cours de formation, et surtout de la règle du nombre d'heures nécessaires pour être admissible? Le nombre est 910, mais vous avez mentionné 350 heures. J'aimerais avoir plus d'explications.

M. Vital Gilbert: D'accord. Tout d'abord, les congés parentaux ont été bien accueillis par la population. Nous avons reçu de nombreux appels, et nous leur avons alors expliqué ce que cela voulait vraiment dire. Mais au départ, quand ils ont entendu parler de congés parentaux d'un an dans les journaux et à la télévision, ils étaient bien contents.

J'ai une amie, Marie-Louise, qui était très intéressée. Elle devrait accoucher cet été et elle travaille présentement au salaire minimum. Donc, elle va probablement avoir accumulé assez d'heures pour avoir droit à son congé parental, mais elle recevra alors 134 $ par semaine. Si on travaille au salaire minimum, les prestations pour congé parental sont d'environ 134 $ par semaine. Il est évident qu'aussitôt qu'elle le pourra, elle va retourner travailler. La grande majorité des femmes n'a pas droit au congé parental, et comme celles qui y ont droit travaillent souvent à bas salaire, ce n'est pas avantageux. C'est un droit dont beaucoup de femmes ne pourront pas bénéficier, même si elles répondent aux critères d'admissibilité.

Les femmes nous ont dit que s'il est question, sans rire, d'instaurer un vrai congé parental, il faut modifier la Loi sur l'assurance-emploi pour que les prestations du congé parental soient suffisamment élevées et que les prestataires ne soient pas obligées de retourner travailler au plus vite. On nous a demandé qu'un barème soit instauré. Cela pourrait être 250 $ par semaine, l'équivalent du salaire minimum. Nous laissons cela à votre discrétion.

Je connais moins le dossier des cours de formation. De plus en plus, on envoie les gens suivre des cours formation à Montréal. Peut-être sommes-nous pessimistes, mais nous nous demandons s'il ne s'agit pas d'une façon de faire qui va les encourager à s'installer dans la région montréalaise et à ne plus revenir dans la région. Nous nous demandons pourquoi il en est ainsi. Les formateurs sont toujours en région. Nous nous posons beaucoup de questions.

Et la troisième question était....

M. Guy St-Julien: Il s'agit du nombre d'heures nécessaires pour être admissible. Sur quoi vous êtes-vous basés pour avancer le chiffre de 350 plutôt que de 910?

M. Gaétan Cousineau: Nous nous sommes basés sur le régime universel de 1990, qui stipulait 10 semaines. De nos jours, la semaine de travail est de 35 heures selon le régime d'assurance-emploi. Nous avons donc pensé que 10 semaines de travail de 35 heures devraient constituer la base minimale pour se qualifier, et ce à tous les niveaux, pas seulement pour un réitérant ou pour quelqu'un qui bénéficie fréquemment du régime. Ce devrait être la même chose pour les prestations parentales, pour les prestations familiales, pour les prestations de maladie, et aussi pour les nouveaux arrivants, les jeunes et les moins jeunes, qui ont bénéficié de la sécurité du revenu par malchance et qui doivent réintégrer le marché du travail.

M. Guy St-Julien: Merci. D'après vous, monsieur Gilbert, les fameuses statistiques pour l'Abitibi-Témiscamingue, qu'elles proviennent de Travail Québec ou de Développement des ressources humaines Canada, donnent-elles l'heure juste?

• 1640

M. Vital Gilbert: Non, elles ne donnent pas l'heure juste. L'établissement des statistiques dépend beaucoup des outils employés, et Statistique Canada a ses critères. Pour établir le taux de chômage, ses critères sont en fonction de l'application de la loi. Le bulletin de nouvelles annonce un taux de chômage pour la région qui induit en erreur parce que ce taux, selon Statistique Canada, est toujours plus bas que le véritable taux de chômage. Et il y a les taux de chômage pour chacune des villes.

À notre avis, le taux de chômage de notre région est largement sous-évalué parce que, pour l'établir, la situation du travail est partagée en trois catégories. Vous connaissez les critères: les gens au travail, les chômeurs et les personnes qui sont à la recherche d'un emploi. Mais être à la recherche d'un emploi quand on sait qu'il n'y en a pas dans notre région, où le travail est saisonnier, ça cause un biais dans les statistiques.

De même, quand il n'y a pas d'emploi ou quand on est en période de récession, les gens ne cherchent pas d'emploi parce qu'il n'y en a tout simplement pas. Cela a aussi une influence sur les statistiques. En tout cas, il devrait y avoir un moyen de rajuster tout ça.

Le président: M. Jean-Yves Roy, Alan Tonks et Yvon Godin.

M. Jean-Yves Roy (Matapédia—Matane, BQ): Merci, monsieur le président.

Pour préciser ce qui vient d'être dit, j'ajouterai que les statistiques qui nous sont fournies par Statistique Canada sont simplement fondées sur des sondages. Elles ne reflètent pas du tout le véritable taux de sans-emploi ou de chômage qu'il y a dans une région.

Vous parliez tout à l'heure, monsieur Cousineau, du mémoire que vous avez présenté. Je voudrais seulement préciser que c'est 392 millions de dollars, selon votre mémoire, qui ont été prélevés du Bas-Saint-Laurent—Gaspésie, particulièrement de la Gaspésie, de 1993 à l'an 2000. Cela veut dire 392 millions de dollars prélevés sur l'économie d'une région. Comme vous le disiez, c'est l'équivalent de plusieurs entreprises comme la Gaspesia, qui compte 500 emplois. Cela veut dire que des centaines d'entreprises ont dû fermer leurs portes de même que des centaines de dépanneurs et d'épiciers. Encore une fois, ce sont des gens qui se sont retrouvés sans emploi. Cela a représenté un appauvrissement majeur de la région.

Cependant, le point sur lequel je voulais votre avis, et peut-être particulièrement celui de Mme Smith, c'est celui des fameuses 910 heures qu'on exige des jeunes. Ayant travaillé dans un bureau de député pendant longtemps et étant aujourd'hui moi-même député, j'ai constaté que cela engendre de la discrimination et du harcèlement, quand ce n'est pas de l'abus de la part des employeurs. Quand un employeur sait que le juge n'a pas le choix, qu'il faut qu'un jeune ait fait 910 heures avant de toucher des prestations, c'est facile d'abuser. C'est la même chose pour la femme qui revient sur le marché du travail ou qui arrive sur le marché du travail, et qui doit faire ses 910 heures ou encore recommencer.

Or, ce que j'ai constaté, c'est que les employeurs abusent carrément des jeunes, abusent carrément des femmes lorsqu'elles retournent sur le marché du travail, parce qu'ils savent très bien que ces gens-là n'ont pas le choix. Êtes-vous de mon avis là-dessus et est-ce ce que vous constatez sur le terrain?

Mme Aline Smith: Je vais vous dire une chose; mes parents étaient assez âgés, mes oncles et mes tantes, et je leur demande souvent de me décrire ce qu'a vécu la société des années 1930, 1940 et l'évolution qui s'est produite jusqu'au troisième millénaire. Mes parents m'ont toujours dit qu'il y a 50 ans, avoir un emploi saisonnier n'était pas une tare dans la société. C'était respecté et bien considéré. Aujourd'hui ce n'est plus le cas. C'est terrible d'avoir un emploi saisonnier. Cela donne l'impression qu'on va quêter, ce qui ne devrait pas être le cas au départ.

Imaginez-vous les jeunes qui sont pris, permettez-moi l'expression, dans un moulin à saucisse parce qu'ils ne s'en sortent jamais. Il y a peut-être des jeunes qui ont des aptitudes pour retourner sur le marché du travail mais il y a des réalités régionales aussi. Tout à l'heure, je ne suis pas intervenue sur la question, mais il existe des réalités régionales.

Quand un jeune a le droit d'étudier selon ses aptitudes, mais que les cours se donnent à 500 kilomètres de chez lui... Les mesures pour appuyer le retour au travail et pour retourner aux études peuvent être importantes mais sont quand même insuffisantes. Elles sont les mêmes pour quelqu'un qui habite à une distance de 50 kilomètres ou à 500 kilomètres. Donc, les jeunes n'ont peut-être pas accès aux études comme ils le souhaiteraient.

Ce sont des faits qu'on n'a pas réussi à changer. Les modifications qu'on a apportées ces dernières années—et je voudrais que vous reteniez que c'est mauvais—, ont bâti un système punitif. Cela n'existait même pas il y a 50 ans parce que le travail saisonnier était valorisé à cette époque-là. Au troisième millénaire, à l'ère des communications, à l'ère des satellites, c'est dévalorisé.

• 1645

On a parlé de pauvreté. Il n'est plus question d'études là. Je veux vous dire quelque chose: je ne suis pas venue ici pour faire pitié, mais pour vous dire ce qui se passe dans la région. La vérité, c'est que les gens, au troisième millénaire, n'ont même plus les moyens de se payer le téléphone. C'est devenu accessoire actuellement. C'est le pain, le beurre et les études des enfants qui comptent. Il faut que cela change. Je vous le dis, il faut que cela change. C'est une question de respect et de dignité pour les travailleurs qui ont fourni une prestation de travail et qui ont droit à ce que ce soit reconnu en retour, et cette reconnaissance passe par des programmes ou des mesures.

Le président: Est-ce que M. Vital Gilbert a quelque chose à ajouter.

M. Vital Gilbert: Oui. Nous avons constaté effectivement que, dès qu'un travailleur veut régler des petits problèmes avec son employeur, soit du temps supplémentaire qui ne lui a pas été payé ou certaines conditions de travail, il se fait presque toujours répondre que s'il n'est pas content, il n'a qu'à s'en aller mais qu'il n'aura pas droit au chômage. On a besoin d'argent pour vivre et des personnes sont obligées d'accepter des situations qui ne sont pas acceptables, surtout les femmes. Il faudrait vraiment intervenir contre cela.

Lors des débats qui ont précédé la réforme, laquelle a introduit dans la loi les dispositions touchant le départ volontaire qui font qu'on n'a plus droit à rien, il était bien dit qu'on accorderait le bénéfice du doute au prestataire. Dans les cas les plus fréquents où l'employé déclare avoir été congédié alors que l'employeur déclare qu'il a quitté volontairement, ne pourrait-on pas accorder simplement le bénéfice du doute à l'employé?

Les femmes n'aiment pas toujours avoir à déclarer certaines choses devant tout le monde, même si c'est seulement devant le comité d'arbitrage ou à huis clos, parce que dans une petite région, tout finit par se savoir. Un employé qui utiliserait les recours prévus par la loi, par exemple les normes du travail, contre son employeur, peut faire une croix sur ce genre d'emploi. Dans notre région, il n'y a pas un autre employeur du même domaine qui va l'engager.

[Traduction]

Le président: Je crains que votre temps ne soit écoulé, mais Gaétan a quelque chose de très court à dire. Ça vous va? Il faudra que ce soit très court, je le crains.

[Français]

M. Gaétan Cousineau: Nous ne sommes pas les seuls, monsieur le président, à dénoncer les 910 heures et la disparité entre le discours des représentants du gouvernement et le discours des organismes non gouvernementaux.

J'ai ici une lettre de M. Wohlfarth, qui est le commissaire représentant les travailleurs. Il dit carrément que les 910 heures causent un problème particulier aux travailleurs. Son rapport contient également une mention spéciale sur le problème des travailleurs saisonniers. C'est quelqu'un qui est près du gouvernement et il conclut en disant qu'il y a un large écart entre les observations des chercheurs du ministère et celles des organisations non gouvernementales, par exemple quand on parle d'interprétation des statistiques.

[Traduction]

Le président: Ça s'est bien passé cette fois-ci. Nous faisons ceci depuis plusieurs heures. L'occasion va se représenter.

[Français]

M. Guy St-Julien: Je veux simplement faire appel au Règlement. Pourrait-il déposer cette lettre qui parle des 910 heures auprès du greffier du comité?

[Traduction]

Le président: Est-ce que ça vous va?

M. Gaétan Cousineau: Oui, j'en ai une ou deux.

[Français]

M. Guy St-Julien: Merci.

[Traduction]

Le président: D'accord, Alan Tonks, puis Yvon Godin brièvement, puis Diane St-Jacques brièvement aussi.

M. Alan Tonks: Tout d'abord, je veux bien comprendre ce que vous avez dit, monsieur Gilbert, dans votre mémoire. Au bas de la page 3, vous avez dit que nous l'ignorons peut-être, mais que le paiement mensuel d'aide sociale au Québec est de 510.42 $. Est-ce une moyenne ou comment êtes-vous arrivé à ce chiffre? C'est dans votre...

[Français]

M. Vital Gilbert: Un chèque d'aide sociale au Québec?

[Traduction]

M. Alan Tonks: Oui.

[Français]

M. Vital Gilbert: C'est 510,42 $.

[Traduction]

M. Alan Tonks: Bon, est-ce que c'est la moyenne?

M. Vital Gilbert: La moyenne.

[Français]

Quelqu'un qui travaille au salaire minimum et qui a droit à des prestations d'assurance-emploi va recevoir 539 $ mensuellement. Donc, quelqu'un qui travaille au salaire minimum, quand il se retrouve en chômage, reçoit à peine plus que l'aide sociale.

[Traduction]

M. Alan Tonks: C'est calculé en fonction de l'ajustement économique régional de Statistique Canada qui fixe le taux de chômage de la région?

[Français]

M. Vital Gilbert: Si on parle du chèque d'aide sociale, il est fixé par le gouvernement. Pour ce qui est du calcul des prestations, on s'est basés sur le 55 p. 100 de quelqu'un dont ce serait la première demande.

[Traduction]

M. Alan Tonks: C'est 55 p. 100?

[Français]

M. Vital Gilbert: Oui.

• 1650

[Traduction]

M. Alan Tonks: D'accord. Ce matin, dans un mémoire présenté par le chef régional de l'Assemblée des premières nations—et je sais que dans le cas des Autochtones il peut y avoir des différences—il a dit qu'en ce qui concerne les calculs concernant la région économique, il faut revoir les critères, la façon dont on arrive au chiffre de 55 p. 100 ou les autres facteurs qui devraient être retenus. Avez-vous des recommandations à faire concernant les disparités au pays ou les critères à retenir pour ajuster ce facteur de 55 p. 100? On parle d'ajustement saisonnier des taux de chômage. On parle d'ajuster les taux d'inflation. Ne pourrait-on pas ajuster aussi...?

[Français]

M. Vital Gilbert: On pense que le taux de 55 p. 100 devrait être rajusté à la hausse parce que, seulement si on tient compte de l'inflation, les gens qui retirent des prestations s'appauvrissent d'année en année. Il y a des cas, par exemple ceux des gens des communautés autochtones vivant dans les réserves... Ainsi, il y a des réserves dans notre région qui, pour l'application de la Loi sur l'assurance-emploi, utilisent le taux de la région. Cependant, dans les réserves, le taux de chômage est dramatiquement plus élevé que le 16,3 p. 100 qu'on a chez nous. Dans notre région, le taux de chômage dans les réserves dépasse les 50 p. 100. Donc, je pense qu'il y aurait sûrement quelque chose à faire pour ce peuple.

M. Gaétan Cousineau: Monsieur le président, peut-être pourrais-je tout simplement préciser comment on pourrait améliorer de beaucoup le régime en fonction des régions économiques. Actuellement, les colonnes qui indiquent l'augmentation du taux de chômage s'arrêtent à 16 p. 100. Si, pour tenir compte des régions où le taux de chômage est plus élevé, on ajoutait certaines colonnes et qu'on graduait à la hausse pour bonifier le régime, certaines régions, comme celles des peuples autochtones, pourraient être bonifiées étant donné que leurs taux de chômage sont peut-être de 18, 20 ou 25 p. 100.

Alors, on pourrait continuer à graduer ce tableau de 16 à 18 ou 19 p. 100 selon les régions pour bonifier le régime dans les régions où le taux de chômage est plus élevé. Il est certain qu'un taux de chômage très élevé est un signe évident de saisonnalité.

[Traduction]

Le président: Alan, très brièvement.

M. Alan Tonks: Ce sera ma dernière question.

En 1990 vous avez utilisé—M. Gilbert peut-être ou quelqu'un d'autre a utilisé—la note selon laquelle nous parlions de 10 semaines. Nous sommes ensuite passés à un système basé sur les heures et vous avez dit—et j'ai trouvé ça très révélateur—qu'à 35 heures il faut travailler beaucoup plus que 10 semaines pour accumuler 910 heures et pour obtenir 55 p. 100 des prestations de chômage. C'est un changement radical entre 1990 et aujourd'hui. Y a-t-il eu une gradation entre les deux? Je suis nouveau ici et je regarde donc les choses dans une perspective historique.

[Français]

M. Vital Gilbert: Cela a déjà été 10 semaines et les différentes réformes ont toujours augmenté les conditions d'admissibilité. Les 910 heures représentent 26 semaines à raison de 35 heures semaine, ce qui est vraiment beaucoup pour notre région. Pour y arriver, il faut trouver un emploi au salaire minimum ou bien dans une des mines qui sont encore ouvertes.

[Traduction]

M. Alan Tonks: Avec ce chiffre en 10 semaines, quel pourcentage y aurait eu droit?

[Français]

M. Vital Gilbert: Il y avait plus de gens qui se qualifiaient; de mémoire, je dirais peut-être 2 000 personnes de plus qu'à l'heure actuelle. À l'époque, il y avait de 10 000 à 12 000 chômeurs et aujourd'hui, ils sont entre 8 000 et 10 000 dans notre région. On ne tient pas compte de ceux qui sont partis.

[Traduction]

M. Alan Tonks: D'accord. Merci.

Le président: Merci.

Yvon Godin, Diane St-Jacques, Carol Skelton et Anita Neville.

[Français]

M. Yvon Godin: Merci, monsieur le président.

Cela m'inquiète quand on a un programme comme celui-là—et j'aimerais avoir votre opinion là-dessus—décrète que les personnes sont coupables ou sont considérées coupables avant même d'avoir fait une demande. C'est quelque chose que les travailleurs, travailleuses et employeurs ont payé et quand ils se présentent à Développement des ressources humaines Canada, ils sont considérés comme des coupables sur qui il faut faire enquête.

• 1655

En guise d'exemple, surtout dans les petites entreprises, c'est normal que les gens embauchent des gens de leur parenté. Et il y en a beaucoup. Je pense il y a aujourd'hui 74 p. 100 des emplois au Canada qui sont créés par les petites et moyennes entreprises. C'est normal d'embaucher quelqu'un de sa famille avant d'embaucher des étrangers. Ensuite, si la compagnie va bien, on embauche d'autres personnes et la compagnie commence à grossir.

Je ne sais pas quelle est votre expérience, mais chez nous, on dit que chaque entreprise est vérifiée chaque fois, à chaque année. Puisque vous représentez votre région et que vous défendez des cas où ça arrive, c'est plutôt drôle que le gouvernement fédéral ne soit pas capable de payer des agents pour se débarrasser de la marijuana dans les champs de blé d'inde alors qu'il est capable de payer des inspecteurs à la journée pour prendre quelqu'un qui travaille et qui a de la difficulté à faire 10 semaines de travail par année. Et ce sont des gens qui ont des familles, des personnes sérieuses de notre société. Il me semble qu'on ne sait pas quelles sont les valeurs de nos Canadiens ou comment vraiment protéger nos humains sur la terre. On dirait qu'il y a un déséquilibre quelque part.

M. Gaétan Cousineau: Monsieur le président, le harcèlement est très présent que chez nous. On vit très souvent des situations où un enquêteur va travailler quelques mois dans la région de Chandler, puis tout à coup, on se demande où il est rendu et on commence à recevoir des dossiers de la région de Sainte-Anne-des-Monts, par exemple. Pour faire oublier le harcèlement qu'ils ont provoqué dans la région, on les transfère dans une autre région. Ça arrive continuellement. Les gens jouent à la chaise musicale autour de la Gaspésie, qui a quand même 1 000 kilomètres de pourtour.

M. Yvon Godin: Revenons au projet de loi C-2. Si le comité devait aller un petit peu plus loin que le projet de loi C-2, quelles seraient, selon vous, les vraies priorités pour la région, afin de réduire un petit peu le problème des personnes qui perdent leur emploi et de reconnaître les travailleurs saisonniers? Qu'est-ce qu'on pourrait faire tout de suite? Ça ne prend pas trois mois pour écrire deux lignes afin d'enlever le dénominateur, par exemple. Ça ne prend pas trois mois pour faire ça. Ça ne prend pas trois mois pour dire qu'on baisse le nombre d'heures. Il suffit d'enlever une ligne dans le projet de loi. Qu'est-ce que vous pensez qui devrait être fait?

M. Gaétan Cousineau: Monsieur le président, Mme la ministre veut continuer à étudier les impacts de l'application des modifications de 1996 à la loi et ainsi de suite sur les communautés canadiennes. Il y a déjà 10 ans que l'on vous présente des tonnes et des tonnes de statistiques, des tonnes de copies, de mémoires et de réflexions pour vous dire ce qu'il faut. Ce n'est pas le projet de loi C-2 qu'il nous faut. Il nous faut une refonte du régime d'assurance-emploi en fonction des réalités d'aujourd'hui. Le précurseur du projet de loi C-2, le projet de loi C-44, n'était qu'un peu de poudre aux yeux juste avant les élections, et ça n'a pas changé depuis. Je doute beaucoup, beaucoup que ce comité ait le pouvoir de nous donner le projet de loi que l'on réclame. Soixante-dix groupes sont venus ici cette semaine pour vous dire que le projet de loi C-2 est inacceptable. Pourquoi ne comprend-on pas cela une fois pour toutes?

Le président: Diane St-Jacques suivie de Paul Crête. Diane, soyez brève.

Mme Diane St-Jacques: Merci, monsieur le président. M. Godin a pris ma question, mais je vais en prendre une autre.

C'est peut-être une opinion que j'aimerais avoir, parce que durant les audiences que nous avons eues, on a entendu des témoins nous dire que les congés parentaux ne devaient pas faire partie de l'assurance-emploi, mais plutôt de mesures sociales. J'aimerais connaître votre opinion là-dessus. J'aimerais savoir si vous avez déjà envisagé cette possibilité ou si vous avec déjà entendu cela.

M. Gaétan Cousineau: Un travailleur qui désire se prévaloir d'un congé parental est un travailleur qui a payé des cotisations au même titre que l'employeur paye des cotisations à la CSST en cas d'un accident de travail. Est-ce que, lorsqu'il y a un accident de travail, on dit au travailleur qu'il ne pourra pas recevoir de prestations de la CSST, d'aller à l'aide sociale ou de se prévaloir de je ne sais trop quel autre programme? Si la personne a payé des cotisations, elle devrait avoir droit à des prestations de maternité, mais comme on le disait plus tôt, des prestations qui sont au moins suffisantes pour assurer sa survie pendant cette période-là. Il faut d'ailleurs être capable de se qualifier pour l'assurance-emploi. Tout revient à l'accessibilité. Pour la Gaspésie et les Îles, on a des statistiques qui disent qu'en l'an 2000, les prestations parentales représentaient 1,14 p. 100 de la valeur totale des prestations.

• 1700

Au Québec, c'est 5,8 p. 100 du poids des prestations familiales qui sont payées. C'est un signe évident que dans les régions à haut taux de chômage, les régions à emploi saisonnier, les gens ne peuvent même pas se qualifier. Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas procréer, c'est simplement parce qu'on ne peut pas se qualifier au programme d'assurance familiale. Cela revient à ce qu'on disait plus tôt: le projet de loi C-2 n'ouvre aucunement la porte à l'accessibilité au régime et continue d'exclure et de compresser à la baisse ce filet de sécurité sociale.

Le président: Je vous remercie.

[Traduction]

Chers collègues, il reste quelques personnes sur la liste et je vous demanderais d'être brefs, si vous le voulez bien.

Paul Crête, Georges Farrah, Charles Hubbard.

[Français]

M. Paul Crête: Je voudrais répondre à la question que posaient M. Lebrun et M. Vaillancourt, il y a plusieurs minutes, en disant que le comité, devant la situation de discrimination que vous avez vécue à l'été 2000, peut trouver une manière de changer la loi pour qu'elle ait un effet rétroactif et pour que cette période disparaisse tout simplement afin qu'on n'ait plus cette discrimination. On peut proposer des projets d'amendements ou, si ces amendements sont considérés comme irrecevables dans le projet de loi C-2, on peut les traduire dans un ensemble de propositions que le comité pourrait faire au gouvernement afin que les corrections soient faites. C'est ce qu'on souhaite réaliser au cours des prochains jours.

Le président: Yvan Lebrun.

M. Yvan Lebrun: Je voudrais ajouter que, si le gouvernement n'assouplit pas ses règles sur le chômage, il va inciter les gens à faire du travail au noir. Le gouvernement n'aime pas beaucoup ça. Il aura donc des raisons d'avoir des enquêteurs de l'assurance-emploi. J'en ai vu un il y a à peu près trois semaines. Il m'a appelé le matin pour me dire qu'il viendrait vérifier l'après-midi. Heureusement que je n'étais pas au travail parce qu'il aurait été obligé d'attendre le lendemain. Je n'étais plus au chômage depuis le mois de janvier. J'avais coupé du bois l'été passé. J'avais tout déclaré. J'avais appelé au bureau de chômage pour demander ce que je devais déclarer, mais quand il est arrivé chez nous, pour lui, j'étais coupable de quelque chose. Moi, j'avais tout déclaré et je ne me sentais nullement coupable. Mais quand il est entré dans la maison chez nous, il considérait qu'il était comme dans une salle d'audience. C'est moi qui courais et c'est lui qui donnait les ordres. Moi, j'étais coupable d'une chose que lui ne savait pas. Il fallait que je lui dise à quelle heure et quelle journée un voyage de bois était sorti. Est-ce que je suis au courant de cela, moi? Savait-il, lui, où il pouvait se trouver il y a deux ans, le 24 septembre? Je ne le sais pas et il ne le savait même pas, lui non plus. Nous non plus, on ne le sait pas, mais on est jugés coupables en partant. Quand il entre dans la maison, je suis coupable. Je suis un fraudeur, un voleur, n'importe quoi. Je ne suis pas un chômeur mais un voleur. C'est là qu'est la différence. C'est ça, les enquêteurs du bureau d'assurance-emploi. D'où leurs ordres viennent-ils? Je ne le sais pas. C'est des gens qui sont formés pour ça. On parle des pit bulls. C'en est des pit bulls, ça.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie, Yvan. C'est très utile. C'est quelque chose qu'il est très bon de savoir.

La parole est donnée à Georges Farrah, puis à Charles Hubbard.

[Français]

M. Georges Farrah: J'ai une petite question. On parlait d'adapter la loi à la nouvelle réalité, à la nouvelle économie. Durant les audiences, beaucoup de groupes sont venus nous parler des travailleurs autonomes. Je sais que votre mouvement s'occupe plus de la défense des chômeurs actuels, mais je ne sais pas si vous avez réfléchi à la façon dont on pourrait les intégrer, parce que je pense qu'ils devraient l'être, compte tenu qu'il y a une nouvelle dynamique du travail où on retrouve beaucoup de travailleurs et de travailleuses autonomes. Est-ce que vous avez déjà réfléchi un peu à ça. Comment voyez-vous cela? Quelles pistes pourraient être explorées afin de faire en sorte qu'on puisse les inclure dans un nouveau régime?

M. Gaétan Cousineau: Monsieur le président, on a modifié quelque peu le régime des travailleurs pêcheurs. Autrefois, c'était basé sur les heures et maintenant, depuis la nouvelle loi, c'est basé sur la quantité de poisson qu'ils vendent à l'usine.

• 1705

Donc, le gouvernement a un certain contrôle sur l'activité du pêcheur. Je suis sûr et certain qu'avec tout le personnel que DRHC possède, il y a moyen de déterminer la manière dont on pourrait intégrer les travailleurs autonomes au régime, tout en contrôlant les heures. Lorsque que quelqu'un est travailleur autonome, c'est un peu complexe de contrôler les heures. Le travailleur autonome contrôle en général ses propres heures.

Au niveau des pêcheurs, c'était un peu différent. Ils vendent leurs produits à une seule usine, et tout est enregistré. C'est la raison pour laquelle on en est venu à établir que leurs gains assurables seraient déterminés par les ventes qu'ils feraient à l'usine.

Pour ce qui est des travailleurs autonomes, je suis convaincu qu'avec toute l'intelligence qu'il y a à DRHC, on pourrait trouver un moyen de les intégrer au régime, mais il y a encore la question du contrôle. On a beaucoup de contrôleurs à DRHC. Il y a donc probablement un moyen de contrôler les travailleurs autonomes.

Le président: Georges.

M. Georges Farrah: Une autre problématique peut survenir. C'est qu'il y a tout le phénomène de la cessation d'emploi. Quand quelqu'un est travailleur autonome, est-ce qu'il décide de se mettre à pied lui-même? Il y a aussi des contractuels. C'est légitime. Il faut leur trouver une place, mais ce n'est pas évident. Je pense que dans le contexte du marché de l'emploi actuel, il faut étudier cette question. C'est incontournable.

M. Gaétan Cousineau: On pourrait regarder les déclarations de revenu et ajuster le revenu en fonction de ces déclarations. Mais on sait qu'un travailleur autonome peut déduire beaucoup de dépenses de son revenu brut. Cela pourrait aussi représenter une espèce de problème, parce que beaucoup peuvent jouer sur des échappatoires fiscales et ainsi de suite.

C'est sûr et certain qu'il faudra continuer à réfléchir à ce phénomène du travail autonome.

Le président: Je te remercie, Gaétan.

[Traduction]

Charlie Hubbard. Ce sera la dernière question, je crois.

M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Merci, monsieur le président.

Tout le monde autour de la table a entendu un message douloureux, monsieur le président. J'espère que certains des fonctionnaires du ministère des Ressources humaines répondront aux accusations qui ont été faites.

N'oublions pas que d'après l'Organisation internationale du travail et l'UIP, tous les êtres humains devraient avoir accès au travail. Ils devraient avoir la dignité de pouvoir subvenir aux besoins de leur famille et de leurs enfants en se faisant offrir un emploi ou un travail rémunérateur et, si ce n'est pas possible, nous avons des programmes qui répondent à ces besoins.

Après les changements apportés au milieu des années 90, nous avons aussi transféré de l'argent aux provinces pour créer des possibilités d'emploi. Au Québec, comme au Nouveau-Brunswick et dans d'autres provinces, cet argent est administré et les programmes sont conçus par la province. L'ancien article 25, Peter, a disparu, celui de l'ancienne loi.

Les témoins pourraient-ils nous dire si ce programme marche dans leurs régions. Y a-t-il des programmes mis sur pied par le gouvernement, des programmes dans les régions rurales pour améliorer l'environnement, les activités communautaires, offrir aux gens la possibilité, la dignité de recevoir un chèque de paye pour leur travail, de pouvoir contribuer à leur communauté et de subvenir aux besoins de leurs familles? Pourraient-ils nous dire ce qui se fait dans cette région de l'est du Québec?

[Français]

Le président: Gaétan.

M. Gaétan Cousineau: Comme je l'ai dit plus tôt, monsieur le président, on a soutiré de la région de la Gaspésie et des Îles 390 millions de dollars depuis 10 ans. Est-ce qu'on n'aurait pas contribué à rendre l'économie plus vigoureuse et permis à plus de gens de travailler plus longtemps si le régime n'avait pas été aussi excluant qu'il l'a été depuis 1990? Une des réponses pourrait être là.

Le président: Vital.

M. Vital Gilbert: On peut facilement comparer notre région à la Gaspésie. Chez nous aussi, toutes les réformes ont fait qu'il y avait moins d'argent en circulation dans la région. Les petits commerces commencent à fermer, et les gens commencent à aller chercher de l'emploi ailleurs. Le phénomène qui se produit en Gaspésie se produit aussi en Abitibi.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, en votre nom, je tiens à remercier les témoins.

Je tiens à vous dire à tous que vos témoignages ont été fort utiles. Comme vous le savez, il est très important pour nous d'entendre des témoignages comme les vôtres. Je vous remercie de vos exposés, de vos documents et des réponses à nos questions. Recevez nos sincères remerciements.

• 1710

Chers collègues, la séance est levée jusqu'après la période des questions demain, lorsque nous entendrons le vérificateur général et deux témoins, puis à 17 h 30 nous entreprendrons l'examen article par article, qui est prévu de 17 h 30 à 21 heures. Je propose d'avoir d'abord une séance à huis clos pour discuter de l'étude article par article et de tout autre sujet avant de passer au projet de loi proprement dit.

Paul Crête.

[Français]

M. Paul Crête: Monsieur le président, je veux vous donner avis d'une motion que j'ai transmise aujourd'hui à la greffière et qui se lit comme suit:

    Que le Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées fasse rapport à la Chambre des communes de toutes les modifications proposées à la Loi sur l'assurance-emploi lors des auditions tenues dans le cadre de l'étude du projet de loi C-2 et que ce rapport soit déposé à la Chambre au plus tard le 1er juin 2001.

Je veux tout simplement donner avis de cette motion conformément au Règlement afin qu'elle puisse être débattue dans 48 heures, lorsqu'on le jugera pertinent.

[Traduction]

Le président: C'est très bien. Je comprends.

Chers collègues, la séance est levée jusqu'après la période des questions demain. Je remercie à nouveau très sincèrement les témoins.

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