:
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je suis heureux de me retrouver de nouveau parmi vous, dans la « cellule de guerre », nom qui est je crois tout à fait approprié pour un comité de la défense.
C'est la deuxième fois que je comparais devant vous en qualité de ministre de la Défense nationale et je me réjouis d'avoir l'occasion de faire le point sur nos progrès dans le cadre de cette mission importante.
Si vous le voulez bien, commençons par parler de l'importance que cette mission revêt pour le Canada. Les raisons n'ont pas changé depuis le début de la mission. Le 11 septembre 2001, des terroristes ont provoqué l'écrasement de quatre avions, ils ont tué quelque 3 000 personnes dont 24 Canadiens. Ce faisant, ils ont changé irrémédiablement notre façon de percevoir le monde. Les attaques terroristes qui ont eu lieu par la suite nous ont rappelé le genre de menaces qui pèse sur notre société.
Nous nous sentons en sécurité au Canada, mais nous ne devons pas oublier à qui nous le devons. Les Forces canadiennes se trouvent en Afghanistan où elles effectuent des opérations militaires dont le but est justement de protéger les intérêts du Canada. Elles sont là-bas pour débusquer ceux qui ont abrité et appuyé les auteurs des attaques du 11 septembre. Elles travaillent sur le terrain pour nous protéger contre d'éventuelles attaques violentes qui seraient lancées sur notre territoire.
Et puis, comme vous le savez fort bien, la mission afghane va bien au-delà de ça. Elle vise aussi à permettre au Canada de faire face à ses responsabilités internationales. Nous ne sommes pas le seul pays menacé par le terrorisme, puisqu'il s'agit d'une menace mondiale. Les pays de l'OTAN travaillent côte-à-côte pour déraciner le terrorisme et le Canada joue un rôle de premier plan à cet égard.
C'est avec plaisir que j'ai constaté, lors d'une récente rencontre des ministres de la défense de l'OTAN, que la Pologne s'est engagé à accroître son niveau de contribution en Afghanistan. J'ai encouragé d'autres membres de l'OTAN à faire davantage dans le sud de l'Afghanistan et à assumer une partie de notre fardeau. Nous nous attendons aussi à ce que nos alliés engagent davantage de soldats et lèvent les restrictions qu'ils ont imposées sur l'utilisation de leurs troupes déjà sur place.
De plus, nous sommes en Afghanistan parce qu'il nous incombe, à nous qui appartenons à une nation riche et prospère, à une nation libre, d'aider celles et ceux qui, de par le monde, ne bénéficient pas des mêmes avantages que nous. C'est notre devoir de membres de l'Organisation des Nations Unies, du G8 et de l'OTAN. C'est notre devoir parce que notre gouvernement veut redonner au Canada sa réputation de chef de file international et de partenaire fiable dans la défense des libertés et de la démocratie dans le monde.
[Français]
Les Canadiens ont à coeur de tendre une main secourable quand on leur en fait la demande. Cette tradition existe depuis des générations.
[Traduction]
Nous sommes en Afghanistan à l'invitation du gouvernement afghan. La vie est rude pour un petit afghan, et ce dès la naissance. Les Afghans sont aux prises avec des problèmes multiples, comme les systèmes de soins médicaux qui sont inadéquats, les logements qui sont inadaptés, les structures d'enseignement qui sont lamentables, la violence qui est institutionnalisée, ainsi que l'injustice et la pauvreté. Ce ne sont là que quelques-uns des défis auxquels presque tous les enfants afghans sont confrontés. Et elle est là, mesdames et messieurs, la grande raison pour laquelle nous sommes en Afghanistan.
La mission n'est pas facile. Je sais le prix que les Canadiens ont déjà dû payer. Je me suis entretenu avec les familles des soldats tombés au combat et j'ai regardé dans les yeux ceux qui les connaissaient et qui les aimaient. Il est donc important, à l'heure où nous apprenons que cette guerre vient de faire une nouvelle victime, de nous rappeler pourquoi le Canada est en train de faire de tels sacrifices. Nous ne pouvons pas permettre aux Talibans de retrouver leur dominance, de faire de nouveau main basse sur l'Afghanistan, de réinstaurer leur régime de terreur et de tyrannie, d'afficher leur manque de respect pour les droits de la personne, de punir et de terroriser leurs compatriotes, d'assassiner des innocents, et d'abriter ceux qui pourraient nous menacer et menacer nos familles, au Canada et à l'étranger.
[Français]
Mais comme le premier ministre l'a signalé dans son allocution aux Nations Unies, le succès en Afghanistan ne peut être assuré par les seuls moyens militaires. La reconstruction et le développement sont nos principaux objectifs en Afghanistan et ils demeurent une priorité absolue pour le Canada.
C'est pourquoi les Forces canadiennes et leurs collègues des autres ministères adoptent une approche pangouvernementale pour aider l'Afghanistan à se rebâtir.
Ils fourniraient aux Afghans l'occasion de rebâtir le pays dans le cadre de la Stratégie pour le développement national de l'Afghanistan, et ce, en collaboration avec la communauté internationale.
[Traduction]
Notre armée appuie tous ces objectifs en instaurant un milieu sûr susceptible de favoriser l'accélération des programmes de développement et d'aide, éléments sine qua non d'une stabilité véritable et durable. Comme l'a souligné le président Hamid Karzai lors de sa visite au Canada le mois dernier, aucun pays ne devient démocratique du jour au lendemain ou après une élection ou deux. Ainsi, comme je l'ai dit à de nombreuses reprises, nous saurons que nous avons réussi en Afghanistan quand ce pays et son gouvernement connaîtront la stabilité, quand les terroristes et leurs réseaux d'appui locaux auront été écrasés et qu'ils ne pourront plus trouver refuge sur place, et quand les forces de sécurité afghanes seront bien établies et qu'elles évolueront sous le contrôle ferme et légitime du gouvernement de l'Afghanistan.
Une fois qu'il sera évident que tous ces facteurs sont en place de façon durable, nous saurons que nous avons atteint notre objectif. Il demeure que nous avons déjà réalisé des progrès sensibles en Afghanistan. Je sais qu'on vous a parlé de quelques-unes de nos réussites les plus importantes, les mieux connues. L'Afghanistan a tenu sa première élection pluraliste, des millions de réfugiés sont rentrés au pays, les enfants ont commencé à retourner à l'école, les insurgés ont été désarmés et démobilisés et l'armée nationale ainsi que la police nationale afghanes ont été mises sur pied.
Je tiens, en outre, à informer les Canadiens à propos de nos succès les plus récents. Mesdames et messieurs, malgré les très grands défis auxquels nous sommes confrontés, nous avons réalisé de véritables gains au cours des six derniers mois. Nos progrès dans la région de Kandahar ont permis de jeter les bases à une amélioration continue de la situation. L'opération Méduse n'est qu'une de nos récentes réussites. L'été dernier, les Forces canadiennes ont assuré la sécurité de nos alliés, soit les Britanniques et les Hollandais, pour leur permettre de se déployer dans le sud de l'Afghanistan. Sans l'appui du Canada, il n'aurait pas été possible d'étendre aussi vite que la présence de l'OTAN dans le sud du pays.
En juillet, sous la tutelle de l'OTAN, les Forces canadiennes ont assumé le commandement des opérations dans le sud du pays et nous effectuons actuellement des missions de patrouille et de combat dans des secteurs qui, auparavant, étaient considérés comme des sanctuaires talibans. Tous les jours, les hommes et les femmes qui servent là-bas sous le drapeau canadien rencontrent des Afghans ordinaires, travailleurs et pacifiques, ils participent à des rencontres avec des aînés, ils assurent l'acheminement de l'aide au développement et font une véritable différence dans le quotidien des Afghans. Nous aidons ce pays à rebâtir son armée grâce en étant présents au centre de formation nationale et en participant à des opérations conjointes avec des unités afghanes de l'armée et de la police nationales.
Tout cela nous permet d'étayer la capacité interne de l'Afghanistan et de nous rapprocher de notre objectif ultime qui est d'instaurer l'indépendance et la stabilité du pays. À la faveur de nos opérations dans les régions de Pashmul et de Panjwai, nous avons semé les graines du développement. Nous sommes en train de créer des zones de développement afghanes dans des régions stratégiques, sorte de poches caractérisées par la stabilité et la reconstruction d'où la relance pourra faire tache d'huile.
Il demeure que le changement prend du temps. Ici, au Canada, nous n'apprécions pas toujours les répercussions de ce qui se passe aussi loin de chez nous. Nous passons à côté des petites mesures, pourtant très importantes, qui sont prises au quotidien, des projets comme le réseau d'adduction d'eau que l'équipe canadienne provinciale de reconstruction a bâti à l'Université de Kandahar, des retombées positives, pour un hôpital afghan, d'un simple don canadien de fournitures médicales et de literie, ou encore des séances destinées à favoriser le mieux-être de la femme — mesure concrète que les Canadiens ont prise pour améliorer la qualité de vie des Afghanes. Tous ces projets, qui n'ont rien d'extraordinaires au Canada, nous valent la gratitude éternelle du peuple afghan.
J'ai vu l'excellent travail des hommes et des femmes qui portent notre uniforme et de leurs homologues civils, et j'ai vu les résultats auxquels ils parviennent, mais les Canadiens ne font pas que prendre part à des opérations de combat. Les Forces canadiennes sont aussi là-bas pour contribuer à instaurer la stabilité et la confiance grâce auxquelles les Talibans ne pourront pas regagner leur mainmise.
Je me trouvais en Afghanistan il y a deux mois et j'ai vu, de mes yeux, ce que nos militaires y font. Je voulais m'entretenir avec eux, sur le terrain, pour parler des défis auxquels ils sont confrontés. Au terme de ma visite, j'ai déclaré que le Canada pouvait et devait faire plus, et j'ai voulu savoir comment nous pourrions appuyer davantage nos forces armées. Ils m'ont répondu: en nous donnant plus de matériel et de personnel.
Afin d'assurer la pérennité de nos efforts de reconstruction, notre gouvernement a immédiatement entrepris de renforcer notre présence militaire en Afghanistan. Nous sommes en train de déployer une compagnie d'infanterie supplémentaire pour assurer la protection de l'équipe provinciale de reconstruction et nous augmentons le nombre de sapeurs pour s'occuper des projets de construction. De plus, nous avons décidé d'envoyer un escadron de chars d'assaut et des véhicules blindés de dépannage pour apporter un soutien à notre groupement tactique. Nous fournissons aussi à nos forces une capacité antimortiers, notamment un système radar de détection des armes ennemies. Mon gouvernement veille à ce que nos troupes disposent de tout ce dont elles ont besoin pour faire leur travail et il s'est engagé à déployer quelque 450 soldats de plus dans la région.
Mesdames et messieurs, le Canada sait, depuis le début, que cette mission allait être difficile, mais les Forces canadiennes sont parmi les meilleures du monde et elles réalisent des progrès dans l'une des régions de l'Afghanistan où la situation est particulièrement volatile. Nous sommes fiers de nos soldats.
Mesdames et messieurs, si le Canada et ses partenaires de la coalition abandonnaient maintenant l'Afghanistan, les Talibans reprendraient le pouvoir. Ils interdiraient de nouveaux aux femmes de travailler, laissant ainsi des milliers de familles sans revenu. Ils fermeraient les écoles et les collèges de jeunes filles. Ils détruiraient de façon inconsidérée les institutions culturelles et les monuments. Le stade de football servirait de nouveau aux bastonnades et aux exécutions hebdomadaires.
Nous serions transformés en spectateurs honteux de l'exécution sommaire de civils afghans, de l'incendie des maisons et de la destruction de la propriété privée. Nous serions condamnés à attendre dans la peur qu'Al-Qaïda s'installe et se sente de nouveau chez lui dans ce pays pour en faire une base à partir de laquelle il pourrait de nouveau terroriser le monde entier.
[Français]
Monsieur le président et membres du comité, il ne fait aucun doute que le travail accompli en Afghanistan par nos soldats, marins, hommes et femmes de la force aérienne, est d'intérêt national.
Il ne fait aucun doute que c'est ce que nous devons faire. Leurs efforts aident à protéger les Canadiens contre le terrorisme. De plus, les militaires aident le Canada à assumer ses responsabilités sur la scène internationale. Ils aident à améliorer la vie des gens qui se battent pour accéder aux droits et privilèges que de nombreux Canadiens tiennent pour acquis.
C'est pour ces raisons que ce gouvernement est déterminé à poursuivre cette mission jusqu'à la fin.
[Traduction]
Je serai heureux de répondre à vos questions.
:
Merci, monsieur le ministre et merci à vous général Hillier de vous être rendus à notre invitation. Il s'agit, à l'évidence, d'une question importante et nous appuyons tous nos soldats ainsi que l'objet de la mission.
J'ai deux ou trois questions à vous poser et j'espère que nous pourrons en traiter dans les 10 minutes qui me sont accordées.
Monsieur , au mois de mai, le gouvernement annonçait son intention de tenir un débat et un vote en Chambre sur la prolongation de la mission en Afghanistan. Toutefois, et vous en conviendrez avec moi, après avoir pris un tel engagement, il aurait normalement dû fournir aux Canadiens et aux parlementaires le genre de renseignements qui est nécessaire pour décider de prolonger ou non la mission de deux ans et il aurait dû, pour le moins, soumettre cette proposition à la Chambre des communes.
On peut supposer que le gouvernement du Canada avait accès à des renseignements du MDN, des Affaires étrangères, de l'OTAN et de ses alliés au sujet de la situation en Afghanistan à l'époque, informations qui devaient porter sur des aspects comme: l'ampleur de la remontée des Talibans; l'afflux de Talibans en provenance du Pakistan; les sanctuaires talibans au Pakistan; les problèmes de corruption au sein du gouvernement afghan et leur impact sur la reconstruction et le développement, de même que sur l'instruction des forces armées; l'absence d'engagements des autres alliés de l'OTAN quant au nombre de soldats déployés sur le terrain et même les importantes réserves formulées par ces mêmes alliés; l'absence de reconstruction à cette période et, bien sûr, la gravité des problèmes que représente la culture du pavot et tout ce qui en découle.
Si je me souviens bien, monsieur , le gouvernement ne nous a absolument pas parlé de ces questions-là durant le débat, sur la foi de renseignements dont il aurait disposé à cet égard.
Le gouvernement persiste et signe dans sa propension à ne pas divulguer l'information. Votre ministère a même refusé à notre comité de lui faire bénéficier de séances d'information bihebdomadaires. Vos fonctionnaires, qui relèvent donc directement de vous, nous ont dit d'aller nous faire voir ailleurs, ce que je trouve inacceptable dans le cas d'un comité du Parlement. C'est d'ailleurs même répréhensible.
Mais revenons-en à la question qui nous préoccupe. En précipitant la décision de prolonger cette mission, après un débat suivi d'un vote, sans dire aux Canadiennes et aux Canadiens ce qu'il savait ou aurait dû savoir, ne pensez-vous pas que le gouvernement a en fait mystifié les Canadiens?
:
Monsieur le ministre, je dois préciser d'abord que les négociations ou plutôt l'invitation faite aux Talibans de changer de camp — je n'ai jamais déclaré que qui que ce soit était en train de négocier avec les Talibans. Négocier avec eux présupposerait que l'on est prêt à accepter certaines de leurs revendications et peut-être même à leur remettre le sud de l'Afghanistan. À ma connaissance, rien de tel ne se produit, du moins pas en ce qui concerne le gouvernement de l'Afghanistan.
Je parlais en fait d'un programme du gouvernement afghan qui consiste à instaurer la paix par le truchement de la sécurité et donc à inciter les gens à quitter les Talibans pour adhérer au processus politique et s'exprimer au Parlement plutôt que de faire parler les armes à Kandahar pour parvenir à leurs fins. Ce programme a déjà donné des résultats et nous sommes quasiment sur le point d'assister à un renversement de situation, ce qui est tout à fait intéressant pour l'Afghanistan.
Pour définir les Talibans, nous nous appuyons sur nos sources de renseignements. Nous savons qui sont leurs commandants et nous savons qui ils sont; nous savons quelles unités ils ont, et nous savons où ils évoluent. Dans le sud de la région de Kandahar, les Talibans se distinguent très nettement des autres groupes présents dans le secteur. D'après tous ces renseignements dont nous disposons, en collaboration avec les Afghans et avec la communauté internationale, il ne fait aucun doute que nous sommes attaqués par des Talibans. Quant à leurs nombres, ils varient dans le sud du pays. Je ne cherche pas ici à éviter votre question, mais les nombres varient. Ils varient parce que les Talibans concentrent parfois leurs efforts sur la province d'Helmand et, parfois, sur la région de Kandahar.
Pendant l'opération Méduse dans la région de Panjwai, nous avons dénombré jusqu'à 1 000 combattants talibans. Ils sont parvenus à augmenter leurs effectifs en contraignant de jeunes hommes de la région — sans emploi, qui craignent les Talibans et qui préféreraient ne pas les voir sur place — à s'armer et, parfois, à combattre à leur côté. Nous croyons qu'ils étaient donc plus de 1 000 dans le sud du pays, dans notre secteur de responsabilité. Combien d'entre eux sont des combattants acharnés? C'est impossible à dire.
En réalité, nous essayons de mettre la main sur leurs chefs, sur ceux qui les dirigent, qui les organisent, qui leur procurent de l'argent, des armes et des munitions et qui leur ordonnent, par-dessus tout, de tuer d'autres Afghans et d'essayer de tuer nos militaires.
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Merci, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue à nos visiteurs.
Monsieur le président, vous avez commencé la réunion en faisant la lecture de la motion que le Bloc québécois avait déposée le 16 mai, qui portait exactement sur la durée, l'équipement, etc. Cependant, vous n'avez pas fait mention de la motion que le Bloc québécois a déposé le 4 octobre. On demandait justement des briefings toutes les deux semaines.
En effet, nous nous attendions à ce que toutes les deux semaines, un haut fonctionnaire du ministère de la Défense nationale vienne nous dire où sont rendues les troupes, ce qu'on entend faire, ce qu'on a fait la semaine dernière et ce qu'on pourra probablement faire la semaine prochaine. Toutefois, ce n'est pas ce que le ministère nous a répondu.
Je veux rappeler les arguments qui ont concouru à la prise de position du comité relativement à la motion du briefing. Voici les arguments: les Canadiens n'ont pas d'information de leur gouvernement au moment où l'on se parle; les Québécois n'ont pas d'information du gouvernement fédéral sur ce qui se passe en Afghanistan; les membres du Parlement n'ont aucune information sur ce qui se passe actuellement en Afghanistan; et pire encore, les membres du Comité permanent de la défense nationale n'ont aucune information sur ce qui se passe actuellement.
On aura beau nous dire que le lieutenant-général Gauthier viendra nous voir et que le brigadier-général Benjamin est déjà venu, il reste que ces derniers sont dans leurs aires de compétence et ils n'en sortent pas. Par conséquent, nous n'avons pas de briefing lorsque vient le général Benjamin, puisqu'il ne fait que parler alors des dispositions prises pour ne pas manquer de munitions, de nourriture, de ceci ou de cela.
Le général Gauthier, lui, viendrait nous présenter les dispositions prises pour augmenter les troupes et pour ajouter peut-être une infanterie ou des tanks pour telle ou telle autre raison. Toutefois, ce n'est pas ce que le comité veut savoir; il veut savoir ce qui se passe. Étant donné que ce gouvernement a toujours prôné la transparence, ce type de réponse est très décevante. Il s'agit là de ma première question.
Avant que vous me répondiez, monsieur le ministre, je tiens à vous dire que si nous perdons la bataille de l'information au Canada, nous perdrons la bataille en Afghanistan. Cela s'est toujours déroulé de la même façon. La bataille au Vietnam a été perdue en territoire américain, et non au Vietnam. C'est la même chose pour nous, puisque nous nous dirigeons maintenant dans la même direction. C'est pour cette raison qu'avec la responsabilité qui nous incombe, nous voulons avoir ce type d'information. Je ne vois pas pourquoi vous voulez nous en priver.
Monsieur le ministre, avez-vous donné votre accord pour garder dans l'ignorance le Comité permanent de la défense nationale?
Êtes-vous lié à la décision de nous envoyer seulement visiter des bases ou de nous faire écouter des généraux qui viendront une fois de temps à autre?
Avez-vous personnellement pris cette décision, ou sont-ce les fonctionnaires de votre ministère qui ont pris cette décision?
:
Monsieur le président, ce n'est pas ce que dit la résolution. Elle dit que le comité se fera instruire toutes les deux semaines quant à l'état et à l'évolution de l'intervention.
Je comprends qu'on ne veuille pas mettre les militaires en danger en nous disant une semaine d'avance, peut-être devant un parterre bondé de journalistes, qu'on sera à tel endroit et qu'on y mènera une opération secrète. Je sais que vous ne pouvez pas le faire. Par contre, toutes les deux semaines, vous pourriez nous renseigner sur l'évolution de la situation. Actuellement, nous n'apprenons absolument rien.
Ce qu'on apprend, monsieur le ministre, est très inquiétant. Vous connaissez la formule 3D: défense, diplomatie et développement. Or, je pense que cette formule 3D est en train de se changer en: détournement de la mission, déviation des objectifs de la mission et dérapage en perte de vies. En effet, des soldats meurent toutes les semaines, et on ne sait pas exactement ce qui s'est passé au cours de ces deux dernières semaines. On ne comprend pas l'évolution de la mission non plus. Alors, quand on passe de la formule 3D, développement, défense et diplomatie, à détournement, dérapage et déviation, je pense qu'il y a un grave danger que vous devez absolument corriger.
Et vous me direz ce que vous pensez de la déclaration du général Richards, que j'ai rencontré moi-même à Kaboul. D'après lui, si on ne corrige pas les choses dans les six prochains mois, 70 p. 100 de la population va apporter son soutien aux talibans. On va la perdre, la bataille. Et pour la gagner, il faut que vous informiez les Canadiens et les Québécois de ce qui se passe, afin qu'ils voient qu'il y a une certaine évolution et que les sacrifices imposés aux soldats ne servent pas à rien. Si vous ne le faites pas, on se retrouvera justement dans six mois et on verra que les choses se sont détériorées.
Alors, j'aimerais que vous réagissiez à ces propos.
:
Je commencerai par vous parler de l'armée. L'un des difficultés auxquelles nous nous heurtons, c'est que, même si cette responsabilité a été principalement confiée à un pays, trois ou quatre autres armées alliées interviennent à différentes étapes. Même le Canada participe à l'instruction des soldats afghans au niveau de groupes-compagnies dans la région de Kaboul. Le problème, c'est que trois ou quatre pays participant peuvent avoir des méthodes différentes. C'est un problème pour l'armée afghane qui doit être bâtie autour d'une doctrine et de procédures communes.
Si je ne m'abuse, ce sont les États-Unis qui sont ultimement responsables de la formation des soldats afghans. Eh bien, les Américains sont venus nous voir, ainsi que les Français et d'autres qui travaillent auprès de l'armée afghane, pour veiller à ce que nous appliquions une seule et même doctrine.
L'autre problème dans le cas de l'armée Afghane, c'est l'équipement. Pour l'instant, cette armée est dotée d'un matériel datant de l'ère soviétique. une partie de ses armes et de ses véhicules ont plusieurs dizaines d'années. L'OTAN est en train d'agir très rapidement pour la doter d'armes plus récentes, même si elles viennent aussi de l'ex-Union soviétique. En effet, comme d'anciens membres du Pacte de Varsovie ont intégré l'OTAN, ils se débarrassent de leurs armements soviétiques qui peuvent être donnés à l'Afghanistan.
Les problèmes dans le cas de la police sont très sérieux. Les militaires sont payés régulièrement, mais les méthodes de paiement des policiers varient grandement d'une province à l'autre et le versement des soldes est irrégulier. Certains policiers sont payés à intervalles réguliers, mais pas tous, ce qui occasionne des problèmes. Les policiers qui ne touchent sont leur solde doivent trouver de l'argent ailleurs, d'une façon ou d'une autre, et il arrive qu'ils ne soient pas... Dans certaines régions, les gens ne s'adressent pas forcément à la police pour obtenir de l'aide. Ça, c'est un problème.
Par ailleurs, la police n'est pas très riche en équipement. On voit les policiers se déplacer en camionnettes Toyota enrubannées, mais ils sont courageux. Je dois vous dire que les soldats et les policiers sont très courageux. Ils montent au combat sans aucune protection ou presque et font du très bon boulot.
Je vais laisser la parole au chef d'état-major.
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Merci, monsieur le ministre.
Je vous dirai, monsieur Hawn, que nous voulons reproduire, dans le cas de la police nationale afghane, l'expérience de la mise sur pied et de l'expansion de l'armée nationale afghane.
Je sais à quel point il est difficile de changer même les plus petites choses dans une armée, comme les Forces canadiennes, et qu'il est encore plus difficile de bâtir quelque chose à partir d'un Livre blanc. Eh bien, en trois ans et demi, presque quatre, nous avons accompli un miracle.
Ce sont les Américains qui ont mené le bal en la matière et personne d'autre qu'eux n'aurait pu le faire. Nous sommes maintenant engagés dans le Sud, au coté de plusieurs kandaks qui viennent juste d'arriver dans la province de Kandahar; nous cherchons à les aider à se former et à se perfectionner et nous cherchons à les appuyer pour qu'ils deviennent des kandaks très compétents, voire des bataillons autonomes de l'armée afghane.
En tout juste quatre ans, ces quelques 30 000 soldats ont accompli des miracles, malgré les énormes défis auxquels ils sont confrontés.
Le premier de ces défis, c'est le taux d'analphabétisme qui est de 60 p. 100 parce qu'il est en partant très difficile d'intégrer un illettré dans l'armée et de transformer en soldat.
Deuxièmement, comme les Afghans veulent d'une armée qui soit le reflet de leur pays, ils recrutent dans toutes les tribus pour constituer des bataillons multi-ethniques ou multi-tribaux. Toutefois, cela pose problème pour les familles quand les bataillons se déplacent dans une autre région. Comme les systèmes de transport en public sont quasiment inexistants et qu'il est impossible pour ces recrues de faire parvenir leur solde à leurs familles, beaucoup décident de ne pas rester dans l'armée.
Troisièmement, ces gens-là n'ont quasiment jamais cessé d'être en opération depuis la constitution des premiers bataillons ce qui provoque évidemment une élimination naturelle des effectifs parce que les soldats en ont assez d'être loin de leurs familles. Malgré des pertes importantes, cette nouvelle armée est parvenue à stabiliser ses effectifs en très peu de temps, ce qui lui permettra de reconstituer les unités actuelles avant d'entreprendre son expansion.
Malgré tous ces défis, notamment sur le plan de l'équipement dont le ministre vous a parlé, nous sommes témoins d'une aventure extraordinaire. Chapeau bas aux Américains et aux Afghans pour la façon dont ils s'y sont pris.
La police nationale afghane, quant à elle, se trouve dans la même situation à l'échelle du pays que l'armée nationale il y a deux ans et demi. Tout le monde est maintenant bien conscient que nous allons devoir tous collaborer pour amener la police nationale afghane au rang de force de sécurité viable dont un pays a besoin pour assurer son développement à long terme.
Les États-Unis ont investi des sommes énormes dans cette entreprise. Au cours du dernier mois, je crois qu'ils se sont engagés à investir 1,2 milliard de dollars. Nous devons nous-même remplir un rôle important dans le sud du pays pour contribuer à la formation des policiers dans la province de Kandahar pour toutes sortes de bonnes raisons, que nous devrons encadrer et équiper. En fait, nous envisageons d'agir de plus en plus sur ce plan au fur et à mesure de l'augmentation des effectifs de policiers afghans.
Pour en revenir à l'armée nationale afghane, je terminerai en précisant qu'au cours de l'année qui vient de s'écouler, nous avons joué un rôle modeste, mais lourd de conséquences. Le centre national de formation de l'armée nationale afghane est administré par 15 de nos officiers, sous-officiers et jeunes soldats qui prennent en main les soldats afghans ayant été dégrossis par des militaires d'autres pays. Notre équipe encadre donc ces officiers, sous-officiers et soldats afghans pendant trois ou quatre semaines pour leur faire participer à des exercices au niveau du bataillon. Ils commencent au niveau d'une section de 10 hommes, pratiquent des exercices à tirs réels, et vont jusqu'au niveau du bataillon pour confirmer la compétence de ces hommes avant qu'ils ne soient déployés quelque part en Afghanistan. Les résultats que nous avons obtenus à ce titre sont tout simplement incroyables et nous n'avons reçu que des éloges pour l'extraordinaire travail de ces quelques jeunes majors et sergents-majors, sous-officiers et officiers canadiens.
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Vous savez, monsieur, après avoir passé deux ans à Ottawa, je serais prêt à retourner en Afghanistan n'importe quand. Les choses y sont moins complexes et moins intenses et j'apprécierais sans doute beaucoup plus ce genre de travail. C'est vraiment ce que je pense.
Des voix: Oh, oh!
Général R.J. Hillier: Laissez-moi vous dire une chose, monsieur. D'abord, nos déploiements sont fonction des conditions et non du temps passé sur place, et nous prenons grand soin à respecter cette formule. Certaines affectations peuvent durer moins longtemps que d'autres. Dans le cas des fonctions de commandement, comme celles qu'assume le général Fraser, il n'est pas possible de changer rapidement les personnels. Il faut laisser l'encadrement assez longtemps sur place pour instaurer des relations avec les gouverneurs des provinces de Kandahar, d'Helmand, de Zaboul et d'Orouzgan et avec tous les autres intervenants sur place. C'est pour cela que la durée de nos déploiements est fonction d'un ensemble de conditions.
Les déploiements les plus intenses peuvent durer moins de six mois. Nous jugerons au fur et à mesure et nous serons prêts à réagir et à nous adapter pour parvenir aux meilleurs résultats possibles. La durée des déploiements est d'abord fonction des conditions.
Deuxièmement, nous devons augmenter nos effectifs. Un grand nombre de nos unités sont de vrais squelettes. Nous devons donc pouvoir recruter et, pour cela, disposer des ressources nécessaires qui nous permettront de payer les recrues, d'augmenter nos effectifs et de doter les unités — surtout les unités de combat dans l'infanterie, mais pas uniquement celles-là — afin de les porter à leur capacité nominale, ici, au Canada.
Je vais vous dire ce qui se passe en fait. Supposons que le groupement tactique doive se déployer avec trois compagnies d'infanterie. Eh bien, pour obtenir ces trois compagnies — étant donné qu'il n'est actuellement pas possible de parvenir à un effectif de 140 soldats par compagnie, nous nous sommes limités à 90 ou 95 —, nous devons regrouper quatre, cinq ou même six compagnies pour en obtenir trois qui partiront en mission. Nous devons augmenter nos effectifs et nous nous intéressons à cette question d'une façon toute particulière.
Nous devons recourir à l'ensemble des Forces canadiennes pour réaliser nos missions. Au cours des 10 dernières années, nous avons tous été très occupés, mais ce sont les opérations de déploiement qui ont été les plus intenses et qui ont nécessité la mobilisation du plus grand nombre de personnes. Je n'ai pas les chiffres exacts, mais je crois que, pour assurer la totalité de nos opérations outre-mer au cours des 12 à 15 dernières années, nous avons mobilisé 40 à 45 p. 100 de l'ensemble des Forces canadiennes.
Je vais vous donner un exemple du genre de répercussions que des décisions prises il y a 10 ans peuvent avoir aujourd'hui. En 1994-1995, nous avons subi d'énormes réductions budgétaires. Nous avons économisé de l'argent, nous avons réduit considérablement les effectifs et l'équipement des Forces canadiennes — ai-je suffisamment cogné sur le clou? — afin de nous conformer aux budgets alloués.
Nous avons donc retiré quelque 500 à 600 millions de dollars de nos unités opérationnelles pour les consacrer à des établissements d'entraînement dont l'avenir était peut-être un peu plus certain et nous avons cessé d'envoyer nos gens aux quatre coins du pays pour leur offrir la meilleure combinaison de formation et d'expérience. Nous avons donc été privé d'une importante partie des fonds dont nous avions besoin. Nous avons bloqué les gens dans leurs unités, ce que nous pensions formidable parce que la stabilité est importante. C'est vrai, à moins que vous vous retrouviez dans une unité de combat qui est envoyée en opération tous les 18 ou 24 mois. Ce faisant, le spécialiste des transmissions ou le jeune sapeur du génie se retrouve à faire toutes les missions, tandis que ceux qui font partie de la structure de formation... Comme nous n'avions pas d'argent pour renvoyer les instructeurs dans des unités opérationnelles, nous nous sommes retrouvés avec certains militaires dont la poitrine est recouverte de médailles, tandis que d'autres n'ont rien.
Nous devons donc parvenir à un équilibre et à une meilleure utilisation de nos effectifs. Nous allons nous attarder aux affectations qui exigent le plus pour les spécialistes et nous allons chercher à faire tourner le plus de gens possible. L'idéal serait que, pour chaque militaire envoyé en Afghanistan entre maintenant et la fin de la mission en février 2009, il n'y ait qu'une seule affectation. Nous savons que cela ne sera pas possible, mais nous allons chercher à parvenir à ce résultat autant que faire se peut.
Nous allons donc confier à des gens qui sont actuellement à l'instruction un rôle différent de celui qui correspond au métier qu'ils ont choisi. Nous allons leur dire que, pour les deux ou trois prochaines années, ils seront intégrés à l'infanterie et qu'ils pourront réintégrer leur GPM de choix ensuite. Nous allons nous tourner vers les réserves pour voir combien de réservistes nous pourrions intégrer dans une arme régulière, pour de plus longues périodes, à moins que nous ne leur offrions des contrats de longue durée et que nous leur donnions la chance d'être formés et encadrés. Pour tout dire, nous allons mobiliser absolument toutes nos ressources.
Plus important encore, nous allons mettre en oeuvre toute un train de mesures à l'intention des hommes et des femmes qui servent actuellement pour nous, notamment en réglant les problèmes d'indemnité dont il a été question tout à l'heure. Tout aussi important, nous allons nous occuper de leurs familles comme nous ne l'avons jamais fait en 15 ans et demi.
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Je vais commencer par le niveau national. Ce que nous voyons quotidiennement à la télévision à propos de l'Afghanistan, nous le devons au fait que notre presse nationale s'intéresse naturellement à ce que nous faisons parce que c'est important pour elle; et puis, les Canadiens aussi veulent savoir ce que nous faisons. Toutefois, il faut comprendre ce qui se passe en Afghanistan en général. Il est possible que je me trompe, et le chef d'état-major ou le sous-ministre pourront toujours me corriger, mais je crois que le pays est subdivisé en quelque 34 provinces et l'insurrection sévit dans six ou sept d'entre elles. Ailleurs, il règne une stabilité relative, du moins pour un pays comme l'Afghanistan. Voilà pourquoi on n'entend pas beaucoup parler d'incidents dans le Nord ou dans l'Ouest. Même dans l'Est, les incidents sont relativement peu nombreux. Il arrive, de temps en temps, que l'on entende parler d'une attaque suicide à Kaboul, mais pour ce qui est du reste du pays, hormis les six ou sept provinces concernées, la situation est relativement stable.
Pour l'instant, le défi se situe principalement dans le Sud, surtout dans les provinces de Kandahar et d'Helmand où se trouvent les Britanniques, de même que — dans une certaine mesure — dans les provinces voisines à l'est. Pour l'instant, l'OTAN et le commandement de l'OTAN essaient d'écraser l'insurrection dans ces provinces. Ailleurs, là où la situation est relativement calme, les différents pays membres de l'OTAN, le gouvernement local et même les ONG font ce qu'ils peuvent pour essayer d'améliorer la qualité de vie de la population.
Dans les provinces du Sud et dans la province dont nous sommes chargés, Kandahar, les défis sont très grands. Nous essayons d'écraser l'insurrection et, en même temps, nous essayons d'améliorer la vie des habitants.
Par ailleurs, comme je le disais plus tôt dans une de mes réponses, nous ne sommes pas tout seuls à nous occuper de développement dans la province de Kandahar. Les Américains réalisent de nombreux projets dans cette province, de même que le gouvernement afghan et le gouvernement du Canada qui administre différents programmes sur place. Il demeure que ce sont ces régions qui nous posent le plus de problème.
Comme vous le savez, nous avons récemment perdu six soldats qui essayaient de reconstruire quatre kilomètres de route parce que les Talibans ne veulent pas que nous contribuions à la reconstruction. Ce réseau routier permet de relier les collectivités entre elles et, là où la route passe, il sera possible d'améliorer la vie des gens. Le travail de développement est très, très difficile dans le secteur dont nous sommes chargés de même que dans le secteur britannique, celui de Helmand.
Mais peu importe, nous continuons à progresser et à faire du travail de développement. Nous bâtissons des routes et des écoles. Je vous ai mentionné quelques-unes de nos réalisations jusqu'ici. Dans les quelques mois à venir, nous allons lancer un nombre relativement important de projets dans la région de Kandahar grâce à l'arrivée d'une nouvelle compagnie. En effet, l'une des compagnies du Van Doos sera déployée dans la région de Kandahar d'ici la fin novembre. Elle se consacrera à la protection de l'EPR. Pour l'instant, comme les insurgés sont tellement actifs, nous devons consacrer beaucoup de ressources à la protection des équipes d'EPR et, de temps en temps, nous devons carrément affronter l'insurrection.
Une fois que la compagnie du Van Doos sera sur place, dans la région de Kandahar, pour protéger l'EPR, nous pourrons débloquer le groupement tactique et l'escadron de chars afin qu'ils s'occupent des insurgés. Cela étant, nous aurons plus de souplesse pour protéger les travaux de développement. Nous pourrons faire davantage. C'est non seulement une question d'argent, mais aussi de volonté et il se trouve que nous allons disposer d'une meilleure protection pour favoriser la remise en état du pays.
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Merci, monsieur le président.
Je commencerai par dire que les médias sont également frustrés parce qu'ils ne sont pas suffisamment renseignés pour être en mesure de donner des versions complètes. Cela étant, je tiens, moi aussi, à souhaiter la bienvenue au ministre qui est un ancien membre de ce comité ainsi qu'au général Hillier.
Je remercie tout d'abord le ministre de nous avoir répondu honnêtement à propos de sa décision relative à la requête que lui avait adressée le comité. Personnellement, je l'apprécie beaucoup.
Cela dit, monsieur le ministre, je m'exprime ici au nom de tous les membres du comité pour vous dire que vous n'avez rien à craindre. Nous n'avions pas l'intention de vous demander de nous faire part des plans confidentiels, de ce que vous prévoyez de faire en Afghanistan, parce que je sais à quel point vous-même, le général Hillier et nous tous d'ailleurs avons à coeur la sécurité de nos hommes et de nos femmes, surtout de ceux et de celles qui se trouvent sur ce genre de théâtre d'opérations. Je vais prendre l'exemple du conflit au Kosovo. Le Parlement et les parlementaires de tous les partis étaient régulièrement informés de la situation quand ils en faisaient la demande et même avant, de sorte qu'ils étaient en mesure de répondre aux nombreuses questions que leur posaient les électeurs et la population en général.
Soit dit en passant, comme je vous l'avais suggéré, monsieur le ministre, en m'adressant à vous par l'intermédiaire du premier ministre, certains membres de l'opposition assermentés en qualité de conseillers privés étaient régulièrement informés. Étant donné que nous sommes en guerre, comme le Premier ministre Harper l'a déclaré, je ne vois pas de meilleur temps, pour notre chef de gouvernement, de tendre la main à l'opposition et de respecter la tradition.
J'ai une autre remarque à vous faire avant de vous poser deux petites questions. Vous avez dit que le gouvernement veillait à fournir aux militaires ce dont ils ont besoin pour s'acquitter de leurs missions. Cela me réjouit, parce que ce que je trouve de très intéressant dans ce comité, que j'ai présidé dans le passé à l'époque où vous en étiez membre et même sous la présidence de M. O'Brien, c'est que nous sommes tous sur la même longueur d'ondes. Tout ce qui nous intéressait, c'était de savoir comment appuyer notre armée, même dans des temps très difficiles, à l'époque de l'examen des programmes, quand nous essayions de faire notre possible avec votre appui et celui des autres.
Pour mémoire, je tiens aussi à rappeler aux membres du comité et à ceux qui nous regardent et nous écoutent que, dans le budget de 2005, le gouvernement précédent avait prévu près de 13 milliards de dollars pour l'armée. Comme vous vous en souviendrez, général Hillier, vous vous étiez félicité de cet engagement devant les caméras de la télévision parce que vous étiez réjoui de cet apport de fonds pour l'armée, et je vous remercie d'ailleurs pour ce que vous avez dit à l'époque.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré que le terrorisme est une menace mondiale et nous sommes tous d'accord sur ce point. La question que me posent mes électeurs — et je crois que c'est la même que se posent les Canadiennes et les Canadiens un peu partout dans notre très beau pays — c'est que s'il s'agit d'une menace mondiale, comme vous l'avez justement fait remarquer, pourquoi est-ce que le reste du monde n'est pas à notre côté? Je sais que vous étiez récemment en Slovénie où vous avez essayé très fort de convaincre les autres ministres de se joindre à cet effort. Je vous en remercie. Il se trouve qu'ils n'ont toujours pas répondu à cet appel. Ils ne le font pas à cause de ce que vous avez décrit comme des réserves. Eh bien, il n'y a aucune réserve à émettre quand vient le temps de protéger notre société. Ce devrait être partout pareil, en Pologne, en Italie, en Allemagne... n'importe où ailleurs dans le monde. Nous menons une lutte contre le terrorisme mondiale, comme le général l'a dit un jour.
Ainsi, comme le déclarait le général Hillier, nous sommes des acteurs... je ne veux pas le citer très précisément, mais il a dit que nous sommes écoutés à l'OTAN. Des membres de notre comités se sont rendus au quartier général de l'OTAN et j'ai été très fier de la façon dont ces gens-là perçoivent la présence militaire canadienne en Afghanistan. Pour l'instant, nous n'obligeons personne d'autre à nous imiter en rappelant à nos alliés que nous avons pris une décision et qu'il est temps qu'ils participent. Le terrorisme ne se limite pas à l'Amérique du Nord. Cela étant, monsieur le ministre, que pourrait faire le Canada, selon vous, pour combattre ces réserves et contraindre le reste de la communauté internationale de se joindre à nous pour lutter contre le terrorisme?
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Ça, monsieur, c'est la grande question? Vraiment! Il arrive que l'on n'ait pas raison à 100 p. 100, comme nous l'avons constaté de façon tragique quand nous avons perdu quatre hommes d'un peloton en visite dans un village où ils distribuaient des fournitures scolaires à tout un groupe d'enfants qui n'avaient qu'une envie, celle de vivre. Quatre de nos militaires ont été tués ce jour-là parce qu'ils participaient à ce genre de mission.
Il faut constamment rechercher l'équilibre. Cela ne se fait pas depuis le quartier général de la Défense nationale, parce que je connais pas assez la situation sur place. Nous déployons des commandants d'unité, jusqu'au niveau des sous-officier subalternes, qui sont merveilleusement formés, préparés et appuyés. Tous les jours, heure par heure, ils jugent de cet équilibre: quand ils sont coincés dans un véhicule blindé en train de traverser une secteur à toute vitesse et qu'ils ne parlent à personne; quand ils sont débarqués, qu'ils traversent un village à pied et qu'ils y rencontrent les habitants; ou encore quand ils retirent leur casque, leurs lunettes de soleil ou de protection balistique et qu'ils prennent un risque pour établir le contact visuel. Nos militaires sur le terrain jugent quotidiennement, heure après heure, de ce qu'il faut faire.
Pour les aider dans cette tâche, nous mettons à leur disposition une énorme quantité de matériel pour qu'ils ne soient pas contraints de prendre ce genre de décision sauf nécessité absolue. Ils peuvent bien sûr balayer un secteur pour s'assurer, dans toute la mesure du possible, qu'il n'y a pas de Talibans et pour aider les forces nationales afghanes à nettoyer le secteur.
Et puis, nous avons des équipes COCIM qui passent tout de suite derrière pour commencer à instaurer des relations avec les aînés dans les villages et pour prendre note de ce dont la population a désespérément besoin. Ces équipes peuvent tout de suite livrer ce qui est nécessaire, parce qu'elles savent, pour moitié au moins, ce qu'il faut à ces gens-là. Nous avons constaté que c'est ce genre de travail, sur deux plans, qui donne les meilleurs résultats.
C'est pour pouvoir agir de façon un peu plus ferme et déterminée que nous avons notamment recommandé au ministre, qui nous a transmis par la suite l'autorisation du gouvernement, de déployer une compagnie afin d'assurer la sécurité des équipes COCIM parce que c'est là que le bât blessait. Nous assurions, jusque-là, la sécurité du complexe de l'EPR, mais nous ne pouvions pas quotidiennement déployer suffisamment d'équipes COCIM à partir des ressources et des capacités dont nous disposions afin de leur permettre de rencontrer des gens sur le terrain. Pour cela, il fallait assurer une sécurité supplémentaire et c'est ce qui nous a amené à réclamer le déploiement d'une autre compagnie.
Il faut donc agir sur plusieurs plans, monsieur Hawn. Ce n'est jamais parfait. Nous apprenons tous les jours. Tout à l'heure, le ministre vous a parlé des « leçons apprises ». Quand quelque chose se produit quelque part, nous dépêchons une équipe sur le terrain dans les deux heures qui suivent afin d'analyser ce qui s'est produit et d'en tirer des enseignements immédiats. Dans les deux à quatre heures suivantes, toute notre organisation en Afghanistan est saisie des constats. Dans les 24 à 36 heures, c'est Ottawa qui est au courant et qui peut commencer à chercher une façon d'améliorer la conduite des opérations. Il s'agit donc d'un processus d'apprentissage permanent qui constitue le troisième volet de notre action sur place.
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Je vais essayer de vous répondre le plus brièvement possible.
En fait, rien n'a changé. Nous appliquons le même plan que celui du gouvernement précédent qui avait décidé d'envoyer des militaires à Kandahar. Le problème, c'est qu'au cours des derniers mois, l'insurrection a redoublé d'intensité, ce qui nous a contraints à mener davantage d'opérations de combat contre les Talibans.
Vous aurez pu constater que nous ne faisons pas qu'accroître la capacité de notre armée pour mener des opérations militaires, des opérations de combat, mais que nous déployons également des ressources pour garantir le succès de la mission. Nous n'avons pas perdu de vue le fait que nous devons, en même temps, faire de l'aide au développement; le problème, pour l'instant, c'est que l'insurrection est beaucoup plus active qu'avant. Quand nous aurons maîtrisé cette insurrection, que nous l'aurons écrasée, nous pourrons insister davantage sur l'aide au développement. Il demeure que nous sommes tournés vers le développement, parce que nous voulons lancer des projets et obtenir des résultats. Vous avez lu, dans la presse, ce que cela donne, puisque récemment six de nos militaires ont été tués pendant qu'ils essayaient de reconstruire une route.
Je vais inviter le chef d'état-major à vous en parler de façon plus précise, mais sachez qu'à leur retour de mission, nos militaires sont soigneusement évalués des points de vue physique, médical et psychologique.
Quant aux médecins de famille, je vais vous dire une chose: officiellement, les Forces canadiennes et le gouvernement du Canada ne sont pas responsables des soins médicaux aux familles, sauf en régions éloignées. Le ministère de la Défense nationale est uniquement responsable des soins à apporter aux soldats, aux marins, aux aviateurs et aux aviatrices, ce qui n'a pas empêché les Forces canadiennes d'agir très rapidement dans les centres de soutien aux familles, dans les régions qui ne se trouvent pas aux alentours d'un grand centre urbain, pour prendre les dispositions voulues avec les autorités locales et essayer de mettre la main sur des médecins susceptibles de dispenser des soins sur place.
Ce qui se passe à Petawawa est un exemple. Ce n'est pas une grande ville et il existe là-bas une pénurie de médecins. Toutefois, le centre local de soutien des familles et les autorités locales ont pris des dispositions pour faire venir des médecins à temps partiel afin de prendre les familles en charge. Cependant — comment dire? — ce n'est pas la responsabilité première du gouvernement fédéral.
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Ils reçoivent des soins de qualité supérieure, madame Gallant. Je me suis entretenu avec de nombreux soldats blessés, principalement à Kandahar et à Landstuhl, en Allemagne, mais aussi ici, au Canada, dans les différents hôpitaux où ils se retrouvent. Tous, sans exception, ont été dithyrambiques à propos de notre hôpital de rôle 3 à Kandahar, qui est une installation multinationale dirigée par les Canadiens et où l'on retrouve des médecins et des assistants britanniques, américains et hollandais qui se partagent le fardeau. Cet hôpital de campagne dispose d'une équipe incroyable et les militaires — notamment les deux ou trois au chevet desquels je me suis assis quand je me trouvais sur place il y a deux semaines — nous disent qu'ils n'ont jamais reçu de soins d'une telle qualité. Ce sont pourtant des soins qu'on leur a prodigués dans un milieu hostile. Nous estimons nécessaire de dispenser ce genre de soins si nous voulons pouvoir leur demander de prendre des risques et d'accomplir des missions dangereuses.
Deuxièmement, presque tous les blessés qui sont passés par Landstuhl — pour ne pas dire absolument tous — nous disent qu'il s'agit du plus formidable établissement médical au monde. C'est ce qu'ils en disent.
Les familles qui se rendent à Landstuhl — comme cela arrive parfois quand nous nous attendons à ce que leurs proches restent plus de quelques jours sur place, surtout s'ils sont grièvement blessés — sont d'accord avec cette évaluation. À leur retour au Canada, elles nous disent qu'il n'y a rien de mieux que le Centre médical régional de Landstuhl.
Afin de pouvoir dignement remercier les équipes qui travaillent là-bas, je leur ai rendu visite la semaine dernière. En novembre, je retournerai en Europe pour une série de réunions et, à cette occasion, j'irai remettre à ces équipes soignantes une mention élogieuse des Forces canadiennes à l'intention des unités parce qu'elles ont si bien soigné nos soldats et leurs familles.
Au Canada, nous travaillons avec les centres régionaux. Je pense, par exemple, au centre de santé de l'Université de l'Alberta ainsi qu'à l'Hôpital Civic, à Ottawa, afin de soigner ces merveilleux jeunes gens et jeunes femmes qui retournent blessés d'Afghanistan.
Il y a quelques semaines, le soldat Mike Spence était présent sur la Colline à l'occasion du rassemblement d'appui aux soldats canadiens, le fameux « vendredi rouge ». Lui-même et son père, qui est aussi militaire, sa mère et sa famille nous ont déclaré que Mike avait reçu des soins de qualité supérieure. Ils n'auraient pas réclamé quoi que ce soit de plus. Quand je suis allé au centre de santé de l'Université de l'Alberta, le personnel soignant a défilé pour me dire à quel point ces soldats blessés, ces hommes, ces gentilhommes, sont des patients merveilleux et il m'a demandé s'il était possible de les donner en exemple aux autres patients, parce que ces soldats ne se laissent abattre par rien. Ils veulent à tout prix aller mieux et sortir pour reprendre le cours normal de leur vie.
Ce sont des soins de qualité supérieure que nous offrons, madame Gallant.
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L'un des défis auxquels nous nous heurtons dans le Sud tient à ce que nous avons affaire à des pashtounes... Ils sont environ 12,5 millions du côté afghan de la frontière, et ils constituent la tribu dominante dans les provinces de Kandahar et d'Helmand, de même que dans de nombreuses autres provinces dans le Sud et dans l'Est. À l'échelle du Pakistan, ils sont environ 22 millions. Ainsi, les pashtounes représentent en tout 33 millions d'individus, ce qui équivaut à la population du Canada. Il peut y avoir des exceptions, mais presque tous les Talibans sont des pashtounes.
Sur la carte, il existe bien une frontière entre le Pakistan et l'Afghanistan, mais en réalité celle-ci est poreuse. Il y a des montagnes et des déserts qu'il est possible de traverser n'importe quand. Évidemment, on ne sait pas nécessairement, quand on voit passer des groupes de deux ou trois individus, qu'il s'agit de Talibans, parce que ce sont simplement des membres de la tribu.
Les pashtounes n'ont pas besoin de montrer patte blanche à la frontière, pas plus dans un sens que dans l'autre, parce qu'ils ont le même genre de droits que la plupart des Autochtones canadiens qui peuvent librement franchir la frontière canado-américaine. Et cela, c'est un problème.
Et puis... Comment dire? Histoire de compliquer les choses, l'Afghanistan entretient avec le Pakistan un différend quant à l'emplacement de la frontière.
Quand j'ai rencontré le ministre de la Défense du Pakistan, lors de ma récente vite là-bas, et lors de ma réunion d'hier avec le président du Sénat, j'ai répété à mes interlocuteurs que nous apprécions ce que fait leur pays. Les pakistanais ont massé quelque 80 000 ou 90 000 hommes de troupe le long de leur frontière avec l'Afghanistan et ils suppriment des Talibans. Ils ont affaire à d'autres insurgés sur leur territoire, mais ils s'attaquent aux Talibans.
Nous leur avons toutefois demandé de faire davantage parce que cette frontière représente une porte grande ouverte sur notre secteur. Comme les renforts talibans arrivent du Pakistan, nous avons demandé à nos homologues pakistanais de faire un effort supplémentaire.
À titre de mesure très modeste destinée à renforcer la confiance, j'ai suggéré au président du Sénat que j'ai rencontré hier, et qui s'est montré très réceptif, d'accueillir un de nos officiers de liaison. Une journaliste pakistanaise — dont la connaissance de l'anglais ne devait pas être très bonne — a traduit « officier de liaison » par « soldats ». Moi, je voulais que nous placions un de nos officiers de liaison au sein du 12e Corps d'armée pakistanais, qui est stationné au sud de notre position, du côté pakistanais — dans le sud de notre province — et que nous intégrions un officier de liaison pakistanais à notre quartier général de Kandahar.
Je n'ai jamais laissé entendre que nous enverrions des troupes alliées au Pakistan. Je me disais que, si nous avions des officiers de liaison des deux côtés de la frontière, nous pourrions accroître le niveau de confiance réciproque, ces gens-là ayant la possibilité de régler les problèmes courants et de s'échanger des informations.
J'ai reçu des réactions plutôt positives à cet égard et j'entends poursuivre mon idée. Nous allons continuer, par le truchement de notre gouvernement — et l'OTAN va faire de même par le truchement de son commandement de la FIAS — d'inciter les pakistanais à faire davantage au niveau de la frontière. Plus nous pourrons investir d'efforts au niveau de cette frontière pour éliminer les Talibans et mieux nous nous en porterons, nous-même et l'Afghanistan.