:
Merci, monsieur le président et membres du comité, chers collègues.
Monsieur le président, je suis heureux que vous ayez souligné dans votre déclaration d'ouverture que nous célébrons aujourd'hui le 62e anniversaire du jour J. C'est bien entendu pour tous les Canadiens une journée mémorable qui nous permet de commémorer les sacrifices et les réalisations de nos alliés dans cette opération qui consistait à débarquer sur le continent européen, débarquement qui a conduit à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Comme vous le savez, ce débarquement en Normandie a été suivi d'âpres combats.
Beaucoup de nos alliés et de nations amies se retrouvent aujourd'hui à nos côtés en Afghanistan pour y promouvoir la stabilité et y établir la démocratie. Monsieur le président, 30 autres pays participent à cet effort multinational et au-delà de 60 pays sont engagés dans un effort plus vaste de reconstruction et de développement.
Avec cette mission en Afghanistan, nous poursuivons la tradition des efforts déployés par les soldats canadiens durant toute l'histoire de notre pays. Nous jouons un rôle très important au sein d'organisations telles que l'OTAN et les Nations Unies, et comme on pouvait s'y attendre, l'engagement du Canada en Afghanistan suscite un intérêt considérable depuis quelques semaines. Les Canadiens veulent, à juste titre, en apprendre davantage sur les raisons qui nous ont incités à nous rendre là-bas, sur ce que nous y faisons, sur les moyens que nous entendons prendre pour mesurer notre succès, de même que sur ce que cela signifie pour le Canada et le reste du monde. J'ai l'impression que ces mêmes questions se retrouveront sur les lèvres de plusieurs d'entre vous aujourd'hui.
Voici tout d'abord les raisons de notre présence là-bas, monsieur le président. Le Canada et ses partenaires internationaux contribuent à améliorer la situation en Afghanistan. Cet engagement, qui a reçu l'aval des Nations Unies, est important pour les Canadiens, les Afghans et nos alliés. Il est dans notre intérêt collectif de contribuer à faire de l'Afghanistan un pays stable, sûr, démocratique et autosuffisant. Les événements du 11 septembre 2001 ont démontré que notre sécurité est liée à ce qui se passe ailleurs dans le monde.
L'Afghanistan, comme chacun sait, était un incubateur de terrorisme. La semaine dernière, nous avons été à même de constater que même le Canada n'est pas à l'abri du terrorisme. Veiller à ce que l'Afghanistan ne devienne plus jamais un refuge pour les terroristes appartient à la communauté mondiale, et c'est une responsabilité que nous partageons. Les Afghans et nos alliés se sont engagés à fond dans cette entreprise; ils partagent les mêmes risques et visent les mêmes objectifs que le Canada.
[Français]
Les Afghans et la communauté internationale ont passé un marché par un série d'ententes politiques, notamment l'Accord de Bonn en 2001 et le Pacte pour l'Afghanistan conclu en janvier 2006. La reconstruction de l'Afghanistan est une responsabilité partagée.
Depuis le début, le Canada est sur place avec ses alliés. Il s'agit de notre second déploiement militaire à Kandahar, où des effectifs des Forces canadiennes ont d'abord été envoyés en 2002. Cette même année, nous avons aussi renoué nos relations diplomatiques avec l'Afghanistan et nous y avons ouvert une ambassade en 2003. Les efforts considérables que nous avons faits à Kaboul en 2003 et 2004 ont contribué à rétablir la stabilité dans la capitale pendant la mise en place des nouvelles institutions nationales de gouvernance.
Lors de ma récente visite en Afghanistan, comme vous l'a dit M. le président, j'ai constaté par moi-même les progrès qui ont été réalisés, surtout à Kaboul. Grâce en partie à nos efforts, les Kabouliens jouissent de possibilités qui auraient été impensables sous le régime des talibans. Les citoyens de Kandahar ne peuvent cependant pas encore récolter les fruits de cette reconstruction.
[Traduction]
Le Canada s'est toujours présenté là où on avait le plus besoin de lui. Or, la présence des Canadiens — soldats, diplomates et agents du développement — est maintenant requise à Kandahar où les insurgés cherchent à déstabiliser le gouvernement afghan. Notre action contribue à restaurer la sécurité dans cette région troublée, et pave la voie à l'expansion de l'OTAN en Afghanistan du sud, qui aura lieu cet été. C'est justement dans cette région, le sud de l'Afghanistan, que les Canadiens sont le plus nombreux.
Avec le Royaume-Uni, les Pays-Bas et nos autres alliés, nous allons chercher à faire en sorte que les bienfaits de la paix atteignent aussi le sud du pays et ses habitants, qui en ont tant besoin. En même temps, nous allons poursuivre notre politique d'incitation auprès du gouvernement central à Kaboul sur des dossiers d'une importance capitale et qui se renforcent mutuellement, à savoir la sécurité, la gouvernance et le développement. C'est dans les grandes lignes l'approche que nous avons adoptée.
Que faisons-nous exactement en Afghanistan? Eh bien, que ce soit à Kaboul ou à Kandahar, il ne s'agit pas d'une mission de maintien de la paix traditionnelle, où l'objectif est de s'interposer entre deux armées disciplinées une fois que leurs gouvernements respectifs ont convenu d'un cessez-le-feu ou d'un processus de paix. Cela n'a jamais été le cas. Les insurgés ne recherchent pas la paix. Ils veulent déstabiliser l'État par le recours à la violence. Monsieur le président, vous devez savoir que si nous sommes en Afghanistan c'est pour beaucoup à l'invitation et à la demande pressante du président Karzai et du gouvernement afghan.
La réponse afghane et celle de la communauté internationale ont été sans équivoque. Nous n'allons pas nous laisser détourner de cet objectif essentiel qu'est la reconstruction d'un État. Notre mission en Afghanistan comporte trois volets. Nous sommes là pour 1) aider à stabiliser la situation sur le plan de la sécurité; 2) renforcer la gouvernance locale; et 3) réduire la pauvreté dans le pays. Pour atteindre ces objectifs, le Canada travaille avec les forces de sécurité afghanes. Il contribue aussi à renforcer la capacité des institutions juridiques à établir la primauté du droit, ainsi qu'à promouvoir et protéger les droits de la personne. Nous facilitons la mise en place d'institutions de gouvernance locales, de manière qu'elles puissent fournir des services de base à la population. Enfin, nous aidons à construire une économie durable qui offre des possibilités à tous les Afghans.
Monsieur le président, rien de tout cela ne pourra se produire sans l'envoi de troupes sur le terrain. En effet, sans la présence de nos soldats, ce travail important n'aura pas lieu.
[Français]
À ce jour, les progrès en Afghanistan sont impressionnants.
Grâce à un financement et à l'appui du Canada, les Afghans ont joué un rôle important dans la rédaction de la constitution du pays, qui reconnaît le principe de l'égalité des genres.
Le soutien du Canada au développement démocratique en Afghanistan a permis aux Afghans de voter lors de deux scrutins historiques. Cinq cent quatre-vingt-deux femmes se sont présentées aux élections provinciales et parlementaires, et détiennent maintenant 27 p. 100 des sièges au Parlement. C'est plus qu'au Parlement du Canada.
Sous le leadership du Canada, 11 000 armes lourdes ont maintenant été mises en lieu sûr, et 63 000 anciens combattants ont été désarmés et acquièrent maintenant des compétences leur permettant de se bâtir une nouvelle vie.
Cela dit, il reste encore des défis majeurs à relever, qui risquent de saper le processus. Il n'y a pas de solution miracle. Nous savons très bien que le succès ne tient pas seulement aux moyens militaires. C'est pourquoi le premier ministre a récemment annoncé l'allocation d'un montant supplémentaire de 310 millions de dollars pour l'aide au développement, ce qui porte la contribution totale du Canada à près d'un milliard de dollars sur 10 ans, ainsi que la reconstruction des installations permanentes de notre ambassade à Kaboul. Jumelés à notre contribution militaire, ces éléments constituent l'approche intégrée du Canada concernant le renforcement des institutions, la sécurité et le développement en Afghanistan.
[Traduction]
Enfin, monsieur le président, comment comptons-nous mesurer notre succès en Afghanistan?
Le Pacte pour l'Afghanistan comporte 40 jalons concrets et mesurables pour guider les efforts afghans et internationaux sur un horizon de cinq ans. Ces jalons ont été établis par le gouvernement démocratiquement élu de l'Afghanistan, et avalisés par la communauté internationale lors de la Conférence de Londres tenue plus tôt cette année. Voici quels sont certains de ces jalons: établissement, au niveau national, d'une armée, d'une gendarmerie et d'une police frontalière professionnelles et capables de répondre efficacement aux besoins du pays en matière de sécurité; réduction de 70 p. cent de la zone contaminée par les mines terrestres d'ici la fin de 2007; promulgation d'une loi contre la corruption d'ici la fin de 2007; augmentation de 20 p. cent dans l'embauche des femmes d'ici la fin de 2010.
La stratégie du Canada est de faciliter la réalisation de ces jalons essentiels contenus dans le Pacte pour l'Afghanistan. Nous allons mesurer régulièrement les progrès accomplis à l'égard de chacun, pour nous assurer que le processus est toujours sur la bonne voie. Nous allons partager notre évaluation avec tous les parlementaires et tous les Canadiens sur une base annuelle.
C'est ce que cela signifie pour le Canada et le reste du monde. Premièrement, nous ne sommes pas seuls dans cette entreprise capitale. La mission d'assistance des Nations Unies en Afghanistan est la plus importante mission politique spéciale menée par cette organisation dans le monde. Plus de 60 pays contribuent aux efforts de développement, et plus de 35 à la sécurité. Nous devons aux Afghans, à nos alliés, à l'ONU et aux Canadiens de contribuer à finir le travail commencé.
Deuxièmement, nous prenons cette responsabilité très au sérieux. Si nous avions décidé de réduire ou de terminer notre présence là-bas avant que le gouvernement afghan ne soit bien en selle, nous aurions ouvert la porte au retour des talibans, annulé nos réalisations à ce jour, et menacé la sécurité à long terme du Canada. Comme vous le savez, monsieur le président, nous avons un intérêt direct à être présent là-bas. Dans la vie, il y a des moments charnières. Le Canada s'est trouvé en première ligne pour faire en sorte que les Afghans ne retournent pas en arrière.
Troisièmement, notre premier ministre, le ministre de la Défense nationale et moi-même avons tous effectué une visite en Afghanistan dernièrement. Nous avons vu directement les résultats de la contribution canadienne. La prolongation de notre engagement a été la bonne décision à prendre. Cette décision accroîtra la sécurité des Canadiens, renforcera l'OTAN et fera de la Afghanistan un pays plus libre et plus sûr.
Enfin, après deux débats intenses et un vote, les députés et les Canadiens comprennent les risques réels de notre contribution, ainsi que le travail qu'il reste à faire. L'heure est venue de serrer les rangs derrière ces hommes et ces femmes braves, tant militaires que civils, qui nous représentent en Afghanistan. Ils méritent rien de moins que notre total et indéfectible soutien.
Merci, monsieur le président.
:
Merci, monsieur le président.
Premièrement, monsieur le ministre, je veux vous remercier de votre présence.
J'ai eu l'occasion d'aller en Afghanistan la semaine dernière à l'invitation de l'OTAN. Ce n'était pas la première fois que, lors de mes visites à l'OTAN, j'apprenais des informations qui ne sont pas nécessairement révélées par le gouvernement canadien, à tort ou à raison. J'aimerais soulever deux questions qui, selon moi, sont nouvelles dans le débat. Avant d'aller en Afghanistan et d'avoir les briefings que j'ai eus, je n'étais pas au courant de ces deux problèmes.
J'ai d'abord rencontré le général Richards, qui est actuellement en charge des forces de l'OTAN pour le nord et l'est. Cet été, il sera en charge du sud, donc des provinces de Kandahar et Hellman. On ne peut nier que la mission actuelle des soldats canadiens dans la province de Kandahar est difficile, parce que la chasse aux talibans y est un défi important. Ce n'est peut-être pas pour rien que nous avons perdu autant de personnes. On sait qu'il y a là des combats très violents. Lors du briefing du général Richards, j'ai appris que, lorsque l'OTAN prendra le contrôle du sud, il sera question de changer la mission des soldats canadiens pour qu'ils fassent un peu moins de chasse aux talibans et se lancent plutôt dans une opération de conquête des coeurs et des esprits des habitants. Ce serait un changement assez important, selon moi, et j'imagine que l'OTAN, lorsqu'elle prendra le contrôle du sud, demandera aux Canadiens ce qu'ils en pensent et leur dira qu'elle pense qu'ils sont trop axés sur la chasse aux talibans et qu'ils doivent maintenant axer leur action sur la conquête des coeurs et des esprits, ce qui signifie être beaucoup plus présents dans les communautés, travailler à la construction d'écoles, de services de santé, d'infrastructures, etc.
J'aimerais savoir s'il y a actuellement des négociations en vue de changer de façon assez importante la mission actuelle des Forces canadiennes à Kandahar.
:
Merci beaucoup de votre question. Elle est importante. Je comprends bien le défi auquel sont confrontés en Afghanistan les soldats et toutes les personnes qui effectuent sur le terrain des travaux humanitaires.
[Traduction]
Je n'ai pas entendu parler de ce briefing en particulier au cours duquel on aurait donné de l'information concernant l'OTAN, mais je peux au moins vous dire que l'engagement du Canada là-bas, comme je l'ai mentionné dans mon exposé, comporte trois volets. Il ne s'agit pas d'un engagement de nature purement militaire. Il s'agit en effet, dans une large mesure, d'un engagement à l'égard de l'établissement de la démocratie, et le travail effectué en Afghanistan par notre ambassadeur est exemplaire. Il s'agit aussi pour beaucoup d'un effort humanitaire qui comprend notamment une équipe provinciale de reconstruction, ce qui implique la collaboration avec certaines ONG présentes sur les lieux comme la Croix-Rouge.
La mission en Afghanistan, pour vous donner un exemple précis que vous avez déjà mentionné, consiste également à aider à construire des écoles. J'ai visité l'une de ces écoles à Kaboul, et j'ai vu le travail qui y est effectué pour aider les jeunes enfants et particulièrement les orphelins qui vivaient dans la rue avant l'intervention du Canada et de ses alliés. Ces enfants se voient maintenant offrir la possibilité d'apprendre un métier, les règles de base de l'hygiène et les rudiments des interactions avec les autres, ainsi que des notions de lecture et d'écriture et diverses compétences auxquelles ils n'ont jamais eu droit auparavant.
J'y ai vu des jeunes femmes, des jeunes filles qui, pour la première fois de leur vie, ont eu la permission de fréquenter l'école alors qu'auparavant l'accès de tout établissement d'enseignement leur était interdit. Les chiffres sont proprement renversants. En effet, de 4 à 5 millions d'enfants fréquentent désormais l'école par suite du travail effectué dans ce pays. Il s'agit donc beaucoup plus que de simplement contribuer à améliorer le niveau de vie de la population afghane; j'ai en effet été témoin de la chaleur de l'accueil du peuple afghan non seulement à l'endroit de nos soldats, mais aussi des travailleurs de l'aide humanitaire et de toutes les personnes qui s'efforcent sincèrement de leur venir en aide.
Donc toutes ces activités font partie de notre mission, si je peux m'exprimer ainsi. Il ne s'agit pas d'un changement d'attitude. Il ne s'agit pas d'un changement de stratégie. Il ne s'agit pas non plus de réaffectation ou de redéploiement. Il s'agit plutôt d'une intention générale d'apporter la stabilité dans cette région, de voir à ce que les réalisations que nous effectuons dans ce pays acquièrent une certaine permanence, c'est-à-dire qu'elles ne devraient pas simplement s'évaporer dès que les alliés quitteront le pays. Donc il n'y a pas eu de changement dans les opérations, pour autant que je sache.
Comme vous le savez, la transition prévue dans l'opération de l'OTAN entraînera un changement dans les responsabilités militaires à l'égard de ces opérations. C'est ce qui va changer en réalité. Les positions de leadership sont appelées à changer. Le travail qui est effectué actuellement à Kandahar et à Kaboul devrait, au fil du temps, impliquer un changement dans le rôle de leadership de même qu'une rotation qui s'effectue régulièrement dans le cadre de cet exercice général.
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Eh bien, je pourrais vous retourner la question parce que vous êtes beaucoup mieux placé que moi pour y répondre puisque vous avez déjà piloté un de ces aéronefs.
Je n'ai volé qu'une seule fois dans un avion C-130 Hercules et c'était pour me rendre en Afghanistan il y a environ un mois de cela. Le pilote de l'avion où nous prenions place, qui a dû effectuer certaines manoeuvres défensives très précaires pendant que nous survolions l'Afghanistan et Kaboul, m'a dit que cet avion était âgé de 40 ans. Il nous a expliqué qu'il avait été littéralement refait pièce par pièce au fil des années.
Concernant la décision relative à l'approvisionnement et les priorités des militaires, je fais totalement confiance aux hommes et aux femmes des Forces canadiennes appelés à prendre ces décisions dans leur propre intérêt et je les invite à faire des représentations ensuite au ministre de la Défense. Naturellement, le chef d'état-major de la Défense participe à cet approvisionnement.
Nos responsabilités vont de toute évidence bien au-delà de notre bien-être personnel et lorsque l'on examine le matériel utilisé par certains de nos alliés, il est frappant que nous tirons de l'arrière. Pour parler franchement, nous avons négligé certains aspects de ces besoins en matière de matériel.
En tant que gouvernement, nous avons décidé de nous attaquer à ce problème. Par s'attaquer à ce problème, je veux dire que nous avons déjà procédé à certaines acquisitions et à dire vrai, le précédent gouvernement avait déjà amorcé l'acquisition de nouveaux véhicules de patrouille blindés, que j'ai vus sur le terrain en Afghanistan; les pièces d'artillerie montées sur véhicules, qui sont bien entendu importantes lorsque l'on effectue des patrouilles, ainsi que les G wagons. Les véhicules aériens sans pilote sont de plus en plus utilisés pour effectuer des patrouilles au-dessus des immenses masses terrestres, y compris de l'Arctique. Les systèmes avancés de surveillance et de communication, de même que les véhicules tout-terrain, sont tous importants et nécessaires pour s'acquitter de la mission qui nous est confiée actuellement.
Je vous le répète, je fais appel à votre expertise, parce que vous possédez l'expérience, comme on dit. Je pense que dans bien des cas les civils ne devraient pas s'imaginer que les politiciens disposent d'une sagesse particulière. Il suffit de faire appel à ceux qui sont les plus aptes à prendre des décisions, et dans ce cas-ci, ce sont des militaires comme vous.
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Monsieur le président et chers collègues, je vous remercie beaucoup de votre invitation. Je tiens à profiter de l'occasion qui m'est offerte de participer à votre comité de la Défense.
Comme vous l'avez mentionné, durant quinze ans j'ai été membre du comité de la défense et de la sécurité nationales dans le Bundestag allemand. Le témoignage du ministre des Affaires étrangères m'est apparu assez familier parce que bon nombre des questions qui ont été mises sur le tapis sont les mêmes que celles que nous avons dû débattre nous-mêmes concernant la mission en Afghanistan. Lorsque le Canada a accepté la responsabilité du secteur sud, nous avons nous-mêmes accepté celle du secteur nord et je crois que nous devons affronter des questions semblables sur le plan de l'intensité des problèmes qui vont croissant en ce qui concerne la restructuration de la force d'opposition des talibans et, plus particulièrement dans notre secteur, le problème de la drogue.
La région de Badakhshan, qui se trouve à proximité de Feyzabad dans le nord, est l'une des régions où la culture des graines de pavot est la plus prospère, et il arrive que nos électeurs nous demandent pourquoi nous sommes dans cette région à protéger les producteurs de drogue. Ces drogues créent en effet toutes sortes de problèmes humanitaires, des problèmes personnels, des problèmes de santé et de sécurité dans notre propre pays. Je ne pense pas qu'il faille établir un lien aussi direct entre ces deux questions, toutefois il faut prendre garde de ne pas favoriser une participation encore plus importante de la part des milieux politiques et économiques officiels ou non officiels afghans dans le domaine du trafic et de la production de la drogue.
D'un autre côté, nous savons, comme l'a déjà déclaré l'ancien secrétaire de la Défense, que nous nous trouvons en Afghanistan pour défendre notre propre pays dans la région de l'Hindu Kush. C'est une expérience très étrange pour nous, surtout parce que notre pays n'a pas l'habitude de voir ses militaires à l'étranger. Nous avons toutefois dû nous y faire étant donné que nous nous sommes engagés à fournir une assistance sous les auspices de l'article 5 du traité fondateur de l'OTAN, obligation qui a été proclamée le 12 septembre à Bruxelles, et à laquelle nous avons tous réitéré notre adhésion. Par conséquent, c'est avec beaucoup de maturité que nous avons accepté notre mission en Afghanistan.
Je pourrais continuer de vous entretenir de la transformation dans l'armée et du transport aérien stratégique, mais comme je ne voudrais pas intervenir dans vos discussions internes, je me contenterai de vous dire qu'à l'instar de votre pays, nous sommes heureux d'avoir rempli nos engagements sur le plan des possibilités de mise en oeuvre concernant la solution SALIS ou Strategic Airlift Interim Solution, de sorte que nous disposons maintenant des avions nécessaires pour organiser le transport aérien stratégique dans la région de Kaboul. Il s'agit d'une solution intérimaire qui porte bien son nom. Nous attendons le changement pour la solution stratégique et tactique que représente le A-400M. En réalité, nous avons encore en utilisation le C-160 Transall qui, sur le plan de l'âge, n'est pas beaucoup plus récent que les Hercules, qui je crois sont entrés en utilisation dans les forces autour de 1968. Il est évident que ces avions sont beaucoup plus vieux que les pilotes qui les conduisent.
Le problème qui vient avec la transformation c'est le besoin d'hélicoptères. Nous manquons d'hélicoptères dans le secteur des hélicoptères de transport lourds. Nous venons tout juste de remplacer nos hélicoptères Bell UH-1 pour des NH-90, au début de l'année, et nous constatons de plus en plus que dans toutes les opérations auxquelles nous participons, nous avons besoin de beaucoup d'hélicoptères. Le secrétaire général de l'OTAN se retrouve un peu dans la position de mendier autour de lui des hélicoptères à droite et à gauche?
Nous avons vécu une expérience similaire au Congo. Si cela vous intéresse, je vous dirai quelques mots au sujet de la mission de l'Union européenne au Congo. Nous avons eu la chance que le Luxembourg nous prête des hélicoptères pour le transport médical — des hélicoptères civils loués par le gouvernement du Luxembourg. Cela montre la voie à suivre.
Actuellement, nous avons en service le CH-53 Sikorsky, le gros modèle. Je pense, mais je n'en suis pas sûr, que l'armée canadienne est équipée du CH-47 Chinook...
Nous sommes en voie de transformer notre armée, et c'est un exercice très onéreux. Nous avons constaté le besoin de nous doter de forces et de structures plus facilement déployables. Nous avons sous-estimé le besoin de moyens de transport protégés durant la mission, particulièrement après les mauvaises expériences que nous avons essuyées avec vous en enregistrant des pertes de vies humaines en Afghanistan. Et nous nous préparons à déployer les véhicules de reconnaissance Dingo et quelques autres véhicules légers protégés.
Et j'en arrive à la question du Congo, de l'Union européenne et de l'OTAN. Il s'agit d'une question très intéressante surtout cette année alors que nous sommes à nous préparer en vue de la tenue du sommet de Riga, en novembre. La question, qui est posée très souvent, est celle-ci: quel est l'objet de la politique et des initiatives en matière de sécurité et de défense de l'Union européenne? L'OTAN et l'Union européenne sont-elles en concurrence?
Peut-être que la réponse diffère selon la capitale de l'Union européenne interrogée, mais essentiellement nous en sommes arrivés à un consensus pour le moment. Le nouveau gouvernement allemand et la nouvelle chancelière travaillent très fort pour réaliser le consensus en vue que l'Europe se rétablisse en tant que pilier de l'OTAN. L'honorable Don Rumsfeld, le secrétaire à la Défense d'un petit pays voisin au sud du vôtre, avait l'habitude de parler de la vieille Europe et de la nouvelle Europe. Je pense que nous devons faire en sorte que Don Rumsfeld ne voie plus qu'une seule Europe. Nous étions très mécontents au sujet de cette division, car ce n'est pas une chose souhaitable, parce que lorsqu'on est divisé, il est impossible d'exercer une influence politique. Mais la politique ne se résume pas à se plaindre. Je pense que nous reviendrons, un peu comme l'avait décrit l'ancien Secrétaire à la Défense Volker Rühe, séparables mais non séparés.
C'est ainsi que les capacités de l'Union européenne augmentent, puisqu'elle peut utiliser en cas de nécessité, dans le cadre des arrangements « Berlin Plus » les actifs de l'OTAN à l'intérieur d'une chaîne de commandement dans la mesure où l'OTAN en fait partie. Dans ce cas, le Deputy SACEUR est dans la chaîne de commandement; ou alors, dans le cas de missions de moyenne envergure, nous allons nous débrouiller tout seuls, mais avec certains échanges politiques avec l'OTAN. C'est le cas de la MONUC, notre mission au Congo, où nous nous efforçons de remplir l'engagement pris par l'ONU dans le contexte des élections présidentielles dans ce pays. La MONUC, forte d'un effectif de 16 000 hommes, sera insuffisante, d'après ceux qui participent à l'évolution de la situation là-bas pour maintenir le Congo sur la voie de la réconciliation et, dans la mesure du possible, du développement politique.
Je pense que nous savons tous que ce serait trop espérer que de s'attendre à l'établissement d'une démocratie parlementaire de style Westminster au Congo, après le bain de sang que nous avons connu et tous les problèmes ayant pratiquement dégénéré en guerre civile dans un si bref laps de temps. Mais je pense qu'il est nécessaire de participer à ces élections qui seront la pierre angulaire du développement futur. Donc nous nous sommes engagés à l'intérieur d'une mission regroupant l'Allemagne, la France et plusieurs autres pays européens, à nous répartir les effectifs en trois. Il y aura 780 soldats allemands sur place, y compris le quartier général; les Français enverront 800 soldats et le reste de l'effectif de 2 200 hommes sera fourni par les 15 autres nations européennes. Cette démonstration devrait montrer que nous sommes en bonne voie d'agir, et que nous agirons, de façon responsable.
Concernant l'Union européenne et l'avenir de l'OTAN, et la façon dont nous le voyons, peut-être accepterez-vous que je vous dise quelques mots au sujet de l'expansion ou de l'élargissement de l'OTAN ou encore sur la question à savoir comment l'OTAN devrait se tirer d'affaire au cours des prochaines années. Nous pensons qu'il est nécessaire que l'OTAN se dote d'une option stratégique, aussi nous considérons que la force d'intervention de l'OTAN est un outil très important pour maintenir l'alliance soudée. Nous sommes très heureux que les Américains se préparent à participer à cette force d'intervention, parce que nous ne considérons pas qu'elle devrait être uniquement un outil et un actif européens.
Nous pensons que l'élargissement des capacités de l'OTAN — qui fera l'objet de discussions lors de la prochaine réunion des ministres de la Défense à Bruxelles, à la fin de la semaine — devrait nous amener à réfléchir sur les moyens d'en arriver à une stratégie de sécurité commune à rebours à l'OTAN. Nous sommes entièrement d'accord avec ceux qui prônent un renouvellement de la stratégie de l'OTAN en 2008 ou 2009, une stratégie qui ne devrait pas se contenter de se concentrer sur le terrorisme et la lutte contre le terrorisme, mais qui devrait également être axée sur la détermination du degré de participation de l'OTAN en tant que force de stabilité mondiale, avec la possibilité de réagir très rapidement et de se doter de règlements... où nous pourrons discuter de la question et décider en temps et lieu, et faire le nécessaire.
Concernant les relations bilatérales, je regrette beaucoup que nous n'ayons plus d'échanges pratiques, comme nous en avions dans le passé. Je participais à ces échanges. J'ai été élu pour la première fois au Parlement en 1990, et l'une de mes tâches au début des années 90 consistait à faire en sorte de maintenir les Forces canadiennes à Lahr. De toute évidence, j'ai échoué. Mais je comprends très bien vos raisons étant donné que malheureusement nous avons dû nous aussi mettre fin à notre engagement à Goose Bay et que la base de Shilo est fermée. Mais à mon avis cela ne devrait pas mettre fin à nos relations bilatérales.
Néanmoins, en tant que partenaires de l'OTAN, nous nous retrouvons dans la situation où beaucoup d'autres pays observent ce que font le Canada et l'Allemagne, si je peux m'exprimer ainsi. Je pense que nous pouvons et que nous devons montrer notre engagement à l'égard de la coopération bilatérale. S'il existe une possibilité de redonner suite à cette coopération, peut-être sous la forme d'échanges, ou d'exercices conjoints, j'en serais très heureux. Je sais que votre armée est actuellement sous pression sur le plan des effectifs, et que beaucoup de vos militaires hommes et femmes sont à l'étranger, tout comme les nôtres.
Par ailleurs, notre effectif militaire se situe actuellement autour de 255 000 hommes, et nous sommes à même de constater que c'est insuffisant.
Nous avons bénéficié des dividendes de la paix et nous sommes reconnaissants à l'ensemble de l'alliance de nous avoir permis de profiter de ses retombées durant les années 90. À Berlin, mon bureau se trouve à quelques enjambées de la place où, vingt ans plus tôt, quiconque aurait tenté de traverser la rue aurait été abattu. Il est parfois bon de réfléchir et de se demander si cette idée venait du ciel?
Peut-être que le pape en porte un peu la responsabilité. Je dois l'admettre, Jean-Paul II a fait beaucoup et il a eu une influence. Mais en réalité, c'est le discours prononcé par Ronald Reagan en 1987 à la porte de Brandebourg dans lequel il disait: « monsieur Gorbachev, s'il vous plaît, détruisez ce mur ». Trois ans plus tard on a démoli le mur. Ce n'est pas Gorbachev lui-même mais la population de l'Allemagne de l'Est qui s'en est occupée. Mais ils n'ont pu le faire que parce que Gorbachev était au pouvoir.
Nous sommes très reconnaissants envers nos alliés et nous savons qu'ils assument une part de la responsabilité pour la paix internationale qui se dessine. C'est ainsi que nous expliquons la situation lorsque nos électeurs nous posent la question, c'est-à-dire lorsqu'ils nous demandent pourquoi nous nous sommes engagés en Afghanistan, au Congo ou ailleurs. Ce n'est pas toujours facile, mais il faut que ce soit fait.
[Français]
Merci beaucoup de votre attention.
Je suis heureux d'avoir la possibilité d'échanger avec vous.
:
Le premier corps de l'Eurocorps était la brigade germano-française mise sur pied à l'instigation de Helmut Kohl et de François Mitterand afin de constituer le noyau d'une structure militaire européenne. D'un point de vue pragmatique — et je préfère adopter cette attitude pragmatique — nous avons été à même de constater beaucoup d'améliorations et de bonnes activités. Aujourd'hui, l'Eurocorps est formé de personnel militaire provenant de cinq pays: l'Espagne, la Belgique, les Pays-Bas, la France et l'Allemagne. Nous avons fait en sorte que ce corps ne constitue pas seulement une formation symbolique.
Au début, les militaires allemands n'ont été déployés nulle part parce que les officiers français qui servaient dans la brigade Eurocorps ne voyaient pas l'intérêt de le faire sachant que cet engagement ne ferait rien pour faire avancer leur avenir et leur carrière. Mais désormais l'Eurocorps est engagé dans une mission réussie en Bosnie et au Kosovo. Et l'Eurocorps est présent en Afghanistan.
Et selon cette approche pragmatique, on constate qu'il y a énormément de démarches différentes — par exemple, la cohérence de l'armée. En Allemagne, nous avons une armée de conscrits. Les Français ont abandonné le service militaire obligatoire et aujourd'hui il leur en coûte très cher pour rendre l'armée suffisamment attrayante pour attirer assez de militaires. Donc je pense que nous devons envisager en quelque sorte... Aujourd'hui, il y a un quartier général déployable sur lequel nous avons l'intention de continuer à travailler, tout comme nous l'avons fait à l'échelon européen avec M. Solana et sa cellule de planification et la cellule militaire. Ce sont les premières étapes.
Mais je ne pense pas que nous pourrons disposer d'une armée européenne en tant voulu. Nous ne sommes pas encore prêts à faire ce que nous avions tenté de réaliser il y a trois ans. Je veux parler du soi-disant « chocolate summit ».
Pour vous raconter d'où vient ce nom, je me trouvais à Washington dans le bureau de la secrétaire d'État où je participais à des discussions avec mon partenaire lorsque j'ai vu une grosse boîte de chocolats. J'ai dit, se pourrait-il que les Belges soient passés par ici? Et elle a répondu oui. Donc je me suis dit que peut-être ils avaient demandé la création d'un « chocolate summit ».
Alors pour vous expliquer, le « chocolate summit » était une idée visant à réunir les cinq pays de l'Eurocorps en une seule entité de défense politique européenne. Je pense qu'il est exact de dire que cela fait partie de l'histoire et que nous sommes tout à fait déterminés à nous doter d'une position européenne commune. L'Eurocorps en fait partie, mais il n'est pas question de réunir cinq armées en une seule et de la séparer ensuite des autres unités de l'Union européenne... Nous voyons l'OTAN et l'Union européenne comme faisant partie d'une formule d'intégration et non de désintégration.
Pour ce qui est des A400M, je suis désolé, mais le prix exact... Toutefois si cela vous intéresse...
:
Il est en anglais? Donc il est disponible.
C'est intéressant en effet, parce que dans cet article il joue un peu avec l'histoire de l'Allemagne, non seulement parce que la chancelière Merkel a fait clairement savoir que nous n'acceptons pas leurs explications comme quoi la déclaration du président de l'État iranien voulant qu'il allait effacer Israël de la surface de la Terre n'était qu'une affirmation gratuite. Dans les années 30, beaucoup de gens n'avaient pas lu ce que Hitler avait écrit, aussi nous n'avons aucunement l'intention de vivre une deuxième fois cette expérience et de dire que nous ne savions pas exactement ce que l'autre voulait dire.
C'est très sévère, mais je pense que c'était nécessaire afin qu'ils comprennent que nous prenons cette déclaration très au sérieux. Et les Américains jouent un rôle clé parce que les Européens seuls ne sont pas en mesure de régler le conflit.
Donc nous espérons réussir par les voies diplomatiques, toutefois nous n'excluons aucune autre possibilité. Je sais qu'il faut faire l'impossible afin de trouver une solution diplomatique à ce problème. Nous prenons cette déclaration comme une offre, qui devra se traduire autrement que par une lettre, puisque nous avons déjà entendu la chanson. Mais les prochaines étapes sont très incertaines.
Soit dit en passant, M. Ahmadinejad joue avec l'Allemagne également à d'autres égards. Il a refusé de dire s'il allait assister ou non, en tant que président de son État, à la partie de soccer entre l'Iran et le Mexique. Ces pays participent à la Coupe du monde. La première partie se jouera à Nuremberg la semaine prochaine.
Il a beaucoup à faire à Téhéran, et il devrait s'atteler à la tâche de refroidir les ardeurs de ceux qui tiennent absolument à ce que l'option nucléaire soit utilisée en Iran.