NDDN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent de la défense nationale
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 30 janvier 2007
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Mesdames et messieurs, la séance est ouverte.
Nous en sommes à la trentième séance de notre étude des Forces canadiennes en Afghanistan et je crois que c'est même notre dernière séance et qu'ainsi nous devons dire à nos témoins que nous avons gardé les meilleurs pour la fin.
Nous vous souhaitons la bienvenue. Nous nous félicitons que vous ayez réussi à trouver le temps de venir nous voir. Nous sommes reconnaissants au greffier et autre personnel des efforts qu'ils ont déployés pour organiser cette rencontre.
Nous recevons aujourd'hui de l'Afghan Women's Organisation, Adeena Niazi; de Droits et Démocratie, Ariane Brunet, coordonnatrice; et de Open Society Institute, Rina Amiri. L'autre dame qui est assise à la table n'est pas vraiment ici à titre de témoin; elle veut simplement apporter son appui moral à Rina.
Nous avons également reçu un avis de motion de M. Cannis dont nous pourrons nous occuper à la fin de cette réunion, si cela vous convient, monsieur.
Parfait.
M. Cannis suggère que nous ne discutions pas de sa motion aujourd'hui. Nous devons avoir une réunion jeudi pour discuter des travaux futurs. Est-ce d'accord?
Bien. Nous allons donc simplement aujourd'hui entendre nos témoins. Nous nous occuperons de cette motion jeudi.
Merci, John.
Choisissez entre vous qui va commencer. Habituellement, nous vous donnons à chacune la possibilité de faire quelques observations avant que nous passions aux questions des députés. Nous avons deux heures, jusqu'à 11 heures et nous devons essayer de terminer à l'heure car la plupart d'entre nous ont d'autres obligations après.
Que celle qui veut commencer le fasse, prenez le temps qu'il vous faut. Quand nous vous aurons entendu toutes les trois, nous passerons aux questions. Allez-y.
Madame Brunet.
[Français]
Je vous remercie de nous avoir invitées. La question des droits des femmes va pouvoir éclairer la question de la sécurité relativement aux réalités des droits des femmes en Afghanistan.
Les droits des femmes en Afghanistan sont l'aulne à laquelle peuvent se mesurer les promesses faites aux Afghans alors que s'élaboraient en 2001 les politiques étrangères de la communauté internationale à l'égard de ce pays et que se mettait en branle la guerre contre le terrorisme. Les droits des femmes sont aussi l'aulne à laquelle se mesurent l'évolution du discours sur l'égalité, la militarisation de la paix et la lutte contre la pauvreté à l'ère des objectifs du Millénaire pour le développement. Les droits des femmes en Afghanistan nous poussent également à nous interroger sur le type de sécurité que nous choisissons de privilégier, sur celui que réclament les femmes d'abord et la population afghane en général et sur le type de sécurité qu'exigent un État de droit, un travail de reconstruction et de développement.
Or, tous les rapports sortis au cours des six derniers mois sont clairs. S'il y a eu une lueur d'espoir en 2002 et en 2003, si des principes de base ont été adoptés tant dans la Constitution afghane que dans les divers programmes mis en place par le gouvernement afghan, la communauté internationale et les ONG, la détérioration de la sécurité toute relative qui prévalait jusqu'à maintenant fait en sorte que la violence faite aux femmes a pris des proportions endémiques. Les droits des femmes sont et, pour l'heure, resteront du domaine du discours.
De quoi parlons-nous? La vaste majorité des Afghans ne jouissent pas des droits fondamentaux tels que l'eau, la nourriture et l'habitation. Le manque d'électricité dans des villes comme Kaboul reste un problème majeur. L'an dernier, le revenu domestique per capita était de 13 $. Il n'y a pas de statistiques, mais tous vous diront que le chômage est l'un des facteurs importants qui alimentent les conflits, les milices des chefs de guerre, le trafic de la drogue et les autres types d'économie criminelle. Le manque d'infrastructures, l'absence d'emplois, une sécurité dysfonctionnelle, la concentration militaire de la communauté internationale avec comme but premier la lutte contre le terrorisme, l'absence de politique face au soutien des talibans par le Pakistan, le manque de coordination de la communauté internationale dans le secteur du développement et de la reconstruction, tout concorde pour que les droits des femmes soient et restent la dernière des priorités. Pourtant, 71 p. 100 de la population est composée de femmes et d'enfants, et l'âge moyen est de 18 ans.
[Traduction]
Au XXe siècle, les Afghanes ont pu espérer à maintes reprises que la modernisation ferait progresser la reconnaissance de leurs droits. À chaque fois, les réformes se sont accompagnées de réactions ultra conservatrices. Les femmes sont les victimes de la lutte de pouvoir constante depuis 27 ans que l'Afghanistan est en guerre.
Elles font aussi l'objet de luttes internes terribles, certains groupes en Afghanistan considérant que les droits des femmes font partie de l'occidentalisation dont la présence massive de la communauté internationale est à l'origine dans ce pays. La montée de la violence contre les femmes ces cinq dernières années s'explique par le stress extrêmement élevé dont souffre la population et par la profonde déception que ressent ce peuple face à un processus de paix faussé qui entretient la guerre contre le terrorisme.
Quand ils ont vu construire le quartier de la MANUA et arriver l'ISAF pour protéger la capitale, les Afghans ont reconnu que les forces internationales apportaient une contribution utile à la reconstruction d'un État central et protégeaient la population contre une reprise de la guerre civile. Ils s'attendaient à ce que l'on mette en place un mécanisme de protection sociale, des mesures qui permettaient de commencer à éliminer la pauvreté mais ils ont constaté que la sécurité en question ne correspondait pas à ce dont ils avaient besoin. Les femmes espéraient que cela signifierait le maintien de l'ordre et la plupart des Afghans restent particulièrement inquiets de l'occupation illégale de territoires et de logements par les terroristes et leurs alliés. Dans le régions rurales, les femmes espèrent voir la fin des menaces constantes des factions armées locales, des réseaux de narcotiques et d'autres trafiquants.
Au printemps 2005, le rapport de l'expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme en Afghanistan, M. Cherif Bassiouni, a fait état d'arrestations illégales et de torture ainsi que de la mort d'Afghans détenus par l'armée américaine en Afghanistan. En même temps, les opérations contreterroristes ont fait de plus en plus de victimes civiles. En mai 2005 le gouvernement américain a annoncé qu'il institutionnaliserait sa présence militaire.
Un an avant, le Human Rights Research and Advocacy Consortium, consortium de six ONG afghanes et de six ONG internationales dont le rôle est de sonder la population afghane deux fois par an sur des questions de droits civils et politiques, de sécurité et d'économie, a publié son deuxième sondage. Celui-ci révélait que la sécurité était un besoin pressant. Droits et Démocratie est membre de ce consortium. La sécurité, pour la population, signifiait retirer les armes aux milices et aux seigneurs de la guerre, un véritable désarmement et une augmentation des prisons de sécurité nationale et internationale afin de maintenir la paix et la primauté du droit.
La différence entre les sexes se traduit ainsi en ce qui concerne la sécurité : viol conjugal, agressions sexuelles, mariages d'enfants, mariages forcés et autres formes de violence familiale. L'Afghan Independent Human Rights Commission estime que de 60 à 80 p. 100 de tous les mariages en Afghanistan sont des mariages forcés et qu'environ 57 p. 100 des filles sont mariées avant l'âge de 16 ans. Comme l'a noté le rapporteur spécial de l'ONU sur la violence à l'égard des femmes, on ne respecte aucune loi pertinente et les criminels ne sont jamais punis. Elle a ajouté que la situation économique joue un rôle important dans ces mariages. En effet, les filles sont considérées comme des atouts précieux échangeables contre de l'argent et des biens.
Lors de sa 50e session en mars 2006, la Commission de l'ONU sur la condition de la femme a fait remarquer, et je cite :
... les enlèvements, l'isolement forcé, les meurtres soi-disant pour sauver l'honneur et l'échange des filles et des femmes contre une dette ou pour régler une bagarre... restaient une réalité très réelle pour les femmes et les filles en Afghanistan et l'un des obstacles constants à la responsabilisation des femmes et à l'égalité entre les sexes. Le manque de soutien et de réactions face à la violence dont sont victimes les femmes explique le taux élevé d'auto-immolation... en 2005. Les femmes sont souvent dissuadés ou se voient interdire de poursuivre des activités en dehors du foyer... Des cas de prostitution forcée et de trafic entre femmes étrangères et femmes et enfants afghans ont également été signalés...
Qais Bawari, présidente intérimaire de l'Afghan Independent Human Rights Commission pour la région du sud, basée à Kandahar, a déclaré que son organisation avait reçu 69 cas d'auto-immolation et de meurtres des provinces d'Helmand et de Kandahar en 2006 seulement.
Comme l'a rapporté l'IRIN, le service de nouvelles de l'ONU, Qais Bawari a ajouté que plusieurs « étaient liés à des mariages en échange de narcotiques ». L'IRIN a également mentionné que le « responsable du Département des affaires féminines à Helmand, Fawzai Ulomi, avait déclaré que plus de 20 femmes et filles s'étaient donné la mort au cours des dix derniers mois — la plupart d'entre elles ayant été troquées à des trafiquants en échange de drogues ou pour régler un conflit familial. »
Les talibans et autres milices continuent à recourir aux menaces de mort et attaques physiques pour intimider les femmes, particulièrement celles qui travaillent avec les ONG. Enfin, comme l'a signalé Human Rights Watch World Report 2007, les insurgés ont attaqué des centaines d'enseignants, élèves et écoles. Plus de 200 000 écoliers qui allaient à l'école en 2005 ont été privés d'instruction en 2006. Si nombreuses étaient les filles qui allaient à l'école immédiatement après la chute des talibans, Human Rights Watch estime que seulement 35 p. 100 des filles d'âge scolaire allaient à l'école en 2006. Les écoles de filles ont été directement ciblées.
L'organisation intensive de l'Afghanistan autour du besoin de sécurité, non seulement pour lui mais également pour des fins régionales et internationales, a changé notre compréhension l'assistance humanitaire et de la défense des droits de l'homme. La présence de la force internationale d'assistance à la sécurité et de l'OTAN, le rôle des services de sécurité privés, le rôle varié de l'armée américaine et les agents de sécurité privés retenus par l'armée américaine, la présence des forces de la coalition, le contrôle maintenu des territoires par les seigneurs de la guerre qui travaillent en fonction des ethnies, les tensions continues aux frontières, les soldats du commerce des narcotiques et du sexe, les exigences à la fois des organismes donateurs et des ONG et la capacité de présenter leur travail en tenant compte de la militarisation d'une société qui a déjà connu plus de 25 ans de guerre — tout ceci change les relations entre les sexes.
Du point de vue des droits de la personne, travailler en Afghanistan pour les droits des femmes est une tâche énorme. La militarisation de la paix, ce qui entraîne la normalisation de la violence, combinée aux effets d'années de conflits, de pauvreté et de catastrophes naturelles, la faiblesse d'une autorité centrale contestée et une population qui est essentiellement rurale et très peu au fait des institutions de contrôle de l'État rend la lutte pour l'acceptation de la démocratie et des droits de la personne extrêmement complexe. Cela nécessite que nous comprenions mieux les effets sur lies femmes de la brutalisation par la militarisation de leur société, de la population et de leurs familles.
Les femmes sont contrôlées par les relations tribales. Comme l'a dit Deniz Kandiyoti, « les femmes ont toujours été et restent les pupilles de leurs familles et de leurs groupes sociaux ». L'État n'a pas une importance vitale pour la société afghane et les tensions constantes entre l'État et la loi tribale sont le contexte dans lequel nous travaillons au cadre normatif des droits des femmes en Afghanistan. « Le domaine familial et le contrôle des femmes sont parmi les domaines les plus jalousement gardés dans la reproduction des identités infranationales ». C'est le contexte dans lequel le gouvernement, les organismes d'aide au développement et les ONG doivent travailler ensemble pour donner un sentiment de citoyenneté aux femmes afghanes.
Enfin, les forces conservatrices combinées et l'exportation d'idéologies et de pratiques fondamentalistes qui ont toujours cours depuis les décrets du régime taliban ainsi que les pratiques tribales et coutumières ne doivent pas échapper à l'analyse des voies et moyens à suivre pour défendre les droits des femmes. Les femmes en général, ainsi que les groupes féminins, sont très conscientes de l'environnement hostile dans lequel évoluent leurs droits.
Un autre obstacle qu'il ne faut pas négliger est celui de l'administration publique dans ce pays. Comme l'ont signalé Barnett Rubin et d'autres experts de l'Afghanistan, l'origine de l'État moderne est un phénomène récent qui se situe dans la confédération des tribus Pashtun qui se sont finalement transformées en état dynastique. Alors que l'État exige l'unité, les tribus ont besoin de L'État pour demeurer à la périphérie. C'est dans cette relation conflictuelle que les droits des femmes se situent. L'introduction de la shariah dans les années 1900 représentait le modernisme, si on veut comparer avec les pratiques coutumières et tribales. Aujourd'hui, les victoires mujahedeen islamiques, les années d'adoration des héros de guerre, l'héritage du régime taliban et la nécessité de protéger sa propre culture contre la présence occidentale sur le sol afghan ont durci l'interprétation de la loi sharia.
D'autres indices des difficultés que l'on éprouve à défendre les droits des femmes dans l'appareil étatique ont été notées dans la récente discussion que Droits et Démocratie a eue avec des femmes parlementaires afghanes sur la question des mahrarrs, les gardes militaires hommes. On a soulevé la question après que certaines femmes parlementaires aient été invitées à participer à des réunions à l'étranger. Beaucoup de parlementaires de sexe masculin se sont opposés à ce que ces femmes voyagent seules, sans être accompagnées de mahrarrs. Le Parlement élu n'est pas un allié immédiat dans la lutte pour les droits des femmes.
Comme dans beaucoup d'autres pays, on a réalisé des progrès importants en matière de droits. La ratification de la CEDAW, sans réserve — c'est le seul pays musulman au monde à avoir fait cela — et la garantie d'égalité inscrite dans la nouvelle constitution en sont la preuve. Toutefois, beaucoup continuent à dire que si l'on ne résout pas la question du rôle des lois islamiques et tribales et la questions des traités internationaux sans consensus, les droits des femmes continueront à rester un élément de négociation puissant entre les différentes factions politiques.
Il faudrait beaucoup plus de temps pour analyser si ces instruments internationaux exécutoires en ce qui concerne les droits de la personne comportent des mécanismes de mise en application. En outre, si l'on ne peut mesurer ces réalisations, tenir compte de la loi islamique et des lois tribales, l'égalité et la non-discrimination resteront des principes seulement sur papier.
Dans son rapport de mission de juillet 2005, Yakin Ertürk, rapporteur spécial de l'ONU sur la violence contre les femmes, conclut :
Les efforts visant à améliorer la condition féminine sont étroitement liés aux défis des transitions multiples auxquelles fait actuellement face la société afghane. En gros, ces transitions incluent la transition entre conflit et paix, entre économie de guerre fragmentée et croissance économique durable, entre faction et réconciliation nationale et entre primauté du pouvoir et primauté du droit. Tout cela va prendre du temps. Assurer le contrôle du gouvernement et la sécurité dans toutes les régions du pays est certainement une condition préalable nécessaire à l'établissement de la primauté du droit dans tout le territoire et a la possibilité pour tous les citoyens de profiter de la reconstruction et du développement. En attendant, les femmes et les filles doivent être protégées contre la violence de façon urgente.
Ces multiples transitions exigent absolument des activités réelles de maintien de la paix accompagnées par des stratégies de sécurité visant le renforcement de l'État.
Après six ans, les femmes ont besoin de beaucoup plus de temps pour jouer un rôle dans le processus de paix et la reconstruction et le renforcement de leur société. À l'heure actuelle, elles sont victimes de promesses rompues et de nouvelle violence. Les femmes ont besoin de temps pour s'organiser et établir des réseaux de soutien. Elles ont besoin de temps pour guérir, pour apprendre, pour arrêter des stratégies et pour reprendre confiance, pour se doter de capacité locale et se lancer dans des programmes de défense de leurs droits afin de mettre fin à cette culture d'impunité. Les Canadiens ont fermement indiqué qu'ils souhaitaient soutenir les femmes en Afghanistan. Ceci devrait se traduire non pas en fonds accrus ou aide militaire accrue mais en temps et diminution des tensions.
Merci.
Je tiens tout d'abord à remercier le Comité permanent de la défense nationale d'avoir invité l'Organisation des femmes afghanes à venir lui parler de la présence canadienne en Afghanistan, notamment par rapport aux femmes.
En tant que Canadienne d'origine afghane, je suis reconnaissante au Canada pour le rôle qu'il joue en vue d'assurer la sécurité et le développement dans mon pays natal déchiré par la guerre. Tout comme mes compatriotes afghans en Afghanistan et la grande majorité des Afghans vivant au Canada, nous appuyons la présence des Forces canadiennes et internationales en Afghanistan. Nous sommes reconnaissants pour le partenariat et la solidarité de la population canadienne. Nous sommes persuadés que la communauté internationale a un rôle important à jouer en vue d'établir la paix et la sécurité en Afghanistan. Ainsi, la stabilité sera assurée dans le reste du monde.
Ce mois-ci, l'Organisation des femmes afghanes a tenu une conférence nationale sur la participation civile des femmes afghanes au Canada, conférence au cours de laquelle 300 délégués ont adopté une résolution à l'appui de la mission canadienne en Afghanistan. La résolution, qui détaille nos recommandations relativement au rôle du Canada en Afghanistan, a été envoyée aux parlementaires. C'est ce qui va servir de point de départ à mes remarques aujourd'hui.
Si vous me permettez de faire maintenant l'analyse de l'engagement du Canada en Afghanistan, l'Organisation des femmes afghanes est préoccupée par le fait que l'actuel débat sur la mission canadienne en Afghanistan tend à simplifier et à politiser à l'excès le conflit très complexe et la crise humanitaire qui frappent notre pays d'origine. Nous ne croyons pas que la politique canadienne doive se limiter à un retrait complet ou au maintien de la mission militaire canadienne dans sa forme actuelle. La présence militaire canadienne est essentielle, mais nous estimons par ailleurs que le Canada et ses partenaires internationaux peuvent et doivent opter pour une démarche plus équilibrée afin d'amener la paix et la sécurité à l'Afghanistan.
En ce qui concerne la nécessité d'assurer un meilleur équilibre, l'aide internationale en Afghanistan est constituée de deux éléments essentiels: l'aide militaire et l'aide au développement. Nous sommes d'avis qu'un nouvel équilibre doit être assuré en faveur d'une importance plus grande accordée au travail humanitaire et au développement.
L'engagement qu'a pris le Canada de contribuer 100 millions de dollars par an jusqu'en 2010-2011 inclusivement en fait l'un des cinq premiers pays donateurs d'aide à l'Afghanistan. L'argent réservé à la reconstruction, la réduction de la pauvreté et au renforcement de la gouvernance en Afghanistan va certainement avoir des effets positifs, mais cet argent ne représente qu'une fraction des 4 milliards de dollars qui serait vraisemblablement consacrée aux dépenses militaires d'ici à 2009.
L'expérience d'autres pays qui tentent de se remettre d'une guerre nous apprend qu'il faudrais plus d'argent et de soutien de la part du Canada et de la communauté internationale afin de renforcer la gouvernance et la société civile.
À l'heure actuelle, les fonds sont insuffisants pour répondre aux besoins essentiels pour la survie de la population afghane. Il y a un manque à gagner de six millions de dollars par rapport au montant demandé par les agences onusiennes afin de répondre aux besoins des 80 000 personnes qui auraient été déplacées par l'intensification des combats et par la sécheresse au fil des ans.
Cela dit, nous tenons par ailleurs à souligner les efforts du gouvernement canadien pour répondre aux besoins particuliers des femmes, notamment la subvention de 1,75 million de dollars qui a été annoncée récemment afin d'appuyer la santé maternelle chez les femmes ainsi que l'alphabétisation dans la province de Kandahar; nous estimons cependant que le Canada doit dépenser encore plus pour le développement.
Il faudrait une approche militaire différente.
La présence des Force armées canadiennes est essentielle pour stabiliser et soutenir l'actuel processus politique en Afghanistan. Cependant, la stabilité de la société afghane est menacée non pas seulement par les combattants talibans, mais aussi par les seigneurs de guerre puissants — comme mon ami l'a si bien dit — et leurs milices, qui exercent leur emprise sur de grands pans du territoire ainsi que par beaucoup des caïds de la drogue. Cela veut dire que les forces armées doivent revoir leur stratégie, qui ne cible que les Talibans. Il faut absolument désarmer et démobiliser les groupes armés en Afghanistan.
Les Forces armées canadiennes et leurs alliées doivent également revoir leur stratégie de combat, qui inflige des souffrances énormes à la population civile. Les opérations militaires ont fait et continuent de faire des victimes parmi les civils et à causer des dommages matériels, qui occasionnent des déplacements internes et externes.
En outre, la tactique des forces armées qui consiste à lancer des opérations et à se retirer ensuite dans leur base après avoir bombardé des villages est malavisée. L'Afghanistan a besoin que la sécurité aille de pair avec le développement afin de pouvoir atteindre des résultats mesurables. À l'heure actuelle, nous avons l'impression qu'on met beaucoup trop l'accent sur les opérations de combat. Il faut plus de troupes afin d'assurer la stabilité et la protection de la population civile et de promouvoir le développement socio-économique dans le pays tout entier.
Faire le lien entre la sécurité et le développement économiques.
Jusqu'à maintenant, le développement économique en Afghanistan se fait très lentement et ne s'est pas traduit par une amélioration tangible de la vie des citoyens. Les infrastructures essentielles comme les aqueducs, les services d'électricité et les routes sont toujours dans un état lamentable. Il y a un urgent besoin d'accélérer le développement de ces infrastructures essentielles. Le manque de sécurité est lié au fait qu'on a négligé le développement économique en Afghanistan. Ce pays déchiré par la guerre connaît un niveau de chômage extrêmement élevé.
Donner un plus grand rôle à la société civile et soutenir le développement des femmes.
La reconstruction de l'Afghanistan dépend de l'existence d'une société civile forte. Cependant, le soutien aux organisations de la société civile a été insuffisant au cours des cinq dernières années. Ces organisations sont bien plus efficientes et efficaces que le gouvernement pour ce qui est de régler nombre des problèmes sociaux et de répondre aux besoins de la population. Ainsi, ce sont les organisations communautaires et non gouvernementales qui sont les mieux placées pour éliminer les nombreux obstacles et restrictions avec les lesquels les femmes afghanes sont aux prises.
Les femmes en Afghanistan ont besoin d'une attention particulière parce qu'elles ont connu d'énormes souffrances au cours des années de guerre et qu'elles continuent à vivre dans la pauvreté et à souffrir de discrimination et de violence. Ma collègue Ariane a parlé des souffrances des femmes afghanes. Pour autonomiser les femmes, il ne suffit pas de leur donner des droits politiques comme le prévoit la constitution. Il faut également leur donner une emprise sur leurs conditions économiques et éliminer la discrimination dont elles sont victimes. Beaucoup de femmes continuent à vivre dans une pauvreté extrême. Trente ans de guerre et de destruction ont fait des centaines de milliers de veuves de guerre qui sont chefs de famille. Pour ces raisons, la formation et l'emploi des femmes devraient être une priorité dans les projets de développement.
Recommandations relatives à la politique du gouvernement du Canada.
Afin d'instaurer une paix et une sécurité réelle et durable en Afghanistan, nous incitons vivement le gouvernement du Canada à coordonner ses actions avec ses partenaires de l'OTAN et de l'ISAF afin de veiller à ce que les opérations militaires aillent de pair avec la protection de la population civile, le soutien à la bonne gouvernance et à la primauté du droit et la promotion de la reconstruction et des programmes de développement; d'assurer la conformité des opérations militaires avec le droit humanitaire international en prenant toutes les mesures voulues pour éviter de faire des victimes chez les civils; de s'en prendre à tous les acteurs qui sont à l'origine et l'insécurité et de la violence en Afghanistan, notamment en protégeant les civils afghans des seigneurs de guerre régionaux, des groupes armés légaux ainsi que des Talibans; de mettre en place un programme de désarmement et des stratégies efficaces pour lutter contre le trafic de la drogue; de consacrer suffisamment de ressources et de troupes pour réaliser une mission efficace d'établissement de la sécurité et de la paix dans tout le pays et pour mettre au point des stratégies militaires appropriées pour les différentes régions du pays; de soutenir le développement des institutions de la société civile et, notamment de la société civile féminine; d'établir de nouveaux liens et de renforcer les liens existants entre les institutions de la société civile au Canada et en Afghanistan; d'accélérer le développement économique afin d'éliminer la pauvreté; et de poursuivre les efforts pour soutenir la professionnalisation de la police et de l'armée afghanes grâce à un financement et une formation soutenus et à long terme.
Je vous remercie d'avoir bien voulu m'écouter.
Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie les distingués membres du comité et ses invités de m'avoir donner la possibilité de venir vous parler de la situation en Afghanistan.
Je vais vous parler sans me servir de mes notes puisque, comme je suis la dernière à prendre la parole, je ne veux pas répéter des choses que mes collègues ont déjà dites. Je pourrais peut-être simplement vous faire part de mon expérience personnelle en Afghanistan au cours des cinq dernières années. Je suis d'origine afghane. Je suis retournée en Afghanistan il y a cinq ans pour contribuer au processus de paix, et j'ai surtout travaillé avec les Nations Unies à la mise en oeuvre de l'Accord de Bonn.
Ces deux dernières années, j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de m'adresser à des auditoires aux États-Unis et en Europe pour leur parler de la situation des femmes afghanes. Chaque fois, c'était l'occasion de mesurer les progrès réalisés. La couverture médiatique des femmes varie énormément. Dans certains cas, on présente leur situation de façon très optimiste, en soulignant des faits et des chiffres qui semblent indiquer que la situation des femmes afghanes a beaucoup changé pour le mieux, que les femmes afghanes sont maintenant émancipées et autonomes et qu'elles ont beaucoup plus de pouvoir qu'elles n'en avaient auparavant.
J'ai aussi lu récemment des articles surprenants dans des journaux canadiens, où l'on donnait à entendre qu'aucun progrès n'avait été fait, que la situation des femmes est vraiment lamentable et qu'elle s'est en fait détériorée. Ma perception à moi se trouve quelque part entre les deux.
Il y a cinq ans, quand je suis retournée en Afghanistan — et je vous parlerai même de ce qui s'est passé avant cela, en tant que femme afghane qui a examiné la situation dans son pays —, à part des périodes par ci par là où nous avons eu des possibilités, où nous avons eu des femmes au Parlement, où nous avons également eu des femmes qui ont participé aux processus politiques, les progrès réalisés dans le domaine politique en Afghanistan sont sans précédent. Nous avons même eu une femme vice-présidente au sein de notre gouvernement, qui a été créé par l'Accord de Bonn. Vous connaissez ces faits et ces chiffres, mais je voudrais tout de même les souligner. Lors de la première élection présidentielle de l'histoire de notre pays, il y a une femme qui s'est présentée comme candidate. Il y a des femmes qui participent à tous les processus : elles sont représentées dans une proportion de 12 p. 100 au Loya Jirga d'urgence, de 20 p. 100 au Loya Jirga constitutionnel, et de 27 p. 100 au Parlement. J'estime qu'il s'agit là de gains importants, qui ne sont pas purement symboliques.
Parmi les nombreuses fonctions que j'ai assumées au service des Nations Unies, j'ai notamment assuré la liaison avec le Parlement, et ce qui m'a frappée, c'est l'ampleur de la participation des femmes au Parlement. Je ne m'attendais pas à cela. Il y avait des femmes qui avaient été élues au niveau local, qui étaient jusque-là inconnues, et qui prenaient la parole avec autant de force que les hommes et qui avaient une place presque égale à celle des hommes au Parlement. Quand une femme levait la main, elle avait le même droit de participer qu'un homme qui levait la main, alors que ce n'était pas le cas au Loya Jirga d'urgence ni au Loya Jirga constitutionnel. Les femmes étaient représentées à ces jirgas, c'est sûr, mais elles n'avaient pas droit au même niveau d'égalité. Il y a maintenant des règles et des procédures en place pour que, lorsqu'une femme ou un homme, que ce soit quelqu'un de la province de Helmand, de Panjshir ou de Baghlan, lève la main, et les noms sont notés et chacun a l'occasion de prendre la parole. Ce ne sont pas seulement les femmes de Kaboul qui retiennent l'attention des médias qui ont le droit de parole. Les femmes les plus en vue, celles dont la voix se fait le plus entendre, sont des femmes dont je n'avais jamais entendu parler auparavant, des femmes du Laghman, des femmes pashtunes, qui sont souvent présentées comme étant des femmes opprimées. C'était et c'est encourageant.
La société civile s'est considérablement développée à mon avis. Je suis entièrement d'accord avec ma collègue pour dire qu'on n'a pas consacré suffisamment d'attention ou de ressources à la société civile, mais la société civile a profité de l'occasion qui s'offrait à elle pour émerger et faire entendre sa voix, notamment les organisations féminines.
Plus de 200 organisations féminines que je connais ont été enregistrées, et elles ont établi des réseaux.
Depuis deux ou trois ans, les processus politiques font appel aux organisations de la société civile pour s'occuper d'éducation civique et communiquer de l'information au sujet des élections, et c'est ce qui a donné aux femmes la possibilité d'étendre leurs réseaux au-delà de Kaboul. J'estime que le travail préparatoire qui a été fait est considérable. On voit maintenant qu'il a une plus grande pluralité de voix. Ces voix ne travaillent pas toujours de façon harmonieuse, mais, ayant travaillé avec des organisations féminines dans bien des pays du monde, je peux certainement vous dire que ce qui se passe en Afghanistan n'a rien d'unique.
Il s'agit là de progrès importants que nous devrions souligner et que nous devrions applaudir. Mais j'ai également vu, comme l'ont noté mes collègues, des régions où il n'y a malheureusement eu aucune amélioration.
Et les améliorations importantes sont survenues, pour la plupart, dans les centres urbains, notamment à Kaboul, où la majorité des ressources sont toujours concentrées. La vie des femmes dans les milieux ruraux ne s'est pas améliorée. La situation des femmes en matière de santé est toujours très inquiétante. Les femmes ont toujours le taux de mortalité le plus élevé en Afghanistan. Plus de 40 p. 100 des femmes meurent de causes liées à la maternité.
Comme l'ont déjà fait remarquer mes collègues, la traite des femmes, le fait que les femmes sont mariées alors qu'elles sont encore mineures et le fait qu'elles soient contraintes de se marier, ce sont là autant de problèmes auxquels on n'a pas encore trouvé de solution satisfaisante. Nous avons des lois qui interdisent tout cela. Notre constitution et nos lois civiles l'interdisent expressément, et la charia l'interdit également, mais ces pratiques sont toujours courantes.
La violence conjugale est un grave problème, et l'on commence lentement à le reconnaître. Cela a toujours été un problème en Afghanistan, mais maintenant c'est quelque chose dont tout le monde semble être au courant. Les gens sont donc sensibilisés au problème, mais on ne fait rien pour le régler. Il y a quelques refuges pour femmes, surtout à Kaboul et à Herat, je crois. Il y en a trois ou quatre à Kaboul et un à Herat, mais la situation des femmes est désespérée, et il y a trop longtemps qu'elles attendent qu'on règle ce problème.
Il y a eu des progrès dans certains domaines. Malheureusement, ces progrès ne sont plus là, et il y a même eu un recul. Il y a notamment la sécurité qui s'est en fait détériorée. Quand je suis retournée en Afghanistan il y a cinq ans, une de mes premières fonctions a été de travailler au processus du Loya Jirga d'urgence. Je me suis rendue dans le sud. J'ai travaillé dans les provinces de Kandahar, Helmand et Zabol. Je me souviens que, quelques jours après mon arrivée à Kandahar, j'étais dans mon bureau et quelqu'un, un des gardiens, a amené une femme qui, m'a-il dit, voulait me parler. Elle s'est assise, m'a serré la main énergétiquement et m'a dit : « Maintenant que j'ai trouvé une femme afghane au bureau, je vais vous demander ce que vous allez faire pour nous aider à participer au processus politique. Nous voulons faire partie du Loya Jirga d'urgence. Vous êtes une femme, vous êtes afghane, et vous allez nous aider. » Puis elles ont lancé tout le processus qui leur a permis de participer véritablement au Loya Jirga d'urgence.
La communauté internationale ne savait pas trop comment ni dans quelle mesure elle allait pouvoir assurer la participation des femmes dans le sud à cause de la perception qu'on avait de la culture du sud comme étant très conservatrice. Je me suis retrouvée avec une collègue, elle aussi ressortissante, et nous nous sommes rendus toutes les deux seules à Helmand et à Zabol pour y rencontrer les femmes. Et je me souviens, une fois que nous sommes arrivées à Helmand, pas plus d'une heure après notre arrivée, il y avait plus d'une centaine de femmes dans l'école qui étaient là pour nous entendre leur expliquer comment elles pourraient participer au processus du Loya Jirga d'urgence. Il y avait chez elles une soif, une impatience, un grand désir de participer, et elles étaient conscientes qu'il y avait là une ouverture pour elles.
L'école où je me suis rendue est fermée maintenant à cause des problèmes de sécurité. C'est une des 165 écoles qui ont été fermées à Helmand. Auparavant, il y avait 6 p. 100 des femmes qui fréquentaient l'école, alors vous pouvez vous imaginer quelle est la situation en fait d'éducation maintenant. C'est une des 290 écoles qui ont été fermées en Afghanistan à cause des problèmes de sécurité.
Plus de 130 écoles en Afghanistan ont été la cible d'incendies criminels depuis deux ans. Comme l'ont souligné mes deux collègues, sur les trois millions d'étudiants dont nous avions célébré le retour à l'école, 200 000 ne vont plus à l'école. Un grand nombre de ceux qui ne peuvent plus aller à l'école sont des femmes et des filles. J'estime que c'est là une des grandes tragédies qui sont survenues, et c'est là un domaine où nous avons subi des pertes considérables.
Une des premières femmes avec qui j'ai travaillé à Kandahar, Safia Amajan, a été tuée en septembre 2006. Cela a été une tragédie nationale et une tragédie personnelle pour moi que de voir que cette femme qui avait tant sacrifié avait été abattue. Elle avait demandé des services de protection, comme vous le savez, mais on les lui avait refusés. Onze bureaux sur 34, des Affaires féminines en Afghanistan et dans les provinces, soit 30 p. 100 du total, ont reçu des menaces. Le plus souvent, ces menaces se font sous forme de lettres qui arrivent pendant la nuit. Il n'y a pas eu de mesures systématiques comme celles qui seraient nécessaires pour régler ce problème. C'est là une source de grande inquiétude.
Ce dont j'entends beaucoup parler dans l'Occident, quand j'y viens, c'est du réel désir de la communauté internationale de faire quelque chose au sujet de la situation en Afghanistan. En 2001, voici l'appel qui a été lancé : Voyez quelle est la situation des femmes; voyez ce que les femmes ont souffert en Afghanistan; nous devons nous mobiliser et faire quelque chose. C'était le cri de ralliement. Mais l'on ne peut pas améliorer la situation des femmes sans améliorer la situation en matière de sécurité dans son ensemble.
Je trouve paradoxal que, d'une part, les gens parlent de la situation des femmes et de la nécessité d'intervenir, alors qu'ils refusent de s'engager sur le plan militaire en Afghanistan, qu'ils refusent d'y envoyer des soldats. Il y a une certaine hésitation. La situation des femmes n'existe pas en vase clos. Les femmes font partie de la société afghane. Comme dans tous les pays du monde qui sont en proie à des conflits, ceux qui souffrent le plus de l'instabilité qui en découle sont les femmes et les enfants. Nous avons vu ce que les femmes ont enduré en Afghanistan. À moins d'un engagement ferme à envoyer des soldats sur le terrain et rétablir la sécurité en Afghanistan, la situation des Afghanes ne va pas s'améliorer.
Je ferai seulement quelques autres remarques parce que je sais que nous n'avons presque plus de temps.
L'autre élément important relativement à la situation des femmes en Afghanistan est le fait que les droits des femmes sont en quelque sorte une ligne rouge pour la communauté internationale. Je sais que, dans une certaine mesure, les droits des femmes en sont devenus un enjeu occidental, mais il en a toujours été ainsi. Les conservateurs purs et durs ont toujours réagi ainsi à toutes les étapes de notre histoire, en disant que les droits des femmes sont artificiels, qu'ils ne font pas partie de notre culture. Mais je pense que nous avons un fondement assez solide dans la culture afghane pour contrer cette perception.
C'est l'argument qui avait été invoqué dans les années 20 lorsque Amanullah Khan, notre premier roi progressiste, avait tenté de réaliser des progrès. Dans les années 50, notre roi, qui est maintenant en Afghanistan, a tenté d'instaurer des réformes. Les fondements ont été jetés, et maintenant il y a un grand nombre d'Afghanes et d'Afghans qui croient que les femmes devraient avoir certains droits, notamment le droit à l'éducation. Il y a toutefois des divergences d'opinions. Certains disent que les femmes devrait pouvoir se rendre jusqu'à la sixième année, pas plus, d'autres refusent qu'elles aillent à l'école secondaire, et d'autres encore, qui sont sans doute moins nombreux, disent qu'elles devraient pouvoir faire des études plus poussées.
Cela fait cependant partie de notre culture. Le droit de travailler fait partie de notre culture. Je mets au défi ceux qui disent que si nous le faisons , si nous faisons valoir cet argument, les Afghans rejetteront. Les Afghans ne veulent pas du féminisme occidental en Afghanistan, mais ils acceptent que les femmes aient des droits. Les communautés internationales devraient continuer d'insister sur les droits des femmes. Le gouvernement de l'Afghanistan doit tenir compte à l'heure actuelle de deux parties intéressées, soit les conservateurs et la communauté internationale. Franchement, ce sont les deux parties intéressées qui ont du pouvoir. Notre société civile reste faible et il n'en est qu'à ses premiers pas et nous avons donc besoin de la communauté internationale pour lui donner de la force. Cela est très important. Ce sont les pressions exercées par les communautés internationales qui ont créé cet espace.
Les partisans de la ligne dure ont également exercé des pressions et ont été efficaces. Si le ministère du vice et de la vertu a été rétabli au sein du gouvernement, c'est grâce aux pressions exercées par les conservateurs. Cependant, la communauté internationale doit être présente afin d'exercer un effet de levier pour la société civile afin de s'assurer que l'on surveille de telles activités pour ne pas revenir en arrière par rapport aux réformes que nous avons créées, et aussi afin de s'assurer que la société civile et les organisations féminines ont un appui. Elles en ont besoin à ce moment-ci.
Je dirais également qu'il est très important de s'assurer la participation des hommes lorsqu'on parle des questions féminines en Afghanistan. Dans certains cas, il y a eu une polarisation, c'est-à-dire un ressentiment de la part des hommes face à l'importance que les communautés occidentales accordent aux droits des femmes, au point où ils se sentent exclus. Impliquez les hommes. Lorsque j'ai participé à des missions en Afghanistan, souvent c'était les hommes, que je devais rencontrer d'abord avant de rencontrer les femmes, qui disaient qu'ils voulaient des écoles pour les femmes dans leur région. En fait, j'ai participé à une mission de la Banque mondiale où l'on devait trouver un endroit pour des projets de reconstruction. Nous étions dans un village et il y avait là des gens d'un autre village. Ils insistaient avec beaucoup de force pour que nous allions dans leur village afin d'y établir une école pour les filles — jusqu'à la sixième année sans doute. En tout cas, c'est ce qu'ils voulaient.
Il faut s'assurer la participation des hommes. Si on s'assure leur participation et celle de la collectivité, il y aura moins de résistance car ils auront l'impression d'avoir leur mot à dire.
Ce que le Canada a fait à cet égard est très bien, particulièrement à Kandahar, dans le cadre des projets de reconstruction. Je sais que l'ACDI a fait participer les collectivités pour déterminer les projets qu'elle allait appuyer. C'est quelque chose qui devrait continuer et qui mérite des félicitations.
Il est important que l'appui aille directement aux collectivités. C'est une bonne chose à mon avis que le Canada ait donné 1,2 million de dollars à UNICEF pour s'attaquer au problème de mortalité maternelle, mais en même temps, il est important de donner de l'argent directement aux collectivités. L'appui que fournit le gouvernement canadien sous forme de microcrédit est je pense une mesure très positive qui mérite d'être appuyée. Cela permettra de faire beaucoup de choses. On pourra le faire en trouvant des mécanismes qui permettent de donner un peu d'appui directement. Il est très important de déterminer comment s'y prendre pour réaliser ce type d'habilitation économique des femmes et des collectivités en Afghanistan.
Enfin, je voudrais faire une observation au sujet de quelque chose qui me trouble beaucoup, c'est-à-dire que certains font valoir que la situation en Afghanistan ne va pas changer, qu'il faudrait peut-être tout simplement négocier avec les Talibans et les laisser contrôler les provinces dans le sud. J'aimerais cependant que nous revenions cinq ans en arrière pour nous demander pourquoi la communauté internationale est intervenue en Afghanistan au départ. Elle est intervenue en Afghanistan parce que les Talibans étaient un mouvement idéologique qui n'était pas ouvert aux négociations. Il n'était pas ouvert à un débat sur quelque question que ce soit.
Rappelez-vous l'incident de l'explosion des Bouddhas, la communauté internationale a tenté de faire participer les Talibans, mais ils n'étaient pas ouverts à cela. Les Talibans n'ont jamais été enclins à rester uniquement dans le sud. Ce qu'on nous dit en Afghanistan, c'est que les Talibans ne sont pas satisfaits tant qu'ils n'entreront pas dans Kaboul avec leurs véhicules.
C'est un mouvement idéologique, nous ne devons pas l'oublier. Ce n'est pas le mouvement qui est motivé uniquement par des gains politiques. Il est modifié par des gains idéologiques, et ne pourront faire ces gains idéologiques tant qu'ils n'auront pas pris contrôle de tout le pays. Encore une fois, ce sont les femmes qui en souffriront le plus.
Je vais conclure sur cette note. Merci.
Merci beaucoup à tous.
Nous allons maintenant passer aux questions avec un tour de table de sept minutes par intervenant.
Monsieur Coderre.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Dans un premier temps, vous me permettrez de vous dire à quel point je suis honoré, à titre de nouveau critique de l'opposition officielle en matière de défense, de faire partie de ce Comité de la défense nationale. Je suis extrêmement heureux et honoré de voir à quel point nous avons mis en avant, dans les audiences du Comité de la défense nationale, la question du droit des femmes.
Vous me permettrez, madame Brunet, de saluer bien bas mon ami Jean-Louis Roy, pour qui j'ai une profonde admiration. J'ai aussi une profonde admiration pour votre organisation, ayant été moi-même ministre de la Francophonie et ayant travaillé comme conseiller spécial du premier ministre, à l'époque, sur les questions touchant Haïti.
[Traduction]
Ce dont je me rends compte... Le plus important d'abord. Les préoccupations féminines ne sont pas le seul repère important pour évaluer notre situation du point de vue de la communauté internationale afin de déterminer si une mission a eu du succès. Je suis fermement convaincu que la première chose que nous devons faire — et cela est le cas dans n'importe quel pays — est de comprendre la complexité culturelle du pays et d'y être sensible.
Nous n'arrivons pas dans votre pays avec un projet clé en main. Nous ne venons pas ici pour vous imposer notre définition de la démocratie et vous dire comment les choses vont fonctionner, ou que si vous voulez avoir du succès, c'est ce que vous devez faire. Il y a tellement d'éléments complexes que nous devons comprendre que si nous n'avons pas ce premier réflexe au départ, nous n'aurons pas beaucoup de chance de succès.
Je suis fermement convaincu, cependant, que la qualité de vie — l'équité, la sensibilisation, l'éducation des femmes — est une préoccupation internationale. Ça n'est pas pour les Occidentaux; c'est pour tout le monde. C'est un minimum que nous devons viser.
J'ai remarqué que le président Karzai doit tenir ce week-end ce que vous appelez un Jirga, un rassemblement des aînés. Je crois que dans certains pays le rôle des femmes est essentiel pour obtenir la liberté.
J'aimerais que vous nous parliez de cette question, madame Brunet, du droit et de la démocratie, car c'est en quelque sorte une question globale.
Mais aussi, madame Niazi et madame Amiri, quel devrait être le rôle des femmes avec les aînés? Si on a les conservateurs... Ce n'est pas un mot que j'aime nécessairement, pour d'autres raisons, mais si la réalité conservatrice ou historique du rôle des femmes en Afghanistan c'est qu'il y a un problème avec les aînés, si vous voulez vraiment jouer un rôle pour amener le changement et la stabilité, quelle devrait être votre relation avec les aînés?
C'est ma première question. Quelle devrait être la relation entre les femmes et les aînés, et comment pouvez-vous participer à ce processus afin de s'assurer que nous ayons du succès?
Nous sommes là que pour accompagner, nous ne sommes pas là pour nous imposer. Nous ne sommes pas là pour agir comme justice vengeresse, comme le ministre de la Défense le disait. Nous sommes là pour stabiliser l'environnement et assurer une sécurité adéquate. Accompagner signifie que c'est notre responsabilité de faire partie également de la solution.
Donc, d'abord, quelle devrait être la relation avec les aînés? Et comment pouvez-vous participer à ce processus afin d'obtenir ce que nous voulons tous?
Madame Amiri?
Je ferai deux observations.
Tout d'abord, l'Afghanistan est une société en évolution, et auparavant, avec les Loya Jirgas, les femmes ne participaient pas. Par la suite, dans les années 70 et 80, leur participation a augmenté de façon symbolique. Le processus de 2001-2002, le Loya Jirga d'urgence, a permis d'établir un quota afin d'assurer la participation des femmes, à la fois des Loya Jirga d'urgence et des Loya Jirga constitutionnels.
J'espère qu'avec le temps on reconnaîtra que les femmes font partie de ce processus, de ces mécanismes traditionnels, et que ces mécanismes traditionnels continueront d'évoluer et de changer pour inclure la pluralité — la pluralité en ce qui concerne les groupes ethniques; la représentation régionale et la représentation des femmes.
Sur le plan pratique, si une délégation se rend dans une province et rencontre un groupe d'aînés, vous ne pouvez pas demander que les femmes en fassent partie. Vous devriez tout simplement rencontrer un groupe d'aînés, leur demander ce qui peut être fait pour améliorer la situation des femmes, mais il ne faut pas vous arrêter là. Il faudrait que des femmes fassent partie de votre délégation et vous devriez demander à rencontrer un groupe de femmes. Ce sont les femmes membres de votre délégation qui devraient rencontrer ce groupe de femmes et leur demander spécifiquement ce qu'il faudrait faire pour améliorer leur situation.
Tout d'abord, je parle de la participation des femmes, ce qui n'est pas quelque chose de nouveau qui s'est produit après le 11 septembre. Les femmes en Afghanistan ont participé pendant toute la lutte pour se libérer de l'ancienne Union soviétique. Il y avait même des femmes qui dirigeaient les guerres et qui motivaient les combattants de la liberté pendant la guerre avec la Grande-Bretagne, toutes les femmes de partout au pays.
Malali Joya est l'une des femmes afghanes importantes qui a joué un rôle très significatif dans la libération de toute la nation afghane. C'est une femme pashtune de Kandahar. Tajik, Pashtun et toutes les femmes ont participé.
Par ailleurs, également sous le règne taliban, lorsque les femmes n'avaient aucune ressource ou que des ressources très limitées, elles ont mobilisé leurs propres organisations. J'ai travaillé avec les femmes sous le règne taliban à partir de 1997, et elles étaient étonnantes. Ce n'est pas quelque chose de très nouveau.
J'ai quitté l'Afghanistan avant l'invasion de l'Union soviétique. J'ai enseigné à l'Université Carleton. Je n'ai jamais changé mon style de vie; j'étais la même. Je me sentais très respectée et tout à fait en sécurité en tant que femme.
À l'heure actuelle, il y a une culture de guerre. La force et les activités des femmes ont joué un rôle important dans la défaite de l'Union soviétique. Par la suite, on n'a plus tenu compte des femmes, car le nouveau régime les visait.
Aujourd'hui, la condition féminine en Afghanistan est devenue très politique. L'une des raisons pour lesquelles on en parle, c'est que l'Occident est entré en Afghanistan pour changer la situation des femmes. Je suis très heureuse qu'il y ait eu des changements positifs, notamment ceux qu'a mentionnés ma collègue Rina Amiri.
Ce sont là les avantages et les privilèges... dont même une personne parmi toute la population de femmes en Afghanistan profitera. Lorsque l'on parle des femmes de l'Afghanistan, on parle des femmes de toute la nation afghane, et il y en a toujours un grand nombre qui souffre.
Bien que le fait d'avoir inclus les droits des femmes dans la constitution soit une mesure très positive, il ne faudrait pas en faire une vitrine. Lorsque nous parlons des femmes de l'Afghanistan, nous devrions tenir compte de chaque femme.
Rina Amiri a parlé des femmes dans la Loya Jirga. J'ai fait partie de la Loya Jirga. J'étais la femme afghane canadienne élue à la Loya Jirga. Les femmes qui ont participé étaient sensationnelles. Elles étaient très fortes et s'exprimaient très bien.
Cela ne veut pas dire qu'elles ne s'intéressaient qu'à la Loya Jirga. J'ai travaillé avec des femmes dans des camps de réfugiés. Sous le règne taliban, je me souviens qu'elles étaient privées de toutes les nécessités élémentaires. Elles étaient tellement fortes.
Je me rappelle qu'un jour j'ai amené un représentant du HECNUR au camp pour montrer la condition des femmes. La personne a dit, dites aux dirigeants de votre pays de mettre fin à la guerre et vous pourrez retourner dans votre pays. Une femme sans éducation a répondu qu'elle ne pouvait pas le faire. Elle a dit, vous représentez les Nations Unies; vous devez prendre des mesures à l'échelle internationale pour mettre fin à la guerre en Afghanistan.
Donc, cela dit, vous avez tout à fait raison, et je suis heureuse que vous l'ayez mentionné. Lorsque nous parlons des femmes, nous devons tenir compte de la complexité culturelle et de l'histoire de l'Afghanistan.
Je dois vous arrêter ici. Nous avons dépassé de loin le temps alloué. Espérons qu'avec les autres questions, nous vous donnerons la chance de terminer.
Monsieur Bachand, vous avez sept minutes.
[Français]
D'abord, je veux vous remercier de votre présentation, qui, de mon point de vue, était extrêmement intéressante. Je voudrais aussi, d'entrée de jeu, vous faire part de la position de mon parti politique, le Bloc québécois.
Nous sommes en faveur des interventions militaires en Afghanistan, mais nous pensons que si elles ne sont pas doublées d'un effort de reconstruction et d'une aide humanitaire, le général Richards a raison de dire que la guerre ne peut pas être gagnée sur le plan militaire seulement.
Je ne suis pas contre le fait qu'il y ait des militaires là-bas, au contraire. La question de la sécurité est omniprésente en Afghanistan. D'ailleurs, certains de mes collègues et moi revenons d'Afghanistan — vous avez dû le voir dans les journaux cette semaine —, et nous avons surtout été cantonnés dans le camp là-bas. Nous n'en sommes sortis qu'une ou deux fois pour aller voir l'aspect militaire uniquement.
Considérons l'ensemble des forces présentes en Afghanistan actuellement : il y a 2 500 militaires, 6 personnes s'occupent des Affaires étrangères et 6 autres personnes s'occupent de l'ACDI. Pour notre part, nous voulons que cette mission soit équilibrée. Il est clair que sans un équilibre, nous allons manquer notre coup en Afghanistan. Si les Afghans ne sont pas capables de voir que leur qualité de vie s'améliore, nous croyons que nous perdrons cette guerre. C'est pour cette raison que nous insistons pour que le mandat de la mission en Afghanistan soit rééquilibré.
J'aimerais aussi que vous nous parliez des jirgas par opposition au Parlement. On surnomme souvent M. Karzaï le maire de Kaboul, parce qu'il a beaucoup de difficulté à imposer son autorité en dehors de Kaboul. J'ai l'impression, pour ma part, qu'au fur et à mesure qu'on s'éloigne de Kaboul, le pouvoir parlementaire se dilue, et plus on va vers le Sud, entre autres, où sont les Canadiens actuellement, plus les jirgas sont importantes. Malheureusement, quand je vois des photos des jirgas, je ne vois pas de femmes assises avec le groupe des aînés afghans. Alors, j'aimerais avoir votre opinion là-dessus.
Je trouve de plus qu'il est faux de dire que les femmes font des progrès immenses. Souvent, on nous dit qu'il y a 68 femmes au Parlement afghan et 186 hommes. On serait tenté de dire que c'est excellent, car cela correspond à plus de 25 p. 100. Mais quelle est la véritable autorité du Parlement sur l'ensemble de l'Afghanistan? Telle est la question fondamentale. Même s'il y avait 100 ou 150 femmes au Parlement... J'ai l'impression que l'autorité de ce dernier ne se dépasse pas Kaboul. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.
Sur l'aspect idéologique des talibans, je partage l'avis de Mme Amiri, mais il faut se rappeler aussi que lors de la dernière grande Guerre mondiale, le régime nazi était considéré un peu comme le sont les talibans aujourd'hui : c'était un régime idéologique qui voulait envahir et contrôler. Pourtant, à certains moments, il y a eu des ouvertures, des canaux de communication pour qu'on puisse voir à quel stade ils étaient rendus.
Je veux vous rassurer tout de suite: d'après ce que j'ai vu en Afghanistan, les militaires canadiens n'accepteront pas d'ouvrir la porte aux talibans et de leur permettre de revenir s'installer à Kaboul avec le régime réfractaire qui existait autrefois et le régime anti-femmes, etc. Je ne pense pas qu'ils iront jusque-là, mais je pense que c'est important d'ouvrir une porte et je pense que le président Karzaï l'a fait. J'aimerais que vous me disiez comment vous réagissez au fait que le président Karzaï ait ouvert la porte aux talibans.
Finalement, j'aimerais que vous me parliez de Mme Safia Siddiqi, qui est la ministre de la Condition féminine. J'ai lu ce matin qu'elle arrive au Canada. Que fait cette dame pour faire avancer la question de la condition féminine là-bas? Elle le fait à l'intérieur de son Parlement, mais les récriminations ou les réserves que j'ai à l'égard du Parlement afghan s'appliquent-elles à elle aussi? Est-ce qu'elle est incapable, comme le président Karzaï, de faire respecter son autorité en dehors de Kaboul?
[Traduction]
[Français]
Je voudrais remercier M. Bachand pour ses questions. Je vais laisser à mes compagnes afghanes le soin de répondre à votre question sur la jirga : elles sauront mieux le faire que moi.
Vous avez raison, l'influence du Parlement et du gouvernement en Afghanistan est petite. Souvent, les Afghans vous diront que Karzaï est en effet le maire de Kaboul, c'est vrai. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas s'assurer qu'un État de droit existe en Afghanistan.
Je nous trouve, nous, les Canadiens, très durs. Je crois que je l'ai expliqué dans mon papier. Est-ce que c'est parce qu'on a très hâte de sortir de l'Afghanistan? Or, cela va prendre du temps, beaucoup de temps. C'est pour cette raison que j'ai mis l'accent sur ce point.
Oui, pour l'instant, Karzaï n'a pas beaucoup de pouvoir en dehors d'un certain nombre de provinces, c'est indubitable. Cela dit, l'effort de vouloir une démocratisation en Afghanistan demande qu'on soutienne ce gouvernement, mais cela demande aussi que l'on fasse preuve de clarté quant à l'importance des chefs de guerre, qui existent encore en Afghanistan et dont on ne peut pas faire fi. Il n'y a pas que les talibans: Hekmatyar et d'autres sont encore puissants en Afghanistan, il ne faut pas ignorer ce fait. Donc, en termes de sécurité, cela aussi devrait être mis dans la balance.
Lorsqu'on me demande quelle est l'influence des femmes et du ministère des Affaires des femmes, je réponds qu'elle est piètre. Il ne faut pas oublier que c'est tout de même un instrument qui a été créé par les accords de Bonn et que, à partir de là, cela demande aussi une prise en charge longue, un processus d'acceptation.
Je ne vous cacherai pas, moi qui participe depuis 30 ans au mouvement des femmes, que je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de machines nationales sur les droits des femmes qui ont une influence. Il faut quand même être honnête à ce sujet. Alors, pourquoi demander aux Afghans d'avoir un ministère plus influent que ne le sont les nôtres, particulièrement en ce moment? Essayons quand même de faire la part des choses.
Enfin, une autre chose me paraît très importante. Oui, il est important de tenir des négociations, c'est ce qu'on appelle faire la paix. Je sais que ce n'est pas très à la mode de faire la paix en ce moment, mais c'est essentiel de faire la paix avec les talibans. On l'a fait avec des tas d'autres gens qui sont plus ou moins des gens avec lesquels on aimerait frayer, mais c'est cela, un processus de paix. À partir de ce moment-là, il faut composer avec ces situations.
C'est un des problèmes de l'accord de Bonn, qui ne s'est fait qu'avec l'Alliance du Nord, et cela a aussi créé des problèmes. Il faut donc mettre un peu d'eau dans son vin.
[Traduction]
Je vais permettre ces réponses. Nous avons légèrement dépassé les sept minutes, mais si l'une d'entre vous a une brève observation à faire, allez-y.
Je vais tenter d'être très brève.
En ce qui concerne ce que vous avez dit au sujet du développement et du fait qu'il fallait avoir un meilleur équilibre en ce qui concerne le travail de développement militaire, je suis tout à fait d'accord avec vous. En fait, je pense que l'une des lacunes au cours des cinq dernières années est que beaucoup d'attention a été accordée au processus politique sans toutefois accorder suffisamment d'attention à la reconstruction. Si les gens ne constatent pas de changements réels et tangibles dans leur vie, ils ne vont pas continuer à défendre fermement ce processus de paix, comme cela a été le cas. Ils le défendaient en espérant que cela se traduirait par des changements réels dans leur vie.
Pour ce qui est du Parlement et du pouvoir qu'a ce dernier, il vient tout juste de célébrer son premier anniversaire. C'est une grande institution dans un pays qui n' a pas eu d'institution importante depuis trois décennies. Je pense que nous devons en être conscients.
Pour ce qui est du rôle qu'il joue, je pense qu'à l'heure actuelle c'est davantage au niveau national pour ce qui est d'un dialogue national. À long terme, je pense qu'il jouera un rôle important, je l'espère, en ce qui a trait à la réconciliation nationale.
Vous avez cependant raison, au niveau local, ce qui compte à l'heure actuelle ce sont les institutions locales plutôt que les institutions nationales. Je suis cependant d'avis que peu importe que l'on parle de shuras ou de jirgas, qui sont en grande partie des assemblées d'hommes dans la plupart des régions, il s'agit là de parties importantes à qui il faut parler.
Je voudrais souligner ce que j'ai déjà dit : Il ne faut pas tout simplement conclure que parce que ce sont là des mécanismes traditionnels qui fonctionnent, il n'est pas possible d'inclure les femmes. Comme ma collègue l'a dit, les femmes sont actives, elles sont présentes et elles ont des points de vue très fermes sur ce qui devrait être fait, et leur voix ne devrait pas être exclue. Je le répète donc, il faut s'assurer que des femmes fassent partie de votre délégation qui rencontrent des femmes dans la collectivité. Cela sera très important.
Pour ce qui est de négocier avec les Talibans, je suis très contente que vous ayez soulevé la question, pour que ce que je dis soit très clair. Je suis certainement convaincue qu'on devrait faire des efforts pour négocier avec les Talibans. Nous devons faire une distinction entre les Talibans... il y a les Talibans modérés. Il faudrait peut-être même faire une plus grande distinction. Il y a les Talibans qui sont des fantassins et qui combattent pour l'argent. Il y a des Talibans qui sont opportunistes, qui se sont tout simplement joints à ce groupe lorsque cela leur permettait de faire des gains politiques à un moment donné ou à un autre. Il y a ensuite les Talibans idéologiques purs et durs, comme Mullah Omar et les dirigeants. Ce sont là des distinctions qu'il est très important de faire.
Au cours des dernières années, oui, le président a demandé à plusieurs reprises aux Talibans de venir se joindre au gouvernement, et je pense que cela mérite des félicitations. En fait, les Talibans sont des représentants au Parlement, ainsi qu'un certain nombre de personnes à moralité douteuse. Nous avons par ailleurs un processus national de réconciliation au bureau du président, un processus officiel qui est en place et qui est dirigé par M. Mojaddedi, qui vise à obtenir la participation des Talibans. Il faudrait promouvoir de tels efforts. Je conviens par ailleurs que l'une des lacunes du processus de Bonn était l'exclusion des Talibans.
Je voulais parler des débats que j'ai entendus sur la façon de résoudre le problème en Afghanistan ou la façon pour la communauté internationale de se séparer des Talibans, en faisant tout simplement une entente avec ces derniers pour qu'ils obtiennent quelques-unes des provinces et qu'on laisse le reste du pays tel quel. Encore une fois, je dirais que cela n'est pas réaliste.
Enfin, en ce qui concerne Safia Siddiqi, elle est députée au Parlement, une députée très locale et très active, et elle a fait beaucoup de travail. Pour ce qui est de son rôle, de son pouvoir, encore une fois, cela est relatif à la nature du Parlement. Malgré le fait qu'il s'agit toujours d'une organisation faible, je pense qu'en général au pays les gens ont été impressionnés par la mesure dans laquelle le Parlement a été actif. Ce qu'il a fait est limité, et il y a un certain sentiment de frustration en même temps de la part de ceux qui croyaient qu'une fois que nous aurions un parlement en place, des changements importants seraient apportés. Il s'agit cependant d'un parlement qui tient à jouer un rôle important dans le processus, particulièrement pour ce qui est de surveiller le gouvernement et d'être en mesure de mieux défendre les intérêts.
Je pense que ce genre d'effort devrait être appuyé par la communauté internationale et que leur capacité devrait être renforcée à cet égard.
Très bien. Merci.
Madame Black, j'ai bien peur que nous ayons vraiment dépassé le temps alloué. Si vous voulez lui donner l'occasion de continuer avec votre question, ce serait bien.
Je ferai de mon mieux.
Je voudrais remercier chacune d'entre vous d'être venue nous rencontrer et de nous avoir présenté vos exposés aujourd'hui. Je les ai trouvés très intéressants et très utiles.
Comme mon collègue l'a dit, nous venons tout juste de renter d'Afghanistan dimanche. Une chose qui l'a frappé lorsque nous sommes allés à l'extérieur — même si nous n'avons pas pu aller bien loin, dans un village ou une ville —, c'est que je n'a pas vu une seule femme afghane. J'ai bien regardé pour voir si je pourrais apercevoir une femme, mais je n'en ai pas vue. J'ai confirmé avec d'autres personnes qui ont fait le voyage que nous n'avions pas pu voir une seule femme.
Je veux vous remercier, madame Niazi, de vos recommandations. Je pense que c'est très utile au comité que vous ayez proposé des recommandations précises.
Chacune d'entre vous a beaucoup parlé des différentes factions au pays, de la complexité. Plus je me rends compte de la situation là-bas, plus je lis à ce sujet, plus je comprends jusqu'à quel point il est incroyablement complexe de faire des progrès en raison de la culture tribale et de la difficulté à établir la paix en Afghanistan.
Je voudrais vous demander de parler davantage de ce qui constitue réellement pour vous un processus d'établissement de la paix. Si vous pouviez avoir un plan afin d'amener aux Afghans une paix et une sécurité réelles et la possibilité de vivre leur vie en ayant un sentiment de paix pour l'avenir, qu'est-ce que ce plan comporterait? Je pense que nous devons également tenir compte de toute la situation au Pakistan, où nous savons que les gens traversent la frontière de part et d'autre avec impunité et comment cela doit être pris en compte dans un processus de paix.
Enfin, je voudrais vous demander ce qui se passe en ce qui a trait au service du vice et de la vertu. Je pense que nous avons tous été surpris de constater qu'il y avait un service du « vice et de la vertu ». Je comprends ce que disait Mme Amiri au sujet du président Karzai qui doit trouver un juste équilibre entre les factions conservatrices du pays pour faire en sorte que son gouvernement fonctionne. Je comprends cela. Cependant, pour la plupart d'entre nous, le simple nom du service nous donne la chair de poule. On devient très appréhensif à ce sujet.
Vous avez dit qu'il y a eu un déclin en ce qui concerne la sécurité — tout cela malgré le fait qu'il y ait autant de soldats internationaux et l'importante opération de l'OTAN là-bas. Cela ne me donne pas beaucoup d'espoir lorsque vous me dites cela.
Donc, pourriez-vous nous parler du processus de paix et de ce qui pourrait fonctionner à votre avis? Je pense que chacune d'entre vous a parlé du processus de paix, alors si vous pouviez commencer, madame Brunet... J'aimerais entendre Mme Niazi également, car elle a de toute évidence quelque chose à dire qu'elle n'a pas pu dire.
D'abord, avec la coalition américaine, la FIAS-OTAN, la sécurité privée, le trafic de la drogue, les activités des soldats et les activités des seigneurs de guerre, il y a d'innombrables militaires en Afghanistan. Selon moi, c'est pour cette raison que la société est brutalisée depuis 27 ans déjà. Les relations entre les hommes et les femmes sont donc touchées.
En ce sens, d'après ce que l'on peut voir, il n'y a pas vraiment de coordination entre les armées sur le terrain et les divers objectifs de ces armées. La coordination par la communauté internationale des questions de sécurité sur le terrain est essentielle. Les Afghans ne savent pas à qui ils s'adressent. Ils confondent les uniformes — qui fait quoi sur le terrain? Il y a donc des conséquences sur la sécurité des gens sur le terrain. À mon avis, il s'agit d'une question d'importance primordiale.
Donc oui, la sécurité régresse... l'opposition entre l'autorité du pouvoir et l'autorité de l'État fait en sorte qu'il y a en effet régression; on constate que la primauté du droit a de la difficulté à être appliquée en Afghanistan. Les gens ont besoin de sécurité et de mesures sociales... Oui, en effet, nous avons vu — j'ai vu au cours de mes déplacements — des fermiers qui sont des talibans de soir, simplement pour des raisons de sécurité, mais aussi pour des raisons d'emploi. Il n'y a pas d'emploi.
Voilà donc une autre question qui doit être abordée — eh oui, le développement et la sécurité sont d'une importance primordiale.
Vous avez parlé du service du vice et de la vertu. Selon moi, il se fait très discret en ce moment. Il est d'ailleurs très surveillé ces temps-ci.
Je m'inquiète davantage du fait que M. Karzai ait à mettre sur pied un service du vice et de la vertu pour calmer certains extrémistes. Parce qu'il y a tant d'autres questions à aborder, je présume que M. Karzai a décidé de prendre cette mesure pour calmer X, Y ou Z. Toutefois, il s'agit d'une indication, et il ne faut pas la prendre à la légère.
Mais je crois que ce qu'il est important de noter relativement aux droits et à la sécurité des femmes, c'est que les Afghans ont besoin de précision et de coordination. Il n'y a aucune coordination relativement au développement de ce pays, et personne ne coordonne les différents objectifs et mandats des diverses forces armées.
Je vais tenter une réponse brève.
Je suis d'accord avec toutes mes amies. Aussi, j'ai formulé mes recommandations aux députés. S'ils ne les ont pas encore reçues, ils les recevront par la poste.
Je crois que la pauvreté et le chômage sont en partie responsables du manque de sécurité en Afghanistan. Si les jeunes sont au chômage, il est très facile pour les talibans de les recruter, et ce, pour des raisons économiques ou autres. L'insécurité est également attribuable au déplacement de nombreux Afghans. Récemment, 10 000 Afghans ont été déplacés en raison de la guerre, et ils ne reçoivent aucun dédommagement ni aucune aide. Certains retournent au Pakistan, où ils peuvent être recrutés par les talibans.
Pour battre les talibans, il faut faire davantage que simplement les cibler en Afghanistan; il faut les cibler à la source, là où ils sont formés avant de venir ici, surtout à l'extérieur du pays. Ça n'aide pas; ils vont et viennent.
Il y a une autre raison pour le manque de sécurité. Je sais qu'il y a un lien entre le manque de sécurité, la pauvreté, la criminalité et le trafic de drogues. Nous devons nous attaquer au problème de la drogue en Afghanistan. Le problème est aujourd'hui sept fois plus important qu'en 2001; il s'agit donc d'un problème important que la communauté internationale doit régler.
Aussi, je crois qu'il faut renforcer l'autonomie des femmes. Les femmes représentent plus de la moitié de la population afghane. Lorsque j'ai parlé de la force des femmes, j'ai parlé de Malalai de Maiwand, qui a participé à la guerre contre les Britanniques, et de toutes nos héroïnes. Nous avons encore des femmes de cette trempe en Afghanistan. La moitié de la population afghane — les femmes — est paralysée. Il faut encourager les femmes et leur donner des pouvoirs. Elles devraient également avoir accès à de l'aide — formation, emploi — pour lutter contre la pauvreté.
J'ai quatre points à soulever concernant la consolidation de la paix. Je veux d'abord parler du filtrage des représentants du gouvernement; c'est très important. Le gouvernement doit davantage inspirer confiance, et l'une des façons d'y arriver, c'est de mettre en place un système fondé sur le mérite et le filtrage pour vérifier que les personnes en poste sont celles en qui le peuple aura une certaine confiance.
La reconstruction et la génération de revenu seront absolument importantes, comme nous l'avons déjà noté.
Je suis d'accord avec mon ami Adeena. La lutte contre les narcotiques est absolument essentielle. L'épandage aérien proposé mènerait au désastre et ne ferait qu'exacerber le conflit. Cette mesure ferait en sorte d'augmenter les rangs des talibans. Elle ajouterait vraiment une autre couche complexe à la situation.
Finalement, en ce qui a trait à la coordination, je suis complètement d'accord avec vous: la communauté des donateurs doit assurer une meilleure coordination et élaborer une stratégie efficace à cet égard.
Puis, en ce qui a trait au service du vice et de la vertu et de sa situation, j'ai la même information: il se fait discret, et le président l'a mis sur pied pour calmer la communauté religieuse. Celle-ci fait valoir que tous les pays islamiques ont ce genre de service, surtout les pays du Golfe, et que c'était nécessaire en Afghanistan. Le service a été mis sur pied, mais il s'agit bien d'un service, et non d'un ministère. Ce service relève du ministère des Affaires religieuses, et je crois qu'en ce moment, l'existence de ce service démontre bien la domination des communautés religieuses et ultra conservatrices en Afghanistan.
Il s'agit d'une réalité avec laquelle il va falloir composer pendant un certain temps, mais qui doit être surveillée par la communauté internationale, avec l'aide de la société civile.
Je vous remercie.
Je suis désolée. Puis-je ajouter un point? Il s'agit d'un point vraiment important.
Il s'agit d'un point concernant les forces armées. À moins de lutter contre les talibans à la source, vous n'obtiendrez pas la paix en Afghanistan. Il faut donc aller au Pakistan. Si nous n'allons pas au Pakistan, nous pouvons envoyer le plus grand nombre possible de soldats canadiens en Afghanistan, ça ne mettra pas fin à la guerre en Afghanistan. Vous devez aller à la source.
Merci.
Je vous remercie tous de vos exposés fascinants. Ils étaient vraiment intéressants, et j'ai pris beaucoup de notes. J'ai beaucoup de questions à vous poser, mais j'ai dû faire des choix en raison des contraintes de temps.
Madame Amiri, j'ai compris clairement ce que vous avez dit : Si nous n'améliorons pas la sécurité de la société afghane dans son ensemble, ce sera très difficile d'améliorer la situation des femmes, puisqu'elles ne peuvent être isolées de la société afghane. C'est ce que j'ai compris lorsque je suis allé en Afghanistan au début du mois.
Mais vous avez ensuite soulevé un sujet intéressant : les négociations. Si vous suivez le débat au Canada, vous savez que certains ont proposé une approche uniquement fondée sur la négociation. Vous avez fait la différence entre les membres modérés et extrémistes des talibans.
Ma première question est la suivante : Si on ne peut négocier avec les talibans extrémistes, s'ils sont simplement motivés idéologiquement, et non politiquement, comment alors composer avec eux? Ou s'agit-il simplement, comme vous le dites, d'avoir davantage de soldats sur le terrain? C'était ma première question.
Ma deuxième question traite du microfinancement. Comme vous le savez, et comme nombre d'entre vous l'ont reconnu, la ministre pour l'ACDI a mis l'accent sur les programmes destinés aux femmes et aux enfants, et vous avez toutes les deux parlé des 1,75 million de dollars consacrés à la santé maternelle et à l'alphabétisation. La ministre a également investi 5 millions de dollars pour la vaccination de 7 millions d'enfants. Voilà certainement une indication de l'engagement de notre gouvernement.
Mais ce que vous ne savez peut-être pas, c'est qu'avec sa contribution de 40 millions de dollars, le Canada est le plus important donateur au programme de microfinancement, devant la Norvège, le Royaume-Uni, les États-Unis et la Banque mondiale. Vous avez dit qu'il s'agissait d'une mesure positive qui doit être appuyée.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont le microfinancement renforce l'autonomie des femmes en particulier? Nous avons eu des exemples, mais j'aimerais vous entendre parler de votre expérience.
Ma dernière question s'adresse à Mme Niazi. Vous avez parlé d'appuyer le professionnalisme au sein de la police et de l'armée nationale afghanes. Durant mon bref séjour en Afghanistan, j'ai eu la chance de visiter la base de l'Armée nationale afghane et de parler à certains soldats. J'ai été vraiment impressionné par leur motivation et leur discipline, de même que par leur désir de servir leur pays.
Je me demandais si vous aviez des suggestions quant à la façon dont nous pourrions améliorer le professionnalisme de l'armée et de la police.
Voilà mes questions.
Quant à la position qu'il faut adopter à l'égard des talibans endurcis, il convient de poursuivre les négociations entreprises jusqu'ici puisque ce genre de négociations sont courantes dans toute guerre civile. Il faut faire comprendre aux partisans de la ligne dure qu'ils n'atteindront pas leurs objectifs et qu'ils ne gagneront pas la guerre. Il faut pour cela intervenir simultanément sur les plans politique et militaire.
Comme je l'ai fait observer plus tôt, la raison pour laquelle les talibans font actuellement preuve d'autant d'assurance, c'est qu'ils peuvent compter sur une certaine machine de guerre. Ils disposent de ressources notamment financières et leurs troupes sont formées le long de la frontière pakistanaise. Tant et aussi longtemps qu'ils pourront compter sur cette machine de guerre, ils ne voudront pas négocier parce qu'ils conserveront l'impression qu'ils sont en mesure de remporter la guerre.
Les talibans voient l'ambivalence de la communauté internationale à l'égard du déploiement des troupes en Afghanistan. Ils voient l'hésitation de la communauté internationale à prendre à partie le Pakistan pour l'aide qu'il accorde aux talibans. Ils s'attendent à gagner la guerre. En fait, ils ont bon espoir de conquérir Kaboul d'ici l'été. À mon avis, il ne sert à rien de négocier avec un ennemi qui est aussi sûr d'être victorieux.
Par ailleurs, aucun groupe ne s'oppose aux négociations et aux discussions. Personne ne veut cependant qu'il y ait de marchandage. J'ai été très troublée d'entendre qu'il avait été question de renoncer au sud de l'Afghanistan. Cette stratégie serait vouée à l'échec.
Par ailleurs, le Canada mérite des félicitations pour ce qui est du micro-crédit parce qu'il faut souvent très peu d'argent pour changer des vies. Ce que j'ai pu constater dans les camps de réfugiés, où ma collègue Mme Niazi a travaillé, c'est que le statut des femmes changeait lorsqu'elles gagnaient un revenu. La dynamique familiale change dès que ce sont les femmes qui gagnent l'argent nécessaire pour nourrir leur famille. C'est le micro-crédit qui a permis à de nombreuses femmes de jouer un rôle de chef de file. Ce sont les femmes qui sont les véritables chefs de file dans la société afghane d'aujourd'hui parce que, comme dans toute autre société, quand on gagne de l'argent, on a davantage de pouvoir. Et parfois, il suffit de très peu d'argent.
En outre, l'une des raisons pour lesquelles le programme de micro-crédit est si efficace, c'est qu'il permet aux femmes elles-mêmes de trouver des moyens de gagner de l'argent tout en respectant la culture dans laquelle elles vivent. Il faut laisser aux femmes afghanes le choix du moyen par lequel elles gagneront l'argent qui leur permet d'avoir un statut différent au sein de la famille.
Avant de répondre à votre question, j'aimerais ajouter quelque chose que j'ai oublié de mentionner un peu plus tôt.
Les talibans constituent la plus grave menace à la sécurité de l'Afghanistan, mais on ne peut pas non plus ignorer la menace que constituent les autres seigneurs de guerre. Or, nous n'en parlons jamais. Dans l'un des discours qu'il a prononcés l'an dernier, si je ne m'abuse, M. Karzai a dit que la société afghane était confrontée à des dangers parfois plus grands encore que le danger que constituent les talibans. Si nous ne tenons pas compte de ces autres dangers, nous ne parviendrons jamais à la paix. J'insiste cependant sur le fait qu'il faut cibler les talibans qui se trouvent à l'extérieur du pays.
Les Afghans appuient les forces policières et militaires nationales qui recrutent actuellement des membres. L'armée nationale est une bonne armée. Quant aux forces policières, certains agents de police sont d'anciens membres de la milice qui ont été recrutés pour faire partie de la police. Ces forces causent cependant parfois de l'insécurité pour la population.
J'étais en Afghanistan l'an dernier. L'une de mes collègues, une femme afghane, était une femme de tête. Elle n'a pas cessé de travailler malgré le conflit. Elle ne se couvre pas. Elle ne porte pas une burka. Avant de rentrer chez elle, elle enfile cependant une burka et elle m'a expliqué que c'était parce que sa maison se trouvait devant le poste de police. Je lui ai dit que comme elle vivait devant le poste de police elle n'avait pas à craindre quoi que ce soit, mais elle m'a répondu qu'elle avait peur des policiers et qu'il ne fallait pas qu'ils voient son visage. Elle voulait se protéger de la police.
Certains ne comptent plus sur la police pour assurer leur sécurité. Ils craignent plutôt les policiers en raison du type de personnes qui ont été recrutées pour faire partie des forces policières. Il faudrait veiller à ce que les policiers ne soient pas d'anciens membres de la milice. Il faut aussi les former et les payer adéquatement.
Si vous me le permettez, un policier formateur intégré dans toutes les provinces est vraiment essentiel, pas seulement dans les grandes villes, mais dans toutes les provinces, cela aiderait beaucoup.
Bien.
L'inconvénient quand le premier tour est trop long, c'est qu'il faut raccourcir le second tour. Pour que quatre personnes puissent poser des questions, soit un représentant de chaque parti... je suppose que trois personnes seulement doivent poser des questions. Mme Black est tout au bas de la liste et j'aimerais moi-même pouvoir poser une question s'il reste quelques minutes à la fin.
Madame Bennett, vous avez la parole.
Je vous remercie.
On m'a appris sur place quelle était la différence entre le processus officiel de la jirga et le processus de la shura dans les villages locaux. Comment améliorer ces processus?
Près de la moitié de l'aide au développement du Canada va maintenant à l'Afghanistan. Comment pouvons-nous nous assurer que cet argent est bien dépensé. Comment nous assurer que nous obtenons les résultats que nous souhaitons. La somme investie est importante. Comment se comparent les résultats que nous obtenons en donnant de l'argent à l'UNICEF et à d'autres organismes et l'argent qui est investi par les militaires dans le programme visant à créer des emplois ou le programme de micro-crédit? Affectons-nous l'argent aux bons endroits? Assurons-nous un suivi suffisant?
Par ailleurs, nous déployons beaucoup de soldats sur place, mais l'ACDI et les Affaires étrangères comptent très peu de représentants en Afghanistan. Nous ne semblons pas être en mesure d'assurer un véritable suivi des investissements que nous consentons. Les femmes afghanes reçoivent-elles bien les fonds qui leur sont destinés ou quelqu'un est-il simplement allé au marché acheter ces produits? Je pense que c'est ce que Sarah Chayes nous a dit. Sans cette reddition de comptes et ce suivi, il se peut que nous ne fassions pas ce que vous vouliez. Êtes-vous d'avis que nos investissement sur le terrain sont aussi rentables qu'ils devraient l'être? Y a-t-il quelque chose que nous devrions faire autrement?
Une voix: Si vous me le permettez, parce que c'est moi qui vous ai parlé de la différence...
Je ne sais pas si nous pouvons faire cela.
Avant que vous ne preniez la parole, nous devons inscrire votre nom et le groupe auquel vous appartenez. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, quelqu'un d'autre peut peut-être transmettre votre message.
Madame Brunet, vous avez la parole.
Je pourrais répondre à la question.
Pour assurer une véritable reddition de comptes , il faut aborder les gens sur le terrain, mais vous en demandez beaucoup. Certaines des femmes qui travaillent au sein des ONG n'ont jamais fait ce genre de travail. L'ACDI peut bien leur demander de rendre des comptes en fonction du processus de gestion des résultats, mais personne n'est prêt à leur donner la formation voulue à cet égard. Je dois reformuler les rapports que je reçois de Droits et démocratie pour qu'ils soient compréhensibles au Parlement.
Ces personnes font un excellent travail alors que certaines d'entre elles n'ont jamais présidé une réunion, rédigé un procès-verbal ou établi un ordre du jour. Il faudrait établir le même type de programme. Nous avons sûrement besoin à tous les niveaux d'un encadrement comme celui que nous donnons à la police et à la police auxiliaire. Ce sont d'excellents programmes, mais il faut des gens pour les mettre en oeuvre.
Je serai extrêmement heureuse si c'était l'une des conclusions de cette réunion. Il est vrai qu'aucune formation n'est dispensée aux membres des ONG oeuvrant sur le terrain quant au système de reddition de comptes fondé sur la gestion des résultats. On ne peut donc pas s'attendre à ce que des Afghans, qui n'ont pas reçu la formation voulue, puissent évaluer les résultats comme nous le faisons au Canada.
En effet, les systèmes de reddition de comptes des Canadiens, des Néerlandais et des Allemands sont différents. Il existe donc pour l'instant beaucoup de confusion dans ce domaine. Il en ressort que les ONG travaillent souvent davantage pour nos contribuables que pour la population afghane elle-même. Il faut absolument tenir compte de ce problème et je suis très heureuse que vous ayez posé cette question.
Je veux d'abord remercier Mme Bennett qui est une amie de longue date des femmes afghanes et qui nous a toujours soutenues dans notre lutte contre les talibans. Je vous en remercie.
Je vous remercie de cette question. Quant à savoir si les fonds sont utilisés de façon efficace, j'aimerais faire observer qu'une bonne partie de ces fonds — et je ne parle pas ici vraiment du Canada mais de l'ensemble de la communauté internationale — revient au pays donateur sous la forme de contrats pour des entreprises du pays. Les coûts administratifs de certains projets mis en oeuvre par les organismes onusiens en Afghanistan sont également trop élevés. La plupart des projets mis en oeuvre en Afghanistan ne proviennent pas non plus de la base. Il faudrait que ce soit les femmes sur le terrain elles-mêmes qui décident de la forme que doivent prendre ces projets pour qu'ils répondent à leurs besoins.
Notre organisme ne reçoit pas de fonds d'organismes gouvernementaux. Nous assurons notre propre financement. Si l'on consultait vraiment les organismes sur le terrain, il suffirait d'un peu d'argent pour répondre vraiment aux besoins des femmes afghanes.
Comme Ariane le disait, les groupes de femmes ont besoin de davantage de formation et de soutien. Si la situation devait changer du jour au lendemain en Afghanistan et si les organismes devaient partir, leur départ laisserait un grand vide. Les organismes onusiens de haut niveau et les organismes de femmes ne sont pas sur un pied d'égalité. Voilà pourquoi ce ne sont pas toujours les projets qui répondraient le mieux aux besoins qui sont financés.
Je vous remercie.
Nous devons poursuivre pour permettre à tous les intervenants d'avoir la parole.
Mme Gallant et ensuite M. Bachand.
Ma question s'adresse à Mme Niazi.
J'aimerais que nous discutions plus précisément de l'observation que vous avez faite quant au déséquilibre entre les fonds que nous affectons aux opérations militaires, soit 7 milliards de dollars, et les fonds réservés aux projets de développement, soit 100 millions de dollars par année. Vous ai-je bien compris? Est-ce le déséquilibre auquel vous faisiez allusion?
Vous avez indiqué que des gens sont forcés de quitter leur maison en raison des combats, qu'il faut protéger davantage les civils, qu'il faut s'attaquer aux seigneurs de guerre et qu'il faut empêcher les talibans de s'en prendre à la population.
Comme vous le savez, les soldats canadiens dispensent de la formation à des bénévoles afghans sur les droits de la personne et sur la constitution afghane. Les Forces canadiennes ainsi que la GRC forment aussi des Afghans qui font la queue pendant des jours dans l'espoir d'être recrutés pour faire partie de la Police nationale afghane. On enseigne aussi à ces personnes le respect des droits de la personne ainsi que les compétences nécessaires pour faire des enquêtes. On leur apprend aussi à lire et à écrire. Les personnes qu'on recrute à l'heure actuelle ne peuvent même pas rédiger des rapports parce qu'elles ne savent ni lire ni écrire.
Le personnel militaire canadien offre actuellement des soins médicaux aux Afghans. Dans les régions où les seigneurs de guerre talibans et les trafiquants de drogues font la loi, on ne peut pas construire d'écoles. Les projets de développement ne peuvent pas non plus être mis en oeuvre. Les Forces canadiennes doivent donc intervenir pour repousser les assaillants. Avant de lancer une opération, les Forces canadiennes informent la population locale et lui fait savoir qu'il lui faut quitter la région. Les talibans sont armés et n'hésitent pas à prendre comme cibles nos militaires. Il faut détruire certaines structures à partir desquelles les assaillants lancent leurs attaques.
Nos soldats creusent des puits pour fournir à la population l'eau dont elle a besoin. Ils construisent des écoles, forment des policiers, aident l'Armée nationale afghane et construisent des centres médicaux offrant des soins prénataux et des soins nataux. Des Afghans sont recrutés pour participer aux travaux de construction, notamment à la construction du terrain d'aviation de Kandahar. Ils oeuvrent donc à améliorer la situation économique des Afghans. Les agriculteurs et les commerçants reconstruisent leur vie grâce à la sécurité que leur offrent les militaires canadiens.
Pourriez-vous dire au comité de la défense nationale ce que nous devrions faire différemment au plan militaire?
Merci de nous donner votre point de vue. En fait, j'ai mentionné tout à l'heure que nous étions reconnaissants au Canada du rôle qu'il jouait. Le Canada joue un rôle majeur dans la reconstruction de l'Afghanistan. J'ai simplement essayé de dire qu'il n'y a pas d'équilibre réel entre la construction et le combat. J'ai aussi dit qu'il nous fallait davantage de troupes dans d'autres régions du pays. Comme l'ont indiqué mes amies ici, et comme je le dis moi-même souvent, si l'on se contente de cibler un endroit précis où les talibans reviennent sans arrêt et que l'on attaque là, cela n'amènera pas une véritable sécurité durable au pays. Il nous faut considérer l'ensemble du pays.
J'ai également dit que le Canada devrait avoir une démarche pangouvernementale. La primauté du droit dans toutes les régions de l'Afghanistan doit être rétablie; il faut travailler le système judiciaire. J'ai également mentionné souvent que pour l'économie, pour les femmes, il nous faut davantage de programmes dirigés directement vers elles; il nous faut donner du pouvoir aux femmes car si les femmes sont au pouvoir, si elles discutent et travaillent, cela permettra de réduire la pauvreté et s'il y a moins de pauvreté, il y aura moins de crimes et d'insécurité.
Pour ce qui est de l'armée, j'ai parlé de forces militaires ou de troupes additionnelles pour l'Afghanistan, pour toutes les régions d'Afghanistan, afin de s'attaquer aux autres gros problèmes. Je me répète, mais il ne faut pas ignorer les seigneurs de guerre qui sont une énorme menace pour la population afghane. C'est quelque chose que nous répétons souvent : les Afghans se demandent pourquoi on lutte contre les talibans et non pas contre la source des talibans? On ne vas pas à la racine des talibans, celle-ci se trouve en dehors de nos frontières. Il est évident qu'ils viennent du Pakistan. C'est là qu'ils reçoivent leur entraînement. Pourquoi la communauté internationale ne se bat-elle pas contre les talibans là-bas? C'est également un gros problème pour les Afghans.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Merci également à vous trois pour vos exposés.
Ma première question s'adresse à Mme Niazi. Vous avez dit qu'il faut contrer le trafic de la drogue, qui, avez-vous dit, a augmenté considérablement au cours des dernières années.
Je ne sais pas si vous partagez l'opinion selon laquelle il faut détruire les champs de pavot, détruire ce que les Afghans cultivent. N'aurait-il pas lieu d'adopter plutôt une réglementation ou une législation qui permettrait aux producteurs de pavot d'écouler leurs produits dans les pays occidentaux, à des fins médicales? De telles mesures, une telle organisation seraient-elles souhaitables? De plus, si on détruisait les champs de pavot, ne serait-il pas souhaitable d'avoir — ce serait une autre formule — des cultures de remplacement.
J'aimerais vous entendre là-dessus. Que faudrait-il faire? Vous parlez de contrer le trafic de drogue, mais la source de ce trafic de drogue, évidemment, c'est la culture du pavot.
[Traduction]
La source du problème, comme vous l'avez dit, c'est la culture du pavot. Derrière cela, il y a les gros seigneurs de guerre et seigneurs de la drogue. Je ne pense pas que légaliser le pavot aidera à la lutte contre l'usage illégal de cette culture. Je veux dire que les agriculteurs ne voient pas beaucoup de cet argent; ils ne profitent presque pas de la culture du pavot.
Les agriculteurs devraient recevoir une formation, le matériel nécessaire et d'autres possibilités de culture. Pour le pavot, le sol ne nécessite pas beaucoup de préparation. On peut en cultiver n'importe où, c'est très facile. Je crois toutefois que si les agriculteurs ont une solution de rechange, s'ils ont le matériel voulu, s'ils ont l'argent nécessaire, s'ils reçoivent la formation adéquate, ils pourraient... Et ce ne sont pas simplement les agriculteurs. Il y a un réfugié qui est venu d'Afghanistan et a demandé ici le statut de réfugié en déclarant qu'un des seigneurs de la drogue le forçait à faire la culture du pavot. Lorsqu'il a refusé, il s'est fait battre ainsi que sa famille. C'est la raison pour laquelle il a quitté l'Afghanistan et est venu présenter ici une demande du statut de réfugié, parce que sa vie... cet homme était pourtant puissant.
Il faut considérer ce qui s'est passé, ce qui a mal tourné, c'est qu'après le 11 septembre, la culture du pavot a beaucoup augmenté en Afghanistan, malgré tous les crimes commis par les talibans en Afghanistan, je peux dire que du temps des talibans, cette culture n'existait pratiquement pas. Que s'est-il produit? Il faut aller chercher l'explication. Il faut savoir d'où cela vient et également aider les agriculteurs.
J'espère avoir répondu à votre question.
[Français]
Merci, madame.
Mon autre question s'adresse à Mme Brunet. Vous parlez de réclamer plus de sécurité pour les femmes. En gros, vous dites que la sécurité est un problème constant. Croyez-vous que la mission du Canada et d'autres pays de l'OTAN est radicalement trop orientée vers des opérations militaires et qu'il devrait y avoir un changement tout aussi radical afin de favoriser l'instauration de mesures de sécurité beaucoup moins militaires?
En effet, la sécurité a une multitude de desseins. Si on parle des droits des femmes, ce n'est pas parce qu'on se concentre sur la question des terroristes qu'on règle la question de la sécurité des femmes dans les villes, dans les villages, dans les écoles. Ce n'est pas vrai. Cela veut dire que dans la multiplicité des mandats que ce sont donnés les différents donateurs et les membres de la communauté internationale, il me semble qu'il est nécessaire qu'on se concentre sur la sécurité des Afghans dans leur capacité d'agir en État de droit. Cela veut dire qu'il faut se concentrer sur la justice, sur la fin de l'impunité, sur des questions aussi courantes que des transports en commun où les femmes ne se sentiraient pas harcelées, afin qu'elle puissent mener, au jour le jour, une vie normale qui leur permette d'évoluer dans la société.
Ce qu'on a présentement, c'est une sécurité tous azimuts qui est dysfonctionnelle parce qu'elle est disparate, parce qu'elle veut dire quelque chose dans un endroit et autre chose dans un autre endroit, parce qu'on pense qu'au Sud tout va mal, mais qu'au Nord tout va bien, ce qui n'est pas vrai. Donc, c'est cette façon disparate de considérer la sécurité en Afghanistan qui fait problème pour les femmes sur le terrain. Ce qui fait aussi problème pour les femmes sur le terrain, c'est qu'il y ait constamment des hommes avec des fusils dans les mains. À un moment donné, il faut que ça cesse. Cela change absolument la façon de concevoir une société. On reproche aux Afghans d'avoir des femmes traditionnelles à cause de la culture, etc. Or, ce n'est pas vrai. Le problème, c'est aussi les 27 années de guerre. Et nous y avons ajouté cinq ans, sans pouvoir expliquer à ces femmes sur le terrain qu'on s'en va vers un changement plus égal, pas simplement sur le papier. Oui, les principes sont bons et oui, il y a des efforts qui sont faits, mais au jour le jour, il faut qu'il y ait moins de fusils.
Quand on interviewe ces femmes, dans les sept régions qu'on visite à tous les deux ans avec le consortium, on entend toujours la même réponse. Elle est différente pour les femmes de la ville et pour les femmes de la campagne, et c'est normal. Pour les femmes de la ville, on a besoin d'une police qui soit moins harcelante, qui respecte la dignité et l'esprit des femmes. Pour les gens des milieux ruraux, oui, ils veulent une armée nationale forte, mais dans la réalité, moi, en tant que femme vivant avec [Note de la rédaction: inaudible], qu'est-ce que je vais faire? Si je me sens menacée, je retournerai dans ma tribu, vers les gens les plus proches de moi et vers le chef de guerre qui est là. Ma sécurité sera beaucoup plus assurée de cette façon. Donc, cette multiplicité d'armées et de types de sécurité font qu'il n'y a pas de sécurité.
Je ne sais pas si je me fais comprendre.
[Traduction]
Merci.
Je voudrais signaler la présence de Mme Samad, épouse de l'ambassadeur. Je sais que vous auriez aimé participer au débat et je vous dirais que si vous le souhaitez, vous pouvez nous envoyer des commentaires par écrit par l'intermédiaire du greffier afin que nous puissions les inclure à notre étude.
Merci beaucoup à toutes. Nous avons eu une excellente séance. J'espère que vous avez pu dire ce que vous vouliez dire. Je sais que, pour certaines, vous êtes venues de loin et nous vous en sommes très reconnaissants.
Quant au comité, c'est là la fin de notre étude sur l'Afghanistan. Nous allons maintenant remettre cela à notre personnel de recherche à qui nous demanderons de nous préparer un rapport très concis et précis. Nous disposons d'un peu de temps.
Merci beaucoup à tous.
La séance est levée.