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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 018 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 25 octobre 2006

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, je déclare ouverte cette 18e séance du Comité permanent de la défense nationale.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité poursuit son étude sur les Forces canadiennes en Afghanistan.
    Nous accueillons aujourd'hui des représentants du Conseil Senlis, Norine MacDonald, présidente et fondatrice, et Emmanuel Reinert, directeur général. C'est un plaisir de vous avoir parmi nous. Soyez les bienvenus.
    J'ai cru comprendre qu'on vous avait un peu renseignés sur la procédure à suivre. Nous commencerons la séance par vos déclarations. Prenez tout le temps dont vous avez besoin pour faire votre exposé ou éclaircir certains points, et ensuite nous passerons aux questions.
    Allez-y, madame MacDonald.
    Tout d'abord, j'aimerais remercier les honorables députés de nous avoir invités à discuter du rôle du Canada en Afghanistan. Il s'agit là d'un enjeu important. Je suis désolée de ne pas pouvoir m'adresser à vous en français, mais mon collègue, Emmanuel Reinert, répondra à toutes vos questions en français.
    Le Conseil Senlis est un groupe de réflexion sur la sécurité et le développement spécialisé dans les politiques relatives à la drogue. Nos bureaux sont situés à Paris, Londres et Kaboul, et nous avons des bureaux locaux à Herat, Helmand, Nangahar et dans la province de Kandahar, ce qui intéressera particulièrement le comité.
    Je vis et travaille en Afghanistan depuis janvier 2005 et j'ai passé beaucoup de temps, au cours des derniers mois, à notre bureau de Kandahar ainsi que dans les régions rurales de cette province. Nous avons publié un rapport intitulé « L'Afghanistan, cinq ans après : le retour des talibans ». Ce rapport fait état de la situation qui prévaut notamment dans le sud de l'Afghanistan cinq ans après les attentats du 11 septembre.
    Ce que nous avons vu nous a surpris. J'ai été étonnée de voir même qu'au cours des huit à dix derniers mois, la sécurité à Kandahar s'est détériorée de façon spectaculaire et de constater la pauvreté et la crise alimentaire qui affligent les communautés rurales.
    Kandahar est devenue entièrement une zone de guerre. Les talibans gagnent les batailles militaires, mais surtout la faveur de la population afghane.
    La pauvreté qui frappe Kandahar et le reste du sud de l'Afghanistan est attribuable à trois facteurs. Nous avons demandé aux villageois ce qui était à l'origine de la création des camps de réfugiés et des problèmes de malnutrition et de famine.
    En premier lieu, ces gens ont perdu leur gagne-pain à cause de l'éradication de la culture du pavot imposée au printemps dernier par les Américains. Comme vous le savez sans doute, l'économie de Kandahar repose essentiellement sur la culture du pavot.
    Il y a ensuite les déplacements des populations à cause des bombardements et de la violence localisée, particulièrement à Panjwai, ainsi que la sécheresse récurrente. La région est maintenant un désert aride. Et pour ceux d'entre vous qui ont vu à quoi ressemblaient les sécheresses dans les Prairies, la situation est très semblable, d'après ce que m'ont dit mes parents.
    Les camps de fortune pour les réfugiés se sont multipliés et une crise alimentaire menace la survie de beaucoup d'Afghans, surtout des enfants et des personnes âgées. Des enfants meurent de faim, même tout près de la base militaire canadienne établie à Kandahar. Les gens qui vivent dans ces camps n'ont reçu aucune aide, ni des Canadiens, ni de l'ONU.
    Il était évident que j'étais la première étrangère qu'ils voyaient. Ils nous ont demandé de la nourriture et nous ont dit qu'ils n'avaient reçu aucune aide alimentaire des étrangers, pas plus que des Afghans.
    L'extrême pauvreté alimente l'insurrection; la population éprouve de plus en plus de colère et de ressentiment à l'égard de la communauté internationale et tend à se ranger du côté des talibans. Les gens se sentent abandonnés par les Canadiens et tous les intervenants internationaux, qu'ils pensaient être là pour les aider. Les troupes canadiennes à Kandahar luttent contre l'insurrection des talibans et doivent en même temps faire face à une population locale de plus en plus hostile.
    L’éradication forcée de la culture du pavot a fait en sorte d'intensifier le soutien aux talibans. De nombreux cultivateurs ont perdu leur gagne-pain et ont de plus en plus de mal à nourrir leur famille. Les Afghans ne peuvent faire la distinction entre les soldats américains et canadiens; ils ne voient aucune différence entre les Américains, les Canadiens, les Britanniques et les Néerlandais. Ils n'arrivent pas non plus à distinguer les militaires des mercenaires menant des opérations dans la région.
    Il est facile pour nous de faire la différence entre un soldat canadien ou américain et un mercenaire, mais à leurs yeux, et pour cause, nous sommes tous des étrangers. Nous sommes donc perçus comme des complices.
    Cette année, environ 3 000 hectares de pavot ont été détruites. Ce sont souvent les agriculteurs les plus pauvres qui en sont victimes car ils sont incapables de payer des pots-de-vin pour empêcher la destruction de leurs cultures.
    Les talibans, très habiles sur le plan politique, ont profité du mécontentement contre les forces de l'OTAN sur place qu'a suscité l'éradication forcée de la culture du pavot pour obtenir le soutien de la population dans le sud du pays. Les militaires canadiens doivent donc mener leurs opérations sur un terrain très hostile. En tant que Canadienne, je dois vous dire que j'étais très fière de voir nos militaires oeuvrer dans des zones de combats intenses. Il y a des bombardements et des combats tous les jours. Les troupes britanniques — particulièrement les parachutistes, sans doute les meilleurs militaires au monde —, situées tout près à Helmand, où nous effectuons également des recherches, nous ont dit qu'il s'agissait des combats les plus violents jamais vus en 30 ans. Je vous assure que nous avons de quoi être fiers du travail de nos compatriotes à Kandahar.
    Dans le cadre de nos recherches, il nous arrive de filmer dans les villages. Nous allons donc vous présenter une courte vidéo sur la situation des villages que nous avons visités. Nous allons vous montrer des photos que j'ai prises et un film tourné par mes collègues afghans, après quoi je concluerai mon exposé. Je suis consciente du fait que nous n'avons pas beaucoup de temps.
    [Projection de la vidéo]
(1540)
    Mme Norine MacDonald :
    Étant donné la gravité de la situation, que pouvons-nous faire pour aider les gens de Kandahar tout en rendant possible la mission de nos troupes? J'aimerais vous faire part de nos recommandations visant à conquérir les coeurs et les esprits des Afghans.
    Nous proposons de créer un groupe d'intervention d'urgence et de prendre une série de mesures immédiates pour que nos troupes puissent obtenir davantage le soutien de la population à Kandahar. Le groupe d'intervention relèverait d'un envoyé spécial nommé par plusieurs parties et aurait pour mandat de coordonner et d'intégrer des initiatives de développement militaire. On devrait également former un groupe d'organisations et d'experts canadiens pour appuyer le travail de l'envoyé spécial. Ce groupe vous permettrait de mettre en oeuvre immédiatement trois mesures qui amélioreraient concrètement les conditions de vie à Kandahar.
    Premièrement, nous proposons que le Canada prenne les devants, au sein de la communauté internationale et de l'OTAN, et établisse une nouvelle approche politique pour l'Afghanistan, particulièrement les régions du sud, là où la rébellion est la plus active. Cette approche devrait permettre de gagner la confiance des populations. Le Canada devrait convoquer immédiatement les pays membres de l'OTAN à une réunion d'urgence au cours de laquelle on redéfinirait l'approche visant à mater l'insurrection en Afghanistan.
    Le Canada devrait appuyer le lancement de projets pilotes destinés à délivrer des permis pour la culture du pavot en Afghanistan en vue de produire des médicaments analgésiques très en demande, comme la morphine et la codéine — vous devriez d'ailleurs avoir un document en français et en anglais sur cette initiative dans vos dossiers. La création d'une marque afghane pour le commerce équitable de morphine et de codéine permettrait à l'Afghanistan d'aider les pays en développement dans le traitement de la douleur et d'assurer un gagne-pain durable et légal aux agriculteurs afghans.
    En plus d'élaborer un plan d'urgence économique, le Canada devrait, dans les semaines à venir, offrir une aide alimentaire et médicale d'urgence pour calmer l'insurrection et préparer les populations locales à affronter l'hiver.
    Le Canada devrait également organiser une série de jirgas, assemblées communautaires traditionnelles, afin de comprendre les besoins de la population afghane. De cette façon, les initiatives de développement répondraient aux problèmes réels.
    Le groupe d'intervention d'urgence devrait mettre en place toutes les infrastructures nécessaires pour permettre aux citoyens et aux organismes canadiens d'aider la population de Kandahar de manière très pratique, c'est-à-dire la prendre sous son aide, en quelque sorte. Cette ville compte environ 800 000 habitants. Grâce à l'acquisition de l'expertise nécessaire — savoir-faire agricole, systèmes d'irrigation, programmes de soutien communautaire —, je crois que les Canadiens, autant les citoyens que les organismes, voient notre engagement à Kandahar et seront prêts à appuyer nos troupes. Mais pour ce faire, nous devons fournir les infrastructures nécessaires.
    Notre engagement ne consiste pas qu'à intervenir à Kandahar ou en Afghanistan, mais aussi à nous découvrir en tant que Canadiens. Nous devons immédiatement adopter une nouvelle approche. Si la communauté internationale quitte Kandahar ou échoue dans sa mission, elle fera un cadeau à Al-Qaïda en lui offrant un refuge géopolitique pour les terroristes extrémistes.
    Nous avons maintenant une responsabilité envers l'Afghanistan. L'hiver approche à grands pas et, à Kandahar, la population doit faire face à un hiver beaucoup plus rigoureux que le nôtre. Jusqu'à maintenant, on n'a établi aucun plan d'aide, que ce soit pour les camps de réfugiés situés dans la ville de Kandahar ou les régions rurales.
(1545)
    Depuis quelques mois, nous perdons en grande partie la bataille pour les coeurs et les esprits, mais si nous agissons vite, nous avons encore une chance de les regagner. Nous exhortons les membres de ce comité à recommander des mesures urgentes pour que le peuple de Kandahar voie que les Canadiens sont prêts à respecter leur promesse là-bas.
    Je vous remercie beaucoup.
    Merci.
    Nous allons commencer notre premier tour par sept minutes pour M. Dosanjh, puis M. Bachand. 
    Je vous remercie beaucoup de venir nous rendre visite pour nous parler.
    Vous dites que militairement, nous sommes en train de perdre la guerre et de perdre la bataille pour les coeurs et les esprits. Vous nous avez dit quelles étaient votre solution et vos recommandations. Nous entendons souvent au Canada l'argument général qu'il faut commencer par assurer la sécurité avant de penser à la reconstruction. Nous faisons du travail humanitaire et du travail de reconstruction, mais il reste négligeable comparativement à ce que nous devons faire.
    Hier, le gouverneur de la province du Helmand a déclaré — on pouvait le lire dans les médias — qu'il avait besoin d'une aide accrue pour assurer la sécurité et garder les Afghans loin des talibans. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette proposition de la poule et de l'oeuf. C'est difficile. Vous êtes allée sur le terrain, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    J'aimerais aussi vous poser une autre question. Nous avons reçu des estimations de diverses sources sur le nombre de talibans qui se battent dans la province de Kandahar ou dans le Helmand. Nous nous inquiétons de Kandahar. J'aimerais que vous me disiez contre qui vous croyez que nous nous battons, quelle est leur force et combien vous croyez qu'ils sont, s'ils changent, s'ils évoluent, si leurs troupes augmentent ou diminuent. J'aimerais que vous m'en informiez.
    Merci.
(1550)
    Pour commencer, le voisin de Kandahar est le Helmand et il y a aussi l'Ourouzgan. Nous avons Kandahar, Les Britanniques ont le Helmand, et les Nééerlandais, l'Ourouzgan. Nous avons tous trois les mêmes problèmes, exactement les mêmes. Lorsque nous parlons aux gens de ces pays, nous avons les mêmes conversations. Si le Canada dit à l'OTAN qu'il faut vraiment résoudre tel problème, nous avons tous le même, et il faut voir si nous pouvons travailler ensemble. Je pense que c'est très utile.
    Je comprends le concept des silos, le fait que l'armée soit séparée du développement et de l'aide. Je comprends d'où vient ce système, mais il ne fonctionne pas. Lorsque nous disons qu'il devrait y avoir une force opérationnelle spéciale et un envoyé spécial, nous essayons de trouver une solution, parce que le système de silos doit disparaître. Il ne fonctionne pas. Il n'est pas fonctionnel. Nous devons innover. La réponse ne peut pas être que ce sont deux choses séparées. Nous ne gagnerons pas cette guerre seulement par des moyens militaires. Nous devons innover. Si l'ACDI n'est pas conçue pour offrir cette aide, il faut nous réorganiser. Nous ne pouvons pas dire que nous allons perdre Kandahar parce qu'il y a l'armée ici et l'ACDI là, il est donc temps d'innover pour nous adapter aux circonstances et respecter notre engagement.
    Pour ce qui est du nombre de talibans, environ, la réponse est que leur nombre est infini. Leur bassin de recrutement est infini. Il y a deux types de talibans. Il y a les talibans liés à al-Qaïda, ainsi que les éléments arabes, tchétchènes et pakistanais, qui financent et organisent les opérations en plus d'en faire la promotion. Il y a aussi les petits gars du village qui tirent avec un AK-47, qui ne sont jamais allés dans la grande ville de Kandahar et qui se battent pour de l'argent. Nous les avions de notre côté et nous les avons perdus, mais nous pouvons les regagner. Ce groupe hiérarchiquement inférieur est sans fin, parce que le taux de chômage des hommes va de 80 à 90 p. 100 et que ce que la plupart de ces garçons savent faire, c'est de tirer. Il y a 800 000 personnes à Kandahar, et la plupart vit dans une extrême pauvreté. La plupart de ces personnes sont fâchées contre nous. Il y a un million de personnes au Helmand. Il y en a beaucoup plus de l'autre côté de la frontière, au Pakistan. On appelle l'Ourouzgan la chambre de la mort.
    Pendant la guerre russe, deux millions d'Afghans sont morts en train de se battre contre des étrangers. Deux millions. Les Russes avaient dix fois plus de soldats en Afghanistan que l'OTAN en ce moment. Les Afghans vont se battre et ils se battent. La situation est exceptionnelle. Les talibans sont très intelligents dans la façon dont ils mènent leur campagne politique populaire et dans la façon dont ils se battent pour les coeurs et les esprits. Ils sont chez eux. Ils parlent la langue. Beaucoup sont de la même tribu. Nous devons être très rusés pour gagner cette bataille, et comme je vous l'ai dit, je ne pense pas que nous puissions accepter l'idée de perdre.
    Lorsque vous dites qu'il y a un bassin infini...
    Nous entendons dire que 150 ou 300 talibans ont été tués, mais il est difficile de savoir qui est le bon et qui est le méchant lorsque des hommes afghans sont tués dans un village. Ils ont exactement la même apparence, ils s'habillent exactement de la même façon, donc on ne sait pas qui on vient de tuer. Il ne peut pas y avoir de compte fiable des corps. Si cent cinquante talibans sont tués, leurs troupes n'ont qu'à aller dans un camp de réfugiés où il y a des milliers de familles et ils trouveront des soldats de remplacement en une demi-heure. Nous vivons parmi une population hostile, où il y a de nouvelles recrues tous les jours.
    S'il y avait un membre de ma famille dans l'armée canadienne à Kandahar, je serais très inquiète au sujet de l'environnement dans lequel on lui demande de se battre. Nous, les membres de la communauté internationale, faisons des choses à Kandahar qui mettent la vie de nos soldats en danger et rendent leur mission beaucoup plus dangereuse qu'elle ne devrait l'être.
    Je pense que nous avons tous de très bonnes intentions là-bas, mais qu'il y a beaucoup de coups dans le dos qui viennent d'autres politiques d'autres ministères. Il doit y avoir de la coordination. Il nous faut une politique de lutte antidrogue adéquate pour vraiment régler le problème là-bas. Il faut une bonne politique de développement et d'aide qui reçoit la collaboration et l'appui de l'armée. Tout doit être coordonné d'une certaine façon.
(1555)
    Lorsque le président Karzai est venu ici, je l'ai entendu dire dans son discours au Parlement que si nous ne tuions pas les pavots, ce sont eux qui allaient nous tuer. Vous nous envoyez un message différent, qu'il faut régulariser la culture du pavot et l'utiliser dans le monde entier pour créer une base économique.
    Pourquoi le président Karzai nous dirait-il cela s'il sait, comme on peut le présumer, que cela ne fait qu'antagoniser des gens et grossir les rangs de nos ennemis, à lui et à nous?
    Évidemment, je ne peux pas vous dire ce que pense le président Karzai, mais je peux vous dire que nous avons l'impression que le gouvernement afghan ne croit pas que la communauté internationale lui donne le droit de régir la production de morphine ou de codéine et qu'il reste des membres de la communauté internationale qui sont contre.
    Le gouvernement afghan est un gouvernement novice qui évolue dans une situation politique très instable. Il se fie à nous pour faire ses choix politiques. La communauté internationale doit donc commencer par dire au gouvernement afghan qu'il doit lancer des projets pilotes et voir comment les choses évoluent. C'est exactement ce que nous demandons, nous devons envoyer un message positif.
    Je pense qu'il a besoin de nous entendre le dire avant de se mouiller pas et de dire que c'est ce qu'il veut faire.
    Merci.
    M. Bachand est le suivant et après, ce sera le tour de Mme Black.

[Français]

    Je veux d'abord vous féliciter de votre présentation, parce qu'une image vaut souvent mille mots et que ce que nous venons de voir vaut plusieurs présentations théoriques.
    J'aimerais m'entretenir avec vous de quelques sujets. Je veux d'abord apporter une précision. Vous pourrez répondre éventuellement à quelques-unes de mes questions. Je ne veux pas vous accorder trop de temps, parce que je veux poser mes questions. Vous y répondrez ensuite rapidement.
    Il me semble qu'il y a une différence entre la guerre que les Russes ont menée et celle que les forces internationales mènent actuellement. À mon sens, la guerre russe était une guerre d'occupation de territoire, alors que celle de l'OTAN et de la communauté internationale — même si des faux pas sont commis — est une guerre de libération. Ils veulent améliorer le sort des Afghans. Peut-être s'y prennent-ils mal, mais je pense quand même que ces deux interventions sont de genres différents.
    Vous insistez beaucoup aussi sur l'OTAN. Vous est-il possible de nous fournir plus d'instruments de ce type, par exemple des documents comme cela ou même, éventuellement, la cassette?
    Mes collègues et moi devons nous rendre à une réunion de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN à Québec. D'ailleurs, j'aimerais que nous nous parlions tantôt. Si vous pouviez faire un petit détour, j'aimerais vous présenter des gens là-bas. Ça aura lieu du 13 au 17 novembre. Si nous avions des instruments, ce pourrait être intéressant pour les parlementaires qui seront là représentant l'ensemble des nations.
    Il y a eu des discussions intéressantes à l'OTAN — j'y participe depuis plusieurs années — sur la substitution de la culture. Vous dites que l'industrie pharmaceutique pourrait peut-être prendre une partie de la production de pavot. Il y a actuellement des discussions entre l'OTAN et l'Union européenne en vue de substituer la culture là-bas. L'Union européenne assurerait aux Afghans une part de marché. Le problème, lorsqu'on change de culture, est qu'on peut bien faire pousser des patates, mais si on n'arrive pas à les vendre, on est pris avec ses patates. Mais si l'Union européenne s'engageait à faire un effort pour acheter ces patates et ces carottes, cela pourrait fonctionner.
    Je voudrais aussi avoir votre opinion sur l'aide à la démocratie. Par exemple, un pays comme le Canada pourrait-il apporter une contribution au Parlement afghan en envoyant des députés pour expliquer comment se vit ici la vie parlementaire démocratique? La Commission de la fonction publique pourrait peut-être aider la bureaucratie civile afghane en parlant de la fonction civile.
    Je considère l'ensemble des domaines auxquels nous pourrions participer et j'aimerais que vous nous parliez particulièrement du pavot et de l'aide à la démocratie que nous pourrions apporter.
    J'ai lu votre document et je suis d'accord avec vous: si nous ne changeons pas la tactique militaire actuelle et si nous ne nous concentrons pas davantage sur la reconstruction et l'aide humanitaire, cela risque de déraper encore plus. Pourtant, le général Richards, que j'ai rencontré lors de mon dernier séjour en Afghanistan, est d'accord là-dessus. Il dit que si nous voulons gagner la guerre des coeurs et des esprits, ce n'est pas militairement que nous y arriverons. C'est plutôt en apportant une aide concrète sur le terrain que les gens verront que leurs conditions s'améliorent enfin.
    Je m'excuse, mais j'avais plusieurs questions à vous poser. Je vais vous laisser le reste du temps pour y répondre. J'espère que ce sera suffisant.
(1600)
    Je vais reprendre vos questions l'une après l'autre.
    À propos de la différence entre l'intervention russe d'il y a une quinzaine d'années, ou même une vingtaine d'années maintenant, et la situation des troupes de l'OTAN en Afghanistan — et plus particulièrement celle du Canada à Kandahar —, je pense que ce que vous dites était vrai il y a cinq ans. Il y avait effectivement, alors, un contexte qui laissait présager une collaboration positive entre la communauté internationale et une démocratie islamique naissante. Mais ce contexte a changé, et les troupes, il faut bien l'avouer même si c'est effectivement une vision assez sombre, sont maintenant vues comme des troupes d'occupation. C'est une conclusion que nous avons tirée des interviews que nous avons effectuées auprès de milliers de personnes qui habitent à Kandahar ou à Helmand, dans le sud de l'Afghanistan. On parle en fait de perception, de la réalité de la perception locale.
    Bien sûr, la communauté internationale ne se voit pas comme une force d'occupation. Ce n'est pas du tout l'esprit dans lequel nous sommes intervenus en Afghanistan. Mais c'est lettre morte, si on ne prend pas en considération la façon dont les Afghans sur place nous perçoivent. Une grande majorité d'entre eux nous perçoivent maintenant comme une force d'occupation ou — et c'est ce qu'on entend le plus souvent — comme des croisés. Encore une fois, c'est une des nations les plus importantes du monde islamique, et il s'en faut de peu pour que nous soyons à nouveau considérés comme des armées de chrétiens envahissant un pays musulman. L'équilibre était extrêmement précaire, et il a été rompu il y a deux ou trois ans par la machine militaire américaine et par la priorité qui a été donnée aux actions militaires sur la campagne pour gagner le coeur et l'esprit des Afghans.
    Vous avez parlé de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN qui va se réunir à Québec à la mi-novembre. Comme le disait Mme MacDonald, il est vrai que l'OTAN a un rôle extrêmement important à jouer en Afghanistan. Il joue d'ailleurs, en quelque sorte, son avenir en tant qu'organisation internationale. C'est le renouveau du rôle de l'OTAN après la guerre froide. Nous serons donc absolument ravis de vous envoyer toute la documentation nécessaire pour informer vos collègues parlementaires de l'association.
    Vous avez abordé la question de la substitution. Depuis que nous sommes en Afghanistan, soit depuis 2005, on nous a expliqué et exposé de façon très détaillée tous les programmes de substitution qui devraient être mis en place, et on nous a montré les tableaux de financement et les programmes qu'ont mis en place les consultants. Le seul problème est que, sur le terrain, quand nous allons dans le sud ou dans l'est de l'Afghanistan, dans les provinces d'Angar, d'Helmand et de Kandahar, et que nous demandons aux gens s'ils ont vu quelque chose, ils nous répondent qu'ils n'ont rien vu. Et nous-mêmes, nous constatons qu'il n'y a rien en place.
    Tout cela, ce sont des projets qui témoignent de beaucoup de bonne volonté, mais qui ne se sont pas traduits concrètement sur place. Cela fait aussi partie des raisons pour lesquelles nous avons perdu la guerre des coeurs et des esprits. Nous avons beaucoup promis mais nous n'avons rien tenu, et cela, les Afghans l'ont bien en mémoire. Cela a aussi créé cette crise de la pauvreté que les images que nous avons montrées tout à l'heure illustrent malheureusement parfaitement.
    Il est évident que la substitution et la diversification de l'agriculture afghane sont essentielles. Mais nous ne pouvons pas demander aux paysans afghans d'éliminer d'abord leur culture, leur seule source de revenu et leur seule source de subsistance, et de commencer ensuite autre chose. C'est comme si vous disiez à un entrepreneur d'ici qui a une activité florissante et qui décide de diversifier son activité qu'il ne peut le faire que s'il ferme boutique. Cela ne peut pas fonctionner. Or, c'est exactement ce qu'on demande aux paysans du fin fond de l'Afghanistan qui cultivent des terrains extrêmement arides où il n'y a qu'une chose qui pousse jusqu'à présent, l'opium.
    Justement, ce programme de régulation de la culture de pavot pour la production de morphine et de codéine est une forme, en fait, de développement alternatif. On prend la même plante et on la développe autrement. Cela devrait permettre à l'agriculteur afghan de diversifier sa production par la suite.
(1605)
    Je parlerai rapidement de votre troisième point, celui du développement de la démocratie et de l'aide que le Canada pourrait apporter au développement de la démocratie.
    C'est un point extrêmement important que cette notion de légitimité. Toutes les institutions démocratiques qui ont été construites depuis 2 000 ans en Afghanistan sont sur le point de rendre l'âme à cause de la montée en puissance des talibans. Il est donc très important de renforcer les institutions, et le Canada a des traditions bien connues en la matière qui pourraient être extrêmement utiles.

[Traduction]

    Merci infiniment.
    Merci, monsieur Bachand.
    Mme Black est la suivante.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie, madame MacDonald et monsieur Reinert, d'être ici avec nous aujourd'hui. J'ai trouvé votre présentation vidéo très prenante et dérangeante. Je suis certaine que tous les membres du comité se sont sentis de la même façon en voyant ces images d'enfants affamés et de personnes en grande détresse.
    Vous travaillez sur le terrain en Afghanistan, et nous avons entendu le ministre nous répéter à la Chambre, aujourd'hui, qu'il y avait divers projets d'aide sur le terrain à Kandahar. Quelle présence constatez-vous et quelle est votre expérience avec l'ACDI? Quels sont les projets de l'ACDI dont vous êtes témoins ou quelle communication y a-t-il entre vous et les responsables des projets de l'ACDI à Kandahar?  
    Merci.
    J'ai visité des villages de l'extérieur de Kandahar. J'ai visité des camps de réfugiés informels autour de Kandahar, dans le Panjwai. Je pense que vous connaissez la région, c'est là où la plupart des combats ont lieu.
    C'est en périphérie de Kandahar. Quand Kandahar se termine, on tourne vers le sud et l'on continue jusqu'au Panjwai. C'est environ 15 minutes de route. J'ai visité des camps de réfugiés informels dans la ville de Kandahar, là où je vis. Depuis le début, jour après jour, semaine après semaine, ils n'ont jamais reçu la visite d'un étranger ni l'aide de quiconque.
    Je ne vois aucune manifestation des projets de l'ACDI dans ces villages et ces camps informels où se trouvent les personnes les plus pauvres.
    Lorsque nous y sommes allés, nous avons ouvert la porte du véhicule et des hommes sont venus nous voir pour nous demander si nous avions de la nourriture parce qu'il y avait des enfants qui mourraient de faim. Nous avons donc commencé à apporter de la nourriture. Ils nous ont demandé de leur apporter de la nourriture et de leur amener des médecins, parce qu'il y avait des bébés, des enfants et des vieillards très malades. C'est ce que nous avons commencé à faire, tout en poursuivant nos recherches et en tournant des vidéos.
    Je pense que vous avez vu dans ces vidéos des personnes avec du pain dans les mains. Nous arrivions avec du pain, et ils venaient immédiatement le prendre. Ils prenaient un bout de pain... Un homme adulte se dépêchait de prendre un bout de pain et de le mettre dans sa bouche. Ils ont faim.
    Nous avons commencé à leur offrir de l'aide alimentaire, et c'est la première qu'ils reçoivent. Nous avons commencé à leur offrir de l'aide alimentaire parce que nous voulions mener nos recherches, et tout comme vous, nous pouvions apporter de la nourriture, donc nous en avons apportée. Nous pouvions amener des médecins, donc nous nous sommes organisés pour en amener et apporter des médicaments. Mon personnel est toujours là-bas, il visite toujours ces camps et il n'y a toujours pas d'aide.
(1610)
    C'est très dérangeant d'entendre ce que vous dites.
    Avez-vous eu l'occasion de rencontrer les membres des Forces canadiennes qui sont à Kandahar en ce moment ou de vous associer à eux?
    Je trouve tout cela dérangeant; je trouve dérangeant de voir votre présentation vidéo. Je pense que ce doit aussi être très dérangeant pour les hommes et femmes que nous envoyons dans la province de Kandahar, s'ils sont témoins de cette famine, de l'extrême pauvreté et du désespoir absolu que vous décrivez.
    Dans nos déplacements, nous rencontrons des soldats canadiens. Par exemple, la route jusqu'au Panjwai est désormais asphaltée, parce que la région a toujours considérée un point chaud. Le plan de l'armée est d'avoir facilement accès aux points chauds. Il y a donc une route asphaltée là-bas. Nous avons passé beaucoup de temps au Panjwai à essayer de comprendre ce qui se passait là-bas et ce que les gens faisaient. Si l'on continue un peu plus loin, il y a un désert d'un côté et une montagne de l'autre. L'armée canadienne se poste souvent au pied de la montagne. Nous nous arrêtons, non seulement pour que les soldats sachent qui nous sommes, mais aussi simplement pour leur parler.
    Ce sont les soldats les moins expérimentés sur le terrain. Je ne parle pas des représentants de l'armée. Nous leur avons dit que nous offrions de l'aide alimentaire. Ce sont de très jeunes hommes, au début de la vingtaine, qui viennent des Maritimes, du Nord de l'Ontario et des banlieues d'Edmonton. Je leur dis où je vais. Je leur dis que je me dirige vers un certain camp. Ils m'ont dit que c'était un camp dirigé en partie par les talibans. Je leur ai dit que nous y allions pour apporter de l'aide alimentaire et que nous y étions déjà allés auparavant. Je leur ai demandé s'ils étaient au courant de la situation. Ils m'ont répondu que oui. Ils la voyaient de là où ils étaient. Ils étaient inquiets et disaient qu'ils pouvaient voir à quel point les gens étaient pauvres là-bas. Je leur ai demandé ce qu'ils pensaient de l'aide alimentaire là-bas, et ils m'ont dit qu'ils aimeraient bien les aider, parce que cela faisait partie de leur éducation en tant que Canadiens, mais bien entendu, cela ne fait pas partie de leur mission militaire. Il n'est pas de la responsabilité des jeunes hommes et des jeunes femmes sur le terrain de régler ce type de problème. Tout de même, ils m'ont dit en parler tous les jours. Ils voient ces personnes tous les jours. Ils sont obligés de se rendre dans des villages afghans et d'embaucher n'importe quel homme afghan qu'ils voient. Ils savent qu'ils ne peuvent pas faire la différence entre les bons et les méchants. Ils le savent.
    L'environnement dans lequel on demande à l'armée canadienne de se battre m'inquiète beaucoup, non seulement du point de vue de la stratégie militaire, mais aussi en raison de ce que nos jeunes hommes et femmes voient et de ce qu'on leur demande de faire. Nous devrions tous être inquiets.
    Je m'interroge sur le gouvernement central afghan. Nous avons entendu divers témoins nous parler de la façon dont les Canadiens aident le gouvernement de Kaboul à s'organiser, à former l'armée nationale afghane. Tout cela devrait avoir l'air très positif. Quelle preuve de ce développement voyez-vous de la part du gouvernement national dans la province de Kandahar en Afghanistan? A-t-on l'impression que le gouvernement d'État est maître de la situation? A-t-on l'impression qu'il est en mesure de se faire entendre et de faire quoi que ce soit pour réduire un peu cette pauvreté ou maintenir un degré d'ordre de base dans la province? Le gouvernement local en a-t-il les moyens ou le pouvoir?
    La situation est très difficile, particulièrement dans le sud. Ils sont partis de zéro, avec très peu d'infrastructure. Nous avons investi beaucoup de temps, d'argent et d'efforts pour la tenue d'élections, mais la population locale ne comprend pas le sens des élections ni du pouvoir démocratique. En Afghanistan, le fait d'être élu député, par exemple, ne veut pas dire grand-chose.
    On demande aux gens : « Avez-vous voté? » Ils ont voté. Tout a été organisé pour qu'ils aillent voter, mais ils ne comprennent pas ce qu'ils ont fait. Ils ne comprennent pas ce qu'est un député. Dans leur culture, cela signifie qu'il n'y a pas de pouvoir dans le système. C'est le commandant, l'homme fort du coin qui décide. Les députés eux-mêmes sont donc paralysés, parce que personne ne comprend ce qu'ils font et qu'ils n'ont pas de budget indépendant. Le gouvernement afghan n'a pas de budget indépendant, parce que c'est la communauté internationale qui lui dicte comment dépenser et quoi ne pas faire. L'infrastructure parlementaire est donc très fragile sur le terrain. Elle n'a rien de réel dans la région rurale de Kandahar, rien du tout.
(1615)
    Je sais que vous avez rencontré des députés de l'opposition pour échanger de l'information aujourd'hui. Avez-vous eu l'occasion de présenter vos renseignements au ministre ou au personnel du ministre, ici au Canada?
    Nous avons écrit au premier ministre, au ministre de la Défense et au ministre des Affaires étrangères, mais leur horaire ne leur permettait pas de nous rencontrer.
    Monsieur Hiebert.
    Je vous remercie d'être ici.
    J'ai quelques questions, que je vais essayer de garder brèves, et j'espère que vous allez réussir à me suivre.
    Ma première question concerne une nouvelle que nous avons entendue de divers médias, dont la BBC, que le 15 octobre, le gouvernement démocratiquement élu de l'Afghanistan a demandé à votre organisation de fermer ses bureaux et de quitter le pays. Je crois que vous avez reçu une lettre du ministre de l'Intérieur à cet égard. Je ne connais aucun autre groupe de réflexion politique à qui on a demandé de quitter l'Afghanistan. Je me demande si vous pouvez nous expliquer pourquoi le gouvernement démocratiquement élu de l'Afghanistan vous demanderait de partir.  
    Il ne nous a pas demandé de partir. Nous avons effectivement reçu une lettre du ministre de l'Intérieur qui disait craindre qu'en discutant de la possibilité de cultiver le pavot à des fins médicales, pour fabriquer de la morphine et de la codéine, nous violions la partie de leur constitution qui dicte qu'on ne peut pas cultiver le pavot pour produire de l'héroïne, et nous devrons faire très attention à cela à l'avenir.
    Nous acceptons cette inquiétude et cet avertissement et nous restons. Je suppose qu'il y a des gens qui nous ont posé la question parce qu'ils craignent que nous soulevions des questions controversées de la lutte antidrogue et que nous critiquions des politiques d'éradication.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président, peut-être pourrions-nous obtenir copie de cette lettre, étant donné qu'elle a été citée dans la réponse.
    Si c'est possible, je suis certain qu'ils vont nous l'envoyer.
    Oui, elle est à Dari.
    D'accord.
    Vous avez fait des déclarations dans divers médias au cours des derniers jours, ainsi que pendant cette réunion du comité. Vous dites que la famine est un problème grave dans certaines parties de Kandahar et peut-être même dans tout le sud de la province. Mais vous êtes le seul groupe que j'ai entendu le dire. J'ai donc demandé aux membres de mon personnel de communiquer avec le Comité international de la Croix-Rouge aujourd'hui, et ce comité n'a pas réussi à confirmer cette affirmation.
    J'ai également remarqué qu'il y a quelques jours, les porte-parole du Programme alimentaire mondial de l'ONU, qui travaillent activement à offrir de l'aide à des milliers de personnes en Afghanistan, ont présenté des preuves de grande réussite de leur part pour fournir de l'aide alimentaire.
    À la lumière du fait qu'il y a au moins deux organisations reconnues qui offrent actuellement des secours d'urgence qui ne corroborent pas le message que vous nous communiquez aujourd'hui, je me demande si vous pouvez nous donner de plus amples détails, peut-être les noms des villages ou le nombre de personnes que vous estimez touchées.
    Oui, c'est avec plaisir que je vais le faire.
    En juillet, le Programme alimentaire mondial, en collaboration avec le gouvernement afghan, a demandé 93 millions de dollars pour offrir des secours alimentaires d'urgence dans le Sud de l'Afghanistan. Nous avons vérifié sur leur site Web, et ils affirment avoir reçu 0,03 p. 100 du financement demandé.
    C'est intéressant. J'ai d'autres renseignements. Peut-être pourrons-nous en discuter après la réunion.
    Ma troisième question porte sur ce que vous avez dit concernant l'éradication de la culture du pavot. À notre dernière réunion, si je ne me trompe pas, nous avons entendu le témoignage du colonel Capstick, qui a dit aux membres du comité: « Nous devons faire attention lorsque nous établissons des liens directs entre l'éradication de la culture du pavot et la faim. » Je le cite. Il a dit que c'était beaucoup plus compliqué, que les cartels de la drogue fournissaient les graines, les engrais et qu'ils récoltaient les pavots, mais qu'ils ne donnaient aux agriculteurs que de quoi subvenir à leurs besoins et que ces derniers étaient pris dans ce mode de vie. Il a également souligné qu'il n'y avait aucune force de l'OTAN qui participait au programme d'éradication de la culture du pavot.
    À la lumière du fait que l'Organe international de contrôle des stupéfiants des Nations Unies a laissé entendre que les prêts de micro-crédit étaient un outil efficace pour lutter contre la culture illicite du pavot — et je souligne que le Canada est le donateur le plus important du programme de micro-crédit — et du fait que la Thaïlande ainsi que d'autres pays qui ont déjà été aux prises avec le problème de la production d'opium ont réussi à convertir leurs fermes à la production légale d'autres cultures, comment se fait-il que vous êtes contre cette stratégie en Afghanistan, alors qu'elle a fait ses preuves?
    Nous ne sommes pas contre. Nous soutenons simplement que la production de médicaments sous licence à partir du pavot devrait s'inscrire dans un plan économique diversifié pour l'agriculture dans le sud de l'Afghanistan. Les États-Unis ont obtenu de bons résultats avec des efforts semblables en Turquie et en Inde à l'époque de Nixon et je pense que nous devrions leur emboîter le pas.
    Quant à savoir s'il y a effectivement une famine dans la région de Kandahar, je vais inviter officiellement tous les membres du comité à visiter notre bureau local et à nous accompagner pour la distribution alimentaire. Si vous avez des doutes quelconques quant à la persistance d'une pauvreté extrême et de la famine dans la province de Kandahar, venez vérifier par vous-mêmes.
(1620)
    Je crois que le comité se penche en fait sur cette possibilité, alors...
    Nous serions heureux de vous accueillir.
    ...nous aimerions beaucoup pouvoir donner suite à votre invitation.
    J'espère bien vous voir là-bas, monsieur.
    J'espère pouvoir m'y rendre.
    Le chef du NPD a laissé entendre que nous devrions ramasser nos billes et quitter l'Afghanistan. Aujourd'hui même, les médias rapportaient que vous aviez déclaré le contraire. Je me demandais si vous pouviez nous expliquer les raisons pour lesquelles il est important pour nous de ne pas tout laisser tomber.
    Je peux comprendre que les Canadiens se préoccupent du sort de nos militaires postés à Kandahar. Comme je l'ai déjà indiqué, ils doivent livrer bataille dans un environnement très hostile et il est normal, dans une telle situation, que bien des gens affirment que nos troupes devraient rentrer au pays.
    Pour ma part, j'estime que nous avons pris des engagements envers Kandahar. Nous, Canadiens, avons pris des engagements envers l'Afghanistan et nous devons les respecter. En quittant Kandahar, nous ferions cadeau à al-Qaïda d'un foyer géopolitique pour ses activités terroristes. Il s'agit, à mon avis, d'une perspective inacceptable pour tous les Canadiens; il serait tout aussi inadmissible d'abandonner ainsi le peuple afghan à son sort.
    Nous devons maintenant nous employer à soutenir les militaires canadiens en poste à Kandahar et à appuyer la population afghane dans cette région afin de lui donner la chance de vivre la paix durable et la prospérité auxquelles nous avons droit au Canada.
    Je suis d'accord avec vous sur ce point. Je pense que nous pouvons tout au moins nous entendre relativement à quelques aspects de cette mission.
    Ma dernière question porte sur le financement du Conseil de Senlis. Il semble qu'il ne soit pas possible de consulter les états financiers annuels de votre organisation sur votre site Web; une situation qui ne me surprend pas nécessairement. Pourriez-vous indiquer au comité d'où vous proviennent vos fonds et quels intérêts vous représentez?
    Notre financement nous vient du Network of European Foundations, un groupe de fondations d'Europe de l'Ouest qui conjuguent leurs efforts dans différents dossiers d'intérêt mondial. Je suis moi-même membre de ce réseau. Je dirige la Fondation Gabriel pour le compte d'un philanthrope suisse, Stephan Schmidheiny, qui a assuré la coprésidence du Sommet de la Terre à Rio et qui a également mis sur pied le World Business Council for Sustainable Development. Il est l'une de nos principales sources de financement, via le Network of European Foundations.
    Très bien. Je n'ai plus d'autres questions.
    Notre horaire est respecté à la lettre.
    Voilà qui termine la série des interventions de sept minutes. Nous allons entreprendre notre deuxième tour avec M. McGuire, puis M. Hawn et M. Bouchard, qui auront cinq minutes chacun.
    Désolé; nous commençons plutôt par le Dr Bennett.
    L'approche 3-D était bien sûr prévue dans notre énoncé de politique internationale. D'après les propos du colonel Capstick, le problème des vases clos semble toujours persister; en tout cas, c'est certes ce que vous nous confirmez aujourd'hui.
    D'après ce que vous savez du gouvernement canadien, pouvons-nous actuellement compter sur une structure permettant de déployer dans le cadre d'un mécanisme coordonné les efforts de défense, diplomatie et développement? Que suggérez-vous pour concrétiser cette approche 3-D? Vous nous dites que c'est en conquérant les coeurs et les esprits et en intensifiant nos efforts de développement que nous pourrons réaliser des gains sur le plan militaire, mais comment allons-nous nous y prendre?
    Il est bien évident que nous sommes conscients des difficultés que nous avons connues, même après le tsunami, pour arriver à faire collaborer efficacement les différents ministères de notre gouvernement. Si la ministre responsable de l'ACDI était présente, quelles questions lui poseriez-vous?
    Je dois d'abord préciser que tous les Canadiens travaillant pour le gouvernement ou au sein des forces militaires en Afghanistan que j'ai rencontrés sont extrêmement bien intentionnés et très dévoués. Ils font tous de leur mieux pour s'acquitter de leur missions diverses dans une situation extrêmement difficile. Tous les fonctionnaires du gouvernement du Canada postés à Kaboul et à Kandahar mettent absolument tout en oeuvre pour que l'approche trois-D donne des résultats.
    La situation qui prévaut à Kandahar n'est pas attribuable à un mauvais fonctionnement de cette approche. Ce n'est pas ce que je vois. C'est le fruit de différentes choses qui se sont produites simultanément à notre arrivée à Kandahar dont notamment, comme nous l'avons indiqué très clairement, le phénomène d'éradication forcée. Le problème ne vient pas nécessairement des trois-D. Il découle de la mise en oeuvre de cette approche dans ce contexte particulier, une conjoncture épouvantable qui nous a tous surpris.
    Que devrions-nous faire maintenant? J'estime qu'il nous fait agir un peu comme on le ferait au sein d'une entreprise lorsqu'on se rend compte qu'il faut procéder très rapidement à une réorganisation. Il faut trouver une personne qui va aller s'asseoir avec tous les intéressés et leur demander ce qui peut être fait dans un esprit de bonne volonté. Je comprends bien le problème des vases clos, mais je ne voudrais pas que nous passions trop de temps à discuter de ce qui ne fonctionne pas; il serait préférable que nous penchions sur les correctifs à apporter, étant donné que c'est ce que veulent faire tous les intéressés sur place. C'est une situation problématique dont peuvent convenir tous les Canadiens et l'ensemble des fonctionnaires, alors passons immédiatement à la recherche de solutions, plutôt que de débattre de ce que le gouvernement aurait pu ou aurait dû faire.
(1625)
    Je crois que dans vos recommandations dans le cadre de la stratégie pour gagner les coeurs et les esprits, vous indiquez vouloir amorcer dès maintenant l'aide alimentaire et humanitaire pour appuyer les efforts consentis du côté militaire, car ceux-ci ne permettront pas à eux seuls de rectifier la situation. Que feriez-vous pour vous assurer que l'aide alimentaire et humanitaire se rende à destination? C'est selon moi notre principale préoccupation depuis toujours.
    Je peux vous dire comment les choses se passent sur place. Lorsque nous avons mené notre recherche, nous avons aussi essayé de déterminer les moyens à prendre pour se rendre aux différents endroits, car cela fait également partie de mon travail. Nous avons donc travaillé avec les Afghans. Nous avons parlé aux Afghans et adopté leurs modes de déplacement et leurs tenues vestimentaires de manière à éviter les tensions de ce genre pendant notre présence là-bas. Il s'agit de s'asseoir avec les gens pour leur expliquer que nous voulons nous rendre sur place pour fournir une aide alimentaire.
    Le grand avantage d'arriver quelque part avec de la nourriture, c'est que les gens vous accueillent bien. Si vos enfants ont faim, vous allez toujours être heureux de voir ceux qui leur apportent de la nourriture. La distribution de l'aide alimentaire en tant que telle n'est pas particulièrement difficile et, une fois que cela est réalisé, vous êtes le bienvenu dans la collectivité.
    Je suppose que la ministre nous dit simplement que l'ACDI ne dispose pas actuellement de la méthodologie nécessaire pour ce faire et que les forces armées doivent s'occuper de l'aspect militaire. C'est la raison pour laquelle nous suggérons une intervention de toute urgence pour coordonner les efforts de chacun afin que le nécessaire soit fait.
    Peut-être qu'il me manque des éléments d'information. Je connais bien la situation à Kandahar; je ne sais toutefois pas comment les choses se passent au sein des différentes instances du gouvernement canadien. Ce n'est pas une réalité qui m'est très familière. Je ne veux pas faire de commentaire à ce sujet, car je ne connais pas les rouages du gouvernement. Mes connaissances se limitent à ce que je peux constater sur le terrain.
    Vous recommandez une aide alimentaire et humanitaire considérable pour compléter les efforts déjà consentis ou améliorer leurs chances de réussite, et j'aimerais savoir si vous seriez en mesure d'appuyer la ministre à ce chapitre? Si elle pouvait tout à coup débloquer des fonds aux fins du développement, pourriez-vous vous assurer que l'aide parvient à destination?
    Nous serions heureux de pouvoir le faire dans les plus brefs délais.
    À notre retour, nous allons fournir de l'aide alimentaire au meilleur de nos capacités financières parce que nous sommes conscients de la situation qui prévaut. Je suis canadienne et j'ai travaillé là-bas aux fins de nos recherches; je vais maintenant faire de mon mieux, à la mesure de nos modestes moyens, pour offrir cette aide. Je me réjouis de pouvoir appuyer quiconque voudra intervenir dans cette situation de quelque manière que ce soit, car je me préoccupe du sort des Afghans comme de celui des militaires canadiens.
    Puis-je encore poser une question un peu bête?
    Il faudrait qu'elle soit très courte.
    Oui.
    J'ai entendu dire, mais je ne peux trouver d'indication en ce sens nulle part, que le pavot constituait la meilleure source possible de biodiésel.
    J'ai entendu la même chose et des gens nous ont fait parvenir de l'information en ce sens. Nous n'avons pas effectué de recherches, mais nous avons reçu des renseignements à ce sujet. C'est une possibilité et ce serait une véritable bénédiction.
    Merci beaucoup. Il y a dans ma circonscription des producteurs de betteraves sucrières qui estiment qu'il s'agit de la meilleure source de biodiésel, alors il faudra tirer ça au clair. Merci.
    Monsieur Hawn.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d'avoir accepté notre invitation.
    Je dois préciser dès le départ que je ne mets aucunement en doute ni votre sincérité ni votre motivation. Avant de poser mes questions, j'aurais un commentaire à formuler sur le document vidéo que vous nous avez présenté. Il est évident pour moi qu'il y a une perspective à considérer relativement à certains des sujets dont vous nous parlez. J'ai vu deux pères, un enfant et un taliban armé à l'arrière-plan de la plupart des images.
    J'ai parlé à un très grand nombre de militaires canadiens qui ont oeuvré là-bas et ils m'ont dit qu'ils participaient régulièrement à des jurgas avec les gens des villages. Ils s'intègrent à la population du mieux qu'ils peuvent; ils fournissent toute l'aide alimentaire possible et il ne fait aucun doute que des soins médicaux sont régulièrement dispensés par les Forces canadiennes dans toute la région de Kandahar.
    Est-ce que ces militaires me disent la vérité?
    J'ai passé des semaines et des mois dans la région et je n'ai rien vu de tel. Alors...
    Ces jeunes hommes et ces jeunes femmes ont passé des mois là-bas...
    Je suppose que nous pourrions dire qu'il ne s'agit pas... Ces camps sont situés à une demi-heure de Kandahar. J'ai été surprise comme tout le monde. J'étais là pour effectuer des recherches sur un autre aspect. S'ils sont effectivement sur place, leur présence n'est pas aussi vaste et pénétrante qu'elle devrait l'être.
(1630)
    Il y a de toute évidence divergence d'opinions et c'est très bien comme cela.
    Je ne sais pas s'il y a divergence d'opinions ou simplement certains endroits où je ne me suis pas rendue, ou vice-versa.
    Eh bien, il y a probablement des endroits où vous n'êtes pas allée et on ne peut pas vous le reprocher. Pour des raisons de sécurité, il y a sûrement des lieux que vous ne visitez pas et c'est tout à fait normal.
    Je vous dirais que j'étais dans un territoire sous contrôle mixte. Il nous était possible de nous y rendre, mais si nous avions fait partie d'un convoi militaire, la situation aurait été différente.
    Vous indiquez qu'ils livrent bataille dans un environnement hostile. Je n'ai pas jamais entendu parler de conflits dans un environnement amical, mais c'est simplement...
    Un bon point pour vous.
    Un témoin que nous avons reçu dans une réunion précédente nous a fait une observation concernant la réaction des Afghans. C'est une personne qui avait aussi passé pas mal de temps avec les Afghans, et pas seulement avec les militaires. Il a indiqué que ces gens voyaient la situation actuelle, sans nul doute désastreuse, en tout cas loin d'être idéale, comme une sinécure comparativement à l'époque de l'occupation soviétique. On peut toujours discuter de la pertinence des termes utilisés, mais, sans égard au fait que leur situation n'est pas ce qu'elle devrait être, on peut affirmer aujourd'hui qu'elle ne s'est pas détériorée par rapport à l'époque soviétique, et qu'elle s'est même améliorée — ce qui ne veut pas dire grand-chose, je vous l'accorde.
    Qu'est-ce que les gens vous disent lorsque vous leur demandez de comparer le régime soviétique à la situation actuelle?
    Aux fins de notre rapport sur la situation « cinq ans plus tard », nous avons demandé aux gens si la conjoncture s'était améliorée au cours des cinq dernières années et dans quelle mesure leur situation financière avait évolué. Dans les régions rurales de Helmand et de Kandahar, je pense que les gens nous ont dit que c'était pire qu'auparavant.
    On peut voir les vestiges de la présence soviétique dans les villes de Lashkar Gah, Kandahar et Kaboul où de grands projets immobiliers ont permis de construire des écoles, des ministères et une boulangerie industrielle dans chaque ville. Il est bien évident qu'une bonne partie de ces infrastructures sont maintenant détruites. Les activités de développement étaient intenses. Dans les écoles, beaucoup d'Afghans ont été formés au génie russe, ce qui a produit une génération d'ingénieurs.
    Les Américains ont été présents pendant une certaine période à Lashkar Gah dans la province de Helmand; on peut aussi voir les vestiges de leur présence. On a alors assisté à une « occidentalisation » de l'Afghanistan dans une certaine mesure. La plupart de ces traces ont disparu.
    On entend des gens qui regrettent l'époque soviétique et d'autres qui sont maintenant nostalgiques de celle des talibans. La première fois que j'ai entendu des gens dire que c'était mieux sous les talibans, ce fut un véritable choc.
    Encore là, il y a nette divergence d'opinions parce que ce n'est vraiment pas ce que m'a dit cette autre personne qui a passé beaucoup de temps auprès des Afghans, en tout cas pas en ce qui concerne les Russes.
    Que feriez-vous par rapport aux talibans?
    Comme je l'ai mentionné, il y a deux types différents de talibans; nous devrions surtout nous préoccuper de ceux qui sont liés à al-Qaïda car ce sont des gens très brillants. J'ai surtout rencontré de jeunes talibans dans les villages qui m'ont reçue très amicalement parce que j'apportais de la nourriture. Je dirais donc qu'il est relativement facile de ramener ces gens dans notre camp.
    Je ne voudrais pas insulter mes collègues afghans en laissant entendre que les gens de ce pays changent facilement de camp, mais c'est un fait historique. Ils s'intéressent d'abord et avant tout à la prospérité économique — et je simplifie les choses — et ils vont du côté qui leur procurera un avantage économique. Mais il faut avouer que c'est ce que nous appelons le capitalisme et l'entrepreneuriat; ils essaient simplement de nourrir leurs familles. La voie économique est dont une avenue privilégiée pour s'assurer du soutien dans le sud du pays. Il faut qu'il soit plus intéressant d'être ami avec nous qu'avec les gens d'al-Qaïda.
    Vous avez parlé d'une grave sécheresse dans la région de Kandahar. Dans quelle mesure le problème des producteurs de pavot découle-t-il de cette sécheresse et dans quelle proportion est-il attribuable aux actions menées par le gouvernement?
    Je vais encore simplifier les choses en vous disant que c'est moitié-moitié. Nous tous, Canadiens, connaissons très bien les conséquences néfastes que peut avoir une grave sécheresse pour une collectivité. Les systèmes d'irrigation ont été détruits durant la guerre, ce qui a fait que l'eau disponible ne pouvait plus être utilisée pour les récoltes. On s'est alors rendu compte que le pavot était très résistant à la sécheresse, ce qui a créé un cycle très regrettable. Dans un contexte de sécheresse, les autres récoltes ont dû être abandonnées en partie au profit du pavot.
    Un climat de colère a émergé de toute cette famine ainsi que du processus d'éradication. Comme je l'ai dit, c'est cette colère qui a alimenté l'insurrection. Alors, on s'est retrouvé en bout de ligne à notre point de départ.
    Merci.
    Monsieur Bouchard, vous avez cinq minutes.
(1635)

[Français]

    Merci, monsieur le président. Je vous remercie également, madame, de votre présentation.
    Vous nous avez présenté des arguments très convaincants, mais ce qui est le plus convaincant, c'est lorsque vous faites parler les Afghans et que leurs propos viennent appuyer vos commentaires. Cela m'a beaucoup touché, et je vous en remercie.
    Vous avez également avancé un plan concret de mesures qui touchent les champs de pavot. Pourriez-vous nous expliquer de façon détaillée pourquoi vous estimez que la culture du pavot est une bonne chose que les Afghans doivent poursuivre?
    Pourquoi ne propose-t-on pas une autre culture, qui pourrait remplacer ces champs de pavot, avec un système qui permettrait aux Afghans de vendre leurs nouveaux produits? Vous avez sans doute pensé à cette alternative. Pourquoi ne la proposez-vous pas, au lieu de proposer le maintien des champs de pavot?
    Je crois que j'ai rapidement mentionné cela tout à l'heure en répondant à votre collègue. À mon avis, c'est une solution d'urgence, et nous sommes présentement dans une situation d'urgence, tant vis-à-vis des Afghans que des troupes canadiennes.
    L'éradication n'est pas une solution, d'abord parce qu'elle est inefficace. On l'a vu, malgré les opérations d'éradication qui ont lieu depuis deux ou trois ans, les chiffres de la production n'ont pas fléchi, bien au contraire, et elle est totalement contre-productive, puisqu'elle alimente la machine à recrutement des talibans.
    D'autre part, la mise en place de cultures alternatives est évidemment l'une des meilleures solutions, mais elle prend trop de temps à mettre en place et il n'est tout simplement pas possible de la mettre en place dans les conditions actuelles, surtout dans le sud de l'Afghanistan, qui est totalement désertique et où seul l'opium pousse.
    Il s'agit donc d'une solution pragmatique. Quelles sont les ressources de l'Afghanistan actuel, le vrai, le réel Afghanistan? D'une part il y a l'opium et, d'autre part, des villages où il y a des règles très fortes auxquelles doivent obéir les communautés locales.
    Faisons le meilleur usage de ce qui existe, afin de divertir une partie de la production d'opium au niveau local vers la production de médicaments antidouleur. Il s'agit simplement d'un élément qui doit casser la machine infernale, le cercle vicieux du marché illégal. Cela permettra de développer d'autres cultures. Encore une fois, en permettant aux fermiers de maintenir leur source de liquidités et leur source de subsistance, on peut leur permettre de développer d'autres cultures, que ce soit le blé, les pommes de terre, les agrumes ou que sais-je encore.
    Vous nous avez également dit que dans le sud de l'Afghanistan, une famine importante règne. Les enfants n'ont pas de nourriture, ils meurent de faim. De plus, les pères n'ont pas les ressources nécessaires pour alimenter leur famille. Vous avez parlé d'une aide alimentaire rapide. Je suis presque certain que c'est parti d'un point ou d'une mesure prioritaire.
    Pour appliquer cela, vous faut-il un chèque? Ou vous faut-il de la nourriture qui partirait du Canada ou d'autres pays? Votre organisation en ferait-elle la distribution? Le gouvernement afghan ferait-il cette distribution? Ou serait-ce une organisation qu'il faudrait créer de concert avec l'OTAN?

[Traduction]

    Nous sommes une petite organisation de recherche et nous nous sommes retrouvés à offrir de l'aide alimentaire parce que nous étions dans des villages touchés par la famine. Comme je le disais à votre collègue, je compte bien poursuivre dans le même sens à mon retour là-bas. Nous avons une infrastructure sur place et nous allons aider tous les gouvernements et toutes les agences par tous les moyens possibles pour que cela se concrétise.
    Si nous préconisons le recours à un envoyé spécial, c'est qu'il faut que quelqu'un détermine sans tarder les possibilités qui s'offrent à nous. Comme je l'ai indiqué, nous faisons du travail militaire et antidrogue, alors nous sommes aussi tombés là-dedans. Il faut que quelqu'un évalue immédiatement les options et les moyens à prendre pour distribuer ce soutien alimentaire. Il est possible d'acheter des aliments dans la ville de Kandahar. Toute l'opération pourrait être organisée assez rapidement. Nous suggérons donc la désignation d'un envoyé spécial qui évaluerait les possibilités et les mesures de soutien alimentaire à prendre sur-le-champ. Je pense qu'il s'agit là de la solution à court terme; des solutions à moyen terme et à long terme suivront au fil de la mise en oeuvre d'un plan économique diversifié.
    Nous sommes prêts à contribuer dans toute la mesure de nos moyens, mais je pense qu'il faut absolument évaluer quelles options s'offrent à nous. Si le programme alimentaire mondial ne dispose pas des fonds suffisants, il faudrait que le nécessaire soit fait si l'on veut intervenir là-bas. Il faut examiner très rapidement toute la liste des possibilités.
(1640)
    Merci beaucoup.
    Nous passons à M. Calkins.
    Merci, monsieur le président.
    Dans votre rapport de juin, vous écrivez ce qui suit :
La culture de pavot sous licence permettrait d'améliorer la situation actuelle en matière de sécurité en diminuant la sympathie des gens pour les insurgés et en augmentant le soutien pour les gouvernements central et local.
    Dans vos recommandations d'octobre, vous avez indiqué que l'on devrait permettre aux fermiers de cultiver le pavot dans le cadre d'un système de contrôle rigoureux au niveau du village. Que feriez-vous pour mettre les récoltes de pavot à l'abri des insurgés?
    Très bien.
    Depuis que notre première étude de faisabilité a été rendue publique, un groupe d'experts de la question afghane en provenance de Grande-Bretagne s'est rendu sur place pour étudier la situation dans chacun des villages. Un peu comme c'est le cas dans les Prairies canadiennes, chacun sait combien de jeribs ou d'hectares de terres tous les autres fermiers du village possèdent. Chacun sait vraiment combien de kilogrammes d'opium peuvent être produits à partir de chaque jerib. Donc, chaque fermier a une assez bonne idée de la production que peut avoir son voisin. Nous proposons donc — en reprenant en quelque sorte votre concept des microcrédits, de telle sorte que nous puissions nous entendre au moins sur quelque chose — qu'une licence commune soit accordée au village, à la jurga. On dit à ces gens: « Vous avez une licence pour produire X kilogrammes d'opium parce que votre collectivité possède X hectares de terres. Vous devez donc produire la quantité prévue, sans quoi vous allez tous perdre votre licence. » De cette manière, toute la collectivité est mobilisée de telle sorte qu'aucune diversion ne soit possible.
    Vous pouvez penser par exemple à une petite localité de Saskatchewan — disons Yorkton, mon village natal — où tous les agriculteurs, mon père et mes oncles, savent combien d'hectares chacun possède, quelle en est la production et comment se situe la récolte de chacun. Chacun a donc une idée assez précise des revenus de son voisin pour chaque année. C'est un peu la même chose; la licence est octroyée à l'ensemble de la collectivité et si l'un des agriculteurs cède à la pression, tout le monde est perdant.
    Mais, pour l'instant, la démocratie n'en est qu'à ses premiers balbutiements là-bas et les efforts à ce chapitre doivent être appuyés et maintenus. Nous ne pouvons pas nous en remettre à la démocratie et à la primauté du droit pour soutenir la mise en oeuvre d'un système de licences, mais ce genre de discipline à l'échelle du village existe dans la communauté agricole de Kandahar, comme c'est le cas au Canada, et c'est le type de mécanisme d'application dont nous voulons faire l'essai. Nous avons donc indiqué notre intention de réaliser et de financer des projets pilotes dans la région de Kandahar pour voir si cela peut fonctionner et pour répondre aux questions tout à fait justifiées des gens qui s'interrogent sur la possibilité d'arriver à gérer ces cultures de pavot pour produire des médicaments sans qu'il y ait diversion et sans que les insurgés ne s'en emparent. Nous ne le savons pas vraiment. Nous sommes des universitaires et des stratèges. Nous voulons faire un essai concret sur place à Kandahar.
    Est-ce pratique? II me semble que les conseils locaux... vous avez déjà dit qu'ils penchaient d'un côté comme de l'autre, que la loyauté pouvait être achetée, si je peux paraphraser ce que vous avez dit.
    Oui.
    Comment le conseil local serait-il assez puissant? Tout ce qu'il faudrait, c'est un peu plus d'argent de la part les barons de la drogue pour que votre plan s'effondre. Pensez-vous que les conseils locaux sont suffisamment forts pour l'emporter sur les ressources financières des barons de la drogue qui sont déjà sur place?
    C'est vraiment une bonne question, et je leur ai posé cette question directement lorsque j'étais assise dans leur jirgas. Je ne veux pas aller mettre en oeuvre un projet pilote dans une collectivité qui ne peut pas le faire. Et je leur ai demandé directement s'ils allaient détourner la production au profit de l'héroïne. Ils ont une sorte de serment islamique qu'ils signent et qu'ils utilisent tout le temps. C'est comme une garantie personnelle ou le fait de donner sa parole. Ils ont dit cela. Ils veulent le projet pilote. Ils veulent avoir cette occasion. Ils veulent un gagne-pain légal.
    Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous voulons aller là-bas et mettre sur pied des projets pilotes. C'est la prochaine étape appropriée.
(1645)
    Si je suis votre raisonnement, alors -- et j'essais de comprendre dans une perspective logique --, si nous mettons le responsabilité sur les épaules des jirgas locales et de la collectivité ayant cette petite parcelle de terre et si nous avons une sorte de mentalité de mise en commun où nous mettons en commun toutes les ressources...
    Comme les coopératives.
    Je ne veux pas parler de la Commission du blé.
    Vous avez peut-être quelque chose là.
    Je peux vous dire à quel point cela fonctionne bien.
    Mais ce que je vois ici, c'est que nous allons mettre les villageois qui participent à ce projet pilote -- ce test de laboratoire -- dans une situation dans laquelle ou bien ils devront nous combattre ou bien combattre les barons de la drogue. D'une manière ou de l'autre, ils devront se battre. Ne pensez-vous pas que c'est ce qui va arriver? Ils devront prendre leurs armes pour défendre leur récolte contre les barons de la drogue ou ils seront payés par les barons de la drogue et prendront leurs armes pour combattre les soldats canadiens. Je ne vois aucune façon d'éviter cela dans votre plan. Si vous pouviez me convaincre du contraire...
    Ce sont les discussions que j'ai avec eux. C'est la raison pour laquelle je me rends sur place, pour parler au commandant local. Et le commandant local est, en fait, engagé envers sa collectivité. Il est parent avec tout le monde. Alors, vous devez conclure l'entente avec la shura et le commandant local.
    Dans ce cas, ils devront choisir entre nous et les autres forces qui sont à l'oeuvre là-bas. Ils devront décider qu'ils ont un avenir plus intéressant avec nous qu'avec eux. C'est pourquoi nous devons essayer et voir de quel côté ils vont se diriger. Je ne peux pas vous dire de quel côté ils vont le faire, mais ils nous disent qu'ils veulent essayer. Alors, je pense que nous devrions faire une tentative.
    En bout de ligne, cela divisera ces gens. Ils devront choisir soit d'être avec nous soit d'être avec al-Qaïda. Mais, à l'heure actuelle, nous ne leur offrons même pas un choix économique.
    Très bien. Mais...
    Il y aura peut-être du temps plus tard.
    Monsieur McGuire, vous avez cinq minutes. Ensuite, ce sera au tour de Mme Galland.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'ignore si vous êtes en faveur des monopoles comme la Commission du blé ou si vous voulez donner le choix aux producteurs.
    Je suis une fille des Prairies.
    Je suppose que quelqu'un s'occupe de cultiver le pavot qui est utilisé en médecine. J'ignore combien d'acres de terre vous avait besoin pour appuyer cette entreprise particulière, comment vous allez répondre à cette offre, ou d'où provient le pavot à l'heure actuelle, mais peut-être que ce n'est pas une idée aussi tirée par les cheveux que nous l'avons pensé la première fois que nous en avons entendu parler.
    Je pense que votre position d'appuyer nos troupes et d'appuyer le peuple d'Afghanistan est fondamentalement la position du peuple canadien et des gens qui sont assis autour de cette table. C'est certainement notre position que nous devrions appuyer nos troupes et que nous devrions faire tout ce que nous pouvons pour appuyer le peuple que nos troupes tentent d'aider.
    Laissons Kandahar de côté pour un instant, que se passe-t-il dans le reste de l'Afghanistan, en ce qui concerne les progrès réalisés et en ce qui concerne le bon gouvernement? Vous êtes allée à Kaboul et dans d'autres régions à l'extérieur de Kaboul. Décrivez-nous la situation là-bas. Est-ce que des hôpitaux sont construits? Est-ce que les jeunes filles vont à l'école? Est-ce que l'on bâtit des écoles? Est-ce que des routes et des infrastructures sont...? Est-ce que l'argent et les sacrifices que nous investissons là-bas donnent des dividendes ailleurs, alors que nous essayons encore de faire face à la situation dans la province de Kandahar et ainsi de suite? Pouvez-vous nous donner une idée de ce qui se passe dans le reste du pays?
    Certainement, il y a de bonnes nouvelles dans beaucoup de parties de l'Afghanistan, dans le nord en particulier. Il y a beaucoup moins de combats. Il y a des indications d'une résurgence des talibans dans la province de Badakhchan.
    À Kaboul, il y a beaucoup de développement économique. Si vous écoutez les plaintes des gens, il y a un nouveau riche, mais les pauvres sont encore pauvres. Alors, il y a là-bas un écart énorme dans le revenu.
    Pour une raison quelconque, le Canada a hérité de l'une des trois pires provinces. Il y a Helmand, Oruzgan et nous avons eu Kandahar. La plupart des gens de Kaboul refusent de se rendre à Kandahar. La partie sud est la région qui est maintenant considérée comme un no man's land par les talibans. Vous pouvez vraiment diviser le pays de cette façon.
    Le problème du pavot est un problème qui touche la totalité de l'Afghanistan. Les programmes de subsistance de rechange ne durent pas assez longtemps. Un grand nombre des écoles qui ont été construites dans le sud ont été brûlées.
    Pour toute histoire agréable, il y a une histoire vraiment abominable. L'Afghanistan est un peu comme les montagnes russes. Un jour, vous pouvez penser qu'il se fait des choses merveilleuses là-bas, que c'est un merveilleux pays habité par un peuple merveilleux, et que d'une façon ou d'une autre, nous allons finir par passer à travers. Le lendemain, tout ce que vous voyez, ce sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés et vous pensez que vous n'y arriverez jamais, que la situation a toujours été un problème et qu'elle le sera pour toujours. Vous avez envie de lancer la serviette.
    Lorsque nous sommes allés là-bas après le 11 septembre, nous avons fait quelque chose de remarquable. Ces gens nous ont accueillis à bras ouverts. Ils croyaient que nous étions des combattants de la liberté. C'était une occasion fantastique pour le monde occidental d'établir une relation vraiment étroite avec une nation islamique. Nous voilà maintenant rendus à la croisée des chemins, à un point tournant, concernant le virage que tout cela prendra. C'est la raison pour laquelle je défends si vigoureusement l'idée de maintenir le cap là-bas et de trouver de nouvelles initiatives.
    Je peux marcher librement dans les rues de Herat, de Kondoz, de Mazar et de Jalalabad, mais pas dans les rues de Kandahar ou de Lashkar Gah. Vous pouvez vraiment avoir deux histoires différentes en ce moment. Malheureusement, nous sommes responsables d'une partie de la région où c'est le plus difficile.
(1650)
    Est-ce que les gens dans cette région savent ce qui se passe dans le reste de l'Afghanistan, que leurs concitoyens jouissent au moins d'un certain niveau de prospérité, de paix et de sécurité?
    Les gens que vous avez vus sur cet écran vivent dans des villages et ne sont même jamais allés à Kandahar. Lorsque je leur demande quelles sont leurs aspirations, ils me disent qu'ils aimeraient aller à Kandahar un jour. C'est à une demi-heure de route de là. Ce sont des gens d'une très grande simplicité; ils ne savent ni lire ni écrire, mais ils sont très rusés lorsqu'il s'agit de survivre.
    Dans la ville de Kandahar, vous pouvez voir la communauté internationale et vous pouvez voir notre richesse. Vous pouvez voir nos voitures, vous pouvez voir tous nos appareils de toutes sortes. Il y a cet écart énorme entre ce qu'ils perçoivent comme le luxe immense qu'il y a dans notre vie et leur lutte pour la survie. Cela crée une tension réelle sur le terrain.
    Merci.
    Merci, Joe.
    Madame Galland, cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre exposé jusqu'ici.
    Sur la question du trafic de la drogue en Afghanistan, nous pouvons tous être très fiers du travail que les Forces canadiennes font là-bas. Elles ont réussi à saisir neuf tonnes de marijuana. Dans le sud, 55 kg d'opium ont été saisis. C'est une quantité importante de drogue qui ne viendra pas empoisonner la jeunesse de nos pays. Les profits de ces saisies ne seront pas utilisés pour payer des insurgés qui viendront tuer nos soldats. C'est quelque chose que nous pouvons célébrer.
    J'applaudis votre sens de la philanthropie. J'aurais aimé que vous ayez été là pour aider nos gens des Maritimes lorsque des pays étrangers se sont ligués contre eux à un moment où ils luttaient pour leur survie et qu'ils ont perdu un de leurs moyens de subsistance.
    On m'a demandé durant la présente discussion si le simple fait de faire un chèque aiderait les gens affamés en Afghanistan. Au cours de la fin de semaine, le gouvernement canadien a signé un chèque d'environ 40 millions de dollars -- 18,5 millions de dollars au cours des quatre prochaines années. Espérons que cela aidera à soulager la famine. Au comité des affaires étrangères, je crois que le ministre a fait une déclaration sur l'importance de la distribution alimentaire qui a lieu dans ce pays. Nous allons probablement avoir ces détails dans quelque temps.
    Vous pourrez également être heureuse d'apprendre que le ministre de la Défense du Canada a témoigné devant le présent comité il y a une semaine pour dire que quelle que soit la solution que l'OTAN et le gouvernement afghan adoptent pour mettre fin à la protection de la drogue, il doit y avoir une manière de compenser légitimement les agriculteurs. C'est là la position du présent gouvernement. Le ministre nous a également informés qu'à l'heure actuelle, c'est le Royaume-Uni qui est responsable, au sein de l'OTAN, de tenter d'éradiquer la production de l'opium.
    J'ai des questions.
    Vous prétendez que les Afghans qui vivent à proximité des troupes canadiennes sont affamés. Le ministre de la Défense, qui y est actuellement en train de témoigner devant le comité des affaires étrangères, vient juste de confirmer que nos troupes ont ratissé la région autour de Kandahar et qu'elles ont distribué des vivres à plus de 8 500 personnes. La ministre responsable de l'ACDI vient juste d'annoncer une somme additionnelle de 5 millions de dollars pour un programme alimentaire d'urgence, somme qui vient s'ajouter à l'argent annoncé par le premier ministre plus tôt cette année.
    Pouvez-vous être plus précise et dire au présent comité où exactement se trouvent les personnes affamées que vous avez vues?
(1655)
    Je le peux. Et je vais répéter mon invitation. Je retourne à Kandahar prochainement et si vous voulez vous joindre à moi, je vous y amènerai.
    Vous roulez vers le sud, passé l'ambassade du Pakistan, et vous allez dans le dernier développement. Il y a environ 1 000 familles qui habitent là. À Panjawai, lorsque vous quittez la route principale, vous tournez à gauche et vous roulez pendant environ 15 minutes dépassé le poste militaire canadienne dans le désert. Vous allez trouver à cet endroit 1 500 autres familles. Si vous voulez aller au nord de Kandahar, vous pouvez aller dans le district d'Arghandab et vous allez voir trois villages Kuchi longeant une petite rivière. Si vous voulez aller plus au nord dans le district de Nazyan, où vit cet homme, vous allez voir deux village comptant ensemble environ 6 000 familles. Si vous roulez vers le sud, en traversant les endroits où ont eu lieu les combats de Panjawai, vous allez trouver un autre village dans le désert qui compte environ 10 000 familles. Il faut rouler pendant environ une demi-heure pour traverser celui-ci.
    Voulez-vous que je continue?
    Je propose que vous veniez voir sur place.
    J'espère que nous aurons cette occasion.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste une minute.
    Vous avez dit plus tôt que vous êtes financés par l'intermédiaire du Fonds Mercator de la NEF et que vous êtes la branche opérationnelle. Est-ce que le Conseil de Senlis touche des revenus d'autres sources?
    Non.
    Aucun?
    Aucun.
    Vous êtes avocate, n'est-ce pas?
    Je suis une avocate canadienne et je suis membre du Barreau de la Colombie-Britannique.
    Alors, vous êtes tenue au secret professionnel qui lie l'avocat à son client?
    Oui, mais je n'ai aucune raison de revendiquer le secret professionnel aujourd'hui.
    Après le 11 septembre, je crois savoir que des règles contre le blanchiment d'argent ont été mises en place. Est-il vrai que les cabinets d'avocats et les avocats sont exemptés de cette loi particulière?
    Je ne connais pas cette loi particulière.
    Je ne suis pas certain que cela était lié à notre étude.
    J'ai quelques questions, mais il reste une intervention pour terminer le deuxième tour, celle de M. Dosanjh, et si le comité le permet, j'aimerais poser quelques questions avant de poursuivre.
    Merci beaucoup.
    Je veux vous dire, madame, qu'après vous avoir vue, je me suis souvenu de votre nom du temps que j'étais en Colombie-Britannique. Et vous étiez conseillère de la reine, ce qui est un passé distingué.
    N'est-il pas vrai, dans certains cas, que nos travailleurs de l'ACDI sont totalement absents dans certaines régions, comme on peut le supposer, et que ceux qui sont sur place sont parfois confinés dans leur base parce qu'il leur est très difficile de circuler? Si vous ne le savez pas, vous n'avez pas à répondre.
    Je l'ignore.
    Ma question porte sur la pauvreté. Vous avez démontré que la pauvreté existe à une très grande échelle et qu'on la retrouve à proximité de Kandahar, tout juste à l'extérieur de la ville. J'ai vu cet enregistrement vidéo et les enfants ont l'air émaciés. Dites-moi, en ce qui concerne le gouvernement afghan lui-même, combien d'aide alimentaire est-il en mesure de fournir sans votre aide et sans l'aide des militaires dans ces genres de camps, si l'autorité du gouvernement a effectivement cours dans ces régions?
    Le gouvernement afghan s'est joint au Programme alimentaire mondial en juillet pour réclamer 97 millions de dollars d'aide alimentaire, alors il s'agissait d'une demande conjointe. Je pense que cela aiderait énormément le gouvernement afghan s'il pouvait participer aux programmes alimentaires, parce que nous essayons de soutenir l'autorité du gouvernement afghan et lorsque j'ai dit que cela ferait baisser la température pour les opérations des militaires canadiens, et nous présenterait sous un éclairage plus favorable, on pourrait en dire tout autant dans le cas du gouvernement afghan. Encore une fois, je ne suis pas au courant des rouages internes actuels et de la capacité du gouvernement afghan à Kandahar, à savoir s'il peut ou non le faire, mais ce serait un avantage réel pour lui que d'être vu en train de fournir une certaine aide alimentaire immédiate dans ces camps.
(1700)
    J'ai une autre question. Avez-vous une connaissance de première main de la corruption qui, d'après ce que l'on prétend, sévit dans les rangs du gouvernement, à l'échelon inférieur ou à l'échelon intermédiaire? Si vous l'ignorez, qu'entendez-vous?
    Je pense que quiconque vit et travaille en Afghanistan a une connaissance de première main de cela. Il s'agit d'une économie qui, comme nous l'avons dit, repose presque à 80 p. 100 sur le trafic de la drogue, mais cela devrait nous concerner tout le monde.
    Si vous êtes policier ou fonctionnaire et que vous êtes payés très peu, et il arrive souvent qu'ils ne sont pas payés à temps, et que quelqu'un vient vous offrir l'équivalent de trois ans de salaire pour participer à une pratique corrompue quelconque, et qu'on vous dit que si vous refusez de participer, votre famille en paiera le prix, vous allez vous retrouver avec une force policière, une armée et des gens corrompus pour faire la lutte contre les stupéfiants. C'est un fait de la vie quotidienne, dans l'Afghanistan d'aujourd'hui, que la corruption existe du bas de l'échelle jusqu'à assez haut.
    Je ne pense pas qu'il soit bien de notre part de pointer immédiatement du doigt tout Afghan qui est mêlé à cela et de dire que ce qu'il fait est mal et qu'il devrait cesser de le faire. Parce que si vous étiez dans cette situation... Vous ne savez pas quels sont leurs choix lorsque leurs familles sont en danger.
    Je ne veux pas dire que, oui, il y a de la corruption et que ce soit perçu comme une condamnation du peuple afghan. C'est ce qu'ils endurent parce qu'ils ont une économie fondée sur les stupéfiants. Nous sommes occupés à enregistrer notre organisme et à faire diverse choses avec le gouvernement afghan, et il y a de la corruption jusqu'en haut de l'échelle. Si vous refusez de payer des pots-de-vin, et nous refusons de le faire, vous pouvez attendre longtemps avant que l'on fasse du travail pour vous là-bas. Et nous refusons et nous attendons, parce que ce que nous voulons faire, c'est contribuer à une démocratie qui fonctionne de manière appropriée.
    C'est très frustrant. Je sais que beaucoup d'organismes internationaux et d'entreprises qui travaillent là-bas versent des pots-de-vin. Alors, nous sommes aspirés dans ce système et nous en devenons les complices.
    Merci.
    Cela met fin à notre deuxième tour. Avant de débuter le prochain, j'aimerais poser quelques questions.
    Des témoins nous ont dit, en particulier des personnes qui apportent de l'aide, qu'une personne en uniforme ne devrait pas faire cela, qu'il serait préférable de ne pas faire cela. Par ailleurs, vous nous dites que pour gagner les coeurs et les esprits de ces gens, nous devons leur montrer que nos forces militaires ne servent pas uniquement à tirer sur les gens. Ne serait-il pas préférable si... Je vous demande votre avis, ce que vous en pensez. Qu'arriverait-il si les militaires pouvaient -- et je ne dis pas du tout que cela pourrait arriver, parce que ce sont des gens déjà assez occupés --, qu'arriverait-il si les militaires pouvaient également être ceux qui apportent de l'aide? Est-ce que cela enverrait un message aux gens leur disant que nous sommes là-bas pour faire ce qui est bien?
    Vous n'êtes pas la première personne à me poser la question, alors je pense que c'est une idée sur laquelle on réfléchit.
    Il est beaucoup plus facile de se rendre dans ces villages si vous portez des vêtements que ces gens considèrent comme ordinaires, le genre de vêtements que vous voyez à l'écran. Lorsque nous travaillons là-bas, nous nous habillons comme les Afghans. Je porte des vêtements masculins afghans, comme le font les autres collègues non-Afghans qui sont avec moi et qui sont d'anciens militaires.
    Lorsque j'ai dit que c'était une zone de guerre, c'est une région où les armes sont omniprésentes et où les gens portent des armes en tout temps. Alors, la plupart des gens qui se promènent dans la rue portent des armes et les jeunes hommes portent des armes. Alors, vous devez être à l'aise dans cet environnement.
    Une idée qui, je pense, pourrait être explorée, c'est qu'une partie des militaires portent des vêtements locaux -- et vous devez porter la barbe, parce qu'ils se font tous repousser la barbe -- dans lesquels on est à l'aise de porter une arme, dans le cadre de la distribution de l'aide alimentaire, parce que dans les images que vous avez vues, lorsque nous apportons de l'aide alimentaire, il y a des armes autour de nous. Vous devez trouver un équilibre et une façon de gérer cette situation et de gérer le risque. La deuxième ou la troisième fois que vous retournez dans le village, vous pouvez être plus à l'aise parce qu'ils commencent à vous protéger.
    Je n'en sais pas suffisamment sur la façon dont les forces militaires sont structurées, si c'est un obstacle insurmontable que de les sortir de leurs uniformes. Je ne connais pas suffisamment cette question. Si c'était possible... Si les militaires apportent de l'aide, je peux voir que s'ils le font sans leur uniforme, cela les aiderait à avoir plus de succès et à gérer le risque pour ceux qui participent à cette activité.
(1705)
    Cependant, vous voudriez presque qu'ils sachent que ce sont les militaires. C'est ce que je dis. S'ils étaient conscients que ce sont eux qui donnent l'aide alimentaire, peut-être que cela...
    Mais ils savent de suite que vous n'êtes pas Afghan, ils vous posent alors la question et vous répondez. Donc, ils savent que je suis canadienne.
    Ce qui m'a amené à cela, c'est que je ne sais pas si ça va marcher, car dans l'un des cas, que vous connaissez bien, celui du kamikaze qui a attaqué nos compatriotes qui distribuait de la nourriture à des enfants. Comment lutter contre quelqu'un qui pense comme cela? Ou comment fournir de l'aide à une société qui pense comme cela?
    Bien. Ce kamikaze a été formé, préparé, financé et envoyé là-bas par Al-Qaida qui est cette frange des talibans. Ce ne sont pas ces gens-là. Son objectif en allant là-bas était de commettre cet attentat, quoi que les militaires canadiens auraient fait ce jour-là. Donc, même si les militaires s'habillent en civil et dispensent de l'aide alimentaire, ils s'exposent à ces risques.
    Comme je l'ai dit, même si nous sommes les bienvenus dans ces collectivités maintenant, car ils nous connaissent et nous protègent, nous sommes exposés à ces risques, car ces individus tueront tous les étrangers qu'ils peuvent trouver.
    D'accord. Je comprends.
    La troisième série de questions est limitée à cinq minutes. Nous commençons par l'opposition officielle, le gouvernement puis le Bloc.
    L'opposition officielle?
    Je veux bien parler de cela.
    Je sais que nos amis de Médecins Sans Frontières sont tout à fait opposés à la distribution de l'aide alimentaire par des soldats de crainte que les gens croient que ceux qui leur donne cette aide soient des militaires. Je crois que c'est ce qu'ils ont constaté un peu partout dans le monde, et cela expose les membres de cette association à des risques. Qu'en pensez-vous?
    Comme je l'ai dit, je m'occupe de l'aspect militaire et de la lutte antidrogue. Je suis dans l'aide alimentaire depuis très peu de temps, par accident. Je peux comprendre leur point de vue. je crois qu'il est très important que nous trouvions le plus tôt possible une solution à ce problème pour nos soldats canadiens afin de les convaincre qu'il s'agit là d'une situation qui peut faire exception à la règle. Je ne suis pas convaincue dans une situation où nos soldats sont en danger et la famine menace la population afghane qu'ils veuillent continuer respecter ce credo. Le moment est peut être venu de faire une exception.
    Mais, vous dites que vous pouvez vous rendre dans des endroits parce que vous n'êtes pas dans un convoi militaire.
    Oui.
    C'est parce que les gens savent que vous n'êtes pas un soldat.
    Et parce que j'apporte de la nourriture, donc c'est tout...
    D'accord, mais s'ils découvraient que vous étiez un soldat, vous pourriez donc être en danger.
    Oui.
    C'est l'histoire de l'oeuf et de la poule, mais je pense que la pureté de cela, c'est... donc la présence sur le terrain d'un plus grand nombre de spécialistes du développement canadiens expérimentés dans la distribution de nourriture est essentiel?
    Je crois que cela mérite une conversation plus longue et beaucoup plus complexe, avec beaucoup plus d'informations sur les options, et en consultation avec le gouvernement afghan, etc.
    Je ne peux pas vous donner une réponse claire à ce sujet. Je crois que le problème doit être réglé et que vous devez chercher des solutions novatrices. Puisque je ne sais pas quelles sont toutes les options, si les soldats peuvent faire ceci ou cela, je n'ai pas de réponse claire. Vous devez tout simplement trouver une réponse.
    Je ne peux pas résister à l'envie de poser cette question. Au fond, la lutte contre la drogue ne donne pas les résultats escomptés et nous devons trouver une autre façon de régler ce problème.
    Pour ce qui est de la politique d'éradication, la politique d'éradication manuelle, dans le cadre de la lutte antidrogue, fait partie d'une stratégie antidrogue quand il y a d'autres moyens de subsistance. Si quelqu'un cultive, pour des raisons purement financières, du pavot pour de l'opium alors qu'il pourrait cultiver quelque chose d'autre, il faut se rendre dans son champ et éradiquer manuellement la récolte et pas en utilisant des produits chimiques.
    Même l'ONU s'accorde à dire que la réponse n'est pas appropriée s'il n'y a pas d'autres moyens de subsistance. Les États-Unis ont aidé la Turquie à utiliser l'opium à des fins médicales; les États-Unis et l'ONU ont eu une période d'amnistie en Thaïlande et ils sont passés à d'autres moyens de subsistance. Les exemples ne manquent pas. La stratégie que nous proposons pour l'Afghanistan a été mise en oeuvre par les États-Unis dans d'autres pays, dans le cadre de leurs stratégies antidrogue. Le planque nous présentons n'est pas radical. Nous ne faisons que répéter une stratégie antidrogue utilisée ailleurs par les États-Unis et qui, selon nous, devrait être appliquée en Afghanistan.
    La lutte anti-drogue n'a pas connu que des succès et ne connaîtra jamais que des succès, quelque soit les fonds alloués. Par ailleurs, en Turquie, en Inde et en Thaïlande la stratégie antidrogue a réussi. Donc, nous disons qu'il faut essayer de trouver quelque chose qui fonctionne dans le cadre d'une politique anti-drogue.
(1710)
    Merci.
    Monsieur Hawn.
    Oui, merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, permettez-moi de dire que jamais un gouvernement canadien, je ne le pense pas, demandera aux soldats de porter la barbe, de s'habiller en civil et de se mettre dans ce genre de situation sans protection. Cela ne se fera pas. Maintenant que les militaires dispensent de l'aide, c'est une autre question.
    J'ai une question à poser sur le pavot. Quel pouvoir ont ces commandants locaux? Est-ce que les talibans respecteront les serment islamiques pris par les collectivités d'agriculteurs et est-ce que les talibans accepteront d'autres récoltes que celle du pavot alors que les drogues illégales peuvent leur rapporter tellement plus que les pommes légales?
    Je vais essayer de répondre très rapidement.
    Nous devrons mettre en oeuvre des projets pilotes, mais s'ils cultivent du pavot à des fins médicales, nos études ont montré que le revenu net agricole, qui est différent du prix à la ferme -- un sujet que vous connaissez bien -- est égal ou supérieur. Permettez-nous d'y aller et de faire les recherches.
    Obéiront-t-il à leurs serments islamiques? Oui, parce que les Afghans sont avant et contre tout des musulmans.
    Je parle des talibans, pas...
    Avant et contre tout, un serment sur le Coran suffit. C'est la même chose qu'un serment fait sur la Bible dans notre pays.
    Ce qui est très discutable, c'est de savoir si les talibans suivent une religion.
    Il n'est pas question de ce que l'agriculteur gagne, mais de ce que les talibans lui laisseront gagner. Vous dites que le revenu net agricole des cultures de drogues légales peut être supérieur à celui des drogues illégales, mais je ne suis pas sûr que l'agriculteur ait le choix s'il est sous la coupe des talibans.
    Non. Mais nous y participerons dans le cadre d'une délivrance de licences. Par exemple, en Inde, la marge bénéficiaire brute du prix de l'opium à la ferme pour la morphine et la codéine est de 5900 p. 100, donc une grande partie de la chaîne de valeur pourrait être redistribuée.
    Je crois que ce sont de bonnes questions et que nous devons y aller pour faire une étude. Je suis d'accord avec vous; une longue liste de questions doit être examinée.
    J'ai bien peur que nous fassions preuve d'un peu de naïveté là-bas, mais il y a de bonnes questions.
    Cela se réduit-il tout simplement à utiliser de l'argent pour régler le problème du pavot? Pensez-vous que cela nous évitera de nous occuper des talibans? Quand je dis « nous occuper des talibans », je veux dire tuer les talibans afin de permettre la poursuite d'autres progrès. Je veux dire que nous devons acheter les pavots et tuer les talibans -- est-ce aussi brutalement simple que cela?
    Tout à fait, nous devons prendre les mesures les plus sévères possible à l'encontre des talibans d'Al-Qaida, mais en ce qui concerne les jeunes indécis, nous devrions trouver le moyen d'en faire des amis.
    Quand je dis que nous voulons mettre en oeuvre des projets pilotes parce que nous ne savons pas si cela va réussir, c'est exactement ce que je veux dire: nous ne savons pas si cela va réussir. Mais je peux vous dire qu'il y a un accroissement de la culture du pavot. Nous avons dépensé des millions pour la culture. Quiconque va là-bas vous dira que notre politique anti-drogue a échoué.
    Il faut d'abord accepter que ça ne fonctionne pas et se demander ce que nous pourrions faire d'autre. La stratégie dont nous parlons est quelque chose que nous pourrions essayer. Comme je l'ai dit, les États-Unis l'ont mise en oeuvre ailleurs.
    Je ne dis pas le contraire. Je ne pense pas que la situation soit la même au Vietnam que chez les talibans.
    Je ne suis pas aussi sûr que vous que les talibans respectent les préceptes du Coran, franchement. Je ne pense pas qu'ils suivent les préceptes d'une religion. Je crois qu'ils se cachent derrière la religion. Au nom de la religion, ils commettent des actes tout à fait incompatibles avec l'enseignement du Coran. Nous pouvons débattre pour déterminer si le Coran...
(1715)
    Nous pourrions peut-être en parler un autre jour.
    Aucune religion légitime n'accepte ce que font les talibans. Agir comme ils le font au nom de la religion est tout à fait frauduleux, tout à fait invraisemblable, je ne suis donc pas sûr qu'ils suivront des serments islamiques.
    C'est une question ou une déclaration. On peut en débattre.
    Cela demande certainement une plus longue discussion, mais en dépit de toute conviction politique radicale, j'ai appris que chez les Afghans un serment fait sur le Coran est exécutoire, même pour ceux dont les convictions politiques sont radicales.
    Mais nous pourrions en parler un autre jour.
    Monsieur Bachand.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'ai plusieurs questions que j'essaierai de poser brièvement pour que vous puissiez y répondre rapidement, afin de tout couvrir.
    D'abord, vous, du Senlis Council, quand vous êtes sur le terrain en Afghanistan, vous faites exactement ce que vous voulez. Vous n'avez d'ordres à recevoir de personne, vous allez où vous voulez quand vous le voulez et vous faites ce que vous voulez.
    Est-ce exact?

[Traduction]

    Oui. Cela ne veut pas dire que je ne crains personne; ce serait stupide de se conduire ainsi en Afghanistan.

[Français]

    Cela m'amène à mon autre question.
    Madame, vous avez également dit que vous étiez protégée dans les villages. Ce ne sont pas les forces militaires qui vous protègent. Vous vous sentez protégée peut-être par des gens que traquent aussi les forces militaires.
    Est-ce possible?

[Traduction]

    Bien sûr que j'en suis consciente, quand je me trouve dans ces villages, il y a des gens qui pour, des raisons dont nous avons discutées avec eux, ont choisi de laisser les talibans et les combattants traverser les villages. Je suis très curieuse, en tant qu'analyste de la politique en matière de sécurité, de comprendre les motivations de ceux qui commettent des actes de violence là-bas. Ils ne me l'ont jamais admis personnellement, mais je pense qu'au bout d'un certain moment là-bas on peut en avoir envie. Les résidents des villages contrôlaient par les deux camps nous protègent parce que nous leur apportons de la nourriture, il y a un enseignement politique à tirer de cette situation.
    J'ai été très inquiète pour des habitants de villages que j'ai visités.

[Français]

    D'accord. Vous êtes donc une analyste politique.
    J'ai une autre question.
    On reproche souvent à la démarche 3D de fonctionner en silo, les autres ne sachant pas ce qui se passe. Cependant, vous venez de me confirmer qu'il y a probablement un quatrième intervenant sur le terrain: les ONG. Cela doit quand même poser problème. Nous sommes davantage des spécialistes de la défense. Néanmoins, je connais les gens qui programment, commandent et planifient les opérations militaires. C'est quelque peu difficile pour eux de mener une opération militaire et d'aller envahir un village, ne sachant pas que Senlis Council est au coeur de ce village.
    Est-il possible que, de votre côté et du côté militaire, des agents de liaison soient informés de ce qui se passera au cours des prochains jours, des prochaines heures? Cela éviterait que les forces militaires envahissent un village pendant que vous donnez du pain aux gens.

[Traduction]

    Non, nous n'avons pas de contacts réguliers avec les militaires. Le fait est que les militaires sont plongés dans leurs opérations. Cependant, nous envoyons des gens en reconnaissance dans les villages avant que je n'y aille. Certains de mes collaborateurs, des anciens militaires et des Afghans, vont en reconnaissance. S'il y a des combats, nous n'y allons . Si je vois des soldats canadiens, je m'arrête, je m'identifie et je leur dis que je veux aller dans ce village, que je travaille dans l'aide alimentaire. Ils savent que je suis là et me disent si c'est une bonne idée ou non d'y aller.

[Français]

    Parfait.
    Dans votre document, vous soutenez que la cueillette de l'information est très importante. Vous, plus que les militaires, devez probablement être au coeur d'une importante source d'information, parce que vous côtoyez ces gens de près. Je le sais, car en Bosnie, nous allions dans les cafés, nous prenions un verre ou un café et nous parlions avec tout le monde. Cependant, nous avions besoin de traducteurs.
    Avez-vous des traducteurs?

[Traduction]

    Je comprends un peu de Pachtou, mais très peu. Je fais des progrès. Des collègues Afghans m'accompagnent tout le temps et traduisent pour moi.

[Français]

    D'accord.
    Nous avons déjà eu des surprises avec des traducteurs qui ne traduisaient pas exactement ce que nous voulions dire. J'ai été témoin de scènes où la traduction n'était d'aucune aide. Nous l'apprenions par la suite.
    La question suivante est peut-être une question d'éthique morale. Admettons que vous appreniez qu'on va, le soir même, aller régler le cas des Forces canadiennes qui sont au bas de la montagne, à côté de la route.
    Que feriez-vous de cette information? La partageriez-vous ou la tairiez-vous?
(1720)

[Traduction]

    Je contacte des militaires canadiens et je le leur dis, bien sûr. Ce qui me préoccupe, ce sont les militaires canadiens et les Afghans.

[Français]

    Le troisième point a trait aux 3D. On a beaucoup parlé de défense et de développement, mais on ne parle jamais de diplomatie. Pourtant, en ce qui concerne les jirgas, le ministère des Affaires étrangères devrait avoir des spécialistes et de très bons traducteurs sur le terrain, afin de tenter de créer des liens avec les décideurs politiques ou les commandants.
    Vous m'avez dit avoir très peu vu de développement. Néanmoins, avez-vous été témoin de la diplomatie canadienne en terre afghane?

[Traduction]

    L'ancien ambassadeur canadien, Chris Alexander, n'est plus ambassadeur mais chef adjoint à l'UNAMA. Je vois souvent ce qu'il a accompli et je pense qu'il est le meilleur modèle de la diplomatie des trois D. Il a vraiment montré un bon exemple de ce que nous voulons que le Canada fasse à Kandahar. Je ne saurais dire trop de bien de son travail.
    Merci.
    Monsieur Calkins.
    Mes questions vont dans un sens un peu différent.
    Vous nous avez dit que vous vous habilliez normalement, etc., et que vous étiez relativement en sécurité. Tout d'abord, j'aimerais savoir si vous n'avez jamais ressenti un sentiment d'insécurité. Y a-t-il eu des moments où vous vous êtes sentie personnellement menacée quand vous livriez des vivres ou quand vous sortiez pour faire des recherches?
    Le pays est en guerre. Il y a des bombes et des combats tout le temps. Il y a un code de l'hospitalité en Afghanistan, si vous êtes là-bas, ils vous protègent; s'ils ne peuvent pas vous protéger, ils vous conseillent de partir. Si nous sommes dans un village et que des individus, dont les gens du village ne sont pas sûrs, arrivent; on nous dit alors poliment que le moment est venu pour nous de partir. Dans ce cas, nous partons et retournons un autre jour.
    Quelle quantité de vivres avez-vous fournie? Pouvez-vous me donnez une indication? Par exemple, est-ce ce que vous pouvez mettre dans un camion? Pouvez-vous me donner une idée?
    Je crois que quiconque a un doctorat en développement sera horrifié, et je le prie de m'excuser, mais la première fois, c'était quand des hommes d'un village à Arghandab m'ont fait promettre de leur apporter de la nourriture. Nous avons simplement acheté beaucoup de pains que nous avons placés à l'arrière des véhicules. Nous avons acheté du riz, de l'huile. Nous avons suivi les recommandations de nos collègues afghans, ce qui fallait acheter, ce qu'ils allaient utiliser, parce qu'ils cuisinent de façon très primitive. Maintenant, quand nous allons dans les villages, nous emportons toujours du pain, parce qu'ils peuvent le manger sur-le-champ, ainsi nous pouvons leur parler. S'ils ont faim et que nous leur offrons du riz, ils voudront partir de suite pour le cuisiner. Donc, d'un point de vue pratique, nous emportons toujours du pain. Je suis sûr cela peut paraître horrible, comme je l'ai dit, aux spécialistes en aide alimentaire et en développement, et cela m'embarrasse de vous dire que c'était aussi simple que cela.
    Nous avons tout simplement pensé à ce que nous achèterions à des gens qui auraient faim au Canada. Donc, nous sommes allées acheter de la nourriture, rien de spectaculaire.
    Est-ce vrai qu'il n'y a pas de nourriture à acheter ou qu'ils n'ont pas d'argent pour acheter de la nourriture localement ou bien ont-ils ces deux problèmes?
    Non, il est possible d'acheter de la nourriture à Kandahar. Il y a de la nourriture, qui vient surtout du Pakistan, mais on peut acheter de la nourriture à Kandahar. Normalement dans les villages éloignés de Kandahar les gens ont des cultures vivrières, ce qui est impossible pour ceux qui rejoignent les camps de réfugiés.
    D'accord.
    Avez-vous fait part de vos expériences avec d'autres organisations d'aide humanitaire, comme la Croix-Rouge ou d'autres ONG qui iraient normalement là-bas?
    Oui. Depuis notre arrivée, nous avons beaucoup de contacts avec les organismes de la Croix-Rouge à ce sujet : la Croix-Rouge britannique, la Croix-Rouge canadienne, la Croix-Rouge italienne. Nous avons aussi parlé à la plupart d'entre elles au sujet de l'achat de morphine afghane. La Croix-Rouge italienne à appuyer l'achat de morphine afghane car il y a une pénurie de morphine en Italie.
    Nous avons établi une relation avec le Croissant rouge en Afghanistan pour administrer un centre de traitement des toxicomanes à Kaboul avec la collaboration de la Croix-Rouge italienne. Nous mettons tout le monde au courant de la situation et nous offrons toute l'aide que nous pouvons.
(1725)
    Je suis plus préoccupé par la livraison de vivres que par... Mes questions vont plus dans le sens de la livraison de produits alimentaires, et si la famine est au point où vous le dites, c'est de cela dont je veux parler.
    Étant donné que votre modèle de livraison de vivres semble fonctionner, est-ce que d'autres ONG utilisent aujourd'hui le même modèle pour livrer des vivres?
    Pas d'après ce que j'ai vu, car un grand nombre de ces organisations qui étaient basées à Kandahar sont parties en raison de l'insécurité.
    J'en ai suffisamment dit. Merci.
    D'accord.
    Madame Black.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux continuer dans le sens des propos de ma collègue Mme Bennett concernant les organisations d'aide internationale qui sont fondamentalement opposées à la militarisation de l'aide. Elles pensent que c'est une façon très dangereux de fournir de l'aide et qui place les bénéficiaires dans une situation très dangereuse. C'est la raison pour laquelle elles s'y opposent. Elles pensent aussi que cela les met plus en danger -- les organisations humanitaires sont plus en danger -- si elles sont perçues comme ayant un lien quelconque avec une force militaire.
    J'imagine que le fait que des soldats se déguisent irait à l'encontre d'un règlement du droit international, car ils se déguiseront. Je pense que ce serait quelque chose de très dangereux, seulement pour présenter ce problème à cette table.
    Je veux que vous sachiez que le comité va faire un rapport fondé sur les témoignages. Vous avez fait part tout à l'heure de votre sentiment sur une force opérationnelle d'urgence dirigée par un envoyé spécial. Vous avez mentionné le besoin impérieux d'une aide alimentaire d'urgence -- immédiatement, pas retardée par trop de bureaucratie -- et de la livraison de vivre là-bas et expédiées immédiatement.
    Je me demande si vous pourriez, c'est probablement votre dernière occasion, répéter ou dire exactement -- pour nous aider à rédiger le rapport -- ce que vous recommanderiez précisément au comité à ce sujet.
    Si je comprends bien ce que vous avez tous dit aujourd'hui, il s'agit d'une évolution de l'approche des trois D et de sa mise en oeuvre dans le contexte réel de Kandahar. Je peux vous voir débattre à la recherche de solutions aujourd'hui. C'est comme s'il y avait une approche qui semblerait bonne, puis il faut l'appliquer à la réalité de Kandahar. Dans la réalité de Kandahar, comme je l'ai dit avant, il ne faut pas seulement de l'aide alimentaire; il faut une solution de rechange au niveau du revenu des agriculteurs.
    Les difficultés rencontrées au niveau des silos doivent être surmontées, mais pas l'année prochaine; elles doivent l'être immédiatement, car Kandahar et la situation dans laquelle les soldats canadiens se battent est en jeu. C'est semble-t-il le prochain problème à régler. Je suis curieuse de voir comment vous allez vous y prendre.
    Il vous reste un peu de temps, si vous voulez.
    Merci. C'est bon.
    Merci beaucoup.
    Il reste une affaire très brève. Le consentement unanime du comité est nécessaire pour aborder la motion proposée aujourd'hui.
    Le 25 octobre, l'attaché de recherche a envoyé une liste de témoins potentiels qui se présenteraient pour nous parler du travail qu'ils font en Afghanistan. Pour donner au greffier suffisamment de temps pour les inviter, nous aimerions adopter la motion. La liste inclut tout le monde du général Leslie à l'ambassadeur des États-Unis et d'autres ambassadeurs.
    Y a-t-il consentement unanime?
     Des voix: D'accord.
    (La motion est adoptée.) [Voir le Procès-verbal.]
    Je vous remercie beaucoup. Vous avez répondu à des questions très difficiles. Nous vous en remercions. Nous avons reçu des gens qui n'ont pas été sur le terrain en Afghanistan et qui ont essayé de nous dire ce qu'ils ont appris à distance. Vous étiez sur place et vous y avez travaillé. Je pense que ce que vous nous avez dit aujourd'hui nous sera très utile et je vous en remercie.
    La séance est levée.