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Je crois que je vais commencer.
L'immigration a grandement contribué à la population active au Canada. Selon les données du dernier recensement, entre 2001 et 2006, la population active canadienne a enregistré une augmentation de 1,3 million de travailleurs, dont 40 p. 100 environ est directement attribuable à l'immigration. Les programmes d'immigration de travailleurs saisonniers et temporaires font partie du plan d'immigration d'ensemble du Canada depuis la fin des années 1960, mais ils ont pris beaucoup d'expansion ces dernières années. Dans le cadre du programme des travailleurs étrangers temporaires, les travailleurs contribuent à remédier aux pénuries de compétences et de main-d'oeuvre au Canada et favorisent la croissance économique dans son ensemble.
Des niveaux d'immigration élevés et des politiques changeantes ont suscité une foule de préoccupations. Celle dont on parle le plus souvent, c'est l'affirmation douteuse voulant que l'augmentation de l'immigration a enlevé des emplois aux Canadiens de souche. Par ailleurs, les politiques d'immigration ont parfois été mises de l'avant pour les mauvaises raisons. Par exemple, il est faux de prétendre qu'une répartition d'un plus grand nombre d'immigrants, plus jeunes de surcroît, pourrait facilement permettre de relever les défis du vieillissement de la population.
Un resserrement des marchés du travail a commencé à exercer des pressions sur la croissance de certains secteurs et régions. Le vieillissement de la population active canadienne, une croissance rapide de l'économie et les changements technologiques ont donné lieu à une pénurie d'employés qualifiés, principalement dans l'Ouest canadien. Les taux d'emplois vacants ont augmenté, obligeant tant les secteurs public que privé à chercher des solutions à court terme, amenant les employeurs à puiser dans le bassin de travailleurs étrangers temporaires. Entre-temps, le gouvernement fédéral peut jouer un rôle utile pour aider à jumeler les employeurs et les employés éventuels. Le programme des travailleurs étrangers temporaires contribue à faire concorder les désirs des travailleurs étrangers avec les besoins du Canada.
Cela dit, on ne devrait pas compter sur le programme des travailleurs étrangers temporaires pour offrir plus qu'il ne le peut. Le Canada possède un certain nombre d'instruments de politique qui peuvent contribuer davantage à accroître la performance de notre marché du travail que peut le faire un programme de travailleurs étrangers temporaires considérablement élargi. De même, des améliorations dans d'autres secteurs du programme d'immigration du Canada peuvent procurer des avantages plus grands et plus durables.
Aux fins de mémoire, le programme des travailleurs étrangers temporaires est considéré comme ciblant potentiellement trois pénuries de main-d'oeuvre distinctes. Premièrement, il faut combler le besoin en main-d'oeuvre dans des emplois que peu de résidents canadiens occuperaient, comme des travailleurs agricoles saisonniers et des aides familiales résidantes. Deuxièmement, il faut satisfaire au besoin d'employés qualifiés qui font défaut dans notre population active, comme des techniciens spécialisés dans le domaine nucléaire ou des professionnels ayant des compétences précises et extrêmement rares. Troisièmement, il faut combler les postes que les travailleurs de notre population active pourraient occuper, mais qui ne peuvent se déplacer pour répondre à la demande.
Enfin, le programme des travailleurs étrangers temporaires constitue un bon outil pour les deux premiers cas, mais nous devrions nous opposer à un élargissement du programme pour faire face aux pénuries quand elles sont symptomatiques d'autres problèmes dans notre marché du travail.
Les marchés génèrent des signaux de salaire et de prix et la politique les déforme souvent. Par exemple, les coûts énergétiques élevés dans le monde soulignent la demande pour les ressources de l'Ouest canadien, ce qui donne lieu à une hausse des investissements qui, à son tour, exige une quantité accrue de capitaux et de main-d'oeuvre. Cela fait grimper les salaires et envoie d'autres signaux de prix sur le marché.
Même s'il est bas à l'échelle nationale, le taux de chômage est élevé dans certaines régions. En mars 2008, il variait entre 2,9 p. 100 au centre de l'Alberta, taux le plus bas, et 19,1 p. 100 dans le sud de Terre-Neuve-et-Labrador. Ces statistiques montrent une rigidité dans notre marché du travail.
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En mars 2008, le taux de chômage variait entre 2,9 p. 100 au centre de l'Alberta et 19,1 p. 100 dans le sud de Terre-Neuve-et-Labrador, ce qui montre une rigidité dans notre marché du travail. Des emplois sont disponibles dans certaines régions, mais seulement une poignée de chômeurs déménagent. Plus particulièrement, la rigidité du marché du travail est confinée principalement aux régions du Centre et de l'Est.
Même si le programme des travailleurs étrangers temporaires sert de solution provisoire pour combler les besoins en main-d'oeuvre, certaines des forces à l'origine du recours croissant aux travailleurs étrangers illustrent parfaitement un problème de mobilité interprovinciale des travailleurs. La nécessité de répondre à la demande en main-d'oeuvre à court terme est une préoccupation, puisque le programme des travailleurs étrangers temporaires ne peut être exhaustif que si les grands problèmes sous-jacents sont réglés.
Même s'il est important de répondre aux préoccupations immédiates des entreprises, les travailleurs étrangers ne constituent pas la seule avenue stratégique. Certains des objectifs du programme des travailleurs étrangers temporaires pourraient être réalisés à l'aide de politiques qui favorisent une plus grande mobilité de la main-d'oeuvre. Dans cette veine, on pourrait moderniser le programme d'assurance-emploi.
Le rôle des travailleurs étrangers temporaires pour pallier les pénuries graves et constantes de main-d'oeuvre ne devrait pas détourner l'attention des objectifs stratégiques à long terme. Par exemple, une augmentation du nombre de travailleurs étrangers temporaires nuit-elle au programme d'immigration actuel en comblant des postes qui seraient plus avantageusement comblés par de nouveaux immigrants permanents? Le cas échéant, y perd-on beaucoup au change? Enfin, jusqu'à quel point les objectifs des deux programmes se chevauchent-ils?
Là où les pénuries de main-d'oeuvre semblent être plus permanentes, le programme des travailleurs étrangers temporaires devrait cerner les secteurs où un processus de demande rationalisé s'impose. Cela est vrai pour le programme des travailleurs agricoles saisonniers et le programme concernant les aides familiaux résidants, par lesquels on comble les emplois que les Canadiens ne veulent occuper ni maintenant ni à moyen terme.
Il devrait en être de même pour les pénuries de main-d'oeuvre dans des secteurs où le Canada manque en permanence d'un savoir-faire précis, des secteurs où les paramètres économiques changeants ne risqueraient pas d'avoir une incidence sur l'arrivée de travailleurs pour occuper ces emplois. Préciser les secteurs où des pénuries de main-d'oeuvre sévissent de manière plus constante permettrait de déterminer plus rapidement si des régions ou des secteurs ont besoin de travailleurs étrangers. Rationaliser les demandes pour des zones de préoccupation permanentes serait avantageux pour les entreprises et permettrait de libérer des ressources dans les cas plus ambiguës.
L'expansion du programme des travailleurs étrangers temporaires ne devrait pas détourner des ressources ni l'attention des mesures qui accéléreraient et faciliteraient l'immigration permanente d'étudiants étrangers au Canada. Un grand nombre de nos étudiants invités ont beaucoup à offrir et sont impatients de s'établir. Une source relativement inexploitée de travailleurs qualifiés se trouve dans nos universités.
En outre, notre système de collèges pourrait envisager d'étendre l'accès aux étudiants étrangers. À l'heure actuelle, il est rare que des étudiants viennent au Canada pour y apprendre un métier. Toutefois, notre système d'enseignement postsecondaire pourrait jouer un rôle beaucoup plus grand pour répondre aux besoins en matière d'immigration.
Merci.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant le comité.
Certains de mes collègues aujourd'hui présenteront des arguments en faveur d'un moratoire sur la déportation ou de programmes de régularisation pour les personnes sans statut d'immigrant. J'appuie ces positions, mais ma déclaration d'aujourd'hui couvre d'autres aspects du problème. Je veux parler de la terminologie, de la manière dont les gens se retrouvent avec différentes formes de statut précaire, du rôle des politiques dans la création de ces statuts précaires et de quelques-unes des conséquences pour les Canadiens.
Permettez-moi de commencer par la terminologie. L'expression « sans papiers » est de plus en plus répandu en raison du nombre élevé de personnes qui entrent et vivent sans autorisation aux États-Unis, en Europe et dans d'autres régions. C'est aussi en réaction à des expressions comme « étranger clandestin », qui ont pour effet de déshumaniser et de criminaliser les gens.
Les gens deviennent des sans-papiers aux États-Unis principalement en traversant la frontière sans autorisation. Il est logique d'utiliser l'expression « sans-papiers » dans ce contexte car ils n'ont aucune fiche d'autorisation de séjour. À l'heure actuelle, la population de sans-papiers aux États-Unis est évaluée à 12 millions de personnes environ.
Comme nous le savons tous je crois, la situation au Canada est tout autre et une terminologie différente s'impose. Entrer sans papiers n'est pas la principale façon de vivre ou de travailler sans autorisation. Au contraire, bien des gens entrent au pays avec un document quelconque et puis se retrouvent sans statut. Ainsi, les gens que nous pourrions être tentés d'appeler des sans-papiers sont souvent munis de documents, car ils sont connus des autorités puisqu'ils sont entrés au pays avec un statut d'immigrant en règle.
Je soutiens que le statut d'immigration précaire est une meilleure façon de décrire la situation des gens que l'on qualifie souvent de sans-papiers. La raison devient plus claire si on examine les motifs pour lesquels une personne se retrouve avec un statut d'immigration précaire. Ils sont nombreux, mais permettez-moi d'en énumérer quatre.
Le premier, c'est la rupture de l'engagement de parrainage. Quand les gens entrent au pays comme membres de la famille parrainés, etc., et qu'il y a rupture de la relation, il y a aussi rupture de l'engagement de parrainage. Cela pose particulièrement problème pour les conjoints et les enfants touchés. Le deuxième, c'est en refusant des revendications du statut de réfugié et des demandes d'asile. Le troisième, c'est en restant plus longtemps que ne le permet le visa temporaire, que ce soit un visa de travailleur étranger ou d'étudiant. Le quatrième, c'est en entrant au pays sans autorisation.
Dans les trois premiers cas, les gens arrivent avec un document quelconque puis, pour différentes raisons, se retrouvent avec un statut précaire quelconque. Il peut y avoir transfert entre les diverses formes de statut précaire. Par conséquent, l'expression « statut précaire » couvre un éventail de situations.
Cela dit, j'aimerais revenir à la manière dont la politique d'immigration et d'autres politiques connexes sont liées au statut précaire. La politique favorise le statut précaire notamment en réduisant les admissions en vue de la résidence permanente. Plus les possibilités d'entrée et d'établissement permanent diminuent, plus les gens risquent de trouver d'autres moyens d'entrer au Canada.
Une autre façon, c'est par l'entremise de la politique relative à l'immigration humanitaire et aux réfugiés et le système de détermination du statut de réfugié. Vu les difficultés pour combler les postes à la CISR et l'énorme arriéré des revendications du statut de réfugié, bien des gens sont plongés dans l'incertitude pendant longtemps. Ils peuvent avoir l'autorisation de travailler, de résider — peut-être pas les deux — et peuvent avoir accès à certains services, mais leur situation est loin d'être sûre ou stable.
Un troisième mécanisme, c'est en élargissant le programme des travailleurs temporaires; le témoin qui m'a précédé en a parlé. Le nombre ou le bassin de travailleurs étrangers temporaires au Canada a quadruplé entre 1980 et 2006, passant de 39 000 à 172 000.
L'élargissement des programmes des travailleurs temporaires et des travailleurs invités dans d'autres pays porte à croire que le caractère temporaire peut devenir permanent, et il semble se produire la même chose au Canada. Des travailleurs temporaires viennent année après année. Ils passent de huit à dix mois de l'année ici. Cela devient permanent pour eux et pour les employeurs qui comblent les emplois par l'entremise de ces types de programmes.
Les déportations périodiques constituent une autre façon dont la politique contribue au statut précaire. Les déportations garantissent au public que des mesures sont prises face au problème. Mais les ressources ne suffisent pas, et ce n'est pas un moyen efficace de régler complètement le problème. Il contribue à la criminalité.
Une cinquième façon, ce sont les solutions limitées. Il existe peu d'options pour obtenir de nouveau ou obtenir le statut d'immigrant dans l'éventualité où il a été perdu.
Maintenant, pensons à certaines des conséquences ici. D'après des études de cas et des données à caractère anecdotique, nous savons que ceux dont le statut d'immigrant est précaire sont désavantagés de bien des façons: salaire inférieur pour un travail comparable, crainte de signaler des problèmes liés à un travail dangereux, non-paiement, conditions de logement déplorables, etc. Par conséquent, les gens risquent de ne pas signaler des activités criminelles, la violation des normes du travail, des maladies, etc.
Si nous voulons que les gens dont le statut est précaire sortent de l'ombre, il faut absolument mettre en oeuvre des politiques de confidentialité pour qu'ils ne craignent pas de signaler des abus au travail ou des activités criminelles, qu'ils puissent inscrire leurs enfants à l'école et se faire soigner, et qu'ils vivent moins dans la peur. Nous devons aussi lancer un débat sur la régularisation et effectuer des recherches sur une variété d'aspects liés au statut précaire.
Je pourrais parler longuement des besoins en matière de recherche, mais je crois qu'une question plus profonde doit être abordée, celle de savoir quel genre de Canada nous voulons.
Nous sommes à une étape où nous devons décider si nous voulons bâtir une nation où les gens ayant un statut précaire continuent de vivre dans l'ombre et dans la peur. Dans ce modèle, les citoyens et les résidents permanents occupent le palier supérieur de la société, tandis que ceux au statut d'immigration précaire sont au palier inférieur. Même s'il existe des façons d'obtenir sa résidence permanente et sa citoyenneté, la présence d'un segment de la population ayant un statut précaire soulève des questions sur la valeur et la portée de la citoyenneté et de la démocratie au Canada. Est-ce qu'un seul segment de la population peut en profiter? Dans ce modèle, le statut d'immigrant devient un motif de discrimination légitime, et les collectivités deviennent déchirées par la peur.
À l'inverse, voulons-nous vivre dans une société qui s'attaque à ces problèmes en intégrant le statut d'immigration précaire aux discussions publiques dans le cadre de débats, de recherches et d'activités de sensibilisation? Dans ce modèle, on considère comme un problème le fait qu'un segment de la société ne jouisse pas de la plupart des droits que le reste d'entre nous tient pour acquis. Il faut alors se demander comment réduire les insécurités liées au statut précaire tout en diminuant le nombre de personnes qui se trouvent dans cette situation par des politiques constructives plutôt que par la criminalisation.
Pour commencer à mettre au point des solutions efficaces et à bâtir des collectivités plus saines qui ne sont pas déchirées par la peur, nous devons mener des débats éclairés.
Merci.
Je vais commencer par la question des travailleurs étrangers temporaires, puis je passerai ensuite aux prétendus travailleurs sans papiers.
J'ai préparé quelques notes, et je vais procéder point par point. Je n'entrerai pas trop dans les détails, car tout le monde sait ce qui est requis et ce qui doit être fait. Je formulerai des suggestions au nom de mon association.
À notre avis, CIC devrait dresser une liste des professions et des métiers qui répondent aux demandes du marché du travail. Il n'est pas nécessaire, selon le système de points...
Ces trois ou quatre dernières semaines, deux personnes sont venues à mon bureau. Une femme titulaire d'une maîtrise en psychologie et un homme titulaire d'un doctorat en agriculture, je crois, ou dans une profession quelconque. La femme travaillait dans une usine et l'homme avait refait une formation en mécanique automobile. Je ne dis pas que le travail de mécanicien n'est pas un bon métier, mais il reste que cet homme qui détient un doctorat est maintenant mécanicien. À quoi bon accueillir ces gens s'ils ne peuvent pas trouver des emplois au Canada dans leur profession?
Je recommanderais que CIC dresse une liste périodiquement — tous les six mois peut-être — des professions pour lesquelles la demande est forte et que la sélection des immigrants soit effectuée en tenant compte de cette liste. Cela aidera aussi les employeurs. S'il nous faut 1 200 charpentiers, 700 infirmières ou 450 médecins, ce sont les gens que nous devrions faire venir ici.
Par ailleurs, quand ils arrivent au pays avec des permis de travail temporaires, nous avons évidemment besoin de la collaboration du ministère des Ressources humaines. RHDSC devrait envisager d'exempter certains fournisseurs de soins, par exemple. J'ai rarement entendu dire qu'une demande d'AMT d'un fournisseur de soins avait été refusée. La plupart de ces demandes sont approuvées. Il est de notoriété publique que nous avons une pénurie de fournisseurs de soins au Canada.
De même, le ministère des Ressources humaines devrait peut-être envisager de dresser une liste des professions pour lesquelles la demande est extrêmement forte. L'immigrant éventuel n'a alors pas besoin d'attendre son tour sur la longue liste d'attente pour obtenir l'AMT, l'avis relatif au marché du travail. C'est ainsi qu'on devrait procéder, à notre avis.
D'après nous, les travailleurs temporaires qui viennent au Canada devraient avoir le droit de devenir des résidents permanents. Si nous accueillons quelqu'un ici, qu'il travaille deux ou trois ans et qu'il contribue à l'économie du pays — il est employable et apte au travail, et ses titres de compétence sont reconnus —, il n'est pas nécessaire de le renvoyer chez lui. Si nous avons besoin de lui, il devrait alors pouvoir rester. Pour ce qui est de la résidence permanente, certains critères seront imposés, qu'il ait déjà un emploi et que l'employeur soit satisfait de lui, etc. De toute évidence, il ne volera l'emploi de personne puisqu'il est venu au départ parce qu'aucun Canadien n'était disponible pour effectuer le travail.
Je ne crois pas qu'il y ait lieu de craindre que les travailleurs étrangers voleront des emplois à des Canadiens, car nous avons ici un ministère des ressources humaines qui émet des avis relatifs au marché du travail et a évidemment une idée des gens à qui les remettre.
Je passe rapidement pour que nous puissions aborder tous les points dont je veux parler.
Nous suggérons aussi que CIC publie une liste négative des professions et des métiers. Si on n'a pas besoin de docteurs en agriculture, cela devrait alors figurer à la liste négative des professions. Cette liste ne fera qu'aider les gens à l'étranger, car ils sauront alors qu'ils n'obtiendront pas un emploi s'ils immigrent ici.
En outre, pour ce qui est des compétences, CIC devrait instaurer une sorte de mécanisme d'orientation dans les bureaux à l'étranger, et les immigrants éventuels devraient être informés, s'ils sont ingénieurs, qu'ils devront refaire leur cours ici pour éviter qu'ils ne se plaignent de devoir conduire un taxi pendant trois ans avant d'obtenir leurs titres de compétence.
Je respecte les professionnels venant de l'étranger et, bien sûr, les gens de métiers aussi, mais là encore, CIC devrait les mettre au courant au préalable.
Pour ma part, je suis arrivé au Canada il y a 36 ans. Je travaillais pour une entreprise canadienne au Kenya, en Afrique de l'Est. Je travaillais pour Falconbridge, qui m'a aidé à immigrer au Canada. Mon patron était le président du conseil d'administration. Je suis allé le voir, ce vieil homme — bien entendu, j'étais à l'époque un jeune homme venant s'établir au Canada — et je lui ai demandé : « Monsieur, je pars m'installer au Canada et j'ai besoin de vos conseils ». Je me rappelle ce qu'il m'a répondu : « Ramesh, si tu n'as pas honte de travailler de tes mains, tu réussiras au Canada ». Après 36 ans, je me souviens de ses paroles. Et quand je suis arrivé au Canada, la chance m'a souri et j'ai obtenu un emploi dans mon domaine. J'ai eu beaucoup de chance, mais je sais que ce n'est pas le sort de tous. Je suis né sous une bonne étoile.
Mais ce que je dis ici, c'est qu'on se définit beaucoup par le travail au Canada. À ceux qui disent, « J'étais quelqu'un dans mon pays et maintenant, voici ce que je fais ici », je leur réponds, « Sauf votre respect, si vous étiez quelqu'un chez vous, que faites-vous ici alors? » Voilà pour le premier point. Mais en même temps, je comprends leur dilemme, et c'est pourquoi je crois que CIC devrait mettre en place une sorte de mécanisme chez eux, au bureau à l'étranger, pour donner aux gens les bons conseils concernant leurs qualifications et la reconnaissance de leurs titres de compétence.
J'ignore si c'est vrai — j'ai lu beaucoup de choses dans les journaux —, mais le ministre de l'Immigration peut se voir accorder des pouvoirs discrétionnaires pour annuler, ou peu importe, les demandes de certaines personnes qui ont été approuvées par vos agents des visas à l'étranger. Mais on m'a également dit — je ne peux divulguer aucun nom ou quoi que ce soit —, que ce n'est peut-être pas vrai. Enfin je l'espère. Nous demandons humblement de ne pas octroyer au ministre ce genre de pouvoir, car cela va à l'encontre des règles démocratiques du pays. J'espère qu'on nous écoutera.
L'autre chose, c'est...
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Ah, des travailleurs étrangers temporaires. Je pensais qu'il s'agissait des travailleurs sans papiers.
En 2002, on a changé le système de points sur les instances des bureaucrates. Au cours de mes dix ans au comité, il y a eu sept ministres différents, et j'ai appris que lorsqu'on dit que le ministre a tel ou tel autre pouvoir, la bureaucratie a elle aussi le pouvoir en question. Les ministres ne font pas grand-chose. C'est la bureaucratie qui fait le travail.
Je reviens aux gens dont le statut est précaire, aux travailleurs sans papiers. J'ai utilisé ces termes de manière interchangeable pendant un certain temps. Les chiffres ont vraiment augmenté car en 2002, on a changé le système de points quand la bureaucratie a persuadé le ministre de donner son aval, malgré le fait que le Comité de la citoyenneté et de l'immigration avait prévenu celui-ci que ça ne fonctionnerait pas.
À ce moment-là, les bureaucrates ont menti au comité. C'est du domaine public. L'affaire s'est retrouvée devant les tribunaux et a fait l'objet d'une décision. Ils avaient mal renseigné le comité, et je pense vraiment qu'on aurait dû les sanctionner pour outrage. Par conséquent, cela a fait grimper le nombre de sans-papiers, car les gens qui étaient entrés au pays en toute légalité comme immigrants admis ne pouvaient plus combler les emplois que l'économie nécessitait, principalement dans les corps de métiers.
On a en fait plus de gens qualifiés, et je pourrais vous dire — je l'ai utilisé comme exemple — que Frank Stronack de Magna International ne serait pas admis. Frank Hasenfratz, le président de Linamar, ne serait pas admis. Mike Lazaridis, l'inventeur du BlackBerry, ne le serait pas non plus. J'ose dire que 95 p. 100 des gens qui ont immigré ne seraient pas admis, et ce que je trouve curieux, c'est que lorsque les bureaucrates s'accaparent du pouvoir, vu la feuille de route qu'ils ont, nous avons besoin de transparence et de reddition de comptes au ministère.
Je vais vous adresser ma question, monsieur Dheer, car vous vouliez parler des travailleurs sans papiers, ou devrais-je dire, des travailleurs ayant un statut d'immigration précaire. Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que c'est un problème?
L'autre problème auquel nous faisons face, c'est qu'en faisant entrer plus de travailleurs étrangers temporaires, nous avons créé le genre de société qui... L'Allemagne a eu des problèmes à cet égard, et d'autres pays aussi. Je veux qu'on admette au pays des gens dont les enfants vont mettre au point des inventions comme le BlackBerry, qui est fabriqué par une entreprise de renommée mondiale.
Je peux répondre à votre question en deux étapes. Tout d'abord, vous avez demandé à juste titre si, à cause de la réticence des gens à quitter d'autres régions du Canada pour diverses raisons, nous allons laisser l'Alberta, par exemple, souffrir d'un ralentissement économique. Non. L'immigration est devenue un phénomène d'envergure plus mondiale. Peu importe d'où nous vient la main-d'oeuvre bon marché ou immédiatement disponible... Si j'ai une entreprise et que je dois mener à bien un projet, alors je vais essayer d'embaucher quelqu'un au Canada, mais si personne n'est disponible, je devrais avoir le droit de recruter une main-d'oeuvre n'importe où, qui soit premièrement bon marché et, deuxièmement, immédiatement disponible.
D'après les statistiques, la province de l'Alberta, à elle seule, connaît une pénurie de 400 000 travailleurs, qui sont requis sur-le-champ. Si aucun Terre-Neuvien ou aucun Ontarien ne veut y déménager, que doivent-ils faire? Ils doivent faire entrer des gens au pays. C'est un des points que je veux faire valoir.
L'autre partie de la question, c'était de savoir pourquoi ces travailleurs ne devraient pas entrer au pays directement comme résidents permanents. C'est parce que la pratique de l'immigration concernant l'entrée des gens au Canada directement comme immigrants ayant obtenu le droit d'établissement ou comme résidents permanents, est un exercice de longue haleine. Il faut faire beaucoup de vérifications. Il faut déterminer beaucoup de choses, et tout le reste. À cela s'ajoute l'arriéré qui existe au ministère — je ne critique ni les conservateurs ni les libéraux quant à la façon dont nous en sommes venus à cet arriéré, mais le fait est qu'il en existe un — avec 900 000 personnes en première ligne, si je fais une demande aujourd'hui, je serai au bout de la file d'attente. À l'heure actuelle, la période d'attente pour l'Inde est de six ans, pour la Chine, sept ans et pour le Royaume-Uni, quatre ans. Quelle entreprise va attendre qu'un plombier s'en vienne ici? Si quelqu'un a une entreprise de construction et recherche 15 charpentiers et 10 plombiers, attendra-t-il pendant six ans? Non.
Ce que nous devons faire, c'est faire entrer des gens de façon temporaire en mode accéléré, et cela peut être fait en quelques semaines. Ensuite, l'employeur a des travailleurs ici. Voilà la raison pour laquelle ces gens entrent au pays en tant que travailleurs temporaires.
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Merci, monsieur le président.
Merci, mesdames et messieurs.
Monsieur Dheer, vous avez soulevé des points très valables, et nous en prenons bonne note. Nous vous remercions également d'avoir félicité le gouvernement pour l'amnistie des 16 ou 17 dernières années. C'était un gouvernement conservateur.
Vous avez également fait valoir un argument valable, à savoir la nécessité de faire entrer rapidement des gens dans l'intérêt économique d'une province donnée. Ce n'est pas seulement l'Alberta, le Québec ou n'importe quelle autre province. L'économie de la Colombie-Britannique a le vent en poupe, et on peut en dire autant pour l'Alberta, le Manitoba, la Saskatchewan et même Terre-Neuve — grâce à ses réserves de pétrole en mer — et je prévois qu'à long terme, nous chercherons à combler presque 100 p. 100 des besoins nets du marché du travail par l'immigration. Nous devons donc accélérer le processus.
Merci pour vos observations.
Je veux également vous informer — et je tiens à vous le dire catégoriquement — que le ministre n'a pas le pouvoir arbitraire d'infirmer la décision des agents des visas, alors vous pouvez dormir tranquille et transmettre le message aux autres. Merci, monsieur.
Sur l'autre sujet, j'aimerais passer à M. Busby.
Je voudrais parler un peu plus de la flexibilité de la main-d'oeuvre. Nous avons entendu certaines observations sur le fait que les gens ne veulent pas quitter Terre-Neuve ou le Québec, ce à quoi vous avez répondu par un « Bien... ». Mais en même temps, il faut se rendre compte que des gens des quatre coins du monde sont venus au Canada — et continueront d'y venir. Pourquoi les gens viennent-ils ici? Parce que le Canada est un pays compatissant. Parce que nous avons le meilleur marché immobilier au monde, une bonne demande sur le marché du travail et d'excellents programmes sociaux bâtis au fil des ans.
S'ils peuvent venir de l'Inde, de la Chine, du Pakistan ou d'ailleurs, je ne pense pas qu'ils auront beaucoup de problèmes à quitter la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve, le Québec ou n'importe quel autre endroit. Mais encore faut-il qu'ils souhaitent se déplacer; cette décision devrait relever d'eux, et non pas des politiciens comme moi ou de quiconque dans cette salle.
Que pensez-vous de la flexibilité du marché du travail, et comment pouvons-nous la favoriser?
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Bonjour, monsieur le président et membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Je m'appelle Silvia Bendo. Je suis la directrice générale de CREWS, ou Construction Recruitment External Workers Services.
CREWS est un service offert par le biais de la Building Industry and Land Development Association ou BILD, anciennement connue sous le nom de Greater Toronto Home Builders' Association et d'Urban Development Institute. Avec plus de 1 500 membres à son actif, la BILD est le porte-parole des promoteurs immobiliers résidentiels, des constructeurs d'habitations et des entrepreneurs en rénovation professionnels dans la région du Grand Toronto. Nous sommes également fiers d'être affiliés à l'Ontario Home Builders' Association et à l'Association canadienne des constructeurs domiciliaires.
Je suis heureuse d'avoir l'occasion de présenter le point de vue de l'industrie de la construction domiciliaire au sujet des travailleurs étrangers temporaires et des travailleurs sans papiers. La BILD et CREWS ont, tous deux, une expérience pratique relativement au programme des travailleurs étrangers temporaires parce que nous avons participé à l'élaboration du protocole d'entente de l'industrie de la construction entre la GTHBA et le gouvernement fédéral.
CREWS a été établi en 2001 pour aider les employeurs à combler leurs besoins en main-d'œuvre en facilitant le processus de demande de travailleurs étrangers. Même si le protocole d'entente a officiellement pris fin en septembre 2007, CREWS poursuit ses activités pour répondre aux besoins de ses membres en les aidant, encore une fois, sur le plan des demandes.
Par ailleurs, nous continuons d'appuyer tous les efforts visant à accroître l'offre de main-d'œuvre qualifiée dans notre industrie, y compris les programmes de formation et d'apprentissage. Malheureusement, ce n'est pas suffisant pour répondre à tous les besoins de notre industrie. Aux prises avec une population vieillissante dans plusieurs métiers et dans les postes de direction, notre industrie doit agir sur tous les fronts pour assurer une offre de main-d'œuvre performante et stable.
Dans le cadre du programme des travailleurs étrangers temporaires, une des recommandations que je propose, c'est de rationaliser le processus destiné à transférer les travailleurs étrangers d'un employeur à l'autre au Canada. À l'heure actuelle, il faut deux mois, dans le meilleur des cas, pour venir à bout de la paperasserie. Entre-temps, les travailleurs étrangers se retrouvent parfois sans emploi, et les employeurs ne peuvent avoir recours aux compétences et à l'expérience de ces derniers.
Traditionnellement, l'objectif du programme des travailleurs étrangers temporaires était de combler les demandes de main-d'œuvre temporaire au pays. La réalité, c'est que la plupart des travailleurs étrangers temporaires dans notre pays considèrent ce programme comme un tremplin vers la résidence permanente, même s'ils n'y sont pas admissibles. Mais c'est là un tout autre sujet.
En ce qui concerne les travailleurs sans papiers, nous savons tous qu'ils sont ici, et il faut s'occuper de leur sort. Certains travailleurs sans papiers ont eu la chance de régulariser leur statut grâce au programme des travailleurs étrangers temporaires. Toutefois, beaucoup d'autres sans-papiers sont découragés d'emprunter cette voie parce qu'ils ne viennent pas de pays dispensés du visa ou à cause des refus essuyés par des personnes qui sont dans une situation semblable aux bureaux de visas à l'étranger.
Pour assurer une certaine équité dans notre système, il faut concevoir une initiative de régularisation qui garantira notre réserve de compétences et de main-d'œuvre au Canada. Comme solution, on pourrait établir un programme de régularisation interne qui permettrait l'octroi d'un permis de travail temporaire pour une période d'au moins deux ans. Pendant ce temps, ces ressortissants étrangers pourraient faire des démarches pour obtenir une résidence permanente.
Il faut noter également que bon nombre de nos membres emploient, sans le savoir, des travailleurs sans papiers. Nos membres constructeurs obtiennent leur main-d'œuvre dans le cadre de conventions collectives et de contrats avec des entrepreneurs spécialisés. Ces entrepreneurs, à leur tour, embauchent des sous-traitants pour répondre à leurs besoins en main-d'œuvre.
Le travailleur sans papiers est parfois un demandeur du statut de réfugié débouté qui, aux yeux de l'employeur, sera soudainement déporté.
Je vous remercie de votre attention. En gros, nous demandons au comité d'appuyer les initiatives d'immigration qui répondront aux besoins en main-d'œuvre de l'industrie de la construction domiciliaire.
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Merci beaucoup de m'avoir invitée aujourd'hui.
D'entrée de jeu, permettez-moi de vous dire que les observations dont je vais vous faire part aujourd'hui reposent sur les recherches approfondies que j'ai menées ces six dernières années sur ce sujet. Cela comprend des entrevues avec des travailleurs migrants, des cultivateurs, d'autres employeurs, des membres du programme des travailleurs étrangers ainsi que l'Agence canadienne d'inspection des aliments et l'Agence de la santé publique du Canada, pour n'en nommer que quelques-uns. J'ai commencé à publier des rapports basés sur ces recherches, et vous pouvez accéder à certains d'entre eux: j'ai préparé, entre autres, un rapport pour l'Agence de la santé publique du Canada, et un article qui paraîtra sous peu dans la revue Canadian Studies in Population.
J'ai récemment reçu une aide financière de l'Agence de la santé publique pour faire une enquête quantitative sur les questions de santé des travailleurs migrants, en plus d'un soutien de CERIS, le groupe de recherche sur l'immigration du Centre Métropolis de l'Ontario.
Je sais qu'il y a un certain nombre de points qui méritent d'être soulignés relativement à ce sujet , mais compte tenu du temps, je veux mettre l'accent sur certains des problèmes les plus courants. Je les ai regroupés en cinq catégories, et je vais me concentrer sur les trois dernières.
Je veux d'abord signaler la vulnérabilité ou la vulnérabilité potentielle des travailleurs étrangers dans ce système, aussi bien dans le programme des travailleurs étrangers que les autres programmes comme le Programme des travailleurs agricoles saisonniers; viennent ensuite les questions de santé et de sécurité, la réglementation, la surveillance et les statistiques et, enfin, la cohésion en milieu de travail. Je ferai ensuite quelques observations sur la politique de l'immigration.
En ce qui concerne la vulnérabilité des travailleurs étrangers, je crois qu'il est important de reconnaître — et je suis sûre que les autres témoins en ont déjà parlé — que les travailleurs étrangers sont liés aux employeurs par des contrats et qu'ils n'ont généralement pas une autorisation d'emploi ouverte. Grâce aux ententes bilatérales en place — par exemple, dans le cadre du Programme des travailleurs agricoles saisonniers — avec des pays comme le Mexique, les travailleurs ont pu jouir d'une protection directe de la part de leur pays de citoyenneté. Toutefois, les récentes initiatives et l'expansion du programme des travailleurs étrangers ne sont pas visées par ces ententes bilatérales.
Je suis également préoccupée par les tiers recruteurs et les agences de placement, qui ont joué un rôle important pour les employeurs car ce sont eux qui repèrent les travailleurs et qui établissent les contrats. Ces groupes ne sont pas réglementés, particulièrement en Ontario. Ils le sont au Manitoba, et j'encourage fortement l'Ontario et les autres provinces à emboîter le pas.
Les travailleurs étrangers n'ont pas droit à la plupart des services d'établissement parce que ces derniers s'adressent aux migrants permanents. On ne tient pas compte de bon nombre de leurs besoins, ce qui cause des problèmes pour le financement et aussi pour l'estimation des types de services que ces régions peuvent offrir.
Sur le plan de la santé et de la sécurité, il y a eu plusieurs nouveautés. J'aimerais tout simplement dire qu'en élargissant la portée du programme pilote des travailleurs peu spécialisés pour inclure les niveaux de compétence C et D de la CNP, nous avons augmenté le nombre des travailleurs étrangers non seulement dans l'agriculture, mais aussi dans d'autres domaines de l'économie, comme la construction et la fabrication. Selon le rapport annuel de 2006 de la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail, la plupart de ces secteurs affichent les taux les plus élevés de blessures au travail. Vous trouverez certaines statistiques à ce sujet dans vos notes.
L'autre point que je veux soulever concerne la surveillance et l'évaluation, ainsi que l'existence de lignes directrices, de dispositions et de règlements inadéquats non seulement pour les travailleurs mais aussi pour les employeurs qui ont du mal à composer avec une main-d'œuvre changeante et à établir des rapports avec une gamme variée d'employés.
Pour ce qui est de la santé communautaire, dans le cadre de mon travail avec l'Agence de la santé publique du Canada, je sais que la propagation potentielle des problèmes de santé est un sujet de préoccupation. J'oserais dire que les mauvaises conditions en matière de santé et de sécurité sur les fermes, où l'on compte plus de 20 000 travailleurs étrangers agricoles, pourraient augmenter les risques pour la production alimentaire canadienne. C'est aussi un point qui mérite d'être signalé aux intervenants des autres domaines du secteur alimentaire, dans les différents secteurs de l'économie.
Passons maintenant au système de soins de santé du Canada. Nous avons un système de santé qui est déjà surchargé, et il n'y a pas assez de financement ni de formation pour répondre à la myriade de besoins en matière de santé des travailleurs migrants temporaires, particulièrement à long terme.
Sur le plan de la réglementation et de la surveillance ainsi que des statistiques, c'est un sujet qui me préoccupe vraiment parce qu'on ne surveille pas assez le programme des travailleurs étrangers au niveau fédéral, provincial et municipal. Il y a très peu d'intervention gouvernementale directe. Il n'y a aucun organisme indépendant chargé de surveiller et d'évaluer le programme. Seul le Programme des travailleurs agricoles saisonniers compte un groupe, appelé FARMS, qui représente en grande partie les intérêts des cultivateurs et des fermiers.
Il est difficile d'obtenir des données quantitatives et des statistiques sur les mauvais traitements, les plaintes, les migrants qui retournent dans leur pays, les bris de contrat, la durée des séjours, les demandeurs d'asile et les demandeurs de résidence permanente, les taux d'attrition, le nombre de travailleurs qui s'absentent sans permission ou les permis de travail pour un séjour indûment prolongé. Selon moi, c'est une situation vraiment difficile tant pour les chercheurs que pour les fournisseurs de services ou les professionnels de la santé, surtout s'il s'agit d'évaluer les types de demandes de services que les travailleurs temporaires imposeront à nos systèmes sociaux et de la santé.
Pour ce qui est de la cohésion du milieu de travail, plusieurs questions se posent. Le manque d'information, de formation linguistique et de sensibilisation aux différences culturelles chez les employeurs et les travailleurs peut mener à des situations propices au racisme, à la discrimination et à la violence.
Pour terminer, j'aimerais vous faire part de certaines de mes réflexions sur la politique canadienne de l'immigration. Tout d'abord, je crois qu'un programme de travailleurs étrangers encourage un système plus hiérarchique, c'est-à-dire un système qui est basé sur le pays d'origine, particulièrement dans le cas du Programme des travailleurs agricoles saisonniers où les employeurs sélectionnent leurs travailleurs essentiellement en fonction de leur pays d'origine.
Je crois également qu'au chapitre de la transition du statut, le jumelage du programme des candidats des provinces avec le programme des travailleurs étrangers temporaires est une bonne chose parce que c'est un tremplin vers le statut permanent; cela permet aux travailleurs d'obtenir un statut régulier et d'avoir accès aux services d'établissement. Cette méthode donne des résultats positifs à Brandon, au Manitoba, où environ 538 employés de la société Aliments Maple Leaf ont fait une demande de statut permanent dans le cadre du programme des candidats manitobain. La plupart d'entre eux reçoivent le statut. Toutefois, les migrants sont quand même liés à leurs employeurs; je serais donc réticente à utiliser cette approche comme seul moyen pour demander la résidence permanente pour ce groupe.
En ce qui a trait aux intérêts privés qui, à mes yeux, façonnent la politique dans ce domaine, j'ai assisté à la conférence de Métropolis à Halifax. Lors de cet événement, il a été soutenu que le Programme des travailleurs agricoles n'est pas en expansion parce qu'il est centré sur les employeurs. C'est ce qu'on entend sans cesse. Ce qui me préoccupe, c'est que cela signifie qu'il n'y a aucun plafond pour les travailleurs étrangers et que nous avons un système d'immigration axé sur l'employeur, ce qui place l'édification du pays entre les mains du secteur privé — sans compter le rôle des tiers recruteurs dans ce processus.
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Merci, monsieur le président.
La pénurie de main-d'oeuvre est le principal problème auquel se heurte l'industrie de la restauration au Canada, une industrie de 58 milliards de dollars qui emploie un million de personnes. Je suis donc très heureuse de pouvoir vous parler aujourd'hui du programme des travailleurs étrangers temporaires. La pénurie de main-d'oeuvre au Canada s'inscrit dans une tendance démographique à long terme qui afflige l'ensemble des industries et pays développés. Les perspectives pour l'industrie de la restauration sont particulièrement inquiétantes. Au cours des dix prochaines années, l'industrie canadienne de la restauration devra pouvoir compter sur 190 000 travailleurs supplémentaires. Les jeunes âgés entre 15 et 24 ans représentent à l'heure actuelle 44 p. 100 de la main-d'oeuvre dans le domaine de la restauration au Canada; cependant, d'ici 2025, on comptera 345 000 jeunes de moins au pays.
Dans l'Ouest canadien, où il y a une pénurie criante de main-d'oeuvre, certains restaurateurs auraient été forcés de fermer boutique si ce n'avait été du programme des travailleurs étrangers temporaires.
Nous nous réjouissons des améliorations apportées au programme des travailleurs étrangers temporaires au cours des deux dernières années, mais il reste du chemin à faire.
Les taux de salaire en vigueur — et la méthode utilisée pour les fixer — s'avèrent un enjeu pressant pour l'industrie de la restauration. Nos membres sont frustrés de voir qu'ils ne peuvent pas participer au programme des travailleurs étrangers temporaires vu les salaires déraisonnables exigés. Les responsables de Service Canada ne tiennent pas compte des données compilées par Statistique Canada sur les taux salariaux, pas plus que d'autres enquêtes sur la rémunération menées par des tiers. Dans chaque région de chaque province, des méthodes différentes et arbitraires sont utilisées pour fixer les taux salariaux en vigueur.
Les salaires ainsi établis sont souvent beaucoup plus élevés que ceux que reçoivent les employés canadiens d'expérience dans l'industrie de la restauration. Les représentants de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires, de Ressources humaines et Développement social Canada et de Service Canada se réunissent régulièrement pour tenter de trouver des solutions à l'inexactitude des sources de données, au manque de transparence et à l'absence d'uniformité dans le processus de fixation des taux de salaire en vigueur. Les représentants de RHDSC reconnaissent qu'il y a des problèmes et ont entrepris un examen complet de la situation.
Nous recommandons donc au comité d'accélérer le processus d'établissement d'une nouvelle méthodologie et de nouveaux critères pour la fixation des taux de salaire en vigueur, afin que ceux-ci reflètent davantage les taux de l'industrie. Nous recommandons aussi de s'assurer que les politiques sous-jacentes à l'établissement des taux de salaire en vigueur suivent les taux du marché et qu'elles ne viennent pas exercer de pression à la hausse.
J'aimerais maintenant souligner l'importance d'assurer l'intégrité à long terme du programme des travailleurs étrangers temporaires.
L'ACRSA appuie la mise en place de mécanismes plus rigoureux de surveillance de la conformité dans le cadre de ce programme, et souhaite voir une meilleure communication entre les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral à cet égard. Nous soutenons la recommandation formulée par la Commission d'examen des normes du travail fédérales dans son rapport, soit d'interdire l'accès au programme des travailleurs étrangers temporaires aux employeurs qui contreviennent constamment ou systématiquement aux normes du travail provinciales ou aux modalités des ententes d'emploi. Il faut bien sûr observer les procédures établies, mais le programme est trop important pour qu'on laisse quelques employeurs délinquants en ternir injustement l'image.
L'ACRSA appuie aussi les mesures prises récemment par les gouvernements provinciaux visant à réglementer le travail des représentants en immigration, des consultants ou des recruteurs, afin d'éviter l'exploitation des travailleurs. Nous aimerions d'ailleurs que le gouvernement fédéral en fasse davantage à cet égard.
J'aimerais démentir l'idée selon laquelle les travailleurs étrangers temporaires ne sont pas libres de trouver un autre emploi. Je tiens également à exprimer des réserves quant à la facilité avec laquelle les employeurs peuvent embaucher des travailleurs étrangers temporaires que sont allés chercher d'autres employeurs, et ce, sans avoir à partager les coûts considérables associés au recrutement et au voyage aller-retour. Les employeurs qui accueillent des travailleurs peu spécialisés au Canada (c'est-à-dire, possédant les niveaux de compétence C et D de la Classification nationale des professions) sont tenus de payer leur billet aller-retour. Ils doivent par ailleurs payer les frais de recrutement qui varient de 2 000 à 3 000 $ par employé. Ils leur offrent de la formation, de l'information à propos du Canada, le transport terrestre, un logement et, dans bien des cas, des meubles, des téléviseurs, des bottes, des vêtements d'hiver et j'en passe.
Un deuxième employeur peut obtenir un permis pour le même travailleur étranger temporaire et ainsi éviter les frais de recrutement et de démarrage. Il n'y a aucune façon de s'assurer que la responsabilité des coûts de recrutement et de transport sera transférée au deuxième employeur si le travailleur quitte son emploi avant la fin de son contrat.
C'est pourquoi notre association recommande qu'on continue d'informer les employeurs et les travailleurs temporaires de leurs droits et responsabilités dans le cadre du programme des travailleurs étrangers temporaires; qu'on investisse dans l'établissement de plus de mécanismes de surveillance de la conformité pour protéger les travailleurs et l'intégrité du programme, et qu'on veille à ce que les coûts du voyage d'arrivée et de recrutement pour les travailleurs étrangers temporaires peu spécialisés soient transférés au prorata au deuxième employeur, au troisième et au quatrième si un travailleur étranger temporaire change d'emploi au cours de la période visée par son permis de travail au Canada.
Nos restaurateurs s'inquiètent également des écarts importants qu'on observe d'une région à l'autre quant aux pourcentages de refus des demandes d'avis sur le marché du travail, du manque d'uniformité dans la façon dont le programme est administré, de même que des anomalies relevées dans les listes des professions soumises à des pressions — en particulier vu l'absence de la profession de cuisinier, puisqu'il s'agit du métier pour lequel la demande est la plus forte dans l'industrie de la restauration.
L'ACRFA recommande que le gouvernement fournisse une formation adéquate, des lignes directrices transparentes et des mesures incitatives aux agents du Programme des travailleurs étrangers, afin de tenir compte d'objectifs adaptés à la nouvelle réalité et de veiller à l'application uniforme de la réglementation. Nous croyons aussi que le gouvernement devrait réévaluer, de concert avec l'industrie, les méthodes et critères employés pour générer les listes des professions soumises à des pressions, de même que les listes d'admissibilité à l'émission d'avis sur le marché du travail en mode accéléré, particulièrement pour ce qui est la profession de cuisinier. Il faudrait par ailleurs allouer aux bureaux régionaux de Service Canada les ressources nécessaires pour traiter efficacement les demandes d'avis sur le marché du travail et de travailleur étranger temporaire.
J'aimerais aussi parler du système canadien d'immigration dans le contexte du programme des travailleurs étrangers temporaires. Nous croyons qu'une refonte complète du système d'immigration s'impose et que les principes et la culture servant de base aux politiques d'immigration doivent changer. Les pays développés se font déjà concurrence pour attirer des travailleurs, et le Canada doit affirmer sa position comme pays de choix.
Nos lois sur l'immigration ont été établies à une époque où les conditions du marché du travail étaient très différentes, et elles doivent être mises à jour pour tenir compte de la pénurie de main-d'oeuvre, une nouvelle réalité pour le Canada et le reste du monde. Notre système actuel est discriminatoire envers les travailleurs peu spécialisés et spécialisés, et il n'existe aucune voie permettant aux travailleurs peu spécialisés de passer du statut de travailleur étranger temporaire à celui de résident permanent.
Nous nous sommes réjouis de voir qu'on avait établi une nouvelle catégorie d'immigration permettant aux travailleurs étrangers temporaires de demander le statut de résident permanent sans avoir à quitter le Canada. Toutefois, cette nouvelle catégorie ne vise que les travailleurs possédant les niveaux de compétence A, B et O de la CNP, et ne s'applique donc pas à la majorité des travailleurs étrangers qui sont employés dans l'industrie de la restauration.
Nous recommandons donc de réviser le système de points d'appréciation afin qu'il corresponde davantage aux besoins du marché du travail, ainsi que d'élargir la catégorie de l'expérience canadienne de manière à inclure les niveaux C et D de la CNP, pour que l'expérience acquise au Canada par les travailleurs étrangers temporaires peu spécialisés soit considérée dans leur demande de résidence permanente.
En terminant, j'aimerais souligner à nouveau que la pénurie de main-d'oeuvre est le plus important problème auquel se heurtent les restaurateurs. Et c'est aussi vrai pour d'autres industries et ailleurs dans le monde. Il ne s'agit pas simplement d'une pénurie de travailleurs qualifiés, mais d'une pénurie de travailleurs, point. Il est donc très difficile d'attirer des travailleurs qualifiés, spécialisés et peu spécialisés. Le Canada a besoin d'une vision à long terme pour recruter de la main-d'oeuvre.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins.
Malheureusement, M. Telegdi était absent lorsque nous avons parlé des graves pénuries de main-d'oeuvre que connaît le pays, et votre organisation, madame Reynolds. Notre pays a indéniablement besoin d'un grand nombre de travailleurs pour doter les nombreux postes que notre population ne suffit pas à combler.
J'ai entendu plusieurs témoins dire qu'ils cherchent à passer du statut de résident temporaire à celui de résident permanent, notamment dans le cadre de la catégorie Expérience Canada. Lorsqu'un immigrant est au Canada depuis un certain nombre d'années, il peut demander le statut de résident permanent. Les provinces ont été invitées à participer au Programme des candidats des provinces, qui leur permet d'établir les catégories de candidats qui leur conviennent et de satisfaire leurs besoins régionaux et provinciaux. En Saskatchewan, par exemple, les résidents temporaires qui vivent dans la province depuis six mois peuvent présenter une demande aux termes de ce programme afin d'obtenir le statut de résident permanent.
Il semble que l'idée n'est pas tant de faire venir des travailleurs temporaires que de leur permettre d'acquérir le statut de résident permanent.
En outre, les immigrants qui ont un emploi et peuvent faire venir ici leur famille sont susceptibles de rester. Certains ont proposé de permettre aux conjoints d'immigrants d'obtenir des permis de travail ouverts pour qu'ils puissent travailler et amener leurs enfants avec eux. Nombreux sont ceux qui possèdent les capacités et les qualifications nécessaires, et il existe une demande en main-d'oeuvre. Certains peuvent toutefois se trouver dans une position délicate lorsque l'enfant ou le conjoint apte au travail ne peut occuper un emploi. On nous a également conseillé d'élargir le programme et de trouver un moyen d'offrir le statut de résident permanent à ces gens.
Je vous demanderais de commenter cet aspect de la question, qui a été abordé par Joyce et Mme Hennebry.
Je terminerai en posant une question sur le CREWS à Silvia. Je me demande si les provinces ont vraiment recours à ce programme qui, si j'ai bien compris, s'adresse à l'industrie de la construction. Est-ce que ce programme fonctionne comme prévu? Certains sans-papiers, si on peut les appeler ainsi, travaillent dans cette industrie sans passer par ce processus. Envisage-t-on de se tourner vers le Programme de candidats des provinces, qui accorde à ces dernières de nouveaux pouvoirs les autorisant à trouver les travailleurs dont les industries de la construction et d'autres secteurs peuvent avoir besoin?
Joyce pourrait peut-être commencer.
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Je remercie le comité de nous avoir invités.
Comme Debbie l'a mentionné, nous allons parler des permis de travail temporaires. Je vais faire une partie en français et une autre en anglais plus tard.
J'aimerais soulever trois points: d'emblée, les préoccupations que nous avons face à ces programmes; ensuite, nos propositions de changements; puis un commentaire final au sujet de la façon de voir les liens entre les différents domaines des politiques canadiennes et l'immigration, le marché du travail et les droits humains.
J'ai deux principales préoccupations. D'abord, il y a tous les abus et les violations des droits humains dont les travailleurs temporaires font l'objet, surtout dans l'industrie agricole saisonnière. Comme ils ont déjà été très bien documentés par les organismes de travailleurs, comme les Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce, je ne vais pas les répéter. Pourtant, le programme et les engagements des gouvernements canadien, locaux et des pays d'origine des travailleurs et des employeurs, ainsi que les ententes et les déclarations formelles, vont dans le sens de la protection des droits et de la législation en matière de droits au travail.
J'aimerais remettre en question l'idée courante dans les médias et dans certains cercles de pensée politique selon laquelle les permis de travail temporaire représentent une solution adéquate pour répondre aux besoins actuels du marché du travail. Effectivement, ces permis permettent d'obtenir des travailleurs très rapidement pour des domaines de l'économie où il y a des manques criants de main-d'oeuvre. Cependant, les travailleurs qui viennent ici temporairement sans que leurs droits soient respectés, sans qu'ils puissent s'établir de façon stable et avoir une vie qu'on puisse qualifier de normale, sont-ils à même de bien contribuer aux objectifs des entreprises privées? Nous ne le pensons pas. Nous pensons que cette situation de vie précaire et non épanouie ne permet pas aux travailleurs de donner un rendement optimal, même au sein des entreprises qui les ont engagés.
Finalement, la préoccupation principale, comme Mme Douglas le disait, est que le programme marque un départ en termes de politique d'immigration au Canada: on passe de la notion d'immigrant cobâtisseur d'un pays à la notion de travailleur né à l'étranger, comme s'il s'agissait d'une unité économique dont on peut disposer facilement.
En conclusion, on est en train de créer une sous-classe de travailleurs et de travailleuses très vulnérables au lieu d'amener de nouveaux membres des communautés locales en santé pour créer un marché du travail en santé et un pays en train de se construire en santé.
[Traduction]
Puisque la politique actuelle consiste à recourir davantage aux permis de travail temporaire, nous aimerions proposer trois choses. Premièrement, les travailleurs temporaires doivent avoir accès aux services et jouir de tous les droits prévus dans toutes les lois canadiennes et internationales.
Nous constatons qu'ils sont amenés ici rapidement, que le programme est de plus en plus utilisé. On ne peut pas nier cette réalité. Nous croyons que le gouvernement du Canada et que Citoyenneté et Immigration Canada doivent faire en sorte que ces travailleurs soient admissibles à la prestation des services comme tout le monde. Encore une fois, même en répondant aux besoins du marché du travail, nous pouvons leur permettre de vivre dans de meilleures conditions lorsqu'ils sont ici.
Cela étant dit, nous proposons, en deuxième lieu, que ces travailleurs aient la possibilité de demander le statut de résident permanent rapidement, c'est-à-dire aussitôt qu'ils demandent leur permis de travail temporaire. Cela s'inscrit dans les objectifs de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, qui visent à avoir de nouveaux membres de la société canadienne capables de contribuer à l'édification de cette même société.
Nous proposons également d'élargir les mesures déjà offertes à certaines catégories de travailleurs, comme les aides familiales ou les immigrants qualifiés, à toutes les catégories de travailleurs temporaires. Prenons par exemple la catégorie de l'expérience canadienne, qui est maintenant limitée aux étudiants étrangers et à certaines catégories de travailleurs temporaires. Nous voulons que ce critère soit généralisé et qu'il s'applique aussi aux gens sans statut qui ont déjà une expérience canadienne. S'ils deviennent des employés réguliers, ils n'auront pas autant d'obstacles à franchir pour pouvoir s'intégrer dans des entreprises.
Pour terminer, nous aimerions exprimer notre préoccupation quant aux liens que l'on fait entre plusieurs politiques canadiennes. Nous constatons que la politique du marché du travail au Canada tient compte de l'immigration, alors le lien entre les deux est bien là, mais nous craignons qu'on en arrive à rejeter sur les entreprises la responsabilité de construire le pays par le truchement de l'immigration.
À l'inverse, nous ne sommes pas certains que la politique en matière d'immigration tienne compte de la politique du marché du travail. Encore une fois, le recours à l'immigration pour construire un pays n'est pas pris en compte lorsque nous essayons d'apporter des solutions aux problèmes du marché du travail.
Enfin, et c'est ce qui nous préoccupe le plus, si le gouvernement actuel ou n'importe quel gouvernement au Canada est capable d'établir ces liens entre le marché du travail et la politique en matière d'immigration, comment intervient la politique canadienne sur les droits de la personne pour garantir que tous ces liens sont faits correctement?
Je vous remercie.
Notre délégation va surtout aborder la question des travailleurs sans papiers, mais nous allons aussi parler des travailleurs étrangers temporaires.
Je suis ici pour représenter Status Now! Campaign in Defense of Undocumented Immigrants. Notre campagne regroupe divers organismes, syndicats et organisations d'immigrants et de réfugiés à l'échelle nationale, régionale et locale.
Nous croyons fermement qu'il faut imposer un moratoire immédiat sur l'expulsion de toutes les personnes sans statut qui vivent au Canada. Entre-temps, nous demandons qu'un programme complet, inclusif et acceptable de régularisation soit mis en place.
Pour commencer, j'aimerais parler de la motion visant un moratoire sur l'expulsion des travailleurs sans papiers et leur famille, qui a fait l'objet d'une discussion en juin 2007. Le succès de la motion a montré qu'un programme national de régularisation au Canada recevait un appui grandissant. En fait, la motion elle-même était une réponse à d'importantes manifestations et protestations publiques exigeant que l'on mette fin aux expulsions injustes qu'un nombre croissant de Canadiens jugent cruelles et inutiles.
Le fait qu'une pareille motion ait récemment été débattue et appuyée par des députés nous donne de l'espoir. Les programmes de régularisation ont fait partie de l'histoire du Canada. En fait, le premier programme de régularisation ou d'amnistie a été proposé par le député Douglas Jung il y a une cinquantaine d'années.
De nombreux programmes semblables ont suivi, dont le programme d'examen administratif et bien d'autres. Je ne vous ferai pas perdre de temps en les énumérant tous.
La motion présentée par le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration visant un moratoire sur l'expulsion était certes un énorme pas en avant, mais nous croyons qu'une stratégie plus globale doit être mise en place. Nous parlons plus particulièrement de la définition des travailleurs sans papiers et de leur famille.
Bien que nous appuyions l'esprit de la motion, pour que le moratoire permette d'éliminer les multiples obstacles que rencontrent les personnes sans statut, nous demandons que cette catégorie de personnes soit élargie pour inclure tous les membres des communautés sans statut, et non seulement ceux qui travaillent. Nous veillerons ainsi à ce que personne ne soit oublié dans la définition de certains termes, comme celui de « famille ».
Dans le cas du mot « famille », nous voulons garantir que les définitions utilisées tiennent compte des diverses formes de familles, qui peuvent comprendre différents types de familles élargies et les couples de même sexe.
Nous parlons beaucoup de la motion antérieure parce que nous avons bon espoir que vous allez inclure pareilles recommandations.
En outre, régulariser seulement la situation des travailleurs est problématique, parce que les personnes sans statut ou avec un statut précaire d'immigration rencontrent de nombreux obstacles tout en essayant de garder un emploi stable et continu. Établir la preuve d'un tel emploi est difficile, puisque de nombreux employeurs ne veulent pas fournir de preuve d'emploi à des personnes sans permis de travail.
Bien souvent, les travailleurs sans statut sont forcés d'accepter des conditions précaires d'emploi et des emplois précaires sans obtenir la garantie qu'ils auront encore leur poste le lendemain, la semaine ou le mois suivant. Ces travailleurs n'ont aucun recours lorsqu'ils ne sont pas rémunérés ou que les normes d'emploi ne sont pas respectées.
Les travailleurs sans documents d'immigration sont souvent forcés de passer d'un emploi à l'autre et subissent inévitablement les entre-deux. Toute initiative future doit tenir compte de ces réalités.
Pendant que des programmes de régularisation seront conçus et mis en oeuvre, des centaines et des milliers de personnes sans statut continueront à vivre dans des conditions déplorables et auront un accès limité, voire aucun, aux services de base. Lorsqu'elles arrivent au Canada, elles sont prêtes et disposées à participer pleinement à la société canadienne; toutefois, bon nombre de nouveaux venus perdent leur statut d'immigrant ou obtiennent diverses formes de statut inférieur.
Malheureusement, un statut précaire d'immigrant se traduit souvent par un manque d'accès aux soins médicaux, au système juridique, à l'éducation, à l'emploi et au logement. À l'heure actuelle, nous avons un système à deux vitesses dans lequel les personnes sans statut se battent pour avoir accès aux ressources de base dont elles ont besoin pour devenir des membres à part entière de la société canadienne.
Cette situation a des conséquences graves sur la santé mentale et physique de ces personnes et sur la stabilité familiale. Elle favorise aussi l'émergence d'une société à deux niveaux, un modèle de société que la plupart des Canadiens considèrent injuste et indésirable.
Tandis que nous attendons une décision positive sur un moratoire sur l'expulsion et un programme inclusif de régularisation, nous devons veiller à ce que ces populations vulnérables aient un meilleur accès aux services essentiels et qu'elles jouissent des mêmes normes d'emploi et des mêmes recours juridiques que les autres Canadiens.
Nous croyons aussi que, parmi ces services, l'accès universel aux soins de santé est essentiel à la santé générale de toutes nos communautés. C'est une question de santé publique. Nous vivons dans des communautés où nos écoles, nos hôpitaux, nos lieux de travail, nos systèmes de transport en commun et nos centres communautaires sont tous interreliés. Il est primordial que tous les membres vivant dans ces communautés et utilisant ces systèmes soient en bonne santé grâce à un accès à des soins de santé primaires publics.
Bien que la maladie soit un épisode normal de la vie que l'on peut traverser en ayant accès à des soins de santé et des prestations sociales, les personnes sans statut sont fortement pénalisées si elles tombent malades. Elles n'ont pas d'assurance et ne peuvent avoir accès à des soins médicaux complets. Elles doivent payer leurs médicaments, les consultations médicales et les séjours à l'hôpital; toutefois, elles ne sont pas admissibles au bénéfice des prestations d'invalidité ou de maladie.
La maladie entraîne une grave situation de crise, puisque les personnes sans statut perdront simultanément leur emploi, leur logement et leur santé. En outre, la maladie représente un obstacle de taille à la régularisation, en raison de la non-admissibilité pour des raisons d'ordre médical. Cette catégorie vise injustement les personnes atteintes d'une invalidité et ne reconnaît pas que la société est composée d'individus ayant des capacités variables.
Les politiques d'immigration canadienne qui empêchent les personnes atteintes d'invalidité d'obtenir le statut de résident permanent contribuent à une discrimination systématique et sont contraires à la Loi sur les droits de la personne.
Vivre sans statut, c'est vivre dans l'instabilité et l'incertitude. Les individus sans statut et les familles aux statuts divers vivent dans la crainte que la vie qu'ils ont si difficilement bâtie peut être anéantie à tout moment par une expulsion. Travailler et survivre sans prestation sociale est un autre facteur de stress. L'anxiété, l'inquiétude et l'épuisement mental sont le lot des personnes sans statut. Cette population risque la dépression. Tout cela a un impact négatif sur la santé mentale de la personne et la santé de l'ensemble de la communauté. Un programme de régularisation pourrait contribuer sensiblement à régler un important problème de santé mentale.
L'accès à l'éducation est un autre obstacle que doivent surmonter les familles sans statut dans les communautés. Bien que le droit à l'éducation soit garanti par les lois canadiennes d'immigration et par la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, dont le Canada est un signataire, les enfants sans statut n'ont toujours pas un accès illimité à l'éducation et ce, en raison de nombreux facteurs. Les parents sans statut qui essaient d'inscrire leurs enfants dans les écoles canadiennes doivent encore affronter un personnel qui ne connaît pas les droits de tous les enfants à l'éducation. Par conséquent, les enfants nés au Canada de parents sans statut peuvent aussi rencontrer des obstacles à leur éducation. Les conseils scolaires partout au pays diffusent encore des renseignements sur les inscriptions et produisent des formulaires d'inscription exigeant que soient fournis des renseignements sur le statut d'immigrant des enfants, avec documents à l'appui.
Pour aggraver la situation, au cours des dernières années, nous avons vu de nombreux cas où des agents de l'ASFC se sont servis des écoles pour arrêter des familles sans statut. Dans un cas en particulier, des enfants ont été utilisés comme appât pour piéger la mère.
Quand vient le temps des études postsecondaires, aucune option n'est offerte aux étudiants sans statut. Les jeunes qui ont grandi au Canada et qui ont fait la majeure partie de leurs études primaires et secondaires dans des écoles canadiennes ont le droit de poursuivre des études collégiales et universitaires. Or, les étudiants sans statut sont traités comme des citoyens de deuxième classe et sont relégués aux mêmes domaines d'emploi précaire que leurs parents.
L'accès aux services d'urgence pour la communauté sans statut est aussi une question de sécurité publique. Nous le voyons clairement dans des situations de violence familiale où la femme craint d'appeler la police parce qu'elle n'a pas le statut d'immigrante. Nous avons vu des cas malheureux de femmes sans papiers qui ont signalé des incidents de viol simplement pour aboutir dans un centre de détention et faire face à l'expulsion sans même avoir de procès. De même, les témoins de crime hésitent encore à faire des déclarations aux services de police partout au Canada parce que leur statut d'immigrant ou celui des membres de leur famille pourrait être révélé.
Personne ne devrait avoir peur d'appeler la police pour des raisons d'immigration. Les tâches des services de police et celles des agents chargés de l'application de la Loi sur l'immigration devraient être séparées. Les policiers doivent servir et protéger nos communautés, et non servir d'agents de l'ASFC qui appliquent les politiques d'immigration.
Le conseil des services de police de Toronto a fait certains progrès à cet égard en adoptant une politique « d'accès sans peur » qui offre une protection limitée aux victimes et aux témoins d'un crime. Il reste encore beaucoup à faire partout au pays pour assurer la sécurité des communautés.
Un programme de régularisation ne doit comprendre aucun critère lié aux casiers judiciaires ou aux antécédents criminels.
On utilise la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés pour punir le crime, ce qui équivaut à une double incrimination pour les gens sans statut et les immigrants, un système dans lequel ils sont doublement punis pour le même crime, ce qui est contraire aux principes mêmes de notre système de justice pénale. Cela crée en outre un système de justice pénale à deux vitesses, dans lequel des citoyens sont punis une fois et tous les autres, deux fois.
À mesure que nous travaillons à la mise en oeuvre d'un programme de régularisation qui répond aux besoins multiples des personnes, des familles et des communautés sans statut qui travaillent et qui vivent au Canada, il importe de travailler en étroite collaboration avec les communautés touchées, les organismes ainsi que les universitaires pour s'assurer que la mise en oeuvre de ce programme est pertinente et efficace.
Les chercheurs universitaires et les organismes de défense ont cerné des obstacles aux politiques « d'accès sans peur ». Ils ont aussi fait ressortir les effets négatifs d'une existence sans statut sur les individus, la santé publique, la santé mentale ainsi que le bien-être des femmes, des familles et des enfants.
Enfin, la solution à la situation de crise que vivent les travailleurs sans papiers ne peut être un élargissement des programmes de travail temporaire, ni l'augmentation des permis de travail temporaire et des visas de travail. L'immigration canadienne ne peut devenir une agence de travail temporaire que l'on glorifie et qui accepte que l'on traite les immigrants comme une marchandise bon marché et exploitable.
Au cours du mois dernier, nous avons vu le gouvernement préconiser des changements à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés à la Chambre des communes, par l'entremise de la Loi sur l'exécution du budget. Malgré les démentis persistants du gouvernement, ces changements draconiens donneront de vastes pouvoirs au ministre, qui pourra décider quelles catégories de demandes d'immigration seront traitées, ignorées ou rejetées. Ils limiteront également plusieurs types de demandeurs, en raison des motifs d'ordre humanitaire que les parrains peuvent invoquer pour faire venir les membres de leur famille au Canada.
Si les modifications actuelles sont mises en oeuvre, le ministre aura le pouvoir de refuser d'examiner les demandes présentées par des agences pour des réfugiés et des immigrants qui se trouvent à l'extérieur du Canada. Le gouvernement a souvent laissé entendre que le recours aux agences était la façon de combler les lacunes de nos lois en matière d'immigration. Si ces changements sont adoptés, ce recours ne sera plus disponible.
Pour terminer, nous disons que pour être efficace, le programme de régularisation doit être inclusif sur le plan de l'admissibilité, mais aussi des coûts. Nous ne nous opposons pas au recouvrement des coûts, mais nous savons aussi que des coûts élevés peuvent représenter un obstacle, en particulier pour l'ensemble des familles, les familles monoparentales et les jeunes. La mise sur pied d'un programme de régularisation est un investissement qui doit être planifié de manière à en maximiser la portée afin que le plus grand nombre possible de demandeurs qualifiés puissent s'en prévaloir.
Je vous remercie. Je m'excuse pour la longueur de mon exposé, mais de nombreuses organisations font partie de notre campagne.
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Je n'ai qu'une déclaration verbale, puisque j'ai appris que le comité permanent tenait des audiences la semaine dernière seulement.
Pendant le peu de temps dont je dispose, j'ai l'intention d'aborder deux sujets: les travailleurs étrangers temporaires, plus particulièrement le programme des travailleurs agricoles saisonniers, et les consultants en immigration. Je ne sais pas comment ces sujets ont été séparés, mais je ne peux pas me diviser en deux, et je suis ici aujourd'hui et j'aborderai ces deux questions.
Je vais parler de mon expérience à titre d'avocate à l'African Canadian Legal Clinic. Il s'agit d'une clinique spécialisée d'Aide juridique Ontario, dont le mandat est de participer à des causes dont la solution fera jurisprudence contre le racisme systémique qui touche la communauté canadienne africaine en Ontario. Nous plaidons en faveur des Canadiens africains afin de protéger leurs droits en tant qu'êtres humains. Dans notre travail de promotion des droits, nous recevons tous les jours des appels de Canadiens africains concernant des questions d'immigration. Je vais parler à la lumière de cette expérience.
Parlons d'abord des consultants en immigration. À notre clinique, nous avons eu notre juste part de clients abusés ou exploités par des consultants en immigration dont ils espéraient de l'aide. Nous avons vu des gens qui ont payé d'énormes sommes d'argent en échange d'un travail qui n'a pas été fait ou qui l'a mal été. Nous avons vu des gens dont les chances d'admission ont été réduites à zéro par l'incompétence des consultants qu'ils avaient embauchés. Nous avons vu des gens dont les chances d'avenir ont été anéanties. Nous avons vu des gens à qui on avait donné de faux espoirs alors que leur cause ne tenait pas, mais à qui on a soutiré de fabuleuses sommes d'argent.
Ces histoires sont chose courante dans bon nombre de communautés d'immigrants. La question n'est pas de discourir sur le fait que ces incidents se produisent, mais bien de savoir ce que le gouvernement canadien devrait faire à cet égard. Ce qu'il faut vraiment, c'est un système de reddition de comptes qui soit efficace. Le système actuel d'autoréglementation par l'Association canadienne des conseillers professionnels en immigration ne fonctionne pas. Il présente des faiblesses, de nombreuses lacunes et il ne comporte aucun mécanisme de reddition de comptes. Les consultants en immigration agissent en toute impunité.
Ce que nous proposons, dans les provinces où le barreau réglemente actuellement les techniciens juridiques, c'est que le gouvernement fédéral travaille conjointement avec ses homologues provinciaux pour faire en sorte que les barreaux réglementent également les consultants en immigration. Ces derniers font un travail semblable à celui des techniciens juridiques. Il n'y a aucune raison pourquoi les barreaux ne devraient pas réglementer les consultants en immigration s'ils réglementent déjà les techniciens juridiques.
Le problème, c'est que ce ne sont pas tous les barreaux qui réglementent les techniciens juridiques. En Ontario, ceux-ci sont assujettis à un règlement, mais ce n'est pas uniforme partout au Canada. Nous proposons donc que le gouvernement se penche sur la mise en place d'un système d'octroi de permis pour les consultants en immigration, qui prévoirait l'établissement de normes de compétence et d'un mécanisme de réglementation.
Dans le cadre de ce mécanisme de réglementation, il faut établir un système de plaintes indépendant par lequel les victimes d'exploitation peuvent trouver des recours et déposer des plaintes sans avoir peur. C'est pourquoi nous proposons un système indépendant, parce que de nombreuses personnes n'ont pas de statut et ne vont pas se manifester auprès d'une agence du gouvernement. Les espoirs en ce sens seraient vains dès le départ. Il faut un système indépendant.
En outre, pour garantir que les gens portent plainte et qu'ils ne sont pas exclus parce qu'ils ont peur, vous devriez permettre aux tierces parties de porter plainte. Les organisations, les conseils ou les gens qui sont entrés en contact avec des victimes pourraient déposer ces plaintes.
Parlons maintenant des travailleurs étrangers temporaires, du programme des travailleurs agricoles saisonniers. Je vais aborder certains problèmes que rencontrent les travailleurs. Je parlerai aussi de certaines solutions que le gouvernement fédéral peut mettre en oeuvre pour régler ces problèmes.
J'aimerais aussi attirer votre attention sur le caractère racial de ce programme. L'histoire du programme prend racine dans les Caraïbes. Il a débuté en 1966 avec des travailleurs de la Jamaïque. Depuis ce temps, il a attiré des travailleurs dont la plupart sont originaires des Caraïbes.
À l'heure actuelle, tous les travailleurs du programme sont racisés. Ils sont originaires du sud, principalement du Mexique et des Caraïbes. Environ 40 p. 100 des 20 000 travailleurs proviennent des Caraïbes, notamment de la Jamaïque, de Trinité, de la Barbade et de l'Organisation des États des Caraïbes orientales. Environ 80 p. 100 de ces personnes travaillent en Ontario.
En raison de leur statut, les travailleurs agricoles migrants sont très vulnérables à l'exploitation et aux mauvais traitements. Leur vulnérabilité fait en sorte que les abus passent inaperçus. Parce qu'ils sont racisés, ils font l'objet de racisme non seulement de la part des employeurs, mais aussi des communautés, des gens dans les communautés où ils travaillent. Ces travailleurs se retrouvent pour la plupart dans des communautés rurales, à prédominance blanche.
Nous avons aussi entendu des travailleurs se plaindre de leurs piètres conditions de travail. Les travailleurs des Caraïbes, par exemple, ont comparé leurs conditions de travail à de l'esclavage des temps modernes. Ils connaissent un isolement social extrême. Beaucoup viennent ici pour de longues périodes de temps, pouvant aller jusqu'à huit mois. Beaucoup reviennent ici chaque année. Ils sont séparés de leur communauté et de leur famille pour de longues périodes de temps. Il s'agit d'une perturbation sociale extrême. Ils n'ont aucune possibilité d'être réunis avec leur famille lorsqu'ils sont au Canada.
Ils peuvent aussi être renvoyés très rapidement. S'ils font valoir leurs droits, ils peuvent être rapatriés. Ils vivent sous cette menace constante. Ils n'ont pas d'autre choix que de se taire et d'endurer des conditions de travail défavorables et de mauvais traitements, s'ils en sont victimes.
Que pouvons-nous faire à cet égard? Que peut faire le gouvernement fédéral?
Soyons clairs dès le départ. Ces travailleurs agricoles migrants fournissent une main-d'oeuvre dont on a bien besoin. Ils sont un atout pour le Canada. Ils comblent un manque de main-d'oeuvre et contribuent à l'économie du pays. Ils font les longues heures, les longues journées de dur labeur que les travailleurs canadiens ne veulent pas faire.
En moyenne, les travailleurs migrants travaillent 6,7 jours par semaine, 9,5 heures par jour. Il ne fait aucun doute que le Canada a profité de ce programme. En effet, dans toute son histoire, le Canada a profité de la main-d'oeuvre immigrante, depuis les travailleurs chinois qui ont construit les chemins de fer jusqu'aux travailleurs agricoles manuels qui ont défriché et colonisé l'Ouest.
Or, avec les avantages vient la responsabilité de protéger les droits des travailleurs que nous faisons venir et dont nous tirons profit, la responsabilité de leur assurer les droits et les protections qui leur sont dus en vertu des lois canadiennes.
Le gouvernement fédéral doit travailler avec ses homologues provinciaux pour garantir la protection de ces droits. Pour commencer, il doit exiger des comptes aux employeurs qui maltraitent les travailleurs et il doit mettre en place des mécanismes de réparation et des recours pour les travailleurs qui ont été maltraités. À cet égard, nous appuyons la demande des TUAC visant la création d'un processus d'appel pour les cas de rapatriement.
Le gouvernement fédéral peut fournir un financement et un soutien aux services de défense de ces travailleurs — par exemple, les services de défense et l'aide offerte aux travailleurs qui sont rapatriés, qui ont présenté des demandes d'indemnisation des accidents du travail ou qui ont interjeté appel.
Le gouvernement fédéral peut aussi améliorer les conditions de vie et de travail de ces migrants en fixant des normes minimales de conditions de vie et en établissant des mécanisme de surveillance et d'inspection régulières.
Le gouvernement peut permettre à ces travailleurs de demander le statut de résident permanent en créant un programme spécial comme celui conçu pour les aides domestiques, qui peuvent demander ce statut après avoir travaillé au Canada pour une certaine période de temps et après avoir démontré qu'ils peuvent bien vivre et travailler en permanence au Canada. À l'heure actuelle, les travailleurs sont soumis à un travail temporaire indéfini. Chaque année, ils sont ici temporairement sans pouvoir demander le statut de résident permanent.
Le Canada doit aussi signer la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants, qui contient des protections et des droits pour empêcher l'exploitation des travailleurs. À l'heure actuelle, le Canada n'est pas signataire de cette convention.
On dit que le Canada n'a pas signé la convention parce qu'il a un système d'immigration supérieur, qui permet aux gens de venir ici et de demander le statut de résident permanent et la citoyenneté. Cela ne s'applique pas aux travailleurs agricoles migrants, qui vivent ici de façon temporaire. Ce ne sont que des travailleurs temporaires, et la possibilité de demander le statut de résident permanent ne leur est pas offerte.
J'aimerais terminer en disant que ce serait négligent de ma part de ne pas mentionner le , qui touche fondamentalement tout ce dont nous parlons aujourd'hui. Je sais que le comité a divisé ses travaux par sujets, mais le projet de loi touche vraiment et fondamentalement ce dont nous parlons.
Je partage les préoccupations que d'autres ont soulevées au sujet des changements apportés à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et les pouvoirs extraordinaires qui seront conférés au ministre, et l'élimination des demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire. Je ne parlerai pas de l'essentiel de ces préoccupations, mais j'aimerais parler du processus.
Ces changements sont profonds et fondamentaux. Dans une démocratie comme la nôtre, nous devons en débattre, réellement, comme nous le faisons ici. Ils doivent être soumis au processus législatif, et non se glisser en douce par le truchement d'un projet de loi budgétaire. Nous demandons donc que cette question fasse l'objet d'un débat public complet et ouvert et de consultations exhaustives.
J'aimerais aussi ajouter que cela nous ramène à la belle époque où... Qui donc décide de ce qui est bon pour le Canada et quels immigrants sont souhaitables? L'histoire du Canada est remplie d'exemples de groupes — auxquels beaucoup parmi nous appartiennent — qui étaient considérés indésirables. Le fait de se départir d'un système objectif — la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés assure un équilibre entre la subjectivité et l'objectivité — pour adopter un système arbitraire va toucher fondamentalement la façon dont l'immigration est traitée au Canada, ce qui mérite des consultations publiques et exhaustives.
Merci.
Je suis très heureux de vous voir tous ici.
Sima, je me rappelle que nous nous sommes battus pour la famille Sossa. Je saisis l'occasion de raconter à mes collègues l'histoire de la famille Sossa, qui venait du Costa Rica. Les enfants avaient des résultats exceptionnels à l'école. Les agents d'immigration sont allés à l'école et ont tenu les enfants en otage pour essayer de tromper leurs parents, afin de les attraper et de les déporter. C'était tout simplement répréhensible. J'ai signalé l'affaire à la Chambre à l'époque; j'ai présenté le cas à la Chambre. Quoi qu'il en soit, la ministre a dit que pareille situation ne se reproduirait jamais plus.
Je le souligne parce que notre bureaucratie ne semble pas très transparente dans ses actes, ce qui met vraiment en évidence la nécessité de nous doter de bonnes normes de responsabilité politique, de transparence et de surveillance. Nous avons investi beaucoup d'argent et d'efforts pour faire sortir la famille Sossa. Les enfants allaient très bien. La famille était bien établie dans la collectivité. Le père était contremaître sur un site de construction de sa ville et sa femme travaillait très fort ailleurs, si je ne me trompe pas. Elle faisait du ménage ou un autre travail que les autres personnes ne veulent pas faire.
J'ai l'impression que nous avons là le candidat parfait pour venir au Canada. Mais que faisons-nous donc? Nous avons fini par le renvoyer du pays, avant de le ramener ici. Nous avons gaspillé énormément d'argent, de temps et d'efforts dans cet exercice. Il y a des travailleurs sans papiers comme lui partout. Il aurait été tellement plus simple de prendre des mesures pour régulariser sa situation. Comme on l'a déjà mentionné, il y a beaucoup de gens ici qui vivent dans l'ombre. Il faut régulariser leur situation, comme l'ancien gouvernement s'apprêtait à le faire quand il a été défait. Vous connaissez la suite, les bureaucrates se sont dit: « Oh, voilà notre chance de faire échouer le projet encore une fois, parce que nous sommes contre. » La situation de ces personnes est essentiellement le résultat des erreurs que nous avons commises en modifiant le système de points de la Loi sur l'immigration en 2002.
Je le mentionne aux membres du comité parce que c'est l'exemple parfait d'occasion où nous aurions pu économiser beaucoup d'argent. Nous aurions pu nous économiser beaucoup d'efforts. Nous aurions pu nous économiser beaucoup de maux de tête. Nous aurions pu éliminer une partie de l'arriéré, mais à la place, nous avons choisi de dépenser notre argent de cette façon.
Madame Chen, je suis d'accord avec ce que vous avez dit sur le , parce que nous finirons nécessairement par donner de plus grands pouvoirs à la bureaucratie et retirer aux tribunaux, de même qu'aux politiciens, à ce comité et à la ministre leur rôle de surveillance, ce qui est très dangereux. Donc quand vous dites que oui, nous « racialisons » nos travailleurs agricoles migrants, c'est exactement que ce que nous avons fait avec les Chinois. Nous les avons fait venir ici, ils ont construit le chemin de fer, puis nous nous en sommes débarrassés au moyen de la loi d'exclusion des Chinois et avons créé une taxe sur les Chinois.
Vous faites un travail remarquable sur un sujet qui n'est probablement pas très populaire. Comment faites-vous pour survivre? J'aimerais vraiment le savoir. Je vous félicite de ce que vous faites, mais comment arrivez-vous à survivre en tant que défenseurs de ces travailleurs?