Monsieur le président et honorables membres du comité, je vous remercie de me donner l’occasion d’examiner avec vous le rapport Arar que le juge O’Connor a présenté en septembre 2006 et dont le volume II a paru en décembre 2006.
J’ai joué le rôle de procureur de la commission d’enquête sur l’affaire Arar, dont les délibérations ont duré deux ans et demi. Je voudrais, dans le temps limité qui m’est attribué, me concentrer sur les recommandations formulées par le juge O’Connor dans les volumes I et II de son rapport.
Je vais commencer par situer le contexte.
Comme vous le savez, Maher Arar est un citoyen canadien qui a été arrêté à l’aéroport Kennedy, à New York, en septembre 2002, pendant qu’il y faisait escale sur son chemin de retour à Montréal. Il a été détenu par les autorités américaines pendant 12 jours, puis a été envoyé en Syrie, son pays de naissance. Là, il a été interrogé, torturé et détenu dans des conditions inhumaines pendant près d’un an. Il a été relâché le 5 octobre 2003 et est rentré au Canada.
À ce jour, il n’a jamais été accusé d’une infraction quelconque par les autorités canadiennes, américaines ou syriennes. En janvier 2004, le gouvernement fédéral a déclenché une enquête publique à cause de pressions croissantes relativement au rôle des responsables canadiens dans le traitement de M. Arar aux États-Unis et en Syrie.
L’enquête publique comprenait deux parties. La première était une enquête sur les faits, dans le cadre de laquelle le juge O’Connor a examiné le rôle des responsables canadiens dans le traitement de M. Arar. Dans la seconde partie, qui consistait en un examen de la politique, le juge O’Connor devait recommander la création d’un mécanisme indépendant d’examen des activités de la GRC en matière de sécurité nationale.
Pour ce qui est de la partie I consacrée aux faits — quoi, où, pourquoi et comment —, je ne m’arrêterai qu’aux principales conclusions. La commission s’est beaucoup intéressée aux renseignements communiqués par les autorités canadiennes et surtout par la GRC. Ayant examiné l’ensemble de la preuve, le juge O’Connor a conclu que la GRC avait fourni aux autorités américaines des renseignements inexacts, peu fiables et trompeurs, qui présentaient certainement une image très négative de M. Arar. Vous devez situer cette conclusion dans le contexte de l’époque. C’était un an après les attentats du 11 septembre 2001. Comme l’a dit un témoin, les autorités américaines avaient évidemment une montée d’adrénaline chaque fois qu’il était question de présumés terroristes.
La commission a également établi que les enquêteurs de première ligne ont communiqué aux autorités américaines, notamment le FBI, des renseignements trompeurs sur M. Arar pendant qu’il était en détention aux États-Unis et qu’il était soumis à des interrogatoires.
Pour ce qui est de son séjour aux États-Unis, il n’a pas été prouvé que des responsables canadiens ont joué un rôle quelconque dans la décision américaine de détenir M. Arar. Toutefois, il est établi que les Américains se sont fondés sur de faux renseignements qui leur ont été communiqués par la GRC et qui ont sûrement joué un rôle dans sa détention.
Comme je l’ai dit, 12 jours plus tard, M. Arar était envoyé en Syrie. Même si les autorités américaines avaient la possibilité de l’envoyer à la frontière canadienne, à 300 km de là, elles ont préféré lui faire parcourir 4 800 km pour l’expédier en Syrie parce qu’elles estimaient ne pas devoir le laisser libre de se promener dans les rues au Canada.
En Syrie, comme je l’ai déjà dit, M. Arar a été torturé et détenu dans des conditions inhumaines pendant près d’un an. Malheureusement, même si des fonctionnaires consulaires canadiens ont pu le voir à huit reprises pendant cette période, ils n’ont pas pu se rendre compte qu’il était torturé à cause de la façon dont les entrevues se sont déroulées. Des responsables syriens étaient présents à ces rencontres et, à cause d’un manque de formation à cet égard, les fonctionnaires canadiens n’ont pas su reconnaître que M. Arar était soumis à la torture.
À son retour au Canada, en octobre 2003, beaucoup de renseignements trompeurs concernant M. Arar ont malheureusement été rendus publics. La publication de ces renseignements violait les principes de la sécurité nationale parce qu’ils étaient confidentiels et donnaient l’impression que M. Arar était un homme dangereux et un terroriste. Il est vraiment malheureux que ces fuites n’aient jamais fait l’objet d’un examen dans le cadre d’une procédure judiciaire. À ce jour, rien ne s’est passé.
Le juge O’Connor a formulé 23 recommandations dans la première partie de son rapport. Je concentrerai mes observations sur les plus importantes.
La première concerne l’échange de renseignements. Il est évident que le Canada doit continuer à partager de l’information avec ses partenaires étrangers, mais le juge O’Connor estime qu’il faut d’abord vérifier la pertinence, la sûreté et l’exactitude de cette information et s’assurer que sa communication se fait conformément à nos lois sur la protection des renseignements personnels.
Il a également recommandé que les membres ou les enquêteurs de la GRC chargés d’affaires touchant la sécurité nationale reçoivent une meilleure formation. Il peut s’agir d’excellents policiers, mais ils n’ont pas nécessairement les compétences nécessaires pour mener des enquêtes de sécurité nationale.
Il a également dit que la GRC ne devrait jamais communiquer des renseignements à un pays qui ne respecte pas les droits de la personne si ces renseignements peuvent entraîner d’une façon quelconque des tortures ou un traitement inhumain pour un Canadien détenu à l’étranger. Autrement dit, les responsables du Canada ne doivent pas être complices dans des affaires de torture.
Il a dit à cet égard que si nous acceptons des renseignements provenant d’un pays qui ne respecte pas les droits de la personne, nous devons tenir compte des conséquences politiques et des effets sur les droits de la personne. En d'autres termes, nous devons en évaluer la fiabilité car, par définition, ces renseignements sont ordinairement d’une sûreté très douteuse.
Passons maintenant à la deuxième partie du mandat de l’enquête Arar, qui consistait à formuler des recommandations sur un mécanisme d’examen des activités de la GRC. Le juge O’Connor a conclu que le mécanisme existant est tout à fait insuffisant pour un certain nombre de raisons.
Avec le temps, le volume des échanges d’information de la GRC a considérablement augmenté. La Gendarmerie est maintenant investie de pouvoirs accrus de police, surtout dans le domaine de la sécurité nationale. Certaines pratiques, comme les activités intégrées avec d’autres partenaires, doivent être soumises à un mécanisme examen plus efficace.
Le juge O’Connor estime, à cause de la nature secrète des activités ou des enquêtes de sécurité nationale, qu’il est difficile de compter sur une approche fondée sur les plaintes parce que les citoyens ne savent en général pas si ces activités sont contraires aux lois et aux politiques en vigueur.
Il recommande donc que le nouvel organisme d’examen soit habilité à entreprendre de sa propre initiative une vérification des activités de la GRC dans le domaine de la sécurité nationale. Il s’agirait d’un pouvoir très semblable à celui qui est déjà conféré au Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité à l’égard des activités du SCRS.
Encore une fois, ce genre de pouvoir est nécessaire parce que les enquêtes portant sur la sécurité nationale échappent ordinairement à la compétence des tribunaux.
Le juge O’Connor a également recommandé que le nouvel organisme d'examen soit investi de pouvoirs d’enquête étendus semblables à ceux qui sont conférés à une commission chargée d’une enquête publique. Il a examiné les relations entre l’actuelle Commission des plaintes du public contre la GRC et la Gendarmerie royale du Canada et a conclu que la CPP est inefficace à cause de son accès limité à l’information de la GRC.
Il a recommandé que le nouvel organisme soit habilité à déterminer l’information dont il a besoin pour s’acquitter efficacement de son mandat et ait le pouvoir de citer des témoins à comparaître, de les contraindre à témoigner, etc.
Le nouvel organisme, auquel il a donné le nom de Commission indépendante d’examen des plaintes contre la GRC et des activités en matière de sécurité nationale, ou CIE, serait habilité à examiner toutes les activités de la GRC, et pas seulement dans le domaine de la sécurité nationale. Il a dit que c’était une question de jugement, mais qu’il était préférable qu’un seul organisme contrôle tout ce que fait la Gendarmerie. Pour lui, nous avons besoin d’un organisme qui connaisse bien le travail de la police et des organismes d’exécution de la loi et qu’il y aurait des conflits de compétence si des commissions distinctes étaient chargées de la sécurité nationale et des autres activités.
À cause de la nature hautement intégrée de la plupart des enquêtes portant sur la sécurité nationale — l’enquête Arar en est un bon exemple puisqu’il a fallu examiner les activités de la GRC, du SCRS, de l’ASFC, etc. —, le juge O’Connor a estimé que les autres organismes s’occupant de sécurité nationale, comme l’ASFC, le MAECI et autres, devraient être assujettis à l’examen.
Enfin — je vois que mon temps de parole est presque écoulé —, il a recommandé de créer un autre comité indépendant, composé des présidents de la CIE et du CSARS, du commissaire du CST et d'une personne indépendante, qui serait chargé de coiffer toutes les activités d’examen touchant la sécurité nationale confiées à ces organismes et de recevoir les plaintes du public à cet égard. Une fois saisi d’une plainte, le comité déterminerait lequel ou lesquels des trois organismes devraient participer à son examen et formulerait, à l’intention du gouvernement, des recommandations sur la politique future d’examen en matière de sécurité nationale.
Je pourrais poursuivre, mais je crois qu’il est préférable de laisser le reste pour la période des questions.
Je voudrais ajouter, en conclusion, que si nous finissons par avoir ce genre de mécanisme efficace d’examen des activités relatives à la sécurité nationale, nous n’aurons plus besoin d’enquêtes publiques coûteuses et d’autres enquêtes spéciales comme celles que nous avons eues ces cinq dernières années. Il s’agirait d’un organisme restructuré plutôt que d’une nouvelle bureaucratie, qui, à notre avis, sera efficace et, ce qui est plus important, qui respectera les droits de la personne.
Je vous remercie.
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Merci beaucoup, monsieur le président et honorables membres du comité.
Je comparais devant vous, à titre de commissaire à la protection de la vie privée du Canada, parce que la Loi sur la protection des renseignements personnels confère au commissariat le pouvoir de recevoir des plaintes au sujet des pratiques de traitement des renseignements personnels de plus de 250 ministères et organismes fédéraux, et de mener des enquêtes et des vérifications liées à ces pratiques. Les organismes assujettis à loi comprennent la GRC, le SCRS et d’autres organismes nationaux de sécurité tels que le CANAFE.
Je suis accompagnée aujourd’hui de Chantal Bernier, commissaire adjointe à la protection de la vie privée et ancienne sous-ministre adjointe de Sécurité publique et Protection civile Canada, et de Carman Baggaley, qui a comparu avec moi devant les commissions O’Connor et Major.
Je crois que tous les membres du comité disposent de deux documents que mon bureau vous a fournis la semaine dernière. Le premier donne un aperçu des lois de sécurité nationale et de surveillance adoptées par plusieurs pays depuis 2001. Il montre à quel point la situation sociale et politique a changé depuis les attentats du 11 septembre.
Je vais commencer par dire quelques mots de la façon dont les organismes de sécurité sont assujettis aux lois sur la protection de la vie privée.
Les cas que vous examinez sont particulièrement révélateurs. Les hommes qui ont fait l’objet des enquêtes que vous étudiez ont horriblement souffert. Toutefois, à part les sévices qu’ils ont subis, le premier de tous les malheurs qu’ils ont connus a été l’atteinte à leur vie privée.
Tout d’abord, comme l’a mentionné M. Cavalluzzo, le juge O’Connor a noté que des renseignements inexacts et trompeurs les concernant ont été compilés. Cela signifie que leurs renseignements personnels ont été communiqués de façon abusive. Enfin, ces mêmes renseignements ont été utilisés pour justifier leur détention, leur déportation et, ultérieurement, leur torture.
[Français]
Selon la législation canadienne, le droit à la vie privée ne se limite pas à déterminer qui peut recueillir des renseignements personnels. Les lois visant la protection de la vie privée déterminent également qui est responsable de protéger ces renseignements, de s'assurer qu'ils sont exacts et de limiter leur communication à des tiers. Les conclusions établies dans les rapports O'Connor et Iacobucci ont remis en question les pratiques des organismes canadiens de sécurité en la matière. Les deux rapports soulignent à quel point il est primordial, pour les responsables de ces organismes, de gérer adéquatement la collecte, la validation, la communication et l'examen minutieux du partage des renseignements personnels.
[Traduction]
Le commissaire Iacobucci a conclu, dans le cadre de son enquête, que des renseignements inexacts ont été recueillis au sujet de ces personnes, que des renseignements inexacts ont été communiqués à d’autres États et que les mesures de sécurité entourant ces dossiers n’ont pas été adéquatement observées. Des renseignements trompeurs, inexacts ou périmés ont été conservés au dossier et communiqués à trop grande échelle, les mises en garde au sujet de l’utilisation de ces renseignements ayant été minimes ou absentes.
Les pratiques gouvernementales de protection de la vie privée doivent être mieux définies et les renseignements de nature délicate, protégés. Ce besoin n’a jamais été aussi pressant, compte tenu des défis auxquels nous faisons face en matière de sécurité nationale. Pour aborder ce deuxième enjeu, le second document que nous vous avons transmis présente notre point de vue sur la manière dont la surveillance et les pratiques en matière de protection de la vie privée et des données peuvent être améliorés au sein du gouvernement.
[Français]
Bien que j'aie plusieurs suggestions à vous présenter, le message que je tiens à vous transmettre est le suivant: à l'ère de la collecte de renseignements et de la surveillance réseautées, le Canada doit adapter sa méthode de surveillance et d'examen en conséquence. Une surveillance et une reddition de comptes adéquates en matière de sécurité nationale permettent de garantir le respect du droit à la vie privée des Canadiennes et des Canadiens.
[Traduction]
On oppose souvent le concept du droit à la vie privée à celui de la sécurité. Margaret Bloodworth, ancienne conseillère en matière de sécurité nationale, avait fait état de cette dichotomie avant son départ à la retraite. Selon elle, protéger le droit à la vie privée des citoyens n’est pas simplement un enjeu pour la communauté canadienne du renseignement, mais bien le plus important des enjeux auquel la collectivité est confrontée. J’ajouterais que la sécurité et le droit à la vie privée ne s’excluent pas mutuellement. Nous n’avons pas à sacrifier l’une au profit de l’autre, et nous ne devrions pas le faire.
[Français]
Comme l'ont souligné d'autres témoins experts, un des plus grands enjeux du XXIe siècle au chapitre de la sécurité nationale est la gestion des données. Dans un monde complètement branché et réseauté, comment un organisme peut-il exercer un contrôle de la qualité et une surveillance? Compte tenu de la complexité des opérations de renseignement interorganismes, interadministrations, internationales et intersecteurs, qui peut s'assurer d'un tel niveau de surveillance mondiale?
[Traduction]
Un récent rapport du Bureau du vérificateur général du Canada sur l’échange de renseignements et d’information insiste sur le fait que « la surveillance ne doit pas se limiter à un seul organisme afin de refléter la nature intégrée des activités liées à la sécurité nationale ». Voilà les principaux points que je voulais vous soumettre.
Je vais maintenant passer rapidement en revue nos sept recommandations.
Premièrement, nous recommandons d’adopter une démarche intégrée en matière d’examen de la sécurité pour permettre davantage de coordination et de coopération concernant les enquêtes et les rapports dans tout le réseau. Cette démarche a d’ailleurs été recommandée par le juge O’Connor et, d’après ce que j’ai pu constater, elle a porté ses fruits au Commissariat. Par exemple, les enquêtes menées conjointement avec les bureaux provinciaux et les rapports conjoints avec le Bureau du vérificateur général ont été concluants. L’ensemble des spécialistes de l’examen pourraient bénéficier d’une telle stratégie.
Deuxièmement, nous devons nous pencher sur les pratiques de protection de la vie privée des organismes chargés de la sécurité. Les ministères et les organismes doivent modifier leur manière de traiter l’échange de renseignements personnels et la gestion des données. L’établissement de nouveaux niveaux de surveillance ne remédiera pas aux problèmes s’ils ne sont pas assortis des contrôles internes appropriés. Une formation améliorée sur la théorie et la pratique de la protection de la vie privée, des pratiques équitables de traitement des renseignements et une protection adéquate des données personnelles pourraient entraîner des changements majeurs.
Troisièmement, il faut nommer des responsables de la protection de la vie privée partout dans l’administration fédérale et, en particulier, dans les ministères et les organismes où la collecte de renseignements personnels de nature délicate est généralisée aux termes de leur mandat.
Quatrièmement, nous devrons mettre à la disposition de la Commission des plaintes du public contre la GRC les ressources et les pouvoirs nécessaires pour qu’elle puisse effectuer des examens plus sérieux. M. Cavalluzzo a couvert ce sujet d’une manière très complète.
Cinquièmement, il faut demander au Conseil du Trésor et aux ministres d’établir de nouvelles exigences pour les ministères et les organismes en matière de vie privée. Les ministères et les organismes doivent intégrer à leurs activités de solides ententes sur l’échange de renseignements, grâce à des évaluations des facteurs relatifs à la vie privée et à des orientations et directives claires en matière de vie privée.
[Français]
Sixièmement, réformer — comme je l'ai dit devant plusieurs autres comités de la Chambre des communes — la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui date de 1983. À la lumière de ce que nous avons appris, je crois que les ministères doivent être soumis à des normes plus strictes en matière de protection de la vie privée, de traitement des renseignements et de protection des données personnelles. Dernièrement, j'ai soumis au gouvernement 10 modifications simples qui pourraient resserrer les contrôles sur l'échange de renseignements à l'échelle internationale, exiger des ministères qu'ils évaluent la pertinence des renseignements qu'ils recueillent et attribuer à la Cour fédérale un plus grand rôle dans l'examen des infractions à la loi.
[Traduction]
Enfin, dans notre septième recommandation, nous exhortons le Parlement à augmenter les ressources et à intensifier la contribution de votre comité et de son homologue au Sénat. Ces comités peuvent exercer une surveillance plus active des organismes de sécurité nationale et de leurs opérations. Les mécanismes actuels d’examen parlementaire pourraient profiter de la mise en commun des compétences, de la coordination des examens et de l’échange d’information.
En conclusion, permettez-moi, monsieur le président, de vous faire part de quelques réflexions.
Le système canadien d’examen et de surveillance a fonctionné tout au long des années 1980 et 1990. Cependant, les contraintes qui pèsent sur le système depuis le 11 septembre ne sont que trop évidentes. La situation doit être corrigée. Un cadre de surveillance rigide et localisé n’est plus possible à l’ère des réseaux mondiaux d’échange de renseignements. Je reconnais qu’il n’y a aucune solution miracle aux enjeux complexes abordés, mais je suis très consciente des conséquences humaines sérieuses et bien réelles qui découlent des mauvaises pratiques de traitement des renseignements personnels et de gouvernance. Le commissariat se penche sur ces cas tous les jours.
Merci beaucoup, monsieur le président, du temps et de l’attention que vous m’avez accordés. Mes collaborateurs et moi-même serions heureux de répondre à vos questions.
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Permettez-moi d’ajouter qu’à part la question de savoir qui siège au comité et de qui il relève, il faut savoir ce qu’il est habilité à faire. Quels sont ses pouvoirs?
L’une des raisons pour lesquelles nous avons jugé que la Commission des plaintes du public contre la GRC est inefficace, c’est qu’elle dépend des plaintes du public. Je comprends cette situation parce que le Commissariat a, lui aussi, des pouvoirs d’enquête sur les plaintes, mais si je n’avais eu que cela dans mon mandat, nous aurions été beaucoup moins efficaces.
Par conséquent, il est extrêmement important que ce comité puisse prendre des initiatives, qu’il ait un pouvoir de vérification, qu’il puisse exiger la production de documents et soit en mesure de définir les questions qu’il a à examiner.
Je vais vous donner un exemple du travail que nous avons fait récemment. Nous avons un pouvoir de vérification dans l’administration fédérale. Après le début de l’enquête O’Connor, vers le moment où nous avons comparu, nous avons entrepris une étude des fichiers inconsultables. Il s’agit de bases de données au sujet desquelles les gens se posent des questions. Est-ce que je figure dans ce fichier? Le gouvernement tient-il un dossier sur moi? La GRC n’a pas à répondre à ces questions parce que ces fichiers sont secrets.
Comme nous l’avons dit dans un rapport spécial déposé au Parlement, nous avons découvert que la GRC, malgré ce qui se passait dans l’affaire Arar, avait négligé de nettoyer ses banques de données pour s’assurer que tous ces citoyens... Je crois que nous avons trouvé des milliers d’innocents citoyens qui étaient inscrits dans ces fichiers inconsultables et qui pouvaient donc être qualifiés de « personnes d’intérêt » dans des fichiers de police, mais qui n’étaient pas autorisés à savoir pour quelle raison ils avaient été fichés.
J’ai déposé le rapport intégral au Parlement. Je suis sûre que les membres du comité en ont pris connaissance.
Quoi qu’il en soit, sans un pouvoir de ce genre, le comité ne serait pas autorisé à aller fouiller dans les coins sombres pour voir ce qui se cache sous la poussière.
Je remercie encore les témoins de leur présence aujourd’hui.
Avec tout le respect que je dois à mes collègues d’en face et sans vouloir me lancer dans un sermon, je voudrais brièvement signaler trois points.
Même si j’ai lu le rapport... Ce rapport ne traite pas simplement de l’échange général de renseignements qui pourraient concerner le gouvernement. Il s’agit de l’échange de renseignements faux, trompeurs et inexacts qui peuvent affecter la vie des gens. Dans le rapport du juge O’Connor, de multiples recommandations parlent de gens qui sont des Canadiens.
Cela m’amène à mon deuxième point: Non seulement la vie privée et la sécurité ne s’excluent pas mutuellement, mais elles sont intimement liées et ne peuvent pas aller l’une sans l’autre. Nous ne sommes pas en sécurité si nous ne pouvons pas protéger notre vie privée. Autrement, nous n’aurions qu’un faux sentiment de sécurité. On ne peut pas dire qu’elles ne sont pas nécessairement inconciliables. En réalité, elles sont très intimement liées l’une à l’autre. À défaut, les Canadiens ne sont pas en sécurité.
Voilà la fin de mon sermon. Excusez-moi. Amen. Je veux prêcher.
J’en viens à ma question. Ce rapport traite essentiellement de la vie privée et de l’information. La plupart des recommandations portent sur l’information et l’échange de renseignements inexacts. C’est là qu’intervient le concept de la catégorisation. Quand les gens sont étiquetés, c’est déjà répréhensible, mais quand les étiquettes sont communiquées soit à des organismes intérieurs soit, pire encore, à des partenaires étrangères peu fiables, nous avons un énorme problème. Le rapport dit très clairement — à la recommandation 5, je crois — que le ministre doit donner des directives pour empêcher la GRC et tout autre organisme intéressé de catégoriser les gens.
Savez-vous si des directives ministérielles à cet effet ont été émises depuis 2006 — nous sommes maintenant en 2009 —, date de publication de ce rapport?
C'est drôle, mais à la toute fin, si j'avais eu le temps, j'allais poser la question que mon collègue vient de poser. Je peux peut-être vous en parler maintenant.
Il n'y a pas de suggestion à ce sujet dans le rapport O'Connor. Il y a quand même eu un projet de loi, qui a été présenté par Mme McLellan du gouvernement précédent, afin de créer ce type de comité. Depuis, rien ne s'est produit.
En réponse aux questions de M. Oliphant, je pense qu'il est essentiel que l'on catégorise les personnes sur lesquelles enquêtent les policiers. Que ce soit lors des enquêtes sur le crime organisé ou davantage encore en matière de sécurité nationale, lorsque la police soupçonne des gens, il est important que les autres corps policiers sachent que ces personnes sont soupçonnées. Même si les policiers ne savent pas encore si les soupçons sont justifiés ou non, il est essentiel que les personnes soupçonnées soient catégorisées lors du travail d'analyse des renseignements criminels.
Par exemple, on a parlé des personnes d'intérêt. À mon avis, M. Arar en était une. Toutefois, il y a des milliers de personnes d'intérêt qui ne sont pas des terroristes. Si on les rencontrait en d'autres circonstances, ou si on les observait, on pourrait vérifier s'il y a autre chose qui pourrait justifier leur passage de « personne d'intérêt » à « personne soupçonnée », et de « personne soupçonnée » à « personne confirmée » et de « personne dont on est sûrs ».
Je voudrais connaître l'opinion de Mme Stoddart. À mon avis, une catégorisation de ce genre doit demeurer secrète, justement parce qu'elle peut être inexacte, et parce que si l'on veut que les enquêtes donnent des résultats, on ne doit pas les faire connaître aux individus qui font l'objet d'enquêtes. De tels soupçons peuvent être communiqués à d'autres pays ou aux agences d'autres pays.
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Merci. Je remercie les témoins d’avoir pris le temps de venir aujourd’hui.
De toute évidence, le droit à la vie privée est très important. C’est l’un des droits les plus importants dont jouissent les Canadiens. Bien sûr, il faut faire la part des choses et trouver un juste équilibre entre ce droit et d’autres, comme le droit à la sécurité. Je suis sûr que vous en convenez. J’apprécie le souci du détail et la profondeur de la réflexion que reflètent certaines de vos recommandations.
Lorsque nous examinons des recommandations de ce genre, nous nous soucions toujours du prix à payer. Je parle non seulement des coûts financiers et logistiques, mais aussi du coût d’option. Par exemple, chaque minute qu’un agent de la GRC consacre à remplir des papiers ou à vérifier qu’il n’empiète pas indûment sur la vie privée de quelqu’un correspond à un coût d’option parce que l’agent doit renoncer à consacrer cette minute à son enquête. Nous devons toujours nous efforcer de trouver le juste équilibre.
Voici où je veux en venir. Je suis sûr qu’ayant beaucoup réfléchi à tous les détails de vos recommandations, vous avez pensé à la logistique et aux coûts, y compris le coût d’option.
Je vais prendre quelques-unes des recommandations de votre rapport pour illustrer mon propos. Vous parlez d’imposer aux organismes de sécurité d’améliorer la formation sur les théories et les pratiques liées à la vie privée, de nommer des responsables de la protection de la vie privée partout dans l’administration fédérale, de donner à la Commission des plaintes du public contre la GRC les ressources nécessaires pour s’occuper de la protection de la vie privée, de demander au Conseil du Trésor et aux ministres d’émettre de nouvelles directives, notamment en ce qui concerne les évaluations des facteurs relatifs à la vie privée, d’augmenter les ressources de notre comité et de celui du Sénat. Toutes ces mesures ont un prix comprenant un coût financier et un coût d’option.
Je me demande si vous avez beaucoup réfléchi à l’importance des ressources nécessaire pour mettre en œuvre ces recommandations. Combien coûterait l’application de ces recommandations? Avez-vous pensé à la nécessité d’un équilibre entre la protection de la vie privée et d’autres activités que doivent assumer ces organismes? Pouvez-vous me donner une idée du prix en ressources, en coûts financiers et en coûts d’option?