Je m'appelle Margaret Trottier et je suis analyste principale de politiques à la Direction de la mise en oeuvre des politiques au ministère de la Justice. Je suis chargée du Programme de financement des tribunaux de traitement de la toxicomanie.
Compte tenu du lien entre la toxicomanie et la criminalité, le Programme de financement des tribunaux de traitement de la toxicomanie a été mis sur pied en 2005. Il s'agit d'un partenariat politique entre le ministère de la Justice et Santé Canada qui permet aux autorités fédérales de la Justice et de la Santé d'expérimenter des approches horizontales pour s'attaquer à la problématique que représentent les délinquants toxicomanes dans le système de justice pénale.
Les objectifs du Programme de financement des tribunaux de traitement de la toxicomanie sont de promouvoir et de renforcer l'utilisation de solutions autres que l'incarcération pour les délinquants toxicomanes; de mieux faire connaître les tribunaux de traitement de la toxicomanie aux personnes qui oeuvrent dans le domaine de la justice pénale, de la santé et des services sociaux ainsi qu'au grand public aux et de recueillir des renseignements et des données sur l'efficacité de ces tribunaux afin que nous puissions promouvoir des pratiques exemplaires.
Le Programme de financement des tribunaux de traitement de la toxicomanie, qui s'inscrit dans le plan d'action de la Stratégie nationale antidrogue, soutient à titre de projets pilotes, six tribunaux de traitement de la toxicomanie répartis aux quatre coins du pays. Ces tribunaux sont situés à Toronto, Vancouver, Edmonton, Winnipeg, Ottawa et Regina. Leur budget annuel est de 3,6 millions de dollars.
Les tribunaux de traitement de la toxicomanie opèrent dans le cadre du système de justice pénale. Ils déploient des efforts concertés alliant une surveillance judiciaire à un traitement de désintoxication pour aider les récidivistes dont les actes criminels sont motivés par leur toxicomanie à sortir du cycle de la toxicomanie et de la récidive.
Les personnes accusées d'une infraction reliée à la drogue ne sont pas automatiquement renvoyées vers un tribunal de traitement de la toxicomanie. Ces tribunaux n'acceptent pas, par exemple, les accusés violents ou impliqués dans le trafic de la drogue. Si l'accusé s'est servi d'un jeune âgé de moins de 18 ans pour commettre l'infraction ou s'il s'est introduit par effraction dans une résidence, il n'est pas admissible à un tribunal de traitement de la toxicomanie.
Pour participer au Programme de tribunaux de traitement de la toxicomanie, il faut se rendre au tribunal jusqu'à deux fois par semaine, se soumettre à de fréquents tests de dépistage de la drogue pratiqués à l'improviste et participer à un programme de traitement. Le participant doit se rendre au tribunal régulièrement afin que le tribunal soit informé de ses progrès, puisse récompenser ses bons résultats ou sanctionner ses mauvais résultats ou imposer des nouvelles conditions ou des interventions pour l'aider à se sortir de la criminalité et de la toxicomanie.
Les clients des tribunaux de traitement de la toxicomanie continuent de participer au programme, en général pendant plus d'un an, jusqu'à ce qu'ils remplissent les critères de réussite. Pour réussir le programme, ils doivent s'abstenir de toute consommation de drogues pendant la période prescrite, respecter toutes les conditions qui leur ont été imposées et s'établir de façon stable dans la collectivité.
Les participants au programme ne parviennent pas tous à la réussite. Certains sont renvoyés du programme parce qu'ils ont fait l'objet de nouvelles accusations, parce qu'ils ont été malhonnêtes avec le tribunal, parce qu'ils ont enfreint de façon répétée les conditions imposées ou parce qu'ils n'ont pas suivi le traitement. Les tribunaux de traitement de la toxicomanie ont pour but de réduire les torts que les gens causent à eux-mêmes et à autrui en consommant de la drogue et de réduire le risque que ces personnes continueront de consommer de la drogue et continueront donc d'avoir des démêlés avec la justice.
Les projets pilotes que soutient le Programme de financement des tribunaux de traitement de la toxicomanie exigent une excellente collaboration entre les professionnels de la justice et de la santé au niveau local. Le Programme de financement des tribunaux de traitement de la toxicomanie ne prescrit pas le modèle à suivre. Chacun de ces tribunaux a donc ses caractéristiques particulières qui tiennent compte des besoins de la population de délinquants de la ville où il est situé.
Comme je l'ai mentionné, un autre objectif du Programme de financement des tribunaux de traitement de la toxicomanie est de mieux faire connaître les tribunaux de traitement de la toxicomanie aux intervenants et au grand public. Les efforts déployés à cet égard comprennent notamment l'appui accordé à la Canadian Association of Drug Treatment Court Professionals pour des conférences nationales qui ont eu lieu en 2006 et 2008 ainsi que pour des tables rondes, en 2007 et 2009. Nous subventionnons également un babillard électronique qui facilite l'échange de pratiques exemplaires et des leçons apprises entre les tribunaux de traitement de la toxicomanie des différentes régions du pays.
Enfin, nous centrons nos efforts sur la collecte de données nationales pendant que nous appliquons les recommandations de l'évaluation sommative. Dans le cadre de la gestion permanente du programme, Justice Canada est déterminé à réexaminer et réévaluer ce programme afin de déterminer si cette approche novatrice est efficace dans le cas des délinquants toxicomanes qui se retrouvent dans le système de justice pénale.
Comme la majorité des tribunaux pilotes fonctionnent depuis moins de quatre ans, les données disponibles ne permettent pas encore de déterminer si les tribunaux du traitement de la toxicomanie constituent l'intervention pénale la plus appropriée pour les délinquants toxicomanes ou s'il s'agit de la solution la plus efficace ou la plus rentable pour faire face au problème de la toxicomanie dans le système de justice pénale.
Le a récemment annoncé que le Programme de financement des tribunaux de traitement de la toxicomanie continuera de financer jusqu'au 31 mars 2012 les six tribunaux pilotes qui existent actuellement pour permettre de continuer à étudier l'efficacité de ces tribunaux au Canada.
Voilà qui conclut ma déclaration préliminaire au sujet du Programme de financement des tribunaux de traitement de la toxicomanie. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Je m'appelle Doug Brady et je suis le directeur du Edmonton Drug Treatment and Community Restoration Court, ainsi que le directeur national intérimaire de la Canadian Association of Drug Treatment Court Professionals
La Canadian Association of Drug Treatment Court Professionals est un organisme récemment constitué qui s'intéresse au développement et à la viabilité des tribunaux de traitement de la toxicomanie au Canada et qui démontre leur efficacité en procédant à une évaluation nationale approfondie de ces tribunaux. Je vais vous parler un peu de l'organisation ou de l'origine des tribunaux de traitement de la toxicomanie.
C'est à Miami, en 1989, que l'on a créé le premier tribunal de traitement de la toxicomanie parce que les toxicomanes revenaient constamment devant les tribunaux et représentaient un trop lourd fardeau pour le système carcéral. Les autorités avaient constaté que dans le système judiciaire traditionnel, les toxicomanes continuaient à commettre des actes criminels et n'arrivaient jamais à se sortir de leur dépendance. Les traitements, les tribunaux ou les méthodes correctionnelles traditionnels ne donnaient pas de résultats. Les autorités ont trouvé une solution en associant un traitement de désintoxication et la supervision d'un juge. En travaillant en équipe, elles ont pu apporter des changements durables dans le mode de vie et le comportement des participants.
Depuis 1989, le nombre de tribunaux de traitement de la toxicomanie a augmenté aux États-Unis, passant à plus de 2 369 — en octobre 2009 — dont plus de 1 250 tribunaux pour adultes. En 2009, le président Obama a augmenté de 250 p. 100 le financement de ces tribunaux et il leur a accordé 103 millions de dollars pour l'année à venir. C'était précédé d'une augmentation de 50 p. 100 accordée l'année d'avant par l'administration Bush.
Le premier tribunal de traitement de la toxicomanie qui a vu le jour en dehors des États-Unis est entré en fonction en décembre 1998, à Toronto, et depuis, plus de 27 programmes de ce genre ont été mis en oeuvre dans 10 pays du monde. À part les six tribunaux de traitement de la toxicomanie financés par le gouvernement fédéral, il y a trois autres tribunaux de traitement de la toxicomanie qui sont indépendants et qui ont diverses sources de financement. Il s'agit des tribunaux de Durham, Calgary et Moose Jaw qui compte actuellement un participant.
Les tribunaux de traitement de la toxicomanie fonctionnent selon le principe de la justice dite thérapeutique. C'est un programme qui fournit un traitement intensif et des services aux participants qui doivent devenir et rester désintoxiqués et sobres. Nous faisons souvent des tests de dépistage de la drogue à l'improviste, une fois par semaine ou plus souvent selon les besoins de l'intéressé. Chaque participant doit démontrer au juge du tribunal de traitement de la toxicomanie qu'il s'acquitte de ses obligations envers le tribunal, la société, lui-même et sa famille. Cela oblige le participants à comparaître souvent devant le tribunal afin que le juge puisse examiner ses progrès et le récompenser s'il progresse bien ou le sanctionner s'il ne respecte pas ses obligations.
Quelle est l'efficacité des tribunaux de traitement de la toxicomanie? Seulement 11,6 p. 100 de ceux qui suivent le programme ont de nouveau maille à partir avec la justice. Ce sont les statistiques pour le Canada de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime. Les analyses de rentabilité montrent que pour apporter un avantage économique net à l'ensemble de la société, il suffit que 8 p. 100 des délinquants vus par les tribunaux cessent de consommer de la drogue pendant cinq ans ou plus après avoir purgé leur peine et que seulement 14 p. 100 d'entre eux le fassent pour apporter un avantage économique net au système de justice pénale. Un bon nombre de nos statistiques proviennent des États-Unis parce que ce programme y fonctionne maintenant depuis plus de 20 ans. Par conséquent, certains des chiffres que je vais citer à partir de maintenant proviennent des États-Unis. Les Américains ont appris comment fonctionnent les tribunaux de traitement de la toxicomanie et ils relancent constamment ces programmes en veillant à diffuser les meilleures données.
En février 2005, le Government Accountability Office a émis son troisième rapport sur les effets des tribunaux de traitement de la drogue pour délinquants adultes. Même si, au départ, ils coûtent généralement plus cher que la probation, les tribunaux de traitement de la toxicomanie ont été jugés plus rentables à long terme parce qu'ils réduisent les efforts de la police, la charge de travail des tribunaux et la victimisation résultant de la récidive. Au Canada, ceux qui participent aux tribunaux de traitement de la toxicomanie ne sont pas admissibles à la probation. Le même genre d'examen approfondi des tribunaux de traitement de la toxicomanie a permis de conclure que ces tribunaux pour adultes réduisent largement la criminalité en diminuant le nombre de nouvelles arrestations et le taux de condamnation chez ceux qui ont suivi le programme avec succès, longtemps après la fin du programme.
Ces dernières années, les chercheurs ont continué de trouver des preuves de l'efficacité et de la rentabilité des tribunaux de traitement de la toxicomanie. L'estimation la plus rigoureuse et la plus conservatrice des effets de tout programme est obtenue grâce à une méta-analyse dans laquelle les chercheurs établissent la moyenne statistique des effets du programme d'après de nombreuses études. Quatre méta-analyses indépendantes ont conclu que les tribunaux de traitement de la toxicomanie réduisent nettement le taux de criminalité, soit d'environ 7 à 14 p. 100 en moyenne. Selon certaines évaluations, les effets sur la criminalité atteindraient 35 p. 100.
Il est important de souligner que c'est sur les délinquants à haut risque dont les antécédents criminels et les problèmes de toxicomanie sont les plus graves que ce programme a eu le plus d'effets. Cela laisse entendre que les tribunaux de traitement de la toxicomanie conviennent peut-être surtout aux délinquants les plus incorrigibles et les plus toxicomanes qu'il n'est pas possible de gérer efficacement dans la collectivité ou selon le système de probation habituel. Selon certaines statistiques canadiennes, 50 p. 100 à 60 p. 100 des actes criminels sont commis par 15 p. 100 des délinquants.
Selon une des données émanant de la National Association of Drug Court Professionals, à moins que les délinquants toxicomanes ne soient supervisés régulièrement par un juge et n'aient des comptes à rendre, 70 p. 100 d'entre eux abandonnent leur traitement prématurément. Les tribunaux de traitement de la toxicomanie ont six fois plus de chance d'inciter les délinquants à suivre le traitement suffisamment de temps pour améliorer leur condition. Pour chaque dollar investi dans ces tribunaux, les contribuables économisent jusqu'à 3,36 $ rien qu'en frais de justice pénale. Si l'on tient compte des autres économies qui résultent notamment de la réduction de la victimisation et de l'utilisation des services de soins de santé, les études montrent que chaque dollar investi peut rapporter jusqu'à 12 $. Les tribunaux de traitement de la toxicomanie engendrent des économies allant de 4 000 $ à 12 000 $ par client. Ces économies correspondent à la réduction du coût d'emprisonnement, à la diminution du nombre d'arrestations et de procès et à la réduction de la victimisation.
Pour les toxicomanes qui consomment de la méthamphétamine, les tribunaux de traitement de la toxicomanie augmentent de près de 80 p. 100 le taux de réussite des programmes de désintoxication. Si on les compare à huit autres programmes, ces tribunaux ont quadruplé les résultats en ce qui concerne l'abstinence de méthamphétamine. Les tribunaux de traitement de la toxicomanie réduisent la consommation de méthamphétamine de plus de 50 p. 100 par comparaison au traitement de désintoxication utilisé seul.
Voilà qui termine mon exposé. Je suis prêt à répondre aux questions.
Je suis la Dre Helen Ward. Je suis psychiatre. Je dirige le programme de psychiatrie judiciaire du Centre de santé mentale Royal Ottawa, qui est l'établissement psychiatrique local. Je suis également membre du comité organisateur du Tribunal de la santé mentale d'Ottawa et je suis ici pour vous parler des tribunaux de la santé mentale. Je pense être la seule à parler de cette question aujourd'hui.
Les tribunaux de la santé mentale ont vu le jour après les tribunaux de traitement de la toxicomanie lorsqu'on s'est rendu compte qu'il fallait des tribunaux pour résoudre les problèmes et que la santé mentale pouvait également être abordée de cette façon. Nous sommes un peu en arrière sur le plan des résultats et de l'organisation.
Ces tribunaux ont commencé aux États-Unis. Le premier tribunal de la santé mentale du Canada a été établi à Toronto. Au cours des trois ou quatre dernières années, toute une série de tribunaux de la santé mentale ont été créés un peu partout dans le pays, pratiquement dans chaque ville et dans un certain sens, même les petits centres urbains ont commencé à s'intéresser à la santé mentale.
Ce phénomène est dû à la prise de conscience de la criminalisation des malades mentaux et à l'effet Penrose. Vous savez sans doute qu'il y a eu, effectivement, une transinstitutionalisation. Dans les années 50, nous avions un grand nombre de places dans les hôpitaux psychiatriques et maintenant nous avons un grand nombre de places dans les établissements carcéraux. La diminution du nombre de lits psychiatriques a fait augmenter le nombre de places dans les prisons et le même nombre de malades mentaux se retrouvent dans un établissement, sauf que c'est au mauvais endroit.
Les tribunaux de la santé mentale sont là pour essayer de résoudre certains de ces problèmes. Plus particulièrement, ces tribunaux reconnaissent que si elles ne souffraient pas de troubles mentaux, certaines personnes ne se retrouveraient pas dans le système de justice pénale. Voilà le genre de personnes que nous essayons de traiter dans un tribunal de la santé mentale. Nous n'essayons pas de nous adresser à tous les criminels qui prétendent souffrir d'une maladie mentale, mais à ceux dont la maladie mentale a fortement contribué à leurs démêlés avec la justice.
Une des façons dont on le fait est en recourant à la déjudiciarisation et c'est l'un des objectifs des tribunaux de la santé mentale. À notre arrivée, nous nous sommes d'ailleurs rendu compte que les bureaux des procureurs et les tribunaux étaient déjà bien orientés vers la déjudiciarisation. Ils appliquaient la déjudiciarisation depuis longtemps.
Ceux qui volent à l'étalage et qui souffrent peut-être de dépression n'ont pas besoin des tribunaux de santé mentale, pour la plupart, mais il y a des cas et des infractions plus graves reliés à des troubles mentaux auxquels l'article 16 du Code criminel ou la notion de non-responsabilité criminelle ou d'aptitude à subir le procès ne s'applique pas, mais pour lesquels se pose quand même le problème de la maladie mentale grave. Ces personnes ne sont parfois pas admissibles à la déjudiciarisation parce qu'elles ont commis une infraction de niveau deux. On ne va pas nécessairement surseoir aux accusations; elles auront à subir certaines sanctions, mais les résultats peuvent être améliorés si elles sont mises en rapport avec des services de santé mentale.
Un des principaux objectifs est de mettre les gens en rapport avec les services de santé mentale. Il y a toute une série de services différents. Il y a eu quelques améliorations, mais il est très difficile pour les malades mentaux et leur famille d'avoir accès aux services dont ils ont besoin dans le système psychiatrique civil. Ces personnes se retrouvent donc souvent devant ce qu'on appelle un tribunal de la santé mentale.
Une autre chose importante à considérer, surtout dans le cas des personnes souffrant d'une maladie mentale grave, est qu'elles ne savent pas toujours très bien pourquoi elles sont devant le tribunal. Elles ne savent pas toujours très bien comment fonctionne le système judiciaire et peuvent souvent le trouver très intimidant. Dans bien des cas, elles se retrouvent devant des avocats de la défense qui ne savent pas exactement comment communiquer avec elles ou qui ne comprennent pas leurs problèmes ou les questions à leur poser au sujet de leurs problèmes. Tout cela joue un rôle dans la façon dont elles sont traitées par le tribunal.
Comme vous le savez sans doute, les malades mentaux qui sont condamnés pour une infraction purgent souvent une peine plus longue que les autres, pour une même infraction. C'est sans doute dû à plusieurs raisons. L'une d'elles est que la personne qui souffre d'une maladie mentale grave n'a pas toujours quelqu'un pour la soutenir. Une autre est que lorsqu'elle se retrouve en prison, son comportement risque de lui valoir la peine maximale ou une nouvelle condamnation.
Comme les tribunaux de la santé mentale ne sont pas encore très développés et que ce n'est pas encore une responsabilité fédérale évidente, les tribunaux de la santé mentale qui ont vu le jour dans les différentes régions du pays sont très diversifiés. Ils ont tendance à suivre un modèle assez informel.
Par exemple, à Ottawa, nous avons lancé notre tribunal de la santé mentale sans aucun financement supplémentaire. Nous avons compté sur nos propres ressources. Nous avons pris une partie des ressources que l'hôpital avait obtenues pour des cliniques locales, et nous avons commencé à gérer une clinique locale au tribunal. L'Association canadienne pour la santé mentale avait été payée par la province pour engager des travailleurs des services d'approche et nous avons plus ou moins élargi le rôle de ces travailleurs. Le procureur de la Couronne a nommé un procureur adjoint de la Couronne auprès du tribunal de la santé mentale. Nous avons donc regroupé nos ressources dans un tribunal, mais sans financement supplémentaire. C'est assez courant un peu partout au Canada. Les gens ont simplement constaté que ces tribunaux étaient nécessaires et ont commencé à en créer.
À Toronto, le modèle utilisé recourt à un grand nombre de comparutions, comme ce qu'on vous a dit à propos des tribunaux de traitement de la toxicomanie. L'accusé comparaîtrait souvent devant le juge et un travailleur social est au tribunal pour l'aider. Un financement supplémentaire a été obtenu pour aider ces personnes à avoir accès aux ressources existant dans la collectivité. C'est le modèle utilisé à Toronto.
Au Nouveau-Brunswick, on établit un programme que l'intéressé s'engage à suivre. À la fin du programme, il obtient un certain résultat. Cela se compare à un autre tribunal très intéressant, même s'il est à l'extérieur du Canada, le Brooklyn Mental Health Court, qui est un tribunal de la santé mentale. Il offre aux malades mentaux qui ont commis une infraction très grave un placement et un traitement pour leur maladie mentale plutôt que la prison. C'est le genre de choses que nous voulons essayer d'offrir ici dans la mesure du possible.
À Ottawa, nous avons un tribunal que nous tenons à garder très souple. Il n'est pas nécessaire de remplir de nombreuses exigences pour y participer. Il faut souffrir d'une maladie mentale et cette maladie doit avoir largement contribué à l'infraction. Il faut aussi être prêt à suivre un traitement. C'est à peu près tout. Nous essayons d'amener les gens à suivre un traitement. Ensuite, nous avons des rencontres préalables au procès au cours desquelles des représentants de différent services de santé mentale décident avec les procureurs de la suite juridique à donner. Cela peut être un engagement de ne pas troubler l'ordre public en vertu de l'article 810, mais cela peut être aussi une peine conditionnelle à purger à domicile et une nouvelle période de probation, mais c'est moins que la peine qui aurait été infligée autrement.
Si nous examinons en quoi consiste un tribunal de la santé mentale — comme il y a des bons documents sur le sujet, j'essaierai de ne pas trop entrer dans les détails — je dirais qu'il faut vraiment un personnel spécialisé. Il faut des équipes qui connaissent bien la question et qui ont reçu une certaine formation et il faut donc que les procureurs de la Couronne et idéalement, le service d'aide juridique, l'avocat de service aient reçu une formation spéciale. Il faut que tout le monde puisse recevoir cette formation. Il faut vraiment que ceux qui s'occupent du traitement collaborent avec le tribunal. Comme je l'ai dit, nous gérons une clinique au tribunal même. Les gens peuvent nous voir, mon équipe et moi, et commencer à recevoir un traitement organisé par le tribunal. Bien entendu, il faut aussi que les juges soient prêts à examiner ces questions et soient bien informés.
Le financement est très important. Il n'est toutefois pas nécessaire d'avoir beaucoup d'argent. Comme je l'ai indiqué, vous pouvez faire beaucoup avec presque pas de fonds supplémentaires, mais il serait très important, pour tous ces tribunaux, de disposer d'un petit montant d'argent pour payer des coordonnateurs.
En ce qui concerne les résultats, nous sommes moins bien informés au sujet des résultats des tribunaux de la santé mentale que pour ceux des tribunaux de traitement de la toxicomanie, et ce que nous savons vient surtout des États-Unis. Le juge Schneider, qui gère le tribunal de la santé mentale de Toronto, a écrit un livre sur le sujet qui a été publié l'année dernière. Dans cet ouvrage, il dit qu'il n'y a pas encore eu de bons résultats, surtout au Canada, et je serais d'accord avec lui. Toutefois, les renseignements préliminaires en provenance des États-Unis montrent que si vous comparez l'interaction des gens avec le système de justice pénale au cours de l'année qui a précédé leur comparution devant le tribunal de la santé mentale et l'année d'après, leur taux d'arrestation a été quatre fois moins important, ce qui représente une nette amélioration. Cela montre également que ceux qui ont suivi le programme risquent beaucoup moins de récidiver que ceux qui ne l'ont pas fait.
Bien entendu, il y a aussi des résultats que vous pouvez mesurer. Il est très clair, d'après les données de notre tribunal, que les résultats s'améliorent sur le plan de la santé mentale. Les gens vont mieux. Ils continuent d'aller mieux. Ils suivent un traitement. Ils trouvent un logement, ce qui est souvent un facteur très important. Et ces personnes risquent beaucoup moins de se retrouver dans les établissements psychiatriques, ce qui coûte encore plus cher. Si elles séjournent dans un hôpital psychiatrique, c'est encore plus coûteux que si elles se retrouvent en prison.
Nous ne savons pas encore vraiment si c'est avantageux sur le plan financier. Il ne faut pas oublier que si vous sortez des gens du système carcéral pour les placer dans le système psychiatrique, les deux sont financés par l'État. En fait, il s'agit de veiller à ce que les gens obtiennent le bon traitement et si c'est le cas, ils resteront en bonne santé et n'auront pas besoin d'être hospitalisés. Bien entendu, nous sommes un système de traitement géré par la province, et c'est donc difficile, mais selon moi, il faudrait mettre en place des meilleures dispositions juridiques pour traiter ceux qui souffrent d'une maladie mentale grave. Cela contribuerait au succès des tribunaux de la santé mentale.
Enfin, quels sont les défis? Il faut faire accepter ce modèle. Il faut le faire accepter par la Couronne. Il faut le faire accepter par les avocats de la défense. Les avocats de la défense se méfient souvent du tribunal de la santé mentale parce qu'ils peuvent conclure des ententes assez avantageuses avec un procureur de la Couronne dans un autre tribunal. Ils ne font donc pas toujours comparaître les gens devant un tribunal de la santé mentale s'ils pensent que ce ne sera pas utile.
Mes collègues ne sont pas toujours contents de mon rôle auprès du tribunal de la santé mentale. Ils trouvent que je leur apporte trop de clients. C'est peut-être vrai, mais ce sont des clients dont ils devraient s'occuper de toute façon. Quand mes patients, que j'ai trouvés au tribunal de la santé mentale, se présentent dans leurs salles d'urgence, mais sont maintenant en contact avec des gens qui défendent leurs intérêts, cela les soumet à certaines pressions. Cela les oblige à les soigner.
Voilà ce que j'avais à dire. Je peux répondre à vos questions plus tard.
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Les personnes qui se présentent devant les tribunaux de traitement de la toxicomanie comptent généralement parmi les plus défavorisés de la société. Très souvent, elles sont sans abri. Elles ont de très grands besoins et, en raison de leurs antécédents, elles risquent fort de récidiver.
Il est difficile de faire une évaluation nationale et d'en tirer des données concluantes, notamment en raison de la nature différente de chaque tribunal. Comme l'a dit la Dre Ward, les tribunaux sont conçus de façon à répondre aux besoins particuliers et à la structure propre à chaque collectivité. Je peux dire qu'à Ottawa, les participants à notre programme — nous les évaluons très attentivement au préalable et nous avons de longs entretiens avec eux — consomment en moyenne chaque jour pour 500 $ de drogue avant d'arriver chez nous. Évidemment, toute cette consommation doit être financée au moyen d'activités criminelles. Bien sûr, vous ne commettez pas pour 500 $ d'activités criminelles pour acheter 500 $ de drogue. Le coût de ces activités est beaucoup plus élevé.
Nous avons analysé l'impact de notre programme et constaté que sur une période d'un an, la valeur de la drogue qui n'a pas été consommée dans notre collectivité s'élève à 3 millions de dollars. Cela ne tient même pas compte des activités criminelles requises pour financer cette consommation. Je pense donc que ces tribunaux sont très efficaces.
Pour ce qui est de réduire les activités criminelles, au cours de notre première année d'existence, nous fonctionnions différemment. N'oubliez pas que les tribunaux de traitement de la toxicomanie existent au Canada depuis environ trois ans, depuis le dernier accord de financement, et que nous apprenons au fur et à mesure. Au cours de notre première année, environ 40 p. 100 de nos clients ont récidivé pendant qu'ils participaient au programme. Nous avons augmenté l'intensité du programme. Nous avons tenu compte du raisonnement des criminels. Cela nous a permis de réduire cette proportion à environ 14 p. 100. Elle a encore diminué depuis.
N'oubliez pas qu'il y a deux types de récidives: celles pour lesquelles le délinquant est attrapé et celles pour lesquelles il n'est pas attrapé. Celui qui consomme pour 500 $ par jour de drogue commet un acte criminel chaque jour — de nombreux actes criminels. J'ai récemment parlé à un client qui m'a dit qu'il volait toute la journée dans les magasins, jusqu'à leur fermeture et qu'ensuite il volait dans les automobiles. Je dirais que chaque journée pendant laquelle un client est au tribunal de traitement de la toxicomanie, ne consomme pas de drogue et ne commet pas d'actes criminels est une bonne journée pour notre collectivité.
J'ai deux choses à mentionner brièvement avant que nous ne levions la séance.
Premièrement, monsieur Davies, je remarque que vous êtes accompagné, aujourd'hui, de votre femme et de votre fille. Nous sommes heureux de les accueillir au comité comme invitées spéciales.
Je tiens à remercier les témoins pour leur comparution. Nous avons beaucoup apprécié votre témoignage qui nous sera certainement très précieux pour produire une étude à ce sujet. Merci pour votre présence ici aujourd'hui.
Très rapidement, comme il ne nous reste qu'une réunion avant l'ajournement pour le congé de Noël et que nous avons un témoin qui comparaîtra jeudi, je suggère que nous prenions la dernière demi-heure de la réunion de jeudi pour régler les questions en suspens, pour discuter de nos travaux futurs, si le comité est d'accord.
Une voix: C'est raisonnable.
Le président: Le comité est-il d'accord? Très bien.
Merci, encore une fois, à nos témoins et nous nous reverrons jeudi.
La séance est levée.